Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
net/publication/271073528
CITATIONS READS
3 488
1 author:
Elisabetta Basso
Ecole normale supérieure de Lyon
157 PUBLICATIONS 69 CITATIONS
SEE PROFILE
Some of the authors of this publication are also working on these related projects:
Rethinking Anthropology in the light of Phenomenology and Psychopathology. Michel Foucault’s 1950s Manuscripts (Bibliothèque Nationale de France) View project
CIERA: Programme de Formation et recherche 2018: "Approches historiques et philosophiques des savoirs anthropologiques en psychiatrie. France et Allemagne, XIXe-
XXIe siècle" View project
All content following this page was uploaded by Elisabetta Basso on 10 February 2015.
Elisabetta BASSO*
Penguin, 1960) dans l’édition originale portait en sous-titre : An Existential Study in Sanity and Madness et
il s’ouvrait sur une citation d’Eugène Minkowski. Dans la préface, en outre, l’auteur se réclamait
ouvertement de la philosophie et de la psychiatrie « existentielles » de Jaspers et Binswanger et
présentait le volume comme le premier d’une série d’études consacrées à la psychologie et la psychiatrie
« existentielles ». L’ouvrage de Roland LAING et David COOPER, Reason and Violence (New York,
Humanities Press, 1964), parut également dans une collection dont l’intitulé était : Studies in Existential
Analysis and Phenomenology.
4 FOUCAULT Michel, « Introduction » à Ludwig Binswanger, Le rêve et l’existence, trad. fr. par Jacqueline
Verdeaux et Michel Foucault, Bruges, Desclée de Brouwer, 1954 ; BINSWANGER Ludwig, Le cas
Suzanne Urban. Étude sur la schizophrénie (1952), trad. fr. par J. Verdeaux, R. Kuhn et M. Foucault, Bruges,
Desclée de Brouwer, 1957.
5 Dans un entretien de 1980, par exemple, Foucault prend ses distances avec le mouvement
antipsychiatrique, auquel son Histoire de la folie avait été comparée à plusieurs reprises (cf. « Entretien
avec Michel Foucault », Dits et écrits, 1954-1988, éd. par Daniel Defert et François Ewald, Paris,
Gallimard, 1994, vol. IV, n. 281, p. 41-96).
6 Lors de la parution de l’Histoire de la folie, certains psychiatres français taxèrent la posture intellectuelle
de Foucault d’« idéologique » et lui reprochèrent une position « psychiatricide » en contradiction avec les
ouvrages du philosophe parus au cours de années cinquante, notamment son Introduction à Le rêve et
l’existence. Henri Ey, par exemple, dans son allocution d’ouverture des « Journées annuelles de
l’Évolution psychiatrique » de 1969, tout en louant « la somptueuse Préface de la traduction de Traum
34
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
und Existenz, regrettait que la conception idéologique qui était à la base de l’archéologie foucaldienne de la
folie remette en cause « l’intérêt que Foucault a toujours pris aux problèmes fondamentaux de la
psychopathologie et de la psychanalyse » (cf. La conception idéologique de l’« Histoire de la folie » de Michel
Foucault, « L’Évolution Psychiatrique », 36, 2, 1971, p. 225). Pour une présentation du contexte
intellectuel international dans lequel se positionne la critique foucaldienne de la psychiatrie, nous
renvoyons à ARTIERES Philippe et BERT Jean-François, Un succès philosophique : L’« Histoire de la folie à
l’âge classique » de Michel Foucault, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2011, p. 225-238.
7 Franco Basaglia avait été l’un des élèves de Danilo Cargnello (1911-1998), l’un des premiers
psychiatres en Italie à s’intéresser à l’œuvre de Binswanger déjà depuis la fin des années quarante (cf. en
particulier les travaux de Cargnello parus dans la Rivista di Psicologia et dans l’Archivio di psicologia, neurologia
e psichiatria). En effet, la psychiatrie existentielle occupe une place tout à fait cruciale dans les écrits de
Basaglia entre les années cinquante et soixante : cf. Scritti, vol. I : 1953-1968: Dalla psichiatria fenomenologica
all’esperienza di Gorizia, éd. par Franca Ongaro Basaglia, Torino, Einaudi, 1981.
8 Cf. MINKOWSKI Eugène, « L’homme et ce qu’il y a d’humain en lui », in Vers une cosmologie. Fragments
philosophiques, Paris, Montaigne, 1936, p. 142-153, et FOUCAULT Michel, « La psychologie de 1850 à
1950 », in Dits et écrits, op. cit., vol. I, p. 137 : « Il n’y aura dès lors de psychologie possible que par
l’analyse des conditions d’existence de l’homme et par la reprise de ce qu’il y a de plus humain en
l’homme, c’est-à-dire son histoire ».
9 MINKOWSKI Eugène, « Psychiatrie et métaphysique. À la recherche de l’humain et du vécu, Revue de
565, (maintenant dans Penser l’homme et la folie. À la lumière de l’analyse existentielle et de l’analyse du destin,
Grenoble, Jérôme Millon, 1997, p. 9).
35
ELISABETTA BASSO
trouver une forme de scientificité qui lui permettrait de trouver sa propre place aux
côtés des autres branches de la médecine. En effet, en analysant les problématiques
épistémologiques qui ont motivé à l’origine ce courant de la psychiatrie, on s’aperçoit
que cette méthode a été formulée à partir d’une nécessité théorique qui est
strictement liée à l’exigence de rendre compte, au niveau de la relation clinique entre
médecin et patient, de la nature subjective et individuelle des expériences
psychopathologiques. De ce point de vue, les intuitions épistémologiques de Ludwig
Binswanger pourront ouvrir l’espace, aujourd’hui, pour des réflexions ultérieures sur
la pratique thérapeutique ou la relation du soin.
Cette démarche mérite d’être approfondie, car elle nous paraît tout à fait
pertinente dans le contexte du débat actuel concernant le rôle et les tâches de la
« philosophie de la médecine » face au discours de plus en plus pressant de la
« bioéthique »11.
Le « cas » Binswanger
Si nous avons choisi de nous concentrer sur l’exemple de Ludwig Binswanger,
c’est parce que l’œuvre de ce psychiatre se présente est la plus représentative du
courant « existentiel » de la psychiatrie au début du XXe siècle. Formé dans l’une des
cliniques psychiatriques universitaires les plus célèbres d’Europe au passage entre le
XIXe et le XXe siècle – le Burghölzli de Zurich, dirigé par Eugen Bleuler et son jeune
assistant Carl Gustav Jung12 – Binswanger eut l’opportunité de se confronter aux
développements les plus récents de la psychiatrie académique de son époque, celle
qui envisageait la possibilité d’affronter les troubles psychiatriques selon le point de
vue de la psychologie dynamique naissante13. Son appartenance à une famille de
11 Cf. GAILLE Marie, textes réunis par, Textes clés de philosophie de la médecine, vol. 1 : Frontière, savoir,
clinique, Paris, Vrin, 2011.
12 Eugen Bleuler dirige le Burghölzli de 1898 à 1927.
13 Cf. en particulier BLEULER Eugen, Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien, Deuticke, Leipzig,
1911 ; trad. fr. par A. Viallard, Dementia praecox ou Groupe des schizophrénies, Paris, EPEL GREC, 1993,
« Avant-propos », p. 37 : « Si je tente […] d’éclairer un peu les rapports psychologiques, ce n’est pas
uniquement parce que toute nouvelle connaissance a de la valeur en soi, mais aussi, notamment, parce
que, selon moi, c’est par cette voie que l’on peut le mieux espérer de nouveaux aperçus de la nature des
psychoses, en l’état actuel de nos connaissances ». Jung avait choisi la même voie en 1907 et 1908 dans,
respectivement, Le contenu de la psychose et La psychologie de la dementia praecox, où il s’engageait notamment
à utiliser la méthode employée par Freud dans le champ des névroses pour affronter les symptômes
psychiatriques : cf. en particulier JUNG Carl Gustav, Der Inhalt der Psychose, Deuticke, Leipzig-Wien,
1908 ; Die Gesammelte Werke von Carl Gustav Jung, vol. 3, Rascher, Zürich, 1968 ; Walter, Olten, 1973 ;
trad. fr. J. Rigal, Le contenu de la psychose, in Psychogenèse des maladies mentales, Paris, Albin Michel, 2001,
p. 200-201 : « La conception purement anatomique de la psychiatrie moderne aboutit seulement à des
voies dont on peut dire sans exagérer qu’elles ne mènent qu’indirectement au but, qui est la
compréhension des troubles mentaux. […] La voie d’une psychiatrie future qui doit mieux saisir le cœur
du problème est donc toute tracée : ce ne peut être que la voie psychologique. C’est pourquoi ici à Zurich, dans
36
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
psychiatres depuis trois générations – il n’est peut-être pas superflu de rappeler que
l’oncle de Ludwig, Otto Binswanger, était professeur à l’Université de Jena et que
Freud n’hésita pas, dans un échange avec Jung, à le définir comme une « forteresse
de l’orthodoxie »14 – ne lui empêcha pas de se mettre à l’écoute des exigences de
renouvellement de la psychiatrie clinique à une époque où l’approche scientifique
dominante était marquée par le système nosologique kraepelinien. Même une fois
abandonné le milieu académique – Ludwig consacrera toute sa carrière, à partir de
1908, au sanatorium de Kreuzlingen, le « Bellevue », fondé par son grand-père
Ludwig Binswanger senior en 1857 et dirigé jusqu’à cette date par Robert
Binswanger, son père – le jeune psychiatre n’arrêtera pas son engagement
scientifique face au « dilemme dans lequel se trouv[ait] la psychiatrie », entre la
possibilité de « décider si elle veut simplement rester une science appliquée, un
conglomérat de psychopathologie, de neurologie et de biologie, maintenu ensemble
simplement par sa tâche pratique, ou si elle veut devenir une science psychiatrique
unitaire »15.
À une époque où la théorisation nosologique en psychiatrie s’accompagnait
d’une « expérimentation thérapeutique » guidée par le critère d’une efficacité
empirique à laquelle ne correspondait pas forcément un savoir scientifique16,
Binswanger s’efforcera d’effacer les frontières entre la pratique psychiatrique et la
réflexion épistémologique en essayant d’élaborer un modèle théorique s’enracinant
directement dans la clinique. Entre les années 1910 et 1920, en effet, le problème qui
se pose à lui est celui d’intégrer les exigences du savoir scientifique avec l’historicité,
notre clinique universitaire, nous avons complètement abandonné la voie anatomique et nous nous
sommes tournés entièrement vers l’exploration psychologique de la maladie mentale. […] Dans ce
travail, les études fondamentales de Freud sur la psychologie de l’hystérie et du rêve ont été pour nous
le plus grand stimulant et l’aide la plus précieuse ».
14 FREUD Sigmund et JUNG Carl Gustav, Briefwechsel, éd. par W. McGuire et W. Sauerländer,
Frankfurt a. M., Fischer, 1974 ; trad. fr. par R. Fivaz-Silbermann, Correspondance, Paris, Gallimard, 1975,
lettre du 15 novembre 1907, 52 F, t. 1, p. 153.
15 BINSWANGER Ludwig, « Psychoanalyse und klinische Psychiatrie », Internationale Zeitschrift für
ärztliche Psychoanalyse, 7, 1920, p. 137-165 ; Ausgewählte Vorträge und Aufsätze, vol. 2 : Zur Problematik der
psychiatrischen Forschung und zum Problem der Psychiatrie, Bern, Francke, 1955, p. 40-66 ; trad. fr. par
R. Lewinter, Psychanalyse et psychiatrie clinique, in BINSWANGER Ludwig, Analyse existentielle, psychiatrie
clinique et psychanalyse. Discours, parcours, et Freud, Paris, Gallimard, 1970, p. 152-153. Pour l’histoire de
l’Institut psychiatrique créé par la famille Binswanger à Kreuzlingen, nous renvoyons notamment au
texte rédigé par l’auteur en 1957 : Zur Geschichte der Heilanstalt Bellevue in Kreuzlingen 1857-1932, Zürich,
O. Füssli. Cf. aussi HERZOG Max, Ludwig Binswanger und die Chronik des Klinik „Bellevue“ in Kreuzlingen.
Eine Psychiatrie in Lebensbildern, Berlin, Quintessenz, 1995 ; HIRSCHMÜLLER Albrech et MOSES
Annette, Binswangers psychiatrische Klinik Bellevue in Kreuzlingen : das Asyl unter Ludwig Binswanger sen., 1857-
1880, Frankfurt a. M., Lang, 2004.
16 Il s’agit de la thèse de Jean-Noël MISSA, selon lequel l’« empirisme thérapeutique » est la
caractéristique principale de la psychiatrie du XXe siècle (Naissance de la psychiatrie biologique : Histoire des
traitements des maladies mentales au XXe siècle, Paris, PUF, 2006).
37
ELISABETTA BASSO
38
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
1906, p. 559-563.
20 HOCHE Alfred, « Die Bedeutung der Symptomenkomplexe in der Psychiatrie », Zeitschrift für die
39
ELISABETTA BASSO
soi fermée »23 – il n’hésite pas à apprécier cette idée d’un auto-groupement ou d’une
auto-organisation des symptômes. Nous retrouverons, en effet, cette intuition dans
le thème que Binswanger développera plus spécifiquement dans les années vingt, à
savoir l’idée de l’auto-normativité du pathologique. Il s’agit d’une perspective qui
comporte des conséquences méthodologiques et cliniques très importantes, dans la
mesure où, s’il est vrai que les désordres psychiques s’organisent ou « se groupent par
eux-mêmes », le travail du psychiatre consistera alors non pas dans la catégorisation
extérieure des formes pathologiques, mais dans la description et l’analyse de ces
formes « de l’intérieur », à partir des « modes » selon lesquels ces formes se
structurent.
Binswanger poursuit son article en présentant et discutant la perspective de
Karl Bonhoeffer (1868-1948)24, lequel, à cette même époque, s’était occupé à son
tour des psychoses fonctionnelles ou « symptomatiques » qu’il concevait comme des
formes de « réaction psychique typiques » relativement indépendantes de l’atteinte
organique25. Malgré son appréciation de la « concession lourde de signification
clinique » faite par le psychiatre allemand à la psychologie26, Binswanger reproche à
Bonhoeffer de n’avoir pas réussi à penser la spécificité de vécus psychiques, à savoir
leurs modes de fonctionnement et leurs formes typiques d’organisation. C’est dans
l’ouvrage de Bleuler de 1911 (Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien) que
Binswanger reconnait le modèle capable de séparer enfin le concept de « processus »
pathologique organique de celui de « réaction » de la psyché malade sans pourtant
faire retomber la psychiatrie dans le « psychologisme »27. En distinguant les
symptômes primaires ou fondamentaux – relevant directement du processus
morbide – des symptômes secondaires ou psychologiques, Bleuler aurait été capable,
en effet, de concilier les deux niveaux de l’organique et du psychique sans opter
dogmatiquement ni pour l’un ni pour l’autre. C’est la raison pour laquelle en 1914,
23 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit.,
p. 576 (nous traduisons).
24 Karl Bonhoeffer avait étudié avec Carl Wernicke à Breslau et à partir de 1912 était professeur à
Berlin.
25 BONHOEFFER Karl, « Die symptomatische Psychosen im Gefolge von akuten Infektionen und
Psychiatrie und Neurologie, 68, 1928, p. 52-79 ; Ausgewählte Werke, vol. 3: Vorträge und Aufsätze, éd. par Max
Herzog, Heidelberg, Asanger, 1992, p. 71-94 ; trad. fr. par Jacqueline Verdeaux et Roland Kuhn,
« Fonction vitale et histoire intérieure de la vie », in Introduction à l’analyse existentielle, Paris, Les Éditions
de Minuit, 1971, p. 49.
27 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit.,
p. 584.
40
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
28 Ibidem, p. 578.
29 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 572. À ses yeux, en effet, il se
peut très bien qu’« à trouble cérébral égal, tel patient peut guérir et tel autre peut devenir stupide, en cas
de constitution psychique un peu différente, ou de manque de stimulation, ou de trauma psychique
d’effet plus important » (p. 575).
30 Ibidem, p. 37.
31 Sur le problème du statut « scientifique » de la psychiatrie existentielle, nous nous permettons de
renvoyer à notre article : « From the Nature of Psychosis to the Phenomenological Reform of
Psychopathology. A Historical and Epistemological Account of Ludwig Binswanger’s Psychiatric
Project », Medicine Studies, vol. 3, n°4, p. 215-232.
32 BINSWANGER Ludwig et FREUD Sigmund, Briefwechsel: 1908-1938, G. Fichtner éd., Frankfurt a.
M, Fischer, 1992 ; trad. fr. par R. Menahem et M. Strauss, Correspondance 1908-1938, Paris, Calmann-
Lévy, 1995.
33 BINSWANGER Ludwig, « Versuch einer Hysterie-Analyse », Jahrbuch für psychoanalytische und
41
ELISABETTA BASSO
34 JASPERS Karl, « Kausale und “verständliche” Zusammenhänge zwischen Schicksal und Psychose bei
der Dementia praecox (Schizophrenie) » Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 14, 1913,
p. 158-263 ; Gesammelte Schriften über Psychopathologie, Berlin, Springer, 1963, p. 329-413.
35 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie. Ein Leitfaden für Studierende, Ärzte, und Psychologen, Berlin,
Springer, 1913, chap. 3 : « Die Zusammenhänge des Seelenlebens : I. Die Verständlichen
Zusammenhänge », p. 147 : « Nous parlons de compréhension dans la mesure où le contenu est
entièrement confirmé par les gestes, les manifestations verbales et les autres actes. Nous parlons
d’interprétation lorsque nous n’avons que quelques rares points d’appui qui nous servent à transposer sur
le cas particulier qui nous occupe, avec une certain probabilité, des relations déjà constatées dans
d’autres cas » (trad. fr. d'après la troisième édition allemande par A. Kastler et J. Mendousse,
Psychopathologie générale, Paris, Félix Alcan, 1928, p. 252).
36 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie, op. cit., p. 338.
42
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
p. 581.
40 Ibidem.
41 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, Pfullingen, Neske, 1957, p. 27.
43
ELISABETTA BASSO
42 Ibidem.
43 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 367.
44 Ibidem, p. 569.
45 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, op. cit., p. 12 : « […] il est possible […] de montrer quels sont
les éléments responsables du fait que cet ordre structural, pour ainsi dire, “vient à manquer”, présente
des fissures, mais aussi la manière dont ces fissures sont comblées par l’être-au-monde [Dasein] » (nous
traduisons).
44
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
1932, pp. 203-217 ; 28, 1-2, 1932, p. 18-26, 183-202 ; 29, 1, 1932, p. 193 ss. ; 30, 1, 1933, p. 68-85 ; en
volume: Zürich, Orel Füssli, 1933 ; Ausgewählte Werke, vol. 1: Formen mi_glückten Daseins, éd. par Max
Herzog, Heidelberg, Asanger 1992, p. 2-231 ; trad. fr. par M. Dupuis; avec la collab. de C. van Neuss et
M. Richir, Sur la fuite des idées, Grenoble, Jérôme Millon, 2000, p. 150.
48 BINSWANGER Ludwig, « Sur la direction de recherche analytico-existentielle en psychiatrie », op. cit., p. 66.
45
ELISABETTA BASSO
L’« a priori d’existence » ou structure, dans l’analyse existentielle, est donc un concept
opératoire dérivant de la clinique, qui est dégagé de la clinique – puisqu’il ne peut pas
être théorisé avant son incarnation dans un cas – et pourtant, en même temps, il est à
même de la guider. D’un point de vue épistémologique, il s’agit d’un concept qui, en
dernière analyse, est formulé et utilisé par Binswanger afin de rendre compte de
l’immanence des catégories scientifiques en regard des faits que ces catégories sont
censées expliquer.
46
LA PSYCHI ATRIE COMME « SCIE NCE DU SINGU LIER »
un « nouvel être dans le monde » […] (ce qui veut toujours dire un être ordonné selon
une norme, un sens, une structure) qu’il faut caractériser positivement49.
Même s’il est vrai que les ouvrages de Binswanger laissent plus d’espace à la
réflexion théorique qu’à la présentation de véritables « techniques » pratico-
thérapeutiques50, il faut aussi reconnaître que cette réflexion reste un point de repère
très important aujourd’hui pour les psychiatres, les médecins, mais aussi les
philosophes qui s’interrogent sur la relation de soin51. La Daseinsanalyse ouvre, en
effet, sur une vision optimiste de la clinique qui conçoit désormais la pratique
thérapeutique – pour utiliser les mots de Lazare Benaroyo – comme une activité qui
« ne se contente pas de prévoir pour le patient un retour à la norme physiologique,
mais se concentre également sur les capacités qu’a le malade de retrouver une
nouvelle norme d’existence »52.
Le psychiatre-phénoménologue, grâce à sa capacité de saisir directement les
« directions de sens » structurant la formation du « projet de monde » du malade,
aurait la possibilité d’intervenir dans cette formation par son action thérapeutique,
laquelle aurait précisément le but d’aider les malades à intervenir eux-mêmes dans
leurs propres mondes, à savoir – comme le montre très bien Roland Kuhn – à
s’« interroger sur le style selon lequel ils existent » et qui consiste « en une certaine
manière de s’expliquer avec un monde, les autres, soi-même »53. Loin de s’imposer de
l’extérieur avec ses propres règles et son propre système interprétatif, la thérapie est
conçue désormais comme « un nouvel acte créateur »54. D’où l’importance que la
Daseinsanalyse attribue aux dimensions temporelles du « présent » et de l’ « avenir »
plutôt qu’à l’idée d’un passé intervenant de manière déterministe sur les contenus des
philosophie en psychiatrie. Cf. aussi le recueil dirigé par Brigitte LEROY-VIEMON, Ludwig Binswanger.
Philosophie, Anthropologie clinique, Daseinsanalyse, Paris, Le Cercle Herméneutique, 2011.
52 BENAROYO Lazare, « Éthique et herméneutique du soin », in BENAROYO Lazare, LEFEVE
Céline et al. (dir.), Philosophie du soin : éthique, médecine et société, Paris, PUF, 2010, p. 27.
53 KUHN Roland, « L’errance comme problème psychopathologique ou déménager » (1973), in Écrits
sur l’analyse existentielle, textes réunis et présentés par Jean-Claude Marceau, Paris, L’Harmattan, 2007,
p. 96. Cf. aussi son « Approche de la pensée daseinsanalytique en psychiatrie et psychothérapie » (1999),
ibidem, p. 290 : « Le malade apprend peu à peu à remplacer ses propres associations libres […] par des
variation eidétiques. Cela signifie un gain du point de vue des connexions significatives de la pensée ».
54 KUHN Roland, « L’essai de Ludwig Binswanger “Le rêve et l’existence” et sa signification pour la
47
ELISABETTA BASSO
55KUHN Roland, « L’œuvre de Ludwig Binswanger, son origine et sa signification pour l’avenir », Écrits
sur l’analyse existentielle, op. cit., p. 143.
48