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5. o. m. c. E.

geait fréquemment en Grande-Bre-


tagne, aux Etats-Unis et en Améri-
que du Sud. Il s'était brouillé avec
son demi-frère, un avocat internatio-
nal connu. 11 recevait ses amis, fré-
quentait. le Jockey-Club, menait une
E espion vie de dilettante, frappait par sa
gaieté, son dynamisme avec, en même
temps, quelque chose de blasé.

qui venait -- Avait-il une activité politique ?


— Il n'est pas gaulliste. Pendant la
guerre d'Algérie il a réagi comme

de la «haute» tous les officiers français, et regretté


la perte de notre empire. Il est un
partisan convaincu de l'alliance at-
lantique. Il a déploré la position
* L'homme que Pompidou prise par le gouvernement français


dans l'affaire Ben Barka (car on a
a lui-même choisi pour être fait trop de bruit, disait-il) et la crise
le chef de l'espionnage français du Proche-Orient. A plusieurs repri-
ses, il est intervenu en faveur du
maréchal Juin. Quand le général de
« Les gens du S.D.E.C.E, Gaulle s'est déchaîné contre Juin, _
sont comme vous : ils cher- Alexandre de Marenches est allé voir
chent des renseignements... Messmer et lui a dit : « Vous n'allez
sur leur nouveau patron... » pas laisser un maréchal de France
Il est 18 heures, lundi dernier, utiliser le métro en lui retirant sa
dans un bar, avenue des Champs- voiture et son chauffeur ? »
Elysées. L'homme' qui tient ces pro-
pos a cru bon d'entourer notre en- - Habitué À -l'argent
tretien de précautions mystérieu-
ses. (« Je porterai un monocle, cela « L'année dernière, souligne-t-il,
vous permettra de me reconnaître. ») Alexandre de Marenches à été pro-
Il a la soixantaine sportive, élégante mu au grade de commandeur de la
(blazer de flanelle, décorations dis- Légion d'honneur pour services ren-
crètes...) et méfiante (il se tait dès dus au gouvernement. Il n'a rien fait
que le garçon approche). de clandestin. Ce n'est pas un
e Mais oui, mon cher, pas un mem- homme qui fouille dans les corbeilles
bre de « la piscine » (1) ne le con- à papier. Il laisse à d'autres ce genre
naît encore, poursuit-il. Ils s'en font de besogne. Quand Juin était
une fausse image : un espion de ci- commandant en chef pour le Centre-
néma. Mais non ! c'est un aristocrate Europe des forces de l'O.T.A.N.,
fortuné, aimable, ayant le goût du Marenches avait rencontré de nom-
contact humain... Un homme ouvert, breuses personnalités civiles et mili-
mais oui ! je ne peux mieux vous taires de Grande-Bretagne et des
dire : consultez le Bottin mondain, Etats-Unis. Il avait le contact facile.
c'est encore là que vous trouverez les On lui a demandé d'en profiter. Il
meilleurs renseignements... » a assuré en quelque sorte des liai-
Comte Alexandre de Marenches, sons délicates.
colonel, membre du Jockey-Club, — Pourquoi a-t-il été dé'signé comme
chevalier de Malte, né en 1921... nouveau directeur du S.D.E.C.E. ?
« Mais non, ils le rajeunissent ! — D'abord en raison de sa fortune,
S'il était né en 21, il n'aurait eu que qui le rend indépendant. 11 n'aura
22 ans quand je l'ai rencontré pour ALEXANDRE pas, comme ses prédécesseurs, le
la première fois.-C'est tout à fait im- DE MARENCHES souci de faire une carrière, de don-
probable... » « A assuré ner satisfaction, d'orienter les ren-
des liaisons e,seignements dans le sens souhaité
Pas gaulliste délicates » < Par le gouvernement. Il dira les cho-
ses telles qu'elles sont et- pourra se
1943 : celui qui sera nommé, retirer quand il le voudra.
vingt-sept ans plus tard, par Pompi- J'ai vu descendre d'une voiture un » Le S.D.E.C.É. a commencé par
Après Monte Cassino, Alexandre
dou (2) — sur recommandation,
de Marenches ne va plus quitter le homme de grande taille (1 m 83), faire du renseignement militaire, puis
dit-on, de son beau-frère, M. Cas- bâti en athlète, le visage barré par
généralrJuin, dont il deviendra l'aide un renseignement politique qui a
tex — patron du S.D.E.C.E. est un une moustache noire, et ressemblant
de camp, l'ami, le éonfident et l'avo- provoqué une série de crises graves
jeune aspirant de cavalerie. Engagé cat. Rejoint-il la résistance française? à un colonel de gendarmerie. Nous parmi les 2 000 agents civils et mili-
volontaire en 1939 dans une unité nous sommes reconnus. Nous avons
Gagne - t - il Londres ? Entre-t-il taires. Marenches va orienter ses
blindée, il a de qui tenir : son père bavardé. Il revenait de sa propriété, services vers le renseignement écono-
dans ,les services spéciaux de la
fut l'aide de camp de Pershing. Eva- France libre ? Mon interlocuteur est les Hautes Terres, située -près de mique. Il n'oubliera pas ses amitiés
dé de France par l'Espagne pour Grasse.
muet. Tout au plus admet-il que la anglaises et américaines. Il va veiller,
rejoindre Juin, il doit à sa parfaite
carrière militaire du jeune aspirant — Que faisait-il alors ? aussi, à ce que les activités du ser-
connaissance de l'anglais d'être nom-
a été brillante et rapide. — On a dit qu'il était entré dans vice secret français soient plus sé-
mé officier de liaison auprès des rieuses. Un agent capable de voler
Anglo-Saxons pendant la campagne Mais pour lui, Marenches n'était le secteur privé. C'est ridicule. Il di-
pas encore colonel — comme l'indi- rigeait une petite affaire d'adoucis- une feuille blanche dans le coffre-
d'Italie. fort d'un chef de gouvernement est
que sa biographie officielle commu- seurs d'eau pour se distraire, mais
(1) La caserne des Tourelles, siège niquée par le ministère des Armées gérait surtout une fortune héritée de préférable à un agent qui se croit
du Service de Documentation exté-
— quand il a quitté l'armée, en sa mère, qui est morte rannée der- informé parce qu'il rédige de bril-
rieure et de Contre-espionnage, est -

lants rapports ..qui se révèlent sou-


ainsi appelée en raison de la proxi- 1946. « Il a gravi les échelons après nière, et de sa femme, une jolie
mité de la fameuse piscine des Tou- son retour dans la vie civile, il a dû Ecossaise, Lillian Mary Witchell, vent inexacts. Enfin, le S.D.E.C.E.,
relles. suivre avec application les _stages dont il a eu un enfant, Anselme. Il dont .le budget de fonctionnement
(2) Depuis l'affaire Ben Barka, le
d'officiers de réserve... allait et venait entre son apparte- atteindra l'année prochaine 25 mil-
S.D.E.C.E. n'était -plus rattaché au lions 656 156 F a besoin d'un ges-
Premier ministre, mais au ministre ment de l'avenue du Maréchal-Lyau-
des Armées. Le Chef de l'Etat serait, — Où l'avez-vous revu après la tionnaire, c'est-à-dire d'un homme
tey, à Paris, le château qu'il possède
cette fois, intervenu personnellement guerre ? à Gaillon, dans l'Eure, ses proprié- habitué à l'argent... »
pour imposer son protégé à Michel
Debré. — Sur une route près de Fréjus.
, tés de Tanger et de Grasse. Il voya- JEAN PIERRE JOULIN
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Le Nouvel Observateur Page 27

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