Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
33
Dans ses analyses, Coase soulève la question centrale de la nature de la firme : pourquoi existe-
t-elle ? Sa thèse réside dans l’idée que l’entreprise constitue un mode de coordination écono-
mique alternatif au marché.
En effet, la coordination par le marché des agents est assurée par le système de prix alors que
la coordination au sein d’une organisation s’effectue à partir de la hiérarchie. Le recours à la
firme et à la coordination par la hiérarchie n’est utile que dans la mesure où la coordination par
le marché et les prix génère des coûts supplémentaires. Ces coûts seront dénommés plus tard
coût de transaction par Olier Williamson (1975).
Lorsque ces coûts semblent supérieurs aux coûts d’organisation interne à l’entreprise, la coor-
dination par la hiérarchie organisationnelle s’impose. La pensée de R. Coase attire l’attention
sur le fait que le marché et la firme constituent deux modes de coordination profondément dif-
férents. Ses travaux posent les fondements de la vision contractuelle de m’entreprise, puisqu’il
analyse la firme comme un système de relations contractuelles spécifiques entre agents, un
nœud de contrats. Il souligne également, et cela est essentiel, le fait que l’entreprise se caracté-
rise par l’existence d’un pouvoir d’autorité en tant que moyen de coordination, la hiérarchie.
Finalement, les apports de Coase à l’analyse de la firme résident dans l’idée qu’il est primordial
d’élaborer un système contractuel efficient, tenant compte des contraintes techniques aux-
quelles sont soumis les agents ainsi que de la nature des informations détenues par ceux-ci en
vue d’une plus grande convergence d’intérêts.
3.5.3. La théorie des coûts de transactions de O. Williamson
L’apport de Olivier Williamson se situe directement dans le prolongement de Coase. En 1975
est publié un ouvrage de Williamson intitulé : Market and Hierarchies : Analysis ans Antitrust
Implication. Il part de la théorie de la rationalité limitée de Simon et, en conséquence, souligne
que les contrats sont par essence incomplets, puisqu’ils ne peuvent pas envisager toutes les
éventualités possibles. L’incomplétude de ces contrats donne une marge de manœuvre aux ac-
teurs et favorise les comportements opportunistes.
Williamson démontre que les choix organisationnels peuvent contribuer à éviter les comporte-
ments opportunistes. Selon la théorie des coûts de transaction qu’il a élaborée, la coordination
dans l’entreprise est préférable à celle par le marché, dans la mesure où la hiérarchie permet de
limiter ces comportements opportunistes.
Au total, le choix entre marché et hiérarchie repose sur un arbitrage entre les forces incitatives
du marché, et l’adaptabilité qu’apporte le pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie.
Dans ses travaux, Williamson insiste également sur l’importance des formes hybrides d’orga-
nisations de l’entreprise, empruntant aux mécanismes de marché et à ceux de la hiérarchie :
alliances, réseaux d’entreprise, franchises, joint-venture, etc. ces nouvelles formes d’organisa-
tion, qui sont en quelque sorte des associations d’entreprises, ont contribué à replacer au cœur
des raisonnements, la théorie des coûts de transactions. Celle-ci interroge la relation d’emploi
dans l’entreprise et ses avantages, le recours à la sous-traitance, l’intégration de telle ou de telle
activité, etc.
34
3.5.4. La théorie des droits de propriété et la théorie de l’agence
❖ Les droits de propriété
La théorie des droits de propriété, développé par Armen Alchian et Harold Demsetz (1972),
pose l’idée que l’entreprise est caractérisée par une structure particulière de droits de propriété
définis par un ensemble de contrats. Un système de propriété efficace doit permettre de profiter
des avantages de la spécialisation et assurer un système efficace d’incitation. Pour ces auteurs,
l’entreprise individuelle capitaliste constitue la forme d’organisation la plus efficiente, quand
la technologie impose le travail en équipe. La théorie de l’agence complète celle des droits de
propriété. Elle cherche la détermination de contrats incitatifs adaptés aux situations les plus
diverses.
❖ La théorie de l’agence
Dans un article célèbre exposant les fondements de la théorie de l’agence, M. Jensen et W.
Meckling (1976) ont proposé de démontrer l’efficience des formes organisationnelles.
À partir de cette théorie, de nombreuses analyses se sont développés sur le gouvernement ou la
gouvernance des entreprises. Inspirée par l’économie libérale, cette vision repose sur l’idée
qu’il n’y a au sein de la firme que des rapports libres contractuels et qu’il n’y a pas lieu d’op-
poser la firme au marché, puisqu’elle n’est pas très différente de ce dernier. La firme est envi-
sagée comme un marché privé et contrat de travail, suivant cette théorie est appréhendé comme
un contrat commercial. On parle de relation d’agence quand une entreprise ou une personne
confie la gestion de ses intérêts à un tiers. Jensen et Meckling définissent une relation d’agence
comme un contrat par lequel une ou plusieurs engagent un agent pour exécuter en son nom une
tâche quelconque, qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. La
théorie de l’agence envisage la possibilité d’une divergence entre le principal et l’agent, et part
du part du principe que l’agent dispose d’information que ne possède pas le principal. Cette
théorie est couramment illustrée parla relation d’agence entre propriétaire du capital, les action-
naires et les dirigeants de l’entreprise, les managers. Les différents travaux présentés conver-
gent tous vers l’idée que l’entreprise a une dimension contractuelle fondamentale à gérer
puisque les acteurs peuvent avoir des intérêts divergents. Pour autant, la firme doit aussi pro-
duire des richesses et innover dans une perspective de compétitivité.
3.5.5. Les approches évolutionnistes de la firme
❖ La théorie évolutionniste
Depuis quelques années, les théories de la firme fondées sur les compétences se développent.
La théorie évolutionniste de la firme, développé par Sidney Winter et Richard Nelson en 1985,
s’inscrit dans cette perspective.
L’école évolutionniste part du principe que le moteur de l’entreprise n’est pas constitué par le
profit mais par sa volonté biologique de survie, comme tout être vivant dans la théorie darwi-
nienne de l’évolution des espèces. Ils suggèrent donc d’étudier les mécanismes d’adaptation au
milieu des entreprises, leurs capacités d’innovation, d’apprentissage et d’auto-organisation.
La firme évolutionniste est définie par Winter et Nelson comme un ensemble dynamique de
compétence. Les entreprises se différencient entres par la nature de leur savoir-faire qu’elles
ont accumulé depuis des années. Les chercheurs se demandent pourquoi les entreprises diffèrent
35
durablement dans leurs caractéristiques, leurs comportements et leurs performances. La réponse
à cette problématique va être recherché dans l’analyse des dynamiques d’accumulation de con-
naissance et de compétences spécifiques par les entreprises. La compétence foncière de l’entre-
prise est fondée sur des routines des savoir-faire organisationnels et technologiques tacites et
non transférables en général. Cette approche évolutionniste de l’entreprise se pose bien en rup-
ture théorique avec les conceptions des économistes précédents.
❖ La théorie de l’apprentissage organisationnelle
Les travaux sur la firme évolutionniste peuvent être complétés par la théorie de l’apprentissage
organisationnel suggéré notamment par G. B. Richardson (1972) qui montre dans quelle mesure
des apprentissages collectifs se réalisent et des compétences collectives se constituent dans les
entreprises.
❖ L’analyse de la firme de Aoki
Pour terminer les travaux de l’économiste japonais Masahito Aoki (1988) ont également con-
tribué à élargir la théorie économique de l’entreprise.
Aoki part du constat que les entreprises américaines et japonaises fonctionnent différemment.
Suivant ses analyses, ce qui les différencie fondamentalement, c’est la structure des échanges
d’information. L’entreprise américaine se caractérise par une forte spécialisation, un mode hié-
rarchique et autoritaire de la répartition des fonctions et des rôles, etc. à l’inverse, l’entreprise
japonaise a une division du travail plus flexible, une coordination basée sur des méthodes inci-
tatives, un plus grand partage du pouvoir entre les acteurs.
À partir de ces observations, Aoki développera l’idée que l’on peut distinguer deux types de
formes fondamentales d’entreprise : la firme hiérarchique et la firme horizontale. Suivant ses
analyses, la firme horizontale est mieux adaptée à l’environnement contemporain car elle est
beaucoup plus flexible et plus propice à l’innovation. En définitive, la théorie économique de
l’entreprise cesse de considérer cette dernière comme une boîte noire impénétrable et apporte
un corpus de connaissance utiles à une meilleure compréhension du fonctionnement des orga-
nisation.
36