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Covid-19
Le contrat de travail prend sa place dans l'architecture complexe des relations de
travail. De longue date, le contrat de travail, contrat synallagmatique, lie
l'employeur et le salarié dans une relation qui échappe très largement aux règles
contractuelles civilistes (la notion de bonne foi des parties au contrat a été
transférée du Code civil au Code du travail)1. La spécificité de la relation de
travail et son encadrement légal ou conventionnel résultent de la volonté de
protéger les travailleurs dans une relation économiquement déséquilibrée par
nature. Cette protection s’est développée dans tous types de relations de travail
et toutes formes de contrats (du contrat à durée déterminée au contrat de
mission) ou d’exécution de prestations à finalité d’employabilité (contrat
d'apprentissage, contrat de professionnalisation)2.
Il résulte d'un sondage OpinionWay de mai 20203 que deux tiers des salariés
étaient en activité pendant le confinement, dont 37 % en télétravail et 29 % sur
les lieux habituels, alors que 33 % étaient en chômage partiel. Dans les trois cas,
des règles adaptées à la situation, inspirées par le Code du travail, mais
néanmoins transformées et souvent innovantes, ont modifié le contrat de travail
hors la volonté du salarié.
Certaines règles du Code du travail ont été modifiées dans le but d'une efficacité
immédiate en raison de l'urgence sanitaire. Tous les acteurs en droit du travail
ont été concernés, employeurs, salariés, représentants du personnel,
administration du travail.
Le droit individuel du salarié de faire valoir son retrait et suspendre son contrat
de travail n’avait déjà pas été retenu par la jurisprudence en cas d'épidémie de
grippe. Le ministère de la Santé et de la Solidarité5 a déclaré que le
gouvernement considérait que dès lors que les mesures de prévention et de
protection nécessaires ont été prises par l'employeur conformément aux
recommandations du gouvernement, il ne pouvait y avoir de droit au retrait.
Quelques initiatives de demandes de retrait ont alors cessé au profit d'autres
actions critiquant la mise en œuvre des gestes barrières ou des mesures de santé
et sécurité, mais particulièrement, l'absence de consultation du CSE (affaire
Amazon, CA Versailles, 24 avril 2020, RG : 20/01993).
La CFDT rappelait de son côté que la rémunération étant maintenue lorsque la
suspension du contrat est due à un droit de retrait si, ultérieurement, il était jugé
que les conditions de retrait n’étaient pas réunies, il y aurait une retenue sur le
salaire selon la jurisprudence existante.
Depuis le 1er mai, que ce soit un arrêt pour garde d'enfants ou pour vulnérabilité, le
régime de l'indemnisation par le chômage du fait d'une activité partielle est
désormais retenu. Pour la garde d'enfants, il suffit d'une simple déclaration du
salarié à son employeur pour que l'indemnisation au titre de l'activité partielle se
substitue à la précédente.
Est mis en place un arsenal de mesures avec des règles spécifiques pour le
télétravail, l'activité partielle, l'aménagement des jours de repos et des congés
payés, la durée du travail, avec une série d'ordonnances prises de mars à avril
2020 assorties de questions-réponses sur le site du ministère à un rythme quasi
journalier. Nous sommes entrés le 11 mai, puis le 2 juin, dans la phase de
déconfinement, et la loi du 17 juin 2020 ainsi que le nouveau protocole de
déconfinement prolongent et modifient les précédentes mesures6.
Les conditions sanitaires n’ont pas pour autant autorisé le télétravail dans toutes les
activités pendant le confinement. Le Code du travail impose à l'employeur qui refuse
d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste « éligible à un
mode d'organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif
ou, à défaut, par la charte » de motiver sa réponse.
La motivation suppose un motif valable ; celui validé par le ministère dans les
questions/réponses9 concerne l’impossibilité d'un aménagement technique. Parmi les
différentes questions qui ont été posées aux praticiens, il ne semble pas qu'il y ait eu
de différends sur ce point.
Dès le confinement, des revendications sont apparues sur la prise en charge de tous
les coûts découlant du télétravail à fin d’indemnisation. Une ordonnance du
22 septembre 2017 avait supprimé la disposition du Code du travail laissant à la
charge de l'employeur tous les coûts issus directement de l'exercice du télétravail.
Cela a été sobrement rappelé par le ministère.
En principe, il s'agit d'aides aux salariés placés en activité partielle qui subissent
une perte de rémunération, soit du fait de la fermeture temporaire, soit de la
réduction d'horaire en deçà de la durée légale. C’est une mesure collective. Le
recours est fondé sur des motifs dont l'employeur doit justifier pour solliciter
l'autorisation de l'inspection du travail après transmission de l’avis formulé lors
de la consultation du CSE. Le texte concernant le droit de recours à l'activité
partielle vise parmi ces motifs les « circonstances de caractère exceptionnel ».
Dans les entreprises de moins de 20 salariés, un référendum proposé aux deux tiers
du personnel peut être envisagé, les délais de consultation étant réduits. Il s'agit de
faciliter la flexibilité dans la reprise progressive de l'activité. L'absence de
caractère collectif devrait remettre en vigueur la jurisprudence concernant les
salariés protégés auxquels aucune modification des conditions de travail ne peut
être imposée13.
La législation sur les congés payés impose au salarié de prendre des congés, il ne
peut les monétiser et cette période de suspension de contrat de travail au regard de
son employeur, elle est soumise à une durée et à des périodes. Le passage aux
35 heures a également créé le droit à des repos compensateurs, de même que les
temps de travail forfaitaires. Les temps de suspension de contrat de travail ouvrent,
eux-mêmes, des droits à congés (la maladie, le chômage).
L'employeur faisant usage d'au moins une des dérogations doit en informer le CSE
ainsi que la Direction régionale des entreprises de la concurrence de la
consommation du travail et de l'emploi (Direccte).
Les salariés exerçant leur activité sur les lieux de travail ont été particulièrement
sollicités. Chacun leur en est reconnaissant. Les règles relatives à la durée du travail
ont été modifiées pour permettre de répondre aux impératifs dans ce contexte.
L’amplitude d'une durée quotidienne par jour est passée à 12 heures (au lieu de 10). La
durée maximale de travail de nuit, 12 heures, sous réserve de l'attribution de repos
compensateur égal au dépassement de la durée (maximale de 4 heures). Parallèlement,
le repos quotidien a été diminué de 2 heures pour le travail journalier, sous réserve de
l'attribution de repos compensateur. De 44 heures pour la durée hebdomadaire pour
une période de 12 semaines constitutives (jusqu’à 48 heures) avec un maximum de
60 heures pour un travail sur une même semaine. Se sont ajoutées l'autorisation
automatique de travail le dimanche et la baisse du repos compensateur entre deux
journées de travail (2 heures).
On peut penser que ces dispositions exceptionnelles, qui ont donc été imposées pour
partie, sans même qu'il y ait un accord d'entreprise ou de branche, ne seront pas
maintenues, alors que le nouveau dispositif en cours d'élaboration vise des accords
collectifs ou un plan d'activité réduite pour le maintien de l'emploi, qui ne vise que les
réductions d'horaires de travail.
Il est vrai que le dépassement a concerné des branches spécifiques où l’activité était
d’intérêt public et des secteurs d’activité et catégories de dérogations admises.
Ainsi, le dispositif alternatif, très important dans certains secteurs, dépendra d'un
accord collectif ou d'un « plan d'activité réduite pour le maintien de l'emploi »16.
Celui-ci devra préciser l'activité partielle spécifique, les réductions d'horaires et les
mesures pour la mise en place de l’indemnisation.
Le contrat de travail pourra être impacté par des mesures envisagées jusqu'au
31 décembre 2020 (à l’heure de la rédaction de cet article). À la condition d'un
accord d'entreprise ou de branche, l'employeur pourrait imposer à ceux qui
bénéficient du maintien intégral de leur rémunération de donner des jours de repos
conventionnels (qui seront monétisés) ou leur cinquième semaine de congés à ceux
qui subissent une perte de rémunération.
En conclusion
Dans cette période, tant la continuité du contrat de travail que sa suspension ont été
aménagées en fonction des impératifs sanitaires urgents.
Dans de nombreux cas, la situation était soumise à des accords collectifs qui
n’ouvraient pas la possibilité aux salariés de refuser. Il peut être remarqué que dans
les entreprises de moins de 20 salariés, et plus particulièrement celles où il n’y a pas
d’élus (de 11 à 20 salariés), l’employeur peut proposer directement un projet
d'accord sur l'ensemble des thèmes par voie de référendum (majorité de deux tiers).
Ces dispositifs sont d'ailleurs mis en place aussi pour les entreprises d’au moins
50 salariés qui ne disposent pas de CSE ou de 11 à 49 salariés. Un accord peut être
passé avec plusieurs salariés expressément mandatés par un ou plusieurs syndicats
représentatifs dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel.
Le recours aux accords de performance collective, déjà dans le passé, a évité des
licenciements dans la mesure où ces accords peuvent répondre à des opportunités et
nécessités d'organisation de l'entreprise en vue de préserver l’emploi20.
Les mesures précitées envisagées dans le projet de loi à venir pourraient maintenir
l’absence de consentement du salarié pour certaines de ces dispositions, maintenant
donc ces cas d’exception.
Toutefois, la protection et l'intérêt général ont été si forts qu’à titre individuel les
salariés n’ont pas argué de modifications de leur contrat de travail. Cette flexibilité
survivra-t-elle à la Covid-19 ? Diverses tendances relevant de l'ordre sociologique ou
de responsabilité sociale peuvent être évoquées.