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INTRODUCTION GENERALE

La microéconomie est l’étude des comportements individuels des agents économiques


(ménages, entreprises, État) et de leurs interactions sur les marchés. La microéconomie a
connu de profonds bouleversements au cours des dernières décennies. Cette évolution peut
être structurée autour de la : « la microéconomie traditionnelle ou à l’ancienne, la Nouvelle
microéconomie à l’ancienne et La Nouvelle microéconomie.

1. La microéconomie traditionnelle
Adam Adam Smith (1776) : Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations,
1776.
« La poursuite de ses intérêts personnels conduit donc à la réalisation de l’intérêt général ».
La microéconomie traditionnelle étudie les échanges marchands dans un cadre dit de «
concurrence parfaite ». Dans ce cadre, chaque bien ou service s’échange sur un marché
spécifique sur lequel se rencontrent des acheteurs et des vendeurs.
Jusque dans les années 1970, dans le prolongement de la pensée d’Adam Smith (fin du 18e
siècle) et des travaux de Léon Walras (fin du 19e siècle), elle est restée centrée sur l’analyse
des marchés concurrentiels, caractérisés par un très grand nombre d’acteurs tant du côté de
la demande que du côté de l’offre ainsi que par une information parfaite des acheteurs et des
vendeurs.
L’analyse économique fait un grand usage de la notion d’ « allocation efficace » (encore
appelée « allocation optimale au sens de Pareto »). Cette expression désigne une situation
dans laquelle il est impossible d’améliorer la satisfaction d’au moins un individu sans diminuer
celle d’un autre. Un des principaux apports de la microéconomie traditionnelle est de parvenir
à démontrer qu’une économie dans laquelle tous les marchés fonctionnent selon les
hypothèses de la concurrence parfaite aboutit précisément à une allocation efficace des
ressources.
Sous l’hypothèse de rationalité, les individus agissent en utilisant au mieux sur un marché de
Concurrence pure et parfaite, les ressources dont ils disposent, compte tenu des contraintes
qu’ils subissent. L’individu est une unité de décision autonome, son comportement est défini
indépendamment de toute contrainte macro sociale. Dans ce modèle walrasien, l’agent est
price-taker et le tâtonnement walrasien qui en résulte aboutit équilibre général sur tous les
marchés.

2. La Nouvelle microéconomie à l’ancienne : L’analyse économique du crime

1°/Années 60-70 : Utilisation des hypothèses de rationalité et de CPP pour étudier des
phénomènes non-marchand (mariage, politique, drogue, terrorisme, crime…..)

2°/ Economie du Bien-être (EBE) et nouvelle économie publique : EBE : existence d’effets
externes et de biens publiques → légitimité de l’Etat pour palier les déficiences du marché.
Mais : les choix publiques ne peuvent se réduire des préférences individuelles ( th.
d’impossibilité d’Arrow)

Donc Etat obligé de choisir arbitrairement des bénéficiaires : quel comportement de l’Etat ?

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Nouvelle économie publique : dite Eco du choix publique. Les interventions publiques sont
déterminées sur un marché politique (offre émane des bureaucrates et des politiciens, de
émane des groupes de pression). Ce marché n’est pas parfait donc allocation inefficace des
ressources et interventionnisme excessif : L’Etat bénéficie de rentes de situation. Justification
d’un libéralisme absolu. Cf. James Buchanan(1975), prix Nobel 1989.

Problème, de la nouvelle micro « à l’ancienne » : hypothèse de rationalité et de CPP peu


pertinente dans les domaines où ils les appliquent.

Application : économie du crime

Pour mieux comprendre le comportement du criminel afin de proposer des politiques


efficaces de lutte contre la criminalité, les économistes ont élaboré des modèles de
comportement. Ces différents modèles présentent le criminel comme tout agent rationnel
confronté à un problème de choix avec pour critère la satisfaction de son utilité. Cette analyse
qui se présente sous la forme d'une fonction d'offre de crime (Becker, 1968) est renforcée par
la prise en compte de l'aspect inter-temporel de l'acte criminel (Davis, 1988), même si la
tendance actuelle de marché de délit (Ehrlich, 1996) permet de mieux cerner le problème.
Par marché de délit, il ne s'agit pas nécessairement d'un cadre physique où il y a des
transactions illégitimes mais une notion suffisamment abstraite à la Walras avec une
coordination agrégée des comportements des offreurs et des demandeurs qui aboutissent à
la détermination de prix importants. Il est question des demandes directes ou dérivées
d'activités illégitimes spécifiques. La puissance publique "taxe" l'incidence de la criminalité à
travers ses interventions aussi bien du côté de l’offre que du côté de la demande du marché.
Du côté offre

Du point de vue offre, l'hypothèse de base est que les criminels potentiels agissent
rationnellement en fondant leur décision de commettre un crime sur une analyse des coûts
et des bénéfices de tel ou tel acte particulier. En d'autres termes, l'avantage net (i) découlant
d'un crime est égal à son rendement brut ou butin (wi) diminué du coût direct (ci) lié à la prise
du butin, moins les salaires (wl) qui auraient pu provenir d'une occupation légitime, moins le
produit de la probabilité d'une condamnation (pi) multiplié par la "valeur" de la peine (fi) à
subir éventuellement:
i = wi-ci-wl -pi*fi

Pour un individu qui a une certaine "valeur morale" l'avantage net à retirer d'un crime
doit dépasser un certain seuil pour qu'il se décide à commettre ce crime. Ce seuil est
déterminé selon les valeurs morales de l'individu concerné. Ainsi on a l'équation binaire
suivante:

D=1 quand i SE


D=0 quand i SE

D est la décision de commettre le crime (D=1) ou de ne pas le commettre (D=0); SE


étant le seuil d'avantage net choisi. Il en résulte que D=1 quand :
wi-ci-wl -pi*fi SE

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Ceci implique les résultats suivants :

Premièrement, la taille du butin dépend de la nature du crime.


Deuxièmement, les coûts liés au crime dépendent de la difficulté à commettre celui ci.
Troisièmement, la valeur des salaires abandonnés qui pourraient être obtenus dans
l’économie légale dépend des potentialités offertes par cette économie.
Enfin , le climat moral régnant dans cette société peut affecter la propension d’un individu à
commettre le crime.

Si la distribution des valeurs morales dans la société est bien définie, l’offre de délits
par tête ou le taux de criminalité qi sera une fonction croissante de l’avantage net par délit.
La fonction d’offre de délit s’écrit :
qi=S(i), avec S(i)0.

Du Côté demande.

Il y a littéralement une demande directe pour les activités définies comme les crimes
dans le cas de biens et services illégaux tels que les biens volés qui sont recherchés par des
consommateurs véreux. Même dans le cas de violations contre les personnes et les propriétés,
il y a une demande dérivée ou une tolérance du crime qui est inversement relié à la demande
de protection contre le crime.
Parce que la protection est coûteuse, son niveau optimal se situera à une région où
son coût marginal est égal au bénéfice marginal. Le niveau optimal des dépenses individuelles
contre le crime est relié directement au risque encouru pour être une victime et la perte future
privée contre le crime.

La raison intuitive est que les individus espèrent élever ou abaisser leur « défense »
contre la menace de devenir une victime. Un facteur de proportionnalité reflète la
productivité des efforts d’autoprotection en accroissant le coût du criminel et en abaissant
la probabilité d’être une victime.

On conçoit ainsi une demande directe de protection comme fonction croissante et


concave du taux de criminalité. La courbe de demande délit indique qu’un taux de criminalité
est « demandé » par les victimes potentielles par leur disposition à payer pour se protéger
contre le crime. Un taux de criminalité élevé ou le risque d’être une victime (qi) induit de gros
efforts d’auto protection de la part des victimes, ce qui réduit le gain différentiel des
délinquants.

La courbe de (dd) de pente négative décrit la fonction de demande di pour une activité
illégale : di=D(qi) avec D(qi)0

La fonction du régulateur

L’objectif de l’autorité chargée du maintien de l’ordre public est de minimiser le coût


social du crime par tête à travers une sanction anticipée optimale Ti= pi*fi. Cette « taxe »
combine la probabilité d’arrestation et de condamnation à la peine encourue en cas
d’arrestation.

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Pour des niveaux donnés des paramètres du marché, la punition optimale espérée pi*fi
est généralement une fonction croissante du taux de criminalité (Ehrlich et Gibbons, 1977).
Ce qui donne :
pi*fi=T(qi,) avec T(qi)0,  représentant les autres paramètres du marché.

La courbe de la taxe implicite (TT) est la distance verticale entre la demande (dd) et le « revenu
après impôt » ().
Equilibre du marché.

L’offre de criminalité et la demande de protection contre le crime sont les


composantes fondamentaux du marché. Ce marché sera en équilibre lorsque la quantité de
crime (q*) est telle que ni le criminel (recherchant le revenu anticipé du crime), ni les
individus (recherchant à réduire le risque et le coût encourus pour être une victime), ni le
gouvernement (recherchant le bien être social maximal) ne trouvent nécessaire d’ajuster
leur comportement et de changer le revenu net ou le prix associé au crime.

S
d

d

q*
S
Figure 1: Equilibre du marché de la criminalité

3.La nouvelle Microéconomie

Le paradigme central de la microéconomie traditionnelle, (parfois qualifiée


de « microéconomie walrasienne »), avec la théorie de l’équilibre général de Walras en point
d’orgue, conduit à une vision très restrictive du fonctionnement d’une économie de marché,
en omettant les configurations d’interaction stratégique entre les agents économiques ou les
problèmes liés aux imperfections d’information.

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La « nouvelle » microéconomie prolonge la microéconomie traditionnelle en prenant pour
base de son analyse le comportement d’individus rationnels plongés dans un environnement
imparfaitement concurrentiel.

Elle s’intéresse aux interactions stratégiques entre les acteurs (avec la théorie des jeux) ainsi
qu’aux questions relatives aux imperfections d’information (économie de l’information et de
l’incertain).
La nouvelle micro remplace le commissaire priseur par des contrats qui génèrent des coûts de
transaction. Coase (1937) critique la micro-traditionnelle qui envisage la firme comme un
point. C’est un lieu où l’allocation des ressources s’effectue par voie hiérarchique plutôt que
par le marché car pas de coûts de transactions coûteux. Williamson (1975) systématise
l’approche en étudiant tous les types de contrat que peuvent signer les entreprises.

Depuis une vingtaine d’années, cette « nouvelle microéconomie » est enrichie par
l’intégration de fondements psychologiques dans l’analyse avec le développement de l’«
économie comportementale ». L’économie comportementale (behavioral economics) est un
vaste courant de recherche visant à donner à l’économie des fondements psychologiques plus
réalistes. Elle se fonde notamment sur des résultats expérimentaux (économie expérimentale)
pour construire de nouveaux modèles théoriques. L’économie comportementale inclut
l’économie expérimentale, la psychologie économique, mais aussi la neuroéconomie
(croisement entre l’économie et les neurosciences) où l’économie des émotions.

3. Synthèse des approches

Rationalité des Agrégation des Efficience du marché


agents comportements
économiques individuels
Microéconomie Rationalité au sens Harmonieuse Marché efficient, sauf pour
traditionnelle habituel : les biens collectifs,
utilitarisme et monopoles et effets
information externes
parfaite
Nouvelle Rationalité au sens Harmonieuse Marché toujours efficient
Microéconomie à habituel pour la (dans tous les cas plus
l’ancienne (chez les théorie néolibérale efficace que l’Etat)
nouveaux libéraux) traditionnelle

Rationalité au sens
fort (anticipations
rationnelles) pour
les nouveaux
classiques

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Nouvelle Rationalité au sens Non harmonieuse, Marché parfois défaillant :
microéconomie faible (utilitarisme possibilité de en plus des biens collectifs,
uniquement) déséquilibres monopoles et effets
externes, il faut ajouter la
structure oligopolistique,
l’information imparfaite et
les coûts de transaction

4. Plan de cours

1ère partie : Approche contractuelle de la firme

Chapitre 1 : la théorie des coûts de transaction,

Chapitre 2 : la théorie des incitations (ou théorie de l'agence)

Chapitre 3 : la théorie des contrats incomplets.

2ème partie : Introduction à économie comportementale

Chapitre 4 : Economie comportementale et économie Expérimentale

Chapitre 5 : Introduction à l’Economie des Emotions

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Approche contractuelle de la firme

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Chapitre 1 : Couts de transactions et approche contractuelle de la firme

Introduction

L'approche contractuelle a pour objectif de définir la forme d'organisation la plus efficiente


compte tenu du contexte, en particulier informationnel. Les approches contractuelles
présentées diffèrent en fonction de leur analyse des comportements des agents et de leurs
interactions (rationalité limitée ou parfaite) et en fonction des hypothèses sur l'information
dont les agents disposent (information parfaite ou pas). Mais l'unité entre ces travaux vient
d'une conception commune des rapports économiques : ce sont des rapports contractuels
entre des individus libres. Dans cette perspective, la firme s'analyse comme un système
particulier de relations contractuelles. La firme est un «nœud de contrats» entre individus.

La théorie des contrats se développe avec la volonté de dépasser certaines limites de


l'approche néoclassique de la firme, sans pour autant la remettre radicalement en question.
Elle a pour objectif de proposer une représentation plus réaliste de la firme.

Trois approches contractuelles sont souvent mises en exergue: la théorie des coûts de
transaction, la théorie des incitations (ou théorie de l'agence) et la théorie des contrats
incomplets.

Chacune de ces approches se situe, à un titre ou à un autre, dans le prolongement des


questions soulevées dans l’article fondateur de Coase (1937). Williamson, représentant
principal de l’approche par les coûts de transaction, est l’auteur qui se situe le plus
directement dans la lignée de Coase.

1. Les conceptions néoclassiques de la firme et ses limites

1.1.Les traits centraux de la forme néoclassique : firme point et firme automate


La firme néoclassique peut être caractérisée par deux traits complémentaires : elle se
présente comme un agent sans épaisseur ni dimension, une « firme point » ; et comme un
agent passif, une « firme automate ».

Dans le cadre des hypothèses générales qui sont celles de la théorie de l’équilibre, la firme est
traitée non pas comme une institution, mais comme un « acteur » (Kreps 1990). Cet acteur a,
comme tout agent individuel dans le monde néoclassique, un comportement parfaitement

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rationnel qui s’exprime dans sa fonction objectif, la maximisation du profit sous les contraintes
de ses capacités technologiques.

Objectif et contraintes techniques sont des données, c’est à dire qu’il n’y a pas d’analyse de
l’intérieur de l’entreprise, qu’il s’agisse des différents individus et groupes qui la composent
ou des conditions concrètes d’organisation de la production : la forme est, comme on l’a dit,
une boîte noire qui se réduit à un point dans l’espace des rapports de marché, dotée du même
statut théorique que le consommateur individuel.

2.2 : Une limite fondamentale : l’omission de la question de l’entrepreneur

La microéconomie fondée sur ce modèle peut certes apporter beaucoup à l’analyse des
marchés et de certains aspects du comportement des entreprises, mais on ne peut ignorer ses
limites pour une compréhension véritable de la firme, sous un angle théorique---comment
justifier l’hypothèse de maximisation du profit ?----, aussi bien que du point de vue de la
compréhension de la complexité des structures d’entreprise dans les économies
contemporaines. L’impossibilité d’y traiter la question de l’entrepreneur est significative de
ces limites.

L’importance de l’entrepreneur renvoie à la fonction qu’il assume. On peut, pour l’essentiel,


en identifier trois, qui se recoupent partiellement

 Une fonction d’innovation ou de création, selon l’analyse devenue classique


de Schumpeter. Elle implique que la firme compétitive ne s’adapte pas à son
environnement mais vise au contraire à la transformer : à créer de nouvelles
combinaisons productives, de nouveaux marchés, de nouvelles formes
d’organisation ;
 Une fonction d’acquisition et d’exploitation de l’information, mise en avant
par l’école autrichienne, Hayek(1937) puis Kizner(1973). Point de vue qui rejoint
celui de Knight pour qui l’entrepreneur est celui qui doit prendre les décisions
dans un contexte de grande incertitude, et d’une incertitude non probabilisable,
donc des décisions qui ne peuvent relever de méthodes routinières du calcul
économique ;
 Une fonction d’organisation et de coordination de la production. Alors que
la conceptualisation de la firme néoclassique suppose l’existence d’une fonction
de production et de facteurs de production parfaitement définis et non offert par
le marché, et la capacité à combiner ces facteurs de manière efficiente.
Liebenstein (1968) insiste en particulier sur cette dimension.
Ainsi, l’entrepreneur ne peut être véritablement compris et analysé qu’en dépassant les
hypothèses de base du modèle néoclassique : passage d’un cadre d’équilibre statique à une

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vision évolutionniste ; prise en compte des questions touchant à l’incertitude et à
l’information et pour cela remise en causes des représentations du comportement rationnel ;
prise en compte de la complexité de la structure interne de la firme. C’est dans cette direction
que se sont développées les analyses qui visent, à partir de préoccupations diverses, à rendre
compte de la réalité de l’entrepreneur moderne.

2. La théorie des coûts de transaction

2.1. L’apport de R. COASE et la question de l'existence de la firme

Dans son article de 1937, R. Coase est le premier économiste à poser la question de savoir
pourquoi les firmes existent et plus largement la question de la nature de la firme. Pour Coase,
la firme est un mode de coordination des transactions alternatif au marché. Si le marché n'est
pas l'unique moyen de coordonner l'activité économique, c'est qu'il existe des coûts à recourir
au système de prix, des coûts de transaction. Ces coûts de transaction correspondent aux
coûts de recherche d'information, de négociation des contrats, de contractualisation
répétée... Williamson proposera par la suite une définition précise de ces coûts. La différence
fondamentale entre marché et firme, est que sur un marché, la coordination se fait par le
système des prix, alors que la firme propose une coordination administrative qui passe par
l'autorité et la hiérarchie. Pour Coase, c'est l'autorité qui caractérise fondamentalement une
firme.

Une fois posée l'existence de deux modes de coordination alternatifs, Coase s'interroge sur le
fait de savoir pourquoi les deux modes de coordination coexistent. En fait, si la coordination
marchande génère des coûts de transaction, la gestion internalisée des transactions entraîne
des coûts de coordination, en particulier parce que les rendements des activités managériales
sont décroissants. Ainsi, tant que les coûts de coordination interne sont inférieurs aux coûts
de transaction, la coordination se passe à l'intérieur de la firme, à partir du moment où ils
deviennent supérieurs, la coordination marchande est préférable.

2.2. O. WILLIAMSON et la définition des coûts de transaction

Les travaux de Williamson se situent explicitement dans le prolongement de ceux de R. Coase.


Ces travaux vont permettre d'expliciter le concept de coût de transaction et préciser certaines
hypothèses-clés pour comprendre en particulier dans quels cas la firme s'impose comme
mode de coordination, c'est-à-dire dans quelles conditions l'intégration d'une activité dans la
firme sera préférée au recours au marché.

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2.2.1 Les hypothèses

Williamson pose deux hypothèses relatives aux comportements des agents.

(1) La rationalité limitée: les agents ont des capacités cognitives limitées. Lorsque
l'environnement est complexe, ils ne peuvent pas envisager tous les événements possibles et
calculer parfaitement les conséquences de leurs décisions.

(2) L'opportunisme des agents : c'est une conséquence de la rationalité limitée. Comme le
contrat ne peut pas prévoir toutes les alternatives possibles, un agent peut être tenté
d'adopter un comportement opportuniste pour favoriser ses intérêts au détriment de ceux
des autres.

Rationalité limitée et opportunisme augmentent les coûts de transaction, en particulier de


conception des contrats et de contrôle.

Williamson pose aussi des hypothèses sur les caractéristiques des transactions :

(3) La spécificité des actifs : un actif est dit spécifique s'il nécessite des investissements
spécifiques. Ce sont des investissements durables, effectués pour réaliser une transaction
particulière, et qui ne sont pas redéployables sans coûts vers d'autres usages. Il existe au
moins six types de spécificités.

- spécificité de site (liée à la localisation de l'actif) : par exemple quand un fournisseur


s'implante à proximité de son client, il économise sur les coûts de transport et de stockage
mais il limite aussi les possibilités de redéployer son investissement vers d'autres clients.

- spécificité physique : le transport de certaines marchandises (produits chimiques par


exemple) nécessite de recourir à des wagons spécialement conçus. Pour cette raison, les
fabricants de produits chimiques préfèrent posséder de tels actifs plutôt que de les louer.

- spécificité liée à la taille du marché : on parle alors d’actifs dédiés. De tels actifs sont
développés lorsqu’un fournisseur accepte, pour répondre à al demande d’un client, d’investir
dans des équipements à caractère général, qui peut intrinsèquement intéresser d’autres

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clients ou être facilement redéployés vers d’autres activités. Leur non déployabilité ne
provient des caractères physiques des actifs, mais de la taille du marché.

- spécificités de connaissance spécialisées nécessaires à la transaction : on parle alors d’actifs


spécifiques humains (formation donné à un client et inutilisable ailleurs).

- de leur identification à une marque : on parle alors de spécificité de marque.

Du besoin de synchronisation de la production : on parle alors de spécificité temporelle. Cette


catégorie désigne tout besoin de coordination temporelle ou de réponse simultanée dans un
processus de production.

(4) L'incertitude sur les conditions de réalisation de la transaction risque d'augmenter son
coût (incertitude liée à des perturbations exogènes à la transaction par exemple).

(5) La fréquence de la transaction : plus une transaction est répétée, plus les contractants ont
des occasions d'être opportunistes, ce qui augmente d'autant les coûts de transaction.

2.2.2 Définition

Définis d’abord par Coase comme les coûts de recours au marché, c’est-à-dire au mécanisme
de détermination du prix (Coase, 1937), les coûts de transaction renvoient, chez Williamson,
aux « coûts de fonctionnement du système économique » (Williamson, 1985, p.18), c’est-à-
dire aux coûts de planification, d’adaptation et de contrôle des échanges commerciaux.

Comme la théorie des coûts de transaction, telle qu’elle est développée par cet auteur, adopte
une vision contractuelle de l’économie et pose donc le problème de l’organisation
économique comme un problème de contractualisation, les coûts de transaction
correspondent en fait aux coûts de contractualisation des échanges et se
décomposent en coût ex anté et coûts ex post.

 Les coûts de transaction ex anté sont les coûts associés à la recherche d’un partenaire,
à la rédaction, la négociation et la garantie d’un accord,

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 les coûts de contractualisation ex post comprennent les coûts induits par une
mauvaise adaptation des contrats aux circonstances dans lesquelles ils évoluent, les
coûts de renégociation et de contrôle du respect des arrangements contractuels et
éventuellement les coûts de rupture des accords.

Exemple de coûts de transaction

Coûts de contractualisation

Ex ante Ex post

Coût d’écriture du contrat Coûts de mauvaise adaptation des contrats

Coûts de recherche du partenaire Coûts de pilotage et de suivi des


arrangements
Coûts de négociation de l’accord
Coûts de renégociation
Coûts de mise au point de garanties
contractuelles Coûts (potentiels) de rupture des
arrangements
Coûts d’étude (étude de marché)

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3. Structure de gouvernance et contrat

Compte tenu de ces caractéristiques des comportements et des transactions, il s'agit pour
Williamson de trouver la forme organisationnelle la plus adaptée, au sens où elle limite les
coûts de transaction.

3.1. Les structures de gouvernance

Ainsi pour Williamson distingue trois types de gouvernance : le marché, les hiérarchies et les
formes hybrides.

(1) Marché : il correspond à une transaction occasionnelle dont l'objet est parfaitement
délimité et où toutes les éventualités sont prévues (pas d'incertitude). L'identité des
parties importe peu, la relation est impersonnelle.

(2) Les hiérarchies : la firme est un système contractuel particulier, un «arrangement


institutionnel» caractérisé par un principe hiérarchique qui permet à la direction de
l'entreprise de prendre les décisions en cas d'événements non prévus par les contrats,
et qui permet de limiter les risques liés à l'opportunisme.
(3) Les formes hybrides : elles se situent entre les deux formes-types que sont le marché
et la firme.

3.2. Structure de gouvernance et typologie de contrat

Trois types de contrats : le contrat classique, le contrat néoclassique et le contrat de


subordination.

3.2.1. Le contrat classique

Le contrat classique : Ce type de contrat, qui est associé à la structure de gouvernance de


marché, permet de coordonner, par l’intermédiaire du mécanisme de prix, des transactions
substituables et réversibles car n’impliquant pas d’actifs spécifiques.

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De telles transactions sont en effet assez simples à gérer pour que le pris suffise à coordonner
les agents et que la menace de changement de partenaire les incite à ne pas se comporter de
manière opportuniste. Lorsque des transactions portent sur des actifs fortement
redéployables, l’identité des parties réalisant ces transactions importe peu et le marché suffit
à sanctionner les comportements irresponsables puisque les partenaires de l’échange
peuvent aisément être placés.

Le contrat classique est donc de un contrat de court terme, voire de très court terme, dans
lequel les parties peuvent spécifier de manière exhaustive et précise les contingencesfutures.

Dans les cas les plus « purs », où il n’ya ni spécificité des actifs ni incertitude, le dénouement
des transactions est assuré instantanément et l’on parle de contrat »spot ».Le contrat
classique laisse les parties autonomes : chacun des contractants réagit de manière
indépendante aux fluctuations de prix qu’il enregistre car le prix constitue une statistique
suffisante pour la prise de décision.

Enfin, en cas d’aléa, les partenaires liés par ce type de contrat s’en remettent directement aux
tribunaux et aux règles juridiques existantes.

3.2.2. Le contrat néoclassique

Le contrat « néoclassique », : Dans le cas de transactions requérant des investissements


spécifiques, le recours à des contrats classiques dans le cadre d’un arrangement institutionnel
de marché « pur » se révèle en revanche inapproprié et particulièrement couteux. D’une part,
la relation de dépendance bilatérale qui s’instaure entre les parties en raison du
développement d’actifs spécifiques les oblige à assurer la continuité de leurs transactions.
D’autre part, les risques d’opportunisme engendrés par l’existence d’une quasi-rente
appropriable empêchent la rédaction de contrats complets anticipant tous les événements et
comportements futurs et imposent l’usage de mécanismes de coordination et de contrôle plus
puissants et flexibles que ceux du contrat classique et du marché.

Lorsque l’autonomie des parties impliquées dans de telles transactions peut être maintenue,
c’est-à-dire tant qu’elles peuvent s’accorder sur les ajustements à effectuer pour adapter leur
relation aux circonstances changeantes, elles ont recours à des contrats « néoclassiques ».
Ces contrats, qui caractérisent les formes hybrides, sont des contrats de long terme
incomplets, volontairement souples pour permettre les adaptations nécessaires et réduire les
coûts de contractualisation, mais suffisamment crédibles pour protéger la valeur des
investissements spécifiques et minimiser les risques d’opportunisme, voir l’encadré sur les
contrats de franchise.

Ils encadrent donc les relations qui sont toujours des relations de marché, mais où le niveau
des sauvegardes contractuelles ne peut être considéré comme nul et où les agents ne sont
plus des entités indépendantes. Dit autrement, ces contrats permettent aux contractants de

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conserver leur autonomie de décision et de préserver ainsi leurs incitations à l’effort tout en
leur garantissant le suivi et le respect des engagements, sans pour autant leur faire subir les
coûts d’une contractualisation complète. Ces contrats sont en effet des contrats relationnels.

3.2.3. Le contrat de subordination

Toutefois, le contrat néoclassique n’est pas indéfiniment élastique. Lorsque l’incertitude


entourant les transactions s’amplifie parce que les actifs sont plus spécifiques et que la
fréquence des transactions s’accroit, les risques d’opportunisme sont trop importants et trop
nuisibles à la relation pour que celle-ci soit encadrée par un contrat préservant l’autonomie
des parties. Il faut alors recourir à un système de contrôle et d’incitation hiérarchique qui
passe par la propriété unifiée des actifs des deux partenaires, c’est-à-dire par l’organisation
intégrée de leurs transactions. Dans le cadre d’une structure de gouvernance intégrée, c’est-
à-dire hiérarchique, les parties s’accordent par l’intermédiaire d’un contrat de subordination.
Ce type de contrat est plus flexible et plus adaptable que le contrat néoclassique parce qu’il
est complété par le mécanisme de coordination et de contrôle propre à la firme.

Les propriétés des différentes structures de gouvernance

Marchés Hybride Hiérarchie

Capacité d’adaptation autonome ++ + 0

Capacité d’adaptation coordonnée 0 + ++

Intensité incitative ++ + 0

Degré de contrôle administratif 0 + ++

Type de contrat correspondant Classique Néoclassique Subordination

L'analyse de Williamson peut être résumée par le schéma suivant :

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Chapitre 2 : La théorie des incitations

Cette approche contractuelle s'inscrit dans le cadre de la nouvelle microéconomie et plus


précisément dans le cadre de l'économie de l'information. Elle se distingue de la théorie des
coûts de transaction dans la mesure où elle préserve l'hypothèse néoclassique de rationalité
parfaite des agents. Elle place la détention de l'information et son partage entre contractants
au cœur de son analyse de la firme. A l'origine de cette approche, on trouve l'analyse de Berle
et Means et celle de Michael Jensen et William Meckling (1976).

I- La théorie des droits de propriété

La théorie standard considère implicitement comme données la répartition de la propriété et


l’existence d’un certain système de droits de propriété (privé). La théorie des droits de
propriété s’est constituée quand est apparue la nécessité de s’interroger de l’effet des formes
de propriété, et plus généralement des formes institutionnelles, sur le fonctionnement de
l’économie. La théorie des droits de propriété se propose de montrer comment différents
types de propriété agissent sur le comportement des agents individuels et par le
fonctionnement et l’efficience du système économique sur l’économie.

1. Fondements et principes d’une économie de droits de propriété

Le point de départ de la théorie des droits de propriété consiste à considérer que tout échange
entre agents, et en fait toute relation de quelque nature qu’elle soit, peut être considérée
comme un échange de droits de propriété sur des objets. Un droit de propriété est alors défini
de manière générale comme « un droit socialement validé à choisir les usages d’un bien
économique », un droit de propriété privé étant « un droit assigné à un individu spécifié et
aliénable par l’échange contre des droits similaires sur d’autres biens » (Alchian 1987). En
spécifiant plus précisément la nature des droits de propriété d’individus sur des actifs, on dira
qu’ils « consistent aux droits, ou aux pouvoirs, de les consommer, d’en obtenir un revenu
« (Barzel 1989).

L’existence de droits de propriété garantis et aliénables sur les produits et les ressources
productives serait la condition du fonctionnement d’une économie décentralisée et de la
coordination d’activités productives spécialisées (Alchan 1987). La fonction première des
droits de propriété, et plus particulièrement des droits de propriété privés, est de fournir aux
individus des incitations à créer, conserver et valoriser des actifs. Dans cette perspective, le
concept de droit de propriété est étroitement lié à l’analyse des externalités et des coûts de
transactions.

Les droits de propriété donnent le pouvoir de tirer un avantage pour soi-même ou d’autres
personnes, ou de léser soi-même ou d’autres personnes. La manière dont ces droits sont
définis et répartis va donc déterminer l’extension de ce pouvoir, en ce sens elle détermine
donc en partie la configuration des externalités.

19
L’analyse des droits de propriété est également liée à celle des coûts de transaction. C’est
l’existence des coûts de transactions qui fait que le système de droit de propriété a un effet
sur l’allocation des ressources et son efficience.

2. Les formes de propriétés

Le droit de propriété sur un actif se définit à partir de trois attributs :

 Le droit d’utiliser cet actif,


 Le droit d’en tirer un revenu,
 Le droit de le céder de manière définitive à un tiers.
Chacun de ces droits peut être l’objet de limitations légales ou contractuelles.

Selon les formes de propriété, ces attributs pourront être détenus ou non par un même
individu ou groupe d’individus. On distingue habituellement quelques grandes formes
fondamentales de propriété :

 La propriété privée se définit, de manière très générale, par l’existence d’un droit sur
actif, socialement validé, assigné à un individu et aliénable par l’échange. On
remarquera que cette définition n’implique pas que différents droits attachés à un actif
sont nécessairement détenus par un même individu.
 La propriété communale se caractérise par le fait que plusieurs individus appartenant
à un groupe ont simultanément le droit d’usage d’un même actif.
Ainsi, le droit d’usage d’une prairie ou d’une source d’eau peut être partagé par les membres
d’une communauté villageoise. La propriété communale exclut, en règle générale, le droit
individuel ou collectif, de tirer un revenu de l’actif ou de le céder.

 La propriété collective se caractérise par le fait que l’usage de l’actif est géré
collectivement par un groupe d’individus (alors que dans le cas de la propriété
communale chacun utilise individuellement l’actif considéré). Cette forme de propriété
implique donc une procédure de décision collective).
 La propriété mutuelle recouvre également une situation où plusieurs individus ont des
droits conjoints sur une même ressource(ou sur un ensemble de ressources) ; mais
contrairement au cas de la propriété communale, ils peuvent transférer leur droit à un
autre agent (moyennant en général la permission des autres membres du « club » qu’ils
constituent). Dans la mesure où chaque individu détient un droit propre cessible, il est
possible de parler de propriété privé mutuelle (Alchian 1987)
 La propriété publique se définit par l’attribution de droit sur un actif à un agent public
(Etat ou toute autre collectivité publique) ; son contenu exact peut être variable,
dépendant de la nature du système politique, des modalités de prise de décision, de la
délimitation des pouvoirs des autorités publiques (par exemple quant au droit de cession
des actifs),
On parle parfois de propriété commune, ou accès libre, quand personne ne possède de
droit exclusif sur une ressource.

20
Il s’agit là de formes élémentaires de propriété. Le développement de nos sociétés peut
être vu comme un processus de création de système de droits de propriété de plus en plus
complexes. La société par actions serait un exemple.

II- La théorie d’agence

La théorie des incitations repose sur la notion de relation d'agence. Une relation d'agence a
deux caractéristiques principales : c'est une relation de délégation et elle suppose une
asymétrie d'information. Une relation d'agence nait dès lors qu'une personne en engage une
autre pour remplir une mission qui nécessite une délégation de pouvoir. Celui qui délègue est
appelé Principal, celui à qui est confié la mission est appelé Agent. La relation entre un
actionnaire et un manager est une relation d'agence. L'actionnaire (le Principal) délègue la
prise de décision au manager (l'Agent).

1. Les fondements de la théorie d’agence

L'asymétrie d'information caractérise toute relation entre le Principal et l'Agent. Cette


délégation est associée à une imperfection de l'information qui peut être de deux ordres : le
Principal n'a qu'une information limitée sur les caractéristiques du bien échangé (situation dite
de sélection adverse et il observe imparfaitement son comportement (situation dite de risque
moral).

2.1.1. La sélection adverse ou anti-sélection

La sélection adverse ou anti-sélection désigne une situation dans laquelle, sur un marché, tous
les intervenants n’ont pas la possibilité d’observer toutes les caractéristiques des biens
échangés (information cachée). Dans cette situation, certains intervenants ont généralement
plus d’informations que d’autres et il est possible que le fonctionnement du marché exclue
l’échange des produits de bonne qualité, voire même empêche le déroulement de tous les
échanges. Cette situation a été décrite pour la première fois par George Akerlof dans un article
demeuré célèbre consacré au marché des voitures d’occasion.

L’apport de cet article se comprend à partir d’un exemple simple. Considérons un marché des
voitures d’occasion où il n’y a que deux qualités possibles. Une voiture de bonne qualité vaut
Q = 20 000. Une voiture de mauvaise qualité vaut Q = 10 000. Supposons que seuls les
vendeurs connaissent la qualité Q de leur véhicule. Les acheteurs connaissent la proportion
de voitures de bonne qualité, à savoir la moitié, mais sont incapables de connaître la qualité
de la voiture qui leur est proposée. Les acheteurs sont identiques et retirent de leur achat un
gain (Q-P) égal à la différence entre la qualité Q et le prix P, tandis que les vendeurs en tire un
gain (P-Q).

Si l’information était symétrique, les voitures seraient échangées à leur prix objectif : les
voitures de bonne qualité seraient payées 20 000 et les voitures de mauvaise qualité 10 000.
21
Lorsque les acheteurs sont incapables de distinguer les deux types de véhicule, il n’y a qu’un
seul prix P. Les acheteurs refusent de payer une voiture 20 000, car ils savent que la moitié
des voitures est de mauvaise qualité. Plus précisément, le gain moyen retiré de l’achat au prix
P est égal à (0,5) (20 000) + (0,5) (10 000) – P = 15 000 – P. Les acheteurs, jugeant qu’une
voiture de qualité moyenne vaut 15 000, sont prêts à payer P = 15 000. Néanmoins, à ce prix,
seuls les vendeurs de voitures de mauvaise qualité sont prêts à vendre. Conscients de cet état
de fait, les acheteurs refusent de payer ces voitures plus de 10 000, et seules les voitures de
mauvaise qualité sont échangées à ce dernier prix. Les véhicules de bonne qualité sont donc
évincés du marché. C’est le phénomène d’anti-sélection qui élimine des échanges les
produits de bonne qualité.

Le modèle d’Akerlof peut s’appliquer à de très nombreuses situations. Il montre que le laisser-
faire peut avoir des conséquences désastreuses : élimination des bons produits, voire absence
d’échanges. Dans ce cadre, une réglementation assurant la révélation de toute ou partie de
l’information, ou encore instituant des procédures de recours efficaces contre les ventes de
produits de mauvaise qualité, permet d’améliorer le fonctionnement des marchés.

2.1.2. Le risque moral ou aléa de moralité

Le risque moral apparaît dans les situations où une personne (l’« agent ») dispose d’une
information privée sur son action tandis qu’une autre personne chargée de la rémunérer (le «
principal ») ne possède pas cette information (Action cachée). Par exemple, l’effort d’un
salarié est souvent imparfaitement observable par son patron. Il en est de même de la prise
de risque d’un conducteur automobile. Les relations de travail et l’assurance automobile
constituent ainsi des domaines marqués par la présence de risque moral. Dans cet
environnement, il convient de fournir à l’agent qui dispose d’une information privée un
ensemble d’incitations l’amenant à prendre des décisions adaptées aux objectifs du principal.
On résout donc le problème du risque moral en recherchant une procédure incitative
adéquate.

Le plus souvent, les procédures incitatives se matérialisent à travers les clauses d’un contrat.
Tel est le cas, par exemple, des rémunérations en fonction des performances, des promotions
au mérite et même de certaines règles de promotion à l’ancienneté pour les contrats de
travail. Les clauses de bonus-malus présentes dans de nombreux contrats d’assurance
automobile ont aussi ce type d’objectif. Les réflexions menées dans le cadre de l’analyse du
risque moral ont permis de mieux comprendre les déterminants des contrats et de montrer
que les asymétries d’information aboutissent généralement à des gaspillages de ressources
qui peuvent être limités grâce à des incitations permettant une exécution efficace des
contrats.

3. Les coûts d’agence

3.1. Typologie des coûts d’agence

Une relation d'agence génère trois types de coûts, appelés coûts d'agence :

22
(1) les dépenses de surveillance et d'incitation (par exemple les systèmes d'intéressement)
engagées par le Principal pour orienter le comportement de l'Agent.

(2) les coûts d'«obligation», supportés par l'Agent, c'est-à-dire les dépenses qu'il peut être
amené à engager pour pouvoir garantir qu'il ne mettra pas en œuvre certaines actions qui
puissent léser le Principal, ou pour pouvoir le dédommager le cas échéant.

(3) la «perte résiduelle», qui correspond à l'écart, inévitable, entre le résultat de l'action de
l'Agent pour le Principal et ce qu'aurait donné un comportement de maximisation effective du
bien-être du Principal.

Au regard des hypothèses présentées, la théorie des incitations présente les organisations
comme des «nœuds de contrats», écrits et non écrits, entre des détenteurs de facteurs de
production et des clients (exemple la relation entre un employé et son employeur). Chaque
relation contractuelle est une relation d'agence dont il faut trouver la configuration optimale,
c'est-à-dire les règles contractuelles qui minimisent les coûts d'agence.

3.2.Coûts d’agence contrat, et organisation

Une organisation est donc un « nœud de contrats ». Son analyse est celle des
contrats « centraux » qui la caractérisent, contrats qui définissent les règles du jeu de
l’organisation, les droits des contractants, les systèmes d’évaluation et de rémunération des
agents (Fama et Jensen [1983]). La question principale est de savoir comment caractériser un
système contractuel. En suivant Fama et Jensen, deux caractéristiques sont privilégiées :

(a) l’affectation des « créances résiduelles » et l’attribution aux agents des différents
moments du processus de décision.

Les contrats principaux d’une organisation sont ceux passés entre l’organisation et les
apporteurs de ressources (capitaux, travail…). Les structures contractuelles se différencient
fortement selon le mode de répartition des risques entre les agents. La plupart d’entre elles,
nous disent Fama et Jensen, limitent les risques des apporteurs de ressources en spécifiant
une rémunération, fixée a priori ou liée à une mesure de performance individuelle, donc
indépendante des résultats. La différence entre les revenus aléatoires de l’organisation et
les rémunérations des agents fixées par contrats constitue le « risque résiduel ». Ce risque
est assumé par les agents qui, par contrat ont un droit sur le revenu net de l’organisation. Ces
agents sont qualifiés de « créanciers résiduels » (« residual claimants »). De plus, ces agents
auront le plus souvent le droit d’utiliser comme ils l’entendent les ressources apportées par
les autres agents. On trouve ici une structure contractuelle similaire à celle étudiée par
Alchian et Demetz. Sa justification est dans le fait qu’elle permettait de réduire les coûts de
contrôle et d’ajustement des contrats aux changements des risques et conduirait à une
minimisation des coûts, dans la mesure où cette minimisation est conforme à l’intérêt des
créanciers résiduels (elle maximise leurs revenus). Par là ce système contractuel contribuerait
à la survie de l’organisation (Fama et Jensen,op. cit.). Dans ce cadre général, qui peut être

23
considéré comme celui de la firme privée ; il est possible de distinguer plusieurs variantes
selon la nature des fonctions et des droits des créanciers résiduels : ceux-ci peuvent avoir ou
non une autre fonction dans l’organisation (une fonction de gestion par exemple) et un droit
de cession de leurs créances résiduelles soumis ou non à restrictions.

(b) Le deuxième élément important pour caractériser une structure contractuelle


concerne l’affectation des pouvoirs de décision aux agents. Fama et Jensen distinguent
quatre moments dans ce processus de décision : l’initiative, la ratification, la mise en
œuvre et la surveillance.

La répartition de ces phases entre les agents serait un facteur essentiel de l’efficacité et de la
survie des organisations. L’initiative et la mise en œuvre sont en général attribuées aux mêmes
agents, elles donc regroupées sous le terme de pouvoir ou fonction de gestion. De même, la
ratification et la surveillance sont regroupées sous l’appellation de fonction de contrôle.
Le principe central de définition d’une organisation serait, dans ces conditions, le mode de
combinaison entre assomption de risques et pouvoirs de décision. La firme individuelle ou
entrepreneuriale peut être caractérisée par la réunion des fonctions de gestion et de contrôle,
ainsi que de l’assomption des risques résiduels sur un même agent (ou un petit nombre
d’agents). Les théoriciens de l’agence se sont attachés à déterminer dans quels cas il est plus
efficient de séparer ces trois fonctions, et, par-là, à expliquer l’existence de différentes formes
d’organisation, et plus particulièrement de la grande société par actions fondée sur la
séparation entre « propriété » et « contrôle ».

C) Coûts d’agence et sélection des formes organisationnelles

L’explication de la diversité des formes d’organisation et l’analyse de leurs propriétés


reposeront sur l’analyse des coûts d’agence dans différentes situations. Les travaux en la
matière sont multiples (à titre d’exemple, on pourra se reporter à l’article fondateur de Jensen
et Meckling [1976]. La logique qui les oriente est de montrer que s’impose en toutes
circonstances la configuration contractuelle la plus efficiente. L’analyse de Fama et Jensen
[1983] est parfaitement représentative de la démarche de la théorie positive de l’agence. Les
structures contractuelles étant caractérisées comme on vient de le voir, ils avancent deux
propositions présentées comme fondamentales :

(i) La séparation entre assomption des risques et fonction de gestion conduit à des
systèmes de décision qui séparent fonction de gestion et fonction de contrôle ;
(ii) La combinaison de la fonction de gestion et de la fonction de contrôle sur un petit
nombre d’agents conduit à restreindre les créances résiduelles à ces mêmes agents.
Ces propositions visent notamment à expliquer la coexistence de la firme individuelle et de la
grande société par actions et à justifier l’existence de cette dernière comme forme
d’organisation efficiente.

L’argumentation repose sur la notion de complexité organisationnelle. Une organisation sera


dite non complexe quand les informations spécifiques utiles à la décision sont détenues par

24
un ou un petit nombre d’agents. Il sera alors efficient d’attribuer simultanément la fonction
de gestion et la fonction de contrôle à ces agents. Dans ce cas, les détenteurs des créances
résiduelles auront peu de possibilités de se protéger des comportements opportunistes du ou
des détenteurs du pouvoir de décision. Cette solution présente seulement deux
inconvénients : d’une part, elle sacrifie les avantages de la spécialisation des fonctions de
décision (mais dans un cas ou ces avantages peuvent être limités) ; d’autre part, elle renonce
aux avantages du partage des risques résiduels.

Elle reste la meilleure tant que ces inconvénients sont moindres que ce que seraient les coûts
de surveillance d’une relation d’agence.

Dans les organisations complexes, les connaissances spécifiques sont au contraire réparties
entre différents agents de l’organisation. Les avantages de la spécialisation font que les coûts
seront plus faibles si le pouvoir de décision est délégué aux agents qui détiennent les
informations. Les problèmes d’agence qui en résultent sont limités en séparant les décisions
de gestion des décisions de contrôle.

De plus, les droits sur les créances résiduelles sont également, le plus souvent, diffusés entre
un grand nombre d’agents. Il serait coûteux d’exercer eux-mêmes les décisions de contrôle ;
il est plus efficient pour eux de déléguer cette fonction. Ainsi, l’organisation la plus efficiente
serait caractérisée par la séparation de la gestion, du contrôle et de l’assomption des risques
résiduels. C’est bien ce qui caractérise la société par actions « ouverte », celle où les
actionnaires n’ont pas à intervenir dans le fonctionnement de l’organisation et où les créances
résiduelles sont librement cessibles. Ainsi serait, pour l’essentiel, justifiée la séparation entre
« propriété » et « contrôle ». L’organisation de la grande entreprise moderne s’explique
fondamentalement par son efficience supérieure. « A la fois le droit et la sophistication des
contrats relatifs à l’entreprise moderne sont le produit d’un processus historique dans lequel
existaient de fortes incitations pour les individus à minimiser les coûts d’agence » (Jensen et
Meckling [1976])

2. Modélisation simple de la relation principal-agent avec aléa moral

Nous cherchons à étudier les relations entre deux entités économiques dont l’une, le principal,
peut employer l’autre, l’agent, pour réaliser une tâche. En échange, l’agent est rémunéré
d’après un barème de rémunération (un contrat) fixé avant la réalisation de la tâche. Nous
nous intéressons au modèle principal-agent avec action cachée (on dit aussi, avec aléa de
moralité). Dans ce modèle, l’agent peut faire plus ou moins d’efforts pour accomplir sa tâche
; le principal ne peut pas observer cet effort, mais uniquement une grandeur qui dépend de
l’effort mais aussi d’aléas. Nous supposerons que cette grandeur est la production finale, et
que le principal cherche à maximiser cette production finale nette du salaire versé à l’agent.
Nous supposerons que l’agent a de l’aversion pour le risque, et que le principal est neutre au
risque.

25
Rappelons que le décideur est neutre au risque s’il est indifférent entre toutes les loteries qui
lui donnent une espérance de richesse finale. Un agent a de l’aversion pour le risque si pour
n’importe quelle loterie l qui comporte un risque et d’espérance de gain El(w), l’agent préfère
recevoir la somme El(w) à coup sûr que de participer à la loterie l.

2.1. Présentation du problème


La situation est la suivante : le principal propose un contrat à l’agent pour la réalisation d’un
projet. Si l’agent accepte, il peut faire un effort faible (e = B) ou un effort élevé (e = H). Le
succès du projet dépend de l’effort de l’agent ainsi que de facteurs aléatoires. La probabilité
de succès du projet est de πH < 1 s’il fait un effort élevé, et de πB < πH s’il fait un effort faible.

Effort \succès Succès Echec

H πH 1- πH

B πB 1- πB

Le profit du principal avant paiement de l’agent est de ¯q si le projet réussit et de q <¯q si le


projet échoue. Le principal a donc a priori intérêt à ce que l’agent fasse un effort élevé.
Utilité du principal : le principal est neutre au risque. Sa fonction d’utilité est :
UP (q,w) = q – w
où q est le profit avant paiement de l’agent et w le salaire versé à l’agent. Si l’agent refuse le
contrat, le principal obtient 0.
Utilité de l’agent : on suppose que la fonction d’utilité UA de l’agent prend la forme séparable:
UA(w, e) = U(w) − de

où U(w) est l’utilité due au salaire et de la désutilité due à l’effort e fait par l’agent. Un effort
élevé est plus coûteux qu’un effort faible : dH > dB. D’autre part, l’agent a de l’aversion pour le
risque : la fonction U est strictement concave. Enfin, l’agent refuse tout contrat qui ne lui
procure pas son utilité de réserve Ur.

2.2. Formulation générale :

Comportement de l’agent

Etant donné un contrat qui est proposé à l’agent, notons UA(e) l’espérance d’utilité de l’agent
s’il accepte le contrat et choisit l’effort e. L’agent a trois possibilités :
o refuser le contrat, il obtient alors Ur ;
o accepter le contrat et faire l’effort faible : il obtient alors UA(B).
o accepter le contrat et faire l’effort élevé : il obtient alors UA(H).
L’agent compare ces trois nombres, et choisit la possibilité qui lui donne la plus grande utilité.
Le choix de l’agent dépend du contrat qui lui est proposé, puisque U A(B) et UA(H) en
dépendent.

Comportement du principal

26
On suppose que le principal connaît la fonction d’utilité de l’agent et les probabilités de succès
du projet pour les différents efforts que peut fournir l’agent. De plus, il sait que l’agent est
rationnel. Il peut donc prévoir le comportement de l’agent. Le principal peut proposer à priori
un nombre infini de contrats, mais qu’on peut classer dans trois grandes catégories :
o ceux qui n’intéressent pas l’agent, car ils ne lui permettent pas d’obtenir son utilité de
réserve.
o ceux qui incitent l’agent à accepter et à faire l’effort faible.
o ceux qui incitent l’agent à accepter et à faire l’effort élevé.
Pour faire son choix, le principal :
 détermine le meilleur contrat parmi ceux qui induisent la participation de l’agent et
l’effort faible, et calcule l’utilité UP (B) qu’il en tire.11
 détermine le meilleur contrat parmi ceux qui induisent la participation de l’agent et
l’effort élevé, et calcule l’utilité UP (H) qu’il en tire.
 compare 0 (l’utilité obtenue en proposant un contrat inacceptable), UP (B) et UP (H).
Supposons pour simplifier que les trois nombres 0, UP (B) et UP (H) soient tous différents. Si le
plus grand de ces nombres est 0, le projet n’est pas profitable : le principal ne propose rien à
l’agent (ou un contrat inacceptable). Si c’est UP (B) (resp. UP (H)), il propose le meilleur contrat
induisant l’effort faible (resp. élevé).
La méthode se généralise, avec quelques subtilités, à un nombre quelconque d’efforts
possibles.

2.2.1. Situation de référence : effort observable

Dans ce cas, obtenir de l’agent un effort donné e ne pose pas de problème. Il suffit de lui
proposer un contrat stipulant que si l’agent fait l’effort e, il recevra le salaire W ; sinon, il sera
licencié (ou encourra une amende suffisamment importante pour être dissuasive). La plus
petite valeur de W pour laquelle l’agent accepte le contrat est celle qui lui donne son utilité
de réserve Ur, compte tenu de la désutilité due à l’effort. Le salaire optimal we vérifie donc
U(we) = ur + de, c’est à dire : We = U−1(Ur + de).
Le profit correspondant du principal est de : UP (e) = E(U(q )| e) − We = πe¯q + (1 − πe)q − We
Si, par exemple, UP (H) > max (UP (B), 0), le principal demandera à l’agent de faire l’effort H en
échange du salaire WH = U−1(Ur + dH). En posant ∆π = πH − πB, ∆q = ¯q − q et ∆w = wH − wB,
la
condition UP (H) ≥ UP (B) peut se réécrire sous la forme :
∆π∆q ≥ ∆w
Ceci signifie que l’augmentation de la production obtenue quand l’agent fait un effort élevé
suffit à compenser l’augmentation de la désutilité subie par l’agent.
Remarque 1 : quel que soit l’effort que le principal choisira d’induire (faible, élevé, ou aucun)
; l’agent obtient toujours son utilité de réserve. Ceci est dû au fait que nous avons donné tout
le pouvoir de négociation au principal.
Remarque 2 : pour induire un effort faible, il est inutile de menacer l’agent d’une amende s’il
fait un effort élevé ! Il suffit de lui donner un salaire fixe wB quel que soit son effort.

2.2.2. Effort non observable

27
La différence avec le cas précédent est que le principal ne peut plus faire dépendre la
rémunération de l’agent de l’effort fourni, mais seulement de la réussite ou non du projet. Si
le principal souhaite que l’agent fasse un effort élevé, il va falloir l’inciter à le faire en lui
donnant une rémunération plus élevée lorsque le projet réussit que lorsque le projet échoue.
Puisque, quel que soit son effort, l’agent ne peut jamais être sûr que le projet va réussir, le
contrat proposé par le principal lui fera courir un risque, qu’il faudra rémunérer. Du coup, le
profit du principal sera moindre que dans le cas où le principal observe l’effort.
Faisons maintenant une analyse plus précise : nous avons vu que les seuls contrats possibles
et raisonnables étaient ceux qui faisaient dépendre la rémunération de l’agent de la réussite
du projet, et seulement de la réussite du projet. Un tel contrat est caractérisé par les
rémunérations ¯ w et w perçues par l’agent en cas, respectivement, de succès et d’échec du
projet. Le problème du principal est donc de déterminer les valeurs optimales de ¯ w et w.
Pour ce faire, il faut d’abord analyser les conditions sous lesquelles l’agent accepte le contrat
et choisit l’effort élevé.

28
29
Chapitre 3 : La théorie des contrats incomplets

Comme l'intitulé de cette théorie le laisse entendre, cette approche postule l'incomplétude
des contrats. Un contrat est incomplet quand il n'est pas possible de prévoir et donc d'écrire
ce qui doit se passer dans tous les cas de figure possibles. Les contractants ne peuvent pas
dresser la liste de tous ces cas, ni même tous les imaginer. Quand une circonstance imprévue
se produit, il y a place pour une nouvelle négociation en vue d'interpréter ou de redéfinir les
termes du contrat. C'est cette renégociation qui est le concept central des modèles de contrats
incomplets. Notons que cette hypothèse d'incomplétude des contrats est aussi celle faite par
Williamson, dès qu'il postule la rationalité limitée des agents.

Ce qui distingue néanmoins la théorie des contrats incomplets et celle des coûts de
transaction, ce sont les solutions proposées à cette incomplétude. Pour Williamson, c'est
l'autorité qui donne à son détenteur un pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire le pouvoir de
prendre des décisions dans toutes les situations non prévues par contrat. Pour la théorie des
contrats incomplets, c'est l'affectation de droits de propriété qui donne le droit au
propriétaire de disposer de la ressource en cas d'incertitude.

I- Distinction contrat complet-contrat incomplet

1.1.Les contrats fermes et contingents

Dans l’univers walrasien, les agents n’interagissent que par l’intermédiaire du système de prix
sur lequel ils n’ont aucune influence. Ainsi, même si ces interactions prennent la forme de
contrats d’échange, le rôle de ces contrats est réduit à leur plus simple expression dans la
coordination des plans des agents.

En effet, la centralisation des offres et des demandes par le commissaire-priseur empêche


toute forme de négociation d’un contrat avant la définition d’un système de prix d’équilibre.
Arrow (1953) et Debreu (1959) ont cherché à élargir cette vision du marché en proposant d’y
introduire un système complet de marchés pour des biens datés et contingents.

Sur ces marchés, les parties ont recours à des contrats fermes et contingents. Ces contrats
sont dits fermes car ils sont signés à la date 0 et définissent les termes de l’échange pour toute
l’histoire de l’économie.

Les contrats sont dits contingents car ils stipulent la livraison d’un bien à une date donnée
conditionnellement à la réalisation d’un événement aléatoire précis. Donc un contrat ferme
et contingent spécifie que les paiements sont effectués à la date 0 à des prix cotés pour chaque
bien contingent, définit comme la combinaison « bien-date-événement aléatoire ».
Autrement dit, dans le modèle d’Arrow-Debreu, tous les contrats fermes contingents
dépendent d’événements aléatoires exogènes et publiquement observables. Ces contrats
contingents fermes et publiquement observables sont dits contingents complets

30
1.2.Les contrats incomplets

Il existe enfin un type de contrats que l’on qualifie d’incomplets. L’incomplétude est définie
comme le fait qu’un grand nombre de caractéristiques de la relation contractuelle ne sont pas
contractualisables et doivent donc être laissées de côté. C’est souvent le cas des clauses
précisant la qualité d’un produit ou celles précisant les actions à prendre dans certains
domaines comme l’investissement ou la production. Pour cerner cette notion d’incomplétude,
on peut reprendre la distinction analytique que font Ayres et Gertner (1989, 1992) entre
incomplétude par rapport à la contingence et incomplétude obligationnelle.

Dans la première forme d’incomplétude, même si certaines variables sont vérifiables par un
juge, elles ne peuvent être incluses dans le contrat soit parce qu’il est difficile de les décrire
(contrainte d’indescriptibilité), soit parce que l’une des parties détient une information privée
sur ces variables (asymétrie d’information).

Dans la deuxième forme, certaines variables ne sont pas incluses dans le contrat parce qu’elles
ne sont tout simplement pas vérifiables par un juge (contrainte d’invérifiabilité; Schwartz,
1992).

2. Des Contrats Non Contingents Complets

La littérature avance en général deux origines possibles au fait que les parties signent des
contrats qui ne sont pas contingents complets : la contrainte d’indescriptibilité (2.1) et
l’asymétrie d’information entre les parties (2.2).

2.1 Le contrainte d’indescriptibilité La contrainte d’indescriptibilité est d’une part définie


comme le fait que les parties font face à des contingences prévisibles mais difficiles à décrire
dans le contrat du fait de coûts d’écriture (2.1.1) et d’autre part comme le fait qu’elles sont
soumises à des contingences imprévisibles (2.1.2).

2.1.1 Les coûts d’écriture Les premières analyses de l’incomplétude contractuelle se sont
focalisées sur les coûts d’écriture. Dye (1985) a cherché à rendre compte pour la première fois
d’un résultat d’incomplétude en associant un coût fixe de description à chaque état de nature
pertinent pour la relation contractuelle. L’écriture d’un contrat spécifiant

II- Essaie de modélisation : le modèle du Hold Up

La théorie des contrats incomplets développée par Grossman, Hart et Moore[12] s'est
présentée dans un premier temps comme un essai de formalisation de l'analyse de
l'intégration verticale de la théorie des coûts de transaction. Mais par la suite, la théorie des
contrats incomplets s'en éloigne en introduisant l'éventualité d'une renégociation des
contrats.

Selon la théorie des contrats incomplets (Hart et Moore, 1990), les agents sont dans
l'incapacité de signer des contrats complets du fait de l'imperfection de l'information

31
(l'information est symétrique mais les agents manquent d'information). Personne n'est en fait
capable de vérifier ex post l'état réel de certaines variables caractéristiques des relations entre
les contractants (en particulier sur l'investissement en capital physique). C'est la possession
des actifs qui va permettre d'exercer sur eux un contrôle ex post.

La question de l'acquisition d'actifs renvoie à la problématique de l'intégration verticale avec


les questions associées : où arrêter l'expansion de la firme ? Quelle est sa taille efficace ? La
réponse consiste à comparer les coûts et avantages de l'intégration. La théorie des contrats
incomplets ne s'intéresse donc pas aux contrats qui lient les différents membres d'une
entreprise mais aux contrats entre clients et fournisseurs.

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Conclusion

En conclusion de la présentation de ces trois approches contractuelles, nous retiendrons que


si la théorie des coûts de transaction s'est beaucoup développée dans les années 1980 et 90,
elle souffre aujourd'hui d'un manque de formalisation qui lui permettrait d'expliciter plus
clairement certaines hypothèses. De même, les tests empiriques menés sont parfois
décevants, par exemple, le concept d'actifs spécifiques est séduisant, mais les travaux
économétriques ont du mal à définir une mesure convaincante de cette spécificité.

La théorie des contrats incomplets est formée d'un ensemble de modèles assez hétérogènes
qu'on peut difficilement considérer comme une doctrine définitivement constituée. De plus
cette théorie a donné lieu à de nombreuses formalisations, souvent complexes, d'où la
difficulté à traduire ces modèles théoriques en hypothèses testables.

La théorie des incitations est incontestablement l'approche contractuelle de la firme la plus


développée aujourd'hui, elle s'est enrichie ces dernières années tant d'un point de vue
théorique qu'empirique. Cette approche de la firme s'inscrit plus largement dans le cadre de
la nouvelle économie industrielle, initiée par J. Tirole.

Les champs d'applications de la théorie des incitations sont désormais nombreux : les contrats
d'assurance, les contrats de franchise, les contrats de travail... La prédominance de la théorie
des incitations sur les autres approches contractuelles s'explique aussi par son degré de
formalisation mathématique, dans un contexte où celui-ci s'est fortement accru dans la
recherche économique depuis une trentaine d'années.

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Bibliographie

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Journal of Law and Economics, 22.

Williamson O. E. (1985), The Economic Institutions of Capitalism, The Free Press, 1985.
Traduction française : Les institutions de l'économie, InterEditions, 1994.

Cahuc P. (1993), La nouvelle microéconomie, collection Repères, Edition La Découverte.

Jensen M.C., Meckling W.H. (1976), Theories of the Firm: Managerial Behaviour, Agency Costs,
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Grossman S. et Hart O. (1986), The Costs and Benefits of Ownership: A Theory of Vertical and
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Tirole J. (1988), The Theory of Industrial Organization, Cambridge, MA: M.I.T. Press, Edition
française : Théorie de l'Organisation Industrielle (1993), Economica, Paris.

Eber, N. (2016) : Introduction à la Microéconomie Moderne : une approche Expérimentale,


deboek Supérieur

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