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Tainturier

Antoine

TS3

DM Philosophie

Sujet : « Savons-nous toujours ce que nous désirons ? »

Le désir est le sentiment d’un manque, accompagné de la conscience de l’objet de ce


manque et de la tendance qui nous pousse à le combler. On le présente souvent comme le propre de
l’homme, car il se distingue du simple besoin que les autres êtres vivants ressentent aussi.

En effet, les objets de nos désirs sont riches, complexes et de natures diverses (des biens, des
connaissances, des émotions, des sensations, etc.), de sorte qu’il peut paraître délicat de synthétiser
l’ensemble des désirs envisageables par l’être humain. Cependant, il y a deux choses sur lesquelles ils
se rejoignent tous : premièrement, que l’on recherche à en tirer du plaisir, du bonheur, ou bien au
contraire (même si les cas sont plus rares et particuliers), une certaine forme de douleur, ou de
souffrance, nous sommes toujours en quête d’une satisfaction – et il ne faut pas confondre la
satisfaction d’un désir avec la notion de plaisir ; deuxièmement, on rattache le désir à un sujet, à un
individu singulier.

Mais dans quelles mesures les désirs d’un individu ne le concernent que lui ? Et, le cas
échéant, quelles sont les conditions pour qu’il puisse déterminer avec précision ce qui peut le
satisfaire et comment ? En outre, si le désir nous confronte à autre chose que soi, ne représenterait-il
pas, au contraire, un instrument de connaissance ? Pour savoir ce qu’il désire, un individu doit
connaître plusieurs choses : il doit d’abord se connaître lui-même, afin d’évaluer ses manques et ses
besoins ; il doit ensuite se rendre maitre d’un processus de désir qui par principe lui échappe ; enfin,
il doit connaître le monde qui l’entoure, au sein duquel il devra identifier quelles choses sont les plus
à même de le satisfaire, et de quelles manières. Ce seront là les trois étapes de notre réflexion.

Dans une première partie, nous allons nous interroger sur cette question : se connaît-on
suffisamment pour évaluer ses désirs ?

En effet, la grande découverte de l’inconscient par Freud. Le « moi », c’est-à-dire la part consciente
que l’on a de soi-même, n’est précisément qu’une partie de notre subjectivité dans sa totalité. Il
existe ce que Freud appelle l’inconscient, qui participe à la vie psychique tout en ayant forcément des
conséquences sur notre vie pratique, et qui joue un rôle non négligeable sur l’activité de nos désirs.
Or par principe, nous n’avons pas accès à cet inconscient, et ne pouvons donc pas en connaître les
intentions. Mais, dans quelle mesure peut-on parler de « sujet individuel » à l’encontre d’une
personne ? Autrement dit, au-delà de l’inconnu de l’inconscient, de quoi parle-ton lorsque l’on parle
de conscience ? Chez Nietzsche, la conscience est seulement une forme de « traduction » de
phénomènes collectifs. Lorsque l’on essaie de se connaître soi-même, on ne plonge pas dans les
profondeurs du sujet mais au contraire, on ne cesse d’en sortir : la conscience est un « non-individuel
», ou l’expression d’une activité collective. De même, dans un registre proche de Nietzsche, Marx
explique que l’ensemble des données relatives à la vie psychique (représentations, idées, etc.) sont le
fruit immédiat de la vie pratique et matérielle de l’homme. Il inverse le rapport traditionnel : ce n’est
pas la transcendance de l’esprit qui détermine l’activité pratique mais le contraire. Par conséquent,
les désirs eux-mêmes prennent leurs sources dans le champ social. Pour se comprendre soi-même,
c’est le monde qu’il faut connaître.

Cependant, il existe de nombreux obstacles au fait de se connaître suffisamment pour évaluer avec
certitude l’activité de nos désirs. Il semble que nos désirs, loin de provenir uniquement de soi, sont
profondément liés aux circonstances extérieures.

Dans une deuxième partie, nous allons réfléchir sur cette question : comment dépasser
l’insatisfaction inhérente au désir ?

Les théoriciens du phénomène de désir n’ont pas manqué de soulever un problème fondamental. En
effet, il y comme une impossibilité pour l’homme de se satisfaire de la satisfaction. Schopenhauer
explique que le désir fonctionne comme un pendule qui oscillerait continuellement entre la
souffrance liée au manque et l’ennui qui suit une jouissance bien éphémère. De même, Rousseau et
Pascal, de manières quelque peu similaires, tirent davantage de satisfaction à désirer qu’à satisfaire
un désir. « La chasse est meilleure que la prise » chez Pascal, et « on jouit moins de ce qu’on obtient
que de ce qu’on espère » pour Rousseau. Autrement dit, l’imagination féconde que l’on rattache à la
satisfaction disparaît dès lors que celle-ci est atteinte.

Si, par principe, il est normal que le désir cesse dès lors qu’il semble satisfait (je n’ai plus à désirer tel
bien une fois que je le possède), cela ne suffit pas à expliquer pourquoi la satisfaction attachée à ce
bien ne dure pas. Donc, on peut alors envisager que l’on interprète mal nos désirs, ou plus
précisément, que l’on se trompe sur l’interprétation de l’objet de nos désirs. En effet, si je crois
désirer tel bien (le bien est alors l’objet du désir) pour sa seule possession, je serai forcément déçu de
celle-ci à quoi bon seulement posséder la chose ?

Alors, si la satisfaction ne semble pas correspondre à l’idée que nous nous en faisions, n’est-ce pas
précisément parce que l’on ne saisit pas bien l’objet de nos désirs ? Mais alors de quelle nature est
celui-ci ?

Dans une troisième partie, nous allons nous demander : peut-on identifier dans notre environnement
l’objet de nos désirs ?

En effet, savoir ce que l’on désire suppose d’identifier l’objet de notre désir, autrement dit ce dont
l’acquisition comblera le manque. Mais, l’objet du désir, de quoi s’agit-il ? Deleuze et Guattari
expliquent qu’on ne désire jamais une chose mais un ensemble de choses, qu’ils nomment
agencement. Or cet ensemble, précisément, est complexe et difficile à déterminer avec précision,
dans le sens où il mobilise de nombreux éléments. Par exemple, une femme ne désire pas une robe
mais l’ensemble des choses qui découlent du fait de la posséder, de la porter dans telle ou telle
occasion, etc. De sorte que les limites et la connaissance du désir sont nécessairement floues et
quelque peu arbitraires. C’est que le désir est « constructiviste » : il construit sa propre réalité et est
entouré de « virtuel ».

Il est difficile de prévoir quelle sera l’issue de nos désirs, car leurs satisfactions produisent comme un
« surplus » de réalité. Or cette incertitude n’est pas uniquement due au fait de savoir si l’on va
satisfaire ou pas un désir, mais bien à la manière dont il va se satisfaire. En outre, si la satisfaction
apparaît si souvent comme un idéal éphémère (cf. Heidegger, Pascal), c’est peut-être aussi parce que
l’on pense connaître l’objet du désir, et que la richesse de sa réalisation s’en éloigne tellement,
jusqu’à en différer en nature, que nous ne nous y retrouvons simplement pas. Mais la satisfaction
n’est–elle pas alors l’occasion non seulement de prendre, après coup, connaissance de nos désirs, et
par là, apprendre à connaître le monde qui nous entoure, et finalement de fait à se connaître un peu
plus soi-même (cf. Nietzsche, Marx) ?

Ainsi, nous avons peut-être mal posé, ou posé à l’envers, le problème du désir. Il ne s’agissait pas de
se demander si nous savons ce que l’on désire, mais plutôt de comprendre ce que nos désirs
pouvaient dire sur nous et sur le monde qui nous entoure. Pour cela, il faut comprendre quels sont
les objets de nos désirs, et force est de reconnaître que notre connaissance, sur ce point, reste
limitée. Mais nous pouvons nous demander si cela tient juste d’une défaillance de notre part : si le
désir, comme tentent de le montrer Deleuze et Guattari, tient davantage de la production que de la
représentation, il n’y a alors rien de surprenant à cela. Comme ils l’écrivent, « l’inconscient n’est pas
un théâtre, mais une usine ». Si l’on ne sait pas ce que l’on désire, c’est simplement qu’on est
incapable de lire l’avenir.

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