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IX.

Henry Mintzberg – Les configurations


organisationnelles
Michel Barabel
Dans Grands auteurs 2017, pages 129 à 150
Éditions EMS Editions
ISBN 9782376870432
DOI 10.3917/ems.charr.2017.01.0129
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Les configurations
organisationnelles
Henry Mintzberg

Michel Barabel
IX
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130 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Henry Mintzberg fait partie des auteurs contemporains d’ouvrages de


management parmi les plus célèbres1. Avec plus de 17 livres et de
170 articles publiés, il est aussi l’un des plus prolifiques. Mise à part, sa
double formation d’ingénieur et de gestionnaire, son parcours (cf. Notice
biographique) est relativement classique pour un chercheur en manage-
ment.
Depuis son premier ouvrage sur Le manager au quotidien, Mintzberg
s’est positionné en marge du courant traditionnel du management straté-
gique qui développe selon lui une vision trop normative de la stratégie et
donne un rôle démesuré à la planification stratégique (cf. Encadré 1 pour
une présentation des caractéristiques communes de ses recherches).
L’auteur accorde une place importante aux phénomènes émergents et au
rôle de l’intuition pour faire face à un environnement incertain, complexe,
changeant et ambigu. Quels que soient les thèmes étudiés, il a tenté de
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réconcilier l’approche rationnelle normative (contenu) et l’approche qua-
litative (processus et informel) en développant une vision intégrative.
Mintzberg (1999 : 306-351) se positionne ainsi dans « l’école de la confi-
guration »2. Cette dernière cherche à intégrer les apports des neuf princi-
pales écoles de la pensée stratégique identifiées par l’auteur (école de la
conception, de la planification, du positionnement, entrepreneuriale,
cognitive, apprentissage, pouvoir, culturelle et environnementale) en
décrivant une organisation à un moment donné comme une certaine
configuration stable de ses attributs (structure, style de commandement,
stratégies et contexte environnemental).

Notice biographique3
Né le 2 septembre 1939 à Montréal, Henry Mintzberg suit dans un premier temps des
études d’ingénieur à McGill pour lesquelles il obtient un diplôme en Génie Mécanique
(BEng. McGill University, 1961). Après une première expérience professionnelle aux
Chemins de Fer Nationaux Canadiens, il décide de poursuivre ses études en
Management des organisations. Il obtient successivement une maîtrise (BA) à la Sir
George Williams University, puis un troisième cycle (SM) et un doctorat (Ph.D.) à la
Sloan School of Management du MIT (Massachusetts Institute of Technology, Boston,
USA).

1. Le classement Fnege 2016 sur « l’impact de la recherche en management » le classe au 2e rang des
« gurus » du management juste derrière Michael Porter. Henry Mintzberg figure également dans le top
20 dans tous les classements internationaux (FT, Mercer…). Toujours très actif, Mintzberg s’appuie sur
son compte twitter @mintzberg141 (plus de 11 000 followers) pour porter le débat dans l’espace public.
2. Cf. la partie 3 de cet article pour une présentation plus développée de cette théorie.
3. Pour disposer d’une biographie complète, on se réfèrera au site de l’auteur : www.Henry.Mintzberg.
com.
Henry Mintzberg 131

En 1968, il rejoint l’Université de McGill à Montréal en tant qu’assistant pour y ensei-


gner le management. En 1982 il obtient la chaire Bronfman puis en 1998, il se voit
confié la prestigieuse chaire Cleghorn de cette même institution qu’il occupe depuis
près de 20 ans. Mintzberg a également été professeur visitant de l’Université d’Aix
Marseille (France), de l’Université Carnegie-Mellon (USA), de l’École des Hautes
Études Commerciales (Canada) et de la London Business School (Angleterre). Il est
actuellement professeur visitant à l’INSEAD (France).
Les travaux de Mintzberg lui ont valu de nombreuses récompenses et honneurs aussi
bien au Canada qu’à l’étranger. Il a notamment été le premier chercheur en manage-
ment à avoir été élu à la Société Royale du Canada. Il a aussi été désigné lauréat du prix
Léon-Gérin 1996, la plus haute distinction du Gouvernement du Québec dans le
domaine des Sciences Humaines.
Mintzberg s’est aussi vu décerné de nombreux titres de doctor honoris causa dont ceux
des universités de Lausanne, de Lund, de Montréal, de Paris Dauphine et de Venise et
a reçu de nombreuses distinctions académiques (deux prix du meilleur article de
l’Harvard Business Review, Prix du meilleur ouvrage en Management) dont récemment
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une récompense décernée par l’une des associations en management la plus importante
(« Academy of Management ») pour l’ensemble de ses travaux (chercheur de l’année
2000). Il a, de plus, été président de l’association « Strategic Management » dont il est
l’un des fondateurs.

Encadré 1. Les caractéristiques communes des travaux de


Mintzberg
L’analyse des travaux de Mintzberg permet d’identifier cinq caractéristiques communes
à l’ensemble de ses recherches.
En premier lieu, Mintzberg s’appuie toujours sur une analyse de la littérature extrême-
ment détaillée et exhaustive4 à laquelle il cherche à donner une certaine cohérence en
construisant un cadre d’analyse intégrateur. De fait, dans la majorité de ses travaux,
Mintzberg élabore des typologies et des configurations (rôles du dirigeant, structures
organisationnelles, cycles de changement stratégiques, etc.) qui donnent une vision
synthétique des questions traitées et qui ont certainement contribué à sa notoriété et à
son succès (facilité de compréhension).
Deuxièmement, Mintzberg marque une préférence pour les méthodes de recueil et de
traitement de données de nature qualitative. L’auteur construit des essais théoriques à
partir d’analyse de la littérature et de données empiriques issus d’études de cas appro-
fondies (souvent longitudinales) menées seul, en collaboration ou par ses étudiants.
Troisièmement, les travaux de Mintzberg s’appuient sur l’étude d’organisations très
diverses5 (Hôpitaux, Universités, Grandes entreprises publiques ou privées, PME,
Gouvernements, etc.) À ce titre, Mintzberg accorde une place très importante aux
facteurs de contingence comme facteurs explicatifs des choix organisationnels réalisés.

4. Par exemple, son ouvrage Grandeurs et décadences de la planification stratégique comporte plus de
24 pages de références bibliographiques.
5. À titre d’illustration, sa thèse sur les activités quotidiennes des dirigeants repose sur l’analyse des
responsables d’une grande société de conseil, d’un célèbre hôpital universitaire, d’une grande université,
d’une société de technologie de pointe et d’une grande fabrique de biens de consommation).
132 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Quatrièmement, les recherches de Mintzberg sont de nature cumulative. La théorie se


construit au fur et à mesure sur plusieurs années. Chaque nouvelle réflexion est un
moyen de mieux cerner le problème et de faire émerger de nouveaux points6. De plus,
ses objets de recherche sont imbriqués7.
Enfin, Mintzberg a recours aux analogies et aux métaphores pour imager ses analyses
(le stratège vu comme un potier, la métaphore de l’éléphant pour explorer les grands
courants de la pensée stratégique, le puzzle pour décrire les structures organisation-
nelles, le jeu de lego pour manager une organisation, la stratégie de l’ombrelle pour
décrire un type de stratégie…) et aux représentations graphiques originales pour les
illustrer (configuration notamment).

L’objectif de ce chapitre est de présenter les principales thèses dévelop-


pées par Mintzberg. Devant l’ampleur des champs d’investigation, nous
avons décidé de privilégier trois thématiques8 liées qui apparaissent
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comme ses principales contributions dans le champ du management.

1. LE TRAVAIL QUOTIDIEN DES DIRIGEANTS


Durant sa recherche doctorale, Mintzberg (1968) s’est intéressé à la
façon dont les managers9 travaillent au quotidien. Après une analyse de la
littérature approfondie qui lui permet de mettre en place un cadre d’ana-
lyse structuré, Mintzberg va suivre cinq directeurs généraux durant une
semaine chacun10. Ses travaux connaissent un retentissement important
(notamment sa typologie des rôles des dirigeants) et vont permettre à
Mintzberg d’acquérir une notoriété significative parmi les auteurs en
management.
6. Par exemple sur le thème de la « formation de la stratégie », son premier article date de 1967. À partir
de 1971, il met en place un programme de recherche et affine ses propositions théoriques (Mintzberg,
1972, 1973, 1978,1987 ; avec Waters, 1985) en intégrant des études de cas successives (par exemple avec
Waters (1982) et McHugh (1985) qui le conduisent à la rédaction d’un livre sur la planification stra-
tégique en 1994 et d’un ouvrage synthétique en 1998 (avec Ahslstrad et Lampel)).
7. Ses ouvrages Le management : Voyage au centre des organisations et Manager, ce que font vraiment les
managers apparaissent comme des recueils de l’essentiel de ses travaux qui permettent de mieux compren-
dre la théorie managériale globale qu’il développe.
8. Ces dernières années, les travaux de Mintzberg ont pris une tournure plus générale. Ils portent sur
l’étude de secteurs névralgiques de la société : l’organisation des soins de santé, les modes de gestion des
États et des gouvernements publics et la refonte de l’enseignement de la gestion. Son dernier ouvrage,
Rebalancing Society se propose de rééquilibrer les forces entre les entreprises, l’État et les communautés
au détriment des premières qui ont selon lui prises trop de pouvoir. Nous ne faisons pas état de ces
travaux dans ce chapitre.
9. Selon Mintzberg, un cadre est une personne investie d’une autorité formelle dans son organisation
(responsabilité d’une sous unité ou de l’ensemble de celle-ci) dont découle un statut particulier et des
devoirs (assurer la production efficiente de biens et de services, organiser les opérations de l’organisation
et en assurer la stabilité, adapter l’organisation de façon contrôlée à son environnement changeant, gar-
antir que l’organisation serve les objectifs de ceux qui la contrôlent, servir de lien-clé dans le domaine de
l’information et faire fonctionner le système statutaire).
10. À cela s’ajoutent entre 1968 et 1973 des études empiriques portant sur de nombreux autres cadres.
Henry Mintzberg 133

1.1. Caractéristiques du travail des cadres


Mintzberg observe que, contrairement à l’idée reçue du manager perçu
comme « un planificateur systématique et réfléchi » (Mintzberg, 1975), ses
activités sont principalement caractérisées11 par la brièveté (49 % de leurs
activités durent moins de 9 minutes), la fragmentation (les dirigeants sont
sans cesse interrompus), la variété et la répétition (malgré la diversité de
leurs actions, les dirigeants réalisent aussi de nombreuses tâches répétitives
comme par exemple la participation aux rites de l’organisation et à des
cérémonies).
Le plus surprenant est de constater que « les activités courantes et les
activités les plus importantes se succèdent sans que l’ensemble ait une
structure particulière. Le cadre doit être prêt à changer de registre fré-
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quemment et avec rapidité » Mintzberg (1973, 1980 : 45). L’un des prin-
cipaux apports de Mintzberg a été de montrer que cette organisation a
priori chaotique est délibérément recherchée par les managers afin de leur
permettre de « jongler avec toutes sortes de projets concurrents, une large
échelle de rôles joués, une infinité de contacts et des informations en
abondance » (Mintzberg, 1980). Le comportement des dirigeants est en
fait un moyen opportuniste de réaliser beaucoup en peu de temps dans le
but de ne pas se couper du flux d’informations incessant qu’ils doivent
maîtriser. Ils vont donc à la fois se surcharger de travail tout en évitant de
perdre du temps, faisant toute chose de façon abrupte et relativement
superficielle.
De façon plus générale, les dirigeants affichent une préférence pour
l’action. Ils privilégient les éléments les plus actifs de leur travail (ce qui est
courant, actuel, spécifique, bien défini, non routinier) au détriment de la
réflexion (la prise de décision stratégique considérée par la littérature tra-
ditionnelle comme primordiale ne correspond qu’à 13 % de leur temps).
Enfin, les managers sont des hommes de contact et de représentation
dont la principale activité est la gestion de l’information (40 % de leur
temps) pour laquelle ils privilégient les contacts avec autrui (en moyenne,
ils passent seulement 22 % de leur temps de travail seul) car ils apportent
de l’information vivante (ton de la voix, expression gestuelle) plus rapide-
ment et plus facilement.
En résumé, le travail du manager apparaît comme étant plus simultané,
global et relationnel que linéaire, séquentiel et ordonné (Mintzberg,
1994 : 326).
11. Ces observations sont en cela conformes à des recherches antérieures (Carlson, 1951 ; Burns,
1958 ; Stewart, 1967, etc.).
134 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

À partir de ce portrait général du travail quotidien du manager,


Mintzberg (1973) dresse une typologie de rôles qui constitue encore
aujourd’hui la référence sur ce thème.

1.2. Rôles des dirigeants


Mintzberg (1973) identifie dix rôles qu’il regroupe en trois grandes
catégories.
Premièrement, les rôles interpersonnels qui découlent de l’autorité for-
melle et du statut du cadre. Ils regroupent les rôles de symbole (représen-
tation de l’organisation dans toutes les occasions formelles), de leader
(responsable des subordonnés afin de permettre leur coopération) et
d’agent de liaison (construction et entretien d’un système de relations
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externes). Deuxième, les rôles liés à l’information où le dirigeant apparaît
comme le centre nerveux de son organisation et le chef d’orchestre de la
gestion des informations. Ils regroupent les rôles d’observateur actif (scru-
ter l’environnement et l’organisation en vue d’acquérir de l’information),
de diffuseur (répartition et diffusion des informations au sein de l’organi-
sation) et de porte-parole (répartition et diffusion de certaines informa-
tions à l’extérieur). Enfin, les rôles décisionnels qui comprennent les rôles
d’entrepreneur (rechercher des opportunités, assurer la conception de la
stratégie et initier les changements), de régulateur (trouver des réponses
aux perturbations inattendues de l’environnement), de répartiteur des
ressources (arbitrer entre les différentes entités de l’organisation) et de
négociateur (représenter l’organisation dans les négociations importantes).
Ces dix rôles ne sont pas dissociables les uns des autres. Ils forment une
gestalt et doivent tous être exécutés par le dirigeant.
Selon Mintzberg, il existe de nombreuses ressemblances fondamentales
entre les postes managériaux mais aussi des différences qui peuvent être
expliquées par l’influence qu’exercent quatre ensembles de variables : les
variables d’environnement (caractéristiques du secteur, de l’organisa-
tion…), les variables liées au poste (niveau hiérarchique, fonction…), les
variables liées à la personne (personnalité, style, etc.) et les variables rela-
tives à la situation (variation du travail dans le temps).
Henry Mintzberg 135

1.3. Modèle de représentation du travail


des dirigeants
Ultérieurement, Mintzberg (1994, 1996)12 a cherché à améliorer sa
typologie en construisant un modèle13 capable de mieux rendre compte de
la complexité du travail des cadres. Ce modèle qui identifie sept rôles
managériaux (nouvel agencement des dix rôles précédents et introduction
du rôle de contrôleur issu de ses travaux sur les structures organisation-
nelles) est constitué d’un centre et de trois cercles concentriques qui l’en-
tourent.
Le centre représente le cadre d’ensemble du manager (objectifs du
poste ; caractéristiques personnelles et moyens d’actions) auquel corres-
pond deux rôles : la conception de l’agenda stratégique (questions spéci-
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fiques à traiter) et sa programmation.
Les trois cercles concentriques symbolisent les niveaux où le travail du
manager peut se situer. Le premier cercle représente le niveau de l’infor-
mation, dont le manager se sert pour inciter les personnes à agir, auquel
correspond deux rôles : communiquer (observateur actif, diffuseur et
porte-parole) et contrôler (directives, conception de la structure, dévelop-
pement de systèmes formels). Le second cercle représente le niveau des
personnes, avec lesquelles le manager peut travailler pour les encourager à
agir, auquel correspond deux rôles : être leader (symbole, création d’une
culture d’entreprise, encouragement)) et relier (agent de liaison). Enfin, le
troisième cercle représente le niveau de l’action, où le manager agit de
façon plus ou moins directe, auquel correspond un rôle : agir (entrepre-
neur, régulateur et répartiteur).
Dans son ouvrage Manager, Mintzberg insiste sur le fait que manager
n’est pas une profession mais une pratique qui dépend la capacité de l’indi-
vidu à articuler trois champs : l’Art (vision, perception créative), l’artisanat
(expérience, apprentissage pratique) et la Science (analyse, données systé-
miques). De ce fait, Mintzberg trouve exagéré la distinction Leader/
Manager (survalorisation du premier sur le second) et pense qu’aujourd’hui
on a tendance à sur-diriger les collaborateurs et à les sous-manager au
risque d’échouer.
12. Mintzberg (1994) cherche par là même à répondre à un certain nombre de critiques sur sa
typologie formulée par un certain nombre d’auteurs (notamment Morse et Wagner, (1978),
Mc Call et Segrist (1980), Martinko et Gartner (1985) et Hall (1985)) qui lui reprochaient en
particulier :
– d’être présentée comme une décomposition en éléments et non comme un modèle interactif ;
– de ne pas avoir pris en compte le rôle de contrôleur qui est pourtant observé dans la réalité.
13. On se réfèrera à l’article de Mintzberg (1996 : 107) paru dans la Revue Française de Gestion pour
visualiser le modèle.
136 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

2. LA DÉTERMINATION DE LA STRATÉGIE
Après avoir étudié les activités quotidiennes des managers, Mintzberg
(1973b) centre sa recherche sur l’une des tâches les plus importantes qui
leur est dévolue : la détermination de la stratégie14. Quatre problématiques
sont étroitement liées à ce thème. Mintzberg en déduit des prescriptions
concernant la formation des dirigeants et les rôles des planificateurs.

2.1. Critique de la planification stratégique


Dans la littérature normative, la stratégie est présentée comme expli-
cite, développée consciencieusement, intentionnelle et déterminée à
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l’avance (plan construit pour le futur) en vue de décisions spécifiques
faites pour la réaliser (Mintzberg, 1978). Selon Mintzberg, les auteurs15
ont mis en avant le mode planifié d’élaboration de la stratégie qui conduit
à former une stratégie cohérente, globale et à long terme (système intégré
de décisions). Or, si la planification (efforts de formalisation et de finali-
sation) convient particulièrement à un environnement prédictible et
stable, elle est loin d’être efficiente dans d’autres contextes et comporte des
risques importants (Mintzberg, 1994)16. En particulier, la planification, en
mettant en place des systèmes de contrôle stricts, limite l’autonomie et la
flexibilité des acteurs et la capacité d’adaptation de l’organisation. Elle
s’avère alors inefficace et dangereuse dans des périodes de turbulences de
l’environnement car elle tend souvent à remplacer une vision stratégique
par une procédure (l’extrapolation par statu quo) qui décourage la pensée
et le changement stratégique (Mintzberg et Waters, 1982 : 498).
Ainsi, le mode planifié conduit à trois erreurs majeures (Mintzberg,
1994) :
• l’erreur de prédétermination (production de prévisions erronées du
futur, du fait de la complexité et de l’incertitude de l’environne-
ment) ;
14. Ce processus d’élaboration est selon l’auteur fascinant et a constitué son principal thème de réflexion
à travers toute sa carrière. Dès 1971, il engage un programme de recherche où il mène de nombreuses
études de cas (Volkswagen (1920-1974), etc.) pour traquer les stratégies au cours de leur histoire
(Mintzberg, 1990 : 48).
15. Les écoles de la perception et de la planification sont perçues comme étant voisines. Les seules dif-
férences concernent l’acteur-clé du processus (respectivement le PDG et le planificateur), la nature du
processus (informelle contre formelle) et la finalité (stratégies originales contre stratégies efficaces).
16. Mintzberg présente dans le chapitre 3 de son ouvrage une analyse synthétique de nombreuses études
empiriques menées depuis les années sur la performance de la planification. Il s’appuie en particulier sur
l’analyse de huit études empiriques pour affirmer que la planification pratiquée est plutôt un échec, et
qu’elle ne favorise pas l’élaboration de la stratégie.
Henry Mintzberg 137

• l’erreur de formalisation (processus purement analytique donnant


une vision trop réductrice et simplifiée de la réalité) ;
• et l’erreur de détachement de la réalité opérationnelle17 (système
poussant le dirigeant à déconnecter réflexion et action en privilé-
giant la première et en s’appuyant sur des systèmes formels pour
appréhender la seconde alors que ces systèmes fournissent des infor-
mations quantitatives, limitées, agrégées, peu fiables, en retard et
manquant de richesses).

2.2. Modes de formation18 des stratégies19


Mintzberg (1978) introduit donc une alternative au mode planifié qui
ne correspond qu’à un type de formation d’une stratégie (la stratégie déli-
bérée20). Il s’agit de la stratégie émergente (non intentionnelle, réalisée)
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qui se construit graduellement sans forcément provenir du centre.
Cependant, il n’existe que très peu de stratégies purement délibérées ou
émergentes (Mintzberg et Waters, 1985). « Le premier cas suggère qu’il n’y
a pas eu apprentissage, le second qu’il n’y a pas eu contrôle » (Mintzberg,
1994 : 41). Ces deux modes purs sont en fait les deux pôles d’un conti-
nuum entre lesquelles les stratégies s’inscrivent. On peut donc s’attendre à
trouver des formes imparfaites qui combinent divers états de trois dimen-
sions : les intentions managériales (degré de précision, d’explicitation,
d’adhésion), le niveau du contrôle central sur les actions de l’organisation
(degré de fermeté) et la nature de l’environnement (degré de prédictibilité,
de contrôlabilité et de bienveillance).
Les auteurs en déduisent une typologie de différentes formes de straté-
gies possibles. Dans le tableau ci-après, nous en présentons quelques-unes.

17. Mintzberg (1994) indique que ce détachement empêche le dirigeant d’avoir un accès direct à
l’information et l’empêche de jouer ses rôles de communication identifiés précédemment (cf. 1.).
18. Alors que le mode planifié élabore une stratégie, le mode émergent construit la stratégie et Mintzberg
(1979) préfère alors parler de formation de la stratégie.
19. Selon Mintzberg (1978 : 941), la stratégie peut être vue comme l’interaction entre un environnement
dynamique (qui pousse au changement permanent) et une bureaucratie (qui cherche avant tout à stabi-
liser ses actions et pousse à la continuité) avec la direction faisant l’interface entre les deux. La stratégie
est alors un ensemble de comportements cohérents par lesquels une organisation établit pour un moment
donné sa place dans son environnement.
20. Ce mode doit satisfaire trois conditions strictes : (1) il existe des intentions précises dans
l’organisation, articulées à un niveau relativement précis de détail. (2) Ces intentions sont communes à
la quasi majorité des acteurs. (3) Ces intentions collectives sont réalisées comme prévues. Dans le cas
contraire, on aboutit à une stratégie non réalisée.
138 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Tableau 1. Exemple de formes de stratégies élaborées


Stratégie Principales caractéristiques
Entrepreneuriale Les intentions sont personnelles et résultent de la vision
(stratégies relativement inarticulée du seul leader (vision centrale). Elles peuvent donc
délibérées pouvant s’adapter à de nouvelles opportunités. L’organisation est sous le
émergées) contrôle personnel du leader.
Parapluie ou ombrelle La direction, pour contrôler partiellement les actions
(stratégie en partie organisationnelles, définit des frontières stratégiques ou des
délibérée, en partie cibles (grandes directions) à l’intérieur desquelles les acteurs
émergente et agissent librement sous les contraintes environnementales et
délibérément émergente) organisationnelles.
Déconnectée Les acteurs, faiblement couplés à l’organisation, produisent
(stratégies leurs actions en l’absence d’intentions communes ou centrales
organisationnellement ou en contradiction avec elles.
émergente)
Imposée L’environnement dicte les dessins des actions soit par une
(stratégies émergentes imposition directe soit par des choix organisationnels.
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pouvant être
internalisées)

Source : Mintzberg et Waters, 1985.

2.3. Le changement organisationnel


Le dilemme fondamental de l’élaboration de la stratégie réside dans le
besoin de réconcilier les forces de la stabilité (tirer une efficacité maximale)
et celles du changement (s’adapter aux évolutions) (Mintzberg, 1990 : 62).
De fait, toute stratégie connaît un cycle de vie (conception, élaboration,
déclin et mort) et on peut alors distinguer alternativement dans les orga-
nisations des périodes de stabilité et de changement.
Mintzberg et Westley (1992) ont formalisé un cadre d’analyse du chan-
gement organisationnel pour décrire le phénomène et ses principales
caractéristiques. Ce cadre assez complexe est décrit comme un système de
quatre familles de cercles en mouvement. Les cercles concentriques repré-
sentent la nature du changement envisagé (changement organisationnel
ou stratégique, aspects conceptuels ou concrets) et le niveau du change-
ment réalisé (révolutionnaire, étape par étape, focalisé, isolé ou incrémen-
tal). Les cercles circonférentiels symbolisent les processus de changement
possible (informel, implicite, importé ou inconscient) et les moyens21
complémentaires de l’orchestrer (le planning procédural conçu au sommet
et délibéré, le dirigeant visionnaire et l’apprentissage inductif de nature
informelle et émergente). Les cercles tangentiels représentent les épisodes
21. Ces trois moyens sont respectivement assimilés au squelette, cœur et sang d’une organisation
(métaphore de l’organisme vivant).
Henry Mintzberg 139

particuliers du changement (le renversement stratégique rapide et délibéré


ou la revitalisation adaptative, lente et incrémentale) et les principales
étapes du changement (stades de développement, de stabilité, d’adapta-
tion, de lutte, ou de révolution). Enfin, les cercles en spirale symbolisent
les séquences du changement et leurs objectifs dans le temps.
En général, une organisation vit de longues périodes de stabilité sépa-
rées par des chocs périodiques violents de courte durée. Cependant, de
façon sous-jacente l’organisation est en changement permanent et conti-
nu. Elle alterne des cycles de convergence adaptative vers la stabilité aux-
quels succèdent des cycles de lutte divergente pour le changement.
En résumé, le changement organisationnel peut prendre pour Mintzberg
(1990) des multiples formes. C’est un phénomène extrêmement complexe
et le manager pour pouvoir le gérer et former sa stratégie doit savoir
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« modeler conjointement, pensée et action, contrôle et apprentissage, sta-
bilité et changement » (Mintzberg, 1990 : 66).

2.4. La prise de décision stratégique


Les processus de prise de décisions sont intimement liés au processus
d’élaboration d’une stratégie perçue comme un « ensemble structuré de
décisions » (Mintzberg, 1978).
Selon Mintzberg et al. (1978 : 246) : une décision est « un engagement
spécifique (généralement en termes de ressources) à réaliser une action
(signal d’une intention explicite d’agir) » alors que le processus de prise de
décision est défini comme « une série d’actions et de facteurs dynamiques
qui commence depuis le moment où le stimulus est perçu et se termine au
moment où un engagement spécifique est pris » (Mintzberg et al., 1978).
S’appuyant sur les travaux d’équipes d’étudiants en dernière année de
MBA qui étudient durant 3 à 6 mois des décisions prises dans des organi-
sations, Mintzberg et al. (1978) arrivent à une description très différente
de l’image classique et rationnelle du processus décisionnel donnée. Ce
dernier est caractérisé par son manque de programmations, des interrup-
tions continuelles et des blocages liés entre autres à des facteurs politiques
et à des accélérations ou des ralentissements initiés par les décideurs eux-
mêmes. Chaque processus de décision peut être décrit au moyen de sept
types d’activités ou routines (prise de conscience, diagnostic, recherche,
conception, passage au crible, évaluation choix, autorisation) regroupés en
trois phases (identification, développement, sélection). Cependant, selon
les décisions, ces étapes ne se succèdent pas nécessairement dans cet ordre.
140 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Il y a des processus de décision qui n’aboutissent pas, d’autres où l’on


observe des retours en arrière, et enfin certains qui font des boucles (se
répètent).
Le décideur doit alors se caractériser par son ouverture d’esprit (bien
souvent le processus commence sans que l’entreprise ait une idée précise
de la solution recherchée) et sa capacité à décider rapidement dans un
environnement ambigu (peu d’informations, données subjectives, floues
et informelles).

2.5. Incidence sur les rôles des planificateurs et


sur la formation à la gestion
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La nature complexe et incertaine des processus de formation de la stra-
tégie et de prise de décisions stratégiques induit deux conséquences sur la
nature des planificateurs et des dirigeants nécessaires dans une organisa-
tion.
Mintzberg propose alors de repenser les rôles des premiers et la forma-
tion des seconds.
Au regard des critiques formulées à l’encontre de la planification,
Mintzberg (1994) propose de transformer les rôles des planificateurs. Ces
derniers n’ont aucun rôle à jouer dans la formation de la stratégie. Ils se
voient confier cinq missions. Ils doivent devenir les détecteurs de stratégies
émergentes (rôle de détectives), les catalyseurs de la formation de la stra-
tégie (favoriser la réflexion stratégique informelle et créative), les analystes
des stratégies proposées (contrôler leur efficacité et le comportement des
acteurs), les programmateurs des stratégies définies par les décideurs (cla-
rifier et préciser la stratégie jusque dans les détails, la traduire dans les
opérations, les procédures et les budgets, etc.) et les communicateurs des
stratégies en interne et en externe. Dotés de ces nouvelles responsabilités,
Mintzberg (1994 : 19) propose « de coupler les capacités et les inclinations
des planificateurs avec l’autorité et la flexibilité des manager de façon à être
sûr d’avoir un processus d’élaboration de la stratégie prenant en compte
les informations, intégrateur et capable de répondre aux changements qui
interviennent dans l’environnement de l’organisation ».
Concernant les dirigeants, Mintzberg identifie trois compétences fon-
damentales pour exercer efficacement ce métier : les capacités d’apprentis-
sage, de synthèse (être doté d’un cerveau créatif capable de synthétiser une
vision) et la capacité à coupler analyse et intuition.
Henry Mintzberg 141

Or, les écoles et universités de gestion ne développent aucune de ces


compétences. Elles se sont focalisées sur l’enseignement des méthodes et
de techniques analytiques et sont, selon l’auteur, en partie responsables
d’une mauvaise utilisation des techniques de formalisation. L’enseignement
en gestion s’appuie en particulier sur des études de cas qui donnent
« l’impression à l’étudiant que les managers efficaces se prononcent du
haut de leur sommet sur la base de la lecture rapide d’un rapport pitoyable
[…] et que la mise en œuvre de leur décision relève d’autres
acteurs »(Mintzberg, 1990 :140).
De plus, il est erroné de vouloir former des étudiants relativement
inexpérimentés à la gestion. On ne peut pas créer un leader dans une classe
de cours (Mintzberg, 2000). Pour devenir un manager global, il faut déjà
avoir une réelle expérience pratique et des capacités au leadership recon-
nues par ses subordonnés, ses supérieurs et ses pairs.
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Dans le cas contraire, notre système éducatif ne peut que produire une
« nouvelle aristocratie qui pense que parce qu’elle a été présélectionnée à
un jeune âge sur la base de critères universitaires théoriques et a passé
quelques années dans une classe, elle aura le droit d’atteindre rapidement
une position dominante dans une organisation et un jour la diriger »
(Mintzberg, 2000).
Mintzberg (1990) propose alors de changer les priorités de l’enseigne-
ment en gestion22 : « Il contiendrait moins d’analyse et de prescription et
plus de substance informelle et de perspicacité ». Sa philosophie reposerait
sur une vision du management comme étant une pratique, un art, une
science et un savoir-faire qui se rencontrent (Mintzberg, 2000).

22. Mintzberg a mis en pratique ses théories et créé en 1993 son propre diplôme (l’IMPM : International
Masters in practicing management) avec Jonathan Gosling : réservé aux cadres expérimentés. D’une
durée de 16 mois, il se déroule dans cinq pays (Canada, France, Inde, Japon et Angleterre) et comprend
5 modules de 15 jours (un par pays) 1°) Se manager, l’esprit réflexif ; 2°) Manager les relations, l’esprit de
collaboration ; 3°) Manager les organisations, l’esprit analytique, 4°) Manager le contexte, la vision globale
et mondiale ; 5°) Manager le changement et l’action. Les étudiants voyagent dans chaque campus et
s’immergent dans la culture du pays d’accueil (visite des entreprises locales, expérience de leurs collègues).
Après chaque module, les étudiants retournent travailler et doivent écrire un papier décrivant la façon
dont ce qu’ils ont appris les aide dans leur travail. Ils passent aussi entre chaque module, une semaine
dans le bureau d’un partenaire et prépare ensuite un papier détaillé de leurs observations.
142 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

3. STRUCTURE ET POUVOIR23
Les travaux de Mintzberg qui traitent de la structure et du pouvoir
reposent sur une analyse synthétique de la littérature sur ces questions24 et
s’appuient sur la théorie de la configuration initiée à la faculté de gestion
de McGill (notamment par Pradip Khandwalla) avec le lancement en
1971 d’un important programme de recherches auquel l’auteur va active-
ment participer. Ce courant de recherche est né de la volonté de répondre
à une limite importante de la théorie managériales qui a principalement
cherché à « expliquer le succès d’une organisation par l’utilisation d’un
attribut organisationnel unique » (la stratégie, l’environnement, la struc-
ture ou le dirigeant, etc.) alors qu’une organisation est en réalité une
constellation multidimensionnelle de caractéristiques, de dimensions ou
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de composantes qui se manifestent ensemble (notion de couplage). En
n’étudiant qu’un paramètre isolé, les auteurs en management ne peuvent
pas disposer d’une vue d’ensemble de l’organisation. Ainsi, selon
Mintzberg, nous avons besoin de configurations pour comprendre plus
rapidement et facilement les organisations25.
Une configuration est alors définie comme le co-alignement de diffé-
rents attributs.
La théorie de Mintzberg repose sur deux hypothèses :
• la combinaison des différents attributs ne peut engendrer qu’un
nombre restreint de configurations organisationnelles ayant les
moyens de survivre dans un contexte donné grâce à leur agencement
harmonieux (co-alignement naturel) ;
• les configurations idéales permettent de classer les organisations, de
concevoir des outils de conception et de diagnostic et en définitive
de mieux comprendre la réalité. Cependant, elles n’en sont qu’une
« simplification extrême ». et ne peuvent pas être trouvées telles
quelles. « Mais il y en a qui sont remarquablement proches d’une de
ces configurations alors que d’autres organisations reflètent une
23. La théorie développée par Mintzberg s’est affinée au cours de ses publications. Par exemple, l’auteur
a introduit un nouveau mécanisme de coordination dans son ouvrage de 1990. Nous présentons donc la
version la plus récente des propositions de Mintzberg. L’ouvrage de Jean Nizet et François Pichault
(1995) constitue selon nous une excellente critique des travaux de Mintzberg sur ce thème. De même,
l’ouvrage de Alain Desreumaux (1998 : 156-165) présente une excellente analyse critique de la théorie
des configurations organisationnelles.
24. Mintzberg a compilé et structuré les nombreuses études et publications à sa disposition en faisant le
postulat que les études très ciblées de la littérature sont des reflets de la réalité.
25. Pour Tsoukas, la théorie de la configuration a une vision organiciste du monde. C’est une théorie
synthétique et intégrative qui perçoit le monde au-delà de son apparence, comme étant cohérent et bien
intégré et fait l’hypothèse qu’il existe une logique immanente qui sous-tend la dynamique de l’objet
étudié et le conduit à une certaine forme de structuration (Desreumaux, 1998 : 91).
Henry Mintzberg 143

combinaison de plusieurs configurations, quelque fois dans des


périodes transitoires de l’une à l’autre » (Mintzberg, 1990 : 174).

3.1. Les attributs des configurations


Mintzberg distingue cinq familles d’attributs dont la combinaison (ana-
logie du jeu de puzzle) permet de former les configurations.
Première famille d’attribut : les six parties internes de l’organisation.
Selon Mintzberg (1983,1986), les organisations sont des coalitions dans
lesquelles les détenteurs d’influence représentant une partie de l’organisa-
tion cherchent à contrôler les décisions et actions entreprises et sont donc
en lutte pour déterminer la répartition du pouvoir. La coalition interne est
composée de six groupes qui représentent chacun une partie de l’organisa-
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tion et exercent sur elle des forces dans des directions opposées :
• la Direction Générale symbolisée par le sommet stratégique, dont la
fonction est de faire en sorte que l’organisation remplisse sa mission
de façon efficace, pousse à la centralisation afin de conserver le
contrôle du processus de prise de décisions. Lorsque le sommet
domine, la coalition est dite personnalisée ;
• les cadres intermédiaires responsables de la ligne hiérarchique, char-
gés de la supervision directe des opérateurs, poussent à la balkanisa-
tion afin d’obtenir plus d’autonomie par rapport au sommet. Si cette
force domine, la coalition est qualifiée de divisionnelle ;
• les opérateurs, localisés dans le centre opérationnel, prennent en
charge le travail même de l’organisation (production de biens et de
services) et cherchent à minimiser l’influence des dirigeants et celle
des analystes sur leur travail en encourageant une décentralisation à
la fois horizontale et verticale. Ils poussent vers le professionnalisme
(coalition professionnelle) ;
• les analystes de la technostructure qui sont des spécialistes en charge
de la conception et de l’exploitation des systèmes formels et informels
de gestion poussent en faveur de la standardisation (coalition bureau-
cratique) ;
• les salariés qui exercent les fonctions de support logistique (fourniture
de services internes (par ex. : service juridique) poussent à la collabo-
ration afin qu’on sollicite leurs expertises (coalition innovatrice).
Enfin, le sixième agent présent dans l’organisation a une nature un peu
particulière puisqu’il est inanimé. Il s’agit de l’idéologie de l’organisation
(ou culture d’entreprise) définie comme l’ensemble des croyances parta-
gées par les détenteurs d’influence internes. Elle insuffle une certaine
144 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

existence au squelette de la structure et poussent les cinq autres parties à


tirer ensemble dans le même sens (coalition idéologique).
Lorsque aucune de ses parties ne domine, la coalition est dite politi-
sée26, chaque force fondamentale tirant chacune de son côté.
Deuxième famille d’attribut : les quatre coalitions externes.
L’organisation est aussi soumise aux forces de la coalition externe com-
posée de quatre groupes d’acteurs qui cherchent à exercer une influence
sur elle par différents moyens de pression (normes sociales, contraintes
formelles, campagnes, contrainte directe, présence au Conseil d’adminis-
tration). Mintzberg distingue les propriétaires, les associés qui ont avec
l’organisation des relations économiques (fournisseurs, clients, concur-
rents et partenaires commerciaux), les associations de salariés (syndicats et
corporations professionnelles) et les publics représentant des groupes aux
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intérêts généraux ou particuliers (pouvoirs publics, mouvements écolo-
giques, collectivités locales, etc.).
La coalition externe peut prendre plusieurs formes. Elle sera dominée
si elle est contrôlée par un seul détenteur d’influence, divisée si elle com-
posée de groupes rivaux et passive lorsque le nombre de détenteurs d’in-
fluence qui la composent est si important que le pouvoir se trouve extrê-
mement dispersé. Entre la coalition interne et externe, on trouve le conseil
d’administration qui va réaliser l’interface.
Troisième famille d’attribut : les six mécanismes de coordination.
Les moyens fondamentaux par lesquels les organisations peuvent coor-
donner leur travail sont au nombre de six : l’ajustement mutuel (commu-
nication informelle privilégiée), la supervision directe, la standardisation
des procédés de travail (description des tâches), la standardisation des
résultats (management par objectifs avec autonomie dans le travail), la
standardisation des qualifications (niveau de formation requis, grille
d’emplois, etc.) et la standardisation des normes (comportement dicté par
la culture d’entreprise). Ces six mécanismes sont les éléments les plus fon-
damentaux de la structure. Mintzberg (1990) précise qu’ils constituent le
ciment qui tient les pierres de la bâtisse de l’organisation. Ils coexistent au
sein d’une même organisation mais en général l’un d’entre eux est domi-
nant.

26. Mintzberg accorde une place importante dans ses travaux aux jeux politiques qui présentent selon lui
trois caractéristiques (ils utilisent des moyens illégitimes, les objectifs poursuivis par les acteurs vont à
l’encontre des buts de l’organisation, ils prennent la forme de conflits, d’oppositions, de discordes entre
certains acteurs) et dont il présente treize d’entre eux (jeux de l’insoumission, du parrainage, de la con-
struction d’empire, de la rivalité entre deux camps, du coup de sifflet, etc.).
Henry Mintzberg 145

Quatrième famille : les neuf paramètres de conception.


La conception organisationnelle dépend d’une série de neuf paramètres
qui déterminent la division du travail et la réalisation de la coordination de
façon à créer des comportements stables dans l’organisation. Les structures
d’organisation sont composées en combinant ceux-ci de diverses façons. Les
paramètres sont liés aux mécanismes de coordination et concernent quatre
types de conception : la conception des postes (spécialisation du travail,
formalisation du comportement, formation et endoctrinement), la concep-
tion des liens latéraux (systèmes de planification et de contrôle et méca-
nismes de liaison), la conception de la superstructure (regroupement en
unités et taille des unités) et la conception du système de prise de décision
de l’organisation (six types de décentralisation).
Cinquième famille d’attribut : les quatre facteurs de contingence.
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Selon Mintzberg (1979 : 208), pour qu’une structure soit efficace, il faut
qu’il y ait cohérence entre paramètres de conception et facteurs de contin-
gence. En effet, ces derniers (âge, taille, système technique et type d’envi-
ronnement27) influencent les choix des paramètres de conception et inver-
sement. À ce propos Mintzberg a formulé un certain nombre d’hypothèses.
Sixième famille d’attribut : le pouvoir.
Mintzberg (1986) considère qu’un certain type de coalition externe a
plus de probabilité d’être associé à une coalition interne spécifique donnant
naissance à un type d’organisation donnée. Six types d’organisation sont
distinguées (instrument, système clos, autocratie, missionnaire, méritocratie
et arène politique). Par exemple, une coalition externe passive associée à une
coalition interne personnalisée donne naissance à une organisation autocra-
tique.

3.2. Les sept configurations organisationnelles


Les six familles d’attributs d’une organisation se combinent (analogie
du jeu de puzzle) et donnent naissance à sept configurations (différentes
façons de combiner les différentes pièces) dont le tableau (cf. ci-après)
présente les attributs types respectifs. Dans une volonté de synthétiser
l’ensemble de ses recherches, Mintzberg (1990 : 192-197) indique aussi les
principales correspondances que l’on peut établir entre certaines configu-
rations, les modes de formations des stratégies et les rôles joués par les
planificateurs.
27. Mintzberg (1983) distingue l’environnement stable ou dynamique, simple ou complexe, accueillant
ou hostile.
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Tableau 2. Les sept configurations organisationnelles


146

Organisation Entrepreneu- Mécaniste (bu- Professionnelle Divisionnalisée Innovatrice Missionnaire Politisée


riale reaucratique)* (méritocratie) (normative) (forme rare) (forme rare)
Partie dominante Sommet straté- Technostructure Centre opérationnel Ligne hiérarchique Fonctions support Idéologie Aucune
gique logistique (conflit)
Mécanisme Supervision Standardisation Standardisation des Standardisation des Ajustement mutuel Standardisation Aucun (jeu poli-
dominant directe des procédés qualifications résultats des normes tique)
Paramètres de conception de la structure (exemples)
Spécialisation du Peu, structure Horizontale et ver- Horizontale impor- Horizontale et verti- Horizontale forte Fort contrôle Jeu de pouvoir
travail simple ticale fortes tante cale modérées normatif informel
Type Organique Bureaucratique Bureaucratique Bureaucratique Organique Organique Organique
Décentralisation Centralisation Décentralisation Décentralisation Décentralisation ver- Décentralisation Décentralisation Aucune
horizontale lim. horizont./ vertic. ticale limitée sélective pure
Autres Informelle Formalisée S. logistique fort Autonomie locale Peu formalisée Informelle, flou Informelle
Facteurs de contingence/ contexte (exemples)
Age/taille Jeune Vieille/grande Vieille/ très grande Jeune
Environnement Stable, simple, Simple et stable Complexe et stable Marchés diversi-fiés, Complexe et
dynamique/ assez simple dynamique
Autres caractéristiques
Avantages Flexibilité, sens Efficace, sûre, Démocratie et auto- Risque réparti, capi- Peu bureaucrati- Sens mission. Stimule le chan-
mission, rapidité cohérente nomie tal mobile que/démocratie Cohérent gement
Inconvénients Vulnérable Pb d’adaptation Pb coordination Innovation faible Inefficience Implosion Explosion
Stratégies Learder Vision- Programmée, Stratégie stable Portefeuille groupe/ Emergente, cycle Réformateur, Arène politique.
naire Ré-sistance au mais stratégies division libre de leur de convergence/ convertisseur ou Confrontation
Plutôt délibérée chgt. Crise ponc- locales instables stratégie divergence cloître
tuelle
Pays associé Suisse Canada USA/Pays de l’Est Suède Japon Italie
Formation de la Modèle vision- Modèle rationna- Modèle politique Modèle incrémen- Modèle interpré-
stratégie naire liste tal tatif
Type de Inexitant Planificateurs droi- Inadaptée à la pla- Planificateurs gau-
planificateurs tiers nification chers
LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Forces Direction Efficience Compétence Concentration Apprentissage Coopération Compétition


*Selon Mintzberg (1990 :494), cette forme défendue par les trois écoles normatives de la pensée stratégique (conception, planification, positionnement) domine notre opin-
ion sur la façon dont les organisations devraient être établies.
(Tableau synthétique réalisé par l’auteur à partir des différentes contributions de Mintzberg sur ce thème)

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Henry Mintzberg 147

En 1991, Mintzberg affine encore sa théorie en introduisant le concept


de force (cf. dernière ligne du tableau 2). Selon lui, un système de sept
forces agit sur les organisations. Deux cas de figures sont alors envisa-
geables. Le premier correspond à la domination d’une des sept forces.
L’organisation prend alors la forme d’une des sept configurations présen-
tées précédemment. Cependant, cette domination n’est pas exempte de
risques. Si la force dominante est trop puissante, elle peut contaminer les
autres forces et les affaiblir. L’organisation risque alors d’échapper à tout
contrôle, la force dominante faisant tout pour la maintenir dans son état
actuel et l’empêchant ainsi de réaliser les adaptations nécessaires. Ainsi, les
configurations performantes ne peuvent être de forme pure (Mintzberg,
1991 : 59). Une organisation doit pouvoir disposer de forces secondaires
suffisamment fortes pour contenir et tempérer la force dominante. « Sans
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ce que nous appelons l’endiguement, chaque configuration peut devenir
éventuellement normative28 » (Mintzberg ; 1990 : 384). De fait, manager
efficacement une configuration consiste à exploiter une des sept forces
tout en entretenant les autres forces. Le second cas intervient lorsqu’au-
cune force ne domine29. L’organisation fonctionne alors comme une com-
binaison (analogie du jeu de lego) plus ou moins équilibrée de deux
(forme hybride30) ou de plusieurs forces. Ces forces peuvent se rencontrer
plus ou moins directement et l’équilibre peut être stable ou instable.
L’organisation peut aussi combiner différentes formes qui dominent diffé-
rentes parties. De même, certaines organisations peuvent laisser chaque
force dominer alternativement. Cependant, la combinaison n’est pas
exempte de risques. Elle dégénère souvent en conflit entre plusieurs forces
opposées (clivage) qui peut conduire à la paralysie de l’organisation.
Enfin, une organisation, même si elle passe une grande partie de sa vie
dans un état stable, est amenée au cours de son existence à changer de
forme quand celle-ci devient inefficace (sous la pression de l’extérieur ou
des forces internes). Elle va alors se convertir (de façon temporaire ou
permanente) en passant d’une configuration ou d’une combinaison à une
autre et traverser une période de transition plus ou moins longue et
conflictuelle. De fait, une organisation suit souvent un cycle de vie en
28. Nous nous rapportons au chapitre de cet ouvrage sur Kets de Vries car Mintzberg, en reprenant les
travaux de Miller et Kets de Vries (198X) considère que les organisations entrepreneuriale, mécaniste,
professionnelle, divisionnalisée et innovatrice peuvent devenir respectivement dramatique, maniaque,
paranoïaque, dépressive et schizophrène.
29. Sur 132 organisations étudiées par ses étudiants, la moitié était voisine de l’une des sept formes pures.
Les autres correspondaient à des combinaisons (17 identifiées dont la professionnelle innovatrice est la
plus courante) (Mintzberg, 1991 : 60).
30. Mintzberg (1990) cite l’exemple de l’orchestre symphonique qui est une combinaison stable et
uniforme entre les formes professionnelle (compétences des musiciens) et entrepreneuriale (Chef
d’orchestre).
148 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

quatre étapes (formation, développement, maturité, déclin) associé à un


cycle de changement de pouvoir.

Conclusion
Aussi bien consultant que chercheur en management et concepteur de
programmes pédagogiques, Henry Mintzberg apparaît comme un auteur
doté de multiples facettes dont les travaux ne peuvent laissés indifférents.
Ce chapitre montre d’ailleurs la richesse et la diversité de ses contribu-
tions. C’est pourquoi en guise de conclusion, il peut être intéressant
d’apprécier son œuvre au regard de ses différentes facettes en dressant un
portrait de l’auteur.
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Henry Mintzberg en temps que chercheur a contribué à faire avancé la
recherche en management en proposant des réorganisations conceptuelles
brillantes (Desreumaux, 1998) qui ont le mérite d’intégrer les contribu-
tions de bon nombre d’autres auteurs qui encombraient jusque là le
champ de l’analyse organisationnelle (Nizet et Pichault, 1995). Sa princi-
pale qualité est d’avoir développée au cours de ces quarante dernières
années une théorie complète et intégrative qui rend compte de la com-
plexité des organisations et de la difficulté de les gérer pour les dirigeants.
Henry Mintzberg en tant que chercheur en Sciences de Gestion est
caractérisé par le faible formalisme méthodologique propre à ses travaux
qui limite leur généralisation et rend difficile leur duplication telle quelle.
En effet, ses protocoles de recherche apparaissent souvent comme peu
rigoureux. De fait, Mintzberg formule rarement un raisonnement scienti-
fique avec élaboration d’hypothèses à tester empiriquement, privilégie
souvent l’interprétation des faits à leur vérification et se soucie peu de la
taille et de la représentativité de ses échantillons.
Mintzberg en tant qu’analyste des organisations a développé une théo-
rie qui permet d’opérer un diagnostic global du fonctionnement d’une
organisation. En revanche, il ne traite pas de deux dimensions importantes
qui permettraient de compléter son approche :
• la dimension individuelle des organisations. L’individu est complè-
tement exclu en tant qu’acteur, dans ses jeux de pouvoir et d’inte-
ractions sociales, pour n’étudier que les masses divisées par grandes
fonctions (Nizet et Pichault, 1995) ;
• et la dimension macro. Les phénomènes macrosociaux (évènements,
évolutions politiques, sociales et économiques) ne sont pas abordés
Henry Mintzberg 149

alors qu’ils peuvent avoir des effets non négligeables et convergents


sur les organisations (Nizet et Pichault, 1995).
Mintzberg en temps qu’auteur d’ouvrages et d’articles de référence s’est
positionné comme un vif opposant à la vision de l’organisation développée
par les auteurs des écoles managériales classiques (cf. par exemple son
débat avec I. Ansoff ). Son style incisif, l’utilisation de métaphores bril-
lantes, la qualité de son raisonnement associée à une certaine lourdeur
(taille des ouvrages où l’essentiel n’est pas toujours distingué de l’acces-
soire, multitude de variables mobilisées et d’hypothèses formulées) et au
caractère peu scientifique de ses travaux ont conduit à développer autour
de ses recherches de nombreuses polémiques.
Enfin, Mintzberg en tant que consultant et concepteur de programmes
pédagogiques apparaît comme un innovateur, porteur d’une vision de
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l’organisation, qui cherche à transformer son fonctionnement notamment
en repensant la formation des dirigeants.
Pour ces raisons, Mintzberg est indéniablement une des références les
plus incontournables dans le domaine du management et l’un des auteurs
dont la lecture s’avère la plus instructive.

Travaux cités de l’auteur31


Mintzberg, H. (1967), « The Science of Strategy-making », Industrial Management
Review, vol. 8, p. 71-81.
Mintzberg, H. (1973b), « Strategy-making in Three Modes », California
Management Review, Winter, vol. 16, n° 2, p. 44-53.
Mintzberg, H. (1975), « The Manager’s Job : Folklore and Fact », Harvard
Business Review, August.
Mintzberg, H. (1978), « Patterns in Strategy Formation », Management Science,
mai, vol. 24, p. 934-948.
Mintzberg, H. (1982), Structure et dynamique des organisations, Paris, Éditions
d’Organisation Traduction de Mintzberg (1979), The Structuring of
Organizations, N-J, Prentice Hall, Englewood Cliffs.
Mintzberg, H. (1984), « Power and Organization Life Cycles », Academy of ma-
nagement review, avril, vol. 9, n° 2, p. 207-224.
Mintzberg, H. (1984), Le manager au quotidien : les dix rôles du cadres, Paris, Les
éditions d’Organisation, traduction de Mintzberg, Henry (1973a), The
nature of managerial work, Harper and Row.
Mintzberg, H. (1986), Le pouvoir dans les organisations, Paris, Éditions
d’Organisation, Traduction de Mintzberg (1983), Power in and around
Organization, N-J, Prentice Hall, Englewood Cliffs.
31. La bibliographie complète est disponible sur le site de l’auteur : www.henrymintzberg.com
150 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION

Mintzberg, H. (1987), « Crafting Strategy », Harvard Business Review, juillet,


p. 66-77.
Mintzberg, H. (1990), Le Management : voyage au centre des organisations, Paris,
Éditions d’Organisation, Paris traduction de Mintzberg, H. (1989), Mintzberg
on management : inside our strange word of organizations, New York, Free Press.
Mintzberg, H. (1991), « The Effective Organization : Forces and Forms », Sloan
Management Review, winter, p. 54-67.
Mintzberg, H. (1992), « Commentary on MBA, is the Traditional Model
Doomed », Harvard Business Review, novembre, p. 129.
Mintzberg, H. (1994), « Rounding Out the Manager’s Job », Sloan Management
Review, vol. 36, n° 1, fall, p. 11-26.
Mintzberg, H. (1994), Grandeur et décadence de la planification stratégique, Paris,
Éditions d’Organisation Traduction de The Rise and Fall of Strategic Planning,
New York, London, The Free Press Prentice Hall International.
Mintzberg, H. (2000), « You Can’t Create a Leader in a Classroom », www.
Henrymintzberg.com
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Mintzberg H. (2014), Manager ce que font vraiment les managers, Paris, Vuillet.
Mintzberg, H. (2014), Rebalancing Society, amazon.com.
Mintzberg, H. (avec Ahlstrand Bruce et Lampel, Joseph) (1999), Safari en pays
stratégie, Paris, Éditions Village Mondial, traduction de Mintzberg, H. et al.
(1998), Strategy Safari, The Free Press
Mintzberg, H., Raisinghani, D. et Theorêt, A. (1976), « The Structure of
“Unstructured” Decision Processes », Administrative Science Quarterly,
vol. 25, juin, p. 465-499.
Mintzberg, H., Waters, J. (1985), « Of Strategies, Deliberate and Emergent,
Strategic Management Journal, vol. 6, p. 257-272.
Mintzberg, H. et J. Waters (1990), « Does Decision Get in the Way »,
Organizational studies, vol. 11, n° 1, p. 1-6.
Mintzberg, H., Westley, F. (1992), « Cycles of Organizational Change », Strategic
Management Journal, vol. 13, p. 39-59.

Autres références bibliographiques


Desreumaux, A. (1998), Théorie des organisations, Caen, Éditions Management
& Société.
Nizet, J., Pichault, F. (1995), Comprendre les organisations : Mintzberg à l’épreuve
des faits, Europe, Gaëtan Morin Éditeur.

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