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Le Financement Des Très Petites
Le Financement Des Très Petites
Wafaa TANI
Doctorante
Laboratoire en entrepreneuriat, finance et audit
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - Université Ibn Zohr -
Agadir -
wafaa_tani@yahoo.fr
06 67 55 41 23
Bouchra RADI
Enseignant chercheur
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - Université Ibn Zohr -
Agadir –
radi.bouchra@gmail.com
06 61 41 40 64
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Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : 3 numéro : septembre 2014
Wafaa TANI & Bouchra RADI 188
Résumé
Le financement des Très Petites Entreprises : Informalisation du
financement formel ou formalisation du financement informel
Abstract
Financing Very Small Business: Informalization of formal financing or
formalization of informal financing
The main purpose of this paper is to present a new finance adapted to needs
of very small businesses "Mesofinance" almost absent in Morocco. It discusses the
definitions and characteristics of very small businesses, analyzing the practices of
informal and formal finance and also focuses on the financing needs of very small
businesses. Finally, it suggests financial mechanisms to adopt mesofinance.
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Introduction
Les très petites entreprises des pays en voie de développement jouent un
rôle économique et social fondamental. Elles couvrent le manque des gros
investissements dans ces pays et créent ainsi un tissu économique primaire qui
permettra le développement de ces économies. (Ferrier, 2002). C’est un secteur
générateur de revenus appréciables et créateur d’emplois importants. D’ailleurs, la
création d’emplois se fait de plus en plus dans les T.P.E. alors que les effectifs des
salariés progressent plus lentement dans les P.M.E. et régressent dans les grandes
entreprises. De même en période de crise, les T.P.E. ont plusieurs qualités. Elles
sont dynamiques, créatives et flexibles. Cependant, elles souffrent de plusieurs
difficultés. Elles sont hétérogènes et disparaissent par grand nombre dans les
premières années d’existence ce qui rend difficile la proposition des théories et des
concepts qui leur sont adéquats (Ferrier, 2002).
Le marché des T.P.E. est encore très important, avec 500 millions de micro-
entrepreneurs et pour un besoin de financement total estimé à 250 milliards de
dollars (Maarouf, 2011), c’est pourquoi la contrainte financière reste la première
préoccupation.
La plupart des travaux de recherche insistent sur les difficultés d’accès des
T.P.E. au financement formel, celui des banques (Mourji, 2002). Or dans les pays
du Sud, la banque est un modèle importé qui ne convient pas à la majorité des
T.P.E. Quand à la finance informelle, elle a toujours été pratiquée, elle s’inscrit
naturellement dans la vie de tous les jours, et convient parfaitement aux acteurs du
secteur informel. C’est d’ailleurs cette finance qui a fait émerger la microfinance,
elle-même liée à des comportements traditionnels qui n’évoluent que lentement
(Lelart, 2006). Les institutions de microfinance I.M.F. ou association de microcrédit
A.M.C., introduites dans plusieurs pays en développement, ont mis en place des
services et produits financiers notamment le micro crédit qui connaît un grand
engouement. Toutefois la crise de croissance qu’a connue ce secteur au Maroc en
2007 et bien avant dans d’autres pays comme l’Inde et la Bolivie suscitent
beaucoup de questions sur l’efficacité de ce moyen de financement.
La question à laquelle notre article va répondre est celle de savoir si une
ultime évolution vers une mésofinance est souhaitable.
Il convient en conséquence de souligner les caractéristiques des T.P.E. (1),
d’étudier et d’analyser également les techniques et pratiques du financement
informel des T.P.E. (2) et de leur financement formel par le crédit bancaire et la
micro-finance (3 et 4), de présenter les besoins des T.P.E. en matière de
financement (5) et enfin de présenter la démarche de la mésofinance (6).
D’un point de vue méthodologique, nous nous appuyons sur une large revue
de littérature concernant les T.P.E. au Maroc et à l’échelle internationale mais aussi
sur les travaux des P.M.E. et le secteur informel utiles pour appréhender la réalité
des T.P.E.
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secteur moderne est financé par les banques, alors que les petites entreprises
privées sont très tributaires du secteur financier informel (OCDE, 2005).
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1
Les Fondations Zakoura et Banque populaire pour le microcrédit ont signé, 5 mai 2009 à Rabat, un
protocole d'accord fixant les modalités de leur fusion et aboutissant au transfert de l'intégralité de
l'activité de la Fondation Zakoura à la Fondation Banque populaire pour le microcrédit.
2
1euro équivaut (à peu près) 11dirhams-dh.
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(logistique) favorable, assuré par les banques, pour améliorer leur capacité
financière et offrir aux micro-entrepreneurs les possibilités de se doter d’un capital
productif nécessaire au renfoncement durable de leur capacité (Doumbouya,
2008).
La TPE n’est pas au cœur de la stratégie de la banque classique et elle n’est
pas la cible de la microfinance (Maarouf, 2011) d’où l’intérêt d’introduire de
nouvelles pratiques dans les banques et les I.M.F.
6. la mesofinance : La descente en gamme pour les banques montée en
gamme pour les A.M.C.
Faute de solutions financières adaptées aux besoins des T.P.E., qui se situent
entre les minimums d’intervention des banques traditionnelles, les banques
classiques « macro », et le plafond des crédits offerts par les institutions de
microfinance, la mésofinance est proposée comme une alternative (Sanders ,
Wegener, 2006). Il s’agit de deux grandes tendances actuelles : la descente en
gamme du financement bancaire vers le financement des T.P.E. et la montée en
gamme du micro-financement vers le financement des T.P.E.
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outils utilisés par exemple au niveau de l’A.F.D pour mettre en œuvre cette
approche mésofinance sont : les garanties partielles de portefeuille ARIZ1, pour
partager, avec les institutions financières, le risque sur ces nouvelles catégories de
clientèle ; La mise en place de lignes de crédit ciblées sur le segment des TPE/PE et
l’octroi de subventions d’assistance technique, à la fois pour le renforcement des
compétences des institutions financières en matière de crédit aux TPE/PE, et pour
l’accompagnement des TPE/PE dans un cadre de structuration de la demande (AFD,
2010).
Quelques expériences de mise en place de mésofinance sont menées en
Turquie et au Cameroun. L’AFD a par exemple décidé fin 2008 d’accompagner la
stratégie TPE de Sekerbank, onzième banque commerciale turque. De même elle a
appuyé le programme d’appui à la mésofinance de l’IMF Advans Cameroun créée
en 2006 et qui s’attache au segment de clientèle dont les besoins de crédit se
situent entre 10.000 et 45.000 euros (AFD, 2010).
Conclusion
La T.P.E. depuis longtemps financée par l’informel puis en partie par la
microfinance, éprouve le besoin aujourd’hui d’être financée par des établissements
bancaires. La diversification de l’éventail des établissements bancaires est une
condition importante mais non suffisante pour que les TPE bénéficient d’un accès
au crédit satisfaisant. Le caractère limité des informations, le manque de garanties,
les risques élevés et les coûts de transaction entravent le financement des TPE
dans tous les pays (OCDE, 2005).
La participation de certaines banques aux débats sur l'appui et le
financement des petites entreprises relève aujourd'hui davantage d'un souci
d'image (en vue de bénéficier de la bienveillance des bailleurs) ou de pressions
politiques. Si elles citent les risques élevés des prêts aux petites entreprises et le
coût particulièrement élevé de la transaction comme raisons principales de leur
réticences à prêter, beaucoup admettent désormais qu'elles ne disposent ni des
techniques, ni de la volonté réelle de prêter à ce secteur (Botzung, 1996).
Au Maroc, et malgré tous les programmes d'appui aux petites entreprises, de
l'existence d'un secteur bancaire commercial développé et de l'intérêt des bailleurs
de fonds, les banques ne financent que très marginalement le secteur des T.P.E.
Cette tendance devra changer dans le futur et l’Etat devra jouer un rôle
important dans : l’étude de nouvelles modalités de financement de la TPE (fond
d’investissement TPE) (Maarouf ,2011), l’encouragement des actions de
downscaling des banques et la mise en place un cadre juridique permettant
l’upgrading des Associations de microcrédit.
Le Maroc d’ailleurs, doit mettre en œuvre une stratégie d’intervention
globale pour combler les besoins de financement des très petites entreprises non
1
ARIZ : dispositif de garantie destiné aux banques disposant d’une expertise reconnue en matière
d’analyse du crédit et souhaitant développer leur activité de méso -finance et leur portefeuille de
prêts en faveur des PME.
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couverts par les banques et les A.M.C., en intégrant à la fois un appui à l’offre des
institutions financières et un appui à la demande de financement des TPE/PE.
En effet, l’adoption du nouveau taux réduit de l’IS adapté à la taille des T.P.E.
en 2011, permettra d’offrir un moyen de financement supplémentaire permettant
à ces entreprises de réinvestir leurs bénéfices pour se développer et de détenir des
bilans réels et bancables. Ainsi, elles pourront avoir accès au financement auprès
des banques. Reste une évolution de la législation en matière de déplafonnement
du taux de l’usure est souhaitable.
D'autres solutions pour le développement de microentreprise pourraient
résider dans le développement des mécanismes de garantie des prêts au niveau
régional, des fonds d’investissement de proximité (FIP) et dans le développement
de banques d’état spécialisées dans le financement aux entreprises (Attuel-
Mendès , Ashta, 2007).
Dans ce sens, des voies de recherche sont à envisager sur la démarche
mésofinance de l’offre de financement des A.M.C et des banques marocaines, sur
la démarche mésofinance de la demande de financement des T.P.E. marocaines
mais aussi sur la bancarisation des A.M.C.
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