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4 "Le contrôle de gestion pour tous" "Le retraitement des provisions"


David Doriol, expert-comptable et commissaire aux comptes.
-Bonjour à tous.
Là, l'heure est grave.
On va démarrer un sujet qui pose beaucoup de problèmes.
C'est le problème des risques.
Chaque entreprise prend des décisions au quotidien et les décisions qu'elle
prend, l'entreprise, peuvent faire encourir des risques, des risques pour
elle-même, mais pire encore, des risques de santé publique, des risques sur
la nature, des risques sur la population.
Question : les risques qu'elle fait prendre, doit-elle les enregistrer ?
Et si elle les enregistre, doit-elle les incorporer aux coûts ?
Eh oui, les risques, ça vient d'où ?
Les risques, en règle générale, on demande aux comptables de les
enregistrer au passif, puisque les passifs, globalement, sont là où on
enregistre les dettes futures d'une entreprise.
Mais quand une dette n'est pas encore une dette, pourquoi ?
Parce qu'on ne connaît pas encore le montant exact en euros ou on ne
connaît pas l'échéance à laquelle on va la payer, on n'a pas le droit de
l'enregistrer dans un compte de dettes, on l'enregistre dans un compte de
provision pour risques.
On sait que ça va se transformer en une dette, on ne sait pas pour combien,
à peu près, mais on ne sait pas quand, à peu près.
Dès qu'il y a un des deux qui manque, c'est une provision.
Les provisions, on est obligés de les enregistrer en dotations aux
provisions, comme les dépréciations ou les amortissements.
La question, c'est est-ce qu'on les met dans les coûts, oui ou non, et pour
combien ?
Évidemment, de quelles provisions on parle ?
On va mettre en premier celles qui m'empêchent de dormir, ce sont les
provisions pour remise en l'état des sites industriels polluants, voire
extrêmement polluants, et les retraitements des produits finis que l'on
vend à nos clients, mais qui méritent un vrai travail de recyclage.
Et là, nous touchons du doigt un problème explosif car, au fond, la grande
question qui se pose à chaque fois, quelle sera l'ardoise finale ?
De combien avons-nous besoin de provisionner ?
Quel est le montant exact qu'il va falloir sortir en trésorerie pour
couvrir cette dette future qu'on ne connaît pas ?
Parlons des centrales nucléaires, quel est le coût exact du risque que nous
faisons prendre à la population en termes d'exploitation, en termes de
démantèlement ?
Quelle est l'ardoise exacte d'un coût comme celui-là ?
Franchement, si on mettait le vrai, est-ce que le nucléaire serait encore
rentable ?
Ce n'est pas...
Franchement, je n'en sais rien.
On parle de vendre des véhicules électriques, mais le gros problème, c'est
retraiter les batteries.
On ne sait pas le faire.
Ce n'est même pas fait pour être traité.
On n'en a strictement aucune idée.
La question qui se pose, c'est que normalement, il faudrait intégrer un
coût fictif de retraitement.
Bien sûr, plus on veut des provisions, plus on veut les mettre dans le
compte de résultats.
On n'a pas le choix, il faut les créer ici, les provisions.
Et qui dit ici dit hausse des charges.
Qui dit hausse des charges dit hausse des coûts.
Qui dit hausse des coûts dit hausse du prix de vente.
La grande question, c'est est-ce que le comptable n'est pas pris dans un
étau, dans des obligations de minimisation ?
Sinon, il faudrait fermer boutique tout de suite, peut-être.
Et il y aurait peut-être des projets qui ne devraient même pas mériter de
voir le jour.
C'est un problème dont je n'ai pas la réponse, qu'on s'entende bien.
En plus, les provisions dépendent d'hypothèses d'actualisation puisque ce
sont des sommes payées demain.
On les ramène aujourd'hui avec des hypothèses de taux d'intérêt, de coût
moyen pondéré du capital.
Et selon l'hypothèse qu'on prend, la provision est plus ou moins haute ou
basse.
Et qui plus est, vous n'avez aucune obligation de mettre de l'argent de
côté pour couvrir la dette, vous avez donc les mains libres pour ne pas la
mettre dans les coûts.
Le problème, c'est que quand le risque arrivera, est-ce que l'entreprise
aura les reins solides si elle ne l'a pas prévu dans les coûts, pour
pouvoir supporter le coût du paiement de la future dette.
Moi, je n'en sais strictement rien.
Je continue.
Il y a d'autres provisions moins graves.
Vous avez des provisions pour litiges, vous êtes en procès, vous avez un
contrôle fiscal et vous avez joué avec la fiscalité, vous avez perdu, eh
bien, ces pertes potentielles devant les tribunaux, vous devez les
provisionner.
Est-ce que vous l'incorporez aux coûts, oui ou non ?
Quoi d'autre ?
Des provisions pour garanties.
C'est bien beau de vendre des produits garantis 5 ans, garantis 100 000 km,
cela veut dire quoi ?
Que vous allez payer si le client a un problème dans les 5 ans ou les 100
000 km.
En contrôle de gestion, on doit aller voir les ingénieurs pour leur
demander quel est le risque de voir revenir avant 100 000 km ou avant 5 ans
le véhicule en question.
D'accord ?
Selon le potentiel de risque de le voir revenir, vous devriez incorporer
les charges qui vont permettre de couvrir toutes ces allées et venues de
service après-vente.
Indemnités de licenciement.
Vous allez licencier du monde, c'est prévu, et bien sûr, vous allez vous
taper des procès, vous allez devoir payer des indemnités, est-ce que les
indemnités, vous les incorporez en coûts ?
Je tords le cou à ça tout de suite, j'espère que non.
D'ailleurs, ce sont des charges qui ne sont pas déductibles.
Enfin, qu'est-ce qu'il reste ?
Provisions pour retraites.
C'est une possibilité en France de mettre les provisions pour les départs à
la retraite.
Quand un salarié dans certains domaines, le domaine bancaire, par exemple,
part en retraite, il touche un petit, ou un gros, parachute.
Pour les salariés classiques, c'est plus des émoluments de départ en
retraite.
C'est de l'argent que le salarié gagne tout au long de sa vie.
Et plus il passe du temps dans l'entreprise, plus il aura ce petit montant
qui va gonfler.
Bien sûr, normalement, il faudrait provisionner parce que c'est de l'argent
que vous allez sortir.
Si vous allez le sortir, c'est un salaire déguisé, donc vous devez
l'incorporer dans le coût de revient de vos produits.
Mais en comptabilité, on le met ou pas, c'est une option.
Enfin, si vous vendez en dollars, si vous vendez sur une monnaie qui n'est
pas la vôtre, vous vous exposez à des risques de taux de change.
L'euro versus dollar, l'euro versus livre sterling, et cetera.
Si vous avez des risques réguliers de perte de change, vous devez vous
couvrir.
Est-ce que vous les mettez dans les coûts ?
Attention, vous avez compris ce sur quoi je me suis focalisé.
Soyons clairs.
Tous les risques ne sont pas incorporables aux coûts, parce qu'ils ne sont
pas réguliers ou pas assez conséquents.
Mais devant les bombes atomiques que je viens de soulever, je peux vous
assurer qu'il y a une certaine réflexion à mener.
Merci.

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