Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ems Charr 2017 01 0129
Ems Charr 2017 01 0129
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Michel Barabel
IX
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
130 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
réconcilier l’approche rationnelle normative (contenu) et l’approche qua-
litative (processus et informel) en développant une vision intégrative.
Mintzberg (1999 : 306-351) se positionne ainsi dans « l’école de la confi-
guration »2. Cette dernière cherche à intégrer les apports des neuf princi-
pales écoles de la pensée stratégique identifiées par l’auteur (école de la
conception, de la planification, du positionnement, entrepreneuriale,
cognitive, apprentissage, pouvoir, culturelle et environnementale) en
décrivant une organisation à un moment donné comme une certaine
configuration stable de ses attributs (structure, style de commandement,
stratégies et contexte environnemental).
Notice biographique3
Né le 2 septembre 1939 à Montréal, Henry Mintzberg suit dans un premier temps des
études d’ingénieur à McGill pour lesquelles il obtient un diplôme en Génie Mécanique
(BEng. McGill University, 1961). Après une première expérience professionnelle aux
Chemins de Fer Nationaux Canadiens, il décide de poursuivre ses études en
Management des organisations. Il obtient successivement une maîtrise (BA) à la Sir
George Williams University, puis un troisième cycle (SM) et un doctorat (Ph.D.) à la
Sloan School of Management du MIT (Massachusetts Institute of Technology, Boston,
USA).
1. Le classement Fnege 2016 sur « l’impact de la recherche en management » le classe au 2e rang des
« gurus » du management juste derrière Michael Porter. Henry Mintzberg figure également dans le top
20 dans tous les classements internationaux (FT, Mercer…). Toujours très actif, Mintzberg s’appuie sur
son compte twitter @mintzberg141 (plus de 11 000 followers) pour porter le débat dans l’espace public.
2. Cf. la partie 3 de cet article pour une présentation plus développée de cette théorie.
3. Pour disposer d’une biographie complète, on se réfèrera au site de l’auteur : www.Henry.Mintzberg.
com.
Henry Mintzberg 131
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
une récompense décernée par l’une des associations en management la plus importante
(« Academy of Management ») pour l’ensemble de ses travaux (chercheur de l’année
2000). Il a, de plus, été président de l’association « Strategic Management » dont il est
l’un des fondateurs.
4. Par exemple, son ouvrage Grandeurs et décadences de la planification stratégique comporte plus de
24 pages de références bibliographiques.
5. À titre d’illustration, sa thèse sur les activités quotidiennes des dirigeants repose sur l’analyse des
responsables d’une grande société de conseil, d’un célèbre hôpital universitaire, d’une grande université,
d’une société de technologie de pointe et d’une grande fabrique de biens de consommation).
132 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
comme ses principales contributions dans le champ du management.
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
quemment et avec rapidité » Mintzberg (1973, 1980 : 45). L’un des prin-
cipaux apports de Mintzberg a été de montrer que cette organisation a
priori chaotique est délibérément recherchée par les managers afin de leur
permettre de « jongler avec toutes sortes de projets concurrents, une large
échelle de rôles joués, une infinité de contacts et des informations en
abondance » (Mintzberg, 1980). Le comportement des dirigeants est en
fait un moyen opportuniste de réaliser beaucoup en peu de temps dans le
but de ne pas se couper du flux d’informations incessant qu’ils doivent
maîtriser. Ils vont donc à la fois se surcharger de travail tout en évitant de
perdre du temps, faisant toute chose de façon abrupte et relativement
superficielle.
De façon plus générale, les dirigeants affichent une préférence pour
l’action. Ils privilégient les éléments les plus actifs de leur travail (ce qui est
courant, actuel, spécifique, bien défini, non routinier) au détriment de la
réflexion (la prise de décision stratégique considérée par la littérature tra-
ditionnelle comme primordiale ne correspond qu’à 13 % de leur temps).
Enfin, les managers sont des hommes de contact et de représentation
dont la principale activité est la gestion de l’information (40 % de leur
temps) pour laquelle ils privilégient les contacts avec autrui (en moyenne,
ils passent seulement 22 % de leur temps de travail seul) car ils apportent
de l’information vivante (ton de la voix, expression gestuelle) plus rapide-
ment et plus facilement.
En résumé, le travail du manager apparaît comme étant plus simultané,
global et relationnel que linéaire, séquentiel et ordonné (Mintzberg,
1994 : 326).
11. Ces observations sont en cela conformes à des recherches antérieures (Carlson, 1951 ; Burns,
1958 ; Stewart, 1967, etc.).
134 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
externes). Deuxième, les rôles liés à l’information où le dirigeant apparaît
comme le centre nerveux de son organisation et le chef d’orchestre de la
gestion des informations. Ils regroupent les rôles d’observateur actif (scru-
ter l’environnement et l’organisation en vue d’acquérir de l’information),
de diffuseur (répartition et diffusion des informations au sein de l’organi-
sation) et de porte-parole (répartition et diffusion de certaines informa-
tions à l’extérieur). Enfin, les rôles décisionnels qui comprennent les rôles
d’entrepreneur (rechercher des opportunités, assurer la conception de la
stratégie et initier les changements), de régulateur (trouver des réponses
aux perturbations inattendues de l’environnement), de répartiteur des
ressources (arbitrer entre les différentes entités de l’organisation) et de
négociateur (représenter l’organisation dans les négociations importantes).
Ces dix rôles ne sont pas dissociables les uns des autres. Ils forment une
gestalt et doivent tous être exécutés par le dirigeant.
Selon Mintzberg, il existe de nombreuses ressemblances fondamentales
entre les postes managériaux mais aussi des différences qui peuvent être
expliquées par l’influence qu’exercent quatre ensembles de variables : les
variables d’environnement (caractéristiques du secteur, de l’organisa-
tion…), les variables liées au poste (niveau hiérarchique, fonction…), les
variables liées à la personne (personnalité, style, etc.) et les variables rela-
tives à la situation (variation du travail dans le temps).
Henry Mintzberg 135
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
fiques à traiter) et sa programmation.
Les trois cercles concentriques symbolisent les niveaux où le travail du
manager peut se situer. Le premier cercle représente le niveau de l’infor-
mation, dont le manager se sert pour inciter les personnes à agir, auquel
correspond deux rôles : communiquer (observateur actif, diffuseur et
porte-parole) et contrôler (directives, conception de la structure, dévelop-
pement de systèmes formels). Le second cercle représente le niveau des
personnes, avec lesquelles le manager peut travailler pour les encourager à
agir, auquel correspond deux rôles : être leader (symbole, création d’une
culture d’entreprise, encouragement)) et relier (agent de liaison). Enfin, le
troisième cercle représente le niveau de l’action, où le manager agit de
façon plus ou moins directe, auquel correspond un rôle : agir (entrepre-
neur, régulateur et répartiteur).
Dans son ouvrage Manager, Mintzberg insiste sur le fait que manager
n’est pas une profession mais une pratique qui dépend la capacité de l’indi-
vidu à articuler trois champs : l’Art (vision, perception créative), l’artisanat
(expérience, apprentissage pratique) et la Science (analyse, données systé-
miques). De ce fait, Mintzberg trouve exagéré la distinction Leader/
Manager (survalorisation du premier sur le second) et pense qu’aujourd’hui
on a tendance à sur-diriger les collaborateurs et à les sous-manager au
risque d’échouer.
12. Mintzberg (1994) cherche par là même à répondre à un certain nombre de critiques sur sa
typologie formulée par un certain nombre d’auteurs (notamment Morse et Wagner, (1978),
Mc Call et Segrist (1980), Martinko et Gartner (1985) et Hall (1985)) qui lui reprochaient en
particulier :
– d’être présentée comme une décomposition en éléments et non comme un modèle interactif ;
– de ne pas avoir pris en compte le rôle de contrôleur qui est pourtant observé dans la réalité.
13. On se réfèrera à l’article de Mintzberg (1996 : 107) paru dans la Revue Française de Gestion pour
visualiser le modèle.
136 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
2. LA DÉTERMINATION DE LA STRATÉGIE
Après avoir étudié les activités quotidiennes des managers, Mintzberg
(1973b) centre sa recherche sur l’une des tâches les plus importantes qui
leur est dévolue : la détermination de la stratégie14. Quatre problématiques
sont étroitement liées à ce thème. Mintzberg en déduit des prescriptions
concernant la formation des dirigeants et les rôles des planificateurs.
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
l’avance (plan construit pour le futur) en vue de décisions spécifiques
faites pour la réaliser (Mintzberg, 1978). Selon Mintzberg, les auteurs15
ont mis en avant le mode planifié d’élaboration de la stratégie qui conduit
à former une stratégie cohérente, globale et à long terme (système intégré
de décisions). Or, si la planification (efforts de formalisation et de finali-
sation) convient particulièrement à un environnement prédictible et
stable, elle est loin d’être efficiente dans d’autres contextes et comporte des
risques importants (Mintzberg, 1994)16. En particulier, la planification, en
mettant en place des systèmes de contrôle stricts, limite l’autonomie et la
flexibilité des acteurs et la capacité d’adaptation de l’organisation. Elle
s’avère alors inefficace et dangereuse dans des périodes de turbulences de
l’environnement car elle tend souvent à remplacer une vision stratégique
par une procédure (l’extrapolation par statu quo) qui décourage la pensée
et le changement stratégique (Mintzberg et Waters, 1982 : 498).
Ainsi, le mode planifié conduit à trois erreurs majeures (Mintzberg,
1994) :
• l’erreur de prédétermination (production de prévisions erronées du
futur, du fait de la complexité et de l’incertitude de l’environne-
ment) ;
14. Ce processus d’élaboration est selon l’auteur fascinant et a constitué son principal thème de réflexion
à travers toute sa carrière. Dès 1971, il engage un programme de recherche où il mène de nombreuses
études de cas (Volkswagen (1920-1974), etc.) pour traquer les stratégies au cours de leur histoire
(Mintzberg, 1990 : 48).
15. Les écoles de la perception et de la planification sont perçues comme étant voisines. Les seules dif-
férences concernent l’acteur-clé du processus (respectivement le PDG et le planificateur), la nature du
processus (informelle contre formelle) et la finalité (stratégies originales contre stratégies efficaces).
16. Mintzberg présente dans le chapitre 3 de son ouvrage une analyse synthétique de nombreuses études
empiriques menées depuis les années sur la performance de la planification. Il s’appuie en particulier sur
l’analyse de huit études empiriques pour affirmer que la planification pratiquée est plutôt un échec, et
qu’elle ne favorise pas l’élaboration de la stratégie.
Henry Mintzberg 137
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
qui se construit graduellement sans forcément provenir du centre.
Cependant, il n’existe que très peu de stratégies purement délibérées ou
émergentes (Mintzberg et Waters, 1985). « Le premier cas suggère qu’il n’y
a pas eu apprentissage, le second qu’il n’y a pas eu contrôle » (Mintzberg,
1994 : 41). Ces deux modes purs sont en fait les deux pôles d’un conti-
nuum entre lesquelles les stratégies s’inscrivent. On peut donc s’attendre à
trouver des formes imparfaites qui combinent divers états de trois dimen-
sions : les intentions managériales (degré de précision, d’explicitation,
d’adhésion), le niveau du contrôle central sur les actions de l’organisation
(degré de fermeté) et la nature de l’environnement (degré de prédictibilité,
de contrôlabilité et de bienveillance).
Les auteurs en déduisent une typologie de différentes formes de straté-
gies possibles. Dans le tableau ci-après, nous en présentons quelques-unes.
17. Mintzberg (1994) indique que ce détachement empêche le dirigeant d’avoir un accès direct à
l’information et l’empêche de jouer ses rôles de communication identifiés précédemment (cf. 1.).
18. Alors que le mode planifié élabore une stratégie, le mode émergent construit la stratégie et Mintzberg
(1979) préfère alors parler de formation de la stratégie.
19. Selon Mintzberg (1978 : 941), la stratégie peut être vue comme l’interaction entre un environnement
dynamique (qui pousse au changement permanent) et une bureaucratie (qui cherche avant tout à stabi-
liser ses actions et pousse à la continuité) avec la direction faisant l’interface entre les deux. La stratégie
est alors un ensemble de comportements cohérents par lesquels une organisation établit pour un moment
donné sa place dans son environnement.
20. Ce mode doit satisfaire trois conditions strictes : (1) il existe des intentions précises dans
l’organisation, articulées à un niveau relativement précis de détail. (2) Ces intentions sont communes à
la quasi majorité des acteurs. (3) Ces intentions collectives sont réalisées comme prévues. Dans le cas
contraire, on aboutit à une stratégie non réalisée.
138 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
pouvant être
internalisées)
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
« modeler conjointement, pensée et action, contrôle et apprentissage, sta-
bilité et changement » (Mintzberg, 1990 : 66).
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
La nature complexe et incertaine des processus de formation de la stra-
tégie et de prise de décisions stratégiques induit deux conséquences sur la
nature des planificateurs et des dirigeants nécessaires dans une organisa-
tion.
Mintzberg propose alors de repenser les rôles des premiers et la forma-
tion des seconds.
Au regard des critiques formulées à l’encontre de la planification,
Mintzberg (1994) propose de transformer les rôles des planificateurs. Ces
derniers n’ont aucun rôle à jouer dans la formation de la stratégie. Ils se
voient confier cinq missions. Ils doivent devenir les détecteurs de stratégies
émergentes (rôle de détectives), les catalyseurs de la formation de la stra-
tégie (favoriser la réflexion stratégique informelle et créative), les analystes
des stratégies proposées (contrôler leur efficacité et le comportement des
acteurs), les programmateurs des stratégies définies par les décideurs (cla-
rifier et préciser la stratégie jusque dans les détails, la traduire dans les
opérations, les procédures et les budgets, etc.) et les communicateurs des
stratégies en interne et en externe. Dotés de ces nouvelles responsabilités,
Mintzberg (1994 : 19) propose « de coupler les capacités et les inclinations
des planificateurs avec l’autorité et la flexibilité des manager de façon à être
sûr d’avoir un processus d’élaboration de la stratégie prenant en compte
les informations, intégrateur et capable de répondre aux changements qui
interviennent dans l’environnement de l’organisation ».
Concernant les dirigeants, Mintzberg identifie trois compétences fon-
damentales pour exercer efficacement ce métier : les capacités d’apprentis-
sage, de synthèse (être doté d’un cerveau créatif capable de synthétiser une
vision) et la capacité à coupler analyse et intuition.
Henry Mintzberg 141
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Dans le cas contraire, notre système éducatif ne peut que produire une
« nouvelle aristocratie qui pense que parce qu’elle a été présélectionnée à
un jeune âge sur la base de critères universitaires théoriques et a passé
quelques années dans une classe, elle aura le droit d’atteindre rapidement
une position dominante dans une organisation et un jour la diriger »
(Mintzberg, 2000).
Mintzberg (1990) propose alors de changer les priorités de l’enseigne-
ment en gestion22 : « Il contiendrait moins d’analyse et de prescription et
plus de substance informelle et de perspicacité ». Sa philosophie reposerait
sur une vision du management comme étant une pratique, un art, une
science et un savoir-faire qui se rencontrent (Mintzberg, 2000).
22. Mintzberg a mis en pratique ses théories et créé en 1993 son propre diplôme (l’IMPM : International
Masters in practicing management) avec Jonathan Gosling : réservé aux cadres expérimentés. D’une
durée de 16 mois, il se déroule dans cinq pays (Canada, France, Inde, Japon et Angleterre) et comprend
5 modules de 15 jours (un par pays) 1°) Se manager, l’esprit réflexif ; 2°) Manager les relations, l’esprit de
collaboration ; 3°) Manager les organisations, l’esprit analytique, 4°) Manager le contexte, la vision globale
et mondiale ; 5°) Manager le changement et l’action. Les étudiants voyagent dans chaque campus et
s’immergent dans la culture du pays d’accueil (visite des entreprises locales, expérience de leurs collègues).
Après chaque module, les étudiants retournent travailler et doivent écrire un papier décrivant la façon
dont ce qu’ils ont appris les aide dans leur travail. Ils passent aussi entre chaque module, une semaine
dans le bureau d’un partenaire et prépare ensuite un papier détaillé de leurs observations.
142 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
3. STRUCTURE ET POUVOIR23
Les travaux de Mintzberg qui traitent de la structure et du pouvoir
reposent sur une analyse synthétique de la littérature sur ces questions24 et
s’appuient sur la théorie de la configuration initiée à la faculté de gestion
de McGill (notamment par Pradip Khandwalla) avec le lancement en
1971 d’un important programme de recherches auquel l’auteur va active-
ment participer. Ce courant de recherche est né de la volonté de répondre
à une limite importante de la théorie managériales qui a principalement
cherché à « expliquer le succès d’une organisation par l’utilisation d’un
attribut organisationnel unique » (la stratégie, l’environnement, la struc-
ture ou le dirigeant, etc.) alors qu’une organisation est en réalité une
constellation multidimensionnelle de caractéristiques, de dimensions ou
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
de composantes qui se manifestent ensemble (notion de couplage). En
n’étudiant qu’un paramètre isolé, les auteurs en management ne peuvent
pas disposer d’une vue d’ensemble de l’organisation. Ainsi, selon
Mintzberg, nous avons besoin de configurations pour comprendre plus
rapidement et facilement les organisations25.
Une configuration est alors définie comme le co-alignement de diffé-
rents attributs.
La théorie de Mintzberg repose sur deux hypothèses :
• la combinaison des différents attributs ne peut engendrer qu’un
nombre restreint de configurations organisationnelles ayant les
moyens de survivre dans un contexte donné grâce à leur agencement
harmonieux (co-alignement naturel) ;
• les configurations idéales permettent de classer les organisations, de
concevoir des outils de conception et de diagnostic et en définitive
de mieux comprendre la réalité. Cependant, elles n’en sont qu’une
« simplification extrême ». et ne peuvent pas être trouvées telles
quelles. « Mais il y en a qui sont remarquablement proches d’une de
ces configurations alors que d’autres organisations reflètent une
23. La théorie développée par Mintzberg s’est affinée au cours de ses publications. Par exemple, l’auteur
a introduit un nouveau mécanisme de coordination dans son ouvrage de 1990. Nous présentons donc la
version la plus récente des propositions de Mintzberg. L’ouvrage de Jean Nizet et François Pichault
(1995) constitue selon nous une excellente critique des travaux de Mintzberg sur ce thème. De même,
l’ouvrage de Alain Desreumaux (1998 : 156-165) présente une excellente analyse critique de la théorie
des configurations organisationnelles.
24. Mintzberg a compilé et structuré les nombreuses études et publications à sa disposition en faisant le
postulat que les études très ciblées de la littérature sont des reflets de la réalité.
25. Pour Tsoukas, la théorie de la configuration a une vision organiciste du monde. C’est une théorie
synthétique et intégrative qui perçoit le monde au-delà de son apparence, comme étant cohérent et bien
intégré et fait l’hypothèse qu’il existe une logique immanente qui sous-tend la dynamique de l’objet
étudié et le conduit à une certaine forme de structuration (Desreumaux, 1998 : 91).
Henry Mintzberg 143
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
tion et exercent sur elle des forces dans des directions opposées :
• la Direction Générale symbolisée par le sommet stratégique, dont la
fonction est de faire en sorte que l’organisation remplisse sa mission
de façon efficace, pousse à la centralisation afin de conserver le
contrôle du processus de prise de décisions. Lorsque le sommet
domine, la coalition est dite personnalisée ;
• les cadres intermédiaires responsables de la ligne hiérarchique, char-
gés de la supervision directe des opérateurs, poussent à la balkanisa-
tion afin d’obtenir plus d’autonomie par rapport au sommet. Si cette
force domine, la coalition est qualifiée de divisionnelle ;
• les opérateurs, localisés dans le centre opérationnel, prennent en
charge le travail même de l’organisation (production de biens et de
services) et cherchent à minimiser l’influence des dirigeants et celle
des analystes sur leur travail en encourageant une décentralisation à
la fois horizontale et verticale. Ils poussent vers le professionnalisme
(coalition professionnelle) ;
• les analystes de la technostructure qui sont des spécialistes en charge
de la conception et de l’exploitation des systèmes formels et informels
de gestion poussent en faveur de la standardisation (coalition bureau-
cratique) ;
• les salariés qui exercent les fonctions de support logistique (fourniture
de services internes (par ex. : service juridique) poussent à la collabo-
ration afin qu’on sollicite leurs expertises (coalition innovatrice).
Enfin, le sixième agent présent dans l’organisation a une nature un peu
particulière puisqu’il est inanimé. Il s’agit de l’idéologie de l’organisation
(ou culture d’entreprise) définie comme l’ensemble des croyances parta-
gées par les détenteurs d’influence internes. Elle insuffle une certaine
144 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
intérêts généraux ou particuliers (pouvoirs publics, mouvements écolo-
giques, collectivités locales, etc.).
La coalition externe peut prendre plusieurs formes. Elle sera dominée
si elle est contrôlée par un seul détenteur d’influence, divisée si elle com-
posée de groupes rivaux et passive lorsque le nombre de détenteurs d’in-
fluence qui la composent est si important que le pouvoir se trouve extrê-
mement dispersé. Entre la coalition interne et externe, on trouve le conseil
d’administration qui va réaliser l’interface.
Troisième famille d’attribut : les six mécanismes de coordination.
Les moyens fondamentaux par lesquels les organisations peuvent coor-
donner leur travail sont au nombre de six : l’ajustement mutuel (commu-
nication informelle privilégiée), la supervision directe, la standardisation
des procédés de travail (description des tâches), la standardisation des
résultats (management par objectifs avec autonomie dans le travail), la
standardisation des qualifications (niveau de formation requis, grille
d’emplois, etc.) et la standardisation des normes (comportement dicté par
la culture d’entreprise). Ces six mécanismes sont les éléments les plus fon-
damentaux de la structure. Mintzberg (1990) précise qu’ils constituent le
ciment qui tient les pierres de la bâtisse de l’organisation. Ils coexistent au
sein d’une même organisation mais en général l’un d’entre eux est domi-
nant.
26. Mintzberg accorde une place importante dans ses travaux aux jeux politiques qui présentent selon lui
trois caractéristiques (ils utilisent des moyens illégitimes, les objectifs poursuivis par les acteurs vont à
l’encontre des buts de l’organisation, ils prennent la forme de conflits, d’oppositions, de discordes entre
certains acteurs) et dont il présente treize d’entre eux (jeux de l’insoumission, du parrainage, de la con-
struction d’empire, de la rivalité entre deux camps, du coup de sifflet, etc.).
Henry Mintzberg 145
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Selon Mintzberg (1979 : 208), pour qu’une structure soit efficace, il faut
qu’il y ait cohérence entre paramètres de conception et facteurs de contin-
gence. En effet, ces derniers (âge, taille, système technique et type d’envi-
ronnement27) influencent les choix des paramètres de conception et inver-
sement. À ce propos Mintzberg a formulé un certain nombre d’hypothèses.
Sixième famille d’attribut : le pouvoir.
Mintzberg (1986) considère qu’un certain type de coalition externe a
plus de probabilité d’être associé à une coalition interne spécifique donnant
naissance à un type d’organisation donnée. Six types d’organisation sont
distinguées (instrument, système clos, autocratie, missionnaire, méritocratie
et arène politique). Par exemple, une coalition externe passive associée à une
coalition interne personnalisée donne naissance à une organisation autocra-
tique.
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Henry Mintzberg 147
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
ce que nous appelons l’endiguement, chaque configuration peut devenir
éventuellement normative28 » (Mintzberg ; 1990 : 384). De fait, manager
efficacement une configuration consiste à exploiter une des sept forces
tout en entretenant les autres forces. Le second cas intervient lorsqu’au-
cune force ne domine29. L’organisation fonctionne alors comme une com-
binaison (analogie du jeu de lego) plus ou moins équilibrée de deux
(forme hybride30) ou de plusieurs forces. Ces forces peuvent se rencontrer
plus ou moins directement et l’équilibre peut être stable ou instable.
L’organisation peut aussi combiner différentes formes qui dominent diffé-
rentes parties. De même, certaines organisations peuvent laisser chaque
force dominer alternativement. Cependant, la combinaison n’est pas
exempte de risques. Elle dégénère souvent en conflit entre plusieurs forces
opposées (clivage) qui peut conduire à la paralysie de l’organisation.
Enfin, une organisation, même si elle passe une grande partie de sa vie
dans un état stable, est amenée au cours de son existence à changer de
forme quand celle-ci devient inefficace (sous la pression de l’extérieur ou
des forces internes). Elle va alors se convertir (de façon temporaire ou
permanente) en passant d’une configuration ou d’une combinaison à une
autre et traverser une période de transition plus ou moins longue et
conflictuelle. De fait, une organisation suit souvent un cycle de vie en
28. Nous nous rapportons au chapitre de cet ouvrage sur Kets de Vries car Mintzberg, en reprenant les
travaux de Miller et Kets de Vries (198X) considère que les organisations entrepreneuriale, mécaniste,
professionnelle, divisionnalisée et innovatrice peuvent devenir respectivement dramatique, maniaque,
paranoïaque, dépressive et schizophrène.
29. Sur 132 organisations étudiées par ses étudiants, la moitié était voisine de l’une des sept formes pures.
Les autres correspondaient à des combinaisons (17 identifiées dont la professionnelle innovatrice est la
plus courante) (Mintzberg, 1991 : 60).
30. Mintzberg (1990) cite l’exemple de l’orchestre symphonique qui est une combinaison stable et
uniforme entre les formes professionnelle (compétences des musiciens) et entrepreneuriale (Chef
d’orchestre).
148 LES GRANDS AUTEURS EN MANAGEMENT – 3e ÉDITION
Conclusion
Aussi bien consultant que chercheur en management et concepteur de
programmes pédagogiques, Henry Mintzberg apparaît comme un auteur
doté de multiples facettes dont les travaux ne peuvent laissés indifférents.
Ce chapitre montre d’ailleurs la richesse et la diversité de ses contribu-
tions. C’est pourquoi en guise de conclusion, il peut être intéressant
d’apprécier son œuvre au regard de ses différentes facettes en dressant un
portrait de l’auteur.
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Henry Mintzberg en temps que chercheur a contribué à faire avancé la
recherche en management en proposant des réorganisations conceptuelles
brillantes (Desreumaux, 1998) qui ont le mérite d’intégrer les contribu-
tions de bon nombre d’autres auteurs qui encombraient jusque là le
champ de l’analyse organisationnelle (Nizet et Pichault, 1995). Sa princi-
pale qualité est d’avoir développée au cours de ces quarante dernières
années une théorie complète et intégrative qui rend compte de la com-
plexité des organisations et de la difficulté de les gérer pour les dirigeants.
Henry Mintzberg en tant que chercheur en Sciences de Gestion est
caractérisé par le faible formalisme méthodologique propre à ses travaux
qui limite leur généralisation et rend difficile leur duplication telle quelle.
En effet, ses protocoles de recherche apparaissent souvent comme peu
rigoureux. De fait, Mintzberg formule rarement un raisonnement scienti-
fique avec élaboration d’hypothèses à tester empiriquement, privilégie
souvent l’interprétation des faits à leur vérification et se soucie peu de la
taille et de la représentativité de ses échantillons.
Mintzberg en tant qu’analyste des organisations a développé une théo-
rie qui permet d’opérer un diagnostic global du fonctionnement d’une
organisation. En revanche, il ne traite pas de deux dimensions importantes
qui permettraient de compléter son approche :
• la dimension individuelle des organisations. L’individu est complè-
tement exclu en tant qu’acteur, dans ses jeux de pouvoir et d’inte-
ractions sociales, pour n’étudier que les masses divisées par grandes
fonctions (Nizet et Pichault, 1995) ;
• et la dimension macro. Les phénomènes macrosociaux (évènements,
évolutions politiques, sociales et économiques) ne sont pas abordés
Henry Mintzberg 149
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
l’organisation, qui cherche à transformer son fonctionnement notamment
en repensant la formation des dirigeants.
Pour ces raisons, Mintzberg est indéniablement une des références les
plus incontournables dans le domaine du management et l’un des auteurs
dont la lecture s’avère la plus instructive.
© EMS Editions | Téléchargé le 21/04/2024 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
Mintzberg H. (2014), Manager ce que font vraiment les managers, Paris, Vuillet.
Mintzberg, H. (2014), Rebalancing Society, amazon.com.
Mintzberg, H. (avec Ahlstrand Bruce et Lampel, Joseph) (1999), Safari en pays
stratégie, Paris, Éditions Village Mondial, traduction de Mintzberg, H. et al.
(1998), Strategy Safari, The Free Press
Mintzberg, H., Raisinghani, D. et Theorêt, A. (1976), « The Structure of
“Unstructured” Decision Processes », Administrative Science Quarterly,
vol. 25, juin, p. 465-499.
Mintzberg, H., Waters, J. (1985), « Of Strategies, Deliberate and Emergent,
Strategic Management Journal, vol. 6, p. 257-272.
Mintzberg, H. et J. Waters (1990), « Does Decision Get in the Way »,
Organizational studies, vol. 11, n° 1, p. 1-6.
Mintzberg, H., Westley, F. (1992), « Cycles of Organizational Change », Strategic
Management Journal, vol. 13, p. 39-59.