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Bulletin du Département de pharmacie de l’Hôpital Louis-H.

Lafontaine Juin 2012, vol. 1, no 3

Médicaments, sexe et rock and roll ANTIPSYCHOTIQUES


Les antipsychotiques de 1re génération comme l’halopé-
Par Mélanie Caouette et Julie Charbonneau, pharmaciennes
ridol (HaldolMD), la chlorpromazine (Largactil MD), la per-
phénazine (Trilafon MD) ou le zuclopenthixol (Clopixol MD)
La dysfonction sexuelle est fréquente chez les patients atteints de schizophrénie ou de dépression, mais
affectent le plus la fonction sexuelle en raison de leur
ce sujet est généralement peu abordé lors des visites médicales et souvent sous-estimé. Pourtant, les
action au niveau de la prolactine et des effets extrapy-
conséquences ne sont pas négligeables et touchent aussi bien la détresse associée que l’observance
ramidaux. L’augmentation de la prolactine peut induire
médicamenteuse si la cause est pharmacologique.
chez la femme l’aménorrhée/galactorrhée ainsi qu’une
diminution de la libido alors que chez l’homme, elle
Dysfonction sexuelle Médicaments impliqués entraine une baisse du désir et parfois une impuissance.
L’effet des médicaments psycho- ANTIDÉPRESSEURS
tropes sur la sexualité est difficile Dans la classe des antidépresseurs qui inhibent la recap- Du côté de la 2e génération, c’est la rispéridone
à évaluer, car la dépression et la ture de la sérotonine (ISRS), tous peuvent causer des (RisperdalMD) qui affecte le plus la fonction sexuelle, car
schizophrénie s’accompagnent fré- dysfonctions sexuelles. La paroxétine (PaxilMD), par son elle peut causer une augmentation du niveau de prolac-
quemment de dysfonctions sexuelles action anticholinergique importante, causerait le plus tine et des effets extrapyramidaux. Les autres molécules
et ce, indépendamment des médicaments. On estime de problème érectile et retarderait l’éjaculation com- de 2e génération sont moins à risque d’augmenter la
que la prévalence d’un trouble sexuel en schizophrénie parativement à la fluoxétine (ProzacMD) et la sertraline prolactine, mais elles ne sont pas dénuées d’effets sur la
est entre 50 % et 80 % et de 25 à 75 % concernant la (ZoloftMD), qui ont un effet moindre. L’escitalopram fonction sexuelle. En effet, avec l’olanzapine (ZyprexaMD),
perte de libido en dépression. Généralement, les troubles (CipralexMD) et la fluvoxamine (LuvoxMD) semblent être plus de 50 % des patients ont rapporté une dysfonction
sexuels incluent : la baisse de désir sexuel, l’aversion les médicaments qui affecteraient le moins la fonction sexuelle, une diminution de la libido et de l’impuissance,
sexuelle, les troubles érectiles et éjaculatoires, la séche- sexuelle parmi les ISRS. mais ceci est moins important qu’avec la rispéridone et
resse vaginale, les troubles de l’orgasme et les relations l’halopéridol. Concernant la clozapine (ClozarilMD), avec
sexuelles douloureuses. Concernant la classe des inhibiteurs de la recapture de son action anticholinergique et adrénergique, la molé-
la sérotonine et de la noradrénaline (ISRN), la venla- cule risque de causer davantage de troubles érectiles et
Étant donné que le sujet est très vaste, cet article ciblera faxine (EffexorMD) et la duloxétine (CymbaltaMD) peuvent éjaculatoires comparativement aux autres médicaments
principalement les antidépresseurs et les antipsycho- retarder l’éjaculation, mais les troubles sexuels induits de 2e génération. Avec la quétiapine (SeroquelMD), il y a
tiques ainsi que les solutions et antidotes disponibles. seraient moindres avec la duloxétine. Les antidépres- entre 50 et 60 % de prévalence de dysfonctions sexuelles,
seurs tricycliques (ATC) et les inhibiteurs de la monoa- mais la sévérité est moindre en comparaison ave la ris-
Pharmacologie mine oxydase (IMAO) sont d’autres molécules à risque péridone, l’olanzapine et l’halopéridol. L’aripiprazole
Il est possible de résumer une relation sexuelle en de causer des dysfonctions sexuelles. (AbilifyMD) ne semble pas être associé à des dysfonctions
quatre stades : désir (libido), excitation, orgasme et ré- sexuelles. Quelques rapports de cas indiquent du pria-
solution (satisfaction). Les neurotransmetteurs les plus Enfin, les antidépresseurs comme la mirtazapine pisme associé à la prise de ziprasidone (ZeldoxMD). Par
importants sont la dopamine (effet sur la libido et la (RemeronMD), le bupropion (WellbutrinMD) et la trazo- contre, peu d’études cliniques sont disponibles sur cette
stimulation), l’acétylcholine (facilite l’érection), la noré- done (DesyrelMD) entraînent beaucoup moins d’effets nouvelle molécule.
pinéphrine (effet sur la libido), l’oxyde nitrique (facilite secondaires sexuels.
l’érection), la prolactine (influence la libido, l’érection et
l’orgasme) et la sérotonine (frein sur le désir sexuel et Tableau 1 : Étiologie des troubles sexuels
le plaisir associé). Ces différents neurotransmetteurs sont Médication psychiatrique (antidépresseurs, antipsychotiques, benzodiazépines/anxiolytiques, anticonvulsivants/antiépileptiques, anticho-
des cibles des antipsychotiques et des antidépresseurs, linergiques)
d’où leur impact sur la fonction sexuelle. Autres médicaments (bêtabloqueurs, bloqueurs alpha, diurétiques épargneurs de potassium, antihistaminiques H2, myorelaxants, antago-
nistes dopaminergiques, pilule contraceptive et autres hormones, amphétamines, digoxine, hypolipémiants, narcotiques)
Causes des dysfonctions Causes médicales associées (affections psychiatriques et neurologiques, problème cardiovasculaire, diabète, problème thyroïdien, endo-
Outre la médication et la maladie psychiatriques qui crinopathies, affections uro-génitales, pathologies infectieuses, maladies auto-immunes, troubles métaboliques, néoplasies, déficit en andro-
sont des facteurs importants, d’autres médicaments et gènes/estrogènes)
d’autres situations peuvent occasionner ce problème Trouble sexuel primaire (dyspareunie, vaginisme)
(voir tableau 1). De plus, la sexualité des patients peut
Abus de substance
être influencée par des problèmes de contact social, un
sentiment de persécution, des réactions extrapyrami- Grossesse
dales, une prise de poids reliée à la médication, etc. Contexte psychosocial (ex. : âge avancé), psychologique (ex. : abus sexuel), culturel, religieux, environnemental et ethnique

Voir Sexe et rock and roll… en page 2


Sexe et rock and roll D’autres antidotes ont été utilisés pour contrer les
dysfonctions sexuelles, par exemple l’amantadine
Pour limiter l’impact des antipsycho- (SymmetrelMD) et le ginkgo biloba, mais peu de données
tiques et des antidépresseurs sur la appuient leur utilisation. Tous les antidotes peuvent
fonction sexuelle, plusieurs stratégies entraîner des effets indésirables non négligeables qui
peuvent être mises en place. devraient être considérés avant leur initiation.

Stratégies pour limiter l’impact des médicaments En conclusion, il est important d’aborder la question
Certains patients peuvent développer une tolérance aux des dysfonctions sexuelles, car celle-ci est rarement
effets secondaires sexuels (10 %), mais cela apparaît discutée au premier abord et elle peut fortement
longtemps après le début des antidépresseurs. Il est pos- affecter la qualité de vie des patients et l’observance
sible de réduire la dose du médicament concerné (effet pharmacologique.
sexuel dose-dépendant), planifier l’activité sexuelle
avant de prendre le médicament (dépendamment de la Références
durée d’action du médicament) ou faire un arrêt tem- 1. Baggaley M. Sexual dysfunction in schizophrenia : focus
poraire de la médication (« drug holidays »). Cependant, tiques. Toutefois, les risques et bénéfices devraient être on recent evidence. Hum Psychopharmacol Clin Exp.
la réduction de dose peut amener une réapparition des évalués avant de changer de médication chez un patient 2008; 23: 201–9.
symptômes psychotiques / dépressifs alors que l’arrêt stabilisé, en raison du risque de décompensation suite 2. Bazire S. Sexual side-effects. Psychotropic drug directory
temporaire pourrait mener à des symptômes de sevrage au changement. 2010. British Library 2010; 504-10.
et compromettre l’observance au traitement.
3. Licitsyna O., Ansseau M. et Pitchot W. Dysfonctions
Antidotes sexuelles et antidépresseurs. Rev Med Liège. 2011; 66: 2 :
Une autre stratégie est de changer le médicament qui De nombreux antidotes existent, toutefois les études 69-74.
cause la dysfonction pour un autre ayant peu d’impact démontrant leur efficacité sont limitées. Ceux qui ont
4. Martin-Du Pan R., Baumann P. Dysfonctions sexuelles
sur la fonction sexuelle comme la mirtazapine ou le le plus fait leurs preuves sont les inhibiteurs de la PDE- induites par les antidépresseurs et les antipsychotiques
bupropion pour le traitement de la dépression. Le bupro- 5* : sildénafil (ViagraMD), tadalafil (CialisMD) et vardénafil et leurs traitements. Rev Med Suisse. 2008; 4: 758-62.
pion a même tendance à améliorer la fonction sexuelle. (LevitraMD) pour traiter les troubles du désir et de l’exci-
5. Mignon L. Having the sexual dysfonction discussion.
Concernant les antipsychotiques, la stratégie en présence tation sexuelle, les dysfonctions érectiles et l’orgasme Neuroscience Education Institute. 1ère édition. 2010; 76p.
de dysfonction est de privilégier les molécules ayant retardé. La buspirone (BusparMD) est utilisée pour les pro-
le moins d’impact sur la prolactine et sur la fonction blèmes d’anorgasmie et de baisse du désir : elle aurait 6. Serretti A., Chiesa A. Sexual side effects of pharmaco-
logical treatment of psychiatric diseases. Clin Pharmacol
sexuelle en général (quétiapine, clozapine, aripiprazole). amélioré la condition de 58 % des patients ayant des Ther. 2011; 89(1):142-7.
L’aripiprazole a l’avantage d’améliorer la libido, les pro- troubles sexuels sous ISRS. Enfin, le méthylphénidate
blèmes érectiles et éjaculatoires et de réduire les dérè- (RitalinMD) serait efficace pour l’anorgasmie, les troubles
glements menstruels causés par les autres antipsycho- d’excitation et du désir. * PDE-5 : inhibiteur réversible de la phosphodiestérase 5.

Il arrive même qu’on confronte l’individu sur les consé- de confiance vis-à-vis la réussite du changement et à
L’entrevue quences de ses actes. En clinique, le plus souvent, ce style accroître l’importance que celui-ci représente. C’est seu-
motivationnelle de discours amène le patient à ne pas changer. C’est ainsi
qu’on voit apparaître la résistance au changement.
lement après avoir approfondi toutes ces questions que
nous pourrons demander au patient quelle action il met-
Par Olivier Turpin-Lavallée, pharmacien tra en place pour arriver à l’objectif fixé.
L’entrevue motivationnelle
La réalité du changement Il existe plusieurs façons de définir l’entrevue motiva- En pharmacie et en psychiatrie,
On s’interroge sans cesse sur les raisons qui poussent tionnelle. On peut toutefois la circonscrire comme étant le comportement problématique
une personne, un patient à changer un comportement1. un style de communication, une manière de guider le le plus fréquemment rencontré
À priori, l’existence de conséquences négatives liées à un patient vers le changement sans que ce dernier lui soit concerne l’inobservance au
comportement pourrait, penserait-on, modifier celui-ci. proposé ou imposé. En effet, il s’agit d’une relation favo-
Cependant, la réalité est différente. Par exemple, le fait risant la collaboration et non la prescription. La tâche du
traitement pharmacologique.
d’avoir subi un infarctus ne suffit pas toujours pour consultant est de libérer le potentiel motivationnel pré-
qu’un individu modifie son régime alimentaire, fasse plus sent à l’intérieur de la personne1. L’attitude et la vision des médicaments
d’exercice ou cesse de fumer. Et que peut-on conclure Une récente étude illustre assez bien les « patients types »
d’un patient qui, chaque fois qu’il consomme des dro- Le déroulement d’une entrevue motivationnelle peut et les attitudes qu’ils manifestent envers le système de
gues, rechute dans sa maladie psychiatrique ? être harmonieux quand l’intervenant et le patient pour- santé et les médicaments2. Le devis de cette étude ap-
suivent le même but (consonance) ou conflictuel lorsque partient au registre de la recherche qualitative. De cette
Traditionnellement, le réflexe natu- la résistance s’installe (dissonance). Des méthodes telles manière, l’entité clinique est préservée et plus facilement
rel nous incite à vouloir corriger la l’utilisation de questions ouvertes, la valorisation, l’écoute identifiable dans la pratique de tous les jours. Ainsi, selon
situation, à informer le patient sur la réflexive et l’emploi de résumés constituent des moyens les auteurs, on dénombre cinq prototypes de patient.
méthode à suivre pour ne pas répéter d’arriver à faire naître le discours du changement.
Cinq « patients types »2
le comportement nocif. Une fois la naissance du changement amorcé, l’approche 1. Le « true believer » adopte la vision biomédicale de
motivationnelle nous invite à augmenter le niveau sa situation. Il accepte le diagnostic et le traitement

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proposé. Il est attentif à la psychoéducation. La plupart généralement lorsque les motifs de son refus de colla-
du temps, il est observant à son traitement médicamen- borer sont connus. En cas de divergence, il faut éviter de
teux, sauf en cas de manque d’efficacité initial ou de dé- revenir à la charge : cela ne fait qu’augmenter l’opposi-
couragement dans la prise chronique de médicaments. tion au traitement. On propose donc au patient de reve-
nir nous voir lorsqu’il en sentira le besoin.
2. Le « clinical trouper » est un sujet observant, mais
pour les mauvaises raisons. Sa vision de son diagnostic Un lien avec l’entrevue motivationnelle
est concrète, sans complexité. Pour lui, le but recherché À la lumière de ces exemples, on reconnaît que l’entre-
avec le traitement pharmacologique est plutôt lié à des vue motivationnelle doit servir à renforcer l’importance
causes subjectives dont il souffre, comme l’insomnie. du traitement et de ses effets bénéfiques. Comme
Néanmoins, il accepte la médication par appréciation professionnel, nous sommes dans l’obligation de com-
pour son psychiatre. Chez ce patient, l’inobservance muniquer les aspects négatifs du traitement – effets
apparaît accidentellement ou lorsqu’il éprouve l’alliance secondaires, toxicité, modalités de suivi. Toutefois, les
thérapeutique. La psychoéducation n’amène pas néces- effets bénéfiques qui seront ressentis pas le patient ne
sairement de bénéfice concret pour lui, mais elle aide à sont pas toujours explorés. L’identification des besoins du
cristalliser la relation de collaboration mise en place. patient est aussi un élément-clé. En effet, il nous arrive Le bilan comparatif des
3. Le « reluctant recruit » subit l’influence souvent erronée
de nous exprimer en expert et d’imposer des objectifs
de traitement. Au fond, d’autres besoins, indirectement
médicaments : une POR
et stigmatisante de ses proches par rapport à la maladie liés au traitement, peuvent devenir des éléments facili- (pratique organisationnelle
mentale. Culturellement, il adopte des attitudes propres à
son milieu d’appartenance concernant le diagnostic et la
tant l’observance. Enfin, le professionnel doit apprendre
à composer avec la résistance : il ne s’agit pas d’un échec.
requise) à PORtée de tous
médication. Il est très à risque d’inobservance, surtout si Dans un premier temps, l’entrevue motivationnelle peut Par Malika Doubi, pharmacienne
l’équilibre entre la perception d’efficacité et la présence très bien servir de prémisse à l’adhérence au rendez-vous
d’effets secondaires est inversé. de suivi. Le cas de Mme P. Du Rein
Mme P. Du Rein a été hospitalisée à l’Hôpital Louis-H.
Ce type de patient croit à l’existence aiguë de la maladie Les limites inhérentes à l’entrevue motivationnelle Lafontaine il y a environ deux ans pour dépression avec
et accepte le traitement à court terme, mais rejette le Comme dans tout domaine, il existe aussi des limites à éléments psychotiques. Sur le plan physique, elle souf-
traitement prophylactique. On tente alors d’élargir le rôle l’application de l’entrevue motivationnelle. frait entre autres d’insuffisance rénale et nécessitait des
de la médication, tout en incluant des bienfaits concrets traitements particuliers en lien avec cette pathologie.
et subjectifs que le patient est susceptible d’expérimen- Quoique presqu’universelle, les Durant son séjour, son traitement psychiatrique a légè-
ter – comme un antipsychotique pour l’aider à dormir. auteurs s’entendent pour dire que rement changé, mais sa médication physique est restée
Après la rémission, il est possible que le patient insiste les populations difficiles à aborder, la même.
pour continuer sans traitement. Un filet de sûreté et comme les dépendants sévères à
un travail de psychoéducation sont alors essentiels. La Elle a ensuite dû être relocalisée dans une autre ressource
rechute est parfois nécessaire pour que l’utilisateur de
l’alcool ou la drogue, les adolescents d’hébergement. Si on revient il y a deux ans, au congé, le
services comprenne l’importance de son traitement. et les malades très réfractaires, béné- patient recevait une ordonnance de médication psychia-
ficieraient d’autres approches que trique et une ordonnance pour sa médication physique
4. Le « coffee guy », dans sa forme extrême, affirme celle proposée. s’il y avait changement dans cette médication. Or, lors de
être admis involontairement à l’hôpital en raison d’un son congé, Mme Du Rein n’avait que des changements
manque d’adhérence au traitement. Quand on le ques- De plus, fait intéressant, une vaste étude sur les pro- dans sa médication psychiatrique. Elle a donc quitté l’éta-
tionne, il ne peut expliquer pourquoi il est admis. Il blèmes liés à l’alcool a montré que le succès produit blissement sans ordonnance de médication physique. Vu
possède peu d’autocritique et, malgré ses expériences par l’entrevue motivationnelle n’est pas diminué par la son changement de résidence, elle a été suivie et des-
passées, il n’a pas pu construire un modèle de compré- présence concomitante de personnalité antisociale, de servie par une nouvelle pharmacie communautaire. Cette
hension de sa maladie. problèmes psychologiques et de troubles cognitifs. pharmacie n’a rien reçu pour le volet physique. Résultat :
Mme Du Rein n’a pas reçu ses traitements pour sa maladie
Foncièrement, il ne s’oppose pas au traitement. Il lui ar- En conclusion, la force de l’entrevue motivationnelle est rénale et a dû être hospitalisée.
rive cependant de ne pas disposer de médicament pour qu’elle s’intègre ou cohabite bien avec d’autres types
une raison ou une autre et c’est pourquoi il n’est pas d’approche. En plus d’amener des réponses très intéres- Cet événement compte parmi ceux qu’on attribue à la
toujours observant. Typiquement, ce patient habite dans santes de la part des patients, de plus en plus d’études médication, qui figurent en deuxième place parmi les
un environnement où ses besoins essentiels sont pris en cliniques appuient son efficacité. événements indésirables les plus fréquents qui causent
charge, ce qui l’amène à accepter le traitement pour ne préjudice aux patients.
pas avoir d’ennui. Au fond, il présente un manque d’inté- Références
rêt à sa propre condition. 1. Miller RW, Rollnick S. L’entretien motivationnel, aider Une définition, des actions
la personne à engager le changement. InterÉdiitons- Effectuer le bilan comparatif des médicaments (BCM)
5. Finalement, le « constitutional combattant » refuse à Dunod. Paris, 2006. est une façon de s’assurer que l’information sur les
tout prix une médication psychiatrique. Habituellement, 2. Freudenreich O., Tranulis C. A prototype approach toward médicaments est transmise au moment où la personne
il n’a aucune autocritique, que ce soit pour des raisons antipsychotic medication adherence in schizophrenia. est transférée d’un milieu de soins à un autre. Pour
de déni psychosocial, de problèmes neurologiques, ou les Harv Rev Psychiatry. 2009;17(1):35-40. établir ce bilan, l’assistant-technique en pharmacie et
deux. Ainsi, l’alliance est très coûteuse à développer en le pharmacien dressent une liste appelée « meilleur
termes de temps et d’énergie. Sa combativité disparaît schéma thérapeutique possible ». Cette liste contient

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de l’information aussi complète et précise que possible La transmission des renseignements aux autres profes- dernier amenait des changements de pratique majeurs
sur les médicaments. Elle est utilisée par tous les inter- sionnels (intervenant pivot, pharmacien communautaire, en ce qui a trait aux ordonnances pharmaceutiques de
venants concernés (infirmières, médecins, pharmaciens, etc.) est également importante. Différents outils de com- départ.
intervenant pivot) lorsque vient le temps de prendre des munication ont été élaborés pour la rendre plus efficace.
décisions quant aux médicaments. Le bilan comparatif L’outil de bilan comparatif employé à l’Hôpital Louis-H. Le BCM, ça donne quoi?
des médicaments se fait au moment de l’admission dans Lafontaine provient du logiciel Gesphar Rx, qui est utilisé Dans le cadre d’un stage au doctorat professionnel de
un centre hospitalier, lors d’un transfert d’un milieu de pour la saisie des ordonnances. Une fonction du logiciel premier cycle en pharmacie, une étudiante a tenté de
soins à un autre au sein du même hôpital et au congé permet de reproduire la liste à jour de médicaments sur déterminer les impacts positifs du BCM4. L’évaluation de
de l’hôpital. Il peut également être effectué lorsque la un document qui sert à la fois de prescription et de bilan l’outil de bilan a notamment été menée par rapport à
personne est dirigée vers un centre d’hébergement et de comparatif. Cette liste de médicaments est évaluée, analy- la clarté, la pertinence, la complétude de l’information,
soins de longue durée1. sée et envoyée par le pharmacien dans l’unité. Les méde- le gain de temps et la diminution des erreurs. Elle a été
cins (psychiatres et omnipraticiens) remplissent aussi leurs effectuée à l’aide d’un sondage de 41 questions ciblant
Le bilan comparatif représente une sections respectives. Par la suite, ce document est remis au la satisfaction des pharmaciens communautaires.
importante initiative en matière de patient et une copie est acheminée à son dossier externe.
sécurité des patients. Au total, 33 % des pharmacies interpellées y ont parti-
cipé et 75 % d’entre elles ont affirmé que le BCM étaient
C’est un processus qui vise à prévenir les événements supérieur aux anciennes ordonnances et ce, à tous les
indésirables liés à la médication, résultant par exemple niveaux sondés. Le risque d’erreur a également fait l’ob-
d’une omission, d’une duplication ou d’une défaillance jet de résultats positifs. En effet, la majorité des répon-
dans la transcription d’un médicament, et qui survient dants ont moins d’inquiétudes par rapport à la survenue
à un moment de transition au début, en cours ou à la d’erreurs médicamenteuses et pensent que le BCM limite
fin d’un épisode de soins2. Les défaillances découlent les erreurs de represcription. Notre outil respecte égale-
souvent de problèmes de communication au sujet des ment la confidentialité et encourage la liberté de choix
médicaments à l’un de ces trois moments. de pharmacie du patient. De plus, cette nouvelle façon
de faire favorise une saine communication interprofes-
Le processus du BCM lors d’une admission inclut quatre sionnelle. Il est par exemple utile pour un pharmacien
actions : communautaire de connaître la prochaine date d’injec-
tion d’un antipsychotique dépôt et ainsi être en mesure
1. Créer la liste la plus précise et complète possible des de le commander en temps opportun.
médicaments que le patient prend à son domicile ;
Bref, le bilan comparatif des médicaments est un moyen
2. Comparer cette liste avec la médication prescrite à rapide, efficace et pertinent pour améliorer la qualité,
l’arrivée à l’hôpital ; l’efficience et la continuité des soins aux patients. Il im-
plique un travail interdisciplinaire qui diminue le risque
3. Documenter ou corriger les divergences entre les d’erreurs reliées à la médication. Il permet également
deux ; de diminuer la durée des hospitalisations et d’éviter des
réhospitalisations.
4. Communiquer le contenu de la liste mise à jour au
patient (ou à ses proches) ainsi qu’aux soignants. Références
Le BCM : depuis quand ? 1. Institut pour l’utilisation sécuritaire des médicaments du
Ces nombreuses interventions permettent d’éviter L’étude Unintended Medication discrepancies at the Canada (ISMP Canada). Le Bilan comparatif des médica-
la confusion et de reproduire des erreurs. À l’Hôpital time of hospital admission publiée en 2005 a examiné le ments peut aider à réduire les accidents liés à la médica-
Louis-H. Lafontaine, cette liste est effectuée par l’assis- risque d’erreur chez les patients prenant quatre médica- tion. 2012.
tant-technique en pharmacie et ensuite vérifiée par le ments ou plus. Cette étude a démontré que plus de 53 % 2. Pham-Dang M., Poulin MC. Le bilan comparatif des mé-
pharmacien. Le personnel infirmier apporte également des patients évalués auraient subi au moins une erreur dicaments dans les établissements de santé : Passer du
sa contribution pour l’obtention du profil pharmacolo- médicamenteuse, définie comme une divergence invo- mythe à la réalité. Pharmactuel 2009; 42(3) :204-8.
gique de la pharmacie communautaire ou pour ques- lontaire entre les médicaments prescrits à l’admission et 3. Cornish PL, Knowles SR, Marchesano R. et coll. Unintent-
tionner le patient. l’histoire médicamenteuse établie avec le patient3. ed medication discrepancies at the time of hospital ad-
mission. Arch Intern Med 2005; 165($): 424-9.
Ensuite, le pharmacien effectue la comparaison avec les De telles statistiques sont préoccupantes et il devient 4. Roze E., Vincent P. et coll. Le bilan comparatif des médica-
ordonnances et discute des modifications de traitement impératif de trouver des solutions afin de remédier à la ments de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine : un outil apprécié
avec les prescripteurs de l’établissement. Ces modifica- situation. C’est pourquoi Agrément Canada a identifié le en pharmacie communautaire? Département de phar-
tions sont nommées divergences. Une divergence dite in- bilan comparatif des médicaments comme une pratique macie, Hôpital Louis-H. Lafontaine, Faculté de pharmacie
Université de Montréal, 2012.
tentionnelle est un changement de traitement volontaire organisationnelle requise en matière de qualité de soins.
et habituellement documentée au dossier. La divergence Cette pratique fait partie des 43 critères répertoriés sur la
non intentionnelle est un changement qui n’a pas été norme de gestion des médicaments.
documenté et qui peut donc être considéré comme une
erreur ou une omission. Chaque fois qu’une divergence À l’Hôpital Louis H Lafontaine, le BCM à l’admission a
est constatée, le pharmacien en discute avec le prescrip- été implanté à l’été 2009 et le déploiement du bilan de
teur et la consigne au dossier du patient. départ a suivi en novembre 2010, étant donné que ce

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