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3 Les trois tensions stratégiques

[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans la vidéo précédente, je vous ai présenté ces trois dimensions cruciales
de toute négociation, les personnes, les problèmes, le processus. Et dans chacune de ces dimensions,
on retrouve un dilemme classique, c'est-à-dire un choix délicat ou une tension stratégique. En fait, il
s'agit à chaque fois de prêter attention à deux pôles opposés. Par exemple, vous devez à la fois
écouter et parler. Evidemment, vous ne pouvez pas faire les deux à la fois. Pour gérer correctement
cette tension que je vais vous présenter, la première étape consiste déjà à en prendre conscience. En
ce qui concerne tout d'abord la dimension des personnes, la tension s'exerce entre l'affirmation de
soi et l'empathie. En tant que négociateur, je dois m'affirmer, je dois m'exprimer efficacement afin
de faire passer mon message de façon claire et percutante. Mais cette affirmation de soi, si elle
m'aide à clarifier mes intentions, si elle dissipe tout malentendu, si elle me sert à défendre ce qui me
semble essentiel, ne suffit pas, parce que je dois aussi écouter l'autre pour comprendre ses
préoccupations, ses priorités, ses contraintes. Dans toute négociation, il y a cette asymétrie de
l'information. L'autre sait des choses que je ne sais pas, j'ai besoin de comprendre tout cela, en se
souvenant que comprendre ne signifie pas nécessairement être d'accord avec l'autre. Mais cet effort
d'empathie aura généralement un effet positif sur la relation, ce qui va aider à discuter du fond. Et
elle m'aidera aussi à comprendre l'impact que je peux avoir sur l'autre négociateur. L'ambassadeur
de France à Washington, Gérard Araud, ancien représentant permanent auprès des Nations unies à
New-york le répète souvent, je le cite, " il faut se mettre constamment à la place de l'autre ". Et si les
bons négociateurs savent anticiper, c'est grâce à ce sens aiguë de l'empathie. Si ce que je m'apprête
à dire risque de faire réagir mon interlocuteur dans un sens qui en fait ne m'arrange pas, je dois
essayer de formuler les choses différemment. Le fait de prêter attention à l'autre et de comprendre
sa logique m'aidera à peaufiner mes arguments, à choisir les bonnes formulations, de façon à être
plus convaincant. Et dans la vidéo suivante, j'aborderai plus en détail l'écoute, la parole, comme
étant deux outils durant une négociation. En ce qui concerne à présent la dimension des problèmes,
là la tension, dilemme stratégique, s'exerce entre la coopération et la compétition. Ces deux
stratégies s'opposent, comme l'a démontré l'économiste Nash en 1950. Mais les négociateurs ont
besoin de conjuguer les deux approches. A travers la coopération, les deux négociateurs contribuent
conjointement à générer ensemble sur la table des choses qu'ils ne pourraient pas obtenir seuls
séparement. Ils vont créer de la valeur. Donc ensemble, nous créons des gains communs, nous
agrandissons la taille du gâteau. Mais à travers la compétition, chaque négociateur va essayer de
s'octroyer une part plus grande de cette valeur. Et là, nous allons plutôt nous affronter pour
déterminer qui obtiendra quelle part du gâteau. Et cette articulation entre coopération et
compétition génère ce que William Zartman a appelé le dilemme du négociateur. Pour le résumer,
plus un négociateur se montre intraitable, en compétition contre l'autre, plus ses chances d'obtenir
la meilleure part du gâteau augmentent, mais plus la probabilité de trouver un accord diminue, parce
que l'autre négociateur est peu susceptible d'accepter un accord qui le désavantage. En revanche,
plus un négociateur se montre souple, coopératif, prêt à faire des concessions, plus ses chances de
conclure un accord augmentent, puisqu'il fait des efforts dans ce sens, mais plus la probabilité
d'obtenir une part équitable du gâteau diminue, parce que là c'est l'autre partie qui est susceptible
d'en tirer avantage. Alors, pour sortir de ce dilemme, il faut essayer de séquencer la négociation.
Premièrement, coopérer plutôt avec l'autre pour contribuer à créer de la valeur, tout en insistant sur
le principe de réciprocité. Moi je suis prêt à faire tous les efforts tant que je ne suis pas le seul à en
faire autour de la table. Puis deuxièmement, défendre son terrain, pour obtenir une part équitable
de ce que l'on a créé ensemble, tout en pensant long terme, ne pas rompre par un excès de
compétition la relation avec l'autre négociateur, ce qui serait risquer d'empêcher toute nouvelle
négociation dans le futur. J'aborderai plus en détail ces notions de création de valeur et de
distribution de valeur dans le prochain module de ce mooc. Enfin, sur la dimension du processus, il
existe là aussi une tension, une difficulté. La plupart des négociations, en particulier dans le milieu
professionnel, mais évidemment aussi en diplomatie, sont structurées de la manière suivante. Un
négociateur est envoyé à la table des négociations par la personne, l'autorité qui prend vraiment les
négociations. On dit que le mandataire négocie pour le compte du mandant. Par exemple, un avocat
négocie au nom de son client. C'est quand même le client qui décide in fine. Même un PDG va
négocier pour le compte de son conseil d'administration, il est mandaté. Et donc la plupart des
négociations suivent une séquence en trois étapes. Premièrement, définition en interne des
instructions que le mandant, le décideur, fournit au mandataire, le négociateur. Deuxièmement,
négociation entre les deux mandataires autour de la table et troisièmement, compte-rendu aux
mandant. Ce processus va créer une tension, plus le négociateur respecte les instructions qu'on lui a
donné, plus la probabilité de conclure un accord diminue, parce qu'il va être trop rigide. Inversement,
plus le négociateur se montre flexible, conciliant par rapport au mandat qu'il a reçu, plus il a de
chances de conclure un accord avec la partie d'en face, sauf que ce faisant, il risque d'avoir des
problèmes au retour avec son patron. Je parlerai de cette relation mandant-mandataire de façon plus
détaillée dans le troisième cours du module 3 de ce mooc. Pour conclure, là encore, essayez
d'identifier les tensions suivantes dans des négociations réelles, l'écoute et l'empathie, la création de
valeur, la distribution de valeur, et enfin cette relation parfois tendue entre le mandant et le
mandataire. Réfléchissez à des négociations réelles et affûtez votre capacité d'observation, cela vous
servira aussi dans vos négociations à vous. [AUDIO_VIDE]

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