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CM5 Aspects sémantiques

Les glissements et changements de sens


Au fil des siècles, le sens d’un mot évolue, parfois de façon radicale, parfois de
façon plus subtile ou nuancée, se spécialisant dans un domaine, ou au contraire
s’appliquant à de nouveaux champs disciplinaires, parfois encore en étant utilisé
dans un sens imagé, ou retrouvant son sens étymologique (ce que signifiait à
l’origine sa racine) ; le sens peut en effet évoluer pour un éventail très vaste de
raisons sans qu’il nous soit possible ici de les recenser, tant elles peuvent faire
intervenir des facteurs divers.
Les mécanismes les plus classiques sont à relier –notamment, et non
exclusivement- à deux grandes figures littéraires qui contribuent également à
faire évoluer le lexique d’une langue : la métaphore et la métonymie.
Il importe au départ de savoir distinguer ce que l’on nomme sens dénoté (ou
dénotation) et sens connoté (ou connotation) d’un signe.

Dénotation et connotation
La dénotation, s'oppose au sens ou signifié connotatif, la connotation. La
dénotation désigne ce à quoi le signe fait référence, à ce que l'on peut trouver
comme première acception dans le dictionnaire. La connotation désigne tous les
éléments de sens qui peuvent s'ajouter à cette première acception. Le champ de
la connotation est difficile à définir car il recouvre tous les sens indirects,
subjectifs, symboliques, culturels, implicites et autres qui font que le sens d'un
signe se réduit rarement à ce à quoi il fait d’abord référence. Définir la
connotation est si difficile qu'on en arrive parfois à la définir comme tout ce qui
dans le sens d'un mot ne relève pas de la dénotation.
Par exemple, si on s'intéresse au mot français familier « flic », le sens dénotatif
est le même que celui de policier. Mais à ce sens s'ajoutent des connotations
péjoratives et familières. Un même mot pourra donc avoir des connotations
différentes en fonction du contexte dans lequel il est utilisé. Ainsi la couleur
blanche connote la pureté et le mariage pour un Européen, le deuil pour un
Extrême-Oriental.
Dans le domaine des histoires drôles, particulièrement affectées par les clichés
et la caricature, on retrouve bien souvent la connotation :
Les blondes et les Belges sont idiots, les Auvergnats, les Ecossais et les Juifs sont
avares, les Marseillais exagèrent, les Corses sont paresseux, etc... Toutes ces
valeurs relèvent de la connotation : elles n’appartiennent pas à la définition
dénotative du signifié.
Lorsque pour un signe donné, on constate dans l’usage et sur une période
longue, une certaine constance dans les connotations d’un mot, il est possible
que le sens dénoté finisse par entériner et intégrer un sens connoté.

Métaphore et métonymie
Revenons aux figures littéraires susceptibles de faire évoluer le sens d’un signe
donné au sein du système lexical.
-Transfert (ou glissement) de sens par métaphore :
La métaphore repose sur la suggestion d’une analogie qui permet de souligner
la ressemblance entre deux signes.
La similitude ou ressemblance entre deux concepts justifie l’emploi d’un signe
déjà existant et suffisamment suggestif qui permettra, par analogie
métaphorique (par comparaison imagée), de renvoyer à l’autre signe :
Ex. : Pata, dont le signifié renvoie à la patte de l’animal permet de désigner par
métaphore le pied d’une chaise, d’un fauteuil, etc... (les pieds du meuble sont
ainsi, par comparaison, assimilés aux jambes et aux pieds du corps humain)
Araña, renvoyant à l’araignée peut ainsi désigner le lustre dont les bras
évoquent l’image de l’animal.
El ratón : la souris informatique est comparée par métaphore à l’animal pour sa
forme arrondie terminée par un fil et son déplacement rapide.
Arteria, (« Las arterias de la ciudad »), : le lexique du corps et sa schématisation
sous la forme de ramifications rappelle celles du réseau routier d’une ville.
La langue familière ou argotique utilise en abondance les termes
métaphoriques :
Los quesos (les pieds), un calcetín (un préservatif), la nieve ou (la cocaïne), el
chocolate (le haschich), ...
Les désignations affectives (« hypocoristiques ») ont très souvent recours à la
métaphore (« tesoro », car tu m’es précieux comme un trésor...; « mon bijou »,
« ma perle », « sugar » ou « honey » -car tu es doux comme le sucre ou le miel-,
etc... ), tout comme les désignations péjoratives (« chorlito », être une tête de
linotte, toute petite, donc sans cervelle).

-Transferts de sens par métonymie :


La métonymie, à la différence de la métaphore, ne repose pas sur une relation
d’analogie, de comparaison entre deux éléments mais sur une corrélation
logique entre 2 éléments voisins, appartenant à un même ensemble ou à un
même processus (cause/conséquence, avant/après, partie/tout, etc.). C’est un
lien nécessaire entre un élément et un autre (Ex. le signe « couronne » est
sémantiquement relié à la royauté, et peut de ce fait, renvoyer à celui qui
l’incarne, le « roi », et qui porte concrètement une « couronne ») ; dès lors : dire
« La couronne a décidé d’abdiquer » suffit à éclairer la relation métonymique de
l’énoncé : la couronne = le roi).
Elle exprime de façon synthétique un rapport de logique qui relie deux
signes entre eux : alors que la métaphore opère sur des réalités ressemblantes
mais néanmoins éloignées l’une de l’autre (la « flamme », en langue, n’a a priori
rien à voir avec le sentiment amoureux) ; la métonymie met en jeu des éléments
habituellement voisins dans la langue, unis comme nous l’avons dit par une
relation de type contenant/contenu ; cause / conséquence ; la partie/ une autre
partie ou le tout ; l’abstrait / le concret ; ... . Ainsi on parle de la métonymie
comme d’une figure du voisinage ou de contiguïté, car elle s’appuie toujours sur
une relation logique entre les termes considérés.

Quelques exemples de métonymies :


Victor Hugo : « Elle nous quitta pour la tombe. » ( tombe = mort, concept
matérialisé par représentation concrète)
Il aime le Bordeaux (le vin élaboré dans le Bordelais )
Les bleus (= ceux qui portent le maillot de l’Equipe de France)
Je fais de la voile. (La voile, pour le bateau à voile, le voilier; = la partie pour le
tout)
Boire un verre (évidemment, en boire le contenu ! – et non croquer le contenant
...)
En espagnol, on peut citer parmi les métonymies lexicalisées (entrées dans le
lexique) :
Tomar una copa (prendre un verre)
Ser una buena pluma (être un bon écrivain, la plume étant à l’origine
l’instrument utilisé pour écrire)
El primer violín (le premier violon dans l’orchestre, donc le musicien qui en joue)
Le langage littéraire, poétique, publicitaire, médiatique (titres de journaux)...
exploitent particulièrement métaphores et métonymie.
Une fois intégrées au lexique (lexicalisées), les figures (métaphores et
métonymies) ne sont plus perçues comme telles.

Restriction et extension de sens


-Restriction de sens :
On dit qu’il y a restriction de sens lorsque le sens d’un mot évolue en se
spécialisant, se limitant à un emploi particulier.
Ex. : « viande » < latin VIVANDA / VIVENDA = ce qui sert à vivre. Le signe désignait
au départ «l’ensemble des aliments (permettant donc la survie alimentaire). A la
fin du XIVème siècle, il se spécialise pour désigner la chair des animaux de
boucherie.
En revanche, l’espagnol « vianda » a conservé le sens premier de « nourriture ».
Le mot « convento » < latin CONVENTUS, dériver du verbe VENIRE = venir avec,
accompagner... a d’abord désigné une réunion, une assemblée, pour s’appliquer
ensuite de façon plus restrictive à une communauté de religieux.
« trabajo » et « travail », en français comme en espagnol ont le même
étymon latin : TRIPALIUM, qui signifie « torture ». Son sens s’est restreint et a
fini par n’être utilisé dans son sens étymologique que dans le sens du « travail »
et de l’effort que cette activité exige.
Le verbe latin TRAHERE avait le sens large de « tirer ». En français, dans les
campagnes, il en est venu à désigner l’action précise de « tirer le lait du pis de
l’animal », donc « traire ».

-Extension de sens :
A l’inverse, on considère qu’il y a extension de sens lorsque le sens d’un mot
subit un élargissement de son champ de signification.
Exemple : le mot français « boucher » vient de l’étymon (la racine étymologique)
« bouc »; le boucher est au départ celui qui vend la viande de bouc, avant de
devenir celui qui vend toutes sortes de viandes.
Le mot « armario » désigne au départ le meuble qui sert à ranger les armes;
aujourd’hui, il désigne simplement un meuble de rangement doté de portes.
Le verbe français « arriver » signifie à l’origine « parvenir à la rive » (du verbe
latin : ARRIPARE); la valeur maritime (accoster, aborder, est encore vivante au
XVème siècle, puis le sens s’étend à partir du XVIème pour signifier « arriver en
un lieu quelconque ».

Les calques lexicaux :


Nous avons évoqué en morphologie le cas des emprunts pour ajouter de
nouveaux signes à une langue donnée. Ces emprunts, d’un point de vue
morphologique, peuvent être « bruts », ou présenter des modifications
orthographiques, ou encore des modifications qui touchent à la forme-même du
mot pour l’adapter à la langue d’arrivée (donc des modifications
« morphologiques) : par ex., ajouter un suffixe ou une voyelle de genre en
espagnol (ex. anglais « reporter » > « reportero »), ajouter un -e en début de mot
devant certains groupes de consonnes difficiles à prononcer (ex. « stress » >
« estrés » )…
Le principe du « calque » est aussi un type d’emprunt mais il s’agit cette fois de
créer un nouveau signe en traduisant littéralement dans la langue d’arrivée
l’élément d’origine (souvent un mot-composé ou une locution).
Ex. l’anglais « skyscraper » (littéralement « ciel » + « gratte ») donne en français
et en espagnol le même « calque » : « gratte-ciel » ou « rascacielo ».
En prenant l’exemple du mot « fútbol », on observe un cas intéressant puisque
le terme anglais (« football », qui a été emprunté directement en français) a
généré en espagnol un emprunt avec adaptation orthographique.
Parallèlement, on trouve aussi le mot composé « balón pie » également
orthographié « balompié », même si c’est aujourd’hui le signe « fútbol » qui
domine dans l’usage.

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