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Université d’ALGER/Faculté de Médecine

Département de Chirurgie Dentaire


Année Universitaire 2020/2021
Cours de 2ème Année/ Histologie

Histogenèse de la dentine
Pr. Z. Boudaoud/ Samedi 09/01/2021

I. Introduction :
La dentine est un tissu calcifié qui occupe quantitativement le volume le plus important de la dent.
La dentine (ou ivoire) entoure le tissu pulpaire sauf au niveau des orifices des apex.
Elle est recouverte au niveau coronaire par de l’émail qui la protège du milieu extérieur et au niveau
radiculaire par le cément où s’ancrent les fibres desmodontales.
La dentinogénèse est l'ensemble des phénomènes qui aboutit à la formation de la dentine par minéralisation
progressive de la papille mésenchymateuse. La partie centrale de la papille restera non minéralisée, c'est la
pulpe. Contrairement à l’amélogénèse, la dentinogénèse est un phénomène continu et rythmique qui se
poursuit tout au long de la vie en direction centripète et aux dépend du volume pulpaire.

II. Définition
La dentinogénèse ou histogenèse de la dentine, est définie comme étant la formation de la dentine.
Elle est assurée par les odontoblastes, cellules hautement spécialisées issues des crêtes neurales.
La dentinogénèse précède l'amélogénèse. La dentinogénèse comprend en première étape la
synthèse et la sécrétion par les odontoblastes de la matrice organique appelée prédentine,
composée principalement de collagène de type I, puis dans une deuxième étape ; le dépôt du
minéral sur la prédentine. Le minéral dentinaire est formé principalement de cristaux
d’hydroxyapatite carbonatée.
La dentinogénèse débute au sommet des cuspides et progresse en direction apicale, elle peut être
subdivisée en cinq stades :
1- Différenciation des odontoblastes
2- Dépôt d’une matrice organique
3- Minéralisation et maturation de cette matrice
4- Formation de la dentine primaire et secondaire
5- Formation de la dentine tertiaire en réponse à une agression

III. Différenciation morphologique et fonctionnelle des odontoblastes :


Les cellules périphériques de la papille ectomésenchymateuse sont situées à une courte
distance de la membrane basale, dont elles sont séparées par un espace de quelques
microns. Elles sont plus ou moins ovalaires, leur noyau est central, et les organites et
composants sont répartis de manière uniforme dans le cytoplasme. Ces cellules non encore
polarisées vont se différencier en odontoblastes. (Schéma 1)
1) La première étape de la différenciation odontoblastique est l'arrêt de la
prolifération cellulaire ou sortie du cycle mitotique.
2) Puis les cellules augmentent de taille
3) Accrochage aux fibres d’ancrage : les cellules post mitotiques s'accrochent par
leur membrane plasmique aux fibrilles d'ancrage présentes sur la face
ectomésenchymateuse de la membrane basale. Elles sont alors appelées pré-
odontoblastes.
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4) Les pré-odontoblastes se différencient ensuite en odontoblastes. Ils
commencent par se polariser : leur noyau s’éloigne de la membrane basale, tandis que le
réticulum endoplasmique granulaire et l'appareil de Golgi se placent en position
supranucléaire. Les citernes du réticulum endoplasmique granulaire s'orientent
parallèlement au grand axe de la cellule. Un cil primaire apparaît à proximité du noyau et de
l'appareil de Golgi. Les éléments cytoplasmiques (microtubules, filaments intermédiaires et
microfilaments) s'accumulent au pôle de la cellule proche des fibrilles d'ancrage. On observe
ensuite une forte augmentation de la quantité de réticulum endoplasmique granulaire,
d'appareil de Golgi et de mitochondries,

5) Le corps cellulaire s'allonge pour atteindre une hauteur d’environ 50 μ. La région


de la cellule où se trouve le noyau devient le pôle basal, la région opposée, proche des fibrilles
d'ancrage, devient le pôle apical sécréteur. A ce stade, la cellule a grossièrement une forme
de poire.

6) Puis, un prolongement cytoplasmique se forme au pôle apical, (situé en face


des préaméloblastes) au contact des fibrilles d'ancrage. Son allongement progressif entraîne
le recul des corps cellulaires odontoblastiques en direction du centre de la papille
ectomésenchymateuse. Dès la différenciation des premiers odontoblastes, la papille
ectomésenchymateuse prend le nom de pulpe dentaire.

7) Ramifications du prolongement odontoblastique : Une fois formé, le


prolongement se ramifie rapidement pour donner de nombreuses branches qui vont
s'étendre latéralement par rapport au tronc principal. Le prolongement contiendra plus tard,
au moment de la production et de la maturation de la prédentine, de nombreuses vésicules
de sécrétion renfermant les constituants de la prédentine, et des vésicules d'endocytose
renfermant les fragments issus de la dégradation partielle de la prédentine qui survient au
cours du processus de maturation.

IV. Apparition de nombreuses jonctions intercellulaires :


Au niveau de l’odontoblaste sécréteur, à l’endroit de la membrane plasmique où
s’accroche la toile terminale, faite d’un tissage de filaments d’actine et de vimentine ; un
complexe circulaire de jonctions intercellulaires apparaît. Il relie les odontoblastes entre eux. Le
passage de vésicule de sécrétion et d’endocytose a lieu surtout dans la partie centrale car la
toile est plus lâche à cet endroit. Une fois la couche odontoblastique formée, les odontoblastes
se différencient sur le plan fonctionnel et synthétisent les constituants de la prédentine. Ces
derniers sont sécrétés tout d’abord entre les fibrilles d’ancrage de la membrane basale, puis,
plus tard, autour des prolongements odontoblastiques. (Schéma 3)

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Schéma2 : Les odontoblastes sécrètent la matrice collagène organique de la dentine.

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Schéma3: composition et maturation de la matrice dentinaire/
Deux sites principaux de sécrétion des constituants de la prédentine par les
odontoblastes : entre les fibrilles d’ancrage de la membrane basale, autour des
prolongements odontoblastiques

Les odontoblastes déposent de la prédentine durant toute la vie de la dent de l’individu.


Toutefois, la vitesse de ce dépôt est ralentie fortement après l’éruption de la dent dans la cavité
buccale. Ceci évite le comblement et la disparition prématurée de la pulpe dentaire. Une fois
sécrétée, la prédentine subit un phénomène de maturation, puis elle se minéralise dans la partie
la plus éloignée du corps cellulaire. La dentine humaine est ainsi une structure formée de plusieurs
dizaines de milliers de tubules à peu près parallèles les uns aux autres et qui lui confèrent une
grande perméabilité, notamment vis-à-vis des bactéries qui pénètrent dans la dentine lors des
infections carieuses. Cette perméabilité est accrue par la formation de tubules secondaires autour
des ramifications des prolongements principaux, tubules pour la plupart anastomosés avec les
tubules voisins.

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V. Composition de la Matrice dentinaire : La matrice dentinaire contient essentiellement du
collagène de type I, mais on y trouve également - en quantité relativement importante des
glycoprotéines non-collagéniques impliquées dans la minéralisation. En plus faible
quantité, on retrouve d’autres types de collagène, des protéoglycanes, des
métalloprotéases matricielles, des facteurs de croissance et divers composants parmi
lesquels des protéines de l'émail, des protéines sériques et des phospholipides.

VI. Maturation de la Matrice dentinaire : Il existe deux sites principaux pour la sécrétion des
constituants de la prédentine par les odontoblastes : L’un est situé à la base du
prolongement, à proximité du corps cellulaire. A son niveau sont sécrétés les collagènes et
la plupart des protéoglycanes. (Schéma3). L’autre est situé à l'extrémité du prolongement,
à proximité des fibrilles d’ancrage entre lesquelles la première couche de minéral va être
déposée. A son niveau sont sécrétées majoritairement les glycoprotéines qui régulent le
processus de minéralisation de la prédentine. Puis, au fur et à mesure de la synthèse de la
prédentine et du déplacement du front de minéralisation vers le centre de la pulpe, ce site
de sécrétion va se déplacer le long du prolongement pour rester à proximité du front de
minéralisation.
Une fois sécrétée, la prédentine subit une maturation qui comprend principalement la
structuration du réseau collagénique et la dégradation de glycoprotéines et de
protéoglycanes par des enzymes également sécrétés par les odontoblastes.

VII. Minéralisation de la Matrice dentinaire : La matrice dentinaire, une fois déposée puis
remaniée lors de la phase de maturation, va être minéralisée pour former la dentine, un
tissu qui contiendra au final 70% de minéral. Cela signifie que vont être déposés sur la
matrice des sels minéraux qui sont, pour la dentine, (mais c'est également vrai pour
d'autres tissus minéralisés comme l'émail, le cément ou l'os,) essentiellement sous forme
d'hydroxyapatite carbonatée. L'hydroxyapatite est un cristal formé principalement par des
ions calcium et phosphates qui s'associent pour former tout d'abord des phosphates
tricalciques puis des phosphates octocalciques, puis de l'hydroxyapatite de formule
Ca10(PO4)6(OH)2. L'hydroxyapatite rencontrée dans les tissus minéralisés comme la
dentine n'est pas pure, car une partie des ions hydroxyles est remplacée, on dit aussi
substituée, par des ions carbonates. D'où le terme d'hydroxyapatite carbonatée. La
formation de l'hydroxyapatite nécessite une quantité importante d'ions calcium et
phosphates dans la prédentine au niveau du front de minéralisation.
Au cours de la dentinogenèse, une quantité importante d'ions calcium est transportée à
travers la couche odontoblastique, depuis les capillaires sanguins sous-odontoblastiques
jusqu'à la prédentine. Les odontoblastes étant reliés par des jonctions serrées peu
perméables au calcium, la majeure partie de cet ion transite par le cytoplasme
odontoblastique. Le transport actif par la cellule présente l'avantage majeur, par rapport à
la diffusion passive intercellulaire, de permettre un meilleur contrôle de la quantité de
calcium qui arrive dans la prédentine, et donc favorise l'association correcte des ions
calcium avec les ions phosphates.
Aux stades initiaux de la dentinogénèse, on peut mettre en évidence des fibres inter-
odontoblastiques, dites fibres de Von Korff, probablement constituées de collagène de
type III (Schéma 4).

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Schéma 4 : Odontoblastes :
Les odontoblastes sont pourvus de prolongements cytoplasmiques appelés les fibres de
Tomes. La substance organique intercellulaire se dépose autour des fibres de Tomes,
entourant les prolongements cytoplasmiques pour former des canalicules appelés les
tubuli dentinaires.

VIII. Différents types de dentines


Il est classique de distinguer sur le plan structural plusieurs types de dentines : elles sont fonction
du site anatomique et de la période d’élaboration. (Tableau I, Schéma 5 (a, b, c)
8.1. Couches périphériques de la dentine
8.1.1. Manteau dentinaire : La dentine périphérique au niveau coronaire : ou mantle -
dentine ou « dentine manteau » correspond à la première couche de dentine produite
par des odontoblastes non encore polarisés donc qui ne sont pas encore pourvus
de prolongements. Elle se distingue de la dentine circumpulpaire sous-jacente, par
son aspect atubulaire elle est hypominéralisée. Elle est immédiatement sous-
jacente à l’émail et elle est d'une épaisseur de 15 à 20µ.

8.1.2. La dentine périphérique au niveau radiculaire dans la continuité du manteau


dentinaire est représentée par la couche hyaline de Hopewel-Smith, dépourvue de
canalicules située sous le cément. Cette couche superficielle coexiste avec la
couche granuleuse de Tomes, plus épaisse mais hypo minéralisée et contient des
canalicules fines et sinueuses.

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Tableau I : Différents types de dentines

Au niveau de la couronne Manteau dentinaire


Dentines
périphériques Couche hyaline de Hopwell-Smith
Au niveau de la racine et couche granuleuse de Tomes

Primaire Du stade initial de formation à la mise


en fonction de la dent

Dentines Secondaire Suit la mise en fonction de la dent


circumpulpaires
Intercanaliculaire Réseau continu entre les canalicules

Péricanalaire Bordure entourant la lumière du


canalicule

8.2. Les dentines circumpulpaires sont différentes des dentines périphériques ou


superficielles précédemment décrites, tant par leur composition que par leur structure.

8.2.1. La dentine primaire est la première dentine formée de façon rapide au cours du
développement de la dent jusqu’à la mise en fonction de la dent sur l’arcade.

8.2.2. La dentine secondaire est secrétée de façon physiologique après que la dent soit
fonctionnelle tout le long de la vie. Ce changement entre état trifonctionnel et
fonctionnel se traduit par une accentuation de la courbure en S des canalicules
dentinaires. Comme le nombre d’odontoblastes s’accroît par rapport à la surface, le
nombre de canalicule augmente aussi tout en se rapprochant des couches
profondes (schéma 5b).

8.2.3. La dentine tertiaire est une dentine formée localement suite à une agression
pathologique (carie à évolution lente, abrasion…) dans le but de protéger la pulpe
sous-jacente.
En fonction de la nature de l’agression (lente/Rapide), la réponse pulpaire est
différente.
Si l’agression est faible ou modérée, (sans destruction des odontoblastes), la dentine
secrétée est dite dentine réactionnelle. Elle est élaborée par la pulpe jusqu'à ce
qu’une procédure clinique stoppe l’agression. Si l’agression est plus importante et que
la palissade odontoblastique est altérée, il s’agit d’une dentine réparatrice (schéma 5c).

8.2.4. Plus spécifiquement, on trouve deux types de dentines, tant dans la dentine
primaire que dans la dentine secondaire : dentines intercanaliculaire et
péricanalaire. Toutes deux sont des dentines physiologiques ; la dentine
intercanalaire est issue de la transformation de la prédentine en dentine, tandis
que le mécanisme de formation de la dentine péricanalaire est moins bien connu.

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La dentine primaire :
Initial ou tubulaire élaborée au cours du développement de la dent jusqu'à achèvement
complet de sa forme.
Sa disposition est très régulière car les odontoblastes sont bien ordonnés et que la dent en
ce moment subit des efforts fonctionnels minimes.

La dentine secondaire :
Elle se forme à un rythme plus long que celui de la dentine primaire et de façon régulière.
Elle est encore appelée dentine fonctionnelle.

La dentine tertiaire :
C'est un mécanisme de défense tendant à compenser une perte superficielle de la dentine
dans un secteur donnée, elle est encore appelée dentine réparatrice ou réactionnelle.
Elle peut se former à la suite de caries, de procédés de dentisterie, d'érosion

Schéma 5a : Différents types de dentines

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Conclusion
Nous retiendrons que la formation des tissus minéralisés de l’organe dentaire se déroule
que ce soit pour l’émail (amélogénèse) ou pour la dentine (dentinogénèse) au stade de
cloche dentaire. La dentinogénèse (comme pour l’amélogénèse) passe par une
différenciation de cellules en Odontoblastes qui lui confère une spécialisation. La formation
de la dentine précède celle de l’émail. La dentinogénèse initie (ou induit) l’amélogénèse.

Bibliographie
1. Abdellali M. Histologie embryologie dentaire. Ben-Aknoun-Alger: Office des Publications
Universitaires; 2006.
2. Kaqueler J-C, Le May O. Anatomie pathologique bucco-dentaire : Elsevier Masson;
1998. Schroeder HE. Biopathologie des structures orales : dents, pulpe, parodonte:
CdP; 1987.
3. Piette E, Goldberg M. La dent normale et pathologique. Bruxelles, Belgique: De Boeck
université2001.,
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