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La jonction Nord-Midi est saturée », entend-on depuis au moins 25 ans à Bruxelles.

Cette
jonction affiche en effet des chiffres très impressionnants : 1200 trains par jour, 90
trains et 50.000 voyageurs par heure, 25% des voyageurs de la SNCB l’empruntent tous
les jours et tout cela… sur seulement 6 voies. La ligne 0 de la SNCB serait l’une des
jonctions ferroviaires les plus denses du monde. Mais conséquence, le moindre grain de
sable qui se glisse dans la jonction, le moindre train en panne dans un tunnel fait
dérailler l’ensemble du nœud ferroviaire, et parfois pour plusieurs heures. Mais
pourquoi cette jonction est-elle si cruciale et si fragile ? Pour comprendre, il faut faire un
petit retour dans le temps.

Une idée de liaison vieille comme la Belgique


La première liaison Nord-Midi date… de 1841. Elle relie alors les voies de la future Gare
du Nord (inaugurée officiellement en 1846) et la station des Bogards (située sur la place
Rouppe, l’ancêtre de la Gare du Midi), inaugurée en 1840. Mais cette jonction n’a rien à
voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui. Le chemin de fer passe alors en
surface et par les boulevards de l’ouest de Bruxelles.

Vers 1900, la demande est trop forte, la ligne est dit-on « engorgée » par 100 millions de
voyages par an. Il faut une jonction directe entre les deux gares devenues les gares du
Midi et de Nord. Une commission de travail décide de créer un chemin de fer souterrain
qui passerait sur le flanc de colline entre le haut de la ville (comme le quartier Poelaert
et le quartier royal) et le bas de la ville (les Marolles et le quartier de la Grand-Place). En
plus du chemin de fer, des gares doivent être créées dont une halte centrale qui porte
désormais bien son nom : Bruxelles-Central, Bruxelles-Chapelle et Bruxelles-Congrès,
toutes trois installées à cheval sur ce flanc de colline.

Des quartiers entiers ravagés


Les travaux commencent en 1911 non sans créer d’énormes chantiers sur les 3,8 km de
tracé. La tranchée fait 35 mètres de large, 16 mètres de profondeur et fait disparaître
des quartiers entiers comme celui de la Putterie qui sera choisi comme emplacement de
la Gare de Bruxelles-Central. Au total, 12.000 personnes sont expropriées et pour
certains politiciens de l’époque, c’est une bonne chose. Les habitations sont dans un état
vétuste et cette modernisation permet d’assainir la ville. Mais de véritables trésors sont
détruits comme l’ancien hô pital Saint-Jean ou certaines caves voû tées gothiques. La
population se divise entre jonctionnistes et anti-jonctionnistes. A l’époque, le Premier
ministre Charles de Brocqueville annonce la fin des travaux pour 1915.

En 1914, guerre oblige, les travaux sont interrompus. Au sortir de la guerre, les caisses
belges sont vides et il faudra plusieurs années avant de reprendre des travaux, non sans
que plusieurs voix s’élèvent pour demander l’abandon de cette « folle et coû teuse
entreprise », comme le relate un article du Soir de juillet 2018. Les discussions font alors
la une des journaux : ces travaux n’avancent pas et coû tent trop cher ! Comme une odeur
de RER avant l’heure.

Une inauguration après 41 ans de travaux


Alors que la demande de trajets en train est croissante, les travaux sont bloqués par la
crise des années 30. Certains quartiers restes trouées des dizaines d’années par ces
travaux interrompus. En 1935, par crainte d’abandon définitif des travaux, une
commission est créée : l’Office national pour l’achèvement de la Jonction Nord-Midi. La

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deuxième guerre mondiale vient à nouveau interrompre les travaux. Il faudra attendre le
grand plan d’investissement américain de sortie de guerre, le plan Marshall, pour qu’une
politique de grands travaux vienne terminer les chantiers : une nouvelle Gare du Midi
est créée en 1949, une nouvelle Gare du Nord en 1952 et la fameuse liaison Nord-Midi la
même année, 41 ans après le début des travaux.
L’entrée en service de la liaison est matérialisée par la Gare de Bruxelles-Central
dessinée par Victor Horta et inaugurée par le Roi Baudouin. En surface, les boulevards
de l’Empereur, de l’Impératrice, de Berlaimont et de Pachéco relient alors Bruxelles-Midi
et de Bruxelles-Nord, en passant par les 3 nouvelles gares. Ces grands boulevards
urbains, ornés d'immeubles dans le style haussmannien dénotent avec les petites
maisons anciennes du quartier des Marolles. L'explication de cette différence de style
tient donc à ces grands travaux de la jonction.

Le réseau ferroviaire belge traversant


Les conséquences de cette liaison Nord-Midi vont bien au-delà des 3,6 km de jonction.
Celle-ci est le cœur du réseau ferroviaire belge, dessiné en étoile : tout passe par
Bruxelles, tout traverse Bruxelles. A Londres ou Paris, les chemins de fer s’arrêtent en
périphérie dans des gares cul-de-sac, obligeant souvent ses navetteurs à prendre le
métro pour arriver en centre-ville. A Bruxelles, grâ ce à ce tronçon traversant, les
voyageurs arrivent au pied de leurs bureaux du centre-ville en descendant à la Gare de
Bruxelles-Central. C'est à tel point que les trains Bruxelles-Anvers ou Ostende-Eupen
passent aussi par cette liaison. Tout cela est venu encombrer de plus en plus ces six
voies au cours des 70 dernières années. Le goulot d’étranglement est même physique :
alors que 22 voies entrent en Gare du Midi, seules 6 voies permettent de faire la jonction
vers le nord. Résultat : lorsqu’une des six voies connaît un problème, les conséquences
se font sentir sur tout le réseau.

La saturation évoquée depuis les années 90 a mené les gestionnaires à chercher des
solutions. Si plusieurs pistes existent, une est déjà exclue : agrandir horizontalement ce
fameux tronçon. Les travaux qui ont duré 40 ans et qui ont exproprié des milliers de
Bruxellois sont inimaginables aujourd’hui. En revanche, une étude a été demandée en
2013 pour évaluer un agrandissement vertical du tunnel. On parle alors de voies qui
seraient créés sous les voies actuelles, soit 80 mètres sous le niveau du sol. Les trains
ommenceraient à plonger en amont de la gare du Nord, du cô té de Schaerbeek, pour ne
ressortir que bien après la Gare du Midi, à Forest. Les gares du Midi, du Nord et Central
devraient elles aussi être approfondies pour pouvoir accéder aux quais. Cet énorme
tunnel de 5 km nécessiterait d’énormes travaux et selon une estimation de 2013,
coû terait près de 5 milliards d’euros. Quand on sait que l’Etat a dû emprunter 1 milliard
d’euros pour le RER, ce scénario est actuellement tout en bas de la pile.
D’autres idées existent comme celle d’interrompre le trafic traversant de la ville pour
transformer la jonction Nord-Midi en « navettes ». Problème, cela impliquerait de trop
nombreux chargements et déchargements de voyageurs dans les gares du Midi et du
Nord. Cette option n’est pas non plus la piste retenue.

Troisième idée : la déviation de certains trains par l’ouest ou l’est de cette jonction Nord-
Midi. Ainsi, à l’ouest, le tunnel Josaphat-Schuman permet depuis deux ans à des trains
venant de l’aéroport d’aller vers Namur ou Dinant sans passer par la fameuse jonction.
Cô té est toujours, la ligne 26 contourne la jonction depuis Uccle jusqu’à Haren en
passant par Watermael, Ixelles, Etterbeek, Schaerbeek et Evere. Enfin par l’ouest, la ligne

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28 emprunte la Gare de l’Ouest, Simonis et Tour et Taxis via Molenbeek. L'objectif est
maintenant d'attirer un maximum de voyageurs dans ces itinéraires alternatifs pour
amoindrir la dépendance à la jonction Nord-Midi.

Quatrième idée : optimiser la jonction. S’il n’est pas possible de faire rentrer plus de
trains dans le tunnel, il est possible de mettre plus de passagers dans les trains, en
rajoutant quelques wagons par exemple. Mais en cas de problème sur l’une des six voies,
cela ne bloquerait que davantage de passagers…

Cinquième idée : l’automatisation des trains. L’idée défendue par l’ancien patron de la
SNCB, Jo Cornu, affirmait qu’automatiser les trains pour éviter les précieuses secondes
perdues entre deux trains permettait de gagner 25% d’efficacité. Mais cette
automatisation n’est pas attendue avant 2022 et dans le secteur, on remet en doute cette
augmentation de 25% de la capacité du tunnel.

« Le 5 octobre 1952, des milliers de Bruxellois convergèrent vers le Centre de la capitale


pour assister au passage des premiers convois empruntant la Jonction Nord-Midi. C'était
l'aboutissement d'un chantier qui avait perturbé leur vie et défiguré leur ville pendant
près... d'un demi-siècle !

C'est en effet en 1903 qu'après de multiples études et projets, l'É tat et la ville
s'entendent pour répondre à l'engorgement croissant des gares du Nord et du Midi,
gares terminus qui obligeaient les voyageurs à utiliser un autre moyen de transport pour
changer de station tandis que les convois devaient rebrousser chemin. Outre la
construction de la Jonction qui implique le relèvement des gares extrêmes (pour éviter
les passages à niveau) on planifie la création d'une gare centrale qui renforcera l'attrait
du centre-ville et permettra d'assainir (c'est-à -dire de détruire !) le vieux quartier de la
Putterie réputé insalubre*.

Le tracé retenu passe à flanc de coteau (entre la basse et la haute ville) là où l'on pense
trouver un sol relativement stable sans détruire de monuments historiques. Il traverse
par contre de vieux quartiers bruxellois chargés d'histoire et densément peuplés mais,
comme l'a bien montré Chloé Deligne, une jeune chercheuse de l'ULB, les préoccupations
urbanistiques sont totalement absentes du débat.

De longues procédures d'expropriation et divers problèmes techniques retardent


considérablement les travaux de sorte qu'en 1914, seule une petite partie du tracé est
réalisée. Plus grave, la difficile période de reconstruction qui suit la guerre, modifie
considérablement les priorités des autorités locales et nationales. L'achèvement rapide
de la Jonction apparaît soudain comme une dépense de prestige au moment où les
deniers de l'É tat sont comptés.

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Paradoxalement, c'est la crise des années 30 qui remet l'achèvement de la Jonction à
l'ordre du jour. La nécessité d'entreprendre de grands chantiers porteurs d'avenir pour
remettre les chô meurs au travail, l'engorgement des vieilles gares bruxelloises qui
nécessite d'urgent travaux d'adaptation, la volonté d'électrifier le réseau et le fait que les
terrains expropriés n'ont pas encore été réutilisés, facilitent la reprise des travaux. Un
Office national pour l'achèvement de la Jonction Nord-Midi (ONJ) se voit confier
l'ensemble du dossier en 1935. Il lui faudra 17 ans pour atteindre son objectif.

L'ONJ réalise un impressionnant travail technique mais porte une lourde responsabilité
dans la physionomie actuelle de la capitale. D'abord parce qu'il décide de travailler à ciel
ouvert ce qui augmente les destructions (au total plus d'un millier d'immeubles
disparaissent du paysage bruxellois). Ensuite parce que, peu sensible aux
préoccupations urbanistiques, il s'intéresse surtout à l'aménagement en surface de
larges voies pour la circulation automobile. La Jonction sera donc surmontée d'un grand
boulevard bordé d'immeubles érigés sans aucun plan d'ensemble, sans lien avec les
quartiers voisins et voués presque exclusivement au secteur tertiaire.

Au moment de son inauguration, la Jonction et le boulevard qui la surmonte ont souvent


été présentés comme de véritables symboles de la modernité et de la mobilité urbaines.
Cinquante ans plus tard, les avis sont plus nuancés. D'aucuns s'interrogent sur l'utilité de
ces gigantesques travaux, d'autres déplorent une saignée urbanistique qui sépare
définitivement le haut de la ville de son centre historique. Le temps semble donc venu
pour les chercheurs de tenter une analyse scientifique et rétrospective sur l'un des plus
grand et des plus longs chantiers de l'histoire de la ville. »

Serge Jaumain
Historien ULB (1)

* Elle réduisit à néant quelque 1200 maisons et rues. pittoresques. Les abords du tunnel,
sous de nouveaux boulevards, accueilleront la Bibliothèque Royale, les Archives
générales du Royaume, la Cité administrative et plusieurs musées. Notons que la
jonction entraîna de nombreuses expropriations et défigura une grande partie de la
capitale.

La ligne 0 plus connue sous le nom de Jonction Nord - Midi

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Elle relie les gares de Bruxelles - Nord et de Bruxelles - Midi.
Elle comporte 6 voies.

Caractéristiques.

puce
Longueur et profil
6 km
puce
Vitesse de référence
50 km/h
puce
É lectrification
La ligne est électrifiée depuis l'origine (5 octobre 1952).
puce
Radio sol - train
Canal 70
puce
Passages à niveau
Aucun.

La jonction Nord-Midi n'accueille en principe que des trains de voyageurs. Le trafic est
déjà suffisamment important pour ne pas faire passer d'autres types de circulation. Les
trains de marchandises la contourne mais quelques trains circulent tout de même en-
dehors des heures de pointe

Avec le passage de 1.200 trains par jour, la jonction qui relie la gare du Nord à la gare du
Midi, à Bruxelles, est la section ferroviaire la plus utilisée du pays. Et la partie
souterraine de cette jonction (2 kilomètres) est carrément le tunnel ferroviaire le plus
fréquenté au monde ! Les milliers de navetteurs qui empruntent chaque jour cette
liaison de 3,5 kilomètres n’imaginent certainement pas le temps, l’énergie et
l’ingéniosité qui furent nécessaires à sa réalisation. Juste un chiffre avant de continuer :
la construction, entrecoupée par deux guerres mondiales, a duré plus de 40 ans ! Voici
l’histoire, longue et mouvementée, de la jonction Nord-Midi.

Baudouin à la gare Centrale


Le samedi 4 octobre 1952, le jeune roi Baudouin (il est sur le trô ne depuis un peu plus
d’une année) préside l’inauguration solennelle de la jonction Nord-Midi. Les cérémonies
officielles se déroulent dans la gigantesque salle des pas perdus de la nouvelle gare
principale, installée au centre de la jonction, la bien nommée gare de Bruxelles-Central.
Cette gare, vite appelée communément gare Centrale, est ouverte au public le soir-
même. Elle deviendra la plus fréquentée du Royaume, avec aujourd’hui jusqu’à 180.000
voyageurs quotidiens. L’inauguration royale est l’aboutissement d’une aventure que l’on
a bien cru interminable. Le premier coup de pelle avait été donné en 1911, après plus de
10 ans d’études de projets et de procédures d’expropriations. Mais n’allons pas trop
vite…

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Des chevaux pour la navette
Nous sommes au milieu du XIXe siècle. Tous les trains qui arrivent à Bruxelles, y compris
les internationaux, se retrouvent dans un cul-de-sac, soit à Bruxelles-Nord (la gare est
installée en 1846 sur l’actuelle place Rogier) soit à Bruxelles-Midi (la première gare, en
bois, était située place Rouppe). Les voyageurs qui doivent se rendre d’une gare à l’autre
sont obligés de quitter leur train d’origine et de prendre un taxi ou la ligne de trams à
traction chevaline. Dès cette époque, des projets de liaison ferrée Nord-Midi voient le
jour, jumelés à la volonté de réorganiser le centre de la capitale. On imagine notamment
un réseau de viaducs métalliques surplombant la ville du nord au sud, ou de grands
boulevards rectilignes avec une voie ferrée en leur milieu voire même des rues à deux
étages : le train en bas, les voitures à cheval et les piétons au-dessus… Fin du XIXe, les
gares terminus de Bruxelles sont de plus en plus fréquentées, les retards s’accumulent
(déjà !) et un accident ferroviaire près de la gare du Nord fait une dizaine de morts en
1892 ! Il faut agir. Entre 1895 et 1901, pas moins de trois commissions sont mises sur
pied pour choisir le plan final. Et c’est un projet de liaison ferroviaire en grande partie
souterraine qui va l’emporter, signée par un ingénieur des Chemins de fer belges,
Frédéric Bruneel. Une longue procédure d’expropriation commence : 1.000 immeubles
au départ (1.650 au final) sont concernés par les démolitions, les autorités profitant de
ces travaux gigantesques pour redessiner une bonne partie du centre-ville et raser des
quartiers populaires entiers, comme celui de la Putterie, au grand dam de comités locaux
qui s’opposent au tracé… Au total, 12.000 Bruxellois expulsés vont devoir trouver un
nouveau logement, la plupart sans aide aucune.

Cathédrale en péril
Le chantier ferroviaire ne débute réellement qu’en 1911. Comme d’habitude, on pense
que les travaux vont aller bon train : tout sera terminé en 1915, avancent les plus
optimistes… Et, effectivement, les travaux avancent bien, notamment avec la
construction du viaduc allant de l’église de la Chapelle à la gare de Bruxelles-Midi et celle
du pont métallique enjambant le boulevard du Midi. Mais la Première guerre mondiale
éclate et stoppe les travaux. Faute de moyens et de priorité, ceux-ci ne reprendront
sérieusement qu’en 1936, malgré la mobilisation toujours vive d’opposants. Ces derniers
affirment notamment que le creusement du tunnel risque de faire s’effondrer l’église de
la Chapelle ou la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule ! La partie principale de la
jonction, souterraine, n’a pas été creusée comme le tunnel sous la Manche, mais bien
depuis la surface, au moyen d’énormes excavatrices qui ont dégagé une tranchée géante
à travers Bruxelles, selon un procédé imaginé par Eudore Franchimont, l’ingénieur des
Chemins de fer alors nommé à la tête du nouvel Office National pour l’Achèvement de la
Jonction Nord-Midi. La structure du tunnel (en fait trois pertuis à deux voies chacun) est
composée de poutres métalliques, certaines aussi hautes qu’un homme. Le chantier est
titanesque. Les Bruxellois peuvent notamment assister au creusement d’un cratère
géant à l’emplacement de la future gare Centrale, dessinée par l’architecte Victor Horta.
La construction de cette gare débute en 1937. La Seconde Guerre mondiale va ensuite
mettre un coup d’arrêt aux travaux (lors de l’Occupation, les Allemands utilisent une
partie du tunnel pour mettre leur état-major à l’abri des bombardements). Mais l’œuvre
reprendra assez vite après le conflit, grâ ce notamment aux moyens dégagés par le plan
Marshall. Le 30 octobre 1951, quelques privilégiés peuvent monter à bord du premier
autorail qui relie la gare du Nord à la gare du Midi. Il faudra encore presque un an pour
ouvrir la jonction aux voyageurs.

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742.000 tonnes de béton
Au bout du compte, la jonction aura coû té, en euros actuels, quelque 1,75 milliard,
contre les 525 millions prévus initialement… D’autres chiffres donnent le tournis : pour
construire cette liaison de 35 mètres de large et 3,5 kilomètres de long (dont 2 km de
tunnel), les ouvriers ont déblayé un million de m3 de terre, enfoncé 85 km de pieux en
béton, utilisé 45.000 tonnes de charpentes métalliques et 742.000 tonnes de béton armé.

Et demain, un tunnel sous le tunnel ?


La jonction Nord-Midi est devenue aujourd’hui la zone la plus embouteillée du réseau
ferroviaire national. La capacité maximale théorique de la jonction est de 96 trains à
l’heure, sur les six voies. Aujourd’hui, en semaine, aux heures de pointe du matin et du
soir, jusqu’à 93 trains par heure empruntent le tronçon, nous apprend Infrabel, le
gestionnaire du réseau. Ce goulot est devenu le maillon central du réseau belge établi en
étoile : un train sur trois circulant en Belgique passe désormais par la jonction au cours
de la journée. Le maillon faible aussi. Cette portion du réseau est tellement saturée qu’au
moindre incident, la pagaille gagne une bonne part du réseau belge… Depuis des années,
la SNCB et Infrabel planchent sur l’augmentation de la capacité de la jonction. Plusieurs
projets ont été évoqués, principalement l’élargissement du tunnel actuel (de six à dix
voies) et le percement d’un nouveau tunnel sous la jonction actuelle. Mais le budget
nécessaire à de tels travaux est considérable, de l’ordre de 3 à 5 milliards d’euros selon
les options… Autant dire que dans l’état actuel des finances publiques, ces travaux ne
sont pas pour demain !

Cinq nouvelles gares sur le tracé


Cinq gares ont été aménagées sur le tracé de la jonction Nord-Midi.

Bruxelles-Midi a remplacé en 1949 l’ancienne gare. Le bâ timent, très fonctionnel, avec


un parement en briques jaunes, était célèbre pour sa tour horloge. Il sera à son tour
démoli en 1992, pour faire place au bâ timent que l’on connaît aujourd’hui, accueillant les
TGV et les trains du service intérieur.

Bruxelles-Chapelle, dans le quartier des Marolles, a été aménagée sous le viaduc de la


jonction, juste avant l’entrée du tunnel vers la gare Centrale. Cette gare est de moins en
moins desservie aujourd’hui.

Bruxelles-Central a été dessinée par Victor Horta. Les travaux commencent en 1937. À la
mort de Horta, en 1947, la relève des travaux est confiée à Maxime Brunfaut. La gare
Centrale a été édifiée sur plusieurs niveaux, en raison du dénivelé entre la ville haute et
la ville basse. La gare, avec un hall central prestigieux et un escalier monumental, a été
conçue dans le but avoué de donner à Bruxelles une gare exceptionnelle, destinée aussi à
accueillir des visites officielles. Un salon royal y a été aménagé.

Bruxelles-Congrès tranche par son style très moderne ou particulier, qualifié de “style
international fonctionnaliste ”. La gare est signée par Brunfaut. Sa particularité : une
tour ornée, faisant 25 mètres de haut. Ce haut bâ timent abrite les conduits de ventilation
de la jonction ferroviaire.

Bruxelles-Nord a été dessinée par l’architecte Saintenoy et dotée d’une grande tour
horloge et d’une immense salle des guichets. En 1952, le nouveau bâ timent a remplacé, à

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quelques centaines de mètres plus loin, celui qui était édifié sur l’actuelle place Rogier
(cette gare-là a été détruite en 1955). La gare du Nord a elle aussi été rénovée depuis,
mais elle a gardé sa tour horloge.

Pour en savoir plus :

« La Jonction Nord-Midi, un demi-siècle d’existence », plaquette publiée par la SNCB en


2002.

« Un tunnel sous Bruxelles», éd. Racine, 2002.

Ouverture : 5 octobre 1952


Concessionnaires :
- SNCB : 1952-2005
- Infrabel : 2005-
Electrification : 1952
Longueur totale : 3,574 km
Ouvrages d’art :
Tunnels : 1,963 km (creusé à ciel ouvert
et recouvert ensuite d’une dalle)
Viaducs
© Infrabel
Aux origines de la Jonction Nord-Midi
A l’origine, tous les trains qui arrivent à Bruxelles aboutissent dans une gare terminus
(en impasse) :
• Au sud, la station des Bogards, installée en mai 1840 intra-muros à proximité du centre
de la
ville, à l’emplacement de l’ancien cloître du couvent des Bogards, près de l’actuelle place
Rouppe1 ;
• Au nord, la station de l’Allée verte, installée extra-muros, datant du début de
l’exploitation
ferroviaire belge, en 1835.
A cette époque, les voyageurs désirant traverser la ville du Nord au Sud sont obligés de
descendre du
train et de se rendre de l’autre cô té de la ville par leurs propres moyens.

Très tô t, la ville de Bruxelles se rend compte de


l'intérêt d'une jonction et met sur pied la ligne dite des
Boulevards, une liaison ferroviaire à même les
boulevards de la ville, destinée au transport
marchandises et inaugurée le 27 septembre 1841.
Pour prévenir d'éventuelles collisions, un coureur à
pied muni d'un drapeau rouge et d'une grosse cloche
devait précéder le convoi pour alerter les passants de
son arrivée imminente.
Des projets en nombre
Au fil des années, le trafic ferroviaire est en augmentation et nécessite le déplacement de
la station des

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Bogards en dehors du pentagone bruxellois. La nouvelle gare du Midi sera inaugurée en
1869, sur le
territoire de Saint-Gilles, mais toujours en impasse. Les installations de la station des
Bogards seront
démontées dès 1870 et les terrains vendus à la ville de Bruxelles.2
Mais celle-ci s’inquiète de la perte de l’unique
gare sur son territoire et préconise
l’établissement d’une véritable jonction entre
la gare du Midi et celle du Nord (terminée en
1862 à la place Rogier, en supplément de la
station de l’Allée Verte) ainsi que la création
d’une gare au centre de la ville. De nombreux
projets voient le jour et des commissions sont
mises sur pied pour choisir le plan final.

2 Une fois la décision prise de reculer la station dans les prairies situées au-delà du
boulevard du Midi, on décide alors de prolonger la
rue du Midi entre la place Rouppe et la place de la Constitution. L’artère empruntait les
anciennes voies qui menaient à la Station des
Bogards. Cette nouvelle artère va s’appeler drève du Midi. Cette avenue est l’actuelle
avenue de Stalingrad.

Entretemps, la ligne de ceinture Ouest est


ouverte à l’exploitation le 5 juin 1871 entre les
gares du Nord et du Midi. De quoi calmer les
esprits…
Fin du XIXe siècle, la croissance du rail est
fulgurante et les gares terminus de Bruxelles
sont de plus en plus fréquentées, menacées
bientô t de congestion. Le Parlement vote en
1903 le projet de liaison ferroviaire en grande
partie souterraine, imaginé par un ingénieur
des Chemins de fer de l’Etat belge, Frédéric
Bruneel (1855-1942).
Le projet prévoyait le creusement d’un tunnel complété d’un viaduc à chacune de ses
extrémités. Le
déplacement et le remaniement des deux gares terminus et la création d’une gare
centrale
complétaient le projet.
Le début des travaux
Mais il faut attendre 1911 pour voir le commencement des travaux en raison de la
longue procédure
d’expropriation nécessaire à l’époque.
La Première Guerre mondiale va arrêter totalement les chantiers à peine entamés; par la
suite, les
discussions recommencent et des projets sont déposés aux Chambres législatives qui
donnent lieu à
des votes contradictoires. Autre préoccupation : l’électrification de la Jonction. Dans le
cas d’une ligne

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construite en tunnel, la Jonction aurait été peu adaptée à la traction vapeur, en raison
des émissions
de fumées des locomotives qui auraient empêché de distinguer les signaux.
La création de l’ONJ et la reprise des travaux
Finalement, en 1935, l’électrification de la ligne Bruxelles - Anvers mettra fin à ce débat
et une loi va
créer l’Office National pour l’Achèvement de la Jonction Nord-Midi (ONJ), qui reçoit pour
mission
l’exécution des travaux de la Jonction proprement dite.
Le viaduc entre la gare du Midi et l’église de la Chapelle ayant déjà été construit avant la
Première
Guerre mondiale, les travaux de l’ONJ vont porter tout d’abord sur le tracé entre l’église
de la Chapelle
et la gare du Nord. Les travaux reprennent en 1936.
La Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) était de son cô té chargée du
déplacement et
relèvement des gares du Nord et du Midi.
La Jonction Nord-Midi 4
Chantier de la Jonction Nord-Midi ; tunnel à hauteur de
Bruxelles-central, Sergysels & Dietens, 1939 (Réf. Z07013)
Inauguration de la Jonction Nord-Midi par le roi Baudouin, Van Parys
Media, 1952 (Réf. Z07039A)
En raison du terrain difficile et de l’énorme
profondeur à laquelle le travail devait être effectué en
tranchée ouverte, contournant bâ timents et
monuments historiques, comme la cathédrale, des
techniques avancées s’avéraient nécessaires.
A l’initiative et sous la direction d’Eudore
Franchimont, ingénieur des chemins de fer et
directeur général de l’ONJ, une méthode de travail fut
développée, consistant en une extraction progressive
d’excavation, associée à une stabilisation du terrain à
l’aide de palplanches, de telle sorte que l’eau de la
tranchée puisse être pompée sans entraîner de
glissements de terrains.
Le tunnel fut construit étape par étape, chaque fois qu’un segment d’environ 25 à 30
mètres était
excavé et bétonné.
Un vrai spectacle
Habitants et navetteurs admirent le spectacle. Des chevaux de traits brabançons tirent
des voitures
spéciales transportant d’énormes poutres métalliques, des camions vont et viennent,
d’énormes
excavatrices sont utilisées, tandis que les pieux faisaient un vacarme d’enfer quand ils
enfonçaient les
palplanches.
Les travaux se poursuivent à vive allure jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale.
Les travaux
sont alors au ralenti… pour être à nouveau stoppés, faute de matériaux.

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L’inauguration
Après la guerre, les travaux reprennent à un
rythme soutenu et, le 4 octobre 1952, le jeune
roi Baudouin présidera l’inauguration de la
Jonction Nord-Midi dans la vaste salle des pasperdus de la nouvelle gare de Bruxelles

Le tunnel de la Jonction
Bruneel a choisi de creuser un tunnel dans le flanc de la colline sur laquelle est bâ tie la
ville Haute.
Cette solution donnait un parcours en courbe, mais limitait la construction des viaducs
indispensables
pour aborder de chaque cô té le tunnel. Celui-ci comporte 3 pertuis de 2 voies chacun et
un quatrième,
destiné à l’évacuation des eaux.
La largeur normale du tunnel est de 35 mètres, mais elle atteint 60 mètres à la gare de
BruxellesCentral en raison de la présence des quais d’embarquement. Le tunnel a une
longueur totale de
presque 2 km.
Les gares de la Jonction Nord-Midi
La création d’une ligne reliant les deux anciennes gares du Nord et du Midi -gares en
impasseentraine inévitablement la nécessité de construire de nouvelles gares dans
l’agglomération. D’autre
part, les gares du Nord et du Midi, devront être reconstruites et déplacées.
La nouvelle gare du Nord est reculée de 350 mètres environ par rapport à l’ancienne
afin de pouvoir
raccorder les douze voies à quai aux six de la Jonction. Le bâ timent à voyageurs a été
achevé en 1956.
Par contre, la nouvelle gare du Midi, située à 300 mètres en retrait par rapport à
l’ancienne,
comportait vingt-deux voies à quai, dont dix-huit de passage et quatre en impasse.
De nouvelles gares sont également créées
La gare centrale, en forme de triangle, sera réalisée selon les plans de Victor Horta
(1861-1947) et
terminée par son successeur, Maxime Brunfaut (1909-2003). Depuis sa mise en service,
le nombre
d’utilisateurs n’a fait qu’augmenter et elle serait une des gares les plus fréquentées de
Belgique !
La halte de Bruxelles- Congrès dessert le centre administratif. Elle est conçue par
l'architecte Maxime
Brunfaut. Les façades sont décorées de bas-reliefs de Delnest, Dupont et Cantre. La tour
élégante de
cette gare sert en fait de cheminée de ventilation du tunnel.
La halte de Bruxelles-Chapelle a été aménagée sous le viaduc de la Jonction, juste avant
l’entrée du
tunnel qui mène à la gare centrale.
L’Air Terminal
En 1945, lorsque les travaux de la Jon
ont repris, suite à la guerre, le transport aérien s’était

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développé et la SABENA envisageait de construire au centre-ville un immense building
qui
concentrerait tous ses services, y compris une aérogare et un héliport pour hélicoptères.
C’est alors
que les dirigeants de la SABENA et ceux de la SNCB eurent l’idée de créer une liaison
ferroviaire entre
Bruxelles et Melsbroek, où se situait à l’époque l’aéroport, juste à cô té de l’aéroport
actuel.
On confia également le projet à Maxime Brunfaut.
La Jonction Nord-Midi 6
Les deux bâ timents, celui de la gare centrale et celui
de l’aérogare sont situés au-dessus des six voies de
la Jonction. Un passage souterrain reliait
directement la gare centrale et ses quais à
l’aérogare.
Il fallut élargir le tunnel pour y loger une septième
voie sous l’immeuble de la SABENA, en liaison avec
lui. Cette 7e voie ne desservait pas Bruxelles-Midi,
mais partait en impasse de la Gare Centrale pour
desservir Bruxelles-Nord et puis emprunter la ligne
Bruxelles-Louvain pour bifurquer vers l’aéroport à
partir de Zaventem.
En 1998, lorsque le plan IC-IR a été introduit, cette liaison a été supprimée au profit de
liaisons
directes entre l’aéroport et diverses villes belges qui traversaient la Jonction, y compris
BruxellesMidi. Ce raccordement en impasse a finalement été démonté et ses accès
murés.
Lors de la faillite de la SABENA, l’Air Terminus a été réaffecté et en 2015, son rez-de-
chaussée est
devenu un bar à bières.
Catherine Walravens
Mai 2018

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Bruxelles a de tout temps été une plaque tournante au centre de l’Europe.
Même si elles ressemblent aujourd’hui à d’étroites et sinueuses ruelles médiévales, elles
étaient à l’époque des chaussées qui reliaient la ville d’Est en Ouest au monde extérieur et
elles convergeaient toutes vers la Grand-Place.
Bruxelles était alors le centre de l’Europe, située entre le port mondial de Bruges, Cologne, la
grande métropole commerçante du Rhin et Paris, la plus grande ville au nord des Alpes.
Toutes ces routes commerciales se croisaient au point le plus profond de la vallée : la voie
navigable de la Senne. La caractéristique topographique de la ville était la dénivellation de
plus de 40 mètres entre la « ville haute » et la « ville basse », avec de magnifiques
perspectives et des liaisons entre les axes, développées au fil de son histoire.
La principale intervention de développement urbain du 20e siècle – la jonction
ferroviaire Nord-Midi – a bouleversé la principale orientation historique de la ville et
complètement transformé la perspective en une ligne de faille bétonnée. Aujourd’hui, nous la
percevons comme une ligne de démarcation réservée au trafic motorisé avec de part et d’autre
des quartiers populaires fragmentés. Il est grand temps de développer une vision où espaces
verts publics, réorganisation de la circulation et intégration de logements ont droit de cité.
La Ville de Bruxelles a mandaté une équipe pluridisciplinaire pour trouver des solutions
concernant l’avenir de la jonction ferroviaire Nord-Midi et pour élaborer un plan
directeur. L’objectif est de retisser des connexions Est-Ouest au sein de la ville en se servant
de la colline qui relie le haut et le bas de la ville en un ensemble cohérent.
Cette section sera transformée en un écosystème résidentiel et habitable. En outre, il s’agira
d’adapter les transports en commun, de développer des espaces assortis de nouveaux usages et
de lieux de rencontre pour le sport, la culture, la recherche, la restauration, le tout soutenu
grâce aux synergies entre les différents acteurs.
Êtes-vous également curieux/se de connaître les lignes directrices de ce plan qui intègre de
nouveau la jonction ferroviaire Nord-Midi aux connexions Est-Ouest de la ville ?

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