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1STMG3 - Commentaires Des Textes Du Bac Blanc III
1STMG3 - Commentaires Des Textes Du Bac Blanc III
2. Au front : le Roi railleur devant l’anéantissement des soldats qui combattent pour lui.
Dans les six premiers vers, le poète tâche d’exprimer la violence et l’horreur des combats : il
recourt notamment aux effets sonores que le vers autorise ; ainsi il fait claquer les consonnes : à la
dureté des [t], [d] et [k] répond le roulement des [r] (“cRachats Rouges de la mitRaille”,
“Qu’écaRlates ou veRts, pRès du Roi qui les Raille,/ cRoulent les bataillons…”) ; il n’hésite pas à
verser dans la cacophonie, la discordance, comme au v. 3 : heurts produits par le son [k],
grondement des [r], engorgement des [a], assonance peu harmonieuse de “Roi” et “raille”. Enfin,
sur ces vers court comme un cri irritant, suggéré par l’abondance des [i] (tandis, mitraille, siffle,
infini, qui, tandis, folie). A la rime, Rimbaud crée des associations marquantes : le sifflement des
balles trouve dans le rire moqueur des Rois un écho ; les contrastes sont violents : d’un côté le
“ciel bleu” (qui suggère plutôt la sérénité et le bonheur), de l’autre le rouge des flammes, des
uniformes et du sang ; d’un côté l’horreur des corps mis en pièces, déchirés, troués, brûlés, de
l’autre la nature épanouie (“broie”/”joie”) ; d’un côté la réduction au néant, de l’autre l’acte créateur
sublime (“tas fumant”/”saintement”).
Dans ces vers, les images écoeurantes ou révoltantes abondent :
- les “crachats rouges de la mitraille” désignent les flammes qui jaillissent des canons des
fusils aussi bien que les projections de sang provoquées par les balles traversant les corps
des soldats ; le mot “crachat”, par ailleurs, entre en résonance avec le verbe “railler” au v. 3
: les “crachats de la mitraille” signalent le mépris dans lequel les puissants - les “Rois” -
tiennent ceux qui meurent pour eux.
- à “l’infini du ciel bleu” (image positive) répond l’incessant sifflement des balles, suggéré par
l’expression : “tout le jour”.
- les corps sont troués, déchirés, éparpillés, brûlés (voyez : “broie”, “tas fumant”).
- les puissants ne sont pas seulement indifférents au malheur des soldats : ils s’en moquent
(les “Rois” “raillent” les soldats qui meurent pour eux en masse).
Les six premiers vers du sonnet expose donc les horreurs provoquées par les combats : corps mis
en pièce et anéantis, mépris des rois à l’égard des soldats qui meurent en masse pour eux.
Toutefois, le champ de bataille n’est pas le seul endroit où l’on souffre, où l’on gémit sous le regard
dédaigneux et indifférent des puissants : à l’arrière, dans les églises, les mères sont elles aussi les
victimes du cynisme de dieu et de ses serviteurs, les prêtres.
Conclusion : Dans le sonnet “Le mal”, A. Rimbaud dénonce les horreurs de la guerre en utilisant
toutes les ressources que lui offre la poésie versifiée : effets typographiques et sonores, avec les
enjambements, les assonances et allitérations, effets de composition (le poème est construit sur
une sorte de symétrie, puisqu’aux six premiers vers décrivant le champ de bataille s’opposent les
six derniers où le poète évoque la souffrance des mères, qui ne trouvent pas dans les églises la
consolation et l’espérance recherchées - entre les deux, le poète s’adresse à la Nature,
personnifiée et même divinisée, seule puissance vraiment bonne et honorable), effets d’écho (au
Roi railleur répond le Dieu “qui rit”, tous deux indifférents à la souffrance des soldats et des mères).
De là un poème certes court mais particulièrement intense et marquant.
[Conclusion] Ce poème écrit à seize ans est déjà significatif d'un programme poétique qui sera
celui d'Arthur Rimbaud. D'abord, ne pas séparer la poésie et la vie. C'est pourquoi le poème
revendique clairement son caractère autobiographique. Et puis rompre avec une poésie trop
solennelle tout en se moulant dans la forme classique du sonnet. C'est presque de la prose, mais
en réalité c'est une façon de faire chanter les mots de tous les jours, les plus crus, les plus naïfs.
On y voit aussi Rimbaud construire sa propre image. L'image héroï-comique de l'aventurier
courant les chemins (« J'entrais à Charleroi »), et demandant comme un enfant des « tartines de
beurre ». Enfin, on y retrouve l'un de ses thèmes de prédilection : la quête du bonheur.