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LE LATIN,
VÉRITABLE LANGUE DE LA PHILOSOPHIE?
Descancs est aussi can~cnnc que son œuvrc françoist: et.les deux sont
aussi philosophiques l'une que l'autre, car clics s'inscrivent dans le
~me projet d'ensemble. Ce qui sépare les 6crits latins précritiqucs de
Kant et la Kriâk cür reine" Venuurft ne tient pas à la nature de la langue,
mais aux circonstances de la production des œuvres, à.leur adresse
sociale, à la nature de leur lectorat, à la fonne institutionnelle du
débat qu'elles soutiennent avec leur temps, à leur contenu, enfin, et à la
visée philosophique qui l'anime. n ne saurait donc être question de
séparer deux intitulés de la pr6sentc Communication, un explicite et un
implicite : la question «Le latin, véritable langue de la philosophie ? ,..
s'entend aussi bien sous la forme: •Le latin, langue de la véri1able
philosophie? it , les deux sorit liées, les deux n'en font, philoso·
phiquemcnt, qu'une.
Poser la question du statut du latin comme langue authentique de la
philosophie, c'en aussi poser, d'une certaine manière, la question de la
place du Moyen Age en histoire de la philosophie. Une partie du
discr6dit qui entoure encore, ici ou là, le latin philosophique tient au fait
qu'il est l'objet d'une double réduction : la prcmi~ consiste à le réduire
au latin m&Jiéval, la seconde à réduire le latin rmdiéval à celui de la
scolastique. La pluralité des latins médiévaux - dont témoigne la
diversité des communications aujourd'hui proposées - est ainsi
~connue systématiquement : pluralilé des Ages de la latinitas, des
fonnes littéraires et des traditions textuelles où elle prend corps. phmùité
des disciplines, donc aussi des codes et des lexiques qui détenninent
son champ de productivité. Cette méconnaissance participe d'une
~onnaissance plus large: celle de la pluralité des mondes médiévaux.
Reste que l'on ne peut aller d'un extrême à l'autre et, sous prétexte de
•faire face à cc que P. Vignaux appelait d'urrmot heureux« la diversité
iebclle ,., mettre le latin scolastique au ban de la latinitas.
Les présentes journées nous invitent à remonter " aux origines du
lexique philosophique curo~en,. - cc faisant, il me semble qu'elles
nous incitent à tenter de suivre dans la langue, ou plutôt dans les
langues, le long mouvement d'acculturation que désigne à merveille
l'expression latine de tran.s/atio studioruml. Du grec ou latin d travers
1 Sur cc thème, c·r. A.G. JONGUES, c Translatio s11ulii: les avatars d'un thème
mtdi~val •, in Misallanea Mediaevalia in memoriam Jan Frederil: Niermeyer,
LE LATIN, VÉUTABŒLANOUE DE LAPHll.OSOPHIB 7
2 cr. G~ DAMAN, 1. Rosro:, L. V AL!.Nn, • L ' antbe, le grec, l'htbrcu et les verna-
. culaircs •.in Sproclt1Morieff Ut Spd1antib 11ttd Mittdolttr, llrsg. von S. Ea1U!H
(GC!chichie der Sprach~. 3), TObingen, 1995, pp. 265-321.
LE LATIN, véuTABLE LANGUE DE LA PHU.OSOPHIE 1
soutient donc qu.c l'on peut tout dire en allemand. Mais. la th~sC
« modiste •, qui domine à Vienne à la fin du xtve .s iœlc, r&umc mieux
la perspective commune, qui veut que la langue latine soit en cllc·m!mc
un tableau de la structure ontologique du ~cl, cc qui impose à toute
traduction en vernaculaire de se fairC à la fois mot à mot et en respectant
l'ordo verborum du texte latin - point de dtpan ou intcmtdiairc obligt, _
de toute façon norme idfalc de toute traduction authentique. Cela dit, là
encore, les facteurs sociologiques sont dttcnninants : les traductions
modistes de l'aygen d~tsch, modcltes sur le latin, sont dcsrintcs à la
noblesse autrichienne et aux linerari en gtnc!ral, l'umbred·Übersctzen des
nominalistes s'adresse aux ungelerten, au «peuple " (gemaine volkch).
Le latin n'est pas seulement la langue des philosophes de mttier, c'est la
langue de la distinction philosophique-dans tous les sens du tcnnc 6•
Mais quittons un instant la traduction au sens suict. et considérons les
choses de manière plus philosophique, voire plus technique. Pour mieux
comprendre l'enjeu philosophique de la question de la translatio
studiorwn, qui englobe celle de la traduction, qu'il me soit permis de
citer ici un long exttaitde Heidegger, que j'emprunte à l'un des textes du
dcuxi~mc tome de son Nietzsche: LA mitaphysique en t(Jllt qu'histoire
de l'être. Pour expliquer en quoi, selon lui, la rransfonnation de
l'ÊvÉpyEta. en actuaUùu et cxistencia, signe« une transition du langage
conceptuel grec au romain If et, par là même, une nouvelle époque dans
l'histoire de l'êtrç, Heidegger écrit:
La dl!:tcnninaûonde l'Eln: en tantqu'actua/itas s'~ à tnvers toull: l'his·
toire occidcata&c depuis l'empire romain jusqu'aux icmps modcmcs les plus
r6:c:nu. Pan::equc la dttenninalion de l'csscnccde l'Etrc en iantqu'octMOli·
tas porte• l'aYancc IOUte l'histoire, c'c.u·à-dire du mCme coup la structure
des rapportS d'une hwnanilf à l'ttanldarusa totalil6. IOUte hiooitc oCcidcn-
tale depuis Ion est en divers sens romail'M! et jamais plus helltniquc. Toute
cnll'eprise posltrieure pourrc.ssusciier l'anûquitt gm:quc n'CSlqu'unc réno-
Je n'ai ·ni l'intention de discuter ici la th~ de Heidegger, qui est tout
sauf une t~se de lexicographie, ni d'accomplir le type de « destruc-
tion» que,_évoquant la déclaration programmatiquc de Se~n und Ztit, il
entend appliquer à la« prédominance de la détermination de l'Etrc en
tant que . rfalité" qui résulte de la transformation de l'Èvfpytta en
actualitas8• Il me suffit de noter que la transition au latin, au« langage
concep[ucl » du latin, marque chez lui l'entrée de la « m!taphysique"
dans ce qu'on pourrait appeler la phase décisive del'« oubli de l'Etre •,
cc qui inscrit du même coup la latinitas dans le rôle d'obstacle à
l'hellénisme que, jadis, Pétrarque réservait à la latinité barbare des
traductions arabo-latincs d'Aristote et de leurs conuncntaires averroïstcs.
Nous sommes ici à la raèine du préjugé défavorabl.e qui ~se sur le latin
philosophique ~diéval, particuli~remcnt dans sa forme scolas1ique :
te latin serait la langue du dévoiement ou au moins de I'« obscurcisse·
comme nous le monaons aillcurt, ~ wuen, Dietrich de Frtibefa .soit pr!1 à coosidber
comme de simples difftrences in modo si111ificandi ks distinctions marquks en
latin par e11.f,,t1sse, es.untio - cc qu'il fait, notamment, dans le De ente et euentio,
1, S, (l). Cetle intrication de.s termes fondamentaux de l'oolOlogie estrtfltlfedans les
ntofonnations allemandes cr6&:s l la m!me q,oque par Maitre Eckhart. Pour prendre
W1 seul exemple, M. Bindsc.hcdlu, qui y voit 1'6quivalentdu latin quiditas, pupose de
rendre le mot eclchmûen istihit par "'das--wodwchl-etwas/-das·ist-wa.r-es-ist » - ce
qui peut en faite une traduction de quo est autant que de quidittU ; mais le m!me
isti.Uit parait plutôt, dans d'•utres contextes, correspondJe •u latin entitas, puisque,
comme lui, il est r~ .sur une rw:ine qui evoqùe soit l'!tre (pour l'allemand,: k
verbe i.ft) soit t•ewit (pour k latin: le participe tru); ailleurs, il semble qu' il
pourrait !tre rendu par un ntologisme comme "'esttict •, sur le ~le des formes
"'esKisc •, • esteise » et • essencie » crtte:s par J. Gouillud pour trMl.uirc les
sitint, is1t1 etwtstt forats par R. Otto. Dietrich lui-m!me ne rtipugne pas aux mots
rares ; il utilise vmontien des termes tels que tSStllliari OU quidificari. 0n ne sait sj
lai pcemibe tdition du Dt tnu tt ustnlia par E. Krebs en 1906 a eu une quelconque
innuence sur la pens& de son tlhe, M. Heidegger. li n'est pU interdit d'inwginer,
compte tenu de la centralict de t. distinction de !'tue.et de l'tutntiadans l'œuvredu
jeune Heidegger, que le texte de Die(.riçh 1 pu $U$Citer chez lui k: mode de
considération de l'!ire dtJ.ns la tan1we qu'il a. par la suite, developpt conue 16
schèmes concepwcls de hl Mo-scolastique. Sur tout cela, cf. l' Etrt t t rEssit~. lit
viJcabufairt midiivol ~ roriiologit. Deux trait& De ttttt t1 t.fsitrtlÜJ ~tts Cl
traduits par A. DE Lm!!llA el C. MtolOH, Paris, 1996.
ID SW" ce point, on consultera les Contributions rassembl6e5 dans Rtncontrts dt
C:Jdtwrt: dans la phHosophk mldiivak. Tradw:lionsa tradw:ttlV'.f der antiqui.ti IOl'di'lle
au XJVC siiclt, ed, par J. HAMElsE et M. fATIOaJ (Publications de J'lnstitut d'etudes
m&lîévales, Textell, tludes. congtts.-11 - Rencontres de Phi!Ôsophie mtdievale, 1),
Louvain-la-Neuve - Cas.si no, 1990.
·•
10 A.DEUBERA
soutient donc qu.c l'on peut tout dire en allemand. Mais. la th~sC
« modiste •, qui domine à Vienne à la fin du xtve .s iœlc, r&umc mieux
la perspective commune, qui veut que la langue latine soit en cllc·m!mc
un tableau de la structure ontologique du ~cl, cc qui impose à toute
traduction en vernaculaire de se fairC à la fois mot à mot et en respectant
l'ordo verborum du texte latin - point de dtpan ou intcmtdiairc obligt, _
de toute façon norme idfalc de toute traduction authentique. Cela dit, là
encore, les facteurs sociologiques sont dttcnninants : les traductions
modistes de l'aygen d~tsch, modcltes sur le latin, sont dcsrintcs à la
noblesse autrichienne et aux linerari en gtnc!ral, l'umbred·Übersctzen des
nominalistes s'adresse aux ungelerten, au «peuple " (gemaine volkch).
Le latin n'est pas seulement la langue des philosophes de mttier, c'est la
langue de la distinction philosophique-dans tous les sens du tcnnc 6•
Mais quittons un instant la traduction au sens suict. et considérons les
choses de manière plus philosophique, voire plus technique. Pour mieux
comprendre l'enjeu philosophique de la question de la translatio
studiorwn, qui englobe celle de la traduction, qu'il me soit permis de
citer ici un long exttaitde Heidegger, que j'emprunte à l'un des textes du
dcuxi~mc tome de son Nietzsche: LA mitaphysique en t(Jllt qu'histoire
de l'être. Pour expliquer en quoi, selon lui, la rransfonnation de
l'ÊvÉpyEta. en actuaUùu et cxistencia, signe« une transition du langage
conceptuel grec au romain If et, par là même, une nouvelle époque dans
l'histoire de l'êtrç, Heidegger écrit:
La dl!:tcnninaûonde l'Eln: en tantqu'actua/itas s'~ à tnvers toull: l'his·
toire occidcata&c depuis l'empire romain jusqu'aux icmps modcmcs les plus
r6:c:nu. Pan::equc la dttenninalion de l'csscnccde l'Etrc en iantqu'octMOli·
tas porte• l'aYancc IOUte l'histoire, c'c.u·à-dire du mCme coup la structure
des rapportS d'une hwnanilf à l'ttanldarusa totalil6. IOUte hiooitc oCcidcn-
tale depuis Ion est en divers sens romail'M! et jamais plus helltniquc. Toute
cnll'eprise posltrieure pourrc.ssusciier l'anûquitt gm:quc n'CSlqu'unc réno-
qui n~istt pas ; et (4) celui. pour un« ~tat d'espril .,.·de pouvoir avoir pour objet
ûn « ~tat de _choses •. cr. H. PtmolAM, Représeltla/ÏOll el Rialili, tract a . EH<l&L·
' TnŒUH, Paris,1990,p.211. ,_ .
LE LATIN, rtarrABŒ LANOUB DE LA PHn.OSOPHIE? 1!5
17 Avnaots , ,,. De Oii. Ill, c:omm. !S, id. ÙAWFOIW, p. '400. 379-390.
A.DEUBERA
ltre formel et ltre objectif des concepts22. Sans entrer dans le ~tait, on
peut trouver une confirmation de cette hypoth~se dans le texte où Pierre
d'Auriolc distingue {a) la relation ençre la chose exttamentale et son
cspà;e intelligible ou l'acte de l'intellect qui la ~pdsente subjectivement
dans l'âme à titre de qualité et {b) la notion avcrro\'ste de« concept
objectif•, c'est-à-dire l'intenrîo inullecta en tant que• continuœ •à
l'intentio imaginara13.
Le fil qui, à travers Sigcr, l'Anonymc de Gicle et Pierre d'Auriole,
relie le cartésianisme à l'averroïsme·n'est évidemment pas perceptible
dans la description trop générale que Heidegger donne de la transfor-
mation de l'iutoicEtµÉvov en subiectum. Cette suite de transformations
qui s'accomplit en latin est proprement philosophique: elle n'est pas le
fruit du génie de la langue, mais d'actes d 'exégèses et de reconstruction
acCOOJ,plis par des penseurs à l'aide d'une langue hautement technicis&:.
On pourrait prendre bien d'autres exemples. Je voudrais seuleiiiént,
pour conç,lure, souligner un aspect du phénomène. Pour montrer en quoi
le latin scolastique a, en quelque sone, forgé la langue philosophique de
l'âge classique et. au-delà, d'une certaine modernité, j'ai tir6 sur un petit
fil : celui de la nfocption et de la réélaboration scolastique de la tMorie
avcrroïste des deux fondements de l' imellectio in1ellecta. Cc fil a entraîné
avec lui une pelote dont on a pu entrevoir les proportions imposantes :
celle de la subjectité, de l'obje.ctité et de l'intentionnalité. Mais, même sur
cc point, i1 m'a été impossible de mettre en ~vidence tomes les
implications, combinaisons et associations diverses qu'il eût été
nécessaire de signaler. Je n'ai pu, par exemple, suivre les métamor-
phoses d'intellectu.s, depuis son emploi m6diéval authentique jusqu'à la
transposition où, au seuil de la modernité, Leibniz l'arrête, sous le nom
impropre d'er11endemt!ni1A, nlévoquerl'histoirc de l'inte/ligere et de ses
la
22 Sur ce poi~t, cf. A. Dl! ÛBER.A, Qu.ertllt tks universaux. De Platon d 14/Us
dw Moyrn Age (Des Trav•~). Paris, 1996, pp. 210-211.
2J Cf. PIERRE o' Auuou,/11 I Stnl., di.st. 23, a. 2. &l. J. PlN101.o, « Radulpbus
Britoon Univeruls •,in Cahiers dt rTIUlilMl d11Moyt11.dgt 1rtc et latin, 35 (1980),
p. 135.
24 CC. G.W. LaaNtZ. Considlrations sur la doctriM tf un Esprit universel lllliqiu
(1702), in Systbnt no11vta11 dt la nalllll tt 4e la commwiication tks swbslanu:s et
autrc.5 tcJ.teS, 1690-1703. Prtscfltatîon et notes de Chr. Fkl!MON"I' (GF 774); Paris,
1994, p. 221: • Plusieu,., personne3 ing~n ieuSC3 on1 cru el croient encore
20 A.DELIBERA
aujourd'hui quïl n'y a qu'un seul Esprit. qui est Universel, et qui anime tout
l'univers et IOutes ses parties, chacune suivant sa slnlcture et suivant les organes qu'il
trouve, comme un m~mc souffle de vent fait sonner difftrcmment divers tuyHJ;
d'orgue [... ). Aristote a paru à plusieurs d'une opinion approchante, qui a ttt
renouvc\tc par Avtrrœs, cél~brc philœophc arabe. Il croyait qu'il y avait en nous un
imellccws agens, ou entendement actif, et aussi un intcllcctus patiens ou entendement
passif; que le premici, venant du dehors, tiait ttemcl et universel pour lOÎIS, mais
que l'entendement passir, particulier à chacun, s'éteignait dans la mort de l'homme. »
~ Ccue curieuse expression revient constamment dans la version arabo-latine du
D~ anima et dans la traduction du Grand co~ntaire d' Averroès, notamment, éd.
CaAWFOltD, pp. 379, 1-6; 380, 1-3; 391, 121; 426, 1-7: 434, 1-5; 454, 1-9,
etc.
26 Ce couple de notions est e:itlrapolé du De anima, 111, 6, 430a26-3t. La
« formation des choses injfivisibles » est, pour Aristote, une «intellection». Le
latin formario qui correspond à l'arabe ta$awwur ne rend pas directement celte
d_imcnsion intcllcctive et il ne traduit aucunement le sens de « rcpœsentation », qui
est celui de l'original arabe. La notion de« foi »,/ides, évoque elle aussi assez: mal
celle de l'e assentiment», ta$dlq. Le couple de notions est rondamental chez
Averroès. Dans le Fa$1 al-maqâl, § 51, il indique qu'il l'emprunte aux« rcprtscntants
de la science du discours rationnel» (ah/ al-'ilmi bi-l.-kallm). Le.memc paragraphe
présente ainsi la distinction entre taµ:wwur et ta$diq: « [... ) les opérations sur
lesquelles repose l'enseignement sont de deux sortes: la production de la
•repftsentation et la production de l'assentiment [...}.~les méüiodes de production de
!'.assentiment qui se présentent au:it hommes sont au nombre de trois: démonstra1ive,
dialectique et rhétorique ; les méthodes de production de la reprtscntation, au.nombre
de dcu:it : rcprtseniation de la chose ellc-m~me, ou de son symbole. » La même
distinction figure dans la Paraphrase de la logique tl Aristote, M. G. JêHAMY,
Be)'routh, 1982. T Il, p. 369-370, au début du CommLrllaire tks Seconds ana(Jtiquu
(ad 71 a 3-16): c ta science qui doit nécessairement précéder toute chose(...) est de
deux sortes: soit la science qu'une chose est ou n'est pas, et c'est ce qu'on nomme
l'assentiment (tardiq); soit la science de ce que désigne le nom d'une chose, et c'est
ce qu'on nomme la représentation (tasawwur).,. Sur tout cela, voir les note$ de
M. GEOFFROY in_AVEJtRoà, U LJvr~ da discours d~cisif. Traduction inédite, notes et
dossier par_M. GEOFFROY, Introduction d'A. OE UBERA, (OF. 871), Paris, 1996
LELATIN, VÉRITABLELANGUEDELAPHU..OSOPHIE? 21
27 Sur sur ce point, cf. J.•F. CfX!R.TINI!, •Note complbnentaire pour l'hi.sto~ du
vocabulaire de l'etrc (Les traductiOOS latines d'oùaKi et la comprthension romano-
stoicienne de l'etre) »,in P. AUIENQUE (&!.), Conctpts ·et Catigorie: dans la ~nsie
ani~\~~s~li:I~~~!,~:!~w~!i:SO:!~~=~~~è:·s~ ~~:·met M
3
place le sys~me d'~uivalencc entre tenncs laûns et termes grecs, qui, normalement.
aurait du se retrouver dans la traduction des Ca1lgorits: au grec oûola correspond le
latin nse111ia, à oùaloxnç, sub.risu11titJ, à UaéaTc:ialç, sllbsta11tia. Est oùala ou
« essence•, cc qui est; esc: oûa\<0atç ou. • subsistance», ce qui n'est en aucW1
sujc1; es1 l.r11:&rt<10v; ou« subsrance », c cc qui esc: sub-ojeclt à d'auucs, qui ne sont
pas des subsistances ».Cr. Bo~CE, Contra Eutychtn , III, in The TMological
Tra ctates, with an English Transla1ion by H.-F. STEWART - E.K. RAND (Loeb
Classical Library). Londoo, 1968, p. 90, 79-85). [Pour la notiàn de .rub.rta11tia et
le .rub.r1art, cf.: c Est 'subsfallce' (.rub.rtat) cc qui procure en sous-œuvre (sub-
ministrat) aux autres accidents (i.e. à tout le reste à titre d'ac.cidents] quelque sujet
(subiectum), afin qu'ils puissent etrc (Ill tSSt YO/tanJ); il les soutient Cil effet (sub
illi.r tnim .r1cu), puisqu'il est subjcctl aux accidents-(subitctum est accidetitibus),
cr: BOÈCE, Contra E1ityclu11, m.&!. RAND·STEWAaT, p. 88, dans l'excellente
traduction de J.•f. CoUJlTINE, c Note compttmentaire ... », p. 52]". Dan! sa ·
traduction des Catigorits, où il traduit oiiauÛl par substtmtia, Boèce extrait donc
J'oùala du système oûala.- oUaioxnç.,. oùal0>0l(;, il lui attribue I~ propritfés de -
22 A. DELIBERA
l'i>KÔ<naau; et laiuc tvidcmmcnt de côtt le troisibne terme, oûoitoau; qui n'a rien l
faire dans le contexte aristot61icicn. En tr.lnsf&ant à l'oûa\a, sous le vocable de
substaruia, le carac~rc et &es fonctions de l'{n1:6atcunç quel bll( eœce poursuit-if?
La chose est difficHc à dire. Cc qu'il faut noter ici c'est que le terme sflb.standa asiure
la comm~nicaûon de deux grilles distinctes : la saie aristoltticiCl)M oi>oCa premike,
c;i"::"ia seconde, accident, d'une part, et la ~rie oùa\a, O~a{cocnç, \nc6cna.o'l, c11·
l'autre. Le croisement de ces deux langages au princ ipe de la gtntalogie du sujet .
maiterait d'être analy.st pour lui-mbnc.
Jacqueline HAMESSE (édit.), Aux Origines du Lexique
Philosophique Européen, L ' Influence de la Latinitas,
Actes du Colloque International F.l.D.E.M., Edit.
Brepols, Turnhout (Belgique), 1997.-