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Législatives : la participation électorale
sera décisive sur l’issue du second tour
PAR MATHILDE GOANEC
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 13 JUIN 2022
Dans un bureau de vote du Touquet, le 12 juin 2022. © Photo Ludovic Marin / AFP
Près de 53% des électeurs se sont abstenus
lors du premier tour des législatives, un score
historique. Conséquence, il n’y aura quasiment aucune
triangulaire. La mobilisation des électeurs et le report
des voix du RN va peser lourd pour départager les
candidats de la majorité présidentielle et ceux de la
Nupes.
Plus de la moitié de l’électorat ne s’est pas déplacé
pour le premier tour des législatives. Un résultat qui
confirme la tendance devenue lourde depuis 1993: une
participation à chaque fois plus faible pour ce scrutin,
rendue au niveau des élections européennes.
Avec plus de 52,6% d’abstention, soit un gros point
de plus qu’en 2017, le record est sans surprise
une nouvelle fois dépassé. « C’est effectivement
historique, rappelle Patrick Lehingue, professeur de
sciences politiques à l’université de Picardie. Bien
maigre consolation, la progression par rapport à 2017
est finalement moins forte qu’on pouvait le craindre. »
Pas de chute vertigineuse donc, mais 26points de
participation en moins que pour le premier tour de
la dernière présidentielle. Ces chiffres confirment
la difficulté du personnel politique à mobiliser
l’électorat pour une élection mal-aimée, mal comprise,
victime collatérale du présidentialisme français et de
l’inversion du calendrier électoral.
Si les tendances lourdes sont à nouveau confirmées
cette année – l’écart entre les jeunes et les retraités,
entre les ouvriers et les cadres, entre les centres
urbains et leurs banlieues –, les scores des différentes
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formations politiques au regard de l’abstention offrent
quand même quelques surprises. Ces écarts pénalisent
traditionnellement le Rassemblement national (RN) et
La France insoumise (LFI).
Or les résultats du premier tour montrent que l’union
a permis d’éviter cette fois-ci à la gauche de se
prendre trop frontalement le mur de l’abstention. «
Les électeurs de Macron se sont mobilisés, comme
d’habitude en raison de leur sociologie favorable,
mais ceux de Mélenchon aussi, constate Patrick
Lehingue. Il a, de ce point de vue là, relativement
réussi son coup. » En 2017, LFI seule plafonnait à 11%
des suffrages exprimés quand toute la gauche cumulée
obtenait 27,5%.
L’attitude des électeurs RN scrutée comme du
lait sur le feu
Mobiliser pour le second tour devient dès lors vital
pour chacun des camps. La règle du scrutin législatif,
qui exige que le candidat obtienne minimum 12,5 %
des inscrits pour se qualifier, cumulé à un si faible
taux de participation, conduit à quelques rarissimes
triangulaires – quand trois candidat·es sont qualifié·es
pour le second tour – et à un grand nombre de duels
entre la majorité présidentielle et la Nouvelle Union
populaire écologique et sociale (Nupes).
L’attitude des électeurs du troisième bloc identifié lors
de la présidentielle, celui mobilisé autour du RN, est
donc scrutée comme du lait sur le feu. Marine Le
Pen a bien compris l’enjeu, elle qui, dès les résultats
connus, mettait ses électeurs et électrices en garde : «
J’invite à ne pas choisir entre les destructeurs d’en
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haut et les destructeurs d’en bas, a déclaré la patronne
de l’extrême droite. La France n’est ni une salle de
marché ni une ZAD. »
Dans un bureau de vote du Touquet, le 12 juin 2022. © Photo Ludovic Marin / AFP
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il fait face au mauvais
côté de l’union dès le premier tour, puisqu’elle prive
ses candidat·es de réserves de voix pour le second. Il
a donc choisi une tonalité très sobre en s’adressant
au «peuple » et tente un exercice d’équilibriste:
remobiliser les abstentionnistes, notamment chez les
plus jeunes, et rallier la frange de l’électorat RN la
plus sensible aux questions économiques et sociales,
souvent dans un rejet viscéral du président de la
République.
« J’appelle à déferler dimanche prochain pour rejeter
définitivement les projets funestes de la majorité de
monsieur Macron, a déclaré le leader de l’Union
populaire. En se mobilisant toutes et tous et d’abord
dans la jeunesse et dans les milieux populaires si
durement éprouvés. » Et de poursuivre en demandant à
« ceux qui se sont affrontés » de regarder ce deuxième
tour « non seulement sous l’angle des projets, des
étiquettes mais dans l’intérêt général de la patrie et du
peuple ». Des mots choisis.
Plusieurs chercheurs mettaient en garde, dimanche
12juin, et appelaient à la plus grande prudence sur
les projections en nombre de sièges à l’Assemblée
nationale au regard des résultats du premier tour.
En effet, en 2017, six points séparaient le niveau
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d’abstention du premier et du second tour et l’analyse
électorale montre également qu’entre 10 et 15% des
inscrits passent généralement du vote à l’abstention et
vice-versa.
« Ça peut partir dans tous les sens, avertit Patrick
Lehingue. Dans le cadre d’un duel LREM contre la
Nupes, que va faire un électeur RN? Nul ne peut le dire
avec précision. Face à un affrontement RN-LREM,
que va choisir un électeur Nupes? La politique du pire,
l’abstention ou le vote pour Macron? »
Du côté de la droite, le score plutôt honorable après
l’échec de la présidentielle de Les Républicains (LR)
leur permet de se maintenir dans un certain nombre
de circonscriptions. Mais partout ailleurs, ils offrent
à la majorité présidentielle une réserve de voix non
négligeable.
Dans le cas où cette dernière ne serait pas au second
tour, la règle ne semble pas clairement définie.
Pas de consigne de vote entre l’extrême droite et
Nupes nationalement, les candidat·es se prononceront
au « cas par cas », a expliqué la porte-parole du
gouvernement Olivia Grégoire, quand d’autres, tels le
ministre Clément Beaune ou la porte-parole du parti
Maud Bregeon, ont appelé à voter pour la gauche unie
en cas de duel avec le RN.
« Nous avons une semaine pour obtenir une majorité
forte et claire, a de son côté déclaré la première
ministre Élisabeth Borne après l’annonce des résultats.
Nous ne pouvons pas prendre le risque d’instabilité.
Nous ne céderons rien aux extrêmes. » Il semble donc
fort probable que la stratégie de la fin de campagne
de premier tour soit poursuivie pendant les sept jours
qui le séparent du second, du côté des candidats
macronistes: marteler qu’en cas de victoire Nupes, la
France sombrerait dans le chaos.
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