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Usucapion.- Possession prolongée.- Bonne foi nécessaire (non).

- En dépit de l’ancienneté de
l’institution que constitue la prescription acquisitive, il existe encore à son égard de fausses
croyances (des « légendes urbaines » dirait-on aujourd’hui) qui persistent et que la
jurisprudence doit combattre régulièrement. Il en va ainsi de l’idée selon laquelle pour obtenir
le droit de l’article 544 du Code civil en vertu d’une possession prolongée, il ne faut pas être
conscient que l’immeuble n’est pas sa propriété. Rien n’est plus faux. C’est ce qu’a rappelé
opportunément la Cour de cassation lorsqu’elle a jugé que la bonne foi n’était pas une condition
de l’usucapion trentenaire. Elle en a donc déduit qu’une commune, dont la possession était
demeurée paisible, et qui s’était comportée pendant plus de trente ans en propriétaire du chemin,
avait pu l’acquérir par prescription.
Cass. 3e civ., 1er février 2018, n° 16-23.200, inédit.
Mauvaise foi du possesseur.- Caractère équivoque (non).- Possibilité de prescrire (oui).-
Certaines idées en matière de prescription acquisitive ont la vie dure, en particulier lorsqu’elles
sont erronées. L’arrêt du 20 décembre 2018 en est une nouvelle illustration. Assigné en bornage
par ses voisins, un propriétaire s'est prévalu de l'acquisition par prescription trentenaire d'une
partie des parcelles contiguës à la sienne. Pour lui dénier la possibilité de se prévaloir de cette
usucapion, l'arrêt d’appel avait précisé la possession ne réunissait pas toutes les conditions
posées à l'article 2261 du Code civil pour prescrire, car le possesseur ne saurait prétendre avoir
possédé pendant trente ans au moins, à titre de propriétaire, dans la mesure où il savait que la
parcelle litigieuse appartenait à son père.
Au demeurant, pour pouvoir prescrire, il faut (mais il suffit) une possession continue et non
interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. Cette possession d'un
bien « à titre de propriétaire » n'est pas subordonnée à la bonne foi du possesseur. Il est patent
que l'intention de posséder un bien « à titre de propriétaire » permet au possesseur de prescrire
la propriété d'un bien qu'il sait appartenir à autrui. En d’autres termes, la connaissance de la
véritable situation juridique de la parcelle litigieuse n'empêche nullement le possesseur d'avoir
l'intention de se comporter comme s'il en était propriétaire, et, partant, d'en prescrire la
propriété.
D’où la cassation au visa des articles 2258 et 2261 du Code civil, la troisième chambre civile
rappelant que la mauvaise foi du possesseur ne rend pas équivoque sa possession.
Cass. 3e civ., 20 décembre 2018, n° 17-28.107, inédit.
Conditions.- Autorisation d’usage.- Caractère équivoque.- Dans un lotissement, les
propriétaires d'une parcelle constituant un passage ont assigné les propriétaires de lots voisins,
afin de leur interdire d'utiliser cette parcelle pour accéder à leur propre fonds. Ces derniers ont
fait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté leur demande fondée sur l'acquisition par prescription
de la propriété indivise de la parcelle litigieuse. On sait que pour pouvoir prescrire, il faut une
possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de
propriétaire (C. civ., art. 2261).
Néanmoins, il a été relevé que les auteurs des utilisateurs de la parcelle avaient initialement
bénéficié d'une autorisation d'usage du passage pendant deux mois et que leur possession, qui
s'était maintenue à la fin de l'autorisation, n'avait dès lors pu être exercée à titre de propriétaire.
Il a donc été décidé que la cour d'appel en a souverainement déduit que la possession invoquée
était équivoque.
Cass. 3e civ., 12 décembre 2019, n° 18-22.918, inédit.

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