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Négociation commerciale

UFHOB

Chapitre 2 : préparation de négociation

2.1 La préparation avant l’action


Pour commencer cette partie, je vous invite à noter sur une feuille de papier vos réponses à
la question suivante. D'après vous, dans une négociation, quels sont les facteurs de succès
typiques ?
Réfléchissez quelques minutes. Plusieurs d'entre vous ont probablement répondu la
préparation. Et vous avez raison. Certains ont peut-être noté d'autres choses comme partager
les bonnes infos, savoir avec qui on va négocier, identifier ses lignes rouges, avoir une bonne
réputation, présenter les solutions de la bonne manière etc.
Toutes ces idées sont bonnes, mais à y bien réfléchir, elles partagent un point commun. Il faut
les prendre en compte avant la négociation. Car vous auriez beaucoup plus de mal à
improviser une fois assis à la table de négociation. Et en effet, toutes ces idées reposent sur le
même principe fondamental, il faut se préparer avant d'agir en négociation.
Le président américain Lincoln avait coutume de dire, que l'on me donne six heures pour
couper un arbre, j'en passerai quatre à aiguiser ma hache. C'est la même idée. La vraie
question est la suivante, comment se préparer? Comment être sûr que vous serez prêt à
négocier même quand vous manquez de temps pour se préparer?
Donc le module 2 de ce cours va se concentrer exclusivement sur ce sujet crucial, et il va vous
proposer une méthode de préparation fiable, qui a fait ses preuves. Cette méthode présente
en effet plusieurs avantages. D'abord, elle est utile quel que soit le contexte et l'objet de la
négociation, achat et vente, management d'un projet, résolution d'un différend, elle est
utilisée dans de multiples contextes, et apporte des résultats quel que soit le temps dont on
dispose pour l'utiliser, parce qu'on peut la mettre en œuvre en quelques minutes, vous le
verrez, mais on peut aussi l'utiliser sur plusieurs semaines, en fonction évidemment de
l'importance de cette négociation.
Vous pouvez l'utiliser en solo, mais aussi en équipe. Comme vous le verrez, cette méthode
s'appuie sur les trois dimensions de toute négociation présentées dans le module 1. Qui,
quoi, comment, les personnes, les problèmes, les processus. Elle se structure selon un
système en dix éléments, pas neuf, pas onze, dix. Et d'ailleurs, au fil des ans, nombreux sont
ceux qui ont essayé d'identifier le onzième élément, celui qui manquerait. Mais jusqu'à
présent, personne ne l'a trouvé, donc on a plutôt l'impression que cette liste de dix points est
assez complète. Aimeriez-vous essayer de les identifier?
Je vous propose de réfléchir quelques instants et d'énumérer les points que vous prenez en
compte généralement quand vous voulez vous préparer à une négociation. Allez-y. Prêt? Bien.
Nous allons maintenant passer rapidement en revue ces dix points structurés autour des trois
dimensions de la négociation.
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 Dimensions des personnes :


La première dimension, on l'a vu, concerne les personnes. Qui est impliqué?
Dans une négociation, il y a trois catégories de personnes et donc trois éléments à préparer.
- Un, qui sera à la table de négociation? Qui seront les négociateurs présents? Et il faut
s'intéresser aux relations personnelles entre eux.
- Deux, qui sont les véritables décideurs dans cette négociation, ceux qui ont fixé les
instructions que les négociateurs doivent respecter? Et en général, les décideurs ne
sont pas autour de la table. Ils ont fixé un mandat aux gens qu'ils envoient négocier en
leur nom.
- Troisième catégorie de personnes, qui est dans le paysage, c'est-à-dire ni à la table de
négociation, ni au-dessus des négociateurs en situation de décider? On les appelle les
parties prenantes. Les parties prenantes sont concernées par les négociations, mais
celles-ci se déroulent en leur absence.

 Dimensions des problèmes

La deuxième dimension concerne les problèmes, quels sont les enjeux de fond.
Dans cette dimension, quatre points doivent être pris en considération pendant la
préparation.
- Quels sont les objectifs à atteindre, les priorités, les besoins, les motivations à
satisfaire?
- Quelles sont les solutions susceptibles de satisfaire les protagonistes à la table de
négociation?
- Comment justifier ces solutions pour qu'elles demeurent dans l'accord?
- Et quatre, quel est mon plan B si la négociation échoue? Ce qu'on appelle la solution
hors-table.

 Dimensions du processus
Troisième dimension, le processus. Comment mener la négociation? Et cette dimension
comprend trois éléments supplémentaires.
- L'organisation, comment allons-nous organiser la négociation, quelles sont les règles
de travail?
- La communication, comment allons-nous procéder à l'échange d'informations?
- Et enfin la logistique, c'est-à-dire l'environnement physique de la négociation.

Les prochaines étapes de ce module vous présenteront ces dix points de façon plus
approfondie. Donc l'objectif de la préparation et son esprit consistent plutôt en amont à
choisir les choses les plus utiles à mettre dans votre sac à dos avant d'entrer dans la jungle.
Ainsi, vous serez capable de saisir n'importe quelle opportunité, et mieux armé pour faire face
à bien des surprises.
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2.2 Dimension des Personnes : 3 points pour se préparer


N'oubliez pas que chaque fois que l'on négocie à propos de choses et de problèmes, on
négocie d'abord avec des personnes, avec leurs émotions, les relations qu'on entretient avec
elles, avec leurs valeurs. Et c'est bien la première dimension de toute négociaton. Dans cette
dimension des personnes, pour se préparer, il y a trois points à prendre en compte.
Le premier, les relations entre les personnes présentes autour de la table, entre les
négociateurs. Vous devez établir un diagnostic des relations existantes.
On distingue trois situations de base.
- Première situation, très courante, est la suivante, vous allez négocier avec quelqu'un
que vous n'avez jamais rencontré. Et comme vous ne connaissez pas cette personne,
la première chose que vous direz aura énormément d'importance, créera un impact
sur l'impression que vous lui ferez. Talleyrand, grand négociateur, disait, méfiez-vous
des premières impressions, ce sont souvent les bonnes. Vous avez donc intérêt à bien
peser vos mots. Inversement, votre propre impression de l'autre négociateur,
précisément parce que vous ne le connaissez pas, peut être biaisée par des
présupposés, des clichés, des stéréotypes. Donc faites preuve de bienveillance en
accordant le bénéfice du doute à votre interlocuteur. Veillez à avoir suffisamment de
temps pour faire les présentations, créez un minimum de lien avant d'aborder le fond
du problème.

- Deuxième situation, vous connaissez déjà la personne avec laquelle vous allez
négocier, et vous avez déjà établi un rapport de confiance. Votre relation est basée
sur une forme de respect. Parfait, si tel est cas, assurez-vous que ça n'a pas changé.
Vous pourrez passer rapidement à la phase de négociation.

- Troisième situation et moins sympathique. Vous avez déjà rencontré la personne,


mais il y a eu un problème un moment et cela nuit à vos relations. Comme le
démontrent les chercheurs et le confirment les praticiens, vous devez dans ce cas
trouver le moyen de stabiliser la relation avant d'aborder le fond de la négociation.

Autrement, tout ce que vous direz ou proposerez sera susceptible d'être perçu négativement
et rejeté par l'autre. Lee Ross, de l'Université de Stanford, a démontré le pouvoir
impressionnant et assez déprimant de ce biais cognitif qu'il a appelé la réaction d'évaluatoire.
Ainsi, des explications, voire des excuses, si elles sont justifiées, pour ce qui s'est passé ou
encore un petit cadeau symbolique peuvent contribuer à améliorer ses relations. Toutefois, si
vous estimez que la situation est plus grave, alors vous avez tout intérêt à revoir le casting de
cette négociation. Parce que le but n'est pas que vous soyez le négociateur, mais que la
négociation soit menée correctement, si nécessaire, par l'un de vos proches. Une dernière
option consistera à faire intervenir une tierce personne qui fera office de médiateur entre les
négociateurs.

Le mandat
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Un deuxième point à considérer dans cette préparation est le mandat. Au nom de qui
négociez-vous? Qui vous envoie à cette table de négociation? Qui vous a, de manière plus ou
moins explicite, donné mandat pour négocier? Quelles sont les instructions que vous devez
impérativement respecter dans la négociation à venir? Et vous devez aussi identifier qui est
au-dessus de votre interlocuteur à la table de négociation. Au-delà de ce négociateur, qui est
en fait le véritable décideur à convaincre.
Troisième catégorie de personnes et donc troisième point à préparer, les parties prenantes.
Ces personnes, ces entités, ces organisations ne sont pas présentes autour de la table et on a
donc tendance à les oublier ou à sous-estimer leur importance. Pourtant, la discussion qui va
avoir lieu présente des enjeux pour ces parties prenantes. Et il faut donc les identifier dès la
phase de préparation pour deux raisons principales.
Primo, même absentes de la table de négociation, les parties prenantes peuvent modifier le
rapport de force entre les deux négociateurs si elles ont pris parti pour un côté ou l'autre.
Prenons un exemple simple. Vous allez participer à une réunion, vous aimeriez promouvoir le
projet qui est cher à votre cœur. En regardant la liste des participants à cette réunion, vous
vous rendez compte que plusieurs de vos amis ne pourront pas y assister. Appelez
immédiatement certains d'entre eux et dites-leur, écoute, je vais t'envoyer un email te
demandant ce que tu penses du projet Bidule. S'il te plaît, réponds-moi en deux lignes que tu
es favorable et puis à charge de revanche. Si deux ou trois collègues vous répondent, vous
imprimez leurs e-mails, vous les apportez à la réunion. Et grâce à cette coalition de parties
prenantes, vous serez moins isolé à la table de négociation.
Seconde raison, après la négociation, les parties prenantes sont en général essentielles à la
bonne mise en œuvre d'un accord. Selon qu'elles y trouvent leur compte, elles peuvent
soutenir ou au contraire entraver, gêner la concrétisation d'un accord. Et l'objectif d'une
négociation n'est pas simplement de trouver un accord sur un bout de papier, c'est de
conclure un accord satisfaisant qui sera mis en œuvre. Voilà pourquoi il est conseillé
d'anticiper les réactions, éventuellement négatives de telle partie prenante importante dans
votre écosystème.
Pour vous familiariser avec ces trois catégories, pensez à une réunion à laquelle vous avez
récemment participé. Qui était autour de la table? Qui envoyait ces participants à cette
réunion? Et auprès de qui les participants ont du rendre compte? Ça sera la notion de mandat.
Et enfin qui n'était pas à cette réunion, mais aurait pu y assister en raison d'enjeux abordés et
dont il faudrait tenir compte, notamment pour la mise en œuvre de ce dont vous aurez
discuté. C'est en s'entraînant à repérer ces trois catégories de personnes que vous affûterez
vos compétences de négociateur mais aussi d'analyste de négociations complexes.

2.3 Dimension des Problèmes : les motivations


Dans la phase de préparation qui nous occupe ici, vous ne devez jamais oublier la raison d'être
de la négociation. On négocie, autrement dit on passe du temps à interagir avec d'autres parce
que l'on a besoin d'atteindre un objectif et que l'on pense y arriver de façon plus satisfaisante
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avec le consentement et la participation de l'autre partie plutôt que seul, par des moyens
unilatéraux. Il n'est pas de meilleur négociateur que celui qui sait où il veut aller et pourquoi.
La préparation doit donc vous aider à comprendre le plus clairement possible ce que vous
souhaitez obtenir d'une négociation donnée. Vous ne pourrez jamais atteindre vos objectifs si
vous ne les définissez pas clairement dès le départ.
La plupart des spécialistes de la négociation utilisent en général l'un ou l'autre de ces deux
termes, les objectifs ou les intérêts. Cependant, d'innombrables analyses de vraies
négociations, de discussions avec de vrais négociateurs de haut niveau permettent d'aboutir
à la conclusion suivante. Dans ces négociations, les objectifs ne sont pas toujours si objectifs
que cela, les objectifs ont tendance à inclure une bonne part de subjectivité, d'ego, d'émotion
et tout ça n'a rien à voir avec l'objectif froid. De même, la plupart des enjeux d'une négociation
ne se résume pas à la maximisation d'intérêts quantitatifs par des personnes supposées
rationnelles. Donc il faut achever de jeter à la poubelle le conte pour enfants selon lequel
l'homme serait un être rationnel, un agent économique qui chercherait à maximiser son
intérêt.
D'ailleurs, assez récemment, le Prix Nobel d'économie 2017 Richard Thaler a démontré à
d'autres que la prise de décision est infiniment plus complexe. et que l'analyse de nos priorités
est loin d'être parfaitement rationnelle. Donc les vraies négociations sont beaucoup plus
subtiles. Les négociateurs sont motivés, sont mus par bien des choses plus profondes que leurs
intérêts objectifs. Il peut s'agir déjà de principes éthiques ou bien d'émotions, la colère, la
peur, l'envie, la jalousie. Voilà pourquoi nous employons le terme motivations. Au fond de soi,
quelles sont les motivations que l'on essaie de satisfaire à travers la négociation? Et comme il
faut être au moins deux pour négocier, je dois réfléchir à mes motivations, mais aussi dans la
phase préparation, aux motivations de l'autre négociateur. Ici, efforcez-vous d'analyser en
profondeur. Au-delà d'un positionnement superficiel, je veux ceci, vous devez identifier vos
motivations profondes, pourquoi je veux telle chose? Et faire de même pour l'autre
négociateur, pourquoi demande-t-il ce qu'il demande?
Imaginez deux associés d'une startup en train de négocier leurs parts dans une entreprise
qu'ils créent ensemble et les deux insistent pour avoir plus de 50 % des parts. C'est bien sûr
totalement l'impossible. De telles demandes ne laissent aucune marge de manœuvre pour un
accord. 51 + 51 = 102 %, ça n'est pas possible. Néanmoins, en creusant plus en profondeur
pour comprendre les motivations derrière cette position, on peut imaginer le scénario suivant.
La motivation principale d'un des associés et le contrôle de l'entreprise. Il veut plus de parts
pour avoir le dernier mot dans les décisions stratégiques, mais la motivation de l'autre associé
est le retour sur investissement, il veut plus de parts pour motiver son investissement
personnel dans l'entreprise et en retirer tout le fruit. Une fois ces deux motivations clarifiées,
une solution mutuellement satisfaisante peut être envisagée.
Distinguer des parts sans droit de vote pour qu'un associé génère plus de revenus sans avoir
le contrôle de l'entreprise pour autant. Le négociateur doit donc absolument comprendre les
motivations profondes en présence. En effet, vous ne pourrez peut-être pas donner à l'autre
ce qu'il demande, la position, et cela entraînerait l'arrêt, l'échec de la négociation. Mais si vous
réussissez à comprendre pourquoi il fait cette demande, quelle est sa motivation, alors vous
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pourrez peut-être lui proposer une autre solution qui soit véritablement alignée sur sa
motivation profonde, à laquelle il n'avait pas pensée, que vous pouvez mettre en œuvre parce
que votre mandat vous l'autorise et parce qu'elle ne vous est pas très coûteuse, et
évidemment, à condition, bien sûr, que vous obteniez quelque chose en échange par principe
de réciprocité.
Pendant la phase de préparation, vous devez donc bien réfléchir pour identifier vos
motivations, ce dont vous avez besoin et pourquoi, les motivations de l'autre négociateur, de
quoi a-t-il besoin, et à votre connaissance, pourquoi. En général, c'est vrai, vous disposez de
peu d'informations à ce sujet, il est donc utile de préparer les bonnes questions à poser.
N'oubliez pas non plus d'identifier les motivations des parties prenantes concernées, donc ces
personnes qui ne seront pas présentes autour de la table, mais pour qui la négociation revêt
un enjeu. Cela vous permettra ainsi d'identifier des motivations communes et compatibles.
Par exemple, il est dans l'intérêt des deux négociateurs de conclure l'accord de manière rapide
et discrète. Ces motivations doivent être abordées en premier lieu dans la discussion car elles
vont contribuer à créer un lien de confiance qui vous sera bien utile lorsque vous aborderez
plus tard les sujets les plus contentieux. Une dernière chose. Quelle est la différence entre les
motivations et le mandat ?
En fait c'est assez simple. Une motivation signifie, j'aimerais aller le plus loin possible dans
cette direction et le mandat veut dire mon patron s'attend à ce que j'aille au moins jusque-là
et sans franchir cette ligne rouge que je dois impérativement respecter.

2.4 Dimension des Problèmes : les solutions à la table de négociation et leurs


justifications
Après avoir identifié les véritables motivations des deux parties, la prochaine partie de la
préparation consiste à imaginer des solutions à proposer à la table de négociation pour
satisfaire ces motivations. Les vôtres évidemment, mais aussi celles de l'autre partie dans une
certaine mesure, puisque vous aurez finalement besoin de son accord.
Trois choses importantes à propos des solutions négociées à la table.
La première, c'est que dans une négociation, il n'y a pas une seule solution. En général,
une combinaison de plusieurs solutions va permettre de satisfaire les différentes motivations
en jeu. Dans la plupart des négociations, on cherche donc à trouver un accord global, de ce
qu'on appelle en anglais un package deal. Et il est généralement dans votre intérêt de
distinguer diverses variables pour jouer entre elles.
Par exemple, dans le cas d'une négociation d'embauche, ces variables incluent bien sûr le
salaire, mais aussi les primes, la durée du contrat, la période d'essai, la prise en charge du
déménagement, le super hiérarchique, le partage des tâches avec l'assistant, les ressources,
le remboursements de frais.
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Deuxièmement, les solutions doivent être inventés, ne misez pas sur les routines
habituelles, ni sur les solutions immédiates qui jaillissent immédiatement à votre esprit,
réfléchissez, soyez créatif.
Troisièmement, les solutions intelligentes aident à créer de la valeur à la table de
négociation. En tant que négociateur, vous devez essayer de proposer des solutions qui ne
vous coûtent pas trop, mais qui créent de la valeur pour l'autre partie, et d'obtenir par principe
de réciprocité, des solutions qui créent beaucoup de valeur pour vous sans trop coûter à
l'autre. Et si les deux négociateurs échangent des solutions qui leur coûtent moins que la
valeur qu'elles créent pour l'autre partie, alors le résultat de cet échange est une création
nette de valeur. C'est ainsi que les négociateurs agrandissent la taille du gâteau.
Dans la phase de préparation, vous devez donc vous poser les questions suivantes.
- Quelles solutions puis-je proposer à la table de négociation?
- Quelles solutions puis-je demander à l'autre de mettre sur la table?
- Ou à quelle demande de solutions dois-je m'attendre de sa part?
- Et enfin, quelles solutions pouvons-nous demander ensemble à des parties
prenantes?
De plus, vous devez commencer à préparer l'aspect tactique de la négociation.
- Quel ensemble de solutions allez-vous proposer en premier pour ancrer les
discussions autour de ce point de départ?
- Quelles concessions pouvez-vous ensuite vous permettre?
- Quelles solutions faut-il inclure ou exclure de l'accord et dans quel ordre pour le
rendre plus intéressant pour l'autre peu à peu sans qu'il devienne trop coûteux pour
vous?
- Et posez-vous les mêmes questions pour l'autre partie. Enfin, quelles solutions de
dernier recours pourriez-vous proposer si c'est absolument nécessaire?
Après avoir identifié les bonnes solutions négociées à la table, posez-vous la question suivante,
comment faire en sorte que ces solutions soient acceptées par l'autre et restent dans l'accord
global final.
Il existe trois façons de faire accepter une solution à l'autre partie.
Première et la plus simple consiste à trouver, chaque fois que possible, une solution
qui convient à tous, on les appelle les solutions intégratives. Elles répondent à vos
motivations, mais aussi à certaines motivations de l'autre négociateur.
Et si une solution donnée ne satisfait pas les préférences de l'autre? Il faut alors essayer
d'identifier sur un autre sujets de la négociation, une solution qu'il désire, mais qui ne vous
plaît pas. Et vous pouvez alors proposer un échange, on appelle cela en anglais un trade-off.
Soit vous obtenez cette solution et j'obtiens la mienne sur l'autre sujet, soit nous acceptons
tous les deux de renoncer.
La troisième façon de procéder, touche au cœur de la négociation, convaincre l'autre
avec des arguments. Parce qu'on ne convainc pas les gens en leur criant dessus, en pleurant,
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en les suppliants. Vous convaincrez l'autre négociateur en fondant votre démonstration sur
des points de référence objectifs que personne ne peut réfuter. C'est ce que nous appelons
des justifications. Je demande telle chose et c'est justifié.
Les justifications varient selon leur contexte et l'objet de la négociation, mais l'idée générale
est restée la même. Les justifications vous servent également de boucliers, elles vous
permettent de refuser la solution de l'autre partie non pas parce qu'elle ne vous plaît pas,
même si ça peut être le cas évidemment, mais parce qu'il existe une raison légitime de la
décliner, raison à laquelle tout le monde doit se ranger. Donc en citant une raison externe, un
point de référence objectif, vous pourrez aussi préserver vos relations avec l'autre partie.

2.5 Résolution des problèmes : les solutions hors table


- Qu'allez-vous faire pour satisfaire vos objectifs, vos motivations, si la négociation
échoue?
- Ou si l'autre partie quitte la table ou si c'est vous qui rompt les négociations?
- De même, en fonction des informations dont vous disposez, selon vous, que ferez
l'autre partie de son côté si la négociation échouait?
Il est indispensable de réfléchir à ces questions quand vous préparez une négociation. Vous
devez identifier ce que nous appelons les solutions hors table. Vous pouvez considérer cela
comme votre plan B, votre position de repli. L'idée restait la même. De votre côté, que ferez-
vous s'il n'est plus possible de négocier avec le camp d'en face? Pourquoi devez-vous
absolument identifier vos solutions hors table et la meilleure d'entre elles?
Pour deux raisons principales.
Tout d'abord, un négociateur ne doit pas accepter un accord à la table si celui-ci est moins
intéressant que son plan B. Autrement dit, un accord ne sera conclu que si les solutions
négociées à la table sont plus intéressantes que la meilleure solution hors table dont on
dispose. Et c'est une notion très importante. À l'issue d'une négociation, si un négociateur
compare le compromis potentiel trouvé par rapport aux rêves qu'il avait en tête à l'ouverture
des discussions, il est fort probable qu'il soit déçu, mais ce n'est pas la bonne comparaison à
opérer. Un négociateur doit comparer le paquet des solutions négociées à la table avec le réel,
avec la réalité et non pas son rêve initial dans laquelle il se trouvera coincé si aucun accord
n'est trouvé.
Et en général, cette comparaison fait paraître le compromis beaucoup plus intéressant. Donc
pour augmenter vos chances de convaincre votre interlocuteur, vous devez l'impliquer dans
cette discussion que nous appelons le retour au réel, ou reality check. Peut-être n'êtes-vous
pas entièrement satisfait des solutions que nous avons négociées ensemble, mais que ferons-
nous si nous ne trouvons pas d'accord du tout? L'identification de la solution hors table aide
ainsi chaque partie à évaluer toutes les solutions à la table de négociation. Pendant la
négociation, il est peu probable que les parties en présence acceptent des solutions moins
intéressantes que leur plan B. Mais personne ne devrait refuser des solutions proposées si
elles sont plus intéressantes qu'un mauvais plan B.
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La seconde raison pour laquelle il est crucial d'identifier votre meilleure solution hors table,
car c'est le principal ingrédient du rapport de force qui s'exerce autour d'une table de
négociation. Le négociateur en position de force est celui qui peut se permettre de quitter la
table sans accord et à un moindre coût pour lui que pour l'autre négociateur. En résumé, le
négociateur en position de force est celui qui dispose d'un meilleur plan B que l'autre.
En effet, si je dispose d'un bon plan B, mon interlocuteur devra proposer des solutions
négociées meilleures encore. Je pourrais alors me montrer exigeant. Inversement, si ma
solution hors table ne satisfait pas du tout, je suis susceptible de considérer n'importe quelle
solution proposée par l'autre négociateur comme un moindre mal par rapport à ma mauvaise
position de repli. Évidemment, cela vaut d'autant plus si mon interlocuteur s'avère avoir une
petite idée de ce qu'est ma solution hors table.
À retenir, votre solution hors table peut augmenter ou diminuer votre pouvoir de négociation.
Plus votre plan B est bon, plus vous pouvez vous montrer exigeant pendant la négociation.
L'autre devra s'aligner sur vos attentes au risque de vous voir sinon quitter la table.
Inversement, si votre plan B est médiocre, vous devrez accepter quasiment n'importe quelle
solution proposée par l'autre négociateur. Pour toutes ces raisons, dans la discussion relative
à un accord important, vous devez également essayer d'améliorer vos solutions hors table
pendant que vous négociez avec votre interlocuteur principal.
Pour identifier votre plan B en phase de préparation, posez-vous les bonnes questions. En
dehors de cette négociation, que puis-je faire pour satisfaire mes motivations?
Quelles seraient les conséquences de chacune de ces solutions hors table?
Et donc, laquelle répondrait le mieux à mes motivations?
Ensuite, à ma connaissance, que peut faire l'autre partie sans moi si je quitte la table?
Et pour l'autre, quelles seraient les conséquences de ces solutions hors table?
Durant la négociation, quelles questions dois-je poser à l'autre négociateur pour me faire une
idée plus précise de son plan B?
2.5 Dimension du Processus : 3 points pour se préparer
D'importantes dimensions incluent trois éléments auxquels vous devez aussi vous préparer,
l'organisation de la réunion, la communication, comment procéder à l'échange
d'informations, et enfin les aspects logistiques.
L'organisation de la négociation est essentielle. En tant que négociateur, il y a deux scénarios
que vous devez absolument éviter. Le premier est sur ni vous, ni votre interlocuteur n’a
réfléchi à la meilleure façon d'organiser la négociation. Celle-ci risque donc d'être chaotique,
et ça ne va pas vous aider à atteindre vos objectifs. L'autre scénario est moins plaisant encore.
Vous n'avez pas réfléchi à l'organisation de la réunion, contrairement à l'autre qui a tout
organisé conformément à ce qui l'arrange. Vous n'avez même pas encore abordé le fond du
problème que vous avez déjà perdu du terrain. Vous ne devez donc pas vous rendre à une
négociation importante sans vous être posé les questions d'organisation suivantes.
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 Combien de temps la négociation va-t-elle durer?


Parce qu'elle se déroulera très différemment selon que votre interlocuteur et vous disposez
de 20 minutes ou de deux heures.

 Y a-t-il une échéance particulière à respecter de mon côté et du leur?


Imaginez que l'autre partie doive fournir ses chiffres de ventes chaque trimestre et qu'il ne
reste plus que quelques jours avant la clôture du trimestre en cours. Alors ce négociateur sera
probablement pressé de conclure un accord avant cette échéance. Inversement, si le trimestre
vient à peine de démarrer, l'autre partie pensera peut-être que d'autres opportunités se
présenteront pour atteindre les objectifs de ventes et qu'il est donc inutile de faire trop
d'efforts pour vous.

 Ensuite, comment structurer l'ordre du jour?


Voilà un aspect tactique important. L'ordre du jour correspond à la liste des points à aborder,
et vous devrez peut-être en exclure certains de cette liste pour mieux les protéger.
Réfléchissez attentivement à ce périmètre. Ensuite, comme son nom l'indique, l'ordre du jour
définit aussi l'ordre dans lequel chaque point sera discuté, et vous aurez peut-être envie de
commencer par un point plutôt que par un autre. Ne laissez pas cela au hasard.

 Ensuite, à travers cet ordre du jour, comment allons-nous procéder, c'est-à-dire


cheminer?
On distingue deux grandes approches principales.
D'une part, la technique du saucissonnage, c'est-à-dire qu'on aborde le premier point de
l'ordre du jour, on le traite, on trouve un accord, puis on trace un trait, on passe au deuxième
point, et ainsi de suite jusqu'à la fin, mais il n'est pas possible de revenir en arrière sur les
points précédemment discutés.
D'autre part, il y a l'approche de l'accord global, du package deal selon la formule consacrée.
Rien n'est décidé tant que tout n'a pas été négocié. Comme elle apparaît plus instable, plus
mouvementée avec des aller-retour, cette méthode génère parfois un désagréable sentiment
d'incertitude. Néanmoins, elle s'avère plus efficace, notamment pour éviter les blocages,
parce qu'elle va aider les négociateurs à organiser des échanges, trade-offs. L'un consentant
un effort sur un point important pour le négociateur, sachant que sur un autre point de l'ordre
du jour, il y aura la réciprocité. Neuvième et avant-dernier élément de la préparation, et non
des moindres, la communication. C'est l'une des pierres angulaires de la négociation. On ne
peut pas négocier sans écouter et sans parler. Vous devez écouter pour obtenir des
informations utiles, de quelles informations ai-je besoin, comment les obtenir, mais vous
devez aussi parler pour fournir les bonnes informations. Donc demandez-vous comment vous
allez présenter votre vision des choses, en particulier si vous devez faire bonne impression sur
la personne d'en face que vous ne connaissez pas encore. La communication repose aussi sur
une bonne gestion du partage de l'information. En général, les questions à se poser en phase
de préparation concernent l'identification de certains impératifs, ce que vous devez
absolument dire.
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Quels sont les trois points que vous mentionnerez et vous ne quitterez pas la pièce sans les
avoir mentionnés. Inversement, ce que vous ne devez surtout jamais dire, parce que cela
révélerait vos points faibles ou parce que votre mandant exige votre confidentialité à ce sujet.
Autre question, quelles sont les informations dont vous ne disposez pas et que vous aimeriez
bien obtenir?
Quelles sont donc les bonnes questions à poser?
Inversement, quelles sont les questions de l'autre négociateur qui risqueraient de vous
déstabiliser?
Ce sont celles que vous devez anticiper et préparer avec un soin particulier. Méfiez-vous des
négociateurs qui posent beaucoup de questions. Ils savent ce qu'ils font. Le dernier point de
notre méthode de préparation concerne la logistique. En effet, c'est un aspect important à
prendre en compte car l'expérience prouve que le fait de négliger l'environnement matériel,
la logistique, peut participer à l'échec d'une négociation. La logistique va désigner
l'équipement, le matériel, le lieu auquel il faut réfléchir au préalable. Il peut s'agir de questions
de protocole, de confort, le choix de la réunion, l'attribution des sièges autour de la table, les
échantillons de produits à apporter pour une démonstration, ou encore un écran de projection
pour afficher certains points, jusqu'à des détails, avons-nous suffisamment de copies papier
des documents en question?
Imaginez qu'une négociation très importante doive avoir lieu dans les bureaux de votre client.
Vous vous êtes préparé avec beaucoup de soin, et puis en chemin, vous vous rendez compte
que le trajet va durer beaucoup plus longtemps que prévu parce que vous n'aviez pas anticipé
autant de circulation sur la route. C'est idiot, mais ça va induire du stress, et vous allez peut-
être même arriver en retard, et donc créer une première impression assez désastreuse sur les
gens d'en face. Comme l'équipement et l'environnement ne doivent pas entraver la
négociation mais au contraire la faciliter, cela doit faire l'objet d'une préparation efficace. Il
faut aussi prendre en compte les différences culturelles, le cas échéant. Dans certains
contextes, l'étiquette, le formalisme lié à un environnement joue un rôle crucial. C'est une
marque de respect. Donc tout ne tourne pas uniquement autour de l'équipement, mais une
fois encore, vous devez vous montrer attentif à ces détails.
Maintenant que nous avons terminé la préparation de ces dix éléments, je voudrais insister
sur une petite chose. Ces dix éléments de la préparation sont imbriqués. Ils se connectent
entre eux. Et quand vous examinez une situation, vous pouvez démarrer par un et continuer
par l'autre. Peu importe l'ordre dans lequel vous les prenez, mais vous devez à la fin vérifier
que les dix ont été traités. Et ils se connectent. Par exemple, si vous savez que vous aurez
affaire à des personnes très formelles, élément sur la relation, vous devez accorder plus
d'attention à la préparation de l'organisation en termes de processus, avec un ordre du jour
très clair envoyé au préalable, et même à la logistique. Salle de réunion très professionnelle,
et par exemple, si le contexte le justifie, vous allez mettre une cravate. Tout ceci sera
connecté. Et là encore, pratiquez cette méthode, qu'elle vous devienne de plus en plus
familière, et vous verrez, les résultats arriveront très vite.

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