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LA PANCREATITE AIGUË 

: SIGNES, DIAGNOSTIC, TRAITEMENT

Pr. O KA M1, le 05 février 2015

OBJECTIFS

1. Définir la pancréatite aiguë (P.A).

2. Décrire le drame pancréatique de DIEULAFOY et les signes physiques


de la P.A.

3. Enoncer le pronostic de la P.A. à partir des critères clinico-biologiques


de RANSON et du score tomodensitométrique de BALTHAZAR

4. Citer 5 formes compliquées et 10 groupes de causes de la P.A.

5. Planifier le traitement d’une P.A.

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LA PANCREATITE AIGUË
Pr. O KA M1, le 05 février 2015
I. GENERALITES
I.1. Définition
La pancréatite aiguë est une inflammation brutale, oedémateuse ou
nécrotico-hémorragique de la glande pancréatique, responsable de son
autodigestion par activation enzymatique prématurée.
I.2. Intérêt
Il s’agit d’une véritable urgence médicochirurgicale menaçant le
pronostic vital (urgence de MONDOR) avec une mortalité globale de 20%.
Son l’incidence varie dans les pays développés de 5 à 80 pour 100.000
habitants. Elle est rare au Sénégal. Sa prise en charge a bénéficié des
progrès diagnostiques de la tomodensitométrie abdominale et des avancées
thérapeutiques de la sphinctérotomie endoscopique.
I.3. Rappels
I.3.1. Anatomie et histologie du pancréas (Cf Power Point)
I.3.2. Physiopathologie
A l’état physiologique, les enzymes du suc pancréatique sont présentes
dans les cellules acinaires sous forme inactive : le trypsinogène contenu
dans les granules de zymogène. Le trypsinogène n’est activé en trypsine que
dans l’intestin par l’entérokinase.
A l’occasion d’une hyper pression intracanalaire (par obstruction ou
par hypertonie du sphincter d’ODDI ou par hyperviscosité du suc
pancréatique), il s’en suit une hyperpression au sein du parenchyme
pancréatique. Les granules de zymogène fusionnent avec les lysosomes
contenant les protéases (catepsine B) d’où l’autoactivation précoce du
trypsinogène en trypsine dans le parenchyme pancréatique. Cette
autoactivation conduit à la libération de nombreux agents toxiques : les
phospholipases A, la bradykinine B2, les cytokines qui seront responsables
de l’autodigestion plus ou moins sévère du parenchyme pancréatique avec
des lésions d’œdème (pancréatite aiguë œdèmateuse, moins grave) ; de
nécroses et d’hémorragies (pancréatite aiguë nécrotico-hémorragique, plus
grave avec constitution d’un iléus intestinal ; d’un 3ème secteur abdominal ;

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d’un choc hypovolémique, d’une infection des foyers de nécrose, d’un choc
septique prélude d’une défaillance multiviscérale).

II. SIGNES
II.1. TDD : Pancréatite aiguë dans sa forme habituelle
II.1.1. Interrogatoire
II.1.1.1. Les antécédents
Il faudra rechercher une notion de lithiase biliaire, d’alcoolisme,
d’hypertriglycéridémie, d’hypercalcémie, d’infection virale récente ou de
traumatisme abdominal violent.
II.1.1.2. Les signes fonctionnels
La douleur abdominale est le maître-symptôme. Elle survient le plus
souvent après un repas copieux ou après ingestion d’alcool. Elle est
d’apparition brutale, de siège épigastrique irradiant en barre ou transfixiante
vers le dos, Elle est intense, rapidement croissante, devenant insoutenable,
rebelle aux antalgiques habituels, chez un patient adoptant « la position en
chien de fusil ». Elle dure 24 à 48 h mais peut persister pendant plusieurs
jours.
Elle s’associe à des nausées et à des vomissements. Il existe parfois un
arrêt des matières et des gaz.

II.1.2. Les signes généraux


Il existe un état de choc, avec un patient agité, confus, couvert de
sueurs, une respiration superficielle, des extrêmités froides, un pouls filant,
une tension artérielle effondrée. La température est normale ou atteint atteint
38°,5 C. Ces signes de choc associés à la douleur abdominale réalisent le
drame pancréatique de DIEULAFOY

II.1.3. Les signes physiques


Il note un contraste entre la discrétion des signes physiques et la
gravité des signes généraux.
II.1.3.1. Inspection

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Il existe un discret météorisme abdominal. L’abdomen respire bien. La
présence d’ecchymoses péri ombilicales (S. de Cullen), d’ecchymose des
flancs (S. de Grey Turner) associées à de signes de choc, constitue un élément
clinique de gravité.
II.1.3.2. Palpation
Il existe une douleur provoquée à la palpation de l’angle costo-
vertébrale gauche (signe de MAYO ROBSON) ; douleur sous costale gauche
(signe de MALLET GUY) et une défense épigastrique.
II.1.3.3. L’auscultation pulmonaire
Elle recherchera une pleurésie gauche ou des râles crépitants à la base
pulmonaire.

II.1.4. Les examens complémentaires


II.1.4.1. La biologie
L’ hyperamylasémie est supérieure à 3 fois la normale (N< 37 UI/l).
Son élévation est précoce, elle se normalise dans les jours qui suivent avec
apparition d’une hyperamylasurie (N< 140 UI/l).
L’hyperlipasémie est supérieure à 3 fois la normale. Son élévation est
retardée par rapport à l’hyperamylasémie et dure plus longtemps.
Il existe une hyperleucocytose et une élévation de la CRP (la CRP>150 mg/l
est un critère biologique de gravité).
Les hémocultures rechercheront une surinfection.
La biologie aide à l’établissement du score pronostic clinico-biologique de
RANSON (Cf Pronostic).

II.1.4.2. L’imagerie
- L’ASP : anse sentinelle ou aéro-iléie au niveau de l’hypocondre gauche
traduisant la distension de l’angle duodénojéjunal.
-La radiographie du thorax : pleurésie gauche, atélectasie.
- L’échographie abdominale : elle est gênée par l’iléus. Elle visualise
difficilement le pancréas qui est hypertrophié et hypoéchogène plus ou moins
associé à un épanchement péritonéal. Elle recherchera une lithiase biliaire.

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- La tomodensitométrie abdominale (+++) : examen de référence, permet
d’établir le diagnostic positif avec un pancréas hypertrophié hypodense ou
hétérogène aux limites floues avec épaississement des fascias. Il existe des
coulées de nécrose pancréatiques dans le petit épiploon, dans l’espace
rétropéritonéal, dans les gouttières para rénales.
Elle recherche des complications à type d’épanchement péritonéal, de
thrombose mésentérique, d’abcès pancréatique ou de perforation digestive
avec un pneumopéritoine.
Elle recherchera une étiologie notamment biliaire et déterminera le pronostic
par l’index de gravité scannographique de BALTHAZAR dans les 24 à 48
heures.
- L’écho endoscopie bilio-pancréatique ne sera effectuée que si une lithiase
biliaire suspectée, n’a pas été retrouvée par les explorations précédentes.

II.1.5. Evolution
Elle peut se faire vers la guérison en quelques jours (formes mineures).
La récidive est possible en l’absence de suppression de la cause.
Les formes graves évoluent souvent vers des complications (cf formes
compliquées) pouvant aboutir au décès du patient.

II1.6. Pronostic
Le score bio-clinique de RANSON et l’index de gravité scannographique
de BALTHAZAR permettent de reconnaître la gravité potentielle d’une
pancréatite aiguë, d’en déterminer le pronostic et d’adapter le traitement.
II.1.6.1. Le score de RANSON
Il comporte 11 critères bio-cliniques dont 5 mesurés à l’admission et 6
dans les 48 heures.

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A l’admission Durant les 48 premières heures

Baisse de l’hématocrite > 10%


Age > 55ans Elévation urée sanguine > 1,8 mmol/l
Globules blancs > 16 000/mm3 Calcémie < 2 mmol/l
Glycémie >11 mmol/l ou 2g/l (sauf diabète) Pa O2 < 60 mmHg
LDH > 350 UI/l (> 1,5 N) Chute des biccarbonates > 4 mEq/l
ASAT > 250 UI/l (> 6 N) Séquestration liquidienne > 6 litres

La pancréatite aiguë est grave s’il y a plus de 3 critères avec une mortalité
variant de 16 à 100%.

II.1.6.2. L’index de gravité scannographique de Balthazar


Il permet d’évaluer le pronostic en cotant l’aspect du pancréas et
l’étendue de la nécrose.

Grade Nécrose pancréatique


Grade A : pancréas normal 0pt Pas de nécrose 0pt

Grade B : élargissement du pancréas 1pt Nécrose < 30% 2pts

Grade C : infiltration de la graisse péripc. 2pts Nécrose entre 30 et 50% 4pts

Grade D : coulée de nécrose péripc. unique 3pts Nécrose > 50% 6pts

Grade E :>une coulée de nécrose péripanc. ou


présence de bulles d’air 4pts

L’index est calculé par la somme des points. Lorsqu’il est inférieur ou
égal à 3, la mortalité est de 3% ; lorsqu’il est compris entre 4 et 6, la
mortalité est de 6% ; lorsqu’il est entre 7 et 10, la mortalité est > 17%.

II.2. FORMES CLINIQUES


II.2.1. Formes symptomatiques
- Formes atténuées
Il s’agit de formes bénignes. La douleur abdominale est modérée et
transitoire. Les autres signes sont absents.
- Formes graves d’emblée

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Il existe une défaillance viscérale au stade initial de la poussée
(détresse respiratoire ; défaillance cardio-vasculaire ou une oligoanurie ;
insuffisance hépatocellulaire, encéphalopathie pancréatique).

II.2.2. Formes anatomopathologiques


- Pancréatite aiguë œdèmateuse : représente 90% des cas de
pancréatite aiguë ; la mortalité est faible. Le pancréas est
turgescent, mou, luisant. L’inflammation évolue en général vers la
guérison spontanée en quelques jours.
Pancréatite aiguë nécrotico-hémorragique  : représente 10% des
cas ; la mortalité est de 20%. Le pancréas est le siège de lésions
nécrotiques et hémorragiques plus ou moins étendues. Autour des
foyers de nécrose, existent de véritables coulées extensives et
destructrices ; la nécrose graisseuse ou cytostéatonécrose se présente
sous forme de tâches blanc jaunâtres disséminées dans la cavité
péritonéale « en tâches de bougie ». Il existe un exsudat péritonéal
hémorragique. Les exsudats peuvent traverser le diaphragme et
déterminer une pleurésie riche en amylase.

II.2.3. Formes compliquées


- Formes hémorragiques  : avec hémopéritoine, hémorragie digestive
- Perforation digestive  : avec un tableau péritonite asthénique
- Survenue d’un diabète par nécrose étendue du pancréas
- Surinfection des foyers de nécrose  et abcès pancréatiques:
responsable d’une mortalité à 80%.
- Complication tardive : constitution d’un faux kyste du pancréas
(pseudokyste) appelée « tumeur fantôme ». Ce sont des formations
liquidiennes collectées sans parois propres résultant de la
liquéfaction de la nécrose pancréatique. Ils se forment dans les 6
semaines qui suivent l’épisode de pancréatite aiguë. Ils peuvent se
résorber, persister, comprimer l’estomac ou les voies biliaires, se
surinfecter ou se fistuliser dans un viscère creux.

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II.2.4. Formes associées
- Pancréatite aiguë associée à une angiocholite aiguë : associant
un ictère fébrile.

III. DIAGNOSTIC
III.1. DIAGNOSTIC POSITIF
Il sera posé devant l’apparition du drame pancréatique de DIEULAFOY
associé à des troubles du transit intestinal chez un patient présentant un
météorisme abdominal, une défense épigastrique. La biologie retrouve une
hyperlipasémie et une hyperamylasémie supérieure à 3 fois la normale.
L’échographie et la tomodensitométrie confirment l’inflammation
pancréatique.

III.2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL


III.2.1. Urgences médicales
Crise hyperalgique d’ulcère gastro-duodénal; crise aiguë abdominale
vaso-occlusive chez le drépanocytaire ; infarctus du myocarde à
symptomatologie abdominale.

III.2.2. Urgences chirurgicales abdominales


Les autres urgences de Mondor (perforation d’ulcère duodénal ;
appendicite aiguë ; infarctus mésentérique ; grossesse extra-utérine rompue
chez la femme) ; Les autres causes de péritonite aiguë ; les autres
causes d’occlusion intestinale aiguë.

III.3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE


III.2.1. Pancréatites aiguës biliaires
Elles compliquent une migration de lithiase biliaire dans le cholédoque
venant s’enclaver dans l’ampoule de Vater. Elles représentent 50% des
causes de pancréatites.
III.2.2. Pancréatites aiguës alcooliques
Elles représentent 30% des causes de pancréatites.
III.2.3. Causes tumorales

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Ampullome vatérien ; tumeur du pancréas
III.2.4. Causes malformatives
Pancréas divisum, pancréas annulaire.
III.2.5. Causes métaboliques
Hypercalcémie, hypertriglycéridémie.
III.2.6. Causes infectieuses
Bactériennes (Mycoplasma pneumoniae), virales (oreillons, CMV) et
parasitaires (ascaris, douve).
III.2.7. Causes iatrogènes chirurgicales
Chirurgie bilio-pancréatique, sphinctérotomie endoscopique.
III.2.8. Causes iatrogènes médicamenteuses
Les immunosuppresseurs, les corticoïdes, le furosémide, les
tétracyclines, l’érythromycine, le cotrimoxazole, la cimétidine.
III.2.9. Causes traumatiques
Contusions abdominales.
III.2.10. Causes auto-immunes
Périartérite noueuse, le Lupus érythèmateux aigu disséminé.
III.2.11. Causes idiopathiques

IV. TRAITEMENT
IV.1. BUTS
Lutter contre la douleur, préserver le pronostic vital, prévenir les récidives.
IV.2. MOYENS ET METHODES
IV.2.1. médicaux et hygiéno-diététiques
Hospitalisation en Unité de soins intensifs. Arrêt de l’alimentation
orale, de l’alcool et des médicaments pancréato-toxiques ; Mesures de
réanimation : SNG en aspiration ; SAD ; O2 ; rééquilibration hydro-
électrolytique (perfusion de 3 litres de SSI et SGI ou de macromolécules) ;
Transfusion de culots globulaires  et de facteurs de la coagulation; nutrition
parentérale. IPP; Antalgiques (Paracétamol 1g x4/j ; Tramadol 100mg x3/j ;
Morphiniques : buprénorphine=temgésic injectable : 1 amp de 0,3 mg x3/j) ;
xylocaïne à la SE. Antibiothérapie (ciprofloxacine 200mg x2/j ; Amoxicilline-
acide clavulanique 1g x3/j ; insulinothérapie ; anticoagulation.

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IV.2.2. Interventionnels
Sphinctérotomie endoscopique, drainage percutané radiologique
biliaire ; drainage percutané des abcès et collections ; kystogastrostomie
endoscopique. Hémostase par embolisation radiologique.
IV.2.3. Chirurgicaux
Cholécystectomie ; nécrosectomies ; drainage chirurgical des abcès et
collections ; dérivations kysto-digestives. Hémostase chirurgicale.
IV.3. INDICATIONS
Hospitalisation en service de Gastro-entéro (en l’absence de gravité) ou
en réanimation (devant des signes de gravité). ttt médical dans tous les cas.
IV.3.1. Pancréatite aiguë non compliquée
Traitement médical
IV.3.2. Pancréatite aiguë avec angiocholite
Traitement médical avec sphinctérotomie endoscopique ou drainage
biliaire percutanée en urgence.
IV.3.3. Pancréatite aiguë et collections ou nécroses infectées
Traitement médical et drainage percutané ou drainage chirurgical avec
nécrosectomie.
IV.3.4. Pancréatite avec perforation digestive
Traitement médical et traitement chirurgical de la péritonite et de sa
cause.
IV.3.5. Pancréatite avec hémorragie
Traitement médical et hémostase par embolisation radiologique ou
hémostase chirurgicale.
IV.3.6. Pancréatite sur lithiase biliaire
Traitement médical. Cholécystectomie différée.
IV.3.7. faux kyste du pancréas : dérivation kysto-digestive.
IV.3.8. Traitement étiologique des autres causes

CONCLUSION
La pancréatite aiguë est une affection grave dont le pronostic dépend
étroitement de la rapidité et des conditions de la prise en charge. la
diminution de sa prévalence passe par le traitement des lithiases biliaires ;

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la lutte contre l’alcoolisme et par le prescription mesurée des médicaments
pancréato-toxiques.

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