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LAUDATO SI : L’ENCYCLIQUE DU PAPE FRANÇOIS SUR LA SAUVEGARDE

DE LA MAISON COMMUNE

André-Hubert Mesnard

Lavoisier | « Revue juridique de l’environnement »

2015/4 Volume 40 | pages 603 à 614


ISSN 0397-0299
Article disponible en ligne à l'adresse :
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environnement-2015-4-page-603.htm
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ARTICLES a

LAUDATO SI : L’ENCYCLIQUE


DU PAPE FRANÇOIS SUR LA SAUVEGARDE
DE LA MAISON COMMUNE
André-Hubert MESNARD
Professeur émérite à l’université de Nantes

Résumé Dans l’encyclique « Laudato si » (« loué sois-tu ») le pape se « propose


spécialement d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune ». Ses
sources sont diverses, multiples et riches. Ce sont d’abord les interventions de ses pré-
décesseurs immédiats depuis les années 60. Mais l’encyclique du pape François est
la première qui soit entièrement consacrée à l’écologie, définie comme une écologie
humaine intégrale, dans la triple relation constitutive de tout humain : relation à l’autre,
à la terre et à Dieu. Le principe du bien commun est inséparable de l’écologie. C’est un
appel aux dialogues bien organisés, transparents et systématiques, tout autant qu’un
appel à une conversion écologique généralisée. On relèvera des éléments importants
pour les négociations en cours sur le climat, et la conférence de Paris.
Mots clés : Encyclique du pape François, écologie, bien commun.

Summary Laudato si:The Pope Francis’ encyclical on care for our common
home. In the encyclical “Laudato si” (“Praise be to you”), the pope “proposes spe-
cially to engage in dialogue with everyone about our common home”. His sources
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are various and rich. There are firstly predecessors’ interventions since 60’s. But
the Pope Francis’ encyclical is the first which is completely dedicate to ecology,
defined as an integral human ecology, in the three relations constituent of each
human: relationship to each other, to the earth and God. The principle of common
good is inseparable of ecology. It’s an invitation to a transparent and automatic
dialogue as well as an invitation to a widespread ecological conversion. We can
note important elements for the current negotiations about the Climate Change
Conference in Paris.
Keywords: Pope Francis’encyclical, Ecology, Common good.

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Présentée le 18 juin dernier à Rome1 c’est l’aboutissement d’un long travail collectif,
nourri de textes pontificaux antérieurs et de l’expérience personnelle, latino-améri-
caine, de Jorge Bergoglio, devenu le pape François.

Le mode de présentation de l’encyclique entend signifier sa destination universelle :


en plus du cardinal Peter Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, trois
autres personnalités ont été conviées à la présentation : le métropolite orthodoxe
John Zizioulas, représentant le patriarche œcuménique Bartholomée, longuement
cité dans l’encyclique (aux § 8 et 9), le climatologue allemand John Schellnhuber,
et l’économiste américaine Caroline Woo, du réseau Caritas. Tout ceci pour bien
marquer la destination de l’encyclique, universelle, et non strictement réservée aux
croyants, et encore moins aux seuls catholiques.

D’ailleurs qu’est-ce qu’une encyclique ? C’est une lettre solennelle (circulaire) adres-
sée par le pape à l’ensemble des Églises2, ou à quelques-unes plus précisément,
en vertu de son magistère, de son pastorat suprême. Documents officiels les ency-
cliques ne comprennent pas nécessairement de nouvelles définitions dogmatiques
ni un enseignement définitif (c’est tout à fait exceptionnel et s’appuie alors expres-
sément et normalement sur un concile, réunissant les évêques du monde). Ainsi,
sauf déclaration expresse, les encycliques portent la marque de leur temps et des
circonstances. Elles se suivent et se complètent, les souverains pontifes veillant à
reprendre et à prolonger les encycliques de leurs prédécesseurs.

Le pape a situé résolument l’encyclique « Laudato si » dans la continuité de la doc-


trine sociale de l’Église catholique, de la réflexion propre au patriarche orthodoxe
Bartholomée, comme de l’enseignement de ses prédécesseurs : Jean XXIII, Paul VI,
Jean-Paul II, et Benoît XVI.
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Mais il y ajoute profondément sa marque : poésie, tendresse, émerveillement devant
la beauté de la nature, don de Dieu. Malgré les menaces qui pèsent sur la planète il
se refuse à tout moralisme et à toute condamnation définitive du monde. Son souci
de la collégialité le conduit à citer à de nombreuses reprises les déclarations épis-
copales du monde entier : Allemagne, Autriche, Bolivie, Brésil, Canada, République
Dominicaine, États-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Portugal…3

1 Sébastien Maillard, « Genèse d’une encyclique adressée à tous », La Croix 17 juin 2015 ;
La Croix, texte intégral de « Laudato si » 19 juin 2015 ; Pape François,  Laudato si, encyclique
sur la sauvegarde de la maison commune, co-édition Bayard, Cerf, Mâme ; Pape François,
Loué sois-tu, Laudato si, Encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, préfaces de
Nicolas Hulot et du cardinal Philippe Barbarin, Emmanuel-Quasar. Les numéros mis entre
parenthèses renvoient aux paragraphes de l’encyclique.
2 Jean Passicos, « Encyclique », Encyclopédia Universalis (en ligne).
3 Cf. René Poujol, « La création entre les mains de l’homme », La lettre des semaines
sociales, juillet 2015.

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L’encyclique est de plus le fruit d’un travail collectif ayant profité de nombreuses
contributions externes. Une première mouture a été élaborée par une vingtaine
de personnes, majoritairement des laïcs, autour du cardinal Turkson (du Dicastère
Justice et Paix). Le pape a vu cette ébauche, qui a servi de base à un nouveau texte,
transmis à la Congrégation pour la doctrine de la foi, et à la Secrétaire d’État (autant
d’instances du Vatican), « Afin qu’ils vérifient que je n’aie pas dit de sottises » a plai-
santé le pape. Puis le pape, enfin, a revu sa copie définitive.

Malgré toutes ces précautions, ou grâce à elles, l’écriture du texte n’est pas dog-
matique. « Sur beaucoup de questions concrètes, en principe, l’Église n’a pas de
raison de proposer une parole définitive et elle comprend qu’elle doit écouter puis
promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en respectant la diversité d’opinions  »
(61). « Dans certaines discussions sur des questions liées à l’environnement, il est
difficile de parvenir à un consensus. Encore une fois je répète que l’Église n’a pas la
prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer à la politique, mais
j’invite à un débat honnête et transparent, pour que les besoins particuliers ou les
idéologies n’affectent pas le bien commun » (188). Mais l’éthique a sa place dans ce
débat, et « le fait que les principes éthiques apparaissent dans un langage religieux ne
les prive pas de toute valeur dans le débat public » (199) Certains passages sonnent
d’ailleurs comme un « mea culpa » de l’Église : « Si une mauvaise compréhension
de nos propres principes nous a parfois conduits à justifier le mauvais traitement de
la nature, la domination despotique de l’être humain sur la création, ou les guerres,
l’injustice ou la violence, nous, les croyants, nous pouvons reconnaître que nous
avons alors été infidèles au trésor de sagesse que nous devions garder » (200, cf.
aussi 116, sur la démesure anthropocentrique).

Dans la présente encyclique, le pape se « propose spécialement d’entrer en dialogue


avec tous au sujet de notre maison commune » (3). Ses sources sont nombreuses
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et riches. Ce sont d’abord ses prédécesseurs immédiats depuis les années 60 du
siècle dernier. On doit d’ailleurs, à ce propos, remarquer que la montée en puissance
de l’écologie dans les préoccupations de l’Église est synchrone de celle des poli-
tiques publiques, nationales et internationales4. Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI ont
expressément parlé d’écologie dans leurs encycliques, devant l’ONU, la FAO, et le
corps diplomatique (3 à 7) et le patriarche orthodoxe Bartholomée est expressément
cité, au même niveau qu’eux (8 et 9), ainsi que saint François d’Assise (10 à 12).

Mais l’encyclique du pape François est la première qui soit entièrement consacrée
à l’écologie, définie comme une écologie humaine intégrale, dans la triple relation
constitutive de tout humain : relation à l’autre, à la terre et à Dieu. « Nous ne pouvons
pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir
toutes relations fondamentales de l’être humain (119).

4 cf.   Pour un engagement écologique, Paroles de chrétiens sur l’écologie : Simplicité et


Justice, Diocèse de Nantes, Paroles et Silence, 2014, 303 p.

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Le pape, dans son introduction (13 à 16), lance donc un appel à toute la famille
humaine pour sauvegarder « notre maison commune ». Il souhaite d’abord « saluer,
encourager et remercier tous ceux qui dans les secteurs les plus variés de l’activité
humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison que nous partageons »
(13). « Je voudrais, dit-il, avancer quelques grandes lignes de dialogue et d’action
qui concernent aussi bien chacun de nous que la politique internationale. Enfin et
puisque je suis convaincu que tout changement a besoin de motivations et d’un
chemin éducatif, je proposerai quelques lignes de maturation humaine inspirées par
le trésor de l’expérience spirituelle chrétienne » (15).

Certains « axes » traversent toute l’encyclique et sont constamment repris


et enrichis. Ce sont, selon le texte lui-même (16) « par exemple l’intime relation
entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans
le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui
dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre
l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de
l’écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité
de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d’un
nouveau style de vie. Ces thèmes ne sont jamais clos, ni ne sont laissés de côté,
mais ils sont constamment repris et enrichis ». On les retrouve souvent à plu-
sieurs reprises dans les six chapitres de l’encyclique. Un regard d’ensemble est
au cœur de « laudato si » : « quel monde voulons nous laisser à ceux qui nous
succèdent, aux enfants qui grandissent ; (ce qui) nous conduit inexorablement
à d’autres interrogations très directes : pour quoi passons-nous en ce monde,
pourquoi venons-nous à cette vie, pour quoi travaillons-nous et luttons-nous,
pour quoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? »

La structure et le plan de l’encyclique s’organisent en six chapitres qui suivent


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une démarche dans le détail de laquelle il sera ici difficile de rentrer, étant donné leur
richesse et leur densité5.

Le premier chapitre (17 à 61) est à l’écoute de « ce qui se passe dans notre
maison ». Reprenant les données scientifiques en matière d’environnement il pré-
sente les différents aspects de la crise écologique actuelle. Ainsi les changements
climatiques constituent « l’un des principaux défis actuels pour l’humanité ». « Le
climat est un bien commun, de tous et pour tous » (23), et son altération retombe
d’abord sur les plus pauvres ; » « L’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain
primordial, fondamental et universel » (30). Chaque année disparaissent des milliers
d’espèces végétales et animales que nous ne pourrons plus connaître, que nos
enfants ne pourront plus voir (33). Ces espèces, ressources exploitables, ont de
plus une valeur pour elles-mêmes dans la création. Elles sont fréquemment victimes

5 Nous nous inspirerons ici du résumé de l’encyclique fait par le conseil pontifical « Justice et
Paix », sans nous y tenir strictement, suite à nos propres lectures.

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de la finance et du consumérisme ; Il existe une véritable « dette écologique » et une


responsabilité spécifique des pays développés » (51).

Face à cela le pape souligne la faiblesse des réactions, malgré des exemples posi-
tifs. Nous n’avons pas encore la culture nécessaire pour faire face à cette crise (53)
et il « devient indispensable de créer un système normatif qui implique des limites
infranchissables et assure la protection des écosystèmes » (53). Plutôt que de conti-
nuer à pratiquer une écologie superficielle il nous faudra des décisions courageuses.

Dans le second chapitre (69 à 100), « L’Évangile de la création », le pape


François relit la Bible et évoque la « terrible responsabilité » (90) de l’être humain
dans son rapport avec la création, le lien intime entre toutes les créatures, et le fait
que « l’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la
responsabilité de tous » (95). Nous devons rejeter avec force que « du fait d’avoir été
créés à l’image de Dieu, découle pour nous une domination absolue sur les autres
créatures (…)  ». À l’homme incombe la responsabilité de « cultiver et protéger le
jardin du monde (cf. genèse 2,15) » (67).

Mais que l’homme ne soit pas le patron de l’univers « ne signifie pas que tous les
êtres vivants sont égaux ni ne retire à l’être humain sa valeur particulière… cela
ne suppose pas non plus une divinisation de la terre qui nous priverait de l’appel
à collaborer avec elle et à protéger sa fragilité » (90) ; Pour cela « toute cruauté
sur une quelconque créature est contraire à la dignité humaine » (92). Mais un
« sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si,
en même temps il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de
la préoccupation pour les autres êtres humains » (91). Encore une fois tout se tient.

Le Chapitre III recherche « La racine humaine de la crise écologique » (101 à 136).


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C’est un chapitre tout à fait essentiel et central « pour que nous ne considérions
pas seulement les symptômes, mais aussi les causes les plus profondes » (15),
dans un dialogue avec la philosophie et les sciences humaines sur la technologie.
L’écriture en est tout à fait balancée, insistant pour finir sur la nécessité de « garantir
une discussion scientifique et sociale qui soit responsable et large, capable de prendre
en compte toute l’information disponible et d’appeler les choses par leur nom (à partir
de) « diverses lignes de recherche, autonomes et interdisciplinaires » (135).

Ainsi en ce qui concerne les réflexions sur la technologie les aspects positifs pour
l’amélioration des conditions de vie sont salués (102 et 103), mais toutes ces avan-
cées « donnent à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique
d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité » (104).
Le paradigme technologique empêche de reconnaître que « le marché ne garantit
pas en soi le développement humain intégral » (109), d’où la nécessité d’une culture
écologique (111 à 114).

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L’époque moderne se caractérise par sa « démesure anthropocentrique » (116).


L’être humain est exclusivement centré sur lui et sur son propre pouvoir, ce dont
dérive une logique du « jetable », que son objet soit environnemental ou humain.
Face à ce rêve prométhéen de domination du monde (116) tout est lié, au détriment
du plus faible : la nature, le pauvre, l’embryon, le handicapé (117 à 121). Ce sont
évidemment là des passages très forts, pas faciles à admettre par tous.

Le progrès technologique doit préserver le travail, sous toutes ses formes, y com-
pris dans les projets de développement technologique (124 à 129). Le pape renvoie à
l’encyclique de Jean-Paul II « Laborem exercens ». On trouve ici toute une théologie
du travail : « Le travail devrait être le lieu de ce développement personnel multiple où
plusieurs dimensions de la vie sont en jeu : la créativité, la projection vers l’avenir, le
développement des capacités, la mise en pratique de valeurs, la communication avec les
autres » et même « une attitude d’adoration » ! (127). « Dans n’importe quelle approche
d’une écologie intégrale qui n’exclut pas l’être humain, il est indispensable d’incorporer
la valeur du travail » (124), « la création de postes de travail est une partie incontournable
du bien commun » (129). Il convient par exemple de soutenir les petits producteurs…

L’innovation biologique par la recherche prolonge et illustre ces réflexions sur la tech-
nologie (130 à 136) et appelle à « une discussion scientifique et sociale qui soit
responsable et large, autonome et interdisciplinaire (135). Il est difficile d’émettre
un jugement général sur les développements de transgéniques (OGM) végétaux ou
animaux. Ces mutations sont très souvent produites par la nature, mais selon un
rythme lent (133). Même si leur utilisation est à l’origine d’une croissance écono-
mique, il y a des difficultés importantes qui ne doivent pas être relativisées : diminu-
tion de la diversité productive et réduction du réseau complexe des écosystèmes,
développement d’oligopoles dans la production de grains, avec la production de
grains stériles accroissant la dépendance des paysans » (134)…
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Quand la technique ignore les grands principes éthiques elle finit par considérer
comme légitime n’importe quelle pratique, par exemple des expérimentations sur les
embryons humains vivants (136).

Avec le chapitre IV, « Une écologie intégrale » (137 à 162), nous touchons au cœur
de la proposition. Nous ne pouvons « concevoir la nature comme séparée de nous ou
comme un simple cadre de notre vie », mais comme impliquée dans tous les champs
de notre environnement. « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et
l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (139) de l’éco-
logie intégrale. Celle-ci se décline donc dans ce chapitre en : écologie environnementale,
économique et sociale (138 à 142) ; écologie culturelle (143 à 146) ; écologie de la vie
quotidienne (147 à 155). Le bien commun vient ainsi fédérer « l’ensemble des conditions
sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre
leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (156 à 158). Cette notion de bien
commun inclut enfin la prise en compte des générations futures (159 à 162).

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Quelques précisions sur tous ces points essentiels, qui ne sauraient être tous déve-
loppés ici. Mais cela « demande de s’asseoir pour penser et pour discuter avec
honnêteté des conditions de vie et de survie d’une société pour remettre en question
les modèles de développement, de production et de consommation… » (138). Les
différentes créatures sont liées et constituent ces unités plus grandes qu’aujourd’hui
nous nommons « écosystèmes ». C’est dans ce cadre que doit être considérée la
protection de l’environnement (ce qui est sans doute une remise en cause de nos
limites et frontières administratives). « Nous dépendons d’un ensemble harmonieux
d’organismes dans un espace déterminé fonctionnant comme un système » (140).
Une écologie économique est nécessaire et « la protection de l’environnement doit
faire partie intégrante du processus de développement… » (141). « Si tout est lié,
l’état des institutions d’une société a aussi des conséquences sur l’environnement
et sur la qualité de vie humaine. Toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique
provoque des dommages à l’environnement » (142).

Un des apports les plus originaux concerne « l’écologie culturelle » (143 à 146). « Il y
a avec le patrimoine naturel un patrimoine historique, artistique, et culturel, également
menacé ». « l’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de
l’humanité au sens le plus large du terme ». « Elle exige qu’on fasse attention aux cultures
locales, dans un sens vivant, dynamique et participatif (143). La disparition d’une culture
peut-être aussi grave ou plus grave que la disparition d’une espèce animale ou végétale »
(145). Dans ces conditions il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux
communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles (146).

L’encyclique ensuite insiste longuement et précisément sur l’écologie de la vie quo-


tidienne (147 à 155). « La créativité et la générosité sont admirables de la part de
personnes comme de groupes qui sont capables de transcender les limites de l’environ-
nement dans un environnement défavorable (148)… Cette expérience de salut commu-
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nautaire suscite de la créativité pour améliorer un édifice ou un quartier. Les perspectives
des citoyens doivent compléter l’analyse de la planification urbaine, dans des domaines
aussi complémentaires que l’urbanisme, les paysages urbains, les logements, les trans-
ports, la dignité des zones rurales, où les services essentiels n’arrivent pas » (150 à 154).

Plus intime encore, il existe une écologie de l’homme « parce que l’homme aussi
possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté » (benoît
XVI, discours 22 septembre 2011). « L’acceptation de son propre corps comme don
de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme
don du Père et maison commune… La valorisation de son propre corps dans sa
féminité ou dans sa masculinité est aussi nécessaire pour pouvoir se reconnaître soi-
même dans la rencontre avec celui qui est différent… (et) accepter joyeusement le don
spécifique de l’autre… » (155).

Le principe du bien commun (156 à 158) est inséparable de l’écologie. « C’est


l’ensemble des conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de

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leurs membres d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée ». A la
base de ces groupes se situe la famille, cellule de base de la société, et les compé-
tences de ces groupes doivent respecter le principe de subsidiarité, selon les principes
bien établis de la doctrine sociale de l’Église. Au-delà de la destination commune
des biens (93), subordonnant la propriété privée à l’usage commun, il n’est pas per-
mis comme l’a déjà dit et répété Jean-Paul II « de gérer ce don d’une manière telle
que tous ces bienfaits profitent seulement à quelques-uns » (Récife, homélie pour les
agriculteurs, 7 juillet 1980). Le principe du bien commun devient (donc) un appel à la
solidarité et à une option préférentielle pour les plus pauvres (158).

Enfin la notion de bien commun inclut les générations futures (159). Pour notre
propre dignité « nous sommes nous-mêmes les premiers à avoir intérêt à laisser
une planète habitable à l’humanité qui nous succédera (160). Mais souvenons-nous
déjà des pauvres d’aujourd’hui : « Au-delà d’une loyale solidarité intergénérationnelle,
l’urgente nécessité morale d’une solidarité intra-générationnelle renouvelée doit être
réaffirmée » (162).

Le chapitre V pose « quelques lignes d’orientation et d’action » (163 à 201).

Ces lignes sont nombreuses et denses. Comme cela était déjà dit dans l’introduction
(15), ce sont des propositions « de dialogue et d’action qui concernent aussi bien
chacun de nous que la politique internationale ». Le « dialogue » déjà largement évoqué
(16, 61, 135,138…) est « à même de nous aider à sortir de la spirale d’autodestruction
dans laquelle nous nous enfonçons » (163). Le pape invite « à un débat honnête et
transparent, pour que les besoins particuliers ou les idéologies n’affectent pas le bien
commun » (188). La logique du dialogue structure donc toutes les sections de ce cha-
pitre. C’est là la proposition d’action de l’Église qui « n’a pas la prétention de juger des
questions scientifiques ni de se substituer à la politique » (188).
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Le dialogue sur l’environnement dans la politique internationale (164 à 175) est
très insuffisant et le pape se montre sévère sur les progrès internationaux, malgré
quelques avancées, insuffisantes (conventions de Bâle, de Vienne… sur les trans-
ports des déchets, la faune et la flore, la couche d’ozone…). Beaucoup d’avancées
sont moins significatives (169 et s.) : diversité biologique, désertification, climat,
océans et déchets marins, crédits de carbone. « Les négociations internationales ne
peuvent pas avancer de manière significative en raison de la politique des pays qui
mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général » (169). Comme
l’ont relevé les évêques de Bolivie « les pays qui ont bénéficié d’un degré élevé
d’industrialisation, au prix d’une énorme émission de gaz à effet de serre, ont une plus
grande responsabilité dans l’apport de la solution aux problèmes qu’ils ont causés »
(170). Il faudra des instruments efficaces de « gouvernance globale » pour « la
gestion… des biens communs globaux » (174 et 175). Plus globalement, à la suite de
son prédécesseur Jean-XXIII, le pape affirme « qu’il est urgent que soit mise en place
une véritable autorité politique mondiale » (175). Ceci est à rapprocher d’une formule

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choc concernant nos gouvernants (57) : « Pourquoi veut-on préserver aujourd’hui un


pouvoir qui laissera dans l’histoire le souvenir de son incapacité à intervenir quand il
était urgent et nécessaire de le faire ? ».

Le dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales (176 à 181).


L’encyclique rappelle que « Le drame de l’immédiateté politique, soutenue aussi par
des populations consuméristes, conduit à la nécessité de produire de la croissance
à court terme. Répondant à des intérêts électoraux… » (178). Il faut donc que la
décision écologique soit incitée par la pression de la population et le contrôle par
les citoyens du pouvoir politique, national, régional et municipal (179). L’action locale
peut prendre de multiples formes. « Il y a tant de choses que l’on peut faire ! ».

Le dialogue et la transparence dans les processus de prise de décision


(182 à 188) amènent à la prévision de l’impact de la décision, à l’étude d’impact,
à la participation de tous, convenablement informés. Dans toute discussion autour
d’une initiative une série de questions devraient se poser en vue de discerner si elle
offrira ou non un véritable développement intégral (185). Le principe de précaution
permet la protection des plus faibles sans qu’il faille pour autant s’opposer à toute
innovation technologique (186, 187).

Politique et économie doivent dialoguer pour la plénitude humaine (189 à 198) sans
que l’une se soumette à l’autre, et l’économie ne doit pas se soumettre aux diktats ni au
paradigme d’efficacité de la technocratie (189). La crise financière de 2007-2008 a sur
ce point été une occasion manquée. En effet « Dans le schéma du gain il n’y a pas de
place pour penser aux rythmes de la nature… ni à la complexité des écosystèmes » (190).

Il ne faut donc pas craindre de redéfinir le progrès et le développement (191, 194) en


les orientant différemment, par une créativité « capable de faire fleurir de nouveau la
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noblesse de l’être humain (…) pour trouver des formes de développement durable
et équitable… (au lieu de) continuer à créer des formes de pillage de la nature (…) »
(192). La suite du texte envisage ainsi (193) de nouvelles formes de croissance,
dans d’autres cas il faudra aussi marquer une pause, « en mettant certaines limites
raisonnables, voire en retournant en arrière avant qu’il ne soit trop tard ». « C’est
pourquoi l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques
parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance
en d’autres parties » (193).

Et la politique dans tout cela ? (196, 197). Si « il est vrai qu’aujourd’hui certains
secteurs économiques exercent davantage de pouvoir que les États eux-mêmes
(…) on ne peut pas justifier une économie sans politique (…) ». « Nous avons besoin
d’une politique aux vues larges qui suive une approche globale en intégrant dans
un dialogue interdisciplinaire les divers aspects de la crise… (mais) Une stratégie de
changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu’il ne suffit pas
d’inclure des considérations écologiques superficielles ». Autrement « ce que nous

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avons ce sont des guerres ou des accords fallacieux où protéger l’environnement


et protéger les plus faibles est ce qui intéresse le moins les deux parties » (198).
« Qu’un homme politique assume ces responsabilités avec les coûts que cela
implique, ne répond pas à la logique d’efficacité et d’immédiateté de l’économie ni à
celle de la politique actuelle ; (…) mais s’il ose le faire (…) il laissera dans l’histoire un
témoignage de généreuse responsabilité (…) » (181).

Enfin les religions dans le dialogue avec les sciences (199 à 201) participent à
percevoir le sens et la finalité des choses. Le fait que les principes éthiques appa-
raissent dans un langage religieux ne les prive pas de toute valeur dans le débat
public (199). Le dialogue doit s’étendre entre les religions, entre les sciences elles-
mêmes, et entre les différents mouvements écologistes (ainsi le paragraphe 201
comprend à lui tout seul quatre appels au dialogue).

Chapitre VI Éducation et spiritualité écologiques (202 à 245).

Tout le monde a besoin d’une conversion et donc d’une spiritualité écologique, mais
les dernières sections de ce chapitre (233 à 246), s’adressent plus spécialement aux
croyants chrétiens et à la spiritualité chrétienne.

« Beaucoup de choses doivent être réorientées, mais avant tout l’humanité a besoin
de changer. La conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle et
d’un avenir partagé par tous est nécessaire (…) pour le développement de nouvelles
convictions, attitudes et formes de vie. Ainsi un grand défi culturel, spirituel et éducatif,
qui imposera de longs processus de régénération est mis en évidence » (202). Miser
sur un autre style de vie face au « consumérisme obsessif (qui) est le reflet subjectif
du paradigme techno-économique » (203). « Plus le cœur de la personne est vide,
plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer » (204)…  ce qui
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ne peut que « provoquer violence et destruction réciproque, surtout quand seul un
petit nombre peut se le permettre » (204).

Mais tout n’est pas perdu, « un changement dans les styles de vie pourrait réussir à
exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique et
social (206) à l’image de ce que peuvent obtenir les mouvements de consommateurs.
« Acheter est non seulement un acte économique, mais toujours aussi un acte moral »
(206, reprenant Benoît XVI, lettre encyclique « Caritas in veritate », 29 juin 2009).

Tout cela doit se traduire par de nouvelles habitudes, et nous sommes devant un
« défi éducatif » (209) car l’existence de lois et de normes ne suffit pas à long
terme pour limiter les mauvais comportements et encourager « la sauvegarde de la
création par de petites actions quotidiennes » (211). Tout cela à travers l’action des
milieux éducatifs : l’école, la famille, les moyens de communication, la catéchèse. Le
texte insiste sur l’importance centrale de la famille, où l’on apprend à demander, à
remercier, à pardonner, et à respecter un certain ordre (213).

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« Un effort de sensibilisation de la population incombe à la politique et aux diverses


associations. À l’Église également » (214).

Il ne faut pas non plus « négliger la relation qui existe entre une formation esthétique
appropriée et la préservation de l’environnement ». « prêter attention à la beauté et
l’aimer nous aide à sortir du pragmatisme utilitariste »… Apprendre à « s’arrêter pour
observer et pour évaluer ce qui est beau » (215).

Pour les chrétiens « vivre la vocation de protecteur de l’œuvre de Dieu est une part
essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un
aspect secondaire dans l’expérience chrétienne » (217). Souvenons-nous de saint François
d’Assise et de cette fraternité sublime avec toute la création (218). Car « chaque créature
reflète quelque chose de Dieu et a un message à nous enseigner » (221). « La nature
est pleine de mots d’amour, mais comment pouvons-nous les écouter au milieu du bruit
constant, de la distraction permanente et anxieuse, ou du culte de l’apparence ? » (225).

Revient ainsi la proposition clef de la sobriété et de la simplicité (222 à 224). « La


sobriété qui vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice » et « le bonheur
requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi
disponible aux multiples possibilités qu’offre la vie. » (223) « Consacrer un peu de temps
à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie, et sur nos
idéaux, à contempler le créateur… » (225). S’arrêter pour rendre grâce.

Cela nous mène à une section sur « l’amour civil et politique » (228 à 232) illus-
tré par les simples gestes quotidiens, et par « l’amour social (qui) est la clef d’un
développement authentique » (231). Ainsi, si « tout le monde n’est pas appelé à travailler
directement en politique (…) une variété innombrable d’associations interviennent
en faveur du bien commun en préservant l’environnement naturel et urbain (…) pour
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améliorer ou pour embellir quelque chose qui appartient à tous (...) Une communauté se
libère ainsi de l’influence consumériste. » (232). « Cela implique la culture d’une identité
commune, d’une histoire qui se conserve et se transmet. De cette façon le monde et la
qualité de vie des plus pauvres sont préservés » (232).

Les trois dernières sections de l’encyclique (233 à 246) parlent plus spécifique-
ment de- et à- la spiritualité chrétienne : à propos des sacrements (mode privilégié de
la manière dont la nature est assumée par Dieu) et de la liturgie (valorisant la corpo-
réité). On retrouve la doctrine sociale de l’Église, revivifiée par une écriture nouvelle,
poétique et chaleureuse, dans l’apologie du repos dominical (237) : « la spiritualité
chrétienne intègre la valeur du loisir et de la fête… (ainsi) l’action humaine est préservée
non seulement de l’activisme vide, mais aussi de la passion vorace et de l’isolement de la
conscience qui amène à poursuivre uniquement le bénéfice personnel » (237).

Nous terminerons cette présentation de cette longue encyclique (200 pages dans
les éditions de poche) en insistant sur l’invitation généralisée au dialogue (26 fois au

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moins !) et à des engagements écologiques concrets à tous les niveaux, en com-


mençant par la proximité immédiate et les plus petits gestes. Tout autant qu’un
appel à une conversion écologique généralisée on relèvera des éléments importants
pour les négociations en cours sur le climat, et la conférence de Paris : Refus du
marché de carbone comme solution à la réduction des émissions de gaz à effet
de serre (171), reconnaissance de la dette écologique des pays riches, remise en
cause « d’un système de relations commerciales et de propriété structurellement
pervers » (52), nécessaire établissement d’un système de normes environnemen-
tales mondiales qui assurent la protection des écosystèmes (53 et 173), mais en
tenant compte des problématiques locales et des diversités culturelles (144). D’où
l’urgence d’adopter un mode de vie sobre, et une « croissance par la sobriété »
(222), une sobriété heureuse, dans la simplicité. Bref, une véritable conversion per-
sonnelle, locale, nationale, et internationale ! Mais comment faire passer cela dans le
droit, et même dans l’Église ? !
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