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COURS DE THEORIES ECONOMIQUES DE

L’ENTREPRISE
(MASTER 2 RECHERCHE)

Dr HOURENATOU Epouse ABDOUL NASSER


Chargée de cours

UNIVERSITE DE NGAOUNDERE

Année Académique 2022-2023


INTRODUCTION

• L’essentiel de la vie contemporaine se passe dans les


organisations.
• Le travail, les loisirs et la vie sociale et communautaire se
déroulent dans des groupes dont l’action est organisée.
• C’est par les multiples liens que nous entretenons dans
des contextes organisés que nous participons à la vie
collective.
• Etant donné l’importance qu’ont les organisations dans la
société moderne, plusieurs chercheurs ont depuis le
début du siècle proposé différentes théories ayant pour
but de mieux comprendre ce qu’elles sont.
PLAN DU COURS

5.Théorie des
conventions,
4.Apprentissage, rationalité
routines et mimétique et
3.Droits de compétences de la gestion de
propriété et firme l’entreprise
2.La firme relation évolutionniste
managériale d’agence
1.L’entreprise
en tant que
boîte noire
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE

L’entreprise capitaliste résulte d’une évolution historique qui mène


l’organisation économique médiévale, dominée par l’activité agricole, au
capitalisme industriel.

Dans ce développement, les ressources financières indispensables au


regroupement de la force de travail au sein des usines ont été accumulées par
certains agents, les entrepreneurs propriétaires des firmes capitalistes.

L’analyse néo-classique prend cette catégorie d’entreprises comme référence.


Elle lui applique une approche en terme de « boîte noire »: regrouper, dans un
ensemble, tous les détails de son activité et de son organisation, soit parce qu’on
ne peut pas les appréhender dans toute leur complexité.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
Autrement dit, la firme néoclassique se présente comme un agent sans épaisseur ni
dimension, une « firme point »; et comme un agent passif, une « firme automate ».

En effet, dans le cadre des hypothèses générales qui sont celles de la théorie de
l’équilibre, la firme est traitée non pas comme une institution, mais comme un «
acteur » .

Cet acteur a un comportement parfaitement rationnel qui s’exprime dans sa fonction


objectif, la maximisation du profit sous les contraintes de ses capacités
technologiques.

Dans ces conditions, sous un angle théorique:


Peut-on traiter une entité collective comme un agent individuel?
Comment justifier l’hypothèse de maximisation du profit?
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
1.1 Les traits caractéristiques de l’entrepreneur néoclassique

L’importance de l’entrepreneur renvoie à la fonction qu’il assume. On peut pour


l’essentiel, en identifier trois, qui se recoupent partiellement:

 Une fonction d’innovation ou de création, selon l’analyse devenue classique de


Schumpeter (1954). Elle implique que la firme compétitive ne s’adapte pas à son
environnement mais vise au contraire à le transformer: à créer de nouvelles
combinaisons productives, de nouveaux marchés, de nouvelles formes
d’organisation;
 Une fonction d’acquisition et d’exploitation de l’information, mise en avant par
l’école autrichienne , par Hayek (1973) puis Kirzner (1973). D’après cette fonction,
l’entrepreneur est celui qui doit prendre les décisions dans un contexte de grande
incertitude, et d’une incertitude non probabilisable, donc des décisions qui ne
peuvent relever de méthodes routinières du calcul économique;
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
 Une fonction d’organisation et de coordination de la production: Alors que la
conceptualisation de la firme néoclassique suppose l’existence d’une fonction de
production et des facteurs de production parfaitement définis et connus, il apparaît que le
fonctionnement de la firme suppose la réunion des facteurs en partie mal définis et non
offerts par le marché, et la capacité à combiner ces facteurs de manière efficiente.
Liebenstein (1968) insiste en particulier sur cette dimension.
 Ainsi, l’entrepreneur ne peut être véritablement compris et analysé qu’en dépassant les
hypothèses de base du modèle néoclassique: passage d’un cadre d’équilibre statique à
une vision évolutionniste; prise en compte des questions touchant à l’incertitude et à
l’information et pour cela remise en cause des représentations du comportement
rationnel; prise en compte de la complexité de la structure interne de la firme.
C’est dans cette direction que se sont développées les analyses qui visent, à partir des
préoccupations diverses, à rendre compte de l’entreprise moderne.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
1.2. Au-delà de la maximisation du profit: la complexification de la fonction-objectif,
incertitude, rationalité limitée
Selon l’analyse néoclassique, l’entrepreneur poursuit un objectif de profit; en effet,
s’il est propriétaire d’une firme qui réalise des recettes totales supérieures à ses coûts
explicites et implicites, il obtient un revenu plus élevé que celui qui résulterait de la
meilleure utilisation alternative de ses ressources. Pour réaliser cet objectif, il adopte
un comportement d’optimisation fondée sur une rationalité complète.
Dans cette optique, il tente d’atteindre le profit maximum, ce qui nécessite la
réalisation de certaines conditions.
L’hypothèse de rationalité complète de l’entrepreneur:
L’hypothèse de rationalité complète signifie, pour le décideur:
 qu’il est en mesure d’envisager toutes les alternatives qui s’ouvrent à lui. Il dispose
pour cela de tout le temps nécessaire;
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qu’il possède toutes les informations lui permettant d’évaluer les conséquences
du choix de chacune des alternatives;
 qu’il peut classer les alternatives envisageables selon un ordre de préférences
et qu’il est cohérent dans la formulation de son classement;
qu’il choisit l’alternative correspondant au niveau le plus élevé de ses
préférences. Pour réaliser ce choix, le décideur n’est pas limité par ses capacités
de calcul, ni par celles du matériel utilisé.

L’application de l’hypothèse de rationalité complète à


l’entrepreneur implique que celui-ci adopte un comportement
d’optimisation consistant à dégager le profit le plus élevé pour sa
firme.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
Le problème de maximisation du profit comporte deux contraintes:
Les possibilités de production sont définies par une relation entre les
inputs et les outputs.
les conditions des marchés dans lesquels l’entrepreneur intervient, soit
comme vendeur, soit comme acheteur. En situation de concurrence
complète, la firme adopte les prix fixés par les marchés. En concurrence
incomplète, elle est en mesure d’influencer les prix d’une façon
indépendante des décisions des concurrents ou en interrelation avec celles-
ci. Elle doit donc tenir compte, dans sa fonction d’objectif, des relations
entre ces prix et les volumes des biens demandés.
En guise de solution à ce problème d’optimisation, une première ligne de
réflexion a consisté à faire des hypothèses différentes sur les objectifs de la
firme et donc de l’entrepreneur.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE

Dès 1933, Berle et Means avaient indiqué qu’une des


caractéristiques centrales de la firme « moderne » tenait au fait
d’une séparation prononcée entre les propriétaires (ou actionnaires
détenant le capital de la compagnie) et les dirigeants (managers)
salariés de l’entreprise, mais en charge de la conduite réelle des
affaires et des décisions.
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Dès cette époque, différentes voies sont explorées pour suggérer que, de cette
séparation, peut naître un conflit d’objectifs entre les deux séries de partenaires,
car si l’on peut admettre que l’objectif des actionnaires est bien la maximisation
du profit, celui des managers peut être tout autre: c’est leur propre fonction
d’utilité qu’ils s’efforceront de maximiser. Est ainsi suggéré que sous l’influence
et la direction des managers, la maximisation recherchée sera celle des intérêts
de l’équipe de direction, ceci pouvant signifier des arbitrages différents entre
objectifs de profit, de croissance de l’entreprise ou de nombre des subordonnés.
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Poursuivant dans la voie ouverte par la distinction fondamentale entre intérêts des
propriétaires et intérêts des dirigeants, Baumol (1959) formule l’hypothèse que, dans de
nombreuses situations, l’objectif de la firme est avant tout de maximiser non le profit
mais les ventes globales de l’entreprise.
Autrement dit, un niveau de profit étant posé et considéré comme suffisant pour
assurer le niveau de rémunération minimum exigé par les actionnaires, l’objectif pratique
de la firme sera de maximiser ses ventes, ce qui correspond aussi à l’objectif de maintenir
et d’accroître ses parts de marché.
Dès lors, il apparaît évident que la maximisation du profit n’est plus l’hypothèse
unique et obligée. Des voies nouvelles vont être parcourues et de nombreuses
hypothèses différentes vont être faites pour rendre compte de la diversité des
contraintes qui pèsent sur les gestionnaires et l’expression de leur rationalité de
comportement.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
Ainsi Marris (1964) suggérera que, une contrainte de profit étant fixée,
l’objectif véritable de la firme sera celui de la maximisation de son taux annuel
de croissance, celui-ci étant évalué à partir de différents critères tels que le
chiffre d’affaires, le nombre de personnes employées, ou le montant de la
capitalisation boursière lorsqu’il s’agit d’une firme cotée en Bourse.
Après une première phase relativement longue et nourrie, au cours de
laquelle la discussion se concentre autour de la définition et l’identification de
l’objectif de maximisation qu’il fallait substituer à celui du profit, la discussion
change de contenu. En effet, après les contributions fondamentales de Simon
(1959) et l’apport d’un groupe de théoriciens dits « béhaviouristes », la
représentation de la firme subit une mutation essentielle.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
Ces auteurs font exploser la vision de la firme comme simple firme point, pour lui
substituer la représentation d’une firme bien plus réaliste composée de différents groupes,
qui certes sont dans l’obligation de coopérer, mais qui le font en s’efforçant aussi de
défendre chacun leur intérêt propre.
Au-delà de la simple opposition entre actionnaires et managers, la firme est alors
pensée comme une organisation complexe composée de groupes différents dont les
objectifs ne sont pas identiques.
Les hypothèses formulées consistent alors à substituer à l’objectif de maximisation du
profit, non un objectif unique (les ventes comme chez Baumol, la croissance comme chez
Marris…), mais un ensemble hiérarchisé d’objectifs.
C’est ainsi qu’un groupe d’économistes, autour de Radner (1964) ou de Alchian et Kessel
(1962) notamment, soutiendront l’idée que l’objectif de la firme sera de rechercher la «
satisfaction » (satisficing) des membres et des groupes qui la composent.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE
La firme poursuit ainsi des objectifs pécuniaires (profits, cash flow…) et non
pécuniaires (carrières et statut des salariés, pouvoir et prestige des dirigeants…) et
effectue pour ce faire des arbitrages visant à « satisfaire » une partie au moins des
intérêts de chacun des groupes qui la composent.

Les organisations sous l’hypothèse de rationalité limitée


Prenant appui sur la psychologie cognitive et l’observation des processus de prise de
décision, en particulier à l’intérieur des organisations, Simon (1959) propose une révision
radicale de l’analyse des comportements économiques.
Plus qu’une théorie achevée, Simon (1959) propose un ensemble de principes à partir
desquels peut être construite une « théorie descriptive » de la prise de décision ou des
modèles de comportement spécifiques.
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Ceux-ci sont définis d’abord en opposition à la conception classique:
concevoir une rationalité procédurale plutôt que substantive;
substituer le principe de satisfaction par celui de maximisation.
L’opposition entre rationalité procédurale et la rationalité substantive de l’approche
classique est double: d’une part, la première conception porte sur les procédures de
décision alors que la seconde porte sur les résultats de la décision; d’autre part, la
rationalité procédurale ne prend pas les objectifs et les moyens comme donnés mais
comme objets d’une recherche, là où la conception classique considère l’objectif et les
moyens utilisables par l’agent comme donnés à priori. Autrement dit, l’approche par la
rationalité procédurale conduit à l’étude approfondie des processus de prise de décision,
de la firme et dans la firme, en situation complexe. Elle met l’accent sur les processus
d’apprentissage, de résolution des problèmes et d’élaboration de règles.
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Le principe de « satisfaction » est le point de l’analyse de Simon (1976) ayant retenu le
plus d’attention. Il pose qu’un agent recherche non pas l’action qui donne le meilleur
résultat dans des conditions données, mais une action qui conduit à un résultat jugé
satisfaisant, relativement à un certain niveau d’aspiration.
Dans ces conditions, le processus de décision, qu’il s’agisse de la décision de l’individu
ou de celle de l’organisation, repose sur un double mécanisme:
 l’exploration d’un nombre limité d’alternatives, par un processus séquentiel qui s’arrête
dès qu’est obtenu le niveau de satisfaction souhaité;
 la révision d’un niveau d’aspiration en fonction de la difficulté plus ou moins grande de
son obtention, et plus largement en fonction de l’expérience accumulée par le sujet.
Le principe de satisfaction met ainsi en œuvre un principe de recherche (search), c’est-à-dire
que les alternatives ouvertes à un agent ne sont pas données, mais doivent faire l’objet
d’une exploration.
1. L’ENTREPRISE EN TANT QUE BOITE NOIRE

Par conséquent, la théorie de la rationalité limitée peut certes


s’appliquer à la firme comme agent collectif, mais elle peut
également fonder une analyse des comportements internes et de
leurs interactions et des rapports entre les buts individuels et les
buts de l’organisation: l’abandon de la firme point pour une
conception de la firme organisation.
2. LA FIRME MANAGERIALE
L’abandon de la firme point du modèle néoclassique de base, l’attention
apportée à la firme en elle-même, à sa structure interne et à sa raison d’être
comme institution spécifique, conduisent à reformuler profondément la
nature même des questions posées à la théorie de la firme. Cette
reconstruction théorique se fera, pour l’essentiel, à partir de la question
fondamentale de la nature de la firme, telle qu’elle est soulevée dans l’article
fondateur de Coase (1937) que l’on peut considérer comme le point de départ
des nouvelles interrogations sur la firme.
Poser la question de la nature de la firme, c’est d’abord considérer la firme
comme une forme particulière d’organisation économique, un « arrangement
institutionnel » alternatif au marché, et se demander ensuite pourquoi cette
forme existe: pourquoi des firmes?
Coase (1937) offre à cette question une première réponse, qui reste, dans sa
formulation générale, la réponse dominante.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Il reviendra à Williamson (1975) de poursuivre dans cette voie en construisant
une théorie des coûts de transaction qui s’est imposée comme une des
références centrales des nouvelles analyses de la firme. Fondement d’une
approche qu’il qualifie de « néo-institutionnelle », elle propose un cadre
d’analyse unifié de l’ensemble des « institutions économiques du capitalisme »
(Williamson, 1975) et plus particulièrement de la firme et des différentes
questions qu’elle soulève, au-delà de son existence même: qu’est ce qui explique
l’intégration verticale et les limites des firmes, les modalités d’organisation du
travail, les formes d’organisation de la grande entreprise?

1. Coase et l’établissement de nouveaux fondements


1.1. Pourquoi la firme existe-t-elle?
Qu’est la firme pour la théorie économique, quelle est « la nature de la firme? »
Telle est la question que soulève Coase (1937).
2. LA FIRME MANAGERIALE
La réponse qu’il propose part d’un constat: l’observation de la vie économique
montre « des îlots de pouvoir conscient dans un océan de coopération
inconsciente ». Alors que sur les marchés la coopération des agents
économiques se fait, inconsciemment, par le système de prix (la main invisible), à
l’intérieur de la firme, la coordination est réalisée de manière consciente par
l’autorité de l’entrepreneur: La firme et le marché constituent ainsi deux formes
alternatives de coordination économique, la firme se caractérisant par une
coordination administrative, la « hiérarchie ».
Ainsi, la marque distinctive de la firme est la suppression du système de prix
(Coase, 1937). En effet, une fois affirmée l’opposition entre firme et marché, il
reste à expliquer: pourquoi il y a deux formes de coordination, alors que
l’enseignement économique s’évertue à démontrer l’efficacité du marché, et
comment se fait le choix entre ces deux formes, coordination par les prix et
coordination par la firme.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Selon Coase (1937), la coordination par les prix entraîne des coûts.
Dans cet ordre d’idées, la coordination administrative interne à la firme
s’impose dans la mesure où elle permet de faire l’économie de ces coûts.
Pourquoi les coûts de marché? Coase (1937) offre sur ce point un premier
éclairage. Ceux-ci recouvrent: les coûts de « découverte des prix adéquats »
et les coûts « de négociation et de conclusion de contrats séparés, pour
chaque transaction ». Coase (1937) ajoute que la firme apparaît quand la
relation entre agents ne prend plus la forme de contrats à court terme, mais
que s’imposent des relations à long terme pour certaines transactions, du
fait que « les détails des contraintes pesant sur le vendeur ne sont pas
portés au contrat, mais sont décidés plus tard par l’acheteur ».
2. LA FIRME MANAGERIALE
L’incertitude et les problèmes d’accès à l’information semblent donc être ainsi les
éléments clés à l’origine de ce que l’on appellera par la suite les coûts de transaction.

1.2. Marché et hiérarchie comme formes alternatives de coordination


Une fois affirmée ainsi l’existence de deux formes fondamentales de coordination
économique et expliquée l’origine de la firme, il reste encore à comprendre, à l’inverse,
pourquoi la coordination administrative ne s’impose pas en toutes circonstances,
pourquoi l’économie n’est pas formée d’une seule entreprise: cela amène à la question
de la limite classique de la firme.
La réponse de Coase (1937) reste sur ce point conforme aux idées les plus avancées:
il y a un rendement décroissant de la fonction entrepreneuriale, expression des limites
des capacités de la direction à coordonner un nombre croissant d’activités: les coûts
d’organisation des transactions internes sont croissants.
2. LA FIRME MANAGERIALE
2. Williamson et les coûts de transaction
2.1. Chronologie récapitulative des travaux de Williamson
Les travaux de williamson (1975) s’inscrivaient initialement dans la théorie
managériale de l’entreprise. A partir des années 1970, ils prolongent en l’enrichissant
d’apports disciplinaires variés, le courant initié par Coase (1937). Les recherches de
Williamson (1975) se sont développées en trois étapes qui mettent en avant le
caractère évolutif de ce courant néo-institutionnel.
La période allant de 1965 à 1975 est celle d’une approche intégrée de la théorie de
la firme où Williamson (1975) s’inspire principalement des travaux de Coase (1937). Il
étend sa réflexion en puisant ses explications sur la nature de la firme et des relations
contractuelles dans d’autres disciplines que celles de l’économie et de la gestion. Ceci
conduit l’auteur à explorer les relations entretenues par la gestion avec les autres
approches à visée cognitive ou opératoire, qui entendent concourir à la connaissance
ou à la conduite efficace des entreprises et des organisations. Entre autres, peuvent
être cités pour cette période les apports de:
2. LA FIRME MANAGERIALE
 La théorie des droits de propiétés (Coase, Achian et Demsetz);
 l’analyse économique du droit (droit des affaires, droit commercial, droit
international) et en particulier le droit des contrats.
Durant cette période, l’approche de Williamson essentiellement fonctionnaliste et
normative se rapproche des travaux de Luhman (1964) sur les systèmes formalisés, et
de Weber (1964) sur la bureaucratie.
Dans cette première approche des choix organisationnels de la firme, l’auteur définit
trois attitudes idiosyncratiques des transactions qui sont l’incertitude de
l’environnement, la spécificité des actifs et la fréquence des échanges. Ces attributs
sont évalués dans le cadre de différents processus d’intégration verticale.
Pendant la période allant de 1975 à 1985, l’auteur étudie les relations qui peuvent
s’établir entre l’intégration ou l’indépendance contractuelle et introduit l’idée de quasi-
intégration: la bipolarité entre le marché et la hiérarchie est dépassée. En effet, des
relations de marché, les entreprises sont passées aux relations de quasi-marché et
Williamson cherche à préciser les caractéristiques communes à chaque type de transaction.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Depuis 1985, Williamson, s’inscrivant dans la filière de l’efficience,
tente de déterminer quel est le mode de fonctionnement optimal de
l’entreprise. L’auteur considère les entreprises comme des « structures
d’organisation » d’un réseau de contrats. Remettant en cause les
explications de Marglin (1974) et de l’école radicale américaine,
Williamson démontre, dans le cadre d’une approche institutionnelle
comparative, comment la hiérarchie, ou la réciprocité des relations
contractuelles, peut déclencher des économies de coûts de
transaction. Pour l’auteur, l’efficacité des différentes institutions
économiques doit être évaluée en fonction d’une analyse
coûts/économies de transaction.
2. LA FIRME MANAGERIALE
2.2 Le coût de transaction: définition et facteurs d’influence
2.2.1. La définition du coût de transaction

Arrow (1969) est le premier auteur à utiliser l’expression « coûts de


transaction » qu’il désigne d’abord comme « les coûts de
fonctionnement du système économique ». Plus de trente ans après
l’interrogation fondatrice de Coase (1937) sur la « nature de la firme »
qui évoquait ces coûts sous une autre appellation, le concept
s’imposera au cœur du paradigme néo-institutionnaliste.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Cette notion s’est trouvée précisée au cours du siècle sans toutefois
s’écarter des premières analyses coasiennes. Le coût de transaction
s’assimile d’abord chez Coase au coût de l’organisation de la production à
travers le mécanisme des prix; Sa composante essentielle est l’information,
premier constituant de l’activité de recherche du « prix adéquat » sur un
marché. Le coût de recours au marché s’alimente également de l’activité de
négociation et de conclusion de contrat séparés pour chaque transaction
d’échange prenant place sur le marché; Le coût de livraison, à rattacher aux
activités de production, doit être soigneusement distingué du coût de
transaction. Ce dernier intègre les ressources utilisée lors de la négociation,
de la conclusion et du suivi du contrat portant le transfert des droits de
propriété d’un individu à un autre, d’une organisation à une autre.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Les coûts de transaction ne se réduisent pas à l’échange marchand
et s’étendent également à l’échange organisationnel. Williamson
entend ainsi par transaction aussi bien une relation contractuelle
classique d’achat-vente entre deux entités productives indépendantes
que le simple transfert d’un produit intermédiaire entre deux ateliers
de production d’une même entreprise, transfert qui ne donne lieu à
aucune distribution de revenu.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Les deux principales dimensions du coût de transaction, information et négociation,
constituent le dénominateur commun de la plupart des définitions ultérieures
proposées du concept de coûts de transaction. Elles se retrouvent dans l’analyse de
Williamson qui précisera la notion en introduisant une nette distinction entre le coût de
transaction ex ante, lié à la sélection du contractant, à l’activité de rédaction, de
négociation et de protection d’un accord et le coût de transaction ex post lié aux
nécessaires ajustements lors de perturbations non anticipées et à l’évaluation des
comportements opportunistes.

Les coûts de transaction ex ante


Ces coûts correspondent à la première étape de la transaction où il est procédé à
l’établissement du contrat. La période de prospection, la phase de négociation et
d’établissement du futur contrat impliquent des coûts liés à la recherche de futurs
partenaires, aux études, à la négociation ainsi qu’à la mise en place d’avant-projets, les
coûts attachés à la sauvegarde d’un accord éventuel précédent et les coûts liés à la
rédaction du contrat.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Plus les transactions portent sur des biens standardisés à faible contenu
informationnel, plus les coûts de transaction sont limités et vice versa. Pour
Williamson, cette étape prend fin dès qu’un accord est établi sur les intentions des
parties.

Les coûts de transaction ex-post


Ces coûts correspondent aux coûts d’administration, de surveillance et de contrôle
mis en place par les cocontractants afin de veiller au respect des clauses contractuelles.
Ils sont inhérents aux obligations et à la réalisation du contrat. On y retrouve
notamment les coûts générés par l’application des clauses contractuelles inadaptés
faisant dériver le contrat de son but initial, les coûts de marchandage et de
renégociation découlant des corrections, des erreurs ou omissions contenues dans les
clauses contractuelles, les coûts de structure liés aux comportements de passager
clandestin, les coûts liés au retrait d’un des cocontractants, les coûts d’opportunité
occasionnés par l’immobilisation d’actifs destinés à garantir le respect pour les deux
parties des clauses contractuelles et les « coûts d’engagement »
2. LA FIRME MANAGERIALE
C’est-à-dire les coûts liés au paiement de pénalités en cas de rupture contractuelle.
Une difficulté vient du fait que ces coûts sont interdépendants. Ils apparaissent dans
la transaction plutôt simultanément que séquentiellement. Les approches
empiriques de la théorie des coûts de transaction montrent qu’ils sont difficilement
quantifiables.

2.2.2. Les facteurs influençant la formation du coût de transaction


Le coût de l’échange entre deux partenaires commerciaux est lié au degré de
confiance propre à leur relation, qui dépend lui-même de deux mécanismes
essentiels du comportement individuel: la rationalité limitée et l’opportunisme.

Rationalité limitée, rationalité élargie


La notion de rationalité limitée empruntée de Simon (1934) exprime les difficultés
de l’individu à stocker et à traiter l’information de manière fiable.
2. LA FIRME MANAGERIALE
Elle rend compte des obstacles rencontrés par les entreprises pour élaborer des
contrats qui prévoient toutes les éventualités. L’avantage supposé de la firme est de
réduire l’incertitude grâce à un réseau structuré de communication et à un système
hiérarchisé de prise de décisions. L’incertitude ainsi repoussée, grâce à l’ordre et à la
hiérarchie, la rationalité de l’individu s’en trouve élargie. Enfin, l’idée de rationalité
élargie traduit également le fait que les individus ne cherchent pas
systématiquement à maximiser leurs gains monétaires.

La prise en considération d’aspects qualitatifs, comme l’ »atmosphère », exclut


l’uniformité des préférences des acteurs quant au choix du marché ou de la
hiérarchie. Ainsi, les individus qui valorisent hautement l’indépendance auront
tendance à préférer le marché comme mode d’organisation, tandis que d’autres,
sensibles à des satisfactions plus partagées , privilégieront des solutions
internalisées.
2. LA FIRME MANAGERIALE
L’opportunisme
Principal facteur explicatif des coûts de transaction selon Williamson (1975),
l’opportunisme peut se caractériser par toute attitude visant à divulguer sur le marché des
informations fausses, à omettre la transmission de données importantes pour la conclusion
d’un contrat ou toute attitude visant à privilégier les intérêts d’une partie au détriment d’une
autre.
L’opportunisme fait référence à la recherche de l’intérêt propre, à tout effort calculé pour
tromper, désinformer, déguiser, omettre, choquer ou induire en erreur un autre agent.
L’opportunisme élargit l’hypothèse classique selon laquelle les agents économiques sont
guidés par le souci de leur intérêt propre. Il faut l’opposer au comportement loyal qui implique
une relation de confiance par laquelle la parole donnée par une partie peut être considérée
comme un engagement.
Les travaux de Williamson (1975) s’inscrivent dans un courant particulier puisqu’ils partent
du principe que la confiance n’est pas toujours de mise lors d’une transaction. Ainsi, il montre
que les comportements opportunistes prévisibles des acteurs limitent les formes de confiance
réciproque et incitent les entreprises à privilégier un développement internalisé.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
1. Les droits de propriété
La théorie des droits de propriétés, développée par Armen Alchian et Harold
Demsetz (1972), pose l’idée que l’entreprise est caractérisée par une structure
particulière des droits de propriété définis par un ensemble de contrats. Un
système de propriété efficace doit permettre de profiter des avantages de la
spécialisation et assurer un système efficace d’incitation. Pour ces auteurs,
l’entreprise individuelle capitaliste constitue la forme d’organisation la plus
efficiente, quand la technologie impose le travail en équipe. L’entrepreneur
intervient dans tous les contrats qui doivent être conclu pour permettre à la firme
de mener à bien son activité.
Les droits de propriétés définissent la nature du contrôle qu’exerce un agent
sur les biens et les services.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
Exemple de droits de propriété pour un entrepreneur :
- le droit de percevoir le revenu engendré par l’activité de production. Ce revenu
correspond à la différence entre les recettes et les dépenses qui sont engagées pour
l’achat des biens et des services nécessaires à la production et donc le montant est
fixé par contrat.
- le droit d’accroître ou de réduire la force la force de travail en mettant fin à des
accords ou en s’engageant dans de nouveaux contrats. Ce droit est limité par des
dispositions légales ou par des engagements contractuels privés.
- le droit de céder les deux catégories précédentes de droit à un autre entrepreneur.
- un droit résiduel de contrôle qui permet à l’entrepreneur de prendre des décisions
concernant l’utilisation ou la disposition des actifs dont il est propriétaire dans tous
les cas non prévus par les contrats, les coutumes ou les lois.

Cet ensemble de droit définit la propriété de l’entreprise capitaliste classique.


3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
2. La théorie de l’agence
Dans un article célèbre exposant les fondements de la théorie de
l’agence, Michaël Jensen et William Meckling (1976) ont proposé de
démontrer l’efficience des formes organisationnelles.
La théorie de l'agence trouve ses origines historiques dans l'idée selon
laquelle face au développement des grandes sociétés par actions, ces
dernières constituaient une forme moins efficace d'organisation
économique à cause de la séparation des dirigeants chargés de la gestion et
des propriétaires détenteurs du capital. N'étant pas propriétaire, le
dirigeant n'agira pas toujours dans l'intérêt des propriétaires et par
conséquent, de la séparation des tâches résultera des conflits d'intérêts
entre les parties concernées, ces conflits pouvant affaiblir la performance
de l'organisation.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
Toutefois, la séparation entre propriétaires et dirigeants n'est
qu'une forme particulière de la relation qui lie un mandant (ou
principal) et un mandataire (ou agent). Cette relation est aujourd'hui
connue sous le nom de relation d'agence ou relation de mandat ou
relation de commandite ou encore relation d'intermédiation que S. A.
Ross (1973) définit de la manière suivante : "on dira qu'une relation
d'agence s'est créée entre deux ou plusieurs parties lorsqu'une de ces
deux parties désignée comme l'agent, agit soit de la part, soit comme
représentant de l'autre désignée comme le principal dans un domaine
décisionnel particulier".
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
Mais, la définition la plus connue et la plus retenue est celle donnée par
Jensen et Meckling (1976) qui définissent "la relation d'agence comme un
contrat dans lequel une (ou plusieurs) personne a recours aux services
d'une autre personne pour accomplir en son nom une tâche quelconque, ce
qui implique une délégation de nature décisionnelle à l'agent".
Quoiqu'il en soit, des difficultés vont surgir dans ce genre de relation dès
lors que le principal et l'agent ont des systèmes de référence différents et
qu'il existe des distorsions dans la répartition de l'information.
Le problème d'agence est donc associé, d'une part, à la divergence
d'intérêts entre le principal et l'agent et, d'autre part, à l'incertitude, à
l'imparfaite observabilité des efforts éventuels de l'agent et aux coûts
d'établissement et d'exécution des contrats.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
La relation d'intermédiation serait donc de par sa nature même
dysfonctionnelle et génératrice de coûts que Jensen et Meckling appellent
coûts d'agence dont les principaux sont :
 les coûts de surveillance ou de contrôle ("monitoring cost") dus par le
principal pour limiter les comportements opportunistes de l'agent. Il
s'agit des dépenses de contrôle engagées par le mandant pour s'assurer
de la compatibilité de la gestion du mandataire avec ses propres
objectifs.
 les coûts d'obligation ou de dédouanement ("bonding cost") supportés
par l'agent pour mettre le principal en confiance. Ce sont des dépenses
engagées par le mandataire et qui ont pour objectif de rassurer le
mandant sur la qualité de sa gestion.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
 la perte résiduelle ("residual loss") : elle est engendrée par chacun des
acteurs à cause de leurs divergences d'intérêts. En effet, les deux
premiers types de coûts sont explicites et résultent de la volonté
commune des mandants et des mandataires de limiter au maximum la
perte de valeur qui découle du caractère sous-optimal des décisions
prises par les seconds.
Par ailleurs, la théorie de l'agence est généralement développée en deux
branches : la branche positive et la branche normative.
 La théorie positive de l'agence a pour but d'utiliser le cadre de raisonnement
de la théorie de l'agence pour expliquer le comportement réel des
organisations et plus particulièrement des sociétés privées. Elle s'est donc
focalisée "exclusivement sur le cas spécial de la relation principal/agent entre
actionnaires et dirigeants des grandes entreprises du secteur privé et public"
ou entre ces dernières et les créanciers, le marché du contrôle etc.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
 La théorie normative de l'agence ne retient que le cadre le plus simple :
principal/agent. Elle étudie quel contrat est efficient sous des niveaux variés
d'incertitude, d'aversion au risque, d'information, etc. La théorie normative
étudie le partage optimal du risque entre les acteurs, les caractéristiques des
contrats optimaux, et les propriétés des solutions d'équilibre. Deux situations
peuvent se présenter :
 le mandant a une information complète sur le mandataire, et dans
ce cas il "loue" le comportement de l'agent et lui transfère le risque
du contrat ;
 le principal n'a aucune information sur l'agent ou est mal informé
sur l'agent : étant donné son intérêt personnel, l'agent accepte le
contrat. Cet "opportunisme" soulève deux types de problèmes : l'un
dit de "sélection adverse" ("adverse selection") et l'autre dit du
"hasard moral" ("moral hazard").
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
-"Adverse selection" : conséquence de l'opportunisme ex-ante, se
réfère à une mauvaise présentation de l'agent qui prétend avoir
certaines qualités et ce dans le but de duper le principal. Ce problème
se pose parce que le principal ne peut pas vérifier intégralement les
qualités, capacités réelles et intentions de l'agent au moment de
s'engager. Il est donc difficile d'apprécier les caractéristiques exactes
des biens et services qui font l'objet du contrat.
-"hasard moral" : conséquence de l'opportunisme ex-post, renvoi au
fait que l'agent profite de ce que le contrôle de son comportement est
impossible ou onéreux pour ne pas respecter ses engagements
contractuels.
3. DROITS DE PROPRIETE ET RELATIONS AVEC LES AGENCES
Ces éléments font partie de ce que les théoriciens
appellent les modèles de signalisation ou théorie des
signaux qui expriment le fait que les divers participants à
la relation ont des informations incomplètes et
asymétriques. Leurs comportements et leurs décisions
sont donc basés sur des signaux perçus. A partir de cette
théorie, de nombreuses analyses se sont développées
sur le gouvernement des entreprises.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
1. APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL ET ROUTINES
1.1. APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL
Pour Argyris et Schön (1978), l’apprentissage organisationnel est le processus
cognitif « par lequel les membres d’une organisation détectent des erreurs et les
corrigent en modifiant leur théorie d’action ». Ainsi, « une organisation apprend
lorsqu’elle acquiert de l’information sous toutes ses formes, quel qu'en soit le moyen
(connaissances, compréhensions, savoir-faire, techniques et pratiques) ».
Levitt et March (1988), dans une perspective behavioriste, mettent l’accent sur la
notion de routine. L’apprentissage organisationnel est alors considéré comme le
processus par lequel les organisations codifient les « ingérences du passé et les
transforment en routines ». Pour apprendre, l’organisation doit intégrer les
conséquences de l’histoire à ses procédures.
Senge (1990), focalisé sur le sujet de l’apprentissage donne une définition plus
générale : « Dans les organisations apprenantes, les individus améliorent sans cesse
leur capacité à créer les résultats.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
continuellement, la vision collective accorde une marge de liberté
importante, et les individus apprennent sans cesse comment mieux
apprendre ensemble ».
Les approches behavioristes et cognitives de l’apprentissage tendent à
être dépassées pour offrir une vision commune : « l’apprentissage peut
être compris comme un ajustement du comportement de l’organisation en
réponse aux modifications de l’environnement, comme une
transformation du corpus de connaissance organisationnelle ou comme
une interaction entre individus au sein de l’organisation ».
Si certains théoriciens tentent de souligner les convergences entre les
approches, deux divergences demeurent : l’une sur le sujet de
l’apprentissage et l’autre sur le fondement de l’apprentissage.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
Quel est le sujet de l’apprentissage?
A cette interrogation, deux réponses sont envisageables: l’apprentissage est
organisationnel lorsque le sujet d’apprentissage n’est autre que l’organisation elle-
même ou bien l’apprentissage est organisationnel lorsque l’apprentissage d’un
membre de l’organisation concerne l’organisation toute entière et se diffuse en son
sein.
La première perspective induit une vision holiste, dissociant totalement
l’apprentissage individuel de l’apprentissage organisationnel, ce dernier étant la
résultante d’un travail de l’organisation, réifiée et existante en soi. L’organisation
n’est pas dotée d’un cerveau comme l’être humain, mais dispose de systèmes
d’information, de systèmes cognitifs et d’une mémoire (Hedberg, 1981).
Ces recherches font largement appel aux notions de routine et de mémoire
organisationnelle, notions qui ne sont pas pour autant écartées de l’approche
individualiste.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
Ainsi, même si l’individu est le seul capable d’apprendre, il fait partie d’un
système d’apprentissage dans lequel le savoir personnel est échangé et
transformé.
La distinction entre holisme et individualisme ne résout pas le questionnement
sur le fondement de l’apprentissage organisationnel : routine ou socialisation.
1.2. ROUTINES
La notion de routine, répertoire de connaissances organisationnelles ou de
procédures standardisées face à une situation donnée, est aussi bien utilisée dans
les études sur le fonctionnement de l’organisation, dans les processus de prise de
décision que dans l’apprentissage (Argyris et Schön, 1978).
Dans une perspective holiste, l’apprentissage organisationnel basé sur les
routines correspond à l’apprentissage par adaptation de l’organisation à
l’environnement (adaptive learning, Cyert et March 1963).
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
L’apprentissage revêt un caractère incrémental et s’effectue par
l’ajustement des routines, qui ne cessent d’évoluer en fonction des
expériences passées et des modifications de l’environnement.

L’apprentissage à simple boucle


Quand une entreprise détecte un dysfonctionnement ou une non
réalisation des résultats anticipés, elle modifie ses pratiques. Cet
"apprentissage à simple boucle", qui se produit en premier lieu dans le
"middle management" (Duncan, 1974), consiste à adapter les "theories in
use" (Argyris et Schön, 1978) sans remettre en cause leur structure. Il
augmente la stabilité de l'organisation et il réduit la variabilité des
comportements mais c'est un apprentissage peu novateur et peu apte à
transformer l'organisation.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
Fondé sur l'adaptation à un contexte donné, l'apprentissage à
simple boucle est démuni devant des situations nouvelles. Il est donc
guidé par les structures cognitives et les procédures existantes et
procède surtout par essais et erreurs.

L’apprentissage à double boucle


Face aux dysfonctionnements, l'entreprise peut aussi estimer nécessaire
de modifier les structures même de ses actions et revoir ses cadres
d'interprétation (Argyris et Schön, 1978). Cela revient à changer les normes
et les croyances, à définir de nouvelles règles associées à de nouvelles
stratégies. Cet apprentissage à double boucle repose alors sur une
modification cognitive significative qui implique de questionner les théories
et les systèmes de règles existants.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
Il est intentionnel, non routinier et correspond à la définition
de nouvelles missions pour l'organisation. Cet apprentissage
majeur est moins orienté vers le "comment" et plus vers le
"pourquoi". Il constitue une rupture avec les savoirs existants
permettant ainsi la mise en place de nouveaux modèles mentaux.
Cet apprentissage est source de créativité puisqu'il permet
l'émergence de nouveaux objectifs et de nouvelles théories de
l'action. Autrement dit, c’est une démarche de création de
connaissances qui doit permettre à l'entreprise apprenante de se
distinguer de ses concurrents.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
Argyris (1985) a radicalisé la hiérarchie entre niveaux
d'apprentissage en montrant que la différence n'est pas simplement
de degré mais doit aussi être comprise comme une opposition.
Il remarque ainsi que les entreprises réussissent assez bien dans
l'apprentissage à simple boucle mais qu'elles mettent en place des
routines défensives, des dispositifs inhibant l'apprentissage à double
boucle.
L'apprentissage à simple boucle constitue donc un obstacle à une
réforme profonde du fonctionnement de l'organisation dans la
mesure où il contribue au renforcement des cadres d'action et de
pensée existants. Les individus hésitent à se remettre en cause et
préfèrent demeurer dans des situations suffisamment ambiguës.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
2.THEORIE EVOLUTIONNISTE
Depuis quelques années, les théories de la firme fondées sur les
compétences se développent. La théorie évolutionniste de la firme,
développée par Sidney Winter et Richard Nelson en 1985, s’inscrit
dans cette perspective.
L’école évolutionniste part du principe que le moteur de
l’entreprise n’est pas constitué par le profit mais par sa volonté
biologique de survie, comme tout être vivant dans la théorie
darwinienne de l’évolution des espèces. Elle suggère donc d’étudier
les mécanismes d’adaptation au milieu des entreprises, leurs
capacités d’innovation, d’apprentissage et d’auto-organisation.
4. APPRENTISSAGE, ROUTINES ET COMPETENCES DE LA FIRME
EVOLUTIONNISTE
2.THEORIE EVOLUTIONNISTE
La firme évolutionniste est définie par Winter et Nelson (1985) comme un
ensemble dynamique de compétences. Les entreprises se différencient entre
elles par la nature de leur savoir-faire qu’elles ont accumulé depuis des années.
Les chercheurs se demandent pourquoi les entreprises diffèrent dans leurs
caractéristiques, leurs comportements et leurs performances.
La réponse à cette problématique va être recherchée dans l’analyse des
dynamiques d’accumulation de connaissances et de compétences spécifiques
par les entreprises. La compétence foncière de l’entreprise est fondée sur les
routines, des savoir-faire organisationnels et technologiques tacites et non
transférables en général.
Cette approche évolutionniste de l’entreprise se pose bien en rupture
théorique avec les conceptions des économistes précédents.
BIBLIOGRAPHIE
 Coriat B. et Weinstein O. (1995), Les nouvelles théories de
l’entreprise, Paris, Librairie générale française, 218 pages.
 G. (1993), Les théories de la Firme, Paris, Economica, 111pages.
 Koenig G. (1999), De nouvelles théories pour gérer l’entreprise du
XXIè siècle , Paris, Economica.
 Morgan G. (1999), Images de l’organisation, Paris, De Boek, 498
pages.
 Plane J. –M. (2003), Théorie des organisations (Les Topos), Paris,
Dunod.

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