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1. La notion d’animus
C’est la volonté de se comporter comme le véritable titulaire du droit. Cette volonté doit
être consciente, lucide. Ainsi, un enfant ou un aliéné, ne peut pas posséder efficacement.
La bonne et la mauvaise foi sont des qualités ou des vices pour la possession. Ce ne sont
pas des éléments constitutifs. Donc, le possesseur de mauvaise foi peut posséder utilement, c’est-
à-dire qu’il peut acquérir la propriété d’un bien par la possession, et la prescription en particulier.
La possession solo animo est admise par la JP. C’est lorsqu’elle se réduit à l’animus. Plus
précisément, le possesseur n’exerce aucune emprise matérielle sur le bien, il n’exerce donc pas le
corpus sur le bien. La JP considère néanmoins que cette possession peut conduire à l’usucapion.
C’est une JP constante et ancienne. Un premier arrêt a été rendu le 12/02/1889 Dalloz 1889 1ère
partie n°229. Cette décision a été rappelée notamment par la 1ère ch. civ. 20/02/2013 n° 11-25.398
et a été commentée au JCP général de 2013 n°740.
Circonstances à l’origine du litige : une famille avait pris possession d’une parcelle en
Polynésie française. Pendant plus de 60 ans, elle s’est abstenue de tout acte matériel sur cette terre
et elle a demandé que la propriété sur ses parcelles lui soit reconnue. Elle a considéré qu’elle était
devenue propriétaire par usucapion, fondée sur la possession. La Cour d’appel a refusé sa demande
mais, elle a obtenu gain de cause auprès de la Cour de cassation au visa de l’art. 2229 CC relatif à
la prescription acquisitive. Ici, la Cour de cassation a estimé que la possession, bien que amputée
de son corpus, permettait l’usucapion.
Pour la JP, la possession doit, au départ, être nécessairement établie par des actes matériels
réalisés à titre de propriétaire. La seule possession du titre de propriété ne suffit pas mais, une fois
établie, une fois l’accomplissement de certains actes matériels, la possession peut se conserver solo
animo, c’est-à-dire par la seule intention du possesseur de devenir propriétaire.
Cette JP suscite de nombreuses réserves car elle constitue une menace au droit du véritable
propriétaire. En effet, le propriétaire n’a plus d’indices visibles d’une possession exercée par un
tiers. Cette solution s’harmonise mal avec le caractère que doit présenter la possession, à savoir
qu’elle doit être publique. Pour pouvoir prescrire, le possesseur doit pouvoir établir que la
possession est publique. Les décisions solo animo sont exceptionnelles.
La preuve de l’animus : il est difficile à prouver, c’est une intention. Généralement, une
intention est prouvée par des manifestations extérieures. Cette solution ne peut pas s’appliquer à
l’animus car les manifestations extérieures constituent le corpus. Le législateur a réglé la difficulté
de preuve en posant 2 présomptions à l’art. 2256 : “On est présumé posséder pour soi et à titre de
propriétaire.” Dans la grande majorité des cas, le possesseur souhaite, a l’intention, de se comporter
comme le véritable propriétaire. Vu cette présomption, les juges n’ont pas à caractériser l’élément
intentionnel de la possession. En revanche, ils doivent caractériser le corpus et dès qu’il est
caractérisé, l’animus est censé exister. Cette présomption est une présomption simple et est
susceptible de preuve contraire par le corpus : ici, les actes matériels ou juridiques ne correspondent
pas à ce qu’aurait fait le véritable propriétaire. Cette présomption peut aussi être contredite par le
possesseur lui-même. Ainsi, il révèle qu’il ne possède pas à titre de propriétaire. Arrêt : un
possesseur avait possédé un bien pendant 30 ans et à l’issue de ce délai, il avait signalé à
l’administration cette parcelle et offrait de l’acheter. On a pu en déduire qu’il n’avait pas l’intention,
l’animus, d’en devenir propriétaire. Il ne pouvait donc plus invoquer la prescription acquisitive.
C’est l’existence de l’animus qui permet de faire cette distinction. La détention précaire est
visée à l’art. 2256 CC.
À l’alinéa 1, l’article énonce que “Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque
laps de temps que ce soit.” À l’alinéa 2, “Ainsi, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier, et tous
autres qui détiennent précairement le bien, ou le droit du propriétaire, ne peuvent le prescrire.”
Association Henri Capitant : la détention précaire est l’exercice licite d’un pouvoir précaire
exercé sur un bien en vertu, notamment, d’un titre prévoyant sa mise à disposition tels le bail, le
dépôt, ou le prêt.
Selon la JP, est détenteur précaire celui qui détient un bien dans des conditions qui excluent
la volonté d’être propriétaire = le dominus. Donc, contrairement au possesseur, le détenteur précaire
exerce un pouvoir de droit et non un pouvoir de fait sur la chose. Il détient un pouvoir de droit car
il détient la chose en vertu d’un titre (contrat) par lequel il reconnaît que le bien appartient à un
autre que lui. Ex. le locataire peut user et jouir de la chose. Le droit considère qu’il n’a pas
l’intention de se conduire comme s’il était le véritable propriétaire de la chose, il n’a pas pour
autant l’intention de devenir propriétaire de la chose. Le contrat de bail vaut reconnaissance de la
propriété d’un autre. Le locataire n’est donc pas possesseur. Par une fiction juridique, on considère
que c’est le propriétaire qui est possesseur parce qu’il a l’animus et on considère qu’il exerce le
corpus par l’intermédiaire du locataire. On dit que le propriétaire est corporé alieno : par le corpus
d’autrui. On parle de détention précaire parce que le détenteur doit restituer la chose au propriétaire
et le locataire ne peut pas décider de devenir possesseur et donc ne peut pas usucapper (prescrire)
le bien, c’est la raison pour laquelle on dit que la détention précaire est immuable. Ce principe est
énoncé à l’art. 2256 al. 1. Arrêt 1ère ch. civ. 22/03/2012 n°10-28.590. Dans cet arrêt, la Cour de
cassation rappelle que la détention précaire fait obstacle à la prescription acquisitive.
L’interversion du titre
L’art. 2268 CC prévoit que “Les détenteurs précaires et leurs héritiers peuvent prescrire si
le titre de leur possession se trouve interverti. Il peut être interverti soit par le fait d’un tiers, soit
par la contradiction qu’ils ont opposée au droit du propriétaire.”
L’interversion du titre signifie que le titre s’est transformé. La personne à l'origine, détenteur
précaire, ne l'est plus. Le détenteur précaire devient possesseur, elle peut donc prescrire contre celui
à qui elle tient ces droits. Pourtant, le CC prévoit que “Lorsqu’on a commencé à posséder pour
autrui, on possède toujours au même titre.” Contradiction avec l’interversion du titre ? Non, car
c’est une présomption simple. Elle doit donc être combattue et elle le sera par l’interversion du
titre.
À qui incombe la charge de la preuve de cette interversion ? Elle doit être prouvée par celui qui se
prétend possesseur. Le possesseur doit prouver qu’il détient la chose en tant que possesseur et non
pas en tant que détenteur précaire.
1. L’interversion provient d’une cause venant d’un tiers : rare en pratique. C’est le cas lorsque
le détenteur précaire acquiert la chose d’un tiers qu’il croyait être le propriétaire alors qu’en
réalité, il ne l’était pas. Il peut s’agir aussi bien d’une acquisition à titre gratuit ex. donation
qu’à titre onéreux ex. une vente. La JP semble exiger la bonne foi. Le détenteur précaire
doit avoir cru acheter le bien au véritable propriétaire par ex. En effet, cette acquisition ne
transfère pas le droit de propriété, on parle d’acquisition a non domino. Le détenteur ne
devient donc pas propriétaire mais, par une métamorphose de son titre, le détenteur précaire
devient possesseur.
La JP a considéré que le locataire qui n’a pas payé son loyer pendant 40 ans n'a pas
pour autant intervertit. Pour qu’il y ait interversion du titre, il doit aussi résister ouvertement
aux déclarations du bailleur en contestant son droit de propriété et en répudiant le titre en
vertu duquel il détenait antérieurement.
Art. 2261 s. CC : pour être utile, la possession doit présenter 4 caractères : continue, paisible,
publique et non-équivoque.
Les actes accomplis sur la chose doivent avoir la même fréquence que ceux que pourrait
effectuer le propriétaire.
Généralement, les propriétaires s’intéressent à leurs biens mais, ils ont aussi le droit de s’en
désintéresser : un propriétaire a le droit de ne pas utiliser son bien.
En pratique, la preuve de la continuité peut être difficile à apporter. La loi pose une
présomption de continuité qui est simple : art. 2264 CC “Le possesseur actuel qui prouve avoir
possédé anciennement est présumé avoir possédé pendant le temps intermédiaire.” Le possesseur
doit donc prouver qu’il a possédé le bien dans le passé et qu’il possède actuellement et la loi
présume alors qu’il a possédé de manière continue dans l’intervalle.
Une possession paisible est une possession qui ne doit pas être obtenue par la violence ou
même par des menaces à l’encontre du possesseur précédent.
Néanmoins, la possession qui a été obtenue par violence peut devenir utile si la violence a
cessé et la possession devient utile à partir du moment où la violence a cessé. Le caractère paisible
est présumé. ex. de possession non paisible : le squatteur qui pénètre par effraction dans un
logement et y reste en dépit des demandes d’expulsion du propriétaire.