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CHAPITRE 8.

BÉGAIEMENT NEUROLOGIQUE, BÉGAIEMENT


DÉVELOPPEMENTAL : QUEL RAPPORT ?

Marie-Pierre de Partz
in Bernadette Piérart, Les bégaiements de l'adulte

Mardaga | « PSY-Évaluation, mesure, diagnostic »

2011 | pages 85 à 88
ISBN 9782804700737
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/les-begaiements-de-l-adulte---page-85.htm
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Chapitre 8
Bégaiement neurologique,
bégaiement développemental: quel rapport?
Marie-Pierre de Partz

Le bégaiement est généralement considéré comme un trouble de la


fluence verbale qui, dans la plupart des cas, débute chez le jeune enfant
entre 2 et 5 ans. Ce déficit peut aussi apparaître plus tardivement, suite
à une lésion cérébrale acquise, subite ou progressive, chez des indivi-
dus adultes pour la plupart dont la fluence verbale était jusqu’alors tout
à fait normale.
Plusieurs auteurs ont cherché à établir, sur base d’analyse globale du
comportement verbal, des comparaisons entre le bégaiement neuro­
logique et le bégaiement développemental, encore appelé bégaiement
chronique. Ainsi retrouve-t-on régulièrement citées dans la littérature
six caractéristiques du bégaiement neurologique qui le différencieraient
du bégaiement développemental (Canter, 1971; Helm-Estabrooks,
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1999 ):
1.  Les dysfluences apparaîtraient en quantité équivalente sur les
mots fonctionnels et les mots à contenu dans le bégaiement neurolo­
gique alors qu’elles seraient davantage observées sur les mots à contenu
dans le bégaiement développemental,
2.  Les répétitions, les allongements et les blocages surviendraient
dans toutes les positions à l’intérieur des mots alors que la position
initiale des syllabes, mots et énoncés serait prédominante chez les
bègues développementaux,
3.  La consistance du bégaiement serait relevée d’une tâche à l’autre
dans la pathologie neurologique alors qu’elle serait plus variable dans
les formes développementales,
4.  Il ne serait pas observé d’état anormal d’anxiété, de conduites
d’évitement face au phénomène de bégaiement dans la pathologie neu-
rologique comme c’est le plus souvent le cas dans les formes dévelop-
pementales,

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5.  Les symptômes secondaires comme les grimaces faciales, la


toux, le mouvement des membres ou les clignements des yeux seraient
rarement observés (Theys, Wieringen & De Nil, 2008),
6.  Il n’y aurait pas davantage d’effet d’adaptation (ex. une dimi­
nution des dysfluences après plusieurs lectures successives d’un
même texte, en lecture à l’unisson, en production chantée ou en lecture
avec un feed-back auditif retardé) dans les formes neurologiques
(Balasubramanian, Cronin & Max, 2010; Krishnan & Tiwari, 2011;
Van Borsel, Drummond & Medeiros de Britto Pereira, 2010).
La validité de ces caractéristiques est néanmoins régulièrement mise
en cause dans des études de groupes et de cas uniques de patients deve-
nus bègues, de manière transitoire ou persistante suite à une lésion
cérébrale. Ainsi, Van Borsel et Taillieu (2001) procèdent à une analyse
différentielle des bégaiements neurologiques et développementaux
chez 8 patients sur base des jugements émis par 9 rééducateurs profes-
sionnels. Ceux-ci avaient à estimer si les échantillons de langage enten-
dus provenaient de l’un ou l’autre type de bégaiement. Ils avaient aussi
à évaluer la sévérité des dysfluences sur une échelle à 5 points. En
dépit de bons indices de corrélation inter-juges, les professionnels ne
sont pas arrivés à différencier le groupe des patients selon l’origine
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développementale ou acquise du bégaiement. Seules les formes ­sévères
semblaient être mieux diagnostiquées. Dans le même sens, Jokel et
collaborateurs (2007) ont mené une étude minutieuse en fonction des
6 critères qui viennent d’être décrits auprès de 12 patients (6 patients
avec lésions traumatiques et 6 patients avec lésions vasculaires). Cette
étude comportait différentes évaluations: a) une évaluation de la
fluence verbale (lecture à haute voix de mots isolés, de phrases courtes,
de paragraphes, monologues et conversations, langage automatique et
chant), b) deux échelles d’évaluation de la sévérité du bégaiement (par
le patient lui-même et par l’expérimentateur), c) une analyse des effets
d’adaptation en lecture à haute voix (masquage partiel par un bruit
blanc à 40dB, une lecture à l’unisson, le ralentissement du débit et la
lecture en frappant dans les mains à raison d’une syllabe par seconde)
et d) le relevé par le patient et par l’expérimentateur des compor­
tements secondaires. Les résultats recueillis plaident en faveur de l’hé-
térogénéité des patients qui présentent un bégaiement neurologique
tant leurs performances varient en fonction des différents critères pro-
posés.

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bégaiement neurologique, bégaiement développemental 87

À ce jour, il semble donc difficile de caractériser les troubles de la


fluence verbale et d’expliquer les comportements observés dans les
lésions neurologiques et ce, pour plusieurs raisons:
–  Les corrélats neuro-anatomiques propres au bégaiement neuro­
logique restent largement spéculatifs. Ce déficit de la fluence verbale
n’est pas corrélé à une lésion située dans une aire bien circonscrite du
système nerveux central. Ainsi, le bégaiement neurologique est-il asso-
cié à des lésions qui peuvent virtuellement, et à l’exception des lobes
occipitaux, affecter tous les lobes des deux hémisphères cérébraux
mais aussi le corps calleux, le thalamus, le tronc cérébral et le cervelet
(Lundgren, Helm-Estabrooks & Klein, 2010). Les étiologies neurolo-
giques sont elles aussi variées et concernent en priorité les accidents
vasculaires isolés ou multiples (Grant, Biousse, Cook & Newman,
1999) et les traumatismes crâniens et, plus secondairement, des patho-
logies dégénératives telles que la maladie de Parkinson et la paralysie
progressive supra-nucléaire (Goberman, Blomgren & Metzger, 2010;
Leder, 1996), des états épileptiques (Lebrun, 1991) et des pathologies
métaboliques avec effet global sur le système nerveux central.
–  Se pose aussi régulièrement la question de savoir si le bégaiement
acquis est un désordre ou un épiphénomène des désordres moteurs de
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la parole et/ou des manifestations aphasiques qui lui sont souvent asso-
ciées et ce, même s’il existe par ailleurs des formes isolées. Des cas de
bégaiement sont en effet relevés dans le contexte d’aphasies ano­
miques, d’aphasies de Wernicke, d’aphasies de conduction et d’apha-
sies de Broca. Certains d’entre eux, qualifiés davantage de dysfluences
apparentées au bégaiement, pourraient n’être qu’une manifestation du
manque du mot ou des efforts fournis par certains aphasiques de
conduction dans leurs tentatives multiples d’autocorrections des para-
phasies phonémiques. D’autres bégaiements font partie intégrante des
désordres moteurs de la parole tels que l’apraxie de la parole et les
dysarthries (et principalement les dysarthries hypokinétiques). De ­telles
dysfluences seraient davantage assimilées aux efforts fournis par le
patient apraxique pour obtenir les positions articulatoires correctes
nécessaires à la coarticulation des phonèmes tandis que, dans les patho-
logies extrapyramidales, les dysfluences comporteraient des répétitions
et prolongations des syllabes initiales de mots fonctionnels et à contenu
courts, avec un effet positif de l’adaptation. Ainsi, par exemple, dans
les déficits extrapyramidaux, la «palilalie» est décrite comme une

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forme de dysfluence qui se manifeste par la répétition d’un mot, d’un


syntagme ou d’une phrase produite à une vitesse croissante et avec une
intelligibilité décroissante. À l’inverse du bégaiement qui se caracté-
rise par des répétitions, prolongations ou suspensions involontaires des
phonèmes correctement produits d’un point de vue articulatoire et à un
rythme relativement stable.
–  Enfin, sans les confondre avec les bégaiements psychogéniques
qui surviennent en l’absence de toute lésion cérébrale, certains bégaie-
ments neurologiques pourraient constituer, chez certains patients du
moins, une réaction psychologique à la survenue de déficits aphasiques
ou de la parole ou, plus généralement, aux conséquences de l’atteinte
cérébrale (Duffy, 2005). Ces composantes ne sont que rarement prises
en compte dans l’évaluation des bégaiements neurologiques qui se
limite le plus souvent à l’évaluation perceptive des caractéristiques de
la fluence verbale.
L’élucidation des mécanismes neurologiques des phénomènes de
bégaiement acquis mériterait des investigations plus précises telles que
celles qui ont été conduites en imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle sur des groupes de patients bègues développementaux
et  de patients non bègues en privilégiant les cas neurologiques où le
bégaiement est isolé ou, à tout le moins, nettement dominant (cf. ce
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