RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) regroupe
l’ensemble des pratiques mises en place par les entreprises
dans le but de respecter les principes du développement durable (social, environnemental et économique).
Depuis quelques années, le Maroc est un chantier dans
lequel les innovations sociales et économiques sont en plein essor. Dans ce cadre, le roi Mohamed VI a lancé en 2005 l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) . Il s’agit d’un référentiel stratégique pour le développement social et la consolidation des acquis en matière de démocratie, de décentralisation et d’amélioration des conditions sociales et économiques des couches défavorisées de la population. Dans ce cadre, les entreprises marocaines s’efforcent d’être des acteurs économiques actifs dans l’élaboration de cette initiative nationale. Le concept de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) trouve ainsi un cadre stratégique et national auquel les entreprises peuvent se référer.
Nous nous intéressons dans cet article à explorer les
pratiques de la RSE dans le secteur de l’agroalimentaire considéré comme le premier secteur de l’industrie nationale et un des meilleurs atouts de développement du pays (30 % de la valeur ajoutée et 12 % de l’emploi permanent hors conserve de poisson) Les questions fondamentales que nous nous posons à ce sujet sont les suivantes : Quelle est la place accordée à la RSE dans les initiatives gouvernementales et privées au Maroc ? Dans quelle mesure les pratiques managériales actuelles intègrent-elles des aspects de responsabilité sociale ?
Le cadre d’accueil de la RSE au
Maroc 4 La mondialisation de l’économie impose un nouvel ordre aux entreprises marocaines marqué par l’ouverture des marchés et l’apparition de nouveaux concurrents internationaux. Un des facteurs de différenciation est l’innovation technologique et organisationnelle. Dans ce cadre, de nombreuses opportunités s’ouvrent pour encourager l’intégration de la RSE dans les pratiques managériales au Maroc. Le mouvement de la RSE au Maroc se trouve en plein virage avec des leviers et des obstacles.
- Les leviers de la RSE au Maroc
L’Initiative nationale pour le développement humain, lancée par le Roi Mohammed VI en mai 2005, vise à concevoir les fondations d’un programme national pluriannuel pour l’intégration des objectifs sociaux dans les décisions d’investissement. Dans ce cadre, le discours royal constitue un signal politique fort et positif et un vecteur d’incitation et d’encouragement aux initiatives privées : « La responsabilité sociale des investisseurs a pour pendant et pour condition la responsabilité sociale des entreprises. À cet égard, Nous suivons avec intérêt et satisfaction l’action des entreprises marocaines qui se sont volontairement engagées dans cette voie » (Extrait du Message de S.M. le Roi à la troisième édition des « Intégrales de l’Investissement », 2005). Plus concrètement, l’INDH offre aux acteurs économiques un cadre de référence et des ressources financières (25 millions d’euros pour les cinq premières années de son lancement) afin d’impulser une dynamique sociale au contexte économique émergent. D’un autre côté, le Maroc vit un mouvement de normalisation en pleine émergence. Le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie témoigne d’une grande demande du marché en la matière. Plusieurs normes marocaines sont donc établies. Elles concernent particulièrement le management des aspects sociaux dans l’entreprise à travers la norme NM00.5.600 (Système de Management des aspects sociaux dans l’entreprise). Cette norme se réfère aux principes définis dans la SA 8000 (Social Accountability 8000) et aux onze conventions de l’Organisation internationale du travail. Elle tient compte de la réglementation locale et du code du travail et est compatible avec les autres systèmes de management (qualité, environnement et sécurité). La norme spécifie également les orientations générales pour la mise en place et la gestion d’un système d’audit social. Par ailleurs, le Maroc est membre de la commission francophone de la préparation de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociale. Ce mouvement de normalisation reflète une dynamique orientée vers l’intégration des enjeux sociaux dans les systèmes de management et une volonté d’établir les bases normatives pour aller au-delà des obligations légales et contribuer à un climat de confiance entre les différents acteurs socio-économiques.
Les obstacles à la RSE au Maroc
10 Malgré les différents efforts fournis pour promouvoir la RSE au Maroc, plusieurs obstacles compromettent sa mise en application dans les systèmes de management. Selon Filali Maknassi (2009), ces facteurs sont principalement la qualification du personnel, le manque d’information et de ressources financières. Ces facteurs trouvent leurs sources dans : -l’arrière-plan culturel du Maroc basé sur des valeurs paternalistes traditionnelles (Mezuar, 2002). Cette culture d’« entrepreneuriat paternaliste » réduit la performance économique à la diminution des coûts et place l’autorité au centre des relations entre le patronat et les employés. -la prédominance des petites et moyennes entreprises (PME) dans le tissu industriel au Maroc met en avant une fragilité financière, structurelle et humaine qui handicape la mise en place d’une RSE formelle, contrôlée voire même certifiée, car ceci implique la mise en place de modes de management qui substituent le formel à l’informel, la procédure au processus, la planification à l’intuition et l’écrit à l’oral (Torres, 1997) -la qualification des employés et des cadres dirigeants ne suit pas encore l’enthousiasme accordé à la RSE par les autorités marocaines. Le Maroc a adopté dans sa stratégie de développement le concept de développement durable qui favorise l'équilibre entre les dimensions environnementales, économiques et sociales, avec pour objectifs l'amélioration du cadre de vie des citoyens, le renforcement de la gestion durable des ressources naturelles et la promotion des activités économiques respectueuses de l'environnement.
Conformément à ses engagements au niveau international dans le
cadre des sommets de la Terre de Rio de Janeiro (1992) et de Johannesburg (2002) et des conventions pertinentes, le Maroc a mis en place les fondements visant à instaurer le développement durable dans le pays à travers plusieurs réformes politiques, institutionnels, juridiques et socio-économiques. Ce processus a été renforcé par l'adoption de la Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable, dont l'élaboration a été lancée suite aux directives de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, lors de son discours du Trône du 30 Juillet 2009.
La concrétisation de ce processus s'est traduite par le processus
d'intégration des principes de développement durable dans les stratégies sectorielles, la mise en œuvre de la Stratégie de Mise à Niveau de l'Environnement (MANE) et de l'Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), ainsi que le lancement de l'élaboration : de la Loi Cadre portant Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable, en application des orientations royales du Discours du Trône du 30 Juillet 2010; de la Stratégie Nationale de Protection de l'Environnement (SNPE) et de la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) La loi-cadre n°99-12 portant Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable vient d’être publiée au Bulletin Officiel du 20 mars 2014. Ladite loi-cadre a été préparée en concertation avec tous les départements ministériels, les opérateurs économiques et sociaux, la société civile et les universitaires. La présente loi-cadre s’inscrit dans le cadre des Hautes Directives Royales au Gouvernement au sujet de la déclinaison de la charte nationale de l’environnement et du développement durable « dans une loi-cadre, dont nous voulons qu’elle constitue une véritable référence pour les politiques publiques de notre pays en la matière ». Son élaboration s’appuie sur les dispositions de l’article 71 de la Constitution habilitant «le Parlement à voter des lois cadres concernant les objectifs fondamentaux de l’activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l’État». Son contenu tient compte des engagements relatifs à la protection de l’environnement en faveur d’un développement durable, souscrits par le Royaume du Maroc, dans le cadre des conventions internationales pour lesquelles il est partie. Par ailleurs, la loi-cadre est inscrite dans le programme du Gouvernement au titre des textes prioritaires. Certes, elle vise essentiellement à décliner la charte nationale de l’environnement et du développement durable en conférant une assise juridique à son contenu : c’est ainsi qu’elle intègre les principes, les droits, les devoirs et les engagements proclamés par ladite Charte. Mais en plus, la présente loi-cadre a le mérite de viser à combler les lacunes juridiques existantes dans les domaines de la protection de l’environnement et du développement durable et prévoir l’ensemble des objectifs fondamentaux que le Gouvernement se propose de mener dans ces domaines. En cela, elle traduit la détermination de notre pays à inscrire ses efforts de développement économique, social, culturel et environnemental dans une perspective durable, en veillant à ce que les stratégies sectorielles, les programmes et les plans d’action prévus soient menés dans le strict respect des exigences de protection de l’environnement et du développement durable. A cet égard, la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) a été élaborée et en cours de discussion avec tous les acteurs et à laquelle toutes les politiques publiques et sectorielles doivent se conformer et ce dans un délai de 2 ans, afin d’instaurer une gouvernance environnementale et d’assurer la transition vers une économie verte et inclusive. Il est à signaler que le Ministère délégué chargé de l’environnement organisera les assises nationales du développement durable en septembre 2014.
Investissements responsables dans l'agriculture et les systèmes alimentaires: Guide pratique à l'intention des parlementaires et des conseillers parlementaires