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Domaine I : L’utilité de la philosophie Année scolaire 2023-2024

Introduction

Réfléchir sur la question de l’utilité de la philosophie, revient à s’interroger sur ses enjeux, ses finalités et ses perspectives.
Par la notion d’enjeu, on entend généralement ce que l’on peut gagner ou perdre dans une entreprise ou compétition
quelconque. La philosophie est donc ici mise en demeure de dire ce que l’on gagne avec elle. Elle va devoir elle-même fournir
la justification de sa nécessité et de son actualité. Autrement dit, la question qui se pose à son sujet est de savoir : est-elle utile
à l’homme ? Dans un monde moderne, caractérisé par le mercantilisme et le pragmatisme, y’a-t-il encore des raisons de
philosopher ? Au fond, les critiques adressées à la philosophie ne sont-elles pas infondées au regard de ses finalités
véritables ?

I- La nécessité de la philosophie en question

1. Les préjugés de l’opinion commune

Une chose quelconque est dite nécessaire si elle ne peut pas ne pas être. En ce qui concerne la philosophie, poser le
problème de sa nécessité revient à lui imposer un procès dans lequel elle se doit elle-même de justifier son existence. Il lui
incombera en effet la délicate tâche de répondre à la question : A quoi bon philosopher ?

A cette question, l’opinion commune répond sans détour qu’elle n’est d’aucune utilité parce qu’elle n’a aucun intérêt
pour la vie pratique. Ainsi, l’homme du sens commun, qui est très attaché à la dimension matérielle de la vie et qui a une
vision très simpliste des choses, a coutume d’être hostile à l’égard de la philosophie. Pour lui en effet, la philosophie apparaît
comme une réflexion spéculative et inefficace en ce qu’elle ne contribue pas à apporter une réponse aux préoccupations
concrètes des hommes. A ce titre, elle serait alors des théories subtiles débouchant sur une évasion, une fuite hors de la
réalité. Par-delà donc la personne de THALES qui fut railler, c’est l’image même du philosophe qui est visée et présentée par le
sens commun comme quelqu’un dont le discours est si aérien et abstrait qu’il passe complètement à côté de la réalité
quotidienne de l’homme. (Cf. PLATON, Théétète, Paris : G.F, 1958 ; p. 378).

2. Les finalités de la réflexion philosophique

La réflexion philosophique vise tout d’abord une finalité d’ordre intellectuel ou théorique. Sa mission consiste à exercer
l’esprit et à susciter l’éveil de l’intelligence et la curiosité intellectuelle. Aux yeux de BERTRAND RUSELL, la nécessité et
l’importance de la philosophie résident précisément dans l’incertitude qu’elle promeut, dans le questionnement incessant
qu’elle suscite. Le questionnement philosophique nous libère en effet, des préjugés du sens commun et des croyances
infondées. La réflexion philosophique favorise chez ceux qui la pratiquent une ouverture d’esprit par laquelle ils peuvent se
libérer de la platitude de ce qui est, de l’ordinarité de ce qui est vécu pour s’enrichir par la pensée du nouveau.

Ensuite, la finalité de la philosophie consiste à aider l’être humain à se préoccuper de la quête du sens de la vie. En effet, la
vie humaine ne porte pas en elle sa justification. La conscience humaine est nécessairement assaillie par tant de questions
angoissantes qui révèlent l’incomplétude radicale de son existence : qui suis-je ? Comment suis-je entré dans le monde ? Où
vais- je ? Que puis-je espérer ? Ainsi l’homme ne s’adonne pas à la réflexion philosophique par une simple fantaisie. S’il le fait
c’est bien parce que l’existence du monde et de sa propre présence au monde ne se justifient pas pleinement. Il faut
philosopher pour se donner une raison d’être. Pour autant, peut-elle survivre à l’hégémonie technoscientifique ?

II- Philosopher aujourd’hui.

1. L’ère de l’hégémonie technoscientifique


En faisant usage de la méthode expérimentale, les sciences de la nature comme la physique, la chimie et la biologie vont
se développer de façon spectaculaire en réalisant le pari de DESCARTES : rendre l’homme « maitre et possesseur » la nature.
Celui-ci devient, du fait de l’ingéniosité scientifique qu’il acquiert, l’artisan de son propre bonheur. Dans la vie de tous les
jours, des découvertes majeures s’opèrent. De la médecine à la technologie, tout y passe. Ce succès des sciences est pour
certains de toute évidence synonyme d’échec pour la philosophie.

En effet, avec l’avènement des sciences positives, on assiste à l’émergence de courants de pensée idéologique qui
relèguent la philosophie au dernier plan : le Positivisme et le Pragmatisme. Selon AUGUSTE COMTE, fondateur du courant
positiviste, l’esprit humain, dans son évolution, est passé successivement par trois grandes phases que sont l’état théologique,
l’état métaphysique et l’état positif. Parvenu à la dernière phase de son évolution, l’esprit humain renonce de façon définitive
à la question théologico-métaphysique du « pourquoi ? » et ne se pose désormais que la question du « comment ? ». La quête
philosophique de la cause et de l’essence des choses étant devenue obsolète, il ne reste plus à la philosophie que de
disparaitre.

Le Pragmatisme est un autre courant de pensée qui partage avec le positivisme l’idée d’un rejet de la philosophie dans la
mesure où elle n’est que spéculation et contemplation. Pour eux, la philosophie doit s’adapter à la mentalité
pragmatique de notre époque. Pour se faire, il convient de la débarrasser de son inclination métaphysique. Pour les
théoriciens du pragmatisme, il faut se défaire de cette conception chimérique de la vérité absolue, entendue
comme parfaite adéquation de l’idée à la réalité. Le vrai, c’est plutôt l’idée qui se matérialise sur le plan de
l’expérience physique. Mais alors quelle peut-être la vocation du philosophe dans notre époque et quelles sont ses chances
de survie ?

2. La renaissance de la pensée philosophique

Bien au contraire, au lieu de constituer pour elle une menace, les progrès de la science et de la technique sont un objet de
réflexion philosophique. En vérité, c’est la vie humaine elle-même qui intéresse la pensée philosophique. C’est l’art, la religion,
le mythe, la morale, la politique, la science, la technique…, en tant qu’ils sont des manifestations de la vie humaine qui
interpellent au plus haut point la réflexion philosophique. Ainsi la connaissance scientifique du monde, le processus par lequel
elle s’élabore, les méthodes d’approche dont elle se sert et les conclusions auxquelles elle aboutit intéressent le philosophe
dans une perspective d’ordre épistémologique.

Ensuite par la puissance technique que lui confère la science, l’homme exerce de plus en plus une mainmise sur la nature
environnante. Seulement, on peut regretter que l’augmentation de son pouvoir d’action sur la nature et sur lui-même, se
traduise aussi par l’accroissement de son pouvoir de nuire, de se détruire et de détruire son cadre de vie. Ainsi est-il à craindre
qu’il devienne l’artisan potentiel de son propre anéantissement. Car l’activité scientifique et technique pose, aujourd’hui, de
nouveaux problèmes à la vie humaine : les manipulations génétiques, la destruction de la couche d’ozone par les gaz à effet de
serre, les effets pervers des moyens de communication sur nos mœurs, les armes de destruction massive, etc. Puisqu’il
n’appartient pas à la science de parler de ce qui est bien ou mal, cette vocation est dévolue à la philosophie pour être la
moralisatrice des progrès scientifiques.

Conclusion

Les objections faites par le sens commun à la philosophie peuvent-elles être vraiment crédibles quand on sait qu’elles
découlent le plus souvent de préjugés ou d’une vision très superficielle de la nature véritable de la philosophie ? Il n’y a pas de
doute que l’on fait à la philosophie une mauvaise querelle si on se permet de la juger à partir des critères de la technoscience.
Il ne revient pas au philosophe de s’investir sur le terrain de la technique. Elle a plutôt une utilité intellectuelle pour l’homme
et une visée pratique dans le sens où, en tant que quête de sagesse, elle permet d’échapper à la mal-conduite.

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