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BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.

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Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).

Cours : CHAPITRE 1 : Croissance, capital et progrès technique

Introduction
Avant de nous demander comment le capital permet aux hommes de produire davantage de richesses, nous
allons voir quelles sont les sources générales de la croissance et les questions que cela pose.

1 - Les sources et les limites de la croissance économique.


Quand on se demande quelle est la source de quelque chose, cela signifie que l'on recherche son origine.
Pourquoi rechercher l'origine de la croissance économique ? Bien sûr, parce que tous les pays courent
après et souhaitent obtenir la croissance économique la plus élevée possible. Identifier les sources de la
croissance sera donc notre premier objectif dans ce paragraphe. Mais quand nous aurons vu comment la
croissance peut advenir, nous devrons nous demander si on a bien raison de courir après cette croissance,
autrement dit ce qui pourrait, ou devrait, limiter cette poursuite.

1.1 - Les sources de la croissance.


D'où vient la croissance économique, c'est-à -dire comment expliquer l'augmentation des quantités produites
? Il faut remonter bien sûr aux facteurs de production, capital et travail, et surtout à l'efficacité de leur
combinaison repérée par la productivité. Ensuite, nous essaierons d'évaluer la proportion dans laquelle
chacun des facteurs intervient.

1.1.1 - La croissance peut provenir d'une main d'oeuvre plus nombreuse et/ou
plus productive.
Le travail est apporté par les hommes (et les femmes !) : il s'agit de l'activité qu'ils mettent au service de la
production de biens et services. La quantité de travail effectivement utilisée est mesurée par la population
active occupée. Si celle-ci augmente dans un pays, il est logique que la production augmente, toutes choses
égales par ailleurs. Il y aura donc croissance économique.
Remarquons que, dans les sociétés modernes, seul le travail rémunéré est pris en compte : l'activité des
bénévoles, même s'ils passent de nombreuses heures, par exemple à animer un club de loisirs ou de sport,
n'est pas considérée comme du travail, tout comme le ménage fait par une mère de famille (alors que cela
serait du travail si cette femme faisait le ménage dans une école, par exemple, ou dans une autre famille en
étant payée et déclarée).
Si le travail est toujours nécessaire pour produire, il est toutefois possible d'accroître la production sans
augmenter la quantité de travail utilisée, à condition d'améliorer l'efficacité du travail, ce que l'on appelle plus
souvent la productivité du travail. Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter les trois éléments
qui apparaissent comme essentiels pour expliquer l'augmentation de la productivité du travail. On les sépare
pour les présenter, mais il faut bien souligner qu'ils s'accompagnent mutuellement les uns les autres.

1.1.2 - L'augmentation de la productivité peut provenir de la division du travail.


Répartir le travail entre les travailleurs et les spécialiser permet d'augmenter la productivité. Avant de
montrer comment, on rappellera en quoi consiste cette division technique du travail.
• Qu'appelle-t-on division technique du travail ? Pour augmenter l'efficacité du travail, on observe qu'il
faut répartir entre plusieurs travailleurs les différentes phases de fabrication d'un produit. Chaque
travailleur n'effectuera plus qu'une partie, parfois très petite, de l'ensemble de la fabrication. Il sera
spécialisé dans une seule tâche et c'est le collectif des travailleurs qui assurera la production et non

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plus un travailleur isolé. On divise donc le travail entre autant de travailleurs qu'il y a de tâches
différentes dans la production.
L'exemple de la manufacture d'épingles : il s'agit d'un exemple très célèbre présenté par Adam
Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Un travailleur
peut faire une épingle tout seul, il ne fabriquera que bien peu d'épingles dans sa journée. Mais en
divisant la fabrication en 18 opérations distinctes (tirer le fil métallique de la bobine, couper le fil,
rendre pointue la tige, etc…), assurées par 18 ouvriers distincts, on arrivera à fabriquer des milliers
d'épingles par jour. La productivité aura donc beaucoup augmenté.
• Pourquoi diviser le travail augmente-t-il la productivité ?
On peut énumérer, et Adam Smith le fait déjà à son époque, les effets positifs de la division
technique du travail :
• D'abord, chaque travailleur étant spécialisé dans une tâche la maîtrisera mieux et la
réalisera plus rapidement. Et on pourra utiliser chaque travailleur dans la tâche pour laquelle
il est le mieux " doué ".
• Ensuite, chaque travailleur ne faisant plus qu'une seule tâche ne perdra plus le temps qui
était auparavant nécessaire pour changer de tâche. Et il consacrera ce temps à produire
davantage.
• Enfin, les tâches les plus simples pourront même être effectuées par des machines : la
division technique du travail va donc inciter les scientifiques à inventer des machines
capables d'effectuer ces tâches les plus simples (et, au fur et à mesure du temps, des
tâches de plus en plus complexes). On voit ici directement le lien avec les deux autres
éléments que nous allons présenter, l'accumulation du capital et le progrès technique.
Au total donc, la division technique du travail augmente la productivité et permet de produire de
beaucoup plus grandes quantités dans le même temps. Pour être mise en Å“uvre, elle suppose des
transformations dans l'organisation du travail. Nous verrons plus précisément dans le chapitre suivant
comment ces transformations génèrent une hausse de la productivité du travail et donc la croissance des
quantités produites.

1.1.3 - Mais elle vient aussi de l'accumulation du capital et du progrès technique.


• Le rôle de l'accumulation du capital
C'est l' investissement qui permet cette accumulation de capital productif.L'entreprise en s'équipant
en machines permet à ses travailleurs de produire plus efficacement. Un même travailleur, dans le
même temps, produira davantage qu'avant l'introduction des machines. Depuis le début du 19ème
siècle, c'est-à -dire depuis la révolution industrielle, on observe que le stock de capital par travailleur
a considérablement augmenté, y compris dans les services qui étaient restés un peu à l'écart de
ces progrès. On dit que l'intensité capitalistique de la production s'est accrue, c'est-à -dire que pour
produire une voiture par exemple, on utilise proportionnellement de plus en plus de capital (et de
moins en moins de travail, donc). Cela élève évidemment la productivité du travail.
• Le rôle du progrès technique
Le progrès technique est à l'origine des nouvelles machines ou des nouveaux procédés de
fabrication. Il permet aussi de concevoir des produits nouveaux. En ce sens, il est aussi à l'origine
de l'augmentation de la productivité. Il est souvent en amont des investissements, qui viennent le
mettre en œuvre. Nous verrons plus précisément dans la deuxième partie de ce chapitre comment le
progrès technique contribue à la croissance.

1.1.4 - Quelles ont été les sources de la croissance depuis 1960 dans les pays
développés ?
Titre : Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB et décomposition de ce taux selon les facteurs de
production à l'origine de la croissance.

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Etats-Unis Japon France


1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990
TCAM du P.I.B. (en %) 3.8 2.5 9.5 4.0 5.9 2.4
Facteur travail 1.0 1.0 0.4 0.3 0.3 - 0.4
Facteur capital 1.1 1.1 3.5 2.0 1.6 1.1
Résidu 1.7 0.4 5.6 1.7 4.0 1.7
Source : à partir de V. Coudert, " Croissance et démographie dans les pays industrialisés ", Economie
prospective internationale, n°52, 4ème trimestre 1992, La Documentation Française.
On voit évidemment sur la première ligne de ce tableau la croissance très rapide qu'ont connue les pays
développés entre 1960 et 1973 et le ralentissement qui a suivi cette période (observez cependant que les
taux de croissance annuels moyens du P.I.B. restent nettement positifs entre 1973 et 1990). Mais ce n'est
pas vraiment la question qui nous intéresse ici. Comment cette croissance a-t-elle été obtenue, quelles ont
été ses sources ?
• Le rôle du facteur travail.
Dans les trois pays, le facteur travail a contribué à cette croissance, et cela pour deux raisons : la
quantité de travail a pu augmenter et la qualification du travail s'est améliorée. Aux Etats-Unis, par
exemple, entre 1973 et 1990, sur les 2.5% de croissance annuelle moyenne, 1%, soit plus du tiers,
est dû à la contribution du facteur travail. Pourquoi le chiffre négatif de la contribution du facteur
travail en France entre 1973 et 1990 ? Cela signifie qu'il y a une diminution de l'apport du facteur
travail, due sans doute à la diminution de la durée du travail (5ème semaine de congés payés et
passage des 40 heures aux 39 heures en 1981) et de la hausse du chômage.
• Le rôle de l'accumulation de capital.
On observe aussi qu'en France et au Japon, l'accumulation du capital, c'est-à -dire l'investissement
(mesuré par la F.B.C.F. [allez revoir ce que l'on appelle F.B.C.F. dans la liste des notions] joue un
grand rôle dans la croissance : celle-ci est à l'origine de près de la moitié de la croissance entre
1973 et 1990, bien plus donc que le facteur travail.
• Le rôle du progrès technique.
Quand on a bien mesuré l'apport du capital et du travail dans la croissance, qu'observe-t-on ? Qu'il
reste une partie de la croissance qui ne s'explique pas par les apports directs du capital et du travail.
C'est ce que l'on appelle traditionnellement le " résidu ", ce qui reste inexpliqué. Et l'on voit (sur la
dernière ligne du tableau) que cela correspond à une partie importante de la croissance (nettement
plus de la moitié pour la France). Vu son importance, il faut tenter de comprendre ce résidu. Les
économistes l'attribuent en général au progrès technique : l'amélioration des techniques permet à la
combinaison du travail et du capital d'être de plus en plus efficace. En améliorant les machines ou
les procédés de fabrication, en élevant la qualification des travailleurs, le progrès technique
contribue à augmenter la productivité du travail et, ce faisant, à éviter les rendements décroissants. Il
explique donc en grande partie la croissance et est au coeur des questions qui lui sont liées : d'où
vient le progrès technique, qui le maîtrise, au service de qui (et de quoi) doit-il être ? Nous
reviendrons évidemment plus loin sur ces questions pour comprendre comment cela se passe.

En conclusion, on peut dire que l'amélioration de l'efficacité des facteurs de production est essentielle pour
expliquer la croissance. Cependant, d'autres éléments jouent un rôle non négligeable, en particulier le
comportement des différents agents économiques, en particulier les entreprises et l'Etat.

1.2 - Le rôle des agents économiques dans le processus de croissance.


Disposer de facteurs de production dans une certaine quantité et/ou dans une certaine qualité, c'est une
chose. Mais cela ne détermine pas à coup sûr un certain taux de croissance économique. De la même
manière, on vient de voir que le progrès technique pouvait engendrer de la croissance, mais d'où vient-il ce

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progrès technique ? Il ne tombe pas du ciel. Il y a donc d'autres éléments à prendre en compte, des
éléments qui relèvent du comportement, de l'attitude des agents. Qui sont ces acteurs de la vie économique
et sociale dont nous parlons ici ? Il s'agit bien sûr des entrepreneurs (qui sont à l'origine des décisions
concernant la mise en œuvre du progrès technique ou la combinaison des facteurs de production). Mais pas
seulement : il y a aussi l'Etat et les administrations publiques qui construisent le cadre juridique et
réglementaire qui encadre la vie économique et sociale, il y a aussi les grands idéaux qui sous-tendent
les comportements des membres de la société, ce que l'on appelle en sociologie les valeurs. Nous
étudierons successivement le rôle de ces trois éléments.

1.2.1 - Le rôle des entrepreneurs : améliorer la combinaison productive, investir,


assurer les dépenses de Recherche et Développement.
Le rôle de l'entrepreneur est essentiel du point de vue de la croissance économique car c'est l'entrepreneur
qui choisit la combinaison productive, c'est lui aussi qui prend les décisions d'investissement ou celles
concernant la recherche sur des produits nouveaux, par exemple.
• L'entrepreneur choisit la combinaison productive.
Pour choisir une combinaison productive, le chef d'entreprise prendra en compte au moins deux
éléments pour décider de la combinaison productive retenue : le coût relatif du capital et du travail (si
le travail est relativement bon marché, l'entrepreneur aura intérêt à utiliser relativement beaucoup
de travail s'il a le choix, ou à produire des produits nécessitant beaucoup de travail) et l'efficacité
productive de la combinaison retenue, souvent mesurée par la productivité du travail qui en résulte.
Mais il peut prendre aussi en compte une multitude d'autres éléments, en particulier les traditions de
l'entreprise, l'environnement local ou international, etc.L'entreprise cherche à améliorer sa
productivité, en particulier parce que cela aura des conséquences favorables sur son profit. Ce
faisant, elle contribue à la croissance de la production, soit en produisant davantage elle-même, soit
en économisant des facteurs de production qui seront alors disponibles pour augmenter la
production dans d'autres entreprises.
• L'entrepreneur parie sur l'avenir
Ces décisions ont des effets dans le futur - on investit aujourd'hui, mais la production n'augmente
que demain. L'entrepreneur qui investit ou qui fait de la recherche sur de nouveaux produits prend
donc des risques : il parie sur l'avenir en espérant que le marché lui donnera raison. Il peut
évidemment se tromper (à ses risques et périls !). Il peut aussi refuser d'assumer ces risques et ne
pas (ou moins) investir. Ce faisant, il va contribuer à ralentir l'accumulation de capital et donc la
croissance économique. On reviendra plus loin dans le chapitre sur ce rôle essentiel de
l'entrepreneur que l'économiste J. Schumpeter (1883-1950) a très bien mis en évidence.
L'esprit d'entreprise et la recherche du profit sont donc essentiels dans le mécanisme de croissance de nos
sociétés. Il est nécessaire que les entreprises soient bien gérées pour que les facteurs de production soient
utilisés efficacement. Il est aussi nécessaire que règne une certaine " confiance " dans l'avenir pour que des
individus prennent le risque de lancer les nouvelles productions qui feront la croissance économique.

1.2.2 - Le rôle de l'Etat : réguler les marchés, gérer les externalités, développer
les infrastructures à travers la politique économique.
• L'Etat régulateur des marchés
Il faut souligner avec force le rôle essentiel pour la croissance, dans une économie de marché, de
l'intervention de l'Etat. Le fonctionnement de l'économie par le marché suppose des règles, vous
l'avez vu en classe de première. Ces règles, il faut d'abord les construire et ensuite les faire
respecter. Ces deux rôles, c'est l'Etat qui les assume. L'expérience montre que dans les pays sans
autorité politique établie et reconnue, la croissance est plus lente qu'ailleurs, voire impossible.
• L'Etat intervient également pour favoriser le progrès technique
Certaines recherches, trop fondamentales pour être rentables immédiatement, ne seraient jamais
entreprises si l'Etat ne contribuait pas à leur financement. En effet, aucune entreprise ne prendra en

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charge une dépense si le coût est trop élevé par rapport au bénéfice qu'elle en retire
personnellement. Or, c'est précisément ce qui se passe en matière de recherche fondamentale : une
fois qu'une découverte a été faite, tout le monde en profite, et pas seulement ceux qui ont financé la
recherche. C'est donc à l'Etat de décider ces dépenses et de les faire financer par l'impôt
puisqu'elles profitent à tous. Plus généralement, l'Etat doit intervenir dans tous les cas où des
" effets externes positifs " (ou " externalités positives ") sont attendus. Que sont ces effets externes
positifs ? Certaines actions, faites par tel ou tel acteur de la vie économique, ont des conséquences
positives sur les autres acteurs alors que ceux-ci ne paient pas le coût de cette action. On peut citer
l'exemple de l'instruction : si on (et le " on " sera forcément l'Etat, on va le voir) décide de prolonger
la scolarité obligatoire de 12 à 16 ans par exemple, toute la main-d'œuvre sera plus qualifiée et
donc plus productive et ce sont les entreprises qui en bénéficieront (sans payer directement le coût
de l'allongement de la scolarisation).
• L'Etat prend en charge les infrastructures collectives
Imaginons qu'il n'y ait pas de pont sur le Rhône entre Lyon et la mer ; dans ce cas, tous les fruits de
la vallée du Rhône (rive gauche) devraient transiter par Lyon pour aller à Montpellier, par exemple.
Si l'Etat construit un pont à Avignon, cela arrange tout le monde car cela abaisse le coût et les
délais de transport. Pourquoi est-ce l'Etat qui va financer la construction du pont comme
l'allongement de la scolarité et pas ceux qui vont directement en bénéficier ? Parce que chaque
utilisateur du pont ne retirera pas suffisamment de bénéfice de l'usage du pont pour le financer :
chacun y gagne, mais pas suffisamment pour payer la construction. C'est la même chose pour
l'instruction. On est donc dans la situation suivante : tout le monde a intérêt à ce que l'action soit
entreprise, mais personne ne veut la financer. Il y a un problème de coordination des décisions
individuelles, et c'est donc l'Etat, au nom de l'intérêt général, qui va assumer ces dépenses et les
répercuter sur les individus par l'impôt.
• L'Etat favorise la croissance par sa politique économique.
Vous avez vu en classe de première que l'Etat peut encourager la production de biens et services en
stimulant la demande par sa politique budgétaire ou sa politique monétaire. Pareillement, il peut
encourager l'offre par sa politique fiscale, en baissant les impôts sur les entreprises pour rendre la
production plus profitable. Ce rôle d'impulsion est souvent décisif, notamment pour sortir des crises
que connaissent les économies modernes. On l'étudiera plus en détail dans le dernier chapitre du
programme.
Au total, donc, l'Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la croissance
en finançant la formation de la main d'œuvre et la recherche scientifique, en développant les infrastructures,
en particulier de communication, en construisant le cadre juridique permettant au marché de fonctionner
correctement, en assumant les tâches considérées comme essentielles par la société et qui ne pourrait pas
l'être par le marché.

1.2.3 - Le rôle de l'environnement socio-culturel.


La croissance est également tributaire des grands idéaux qui sous-tendent le comportement des membres
de la société. La culture a donc quelque chose à voir avec la croissance. En effet, comment expliquer que,
à un moment donné de leur histoire, des peuples se soient mis à accumuler du capital, et pas d'autres,
apparemment aussi bien dotés en facteurs de production que les premiers. Les normes et les valeurs en
vigueur dans une société influencent l'ensemble des comportements, donc évidemment les comportements
économiques.
Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) a soutenu l'idée que les valeurs véhiculées par le
protestantisme avaient involontairement favorisé le développement du capitalisme dans les pays anglo-
saxons, à la fois parce que les préceptes de leur religion poussaient les protestants à épargner et à
investir et accordaient une grande valeur au travail, à l'activité professionnelle, et parce qu'une grande
confiance et une grande solidarité les unissaient, d'où la création de sortes de réseaux unissant des
entreprises industrielles et des banques, ce qui étaient très favorable à la croissance. Prendre en compte
les valeurs pour expliquer la croissance ne doit cependant pas conduire à en faire l'explication ultime : les

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valeurs se conjuguent avec l'ensemble des structures de la société. Ce qui compte sans doute le plus, c'est
le climat qu'instaurent à la fois les valeurs et l'organisation politique dans une société : la croissance
économique a besoin à la fois de stabilité (pour que l'on puisse prévoir les effets des décisions prises
aujourd'hui) et de possibilité de transformations (puisque la croissance en génère).

1.3 - Les limites de la croissance économique.


Faut-il chercher à tout prix à accélérer la croissance économique, le pourra-t-on même ? Ce sont les deux
questions que nous allons aborder ici : d'abord, quelle signification accorder à l'obtention d'un taux élevé de
croissance économique, ensuite pourra-t-on durablement soutenir cette croissance économique rapide ?
Avant d'entamer la présentation de ces deux questions, il faut rappeler que l'indicateur mesurant la
croissance économique est le taux de croissance annuel du P.I.B. . Le P.I.B. est un agrégat de la
comptabilité nationale dont la construction, comme celle de tous les indicateurs, n'est pas sans poser des
problèmes. De ce fait, la croissance économique ainsi mesurée n'est peut-être pas complètement fidèle à
ce qui se passe dans la réalité et les comparaisons que l'on fait entre les pays peuvent aussi être biaisées.

1.3.1 - Peut-on poursuivre indéfiniment le processus actuel de croissance ?


Pour des raisons assez claires, la réponse à cette question est négative, comme nous allons le voir. Alors à
quelles conditions la croissance pourrait-elle être soutenable dans l'avenir ? C'est ce que nous verrons
ensuite.
• L'épuisement des ressources naturelles.
La croissance actuelle épuise les ressources non renouvelables en matières premières et en énergie
et rejette en quantités grandissantes des déchets qu'elle ne sait pas traiter. Ce ne sont pas
seulement les écologistes qui le disent. Tous les experts soulignent les dangers que nous faisons
courir à notre planète dans un avenir relativement proche en maintenant notre modèle de
croissance.
• Les inégalités de richesses sont inacceptables.
La croissance actuelle, parce qu'elle est très inégale et très inégalement répartie, exacerbe les
tensions entre les pays. Le risque de conflits majeurs n'est pas à écarter si le fossé qui sépare les
pays développés des autres ne tend pas à se résorber, ce qui n'est pas le cas pour le moment, à
de rares exceptions près.
• Alors, comment construire une croissance " soutenable " ?
Une croissance est " soutenable " si elle est acceptable par tous à court terme et durable dans le
long terme, c'est-à -dire ne mettant pas en danger les conditions de la croissance future. Cette
croissance soutenable, c'est aussi ce que de nombreux hommes politiques et le P.N.U.D. appellent
le " développement durable " Comment le définir ? Il s'agit d'un développement qui satisfait les
besoins de chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre la
capacité des générations futures à satisfaire les leurs " (Rapport Brundtland, Notre avenir à tous,
1987). Il y a donc deux aspects à souligner dans cette définition : d'une part, on y aborde l'aspect
répartition des fruits de la croissance puisqu'on affirme la primauté des besoins des plus démunis,
d'autre part on insiste sur la prise en compte des besoins des générations futures pour limiter et
encadrer notre croissance actuelle. Ce n'est donc pas le plus possible tout de suite que l'on vise
mais le plus possible compte tenu de deux exigences : satisfaire les besoins essentiels de tous et
protéger les générations futures en leur laissant une planète qui pourra satisfaire leurs besoins
essentiels. Le développement durable est donc un compromis entre trois contradictions
fondamentales : les intérêts des générations actuelles en face de ceux des générations futures, les
intérêts des pays industrialisés et ceux des pays en développement, les besoins des êtres humains
et ceux de la préservation des éco-systèmes.
Comment imposer les exigences du développement durable aux pays et aux entreprises (et même aux

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consommateurs, en particulier dans les pays développés) ? C'est une question éminemment politique. Des
conférences internationales se réunissent périodiquement pour essayer de traiter ces questions. Mais leur
succès est tout relatif. Le protocole de Kyoto (1997), par exemple, qui a été signé par bon nombre de pays et
qui vise à limiter l'émission de gaz à effet de serre est encore à peine mis en vigueur. Pourtant, " pour
stabiliser les perturbations apportées à l'atmosphère, il faudrait diviser par 2 ou 3 les émissions mondiales
de gaz. Or celles-ci continuent d'augmenter ! " (D. Plihon, " Le développement durable : le défi du XXIè
siècle ", Ecoflash n°176, mars 2003). Les Etats-Unis, qui polluent beaucoup, ont refusé de l'appliquer en ce
qui les concerne. Cela signifie que, pour le moment, il n'y a pas d'autorité mondiale capable d'imposer que
soient prises en compte les nécessités du développement durable.

1.3.2 - Accroître toujours plus le PIB, cela a-t-il toujours un sens ?


Quand on pose la question ainsi, il y a en fait quelque chose qui est sous-entendu : du sens à quel point de
vue ? En réalité, la question qui se pose est de l'ordre du jugement : un pays, une société font-ils bien de
chercher à obtenir la croissance la plus rapide possible ? Autrement dit, plus de croissance est-ce plus de
bien-être, des progrès équitablement répartis entre les membres de la société, par exemple ? On se
rapproche donc de la question du développement que l'on a déjà un peu abordée dans l'introduction.
On peut remarquer qu'un certain nombre d'éléments permettent de penser que plus de croissance, ce n'est
pas forcément " mieux "
• Les effets négatifs de la croissance.
On inclut dans le P.I.B. tout ce qui est produit mais on ne se demande pas pourquoi on a dû
fabriquer cette production. Résultat : plus les gens fument, par exemple, plus le P.I.B. augmente.
En effet, d'une part, on produit plus de tabac ; d'autre part, la quantité de médicaments et d'appareils
d'examen qu'il faut produire et le nombre de consultations médicales augmentent (le tabagisme
augmentant, le nombre de cancers du poumon aussi). Au total, la production augmente donc
beaucoup. Est-ce un progrès ? Ce raisonnement peut être fait sur pas mal d'exemples (les accidents
de la route, la pollution, etc.) car il faut réparer les dégâts et donc produire davantage. D'autre part,
on vient de le voir, la croissance épuise les ressources non renouvelables de la planète.
• Croissance ou développement ?
Le P.I.B. est un indicateur économique, mais il n'inclut pas un certain nombre d'activités
essentielles pour le maintien des solidarités entre les membres d'une société, en particulier
des services. La richesse d'une nation, est-ce seulement les richesses matérielles qu'elle réussit à
produire ? C'est un peu ce que laisse croire le calcul de la croissance à partir du P.I.B. Mais n'est-ce
pas aussi l'état de santé (y compris mentale) de la population, son niveau d'instruction, la qualité des
rapports sociaux entre les membres de la société, ou d'autres éléments ? Le problème est que ces
éléments ne se laissent pas facilement mesurer. Pourtant on sait bien que la qualité de la vie est
aussi importante que la quantité de biens dont on dispose (mais les deux ne sont pas indépendants
l'un de l'autre, évidemment). Le P.I.B. n'est pas un indicateur de bien-être. [Revoyez la notion PIB
si vous n'êtes pas convaincu]
La croissance économique n'est donc pas forcément le développement et si l'on veut parler de
développement, sans doute vaut-il mieux utiliser l'I.D.H. comme indicateur ainsi que le fait le Programme
des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.). [Vous trouverez la présentation de cet indicateur à la
notion " IDH "]. Or, le classement des pays selon l'I.D.H. ne donne pas le même résultat que celui selon
le P.I.B. par habitant :

Titre : Rang de certains pays pour l'I.D.H. et P.I.B. par habitant (en dollar en parité de pouvoir d'achat), en
2000.

Norvège Suède U.S.A. France Chine Afrique du Sud


Rang pour l'I.D.H. 1 2 6 12 96 107
P.I.B. / hbt ($ PPA) 29 918 24 277 34 142 24 223 3 976 9 401

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Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).

Source : P.N.U.D. , Rapport sur le développement humain, De Boeck, 2002


Que voyons-nous ? Suède et Norvège sont pratiquement à égalité pour l'I.D.H. (au premier rang mondial)
puisque l'I.D.H. de la Norvège atteint 0.942 et celui de la Suède 0.941. Pourtant il y a un écart de plus de
5000 dollars par habitant entre les deux pays pour le P.I.B. par habitant, ce qui est loin d'être négligeable. De
même, les Etats-Unis, avec un P.I.B. par habitant élevé, le plus élevé du tableau, ne sont qu'au 6ème rang
pour l'I.D.H.. A l'autre bout de l'échelle, on observe que la Chine avec un P.I.B. par habitant inférieur à la
moitié de celui de l'Afrique du Sud est mieux placée qu'elle pour l'I.D.H. (cela s'explique en particulier par
une espérance de vie à la naissance beaucoup plus élevée en Chine, 70.2 ans, qu'en Afrique du Sud, 52.1
ans). Le niveau des richesses matérielles produites et sa croissance ne sont donc pas le seul
indicateur pertinent de l'amélioration des conditions de vie dans un pays.
• La question de la répartition des richesses.
Enfin, on peut souligner que le P.I.B. par habitant n'est qu'une moyenne statistique. Comme toutes
les moyennes, il gomme les disparités. Savoir qu'un pays a augmenté son P.I.B. de 3% dans
l'année ne nous dit rien sur ce que l'on a fait de cette augmentation. C'est ici la question de la
répartition des richesses produites qui est posée. Sur le plan du mode de vie, des relations sociales,
du bien-être général, il n'est pas indifférent que cette production supplémentaire soit accaparée par
quelques uns ou répartis sur l'ensemble de la population. On est alors ramené au paragraphe
précédent : si la Suède ou les pays nordiques en général se classent si bien pour l'I.D.H., c'est parce
que le choix a été fait, dans ces pays, de privilégier les dépenses collectives (éducation, santé, …)
qui profitent à tous et de limiter les inégalités de revenus. Ce n'est évidemment pas le choix fait par
les Etats-Unis où le revenu par tête, qui est une moyenne, cache de grandes disparités.
Conclusion : un taux de croissance élevé (du PIB) n'est pas forcément synonyme de développement
du bien-être collectif. Il faut cependant dire et répéter que la croissance des richesses produites est un
formidable levier pour améliorer le sort de tous. Mais cela ne se fait pas sans des choix politiques qui
disent clairement comment la croissance doit être utilisée ou au service de quels idéaux collectifs elle doit
être mise. Il ne faut donc pas avoir le fétichisme du chiffre : 2% de croissance qui profite à tous, c'est peut-
être mieux que 3% accaparés par quelques uns.

2 - Accumulation du capital, progrès technique et croissance.


On a vu dans la section précédente à quel point le capital était une source essentielle de la croissance.
Nous allons maintenant étudier plus précisément son rôle dans la croissance. Nous commencerons par
étudier les effets de l'investissement, c'est-à -dire de l'augmentation du stock de capital, sur la croissance.
Nous verrons ensuite que, parce que l'investissement vise souvent à mettre en œuvre le progrès technique,
celui-ci joue donc, in fine, un rôle essentiel, en particulier dans la transformation des structures économiques
et sociales.

2.1 - L'investissement (privé et public) stimule la croissance.


En principe, vous savez depuis longtemps ce qu'est un investissement. C'est un mot de la langue courante,
mais malheureusement, il n'a pas forcément le même sens en économie et dans le langage de tous les
jours, ce qui provoque parfois des erreurs de raisonnement ou de compréhension. Heureusement, vous
avez déjà étudié, en classe de première, l'investissement, en particulier dans le cadre de la comptabilité
nationale. Vous pouvez donc utilement vous reporter à votre cours de première.
Traditionnellement, on dit que l'investissement est un facteur de croissance, c'est-à -dire qu'il est un des
éléments à l'origine de la croissance économique. Mais l'affirmer ne suffit pas, encore faut-il comprendre
pourquoi. Autrement dit, quels sont les mécanismes qui expliquent que les investissements favorisent la
croissance ? La réponse ne sera pas la même à court et à moyen terme, et nous verrons aussi que les
investissements publics peuvent jouer un rôle spécifique.

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2.1.1 - A court terme, l'investissement favorise la croissance en augmentant la


demande de biens et services.
Investir, c'est acquérir du capital, c'est-à -dire des machines, des bâtiments, des brevets, etc. En
conséquence, puisque investir c'est acheter, l'investissement représente une composante de la demande
globale, à côté de la consommation. Si l'investissement augmente, la demande globale augmente : il faut
produire davantage de machines, par exemple, pour répondre à la demande d'investissement des
entreprises. Keynes a montré que l'accroissement de l'investissement entraînait un accroissement plus que
proportionnel du Revenu National : c'est ce que l'on appelle le mécanisme du multiplicateur. (Ce mécanisme
ne figurant pas au programme de terminale ne sera pas présenté ici mais vous pouvez aller l'étudier dans
les activités que nous vous proposons sur le multiplicateur).
Pour que ce processus puisse se mettre en place, il faut que les capacités de production ne soient pas, à
l'origine, toutes utilisées : sinon, il n'y aurait pas de possibilité de répondre à l'augmentation de la demande
en biens d'équipement, sauf à réduire la consommation ou les exportations ou à augmenter les
importations.
Donc, à court terme, l'investissement, parce qu'il est une composante de la demande globale, peut générer
de la croissance, sous certaines conditions. On peut remarquer que, bien qu'il représente une part bien plus
faible dans la demande que la consommation, l'investissement joue un grand rôle dans les variations de la
demande à court terme : en effet, la consommation est relativement stable dans le temps, elle a une grande
force d'inertie, alors que l'investissement est beaucoup plus instable, il augmente ou diminue en fonction des
anticipations des agents. Dans les fluctuations conjoncturelles (à court terme, donc) de l'activité, les
variations de l'investissement jouent finalement un grand rôle.

2.1.2 - A moyen terme, l'investissement favorise la croissance en augmentant les


capacités de production.
Investir, c'est acquérir des moyens de production. Donc, une fois qu'elle a investi, l'entreprise a augmenté
ses capacités de production. Elle peut donc produire plus de biens et services. A moyen terme,
l'investissement agit donc directement sur l'offre. Par ailleurs, l'investissement va permettre de mettre en
œuvre le progrès technique, notamment en permettant de mettre en place de nouveaux procédés de
production (en achetant une machine plus performante ou un ordinateur " dernier cri "). Il permet ainsi
l'accroissement de la productivité permettant la croissance. Il a donc un rôle essentiel dans la croissance,
qui est à relier à celui du progrès technique et que nous allons très bientôt étudier.

2.1.3 - Le rôle spécifique des investissements publics.


A priori, que l'investissement soit public ou privé ne change rien à ses effets sur l'offre ou la demande.
Cependant, l'investissement public présente certaines spécificités en relation avec les domaines qu'il
concerne.
Il concerne d'abord les infrastructures (de transports, de télécommunications, etc…) qui sont utiles à tous. Il
concerne aussi la construction de bâtiments nécessaires à la production de services comme l'enseignement
ou la santé (construction d'un hôpital, par exemple). Ces investissements présentent l'avantage d'avoir des
effets externes positifs importants. Ils ne pourraient être assurés par le secteur privé du fait de leur faible
rentabilité à court terme à cause de leur coût. L'Etat les prend donc en charge, contribuant ainsi à la
formation de ce que certains appellent le " capital humain ".
La décision de faire tel ou tel investissement public relève donc rarement de la rentabilité immédiate. En
général, l'Etat raisonne plutôt en termes d'intérêt général. Mais la décision entre aussi dans le cadre de la
politique conjoncturelle de l'Etat : connaissant les effets économiques des investissements sur la croissance,
l'Etat peut décider d'utiliser les investissements publics comme instrument pour relancer une croissance
jugée trop molle. Cela entre dans le cadre d'une politique contra-cyclique d'inspiration keynésienne.
L'investissement joue donc un rôle très important dans la croissance économique. Il montre les choix faits

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par les entreprises pour l'avenir, son volume détermine également pour une partie non négligeable le rythme
de la croissance économique. Nous pouvons donc nous attaquer à une question essentielle : qu'est-ce qui
amène un agent économique (et ici, nous parlerons essentiellement des entreprises) à décider d'investir ?

2.2 - La décision d'investir.


On va maintenant pouvoir se demander ce qui engendre la décision d'investissement. On parlera ici
essentiellement des investissements productifs, c'est-à -dire ceux des entreprises.
Quels sont les éléments qui incitent le chef d'entreprise à décider d'investir ? Investir, c'est prendre une
décision économique. Comme toutes les décisions, celle-ci se prend après réflexion et en fonction de
certains arguments. Ce sont ces arguments que l'on appelle les déterminants de l'investissement. Avant de
les présenter les uns après les autres, nous montrerons qu'il y a une exigence en toile de fond de toutes les
décisions d'investissement, c'est l'exigence de rentabilité.

2.2.1 - La nécessité de la rentabilité.


Nous allons d'abord présenter le ratio habituellement utilisé pour mesurer la rentabilité, puis nous
essayerons de voir quels sont les éléments qui l'influencent.
• Comment mesure-t-on la rentabilité ?
On compare les profits réalisés au stock de capital nécessaire pour réaliser ces profits (le taux de
profit est le rapport entre le profit et le stock de capital utilisé pour générer ce profit). En utilisant les
agrégats de la comptabilité nationale, on prendra l'Excédent brut d'exploitation (E.B.E.) pour mesurer
les profits et le capital fixe (K) pour mesurer le stock de capital nécessaire. On a donc :
Taux de rentabilité économique = (E.B.E. / K) x 100
Si on veut parler de la rentabilité économique de l'investissement (et non celle du capital engagé), il faut
calculer la rentabilité marginale : celle-ci compare l'accroissement des profits à l'accroissement du stock de
capital (c'est-à -dire à l'investissement) qui a été nécessaire pour engendrer cet accroissement des profits.
• De quoi dépend la rentabilité ?
A partir de la formule précédente, il est facile de voir que le taux de rentabilité dépend d'abord de la
valeur du capital, c'est-à -dire du coût des biens capitaux achetés lors de l'investissement. Plus ils
seront grands, plus il sera difficile d'obtenir une rentabilité satisfaisante.
Ensuite, la rentabilité dépend de la valeur de l'EBE. Or, celui-ci est le montant qui reste à l'entreprise
une fois qu'elle a payé les salaires et les charges sociales :
EBE = Valeur Ajoutée - Salaires et Charges sociales
La rentabilité dépend donc d'abord de la Valeur Ajoutée (plus celle-ci est forte, plus l'EBE est potentiellement
grand). Un faible coût des consommations intermédiaires (notamment les matières premières et l'énergie)
est donc une première condition de rentabilité des investissements.
On voit enfin que le partage de la valeur ajoutée (entre profits et salaires) risque d'influer sur
l'investissement : si la part des profits dans la valeur ajoutée s'accroît, on peut penser que cela sera
favorable aux investissements qui pourront être financés plus facilement comme nous allons le voir.
Cependant, il ne faut pas oublier que les salaires vont permettre la consommation. Si la part de la valeur
ajoutée consacrée aux salaires diminue, on peut penser qu'il y aura des effets négatifs sur la demande. Or la
demande est aussi un déterminant de l'investissement. On le voit, un partage de la valeur ajoutée préservant
à la fois la demande et les profits est difficile à trouver.
Vous voyez donc que la rentabilité économique des investissements dépend principalement du coût des
facteurs de production (capital, consommation intermédiaires et travail). Si l'entreprise réussit à diminuer
ses coûts, elle a des chances d'augmenter ses profits et sa rentabilité. Mais elle ne doit pas oublier que les
salaires qu'elle distribue sont aussi des revenus qui permettent d'acheter ce qu'elle produit, autrement dit
que la demande joue un rôle dans la rentabilité.

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2.2.2 - Le rôle de la demande anticipée.


Sur le plan théorique, il a été mis en évidence par Keynes. Mais dans la réalité des entreprises, on a toujours
su, dans le système capitaliste, qu'il ne fallait produire que si l'on pensait pouvoir vendre sur les marchés. La
demande anticipée par l'entreprise, c'est-à -dire celle qui est prévue pour les années à venir, celle que
Keynes appelle la " demande effective ", joue donc un rôle essentiel dans la décision d'investir.
Si les prévisions laissent entrevoir une hausse durable de la demande du produit fabriqué dans l'entreprise,
l'entreprise va probablement chercher à répondre à cette demande supplémentaire. Pour cela, elle devra
accroître sa capacité de production en acquérant des moyens de production supplémentaires, c'est-à -dire
qu'elle devra investir. On peut faire le même raisonnement si les prévisions envisagent une transformation
de la demande : par exemple, si l'on pense que la demande va se porter de plus en plus sur des appareils
combinés télévision/magnétoscope, il va falloir modifier les outils de production et donc investir pour pouvoir
satisfaire cette nouvelle demande, alors que la demande de téléviseurs " classiques " va peut-être stagner.
En règle générale, les chefs d'entreprise considèrent donc l'évolution de la demande, dans son volume
comme dans sa nature, comme un déterminant essentiel de leur décision d'investissement. On peut
remarquer que si l'évolution de la demande peut être dans une certaine mesure anticipée, il n'en reste pas
moins toujours de l'incertitude. Les chefs d'entreprise sont alors amenés à prendre en compte dans leur
décision d'investissement des éléments relativement subjectifs : le climat des affaires est-il bon ?, les
ménages sont-ils optimistes ? (il y a des enquêtes sur le moral des ménages), etc.
Les effets d'une augmentation de la demande sur les investissements ont été mesurés par les économistes :
c'est le mécanisme de l'accélérateur, qui montre que l'augmentation de la demande entraîne une hausse
plus que proportionnelle des investissements. [Ce mécanisme n'est pas inscrit au programme de terminale.
Si vous souhaitez cependant l'étudier, allez voir, et faire, les activités que nous vous proposons sur
l'accélérateur].

2.2.3 - Le rôle des coûts de production.


Les profits, qui sont au numérateur du taux de rentabilité, sont les revenus restant à l'entreprise quand elle a
payé tous ses coûts. Si l'entreprise réussit à diminuer ses coûts, elle a des chances d'augmenter ses profits
et sa rentabilité. En particulier, si le coût du travail augmente plus rapidement que le coût du capital (il y a
donc un abaissement du prix relatif du capital), l'entreprise a intérêt à réaliser des investissements de
productivité qui aboutiront à économiser du travail. De même, si les prévisions laissent entrevoir une
demande stable et une concurrence accrue entre les producteurs, il peut être nécessaire que l'entreprise,
pour conserver sa part de marché, abaisse ses coûts de production et, pour cela, réalise des
investissements de productivité. Enfin, la localisation des investissements est également tributaire des coûts
de production : c'est vrai à l'échelon international, nous le verrons dans le chapitre 6, mais c'est vrai aussi à
l'échelon national si les facteurs de production et les consommations intermédiaires n'ont pas le même coût
partout.

2.2.4 - Le rôle des taux d'intérêt.


S'il y a une demande qui justifie l'investissement et si celui-ci semble suffisamment rentable compte tenu du
coût des facteurs de production, l'entreprise doit encore prendre en considération le coût de financement de
l'investissement, c'est-à -dire le taux d'intérêt, avant de décider d'investir. Comme nous allons le voir, il y a
deux mécanismes par lesquels le taux d'intérêt influence la décision d'investissement.
• Une hausse du taux d'intérêt diminue la profitabilité de l'investissement
Quand le taux d'intérêt réel est élevé (on rappelle que le taux d'intérêt réel est le taux d'intérêt
constaté sur le marché, ou taux d'intérêt nominal, corrigé de l'inflation), c'est-à -dire que le prix à
payer pour emprunter est élevé, cela renchérit le coût de financement de l'investissement et diminue
donc les profits que peut espérer l'entreprise. Un taux d'intérêt élevé a donc tendance à décourager

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les investissements. On définit la profitabilité de la manière suivante :


Profitabilité = taux de profit anticipé - taux d'intérêt réel
Quand la profitabilité est négative, l'entreprise doit " normalement ", c'est-à -dire dans une logique de
maximisation du profit immédiat, renoncer à investir. Cependant, dans la réalité, l'entreprise prendra aussi
en compte le long terme et l'état de la concurrence : si les concurrents investissent, l'entreprise risque de se
trouver à la traîne et de perdre des marchés, ce qui menace encore plus les profits futurs ; dans ce cas, elle
préfèrera investir plutôt que de placer, même si ce n'est pas plus avantageux à court terme.
• Que se passe-t-il si l'entreprise n'a pas besoin d'emprunter pour investir ?
L'existence de profits non distribués permettant l'autofinancement joue bien sûr un rôle majeur : plus
la part de l'autofinancement sera élevée, moins l'entreprise devra payer pour investir, plus il sera
facile d'investir, indépendamment du niveau des taux d'intérêt. Cependant le taux d'intérêt joue un
autre rôle : il va guider le choix des entreprises dans l'utilisation de leurs capitaux. Les entreprises
vont comparer les revenus qu'elles vont tirer de leurs investissements éventuels aux revenus
qu'elles obtiendraient en prêtant leurs fonds, c'est-à -dire en les plaçant sur les marchés financiers,
au lieu de les investir. Plus le taux d'intérêt est élevé, plus l'entreprise est incitée à placer ses fonds
sur le marché financier plutôt qu'à investir, et inversement.
Ainsi, en période de taux d'intérêt réel élevé, les entreprises peuvent renoncer à des investissements
éventuels pour deux raisons complémentaires : d'une part, emprunter pour investir coûte cher et diminue
donc les profits potentiels, d'autre part placer ses capitaux, c'est-à -dire les prêter à d'autres agents
économiques, rapportent beaucoup.

2.2.5 - L'investissement est une décision toujours risquée.


Quand une entreprise investit aujourd'hui, elle le fait, en quelque sorte, pour produire demain des biens ou
des services qu'elle vendra après-demain. On le voit, la décision d'investir est une décision qui engage
l'avenir : en effet, l'entreprise va décider d'augmenter son stock de capital (et c'est en général une grosse
dépense) alors qu'elle ne sait pas avec certitude de quoi demain sera fait. L'entreprise fait donc toujours un
pari sur l'avenir : elle parie qu'elle arrivera à rentabiliser son investissement, c'est-à -dire à augmenter ses
profits (attention ! augmenter ses profits, ce n'est pas forcément augmenter sa production …). Voyons plus
précisément quels sont les facteurs d'incertitude.
• Le problème de l'actualisation des valeurs futures
Une grosse difficulté pour l'entreprise est qu'elle doit comparer des valeurs monétaires dans le
temps. Si par exemple, on vous propose un investissement qui coûte 100 et qui vous rapporte 100
au bout d'un an, vous allez naturellement refuser : disposer de 100 dans un an est moins intéressant
que de disposer tout de suite de la même somme ! L'entreprise est dans la même situation,
puisqu'elle doit se priver d'argent aujourd'hui (en investissant) pour en récupérer plus tard. Mais
comment comparer les deux sommes ? Quelle valeur faut-il donner aujourd'hui à un euro qu'on ne
percevra que dans un mois, dans un an ? Trouver des éléments de comparaison, c'est ce qu'on
appelle actualiser les valeurs futures. Pour le faire, il faut tenir compte notamment du taux d'intérêt :
s'il est de 5 %,100 euros placés pendant un an deviendront 105 euros, donc 105 euros perçus dans
un an sont équivalents à 100 euros perçus aujourd'hui. Mais le taux d'intérêt peut changer au cours
du temps …
• La demande peut varier de manière imprévisible
Un investissement est toujours fondé sur une évolution prévue ou constatée de la demande, et il
consiste à immobiliser des facteurs de production pour répondre à cette évolution de la demande
(d'ailleurs, en langage comptable, les biens capitaux acquis lors des investissements sont appelés
" immobilisations "). Mais l'évolution de la demande peut être très rapide et ne pas correspondre à
ce qui avait été prévu, et l'investissement perd alors sa justification. C'est ce qui serait arrivé à une
entreprise qui aurait investi dans la construction de paquebots transatlantiques juste avant le
développement du transport aérien. Dans ce cas, non seulement les investissements ont été faits en
pure perte, mais en plus il n'est plus possible de mobiliser les fonds utilisés pour profiter de la
nouvelle évolution de la demande (le terme " immobilisation " prend ici tout son sens).

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• Les prix des facteurs de production ou des consommations intermédiaires peuvent varier de
manière imprévisible
On a vu plus haut que la rentabilité dépendait du coût des facteurs de production : capital, travail et
consommations intermédiaires. Si le prix des biens capitaux est connu au moment d'investir (c'est le
prix d'achat des biens que l'on acquiert lors de l'investissement), il n'en va pas de même pour les
autres : le prix de l'énergie peut s'envoler à la suite d'un choc pétrolier, le coût du travail s'accroître
à la suite d'un conflit social ou parce que la protection sociale coûte de plus en plus cher. Bien
entendu, l'entreprise peut essayer de maîtriser l'évolution de ces coûts, mais tout ne dépend pas
d'elle, loin s'en faut.
Conclusion : au niveau de l'entreprise, il y a donc des enjeux à l'investissement. De celui-ci va dépendre la
capacité de l'entreprise à réaliser des profits et à faire face à la concurrence pour gagner, ou au moins ne
pas perdre, des parts de marché. L'avenir de l'entreprise dépend donc du " bon " choix de ses
investissements, que ce soit sur le plan de leur volume (leur montant), que ce soit sur le plan de leur nature
(investissement de productivité ou de capacité, investissement immatériel ou matériel, etc.). Devant
l'incertitude qui , on l'a vu, touche bien des éléments à prendre en compte, le chef d'entreprise peut ne plus
très bien savoir à quoi se fier et prendre une décision très liée à ses convictions personnelles.
L'investissement joue, on l'a montré, un rôle très important dans la croissance économique à court et moyen
termes. Nous allons maintenant nous interroger sur ce que permet l'investissement, parfois à plus long
terme, c'est-à -dire la mise en œuvre du progrès technique.

2.3 - Progrès technique et croissance : la destruction créatrice.


Le progrès technique est en amont de l'investissement et influe fortement sur les transformations à long
terme de la société, comme nous allons le voir. Il est aussi en aval car le progrès technique résulte de
certaines dépenses d'investissement, en particulier celles concernant la recherche. Du fait de ses
implications, tant à long terme qu'à court terme, on doit se demander qui maîtrise le progrès technique :
celui-ci peut servir à tous, en ce sens il peut être pensé comme un bien collectif ; en même temps, il donne
beaucoup de pouvoir à celui qui le maîtrise et peut donc être l'objet de marchandages et de conflits. On
peut donc s'attendre aussi à ce que l'Etat s'en mêle, vu les enjeux.
Après avoir précisé la définition du progrès technique, nous présenterons ses deux principales modalités, et
enfin nous étudierons les liens entre progrès technique et croissance

2.3.1 - Progrès technique, inventions et innovations.


Le progrès technique est un mot du vocabulaire courant, mais sa définition précise est un peu floue. Derrière
ce concept, les économistes distinguent plusieurs mécanismes bien précis qui jouent chacun un rôle
différent dans la croissance et le changement social.
• Définition générale du progrès technique
Le progrès technique est l'ensemble des améliorations apportées aux façons de produire et aux
produits (transformations de produits existants et création de nouveaux produits). Pour les façons de
produire, cela ne concerne pas que les biens de production mais aussi l'organisation de la
production ou de la commercialisation. Le résultat de ce progrès technique est en général la hausse
de la productivité.
• Les inventions.
Cet ensemble d'améliorations passe par des découvertes scientifiques qui résultent de la
recherche fondamentale, c'est-à -dire au niveau des principes théoriques, sans application
concrète. Ces découvertes sont appelées inventions. Par exemple, la machine à vapeur est
d'abord une invention : on met en évidence le fait que la vapeur d'eau peut être utilisée pour
actionner des machines. Mais, concrètement, il n'y a pas encore d'application. L'invention
est souvent liée à un homme ou à une équipe relativement restreinte.
• L'innovation
C'est l'application réussie d'une invention : le principe de la machine à vapeur va être utilisé

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pour mouvoir tout un tas de machines au 19è siècle. Il peut d'ailleurs se passer beaucoup
d'années entre une invention et l'innovation qui en résulte. Il faut ajouter qu'il est bien rare
qu'une invention ne déclenche pas une foule d'innovations, des petites et des grandes. Ce
sont en général les entreprises qui vont découvrir ces innovations, grâce à leurs services de
recherche. On parle là de recherche appliquée ou, plus fréquemment, de "recherche-
développement ", financée le plus souvent par les entreprises elles-même.
• Les différents types d'innovation.

Les innovations ont pour vocation d'améliorer les produits et les façons de produire et/ou de
vendre (la commercialisation, c'est la production d'un service, donc innover dans la vente, c'est
aussi améliorer les façons de produire). Elles concernent aussi l'amélioration ou la création des
produits. Elles peuvent donc être très diverses. Nous nous contenterons de présenter ici trois sortes
d'innovation :
• L'innovation de procédé (on parle aussi parfois d'innovation de process) : l'innovation
concerne les techniques de fabrication, par exemple dans les machines ou dans
l'organisation de la production ou de la commercialisation . Il faut bien se rappeler que quand
une entreprise choisit de modifier son organisation interne, par exemple pour produire en
flux tendus aujourd'hui, ou pour produire à la chaîne au milieu du 20è siècle, il s'agit de la
mise en Å“uvre d'une innovation, et plus spécifiquement d'une innovation de procédé.
• L'innovation organisationnelle , qui est l'innovation dans l'organisation de l'entreprise et
dans l'organisation du travail. On les étudiera de façon plus approfondie dans le chapitre
suivant.
• L'innovation de produit : l'innovation concerne le produit fabriqué lui-même, il s'agit d'un
produit nouveau ou d'un produit incorporant une nouveauté.

2.3.2 - L'origine du progrès technique.


D'où vient le progrès technique ? Il faut tout de suite dire que le progrès technique ne tombe pas du ciel,
encore moins les innovations. Le hasard met parfois les chercheurs sur le chemin de la découverte. Mais
encore faut-il qu'il y ait des gens qui cherchent. Autrement dit, progrès technique et innovations sont le fruit
d'une intense activité du genre humain. Il n'en reste pas moins que quand on cherche, on n'est jamais
complètement sûr de trouver et il est rare que l'on sache quand on trouvera. Il y a donc de l'incertitude dans
cette activité, qui coûte pourtant cher. On peut donc penser que, puisque les entreprises font des efforts,
parfois très importants, de recherche, elles ont de bonnes raisons pour les faire. On peut distinguer plusieurs
origines aux innovations :
• Le rôle de l'entrepreneur
Schumpeter a montré le rôle majeur joué par celui qu'il appelle l'entrepreneur. Celui-ci, à contre-
courant de la société, va prendre le risque d'innover (innover, c'est toujours prendre un risque,
puisqu'on ne sait pas d'avance si l'innovation va marcher ou pas). En échange de cette prise de
risque, et si l'innovation est un succès, l'entrepreneur va réaliser des profits très au-dessus de ceux
réalisés dans les autres entreprises. En effet, l'innovation va donner à l'innovateur une situation de
monopole sur le marché : il est le seul à fabriquer ce nouveau produit, ou il est le seul à produire de
manière aussi productive, et dans les deux cas il va profiter de sa situation pour réaliser des super-
profits. Ce monopole n'est que temporaire car les autres entreprises vont vouloir imiter l'entreprise
innovante, ce qui permettra la diffusion de l'innovation et sa banalisation (l'innovation perdra alors
son caractère innovateur). On voit ici l'innovation reposer sur un homme ou une entreprise, qui ont
une vue particulière de l'avenir et acceptent de prendre des risques. On peut remarquer que plus
une entreprise a un vaste marché, plus elle pourra facilement assurmer ce risque : les coûts de la
recherche seront répartis sur davantage de prduits.
• La croissance favorise le progrès technique
Mais il y a d'autres sources aux innovations et au progrès technique en général : on souligne
aujourd'hui le caractère endogène du progrès technique, c'est-à -dire le fait qu'il est le produit de la
croissance elle-même en même temps qu'il en est à l'origine. D'une part, la croissance économique

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donne les moyens de financer un effort de recherche important et " quand on cherche, on trouve ".
D'autre part, les innovations s'enchaînent les unes aux autres, une innovation donne des idées à
d'autres chercheurs, dans d'autres secteurs, pour d'autres produits. Si les chercheurs aiment
s'installer près les uns des autres (pensez à la Silicon valley, par exemple, ou aux pépinières
d'entreprises), ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'ils progressent au contact les uns des autres.
Une fois encore, les innovations ne tombent pas du ciel, il y a certes des inventeurs géniaux, mais
pas beaucoup. Il y a surtout des gens qui travaillent.
• Le rôle décisif de l'Etat
L'Etat joue donc un rôle essentiel en rendant possible, ou plus facilement réalisable, le progrès
technique :
• L'Etat va financer très largement la recherche fondamentale : celle-ci, qui est à l'origine des
inventions, est beaucoup trop coûteuse et aléatoire pour être prise en charge par des
laboratoires privés. En même temps, comme son nom l'indique, elle est fondamentale. Une
partie de cette recherche s'effectue donc dans des laboratoires publics. Cela peut se faire
aussi dans des laboratoires privés sur subventions publiques. Le produit de cette recherche
est censé appartenir à tous. Il n'est pas vendu, même si parfois cela donne lieu à
discussion (ainsi pour les recherches sur le génome humain).
• L'Etat va encourager les entreprises à développer la recherche-développement et, pour
cela, leur garantir une protection contre le pillage de leurs découvertes. C'est le principe des
brevets : si une innovation n'était pas protégée par un brevet, n'importe quelle autre
entreprise pourrait copier l'innovation sans avoir à supporter les coûts de la recherche et
aucune entreprise ne voudrait plus faire de recherche. L'existence des brevets n'empêche
pas les copies mais les limite nettement. L'espionnage industriel n'est cependant pas du tout
une invention des romanciers ou des cinéastes.
• Enfin, l'Etat joue un rôle très important en formant la population. N'importe qui ne peut pas
faire de la recherche, fondamentale ou appliquée, n'importe quel travailleur ne peut pas
mettre en œuvre des technologies sophistiquées. Il faut qu'il soit formé. En donnant une
solide formation initiale à sa population, l'Etat contribue à la formation du capital humain
favorable au progrès technique et à la croissance.
Conclusion : nous sentons bien maintenant l'importance du progrès technique et de ses applications dans
les sociétés modernes. Il reste à comprendre les liens qui unissent le progrès technique à la croissance
économique et aux transformations de nos sociétés.

2.3.3 - Comment le progrès technique peut-il être facteur de croissance ?


Il s'agit ici de se demander comment le progrès technique engendre de la croissance, autrement dit de
s'interroger sur les mécanismes. Le premier de ces mécanismes passe à court et moyen terme par les
gains de productivité issus du progrès technique et ce que l'on en fait. Nous allons d'abord définir les gains
de productivité puis distinguer les quatre différents usages que l'on peut en faire, en explicitant à chaque
fois leur effet sur la croissance. Enfin, nous expliquerons pourquoi les gains de productivité peuvent
provoquer des conflits.
• le progrès technique permet la réalisation de gains de productivité
C'est l'objectif des innovations, en particulier des innovations de procédé, d'engendrer ces gains. De
quoi s'agit-il et comment ça se passe ? Quand on met en Å“uvre une innovation dans la branche
automobile, et concrètement cela signifie la plupart du temps que l'on a investi, on va produire par
exemple plus de voitures dans le même temps de travail (mettons de 10 à 12). La productivité a
donc augmenté : ces deux voitures supplémentaires sont le fruit des gains de productivité. Attention :
les gains de productivité ne sont pas de l'argent, comme ceux du loto … Ils peuvent évidemment se
transformer en argent mais ce n'est pas toujours le cas, on va le voir. Parler de " gains de
productivité " signifie simplement que la productivité a augmenté. Cela ne nous dit rien sur
comment on utilise cette productivité accrue. Et on va le voir, selon l'utilisation que l'on fait des gains
de productivité, l'effet sur la croissance économique sera différent.
• Les utilisations possibles des gains de productivité sont plus ou moins favorables à la

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croissance.
L'entreprise qui gagne en productivité, par exemple notre entreprise automobile de toute à l'heure
qui fabrique 12 voitures alors qu'elle n'en fabriquait que 10 auparavant dans le même temps de
travail, peut utiliser ce gain de 4 manières différentes. Elle peut :
• Baisser les prix : en effet, le coût unitaire (celui de chaque voiture) diminue puisque, sans
dépenser plus de travail (et à condition que les salaires ne varient pas), on fabrique plus de
voitures. L'entreprise attend de cette baisse des prix une augmentation de la demande qui
lui est adressée, donc une augmentation de sa production. Au niveau macro-économique, la
baisse des prix engendre une hausse du pouvoir d'achat qui permet d'augmenter la
demande et cela, pas seulement dans la branche qui a baissé ses prix. Donc globalement,
la demande augmente, la production doit en principe suivre, surtout si les capacités de
production ne sont pas toutes utilisées. Cette baisse des prix va donc engendrer des effets
favorables à la croissance.
• Diminuer la durée du travail : en effet, puisqu'on met moins de temps à fabriquer chaque
voiture, on peut très bien en fabriquer le même nombre qu'avant les gains de productivité et
faire travailler moins longtemps chaque travailleur. Si en 35 heures, les travailleurs arrivaient
à fabriquer autant qu'en 39 heures grâce aux gains de productivité, on peut très bien
diminuer le temps de travail sans diminuer les salaires. C'est d'ailleurs grâce aux gains de
productivité que le temps de travail a pu beaucoup diminuer en France à partir des années
60, alors même que les salaires continuaient à augmenter. Cette diminution du temps de
travail n'engendre pas directement de croissance économique. En revanche, elle modifie les
genres de vie et améliore sans doute le bien-être général : elle a donc un effet positif sur le
développement plus que sur la croissance.
• Augmenter les profits : en gardant le même exemple, chaque voiture coûte moins cher à
fabriquer puisque la productivité a augmenté. Si on maintient le prix à son niveau initial,
toutes choses égales par ailleurs, la marge de l'entreprise augmente. Celle-ci réalise donc
davantage de profits. Quel effet a cette augmentation sur la croissance ? Les profits sont
destinés à être distribués aux actionnaires, mais ceux-ci peuvent décider d'en laisser une
partie, plus ou moins grande, dans l'entreprise pour financer au moindre coût les
investissements futurs. Si les profits sont distribués, ils constituent des revenus pour ceux
qui les encaissent et augmentent donc leur pouvoir d'achat. Il peut donc en résulter une
augmentation de la demande. S'ils sont conservés dans l'entreprise et financent de
l'investissement supplémentaire, ils sont évidemment favorables à la croissance, comme on
l'a vu plus haut.
• Augmenter les salaires : puisque les travailleurs produisent plus dans le même temps, on
peut envisager de les rémunérer davantage sans que cela ne change rien au prix de vente,
ni au profit. Dans ce cas, on aura une augmentation des revenus dont on peut attendre une
augmentation de la demande, ce qui va inciter les entreprises à produire davantage, et la
croissance s'accroît.
• Le conflit autour du partage des gains de productivité
Les gains de productivité peuvent permettre de faire ces quatre actions. Mais ce n'est pas ou l'une,
ou l'autre. Cela peut être les quatre à la fois : on baisse un peu les prix, un peu la durée du travail,
on augmente un peu les salaires et les profits. Toutes les combinaisons sont possibles et c'est
d'autant plus facile que la productivité augmente rapidement. Le choix qui est fait dépend des
entreprises mais les entreprises subissent certaines contraintes : par exemple, si la concurrence par
les prix est vive sur le marché, l'entreprise va chercher à diminuer ses prix pour garder sa
compétitivité, elle sera très réticente sur une hausse des salaires. De même, à certaines périodes,
les salariés sont en position de force pour négocier et obtenir que les gains de productivité soient au
moins en partie utilisés pour augmenter les salaires. Autrement dit, le partage des gains de
productivité, qui a un effet direct sur la croissance, peut être l'objet de conflits, en tout cas de
négociations.
Conclusion : les innovations mises en Å“uvre grâce aux investissements génèrent une hausse de la
productivité et cette hausse de la productivité, à son tour, aboutit, par des canaux variés, à une accélération
de la croissance. On voit donc l'importance du progrès technique pour la croissance. Mais, à plus long

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terme, le progrès technique a d'autres effets sur la croissance, que nous verrons dans le paragraphe suivant.

2.3.4 - Le progrès technique et la transformation des structures économiques : la


destruction créatrice.
Schumpeter a montré les bouleversements qu'entraînait à long terme le progrès technique dans les
structures de la production. Le mécanisme de la " destruction créatrice " est assez simple à comprendre :
dans les entreprises, ou les branches, où les gains de productivité sont rapides parce que il y a de
nombreuses innovations, les profits sont élevés. Ces profits élevés attirent de nouveaux producteurs, la
concurrence augmente et les prix baissent. Les producteurs les moins productifs ne pourront pas supporter
cette baisse des prix et feront faillite. Cela pose bien sûr des problèmes sociaux, mais sur le long terme, il
est nécessaire que les entreprises les moins rentables et/ou fabriquant des produits dépassés
disparaissent : en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production (capital et travail) sont utilisés moins
productivement qu'ils pourraient l'être ailleurs. Il y a donc du gaspillage.
Prenons un exemple. Une innovation majeure ( !) apparaît : le presse-purée électrique. L'entreprise qui lance
l'innovation, seule sur le marché, connaît le succès, elle vend ses presse-purée électriques très cher et
réalise des super profits. Les producteurs de presse-purée manuels sont directement concurrencés parce
que les deux produits ont la même fonction. Ils vont avoir du mal à se reconvertir car c'est une
transformation complète de leur activité, c'est un autre métier (car il y a un moteur électrique). Il est probable
que la demande de presse-purée manuels va chuter et les entreprises le fabriquant vont faire faillite,
disparaissant finalement de la vie économique. Le progrès technique transforme donc les structures de la
production et il y a sans cesse un mouvement de secteurs en déclin et de secteurs en essor. On voit bien où
est la destruction dont parlait Schumpeter et où est la création. Les deux sont indissociables et les
transformations structurelles qui en résultent ne sont pas qu'économiques, elles sont aussi sociales. Nous le
verrons plus loin, plus précisément grâce à un exemple.

2.4 - Les liens entre les transformations des structures économiques, politiques et
sociales : l'exemple de l'urbanisation.
Nous avons vu quels sont les effets du progrès technique sur la croissance économique. Mais le progrès
technique contribue aussi au changement des structures économiques et sociales. Nous allons maintenant
montrer, grâce à un exemple, les interactions entre la croissance et les transformations des structures
économiques, sociales et politiques.
L'urbanisation peut se définir comme le mouvement qui fait que la population habite de plus en plus
(proportionnellement) dans les villes : autrement dit, c'est l'habitat qui fait la ville. Mais qu'est-ce qu'une
ville ? La réponse est beaucoup moins simple qu'il n'y paraît : on peut penser qu'une ville rassemble des
habitats collés les uns aux autres. Oui, mais combien ? un village, est-ce une ville ? La réponse à ces
questions a varié au cours du temps. La population urbaine est, approximativement, celle qui vit dans
des agglomérations rassemblant plus de 2 000 personnes agglomérées. La population rurale est celle
qui n'est pas urbaine. Il faut donc distinguer la population rurale de la population agricole : la première est
déterminée par son habitat, la seconde par son activité économique. Autrement dit, dans la population
rurale, il y a de nombreux ménages non agricoles. Le fait que les populations vivent de plus en plus dans les
villes est un fait avéré, et pas seulement dans les pays anciennement développés : aujourd'hui, les plus
grandes villes au monde sont situées dans des pays parfois très pauvres (Le Caire, Mexico,
etc.).L'urbanisation est un bon exemple de transformations économiques, sociales et politiques entremêlées
et c'est ce que nous allons montrer.

2.4.1 - La croissance favorise l'urbanisation.


La croissance économique débute avec la révolution industrielle, au 19ème siècle pour les pays
anciennement développés. Elle repose sur le développement de branches de production industrielles
(sidérurgie, textile, etc…). Ces industries concentrent la main d'œuvre sur des lieux précis, des villes
préexistantes mais aussi des lieux complètement nouveaux (par exemple, à proximité immédiate de

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gisements miniers) où naissent de nouvelles villes. Comme la journée de travail est spécialement longue
au 19ème siècle, il ne peut pas être question d'habiter très loin de son lieu de travail. L'habitat groupé,
urbain, se développe donc très rapidement dans les zones qui s'industrialisent. Cette urbanisation, générée
par la croissance, va elle-même entraîner de nombreuses transformations économiques, sociales et
politiques, et favoriser à son tour la croissance économique.

2.4.2 - L'urbanisation engendre aussi des transformations économiques.


On peut trouver de nombreux exemples de ces transformations et le mieux serait que vous en cherchiez
vous-même. A titre d'exemple, je vous en propose deux :
• La salarisation croissante de la population active travaillant dans les industries, c'est-à -dire
dans les villes, va susciter une demande qui n'existait pas auparavant, en rendant " marchandes
" des activités qui ne l'étaient pas. Ainsi, le fait de travailler hors de son domicile, toute la journée et
tous les jours de l'année, rend impossible la confection des tissus et des vêtements dans l'espace
domestique. Se développe alors une demande de tissu dans un premier temps, puis de vêtements
directement, dans un second temps, qui va favoriser le développement de la branche textile.
• Le développement des villes, et en particulier, leur extension spatiale, va rendre nécessaire le
développement de services collectifs, tels le ramassage des ordures, le développement des
réseaux de distribution d'eau (puis d'énergie), les transports collectifs. Ces services, il faut les
produire (ce qui suppose la formation et l'embauche de personnes) et parfois même reconfigurer la
ville pour cela (pensez aux grands travaux d'aménagements urbains menés dans les grandes villes
à partir de 1850 (travaux d'Hausmann à Paris, percement de la rue de la République à Lyon, par
exemple).

2.4.3 - L'urbanisation transforme les solidarités anciennes.


L'urbanisation rend possible l'individualisation croissante des comportements : l'individu est loin du
regard de sa famille et de la communauté villageoise qui pesait sur lui à la campagne dans les sociétés
traditionnelles. Il va pouvoir s'affranchir de ce contrôle social pesant (ce qui ne signifie pas que le contrôle
social disparaît totalement). En contrepartie, la solidarité de voisinage, très forte dans les sociétés
traditionnelles, s'affaiblit aussi : l'isolement est bien plus grand dans les villes qu'il ne l'était dans les
campagnes. Cela se traduit au 19ème siècle par une misère individuelle très grande dans les villes. A partir
du milieu du 20ème siècle, c'est l'Etat-providence qui va peu à peu assumer la prise en charge des
risques individuels et protéger les individus contre les grands risques de l'existence (maladie, vieillesse,
etc…). On a une solidarité qui, d'une certaine façon, se désincarne, c'est-à -dire qui est de moins en moins
portée par des personnes physiques. On verra plus loin que ce n'est pas sans poser des problèmes.

2.4.4 - L'urbanisation transforme les structures du pouvoir politique.


Le développement des villes a imposé la création de nouvelles entités politiques. On peut en citer au
moins deux :
• Les syndicats intercommunaux ou communautés de communes : il s'agit de regroupements de
communes destinés à gérer les problèmes communs. Les exemples abondent : une agglomération
(qui est en général constitué de plusieurs communes) a des problèmes de transports (des
personnes, de l'énergie ou des déchets, par exemple) qui imposent des décisions communes. Il a
donc fallu créer des structures permettant de prendre ces décisions.
• Les Régions sont un échelon de décision politique qui a été créé récemment pour rendre plus
efficaces et cohérentes les décisions politiques concernant un espace bien plus réduit que la Nation,
mais bien plus grand que la Commune ou le Département.
Conclusion
L'urbanisation montre donc que la croissance économique et les transformations structurelles qui
lui sont liées sont interdépendantes. Les liens ne sont pas à sens unique : certes la croissance engendre

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l'urbanisation mais l'urbanisation engendre aussi de la croissance. Ils sont aussi à la fois économiques,
sociaux et politiques.

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