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politique comparée
Plan du cours

 Introduction
 1. La méthode comparative
 2. Les approches théoriques en politique comparée
 2.1. Qu’est-ce qu’une transition?
 2.2. L’approche économique
 2.3. L’approche culturelle
 2.4. L’approche stratégique
 2.5. Les néo-institutionnalismes
 3. Les processus de changement politique (changement de système
politique : la démocratisation, la qualité de la démocratie)
Bibliographie indicative

 Emile Durkheim, Règles de la méthode sociologique,


 Giovanni Sartori, “Bien comparer, mal comparer”, Revue Internationale de
Politique Comparée, 1,1,1994, p. 26
 Jean-François Leguil-Bayart, « Comparing from below - Comparer par le bas »,
Sociétés politiques comparées, 2008, pp.1-25.
 Guilleromo O’Donnell, « Repenser la théorie démocratique. Perspectives latino-
américaines, Revue internationale de politique comparée 2001/2 (Vol. 8), p.
199-224.
 Camau Michel, « Globalisation démocratique et exception autoritaire arabe » ,
 Critique internationale, 2006/1 no 30, p. 59-81.
 Larry Diamond, Francis Fukuyama, Donald L. Horowitz, and Marc F. Plattner, «
Reconsidering the “Transition Paradigm », Volume 25, Number 1, 2014.
Bibliographie indicative

 Guy Hermet, « Les démocratisations au vingtième siècle : une comparaison


Amérique latine /Europe de l'Est », Revue internationale de politique comparée
2001/2 (Vol. 8), p. 285-304.
 Dobry Michel. Les voies incertaines de la transitologie : choix stratégiques,
séquences historiques, bifurcations et processus de path dependence. In:
Revue française de science politique, 50ᵉ année, n°4-5, 2000. pp. 585-614.
 Mwayila Tshiyembe, « L'autopsie de l'échec de la transition démocratique en
Afrique à la lumière de la théorie des conjonctures politiques fluides », Présence
Africaine 1998/1 (N° 157), p. 69-99.
 Badie Bertrand, « Printemps arabe : un commencement », Études, 2011/7 Tome
415, p. 7-18.
 Roberto Stefan Foa and Yascha Mounk, “The Signs of Deconsolidation”, Journal
of Democracy, Volume 28, Number 1, 2017.
Bibliographie indicative

 SCHMITTER Philippe C, « La nature et le futur de la politique comparée », Revue


internationale de politique comparée, 2007/4 (Vol. 14), p. 613-650. DOI :
10.3917/ripc.144.0613.
 Joseph Colomer, « Le choix des institutions dans la transition à la démocratie :
l’expérience de l’Europe orientale », communication présentée au colloque
«Choix rationnel et démocratie », Association française de science politique,
Bordeaux, 1996. Voir aussi « Transition by Agreement : Modeling the Spanish Way
», American Political Science Review, vol. 85, no 4, 1991, p. 1283-1302.
 J. Linz et A. Stepan, The Breakdown of Democratic Regimes; J. Linz, « The Perils of
Presidentialism », Journal of Democracy, no 1, 1990 ;
 A. Przeworski et al., «What Makes Democracy Endure ? », dans Consolidating the
Third Wave Democracies, Themes and Perspectives, sous la Dir. de L. Diamond
et al., Baltimore, John Hopkins University Press, 1997, p. 300
 Cyndy Skach et A. Stepan, « Constitutional Frameworks and Democratic
Consolidation : Parliamentarianism Versus Presidentialism », World Politics, vol. 46,
no 1, 1993, p. 1-22.
Bibliographie indicative

 Samuel Huntington, The third wave. Democratization in the Late


Twentieth Century, University of Oklahoma Press, 1991.
 Guillermo O’Donnel & Philippe Schmitter, Transitions from
authoritarian rule. Tentative conclusions about uncertain
democracies, John Hopkins University Press, 1986.
 Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C, « De la transition à la
consolidation. Une lecture rétrospective des democratization
studies », Revue française de science politique, 50ᵉ année, n°4-5,
2000. pp. 615-632
Introduction

 La politique comparée est une branche de la science politique qui est


définie, non pas par son objet (de manière substantive) mais par son
étiquette méthodologique. En d’autres termes, tous les objets de la
science politique sont des objets de la politique comparée.
 Comme le souligne Philippe Schmitter, « la comparaison est une
méthode analytique – peut-être la meilleure dont nous disposons – pour
produire des connaissances cumulatives et valides sur la politique »
 Bertrand Badie et Guy Hermet montrent bien ce statut particulier de la
politique comparée en remarquant que : La politique comparée n'est
pas qu'un secteur de la science politique avec ses méthodes propres,
ses objets d'analyse et ses auteurs de référence. C'est également — et
peut-être surtout — un mode de questionnement de l'ensemble des
phénomènes politiques [... ] et paradoxalement le seul capable de
mettre en relief la spécificité de chacun d'eux pris en particulier.
Introduction

 Considérant la nature des sciences sociales en général et de la science


politique en particulier (par opposition aux sciences dures / sciences de
la nature), la comparaison s’impose pour certains auteurs comme un
substitut de l’expérimentation.
 Telle était par exemple l’opinion d’Auguste Comte ou celle de
Durkheim (sociologue Français). Celui-ci, qui définissait l’analyse
comparative comme une forme "d’expérimentation indirecte", écrivait
ainsi que "la méthode comparative est la seule qui convienne à la
sociologie".

 Pour Emile Durkheim, « la sociologie comparée n’est pas une branche


particulière de la sociologie ; c’est la sociologie même, en tant qu’elle
cesse d’être purement descriptive et aspire à rendre compte des faits ».
1. La méthode comparative

 Durkheim définit ainsi la méthode comparative: "Nous n’avons


qu’une manière de démontrer qu’entre deux faits il existe une
relation logique, un rapport de causalité par exemple, c’est de
comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents, et
de rechercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes
combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de
l’autre".
1. La méthode comparative

 une relation entre une variable A et une variable B sera établie par
l’analyse comparative lorsque la comparaison entre plusieurs
situations aura permis trois types de constatations : a) que dans un
certain nombre de situations comparables A et B sont présents
simultanément ; b) que dans un certain nombre de situations
comparables A et B sont absents simultanément ; c) que dans un
certain nombre de situations comparables, où A et B sont présents
simultanément, on constate que les variations de A et les variations
de B sont concomitantes, simultanées.
1. La méthode comparative

 En politique comparée, Giovanni Sartori pose le problème suivant :


«On avance souvent que les pommes et les poires sont
Incomparables; mais le contre-argument inévitable est comment
peut-on le savoir avant de les avoir comparées?»
 En d’autres termes, comment choisir ses cas et savoir qu’une
comparaison va fonctionner si on ne s’engage pas préalablement
dans une comparaison?
 Bien qu’elle paraisse naturelle et aisée (identifier entre les cas les
ressemblances et les divergences), la comparaison n’est pas une
entreprise facile.
1. La méthode comparative

 Sartori pose trois questions décisives concernant la démarche


comparative:
 Pourquoi comparer? Qu’est-ce que c’est comparable? Et
Comment comparer?

 « Pourquoi comparer? » Pour Sartori, le rôle de l’analyse


comparative est celui de contrôler si les généralisations du domaine
restent ou pas valables. La comparaison est un contrôleur des
généralisations (études contextuelles vs études comparatives)
1. La méthode comparative

 Qu’est-ce que c’est comparable? Pour Sartori, « Comparable par


rapport à quelles autres propriétés ou caractéristiques? » Pour
l’auteur, comparer signifie «assimiler et différentier par rapport à un
critère » et pour pouvoir construire une recherche valide, la
méthode comparative employée devrait répondre aux exigences
d’ordre logique en faisant notamment appel aux notions de genus
(genre) et de differentiam (différence).
 Il s’agit d’un schéma aristotélicien de définition qui procède en
citant un genre auquel appartient un terme, puis la différence qui
donne son espèce et le situe ainsi au sein du genre.
1. La méthode comparative

 Pour bien comparer il faut appliquer les principes logiques - qui


requièrent une construction des classes complémentaires et
exclusives, qui se fondent sur des principes de similarités. La
délimitation des classes se construit sur un principe de différence.
Alors, nous pouvons comparer selon des différentes propriétés, selon
des attributs communs qui correspondent aux entités que nous
voulons analyser.
 Le concept « le chat-chien », sorte de monstre hybride conceptuels
sont produits suite à une mauvaise construction de l’étude, sui
produit des erreurs d’ordre logique.
1. La méthode comparative

 Sartori identifie quatre causes distinctes qui reposent, selon lui, sur une mauvaise application des
concepts de différence et de genus:
 1/ le localisme: signale la tendance des chercheurs d’ignorer les catégories classiques et les
concepts consacrés en utilisant une terminologie définie autrement (en faisant ainsi aussi une
confusion entre le niveau noétique (celui des signifiés : représentation mentale du concept) et le
niveau linguistique).
 2/ une mauvaise classification en pseudo classes, ainsi le critère unique appliqué à la
classification n’est pas bien choisi et on assiste à la construction des classes très hétéroclites qui ne
peuvent pas être correctement analysées
 3/ le gradualisme: implique le fait que les différences de genre sont perçues en tant que
différences de degré et qu’on favorise la représentation conceptuelle continuelle et non pas
dichotomique. Il faut dichotomiser les concepts et donc on construit le concept, on le définit et
on l’oppose à ce qu’il n’est pas. Quelle est la différence entre totalitarisme, absolutisme,
dictature ? En fait, il faut opposer démocratie et non-démocratie en construisant de manière
précise le concept de démocratie.
 4/ l’élasticité conceptuelle qui implique une définition des concepts qui les réduit à une série de
notes conceptuelles (attributs) qui ne l’identifie pas et qui font qu’on ait une très grande
souplesse du concept.
1. La méthode comparative

 Comment comparer? le chercheur doit dans une analyse


comparative :
 1/ identifier et classer les trois types de variables – indépendantes
(variable dont le changement de valeur influe sur celui de la
variable dépendante), dépendantes (variable dont la valeur varie
en fonction de celle des autres) et intervenantes (variable qu’il faut
parfois introduire dans le cadre opératoire parce qu’elle
conditionne la relation entre la variable indépendante et la variable
dépendante : c un élément obligatoire de l’équation qui permet de
qualifier ou de préciser la relation)
1. La méthode comparative

 2/ établir clairement ce qu’il utilisent comme principe de ceteris


paribus (principe d’invariation de certains paramètres : toutes
choses étant égales par ailleurs, ce qui signifie que l'influence de la
variation d'une quantité (la variable explicative) sur une autre (la
variable expliquée) est examinée à l'exclusion de tout autre facteur)
 3/ choisir la stratégie de la recherche en choisissant une des deux
stratégies existantes : du système le plus similaire ou du système le
plus différent.
1. La méthode comparative
 Exemple: « la démocratie, par opposition à des régimes autoritaires. La
catégorie peut ensuite être précisés en sous-types types per genus et
differentiam – soit, pour reprendre notre exemple, entre démocraties avec des
systèmes politiques comportant un seul parti dominant, deux partis alternant au
pouvoir, avec des coalitions de partis, ou un système multipartiste hégémonique
(un seul parti conserve le pouvoir). En second lieu, une fois que ces facteurs ont
été pris en compte et contrôlés, ressurgit l’idée de l’expression ceteris paribus
selon laquelle chaque cas de la même catégorie partage les mêmes
caractéristiques et donc que, « toutes choses égales par ailleurs », il doit y avoir
quelque chose qui les différencie. Par exemple, le niveau de syndicalisation agit
sur une donnée à laquelle l’analyste s’intéresse, comme le niveau des dépenses
publiques. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une baguette magique qui
permettrait de contrôler réellement l’ensemble des facteurs susceptibles
d’entraîner des fluctuations dans le niveau de dépense publique. Mais elle aide
à en éliminer quelques-uns »
SCHMITTER Philippe C, « La nature et le futur de la politique comparée », Revue internationale de politique
comparée, 2007/4 (Vol. 14), p. 613-650. DOI : 10.3917/ripc.144.0613.
Échelle d’abstraction
2. Les approches théoriques en
politique comparée
 La recherche en politique comparée est structurée par des clivages
et des paradigmes différents. Chaque approche permet
d’interroger les objets sous un angle particulier,
 Le behaviourisme et le structralo-fonctionnalisme (à partir des
années 1950) ont permis tous deux de dépasser le vieil
institutionnalisme qui a longtemps dominé l’analyse comparative. Le
vieil institutionnalisme (appelé ainsi par opposition au néo-
institutionnalisme), d’origine nord-américaine et influencé par le
droit, consistait à comparer et à classifier des régimes politiques, des
systèmes de partis ou à étudier le lien entre développement
économique et démocratisation. Ces travaux sont très normatifs et
ethnocentriques (prenant le modèle étasunien comme modèle)
2. Les approches théoriques en
politique comparée

 Le behaviourisme devenu dominant dans les années 1950 -1960


repose sur le : « rejet de la description au profit de l'explication ; rejet
de l'abstraction au profit de la collecte scrupuleuse de données ;
rejet de l'analyse des institutions au profit de l'étude des
comportements observables et réels ; rejet de la déduction au profit
de l'induction ; rejet de l'histoire au profit de l'analyse des
phénomènes politiques contemporains ; rejet de l'évaluation
normative au profit d'une posture de neutralité axiologique »
 + s’appuie sur des méthodes statistiques et mathématiques
 Développement d’enquêtes cherchant à expliquer les
comportements politiques
Approches théoriques des
transitions
 Un vaste littérature a été consacrée aux transitions.
1/ Les modèles et approches "classiques" de la démocratisation
consistaient en des analyses structurelles, fondées sur des macro-
variables d'ordre culturel, économique ou social (religion, culture
civique, structure agraire, niveau de richesse économique...).
2/ les approches
3/ les néo-institutionnalismes
2.1.Qu’est-ce qu’une transition?

 Samuel Huntington distingue trois grandes "vagues" de démocratisation.


 La première vague trouve ses origines dans les révolutions française et américaine.
Elle remonte au XIXe siècle quand les institutions démocratiques nationales ont
émergé. touche les principales démocraties fondatrices ( la Grande-Bretagne, les
Etats-Unis et la France) mais aussi le Chili, l'Argentine, l'Uruguay et la Colombie.
 La deuxième vague a commencé au début de la seconde guerre mondiale. Elle a
concerné l'Italie, l'Allemagne de l’ouest, l'Autriche et le Japon, ainsi que l'Inde et
Ceylan. Dans les années 1940-1950, la Turquie et le Brésil se démocratisent
également.
 La "troisième vague" débute en 1974 avec la chute de la dictature au Portugal,
touche la Grèce, l’Espagne. Vers la fin des années 1970, la transition de
l’autoritarisme vers la démocratie passe dans les pays d’Amérique Latine ( Equateur,
Urugay, Bolivie, Honduras, Guatemala…), puis l’Asie (l’Inde, Philippines, Corée (1980-
1988)), les États communistes de l’Europe centrale et orientale et les pays en
développement de l’Afrique (1989-1995), et à laquelle ont succédé des tentatives
plus ou moins réussies de consolidation de ces nouveaux régimes démocratiques.
Samuel Huntington, The third wave. Democratization in the Late Twentieth Century, University of Oklahoma Press, 1991.
2.1.Qu’est-ce qu’une transition?

 Pour Schmitter et O’Donnell, une transition est l’intervalle entre un régime


politique et un autre. Les transitologues s’arrêtent quand un nouveau régime
s’installe quelque soit sa nature.
 Les transitions sont délimitées par le lancement d’un processus de
démantèlement d’un régime autoritaire d’un côté et l’installation d’une
certaine forme ou degré de démocratie, d’un retour à une certaine forme de
gouvernement autoritaire ou l’émergence d’une alternative révolutionnaire.
 Les caractéristiques d’une transition sont les suivantes:
- Les règles du jeu politique ne sont pas définies
- Celles-ci sont fluctuantes et constamment contestées
- Les acteurs se confrontent non seulement pour la défense de leurs intérêts et
ceux qu’ils représentent mais également autour de la définition des règles et
procédures qui vont déterminer les gagnants et les perdants dans le futur
Guillermo O’Donnel & Philippe Schmitter, Transitions from authoritarian rule.
Tentative conclusions about uncertain democracies, John Hopkins University Press,
1986.
2.1.Qu’est-ce qu’une transition?

 Il s’agit d’une manière générale d’un laps de temps entre inscrit


entre deux types de régimes politiques. Certains auteurs préfèrent
en effet le terme transition politique pour deux raisons :
 1/ Le passage à la démocratie ne se fait pas toujours
démocratiquement
 2/ Cela ne débouche pas systématiquement sur un régime
démocratique dans son fonctionnement
2.1.Qu’est-ce qu’une transition?

Les éléments distinguant les transitions des autres processus de


changement politique :
- les transitions doivent se situer dans une temporalité relativement
courte
- Action politique normalement conduite de manière volontariste et
dans une perspective stratégique par des acteurs au sommet
- ces jeux d’acteurs sont indéterminés par avance et peuvent
déboucher par conséquent sur le contraire du résultat attendu ou
sur des situations inextricables
- vision très minimaliste adoptée par les transitologues de la
démocratie : démocratie procédurale caractérisée par la nature
codifiée et prévisible
Consolidation/ institutionnalisation
de la démocratie
 Selon Fukuyuma, il est beaucoup plus crucial de se concentrer
sur l’institutionnalisation de la démocratie, à savoir l’ensemble
complexe d’institutions qui la composent (l’Etat de droit, la
responsabilité et un Etat adéquat) plutôt que sur la fin d’un
régime autoritaire. La mise en place d’élections et l’alternance
au pouvoir ne suffisent pas pour désigner un Etat comme
démocratique.

Plattner, Marc F., Larry Diamond, Francis Fukuyama, and Donald L. Horowitz. “Reconsidering the ‘Transition
Paradigm.’” Journal of Democracy 25, no. 1 (2014): 86–100.
Consolidation/ institutionnalisation
de la démocratie
 Analyser la consolidation suppose, contrairement à la transition, de considérer
les institutions comme les variables dépendantes (explicatives). Dans le cadre
d’une transition, qui est caractérisée par un degré d’incertitude élevé, les choix
institutionnels sont déterminés par des choix stratégiques des acteurs.
 La consolidation présuppose en revanche un retour à une situation routinière et
les structures politiques vont contraindre et façonner le comportement des
acteurs.
 La consolidation est ainsi définie comme le processus par lequel « les relations
sociales sont en passe de devenir des structures sociales c’est-à-dire des
schémas d’interaction si réguliers dans leur occurrence si chargés de sens et
capables de motiver les comportements que leur fonctionnement devient
autonome et résistant aux changements exogènes. Les individus qui prennent
part adoptent alors des stratégies qui sont contraintes par le tout. » (Schmitter
1988)
Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C, « De la transition à la consolidation. Une lecture rétrospective des democratization studies »,
Revue française de science politique, 50ᵉ année, n°4-5, 2000. pp. 615-632
Consolidation/ institutionnalisation de
la démocratie (source Philippe
Schmitter
2.2. L’approche économique

 L’approche économique en politique comparée postule l’existence


d’une interdépendance entre l’économie et le politique. Deux
tendances peuvent être identifiées:
a/ Tendance développementaliste b/ Thèse dépendantiste
- L’économie détermine la - Les phénomènes politiques
politique: pré-conditions déterminent les résultats
économiques de la transition économiques
- Valorisation des modèles - Focalise sur les relations de
économiques et politiques dépendance entre pays du sud et
occidentaux à l’aune desquels les pays développés qui sont à
pays non-occidentaux sont l’origine de
évalués
a/ La théorie développementaliste

 L’approche développementaliste a intégré les régions extra-


occidentales dans l’analyse en postulant que ce qui les distingue
est leur plus faible niveau de développement économique et le
caractère moins différencié et moins complexe de leurs structures
politiques.
 Exp: Rustow distingue la société traditionnelle, les conditions
préalables au décollage, le décollage, la marche vers la maturité
et l’ère de la consommation de masse. Dans ce modèle, relève
Bertrand Badie, chaque stade correspond à un niveau
progressivement plus important de développement politique, le
dernier stade correspondant à l’état des démocraties développées
auquel les pays du Tiers-Monde, situés généralement au deuxième
stade, aspirent.
a/ La théorie développementaliste

 À titre d’exemple, S.M. Lipset a développé une thèse sur les préconditions socio-
économiques de la démocratie selon laquelle l’émergence et la diffusion de la
démocratie sont liées au développement socio-économique, au changement
des structures sociales et professionnelles, au développement de l’éducation, à
l’homogénéité sociale et à d’autres facteurs : « plus une nation dispose du
bienêtre, plus grandes sont ses chances de soutenir la démocratie »
 Il compare les régimes en Amérique latine en Europe, ainsi que les démocraties
de langue anglaise, et les classe en démocraties stables, démocraties instables
et dictatures. La comparaison s’appuie sur des indicateurs socio-économiques :
le revenu, les communications, l’industrialisation, l’éducation et l’urbanisation.
 Le constat étant qu’il existe un écart important en termes de niveaux de
développement économique entre les pays les pays plus démocratiques et
ceux qui sont les moins démocratiques. L’analyse aboutit à l’établissement
d’une relation causale entre le développement économique et la démocratie.
a/ La théorie développementaliste

 Au-dessous de 200 ou 250 dollars, la variation du PNB par habitant


n’a pas d’effet sur la démocratisation des structures politiques,
tellement les conditions favorables à celle-ci s’y trouvent réduites.
 Au-delà de 700 à 800 dollars, cette même variation perd à
nouveau de son importance, les conditions préalables à la
polyarchie se trouvant d’ores et déjà réunies.
 Pour Adam Przeworski qui a actualisé ce modèle; le seuil a été
élevé 1 000 $ de revenu par habitant en deçà duquel la
démocratie est fragile et un seuil de 6 000 $ au-dessus duquel elle
est dite inébranlable.
a/ La théorie développementaliste

 Cependant, cette thèse a été critiquée en raison de l’existence de cas


qui la remettent en question comme la persistance de l’autoritarisme
dans des pays ayant connu un développement économique (Chine).
 D’autres thèses ont réagi à ces critiques en développant une causalité
inverse : ce n’est plus le bien-être économique qui est la pré-condition
de la démocratisation mais plutôt la démocratisation qui représente un
frein au développement: c’est « l’école réaliste de la conditionnalité
économique ».
 La théorie développée par Adam Przeworski postule que la
liberalization économique ne menace pas la consolidation de la
démocratie quand elle se produit avant la transition ou après la
consolidation. La libéralisation économique accroit en effet les
inégalités socio-économiques et réduit les capacités redistributives de
l’État.
b/ les théories de la dépendance

 Les théories de la dépendance:


 Elles ont été forgées en réaction/ critiquant le modèle
développementaliste (Amérique Latine).
 La théorie développementaliste est considérée comme une
idéologie impérialiste (Samir Amin est l’une des figures
emblématiques de cette école pour qui le sous-développement
des pays de « la périphérie », s’explique par la dépendance
historique et à la subordination de leur économie aux pays du
centre, mais surtout à la surexploitation du travail dans ces pays,
surexploitation qui permet le transfert de plus-values plus élevées.
b/ les théories de la dépendance

 le sous-développement du Sud est un produit direct du


développement du Nord.
 Approche néo-marxiste (structuraliste) postulant que la place des
pays dans l’économie capitaliste mondiale comme déterminante
de leur position dans les rapports de domination. Ils pensent que
l’insertion des sociétés du Tiers-Monde dans l’économie mondiale
est la cause de leur sous-développement
b/ les théories de la dépendance

 la dépendance donne d’immenses pouvoirs aux entreprises


transnationales et à leurs alliés internes, appelés dans la terminologie
dépendantiste les élites compradores. Ces acteurs sont plus intéressés à
poursuivre leurs propres intérêts, comme l’exportation de matières
premières, qu’à améliorer l’économie nationale, créer des emplois ou
réduire la pauvreté. De nombreux comparatistes, parfois non
dépendantistes, ont alors commencé à étudier les conséquences
politiques de cette structure d’intérêts. Par exemple, Guillermo
O’Donnell a montré l’affinité entre la situation de dépendance
économique et l’instabilité politique en Amérique latine. Il a remarqué
en effet que les « régimes bureaucratiques autoritaires » émergent pour
protéger les intérêts de la bourgeoisie compradore locale et étrangère.
Le coup d’État du général Pinochet au Chili en 1973, intervenu à la
satisfaction de la bourgeoisie locale avec la bénédiction américaine
contre un gouvernement de gauche, peut parfaitement illustrer cette
thèse.
2.3. L’approche culturelle

 la culture est la variable affectant la construction de la démocratie.


 Pour Bertrand Badie : "les histoires sont incomparables par essence,
parce que productrices, chacune, de leur système conceptuel et
de leurs variables significatives"
2.3. L’approche culturelle

 l'orientation générale du projet culturaliste : "(…) les culturalistes


étudient les règles qui constituent les identités des individus et des
groupes" (Braun, 1999a). Plus largement, la culture, objet d'étude
central est à la fois "un système de sens" ou encore "la base de
l'identité sociale et politique qui affecte la façon dont les gens
s'ordonnent et dont ils agissent sur une large palette de sujets"
(Braun, 1999a).
 les culturalistes étudient les modes d'appropriation des valeurs et
des attitudes par les individus ou les patrimoines communs
d'identités et de normes qui sous-tendent les interprétations et les
rattachements des individus.
2.3. L’approche culturelle

 L’approche développée par Ronald Inglehart propose de comparer les


schémas culturels entre nations et cultures autour du clivage
matérialisme – postmatérialisme. Il s(attache ainsi à comparer des
systèmes de sens.
 Des enquêtes internationales ont été produites portant sur la
transformation des valeurs et la transition culturelle. Dans un premier
temps, ces enquêtes portaient uniquement sur les sociétés
occidentales (neuf pays membres de la Communauté Européenne
dans les années 1970) pour être par la suite généralisées
progressivement à d’autres régions du monde et à des cultures
différentes.
2.3. L’approche culturelle

 Une mutation des valeurs a été observée dans les sociétés


occidentales chez les générations les plus jeunes en raison de la
croissance économique de l’après guerre. Cette mutation consiste
en un détournement des valeurs matérialistes (sécurité physique et
économique) et adoptent des valeurs dites post-matérialistes
(intérêt pour les loisirs, l’environnement etc.)
 La mutation n’est pas sans effets sur les modes d’identification des
jeunes et leurs comportement social et politique [Inglehart, 1993
[1990] #642].
2.3. L’approche culturelle

 En universalisant les dimensions de sa comparaison, Inglehart


montre qu'à ses yeux, la transition des valeurs du matérialisme au
post-matérialisme peut être posée dans n'importe quel contexte
culturel, il suffit de la formuler dans des termes assez abstraits, afin
que "les objets en cause soient suffisamment larges pour qu'ils
fassent du sens dans des contextes culturels différents" (Braun,
1999a).
 montre ainsi que l'application à des sociétés différentes d'un
schéma interprétatif général développé dans le contexte
occidental est permise par la montée en généralité
2.3. L’approche culturelle

 Les valeurs traditionnelles : centralité de la religion, des liens parent-


enfant, de la déférence envers l’autorité et des valeurs familiales
traditionnelles + rejet du divorce, de l'avortement, l'euthanasie et le
suicide. Ces sociétés ont une grande fierté nationale et une vision
nationaliste.
 Les valeurs laïques-rationnelles : la religion, les valeurs familiales et
l’autorité occupent une place moins importante. Le divorce,
l'avortement, l'euthanasie et le suicide sont considérés comme
relativement acceptables. (Le suicide n'est pas nécessairement plus
fréquent.)
2.3. L’approche culturelle

 Les valeurs de survie mettent l'accent sur la sécurité économique et


physique. Cela est lié à une perspective relativement
ethnocentrique et à de faibles niveaux de confiance et de
tolérance.
 Les valeurs de l'expression de soi accordent une grande priorité à
la protection de l'environnement, à la tolérance croissante à l'égard
des étrangers, des gays et des lesbiennes et à l'égalité des sexes,
ainsi qu'à des demandes croissantes de participation à la prise de
décision dans la vie économique et politique.
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
Le monde arabe a longtemps été considéré comme une exception.
- Dans le domaine de la transitologie, c’est essentiellement l’idée de
l’irréductibilité des pays de la région à la démocratisation qui a dominé
la littérature. La longévité de l’autoritarisme dans les pays de la région
alors que le monde a connu différentes vagues de transitions (Pays
d’Amérique latine, pays d’Afrique sub-saharienne, l’Europe de l’Est et
du sud, pays asiatiques (1980–1990), conduit a considérer les facteurs
explicatifs de cette résistance supposée à la démocratie.
- Avec la disparition de l’autoritarisme en Europe (dans le monde
occidental), la transitologie s’est intéressée aux processus de
changements politiques ou de résistance à ces changements dans
d’autres aires culturelles inaugurant ainsi une orientation culturaliste. Le
modèle occidental devient la norme à partir de laquelle évaluer le
degré de démocratisation
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
 Le facteur religieux (l’islamité) et le facteur culturel (l’arabité) sont
au cœur de la littérature sur cette région considérée comme une
aire culturelle. Une aire culturelle est définie comme un « ensemble
de régions ou de pays sans cadre politico-administratif commun,
mais où des problèmes sociaux analogues issus d’une histoire
commune méritent un traitement unique ou du moins des études
comparatives, dont les outils sont un centre de documentation
capable de « bricoler » une information très disparate » (Bataillon,
1999).
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
 La délimitation des aires culturelles se base sur des traits culturels supposés
distincts et distinctifs ce qui pose le problème du choix des traits culturels
considérés comme pertinents « En quoi serait-il plus approprié de tracer la
frontière entre musulmans et non-musulmans qu’entre Arabes, c’est-à-dire
arabophones, et non-Arabes ? Faut-il distinguer entre juifs, musulmans et
chrétiens, ou faut-il distinguer entre les adhérents aux « religions du livre » et les
autres ? Ou pourquoi pas chercher en cuisine et distinguer entre ceux qui
mangent des saucisses et ceux qui n’en mangent pas ? […] Où précisément
tracer la frontière de l’aire définie à partir d’un trait culturel ? Par exemple, dans
le cas du « monde musulman » s’agit-il des territoires peuplés majoritairement,
voire exclusivement, par les musulmans, à l’exclusion des diasporas ou des
minorités dispersées en Sri Lanka, en Thrace, en Afrique du Sud, à Dearborn,
Berlin ou Marseille ? Ou s’agit-il des seuls territoires ou pays dont les gouvernants
sont majoritairement musulmans, à l’inclusion des Coptes d’Égypte et à
l’exclusion des musulmans de l’Inde ? Ou encore s’agit-il des territoires
gouvernés selon « la » loi islamique, à l’exclusion de la Turquie ? Enfin, de quelle
loi islamique parle-t-on ? » (Kienle 2014).
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
 La question qui se pose est dès lors de savoir : quelle est la
pertinence de ces facteurs en tant que variables explicatives des
changements/ immobilisme politique dans cette région du monde?
 Avant d’examiner ces facteurs, il est nécessaire de revenir à ces
catégories: monde musulman, monde arabe, Machrek (Orient) et
Maghreb (Afrique du Nord) pour en interroger la pertinence en tant
qu’unités d’analyse.
2.3. L’approche culturelle : Qu’est-
ce que le monde arabe
 Avant l’apparition du « monde arabe » en tant que catégorie (aire
culturelle), c’était le terme Orient qui prédominait. Tout comme le
monde arabe, ils n’existent pas en tant que tels.
 Le terme de « question d’Orient » apparaît pour la première fois en
1832 (datation d’Henry Laurens) dans la correspondance
diplomatique, en France et en Grande-Bretagne suite à des
tensions politiques dans la région (attaque de l’empire ottoman par
le vice-roi d’Egypte Mehmet-Ali). Si cet évènement est vu par les
français comme le prémisse d’un nationalisme arabe, pour les
britanniques, l’indépendance de l’Egypte menacerait la route des
indes
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
La délimitation de cet espace est variable dans le temps et est fonction
des rapports de forces politiques.
1. Le Moyen-Orient, en tant qu’espace, est lié à l’arrivée des Européens
dans l’Océan indien qui, au XVIe siècle, place le cœur du monde
musulman entre deux mers destinées à passer sous domination
occidentale. Le terme Orient n’arrive en méditerranée qu’à la fin du IXXe
siècle (il désignait jusqu’alors ce qui correspond aujourd’hui à l’Asie du
Sud-Est. Le terme Proche-Orient (dans la terminologie française) par
opposition à l’Extrême-Orient asiatique est liée à l’importance stratégique
nouvelle de la région avec la percée du Canal de Suez. Le Moyen-Orient
(terminologie britannique) désigne les territoires situés sur l’Océan Indien et
où les postes diplomatiques sont dirigés, depuis Bombay puis Delhi, par le
gouvernement des Indes. Cela concerne le Golfe persique et la Perse
tandis que la juridiction du Foreign Office s’arrête au Caire. Le Moyen-
Orient c’est la distance qui sépare le Foreign Office de l’Indian Office
2.3. L’approche culturelle : Le
monde Arabe: une exception?
 C’est la conception britannique qui va s’imposer finalement après
la seconde guerre mondiale et le terme levant va finir par
disparaître des études françaises pour être remplacé par l3e terme
Moyen Orient. Sous l’influence américaine, la zone géographique
va s’étendre pour inclure toute la zone du Maroc au Pakistan.
 À partir des années 1990, Le terme Moyen-Orient cédé la place à la
« région MENA » (Middle-East and North Africa), d’usage plus
courant aujourd’hui.
 Pour Henry Laurens, le terme Moyent-Orient ne disparaitra pour être
remplacé par celui d’Asie occidentale (selon la terminologie des
Nations-unies) « que lorsque les problèmes du Moyen-Orient seront
résolus, quand la région sera pour ainsi dire « dé-géopolitisée ». »
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
 Le Moyen-Orient correspond donc à un concept géopolitique, dont les
frontières sont labiles. L’Orient n’est pas un « fait de nature inerte »
comme le souligne Edward Said. Les savoirs produits sur l’Orient vont
borner quelque part le champ de ce qui est politiquement et
scientifiquement pensable sur cette aire culturelle: « l'orientalisme a une
telle position d'autorité que je crois que personne ne peut écrire,
penser, agir en rapport avec l'Orient sans tenir compte des limites
imposées par l'orientalisme à la pensée et à l'action. »
 L'orientalisme est défini par Edward Said comme une espèce de
projection de l'Occident sur l'Orient et de volonté de le gouverner.
« L'orientalisme a plus de valeur en tant que signe de la puissance
européenne et atlantique sur l'Orient qu'en tant que discours véridique
sur celui-ci. »
 Voir aussi : Anouar Abdelmalek, « L'orientalisme en crise », Diogêne 44
(hiver 1963).
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
 a) Sur le plan de la position du problème, de la problématique, [les
orientalistes] considèrent l'Orient et les Orientaux comme « objet »
d'étude, frappé d'altérité — comme tout ce qui est autre, qu'il soit «
sujet » ou « objet » — mais d'une altérité constitutive, de caractère
essentialiste [...]. Cet « objet » d'étude sera, comme il se doit, passif,
non participant, doté d'une subjectivité « historique », ? par-dessus
tout, non actif, non autonome, non souverain par-devers soi : le seul
Orient ou Oriental ou « sujet » qu'on pourrait admettre, à la limite
extrême, est l'être aliéné, philosophiquement, c'est-à-dire autre que
lui-même par rapport à lui-même, posé, entendu, défini — et agi —
par autrui.
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
 b) Sur le plan de la thématique, [les orientalistes] adoptent une
conception essentialiste des pays, des nations et des peuples
d'Orient sous étude, conception qui se traduit par une typologie
ethniste caractérisée; [certains d'entre eux auront] tôt fait de la faire
déborder en racisme. Selon les orientalistes traditionnels, il existerait
une essence — parfois même nettement décrite en termes
métaphysiques — qui constitue le fond inaliénable et commun de
tous les êtres considérés; cette essence est à la fois « historique »,
puisqu'elle remonte des profondeurs de l'histoire, et
fondamentalement a-historique, puisqu'elle fige l'être « objet »
d'étude, dans sa spécificité inaliénable et non évolutive, au lieu
d'en faire — comme tous les êtres autres, États, nations, peuples et
cultures — un produit, une résultante de la vection des forces en
œuvre au cours de l'évolution historique.
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
- L’orientalisme a conduit à une surdétermination des variables culturelles
et religieuses, notamment dans l’analyse des démocratisations dans
cette région.
 L’orientalisme est une tradition considérant l’islam comme l’unique
principe explicatif du comportement des orientaux se focalisant
essentiellement sur les causes inhérentes à la culture islamique
conduisant à l’émergence et la prolifération de l’islamisme.
L’orientalisme, pour reprendre l’expression d’Edward Saïd : « voit l’islam
comme une « synthèse culturelle », qui pouvait être étudiée en dehors
de l’économie, de la sociologie et de la politique des peuples
islamiques » (Said 1980 : 125). En effet, les culturalistes et néo-
orientalistes essayent d’expliquer un phénomène relativement récent
dans le monde islamique qu’est l’islamisme en recourant aux structures
religieuses et culturelles et même linguistiques qui datent de la
révélation du message coranique.
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
 Pour B. Lewis, la compréhension de la « politique de l’islam » et des
mouvements à référent islamique, doit passer par l’analyse du
langage politique originel de l’islam, qui trouve sa source, bien
entendu, dans le Coran et le Hadith. Selon Lewis, l’incapacité des
musulmans à séparer le temporel du spirituel tient à l’inexistence de
ces termes -ou de leur équivalent- dans l’islam et dans l’arabe
classique. Aussi, l’islam, étant le critère suprême de l’identité et du
loyalisme du groupe, est érigé comme la base la plus légitime
d’autorité, ce qui revient à dire que l’islam recèle un puissant
potentiel de mobilisation politique qu’il s’agisse d’obéissance ou de
révolte. Même si d’autres formes d’identification sont apparues
dans certains pays (nationaliste, ethnique, linguistique…), le trait
originel revient à la surface et souvent même de façon encore plus
violente (Lewis 1988).
2.3. L’approche culturelle :
L’orientalisme
 L’orientalisme a été à l’origine de bien de confusions et de préjugés.
En recherchant dans la culture islamique, considérée comme
monolithique et déterministe, les causes ontologiques du
despotisme et du désordre politique régnant dans la région, dont
l’islamisme serait la manifestation par excellence, les orientalistes ont
conclu que l’islam moderne n’est que la version répétée de
l’ancien. Par ailleurs, ceux qui n’excluent pas totalement l’histoire et
les contextes sociopolitiques modernes, les représentent comme les
causes de réapparition des traits caractéristiques de l’espace
culturel islamique. L’insistance sur le caractère « exceptionnel » de
l’islam, et donc de toute forme de mobilisation exprimée en termes
islamiques, conduit à l’essentialisation de l’activisme islamiste et
interdit par conséquent la généralisation et le comparatisme.
2.3. L’approche culturelle : La thèse du choc
des civilisations

 Samuel Huntington, dans le choc des civilisations (date), adopte cette posture
essentialiste.
 Huntington donne la primauté de la place au christianisme en tant qu'influence
positive distinctive dans la formation de la civilisation occidentale: "Le
christianisme occidental ... est historiquement la caractéristique la plus
importante de la civilisation occidentale." Pour Huntington, la principale
contribution de la culture occidentale a été la séparation de l'Église et de l'État,
ce qu'il considère comme étranger aux autres grands systèmes religieux du
monde: « Au cours de l'histoire de l'Occident, l'Église, puis plusieurs Églises ont
existé indépendamment de l'État. Dieu et César, l'Église et l'État, le pouvoir
spirituel et le pouvoir temporel : voilà une forme de dualisme typique de la
culture occidentale. Religion et politique sont distinguées aussi nettement dans
la civilisation hindoue seulement. Dans l'islam, Dieu est César; en Chine et au
Japon, César est Dieu; dans le monde orthodoxe, Dieu est au service de César.
Pareille séparation et pareils conflits récurrents entre l'Église et l'État ne se
rencontrent dans aucune autre civilisation. Cette séparation des pouvoirs a
beaucoup contribué au développement de la liberté en Occident. »
(Huntington 2007: 72)
2.3. L’approche culturelle : La thèse du choc
des civilisations

Huntington avertit: «Le problème sous-jacent pour l'Occident n'est pas l'intégrisme
islamique. C'est l'islam. " En ce qui concerne le confucianisme, il affirme que
«l'héritage confucéen de la Chine contemporaine, qui met l'accent sur l'autorité,
l'ordre, la hiérarchie et la suprématie de la collectivité sur l'individu, crée des
obstacles à la démocratisation». En discutant de l'Europe post-communiste, il dit
que "la ligne de démarcation centrale... Est maintenant la ligne qui sépare les gens
du christianisme occidental, d'une part, des peuples musulmans et orthodoxes de
l'autre." Selon l’auteur, la frontière de l’Europe se situe «Là où le christianisme
occidental s'arrête et où commence l'islam et l'orthodoxie».
 Pour Huntington, ce sont les civilisations les unités d’analyses et non les États.La
démocratie n’est pas seulement nées dans la civilisation occidentale, elle ne
peut pas être reproduite ailleurs car les autres grandes civilisations religieuses du
monde n'ont pas le faisceau unique de caractéristiques culturelles nécessaires
pour soutenir la démocratie de style occidental.
 l'échec démocratique est presque «surdéterminé» dans son monde de «cultures
parentales» autoritaires et de guerres culturelles inévitables.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

Une réponse intéressante à la théorie culturaliste de Huntington a été apportée par


Alfred Stepan (Alfred C. Stepan, “Religion, Democracy, and the "Twin Tolerations“”,
Journal of Democracy, Vol.11, N° 4, 2000). Il remet en question l’existence de frontières
culturelles à la démocratie en s’appuyant sur le concept de « twin toleration » (double
tolérance) qui désigne les limites minimales de la liberté d'action qui doit être conçu
pour les institutions politiques vis-à-vis des autorités religieuses, et pour les individus et
groupes religieux vis-à-vis des institutions politiques.
Aux 8 conditions institutionnelles posées par Robert Dahl 1) liberté de former et d'adhérer
à des organisations; 2) la liberté d'expression; 3) le droit de vote; 4) éligibilité pour les
fonctions électives; 5) le droit des dirigeants politiques de se disputer le soutien et les
votes; 6) l’existence de sources alternatives d'information; 7) des élections libres et
équitables; et 8) des institutions pour faire dépendre les politiques gouvernementales
des votes et d'autres expressions de préférence, Juan Linz et Stepan ajoutent comme
conditions :
- une constitution démocratique en ce qu'elle respecte les libertés fondamentales et
offre des protections considérables pour les minorités
- Le gouvernement démocratiquement élu doit gouverner dans les limites de sa
constitution et être lié par la loi et par un ensemble complexe d'institutions verticales et
horizontales qui contribuent à garantir sa responsabilité
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Stepan défend une approche institutionnelle de la démocratie


impliquant qu’aucun groupe de la société civile, y compris les groupes
religieux, ne peuvent être interdits de se constituer en partis politiques (
à moins que leurs actions a postériori ne soient anti-démocratiques).
 Sa démonstration prend pour point de départ la double tolérance en
Europe occidentale. La séparation entre l’église et l’Etat est considérée
comme étant l’une des principales caractéristiques de la démocratie
en tant que telle pas uniquement occidentale. Pourtant lorsqu’il
observe les Etats européens , qui satisfont aux garanties institutionnelles
de la démocraties, sous l’angle de la séparation de l’église et de l’Etat,
en 1990, 5 des 15 Etats membres de l’UE (le Danemark, la Grèce, la
Finlande, la Suède, et le Royame-Uni) ont des églises établies, en plus
de la Norvège en dehors de l’UE.
 Par ailleurs, les partis religieux ne sont pas interdits. Les partis
démocrates chrétiens ont gouverné en Allemagne, en Italie, en
Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 « La plupart des pays d’Europe occidentale sont arrivés à une


liberté de religion négociée démocratiquement contre l'ingérence
de l'État ne cantonnent pas les groupes religieux à la sphère privée
mais leur permettent d’organiser des groupes dans la société civile
et la société politique. La «leçon» de l'Europe occidentale ne réside
donc pas dans la nécessité d'un «Mur de séparation» entre l'Église et
l'État, mais dans une constante politique de construction et de
reconstruction des «doubles tolérances». En effet, c’est seulement
dans le contexte des «doubles tolérances» que le concept de
«séparation de l’Église et de l’État » a sa place dans le vocabulaire
moderne de la démocratie en Europe occidentale »
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Il soulève par ailleurs les mauvaises interprétations relatives à la religion


comme obstacle à la démocratisation
1/ l’assomption de l’univocité à savoir qu’une religion puisse être pro-
démocratique ou anti-démocratique (l’islam, l’orthodoxie ou le
confucianisme pour Huntington) alors que la littérature sur les doctrines et
les pratiques anti-démocratiques du catholicisme, du luthérianisme ou du
calvinisme est abondante).
2/ L'erreur de «conditions fondatrices uniques». Cette erreur implique
l'hypothèse que la constellation unique de conditions spécifiques qui
étaient présentes à la naissance de phénomènes tels que la démocratie
électorale, une société civile relativement indépendante, ou l'esprit du
capitalisme doit être présents dans tous les cas pour s’épanouir. L'erreur,
est de confondre les conditions associées à l'invention de quelque chose
avec la possibilité de sa réplication, ou plus exactement sa reformulation
dans des conditions différentes.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

3/ évacuer la religion de l’agenda politique : La politique concerne le


conflit et la politique démocratique implique la création de
procédures pour gérer les conflits majeurs. Dans de nombreux pays qui
sont maintenant des démocraties de longue date, à la fois
occidentales et non occidentales, le conflit pendant une longue
période concernait précisément la place de la religion dans la
politique. Dans beaucoup de ces cas, ce conflit n'a été politiquement
contenu ou neutralisé qu'après de longs débats et négociations
publics.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Dans un article publié en 2004 (« Arab not Islamic exceptionalism », Journal of Democracy),
Stepan et Robertson concluent à une exception arabe plutôt qu’islamique en constatant que sur
les 47 pays musulmans (à savoir ceux dont 50.1 %de la population est musulmane), ceux dont la
population est majoritairement arabe (50.1% arabes) sont ceux qui connaissent les systèmes les
moins compétitifs. Même si certains de ces pays ont entamé des transformations en faveur de la
démocratisation ou la modernisation, aucun d’entre eux n’a mis en place des élections
compétitives.
 De plus, les membres de la Ligue des Etats arabes ont le pourcentage le plus élevé de pays
«sous-performants sur le plan électoral» au monde. 6 pays musulmans non arabes ont des
élections compétitives (le Sénégal, La Turquie, l’Indonésie, le Bengladesh, le Mali et le Niger)
 L’explication de l’exceptionnalisme arabe plutôt que musulman avancée par les auteurs se
trouve dans la corrélation, entre la compétition électorale et le fait d'avoir été une colonie Sur les
11 anciennes colonies britanniques qui ont rejoint la ligue Arabe un seul (Soudan) a eu au moins
trois années consécutives de droits politiques modérément élevés entre 1972 et 2002 (mesurés par
soit Freedom House ou Polity IV). En revanche, six des huit États à majorité musulmane qui sont
membres du Commonwealth ont atteint cet objectif. L’appartenance à ces organisations serait
déterminante selon les auteurs dans la mesure où la Ligue des Etats arabes contrairement à
l’OSCE, l’Union européenne, l’OIF, le commonwealth, n’incite aucunement ses Etats membres à
soutenir la démocratie.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Deux autres thèses (antérieures aux travaux de Stepan) mettent également en avant
l’idée d’un exceptionnalisme arabe mais reposant cette fois-ci sur la société comme
facteur déterminant de l’autoritarisme dans les pays de la région qui pourtant
présentent des différences considérable (ils ne constituent pas un bloc
monolithique). La première est thèse du néo-patriarcat (Hisham Sharabi et la
seconde est celle de la relation maître à disciple développée par Abdllah
Hammoudi (1997).
 Suivant la thèse du néopatriarcat, des relations d’autorité, de domination et de
dépendance déterminent la vie sociale aussi bien au sein de la famille naturelle
qu’au niveau de la famille « nationale ». Ces relations d’autorité et de domination
trouvent leur origine dans les relations avec la figure du père-patriarche dans la
famille traditionnelle arabe, celui-ci se présentant comme un agent de répression.
Les relations avec ce dernier s’appuient sur la médiation (wasta) de la mère ou de
l’oncle pour l’obtention de faveurs, protection etc. ce qui maintient les individus dans
une situation de soumission et d’impuissance et conduit à des pratiques qui
s’apparentent au clientélisme (capacité d’agir sur le pouvoir par l’entremise
d’intermédiaires). Le néo-patriarcat serait une reproduction de ce même schéma à
une échelle nationale. Le détenteur du pouvoir (quel qu’il soit) correspond à la figure
du patriarche, duquel les individus solliciterons protection, distribution de bienfaits, de
faveurs par l’entremise d’un intermédiaire proche du pouvoir.
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Abdallah Hammoudi se propose quant à lui d’expliquer l’autoritarisme arabe à


partir d’un type particulier de relations propres aux pratiques initiatiques qui
permettent d’accéder à la sainteté à travers la transmission (de la baraka)
d’homme à homme. Le mysticisme islamique (islam confrérique/ soufi) instaure
des relations d’autorité et de soumission entre le maître et le disciple qui sont
transférées à la sphère politique.
 «Premièrement, il [le maître] conserve le monopole de la prise de décision
stratégique et de l'arbitrage entre factions, rendue possible par une menace
omniprésente de violence (la police et l'armée) et la manipulation des
avantages; une telle manipulation reflète une économie politique qui neutralise
le potentiel du marché à libérer les participants de ces pratiques.
Deuxièmement, au centre du système se trouve un leader entouré d'un
entourage de disciples qui ne parviennent pas à réussir que par une sorte
d'autorisation que lui seul peut donner. Troisièmement, il y a la promotion d'une
culture particulière, à savoir celle des notables. le notable ne devient maître de
son domaine que lorsqu'il a obtenu l’accord des maîtres supérieurs après leur
avoir rendu visite régulièrement, échange de faveurs, et témoignant de bons et
loyaux services; ceci inévitablement l'oblige à passer par des démonstrations de
soumission ritualisée »
2.3. L’approche culturelle: Une exception
arabe plutôt qu’une exception islamique

 Telles sont les principales caractéristiques de cette forme


d'autoritarisme moderne qui revendique en outre une légitimation
religieuse, en tant que sommarisée dans la formule islamique «la
communauté des fidèles». Ce concept, en tant qu'idéologie
formalisée, ne se heurte pas le moins du monde aux notions empiriques
(et pas toujours formulées explicitement) qui régissent les relations de
pouvoir entre les notables et les apprentis notables. »
 Cette soumission n’est que temporaire ; elle n’est pas exclusive non plus
de moments ou de tentations de rébellion, mais surtout elle aboutit à la
conquête d’une autorité concurrente et à la séparation du nouveau
maître et de son initiateur. Ce schème de l’inversion et de
l’ambivalence soumission-rébellion serait à l’œuvre dans « tous les
rapports de préséance y compris dans la relation de chef à subalterne
qui structure l’ordre bureaucratique et politique moderne ». Il agirait au
cœur des rapports sociaux et constituerait « la médiation réelle entre la
structure politique autoritaire et la société civile »
 Les changements politiques survenus dans certains pays de la
région a conduit à reconsidérer ce modèle. Henry Laurens va
jusqu’à dire que les « printemps arabes » sont une révolte des objets
d’études contre leurs analyses.
2.4. L’analyse stratégique

 Ce type d’analyses axées sur les préconditions économiques ou


culturelles de la transition (pour les préconditions culturelles voir
chapitre 2) ont été remises en question car trop déterministes et
parce qu’elles évacuent la dimension politique de l’analyse des
transitions.

 Un tournant majeur dans la transitologie a été marqué par


l’émergence d’analyses stratégiques qui vont focaliser sur les micro-
variables politiques et sur le comportement stratégique des acteurs.
C’est le processus même de la transition qui fera l’objet d’analyse et
non les conditions de son émergence.
2.4. L’analyse stratégique

 Cette approche trouve sa source dans l’individualisme


méthodologique (selon la terminologie adoptée par Raymond
Boudon). Ce paradigme, fondé par Max Weber, prend de contre-pied
la perspective durkheimienne puisque c’est l’individu l’unité d’analyse.
En d’autres termes, les phénomènes sociaux résultent de l’agrégation
d’actions individuelles rationnelles. La société est une réalité abstraite
que le sociologue ne saurait appréhender.
 L’individualisme méthodologique wébérien repose sur trois postulats : 1)
le postulat de l’individualisme. Cela signifie que tout phénomène social
résulte de la combinaison d’action, de croyances, ou d’attitudes
individuelles et la tâche du chercheur est d’en comprendre les raisons .
2) le second postulat est celui de la compréhension. Comprendre les
actions, croyances et attitudes des individus, signifie de mettre au jour
le sens que ces actions, croyances, attitudes ont pour les acteurs
sociaux.
2.4. L’analyse stratégique

 3) Le postulat de la rationalité. Celui-ci découle du premier. Il s’agit


de considérer que les acteurs agissent de manière qui ait du sens
pour eux, qu’ils ont de bonnes raisons d’agir comme ils le font, de
croire en ce qu’ils croient ou d’adopter telle ou telle attitude. Cette
approche est également appelée « actionniste » parce qu’elle est
centrée sur l’action.
Jusque là, nous sommes dans le cadre de l’individualisme
méthodologique. La théorie du choix rationnel y rajoute trois autres
postulats lesquels sont:
4) Postulat conséquentialiste: l’acteur a de bonnes raisons d’agir
comme il le fait, mais non pas sur la base de raisons d’ordre divers,
mais en évaluant les conséquences de son choix.
2.4. L’analyse stratégique

 5) Le postulat égoïste: parmi les conséquences envisagées, seules celles


qui intéressent l’acteur seront prises en compte. L’acteur est un
calculateur égoïste.
 6) Postulat du calcul cout-bénéfices : parmi les options qui intéressent
l’acteur, celui-ci fera son choix après avoir procédé à un calcul couts-
Bénéfices et optera pour l’option/ ligne d’action qui maximiserait ses
bénéfices.
 La théorie du choix rationnel est d’origine économique et a été
appliquée en sciences politiques. Elle s’appuie donc sur la paradigme
de l’homo oeconomicus : l’individu maximisateur d’intérêt.
 Le postulat du CCB rend la Théorie du Choix Rationnel (TCR) accessible
au formalis.me mathématique. Exemple : le dilemme des prisonniers de
Tucker.
Boudon Raymond, « Théorie du choix rationnel ou individualisme méthodologique ?», Revue du
MAUSS, 2004/2 (no 24), p. 281-309. DOI : 10.3917/rdm.024.0281. URL : https://www.cairn.info/revue-du-
mauss-2004-2-page-281.htm
2.4. L’analyse stratégique

 L’analyse de Przeworski dans « Democracy and the Market: Political


and Economic Reforms in Eastern Europe and Latin America” (1991) se
concentre sur le niveau micro pour expliquer la transition vers la
démocratie à la suite de choix et de stratégies entre des acteurs
politiques différents et importants, c’est-à-dire des élites appartenant
ou non au régime et à des organisations civiles. La démocratie est le
résultat de l'interaction entre les différentes forces politiques (Przeworski,
1991). Dans ce contexte, la démocratie est un équilibre, mais pas le seul
possible.
 La notion d’équilibre est centrale dans la théorie du choix rationnel
(équilibre de NASH) cela veut dire que personne ne peut dévier avec
bénéfice - mais aussi un équilibre de coordination : personne ne peut
dévier sans nuire à l'autre, aucun joueur n’aurait pu faire un meilleur
choix au vu du choix des autres (ou de la prévision qu’il en fait).
2.4. L’analyse stratégique

 Przeworski applique le modèle de la TCR : les groupes sont traités


comme des individus, les préférences sont ordonnées, les choix sont
en accord avec les préférences, et les acteurs cherchent à
maximiser leurs profits, par le biais d’interactions et de certain
contexte, arriver à l'équilibre.
2.4. L’analyse stratégique

 Il s’appuie sur le modèle construit par O’donnell et Schmitter en


distinguant dans le régime autoritaire entre les « hardliners » qui
préfèrent le statu quo et les réformateurs qui cherchent à changer
la nature du régime. Ceux -ci sont définis comme des liberalizers
jusqu’à ce que leur préférence soit fixée: selon qu’ils préfèrent la
démocratie (ils seront appelés à ce moment des liberalizers) ou une
dictature plus large (réformateurs).
 Au sein de l’opposition, il distingue entre modérés et radicaux. Les
premiers se distinguent des seconds par le fait qu’ils sont disposés à
faire des pactes avec ceux du bloc au pouvoir.
2.4. L’analyse stratégique

 De ce fait, le processus de démocratisation ne peut être initié que


lorsque les liberalizers/ reformers dans le bloc autoritaire parviennent à
conclure un pacte avec les modérés de l’opposition.
 Avant de décider s’ils vont conclure un pacte, chaque groupe va
évaluer les conséquences de la démocratisation et essayer d’anticiper
les préférences de l’autre. Chaque groupe d’acteurs va classer ses
préférences parmi les 5 alternatives suivantes:
- Statu quo dictatorship (SDIC): le régime demeure le même
- Broadened Dictatorship (BDIC): plus d’acteurs sont inclus dans le
régime
- Narrower dictatorship (NDIC): un ou plusieurs acteurs sont exclus du
régime et rejoignent l’opposition
- L’insurrection: l’opposition ou la SC prend les armes
- La transition: le régime change et devient une démocratie
2.4. L’analyse stratégique

 Lorsque les joueurs sont correctement informés des choix des autres, le
résultat du jeu serait soit le statu quo, soit une BDIC.
 Si les préférences des liberalizers sont comme suit
BDIC>SDIC>TRANSITION>NDIC>INSURECTION, et qu’ils savent que s’il
jamais ils acceptent une ouverture, la société va s’organiser et ils
devront donc réformer. Étant donné qu’ils préfèrent le statu quo à la
transition, ils n’opteront pas pour l’ouverture.
 Si les préférences des liberalizers sont comme suit
BDIC>SDIC>NDIC>TRANSITION>INSURECTION et qu’ils donnent une
grande probabilité de succès à la répression, ils opteront pour la
répression si la société s’organise. La société qui préfère BDIC>NDIC,
choisira d’entrer sachant que les liberalizers recourront à la répression
s’ils s’organisent. Comme les premiers (liberalizers) préfèrent BDIC>SDIC,
ils choisiront donc l’ouverture et le résultat sera BDIC.
2.4. L’analyse stratégique

 Adam Przeworski voit deux voies pouvant mener à une


démocratisation, toutes deux fondées sur de fausses suppositions par
cetains acteurs:
1/ si les liberalizers sont favorables à la démocratie et que leurs
préférences sont ordonnées comme suit:
BDIC>TRANSITION>SDIC>NDIC>INSURRECTION et qu’ils savent que hard-
liners n’accepteront pas la libéralisation car les liberalizers iront jusqu’au
bout, ils révéleront leurs préférences de manières stratégique en faisant
croire aux hardliners qu’elles sont : BDIC>SDIC>NDIC>TRANSITION. La
décision de l’ouverture dépendant des hardliners, si ces derniers préfèrent
NDIC>SDIC et pensent que la société croit à tort que les liberalizers sont
favorables à la démocratie et qu’ils n’auront donc pas recourt à la
répression si la société s’organise. Les hardliners vont donc croire que le
résultat de l’ouverture sera une NDIC, alors qu’en raison des vraies
préférences des liberalizers le résultat sera la Transition.
2.4. L’analyse stratégique

 2/ si les préférences des liberalizers sont ordonnées comme suit:


BDIC>SDIC>NDIC>TRANSITION>INSURRECTION et qu’ils estiment les
chances de succès de la répression comme élevées. Ils optent pour
l’ouverture pensant que la société va choisir d’entrer (résultat BDIC),
sauf que la société estime faibles les chances de succès de la
répression et pense que la liberalizers ont la même estimation, et va
donc s’organiser. Face à cette organisation, les liberalizers vont
baisser leur estimation des chances de succès de la répression et
vont préférer la transition plutôt qu’une escalade de la répression.
2.4. L’analyse stratégique

 La manière dont ces alternatives sont classées/ hiérarchisées et si


elles sont ou non révélées aux autres, dépend de trois facteurs:
1. la probabilité de succès: plus cette probabilité est élevée, plus forte
sera la chance de conclure un pacte
2. plus les groupes du bloc autoritaire socialisent avec ceux de
l’opposition, plus la chance de conclure un pacte sera forte.
3. la psychologie: dans les cas où les pressions étrangères (étouffement
économique et politique) ne laisse pas d’autres alternatives aux
liberzalizers que celle de la démocratisation, ils vont finir par se
convaincre que la démocratisation est celle dont la conséquence est
la plus avantageuse
2.4. L’analyse stratégique

 Il s’agit pour les tenants de l’analyse stratégique d’identifier les acteurs clés, de
formaliser leurs objectifs, la distribution de leurs préférences pour déduire de ces
paramètres et de la structure du "jeu" les "solutions d'équilibre" susceptibles
d'émerger. La décision d'ouverture des régimes dictatoriaux, la dynamique de
libéralisation-démocratisation sont ainsi expliquées rationnellement par des
dynamiques de convergence, la démocratie vue comme un simple état
d'équilibre entre stratégies conflictuelles. Malgré leur formalisme, ces théories
sont d'un intérêt certain. En insistant sur les problèmes de perception,
d'évaluation (des préférences, des ressources, des "coups" de l'adversaire) en
situation d'incertitude, elles touchent au coeur de la dimension stratégique des
transitions. L'accent est mis par exemple sur la perception des probabilités de
succès ou la variation des coûts et des bénéfices au cours du jeu. La
perspective dynamique de l'interaction est importante. Elle permet de
comprendre la façon dont les parties révisent leurs attentes et leurs objectifs
dans le conflit.

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