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Titre IV.

- Des engagements qui se forment sans


convention
(Décrété le 9 février 1804. Promulgué le 19 du même mois.)

Art. 1370. Certains engagements se forment sans qu'il intervienne aucune convention, ni de la part
de celui qui s'oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé.
Les uns résultent de l'autorité seule de la loi; les autres naissent d'un fait personnel à celui qui se
trouve obligé.
Les premiers sont les engagements formés involontairement, tels que ceux entre propriétaires
voisins, ou ceux des tuteurs et des autres administrateurs qui ne peuvent refuser la fonction qui leur est
déférée.
Les engagements qui naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé, résultent ou des
quasi-contrats, ou des délits ou quasi-délits; ils font la matière du présent titre.

Chapitre Ier. - Des quasi-contrats

Art. 1371. Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un
engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

Art. 1372. Lorsque volontairement, on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la
gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a
commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même; il doit se
charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le
propriétaire.

1° Toute demande en reddition de compte présuppose la gestion de biens d'un tiers, faite en vertu d'un mandat soit exprès,
soit tacite, et général, en ce sens que le mandataire intervient seul dans la sphère des actes d'administration pour lesquels le
mandat est donné; il n'en est pourtant pas ainsi de deux époux qui se bornent à rendre à leur mère, respectivement belle-mère
les petits services qui sont de mise entre proches, en touchant les intérêts des actions, obligations ou d'autres créances, dont la
mère était bénéficiaire et lui en renseignant immédiatement le montant, alors surtout que toutes les quittances délivrées de ce
chef sont signées par la mère. Cour 29 juillet 1910, 8, 472.
2° La gestion d'affaires suppose le fait volontaire et spontané du gérant et non l'obligation légale de prester un fait déterminé.
Lux. 3 avril 1895, 3, 500.
3° L'administration supérieure qui a fait établir, sans l'assentiment et contre le gré des propriétaires et des communes
intéressées, des travaux de consolidation de terrains menaçant de s'ébouler, n'a pas contre eux l'action, negotiorum gestio, parce
qu'elle n'est pas censée avoir géré leur affaire. Cour 20 avril 1880, 1, 624.
4° La gestion d'affaires suppose que le gérant a eu l'intention d'agir dans l'intérêt d'un tiers. Lux. 2 février 1931, 12, 477.
5° Si, en matière de gestion d'affaires, le gérant ne peut réclamer que les dépenses utiles et nécessaires, ces règles ne
sauraient être invoquées par celui qui reconnaît avoir commandé les travaux exécutés par le prétendu gérant, alors surtout que le
maître s'est déclaré d'accord avec l'ordre donné par son architecte ou gérant de commencer les travaux.
La gestion d'affaires ne se conçoit, en effet, qu'en l'absence d'un pareil ordre. Cour 20 janvier 1965, 19, 496.
6° Le quasi-contrat de gestion d'affaire ne peut être invoqué qu'à la condition que le maître ait été hors d'état de pourvoir lui-
même à la gestion ou que tout au moins le gérant ait pu raisonnablement penser que tel était le cas.
L'intervention du gérant ne peut être considérée comme opportune du moment que le géré était présent et n'était en aucune
façon empêché d'agir lui-même. Cour 22 octobre 1975, 23, 233.
Art. 1373. Il est obligé de continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que
l'affaire soit consommée, jusqu'à ce que l'héritier ait pu en prendre la direction.

Art. 1374. Il est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'un bon père de famille.
Néanmoins les circonstances qui l'ont conduit à se charger de l'affaire peuvent autoriser le juge à
modérer les dommages et intérêts qui résulteraient des fautes ou de la négligence du gérant.

Art. 1375. Le maître dont l'affaire a été bien administrée, doit remplir les engagements que le gérant
a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris et lui
rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites.

1° Pour prospérer dans une action de in rem verso, le demandeur doit établir son appauvrissement, l'enrichissement corrélatif
du défendeur et l'absence d'une juste cause. Il y a juste cause élisive de l'action de in rem verso si la prestation litigieuse
constitue l'exécution d'une obligation naturelle ou morale; spécialement, l'enfant qui supporte, en l'absence de tout contrat y
relatif, les frais d'entretien et de nourriture de ses vieux parents, le fait en vertu d'une obligation naturelle et ne peut donc
récupérer ces frais sur la succession. Diekirch 23 novembre 1932, 13, 575.
2° L'action de in rem verso présuppose un enrichissement sans cause, dans le chef de l'adversaire; spécialement l'exécution
d'un contrat, sous aggravation des charges pour l'une des parties, ne saurait donner lieu à l'action de in rem verso au profit de
cette partie si son co-contractant n'a pas trouvé à cette aggravation des charges un avantage particulier. Cour 24 mars 1916, 10,
527.
3° L'action de in rem verso n'est accordée que si l'enrichissement injuste est indépendant de relations contractuelles entre
parties. Cour 7 avril 1933, 13, 17.
4° L'action de in rem verso suppose nécessairement que la personne appauvrie ne dispose contre la personne enrichie
d'aucune autre action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit. Cour 20 décembre 1932, 13, 193.
5° L'action de in rem verso ne doit être admise que dans les cas où le patrimoine d'une personne se trouvant, sans cause
légitime, enrichi au détriment d'une autre personne, celle-ci ne jouit, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un
contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit; elle ne peut notamment pas être intentée pour suppléer aux règles par
lesquelles la loi a expressément défini les effets d'un contrat déterminé.
En accueillant l'action de in rem verso malgré l'existence des actions contractuelles découlant d'un contrat de vente, et en ne
retenant aucun obstacle de fait qui, sans la faute du demandeur, serait de nature à rendre inopérant l'exercice normal des actions
contractuelles, le juge du fond viole le principe de subsidiarité de l'action de in rem verso. Cass. 30 mai 1974, 22, 413.
6° Il incombe à l'appauvri d'établir que toutes les conditions essentielles requises pour l'exercice de l'action de in rem verso
sont remplies; il doit notamment prouver qu'aucun obstacle de droit ne rend inopérante l'action dont il disposerait normalement.
Cass. 12 février 1976, 23, 281.
7° Le succès de l'action de in rem verso suppose entre autres un enrichissement du défendeur, un appauvrissement corrélatif
du demandeur et l'absence de cause juridique à l'enrichissement. Par ailleurs l'action n'est possible que si le demandeur ne jouit,
pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit (jugement).
En particulier, il n'y a pas enrichissement sans cause lorsque le déplacement de richesses dont il s'agit trouve sa justification
dans la volonté de l'appauvri. Cela se présente notamment lorsque l'appauvri a agi dans une intention libérale ou encore lorsqu'il
a spéculé en vue d'un résultat à atteindre dont il assumait les bonnes comme les mauvaises chances (arrêt).
Dans un ménage commun de deux concubins, celui qui paye le loyer du logement n'a pas d'action basée sur l'enrichissement
sans cause à l'encontre de son concubin, la condition de l'appauvrissement n'existant pas dans son chef (jugement).
La demande en remboursement des frais d'entretien d'un enfant commun doit être rejetée comme ne respectant pas le
caractère de subsidiarité de l'action de in rem verso (jugement).
La demande en remboursement partiel des autres frais, tels les frais de chauffage et d'électricité est à abjuger comme ne
respectant pas la condition de la preuve de l'absence de cause. En effet, si deux personnes vivent ensemble, il n'est pas exclu
qu'en payant avec son propre argent la totalité des frais du ménage, celle qui s'appauvrit ait entendu gratifier l'autre desdits frais,
soit qu'elle ait agi dans une intention purement généreuse, soit qu'elle l'ait fait dans la pensée moins désintéressée de s'attacher
de la sorte son concubin (arrêt). Lux. 4 novembre 1987 et Cour 13 mars 1989, 27, 312.
8° L'enrichissement procuré aux propriétaires d'un immeuble par le biais de la réfection des vices qui l'entachent n'est pas
dépourvue de cause, cette dernière consistant dans l'obligation du vendeur de livrer un immeuble sans défaut ainsi que dans son
obligation de le réparer. Cour 6 décembre 1990, 28, 237.

Art. 1376. Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à
celui de qui il l'a indûment reçu.

1° L'action en répétition de l'indu n'appartient qu'à celui qui a payé indûment, le quasi-contrat qui naît du paiement de l'indu
ne se formant qu'entre celui qui paye indûment et celui qui reçoit ce qui ne lui est pas dû; le véritable créancier, restant en dehors
du quasi-contrat, n'a donc aucun droit d'agir. Cour 24 novembre 1893, 3, 425.
2° En admettant même que la juridiction commerciale puisse, dans des circonstances données, devenir compétente pour
juger des actions en répétition de l'indu, il faut cependant que le fait de recevoir un paiement indu constitue un acte commercial
de la part de celui qui est actionné en restitution et il ne suffit pas, pour déterminer la compétence du tribunal de commerce, que
l'acte qui donne naissance à la contestation, se rattache au commerce de l'une des parties; spécialement n'est pas de la
compétence du tribunal de commerce l'action en répétition de la somme qu'un débiteur soutient avoir payée de trop, alors que la
créance elle-même tout en étant incontestablement de nature commerciale, n'est pas contestée quant à son montant, mais que la
contestation ne porte que sur le paiement de l'indu qui n'a pas été et n'a pas pu être effectué pour une cause commerciale, étant
précisément sans cause. Lux. 2 décembre 1893, 3, 376.
3° Quand un obstacle légal s'oppose à la validité du paiement, le solvens peut répéter ce qu'il a payé, sans avoir besoin de
prouver qu'il a payé par erreur; ainsi une caisse régionale qui a payé des indemnités en dehors des cas prévus par le C.A.S. peut
les répéter, même si elle a payé sciemment. Cour 10 janvier 1932, 12, 403.
4° En matière de répétition de l'indu, l'accipiens doit restituer mêmes quantité et qualité, qu'il y ait bonne ou mauvaise foi, les
risques de la chose étant de plus à sa charge. Lux. 5 mai 1948, 14, 411.
5° L'annulation d'un contrat qui a reçu son exécution ayant pour effet de remettre les choses en leur pristin d'état, fait naître à
charge des parties l'obligation de se restituer tout ce qu'elles ont reçu.
Si certains auteurs ont cru chercher un fondement technique à cette obligation de restituer et ont cru le trouver tantôt dans les
règles sur le paiement de l'indu, tantôt dans celles sur l'enrichissement sans cause, il n'est pourtant pas à méconnaître que les
principes de la nullité comportent en eux-mêmes, l'obligation de restituer, puisque ce qui a été fait est sans valeur juridique.
Cette obligation de restituer les prestations réciproques n'a pas sa source dans un enrichissement sans cause et n'est pas
régie par les règles de cette dernière institution. Cour 31 juillet 1950 et Cass. 24 juillet 1952, 15, 304.

Art. 1377. Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le
droit de répétition contre le créancier.
Néanmoins, ce droit cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement,
sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur.

1° L'exercice de l'action de in rem verso est subordonné à la condition que la partie lésée n'ait pas d'autre action fondée sur
un contrat, un quasi-contrat, un délit ou un quasi-délit pour se tenir indemne; spécialement en cas de paiement par erreur, il faut
diriger l'action en répétition de l'indu contre celui qui a reçu le paiement, et alors est irrecevable l'action dirigée contre le tiers
débiteur de la somme payée par erreur. Lux. 2 février 1931, 12, 477.
2° Celui qui a payé une pension alimentaire en vertu d'une ordonnance de référé réformée en appel, est fondé à agir en
répétition de l'indu, car aucune créance alimentaire n'a dès lors existé et les paiements ont été faits sans cause. Lux. 28 avril
1988, 27, 284.

Art. 1378. S'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital
que les intérêts ou les fruits, du jour du paiement.

Art. 1379. Si la chose indûment reçue est un immeuble ou un meuble corporel, celui qui l'a reçu
s'oblige à la restituer en nature, si elle existe, ou sa valeur, si elle est périe ou détériorée par sa faute; il
est même garant de sa perte par cas fortuit, s'il l'a reçue de mauvaise foi.

Art. 1380. Si celui qui a reçu de bonne foi a vendu la chose, il ne doit restituer que le prix de la
vente.

Art. 1381. Celui auquel la chose est restituée doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise
foi, de toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de la chose.

Chapitre II. - Des délits et des quasi-délits

Art. 1382. Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Art. 1383. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou par son imprudence.

Responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle

I. Distinction avec d'autres ordres de responsabilité

A. Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle

1. Principe

1° L'article 1382 ne s'applique qu'aux engagements qui se forment sans convention et ne saurait être invoqué s'il s'agit de
l'exécution d'un contrat. Cour 6 juin 1890, 3, 548.
2° L'action en responsabilité délictuelle ayant une autre cause que l'action en responsabilité contractuelle, le tribunal ne
saurait d'office appliquer à une action basée sur la responsabilité contractuelle les règles de la responsabilité délictuelle sans
modifier la nature du litige. Lux. 27 mai 1984, 25, 311.

2. Applications

1° Il est de principe que l'action en dommages-intérêts basée sur la convention de transport ne peut être intentée que par
celui qui a contracté avec le transporteur et non par des tiers qui ont pu éprouver un dommage par suite de l'accident; la
réparation du préjudice tant matériel que moral éprouvé par les tiers a pour base unique les articles 1382 et suivants du Code
civil, à savoir la faute dont la preuve est à rapporter contre le voiturier. Lux. 8 mars 1950; Cour 15 novembre 1950, 15, 188.
2° Les rapports entre l'exploitant d'une attraction foraine et son client sont d'ordre contractuel; l'action basée sur les articles
1382 à 1384 est donc irrecevable. Lux. 14 juillet 1928, 12, 476.
3° Lorsqu'un enfant mineur accompagnant sa mère dans un magasin où la mère effectue des achats est victime d'un
accident à l'intérieur du magasin, il ne suffit pas, pour que la responsabilité contractuelle de l'exploitant du magasin puisse être
engagée, que le dommage ait été causé à l'occasion d'un contrat, mais il faut encore que le dommage résulte de l'inexécution
d'une obligation créée par le contrat.
Spécialement, le contrat de vente relatif à la fourniture d'une chose n'engendre aucune obligation de sécurité à l'égard de
l'acheteur et une pareille obligation n'est pas non plus assumée par le propriétaire du magasin à l'égard de toute personne
pénétrant dans les locaux commerciaux en vue d'y effectuer des achats éventuels. En cas d'accident, la victime ne peut invoquer
que les règles de la responsabilité délictuelle. Cour 17 janvier 1967, 20, 233.
4° Il existe à charge de l'exploitant d'un magasin de détail une obligation contractuelle de sécurité à l'égard de toutes les
personnes qui se proposent d'acheter; cette obligation de sécurité n'est qu'une obligation de moyens. Lux. 1er avril 1965, 19, 552.
5° La responsabilité civile du tiers complice de la violation d'un contrat n'est pas contractuelle, mais quasi-délictuelle; le tiers
complice ne peut donc invoquer l'article 1165 du Code civil; il est solidairement responsable avec le débiteur contractuel du
dommage résultant de cette violation et non recevable à opposer le bénéfice de discussion. Diekirch 9 décembre 1931, 13, 141.
6° Pour qu'une responsabilité contractuelle soit engagée, il ne suffit pas qu'un dommage ait été causé à l'occasion d'un
contrat, mais il faut que le dommage résulte de l'inexécution d'une des obligations engendrées par ce contrat.
Spécialement, le garagiste n'est tenu d'aucune obligation de sécurité à l'égard des personnes qui pénètrent dans son garage
et qui sont susceptibles de s'y livrer à des achats. En pareil cas, seules les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi-
délictuelle peuvent être mises en oeuvre. Cour 2 juin 1970, 21, 309.
7° Pour qu'une responsabilité contractuelle puisse être engagée, il ne suffit pas que le dommage ait été causé à l'occasion de
l'exécution d'un contrat.
Il faut encore qu'il résulte de l'inexécution d'une obligation principale ou accessoire engendrée par le contrat à charge de l'un
des contractants. Cour 16 juin 1982, 25, 344.
8° L'obligation de résultat d'exécuter des travaux exempts de vices, à laquelle le sous-traitant est tenu vis-à-vis de
l'entrepreneur principal, a pour seul fondement les rapports contractuels et personnels existant entre eux et ne peut être invoquée
par le maître de l'ouvrage, qui est étranger à la convention de sous-traitance. Cass. 11 janvier 1990, 27, 350.

3. Règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle


1° S'il n'est pas permis à la victime d'invoquer cumulativement les responsabilités contractuelle et délictuelle de l'auteur d'un
fait dommageable, rien ne l'empêche de se prévaloir principalement de la responsabilité contractuelle et subsidiairement de la
responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, étant donné que ces conclusions subsidiaires ne deviennent recevables qu'après
que le tribunal a écarté les conclusions principales, basées sur la responsabilité contractuelle, au motif qu'aucun contrat ne liait
les parties litigantes quant à l'objet de la demande. Lux. 13 novembre 1957, 17, 195.
2° Le cumul des responsabilités contractuelle et quasi-délictuelle ne peut être admis, si les éléments et circonstances,
invoqués par la victime d'un dommage à l'appui des conclusions tendant à l'application des articles 1382 et suivants du Code
civil, se couvrent avec ceux qui constituent une violation des obligations contractuelles assumées par l'auteur du dommage. Lux.
27 avril 1955, 16, 322; Lux. 21 mars 1956, 16, 539; Lux. 14 novembre 1956, 17, 72.
3° Le cumul des responsabilités contractuelle et quasi-délictuelle ne peut être admis, alors qu'il aurait pour résultat de
supprimer des lois toutes les dispositions spéciales en matière de responsabilité contractuelle et spécialement celles par
lesquelles le législateur a voulu particulariser la responsabilité de telle ou telle catégorie de contractants. Lux. 1er avril 1965, 19,
552; Cour 17 juin 1967, 20, 233.
4° La victime d'un dommage qui peut exercer l'action contractuelle n'est pas admise à préférer l'exercice de l'action délictuelle
à celui de l'action contractuelle.
Le cumul des responsabilités contractuelle et quasi-délictuelle ne peut en effet, être admis, pour la raison que ce procédé
aboutirait à supprimer toutes les dispositions spéciales édictées par le législateur en matière de responsabilité contractuelle,
notamment celles par lesquelles il a entendu particulariser la responsabilité de telle ou de telle catégorie de contractants. Pour
que la responsabilité puisse être contractuelle, il ne suffit pas qu'un dommage ait été causé à l'occasion de l'exécution d'un
contrat; il faut encore que le dommage résulte de l'inexécution d'une obligation, principale ou accessoire, créée par ce contrat.
Lux. 11 juillet 1967, 20, 392.
5° Le cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne peut être admis, puisqu'il aboutirait à supprimer toutes les
dispositions spéciales édictées par le législateur en matière de responsabilité contractuelle, notamment celles par lesquelles il a
entendu fixer les particularités de la responsabilité de telle ou telle catégorie de contractants. Cour 16 juin 1982, 25, 344.

B. Responsabilité pour faute et responsabilité du fait des choses

L'action en responsabilité du droit commun établie par les articles 1382 et 1383 du Code civil et celle du fait des choses
établie par l'article 1384, alinéa premier, mènent deux existences nettement distinctes, alors que, bien qu'ayant le même objet,
les deux actions procèdent de causes juridiques absolument différentes.
Il s'ensuit que l'article 1384, alinéa premier, du Code civil n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux articles 1382 et
1383 du même code, pareil caractère subsidiaire ne résultant d'aucune disposition légale. Cour 25 octobre 1961, 18, 379.

C. Influence des décisions intervenues au pénal sur la responsabilité civile


délictuelle et quasi-délictuelle

1° Pour être recevable à citer directement devant la juridiction répressive, il faut et il suffit que celui qui agit puisse se
prétendre personnellement lésé par l'infraction objet de l'action publique, c'est-à-dire qu'il justifie avoir pu être victime de
l'infraction, circonstance qu'il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement en fait.
Il n'est pas nécessairement requis que la partie civile ait été effectivement lésée par l'infraction. La juridiction répressive est
régulièrement saisie et la personne citée directement peut être condamnée même si l'action civile est déclarée non fondée, à la
suite par exemple de la constatation de l'absence de dommage ou de lien de causalité entre la faute commise et le préjudice.
La simple allégation d'un dommage causé par l'infraction n'est cependant pas toujours suffisante. Le dommage dont la partie
civile demande réparation doit pour le moins être susceptible d'avoir été causé par l'infraction qu'elle impute au cité direct. Cour
19 janvier 1981, 25, 60.
2° L'acquittement au pénal d'un conducteur de voiture pour cause de doute quant à la matérialité des infractions à lui
reprochées a pour conséquence que la preuve de la participation matérielle de ce véhicule au dommage par ces mêmes faits ne
peut plus être rapportée devant le juge civil.
Lorsque, dans une telle hypothèse, un demandeur entend établir devant la juridiction civile que la voiture du défendeur a
participé à la production du dommage, il lui incombe de prouver l'existence de faits autres que ceux visés par les textes sur
lesquels se fondait la poursuite pénale. Cour 9 janvier 1980, 25, 27.
3° Le juge civil ne saurait revenir sur ce qui a été nécessairement décidé au pénal.
Spécialement, lorsqu'un conducteur a été acquitté par le juge répressif des préventions de défaut de prudence et de vitesse
excessive en relation avec un accident, le juge civil doit admettre que le conducteur n'a pas commis d'imprudence ni n'a roulé à
une vitesse excessive. Lux. 16 décembre 1980, 25, 228.
4° Si l'autorité de la chose jugée au pénal s'oppose à ce qu'il soit retenu au civil à charge de l'auteur d'un accident de la
circulation acquitté par la juridiction répressive du délit de lésions involontaires une faute ayant joué un rôle dans la genèse de
l'accident, le demandeur au civil n'est toutefois pas forclos à invoquer les fautes commises par l'auteur de l'accident, lesquelles,
sans avoir contribué à causer l'accident, ont pourtant aggravé le dommage subi par la victime. Cour 15 mai 1956, 16, 484.
5° Au cas où le tribunal correctionnel acquitte un individu du délit de lésions corporelles involontaires, au motif qu'aucune
faute n'est établie à sa charge, cette décision d'acquittement a autorité de chose jugée au civil quant à la question de la faute,
alors que la faute délictuelle se couvre avec la faute quasi-délictuelle prévue par les articles 1382 et 1383 du Code civil. Il s'ensuit
que l'action civile intentée postérieurement sur le fondement de ces dispositions légales est irrecevable. Diekirch 17 mai 1961,
18, 513.
6° Pour que la règle «una via electa non datur recursus ad alteram» soit applicable, il faut que les demandes qui sont
successivement portées devant les juridictions répressive et civile aient le même objet, qu'elles soient fondées sur la même
cause et qu'elles soient formées entre les mêmes parties. Lux. 11 novembre 1960, 18, 288.
7° La victime d'une infraction ne peut, sans se heurter à l'exception de litispendance, porter l'action en réparation du
dommage subi à la fois devant la juridiction civile et devant la juridiction répressive.
Pour que l'action soumise à la juridiction pénale soit irrecevable, elle doit non seulement se baser sur les mêmes faits que
ceux qui étaient la demande portée devant la juridiction civile. Mais elle doit aussi avoir le même objet, la même cause et se
débattre entre les mêmes parties.
N'est pas fondée l'exception de litispendance opposée à l'action civile engagée par la victime d'une infraction devant le juge
répressif et tirée de ce que la victime a assigné auparavant devant le juge civil l'assureur de l'auteur de l'infraction en réparation
du dommage causé par cette infraction, alors qu'il n'y a entre les deux actions ni identité de personnes ni identité de cause.
L'action au pénal se meut, en effet, entre la victime et le prévenu, tandis que l'action devant le juge civil se meut entre la
victime et l'assureur du prévenu. D'un autre côté, l'action directe de la victime contre l'assureur est une action principale,
indépendante dans son exercice de l'action de la victime contre l'assuré dont elle diffère quant au droit qu'elle sanctionne. Cour 2
octobre 1963, 19, 214.
8° Si rien ne s'oppose à ce que l'Etablissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité, obligé de servir une rente à la
veuve de la victime d'une infraction, fasse valoir, à l'encontre de l'auteur de l'infraction, les droits à lui cédés en vertu de l'article
237 du Code des Assurances sociales devant le juge répressif, soit spontanément, soit sur mise en intervention, pareille
demande obéit toutefois aux règles générales régissant l'exercice de l'action civile devant le juge saisi de l'action publique. Cour
19 décembre 1958, 17, 377.
9° Est recevable devant le juge répressif l'action civile tendant à la réparation du préjudice qui est une suite directe du fait mis
à charge du prévenu.
En cas de poursuite pour homicide involontaire, le juge saisi de l'action publique est compétent pour connaître de l'action
civile présentée par la mère de la victime et ayant pour objet la réparation d'un préjudice subi directement dans sa personne, à
savoir le préjudice résultant d'un choc nerveux au reçu de la nouvelle de l'accident, même en l'absence de toute poursuite pénale
pour lésions involontaires. Cass. 2 juillet 1964, 19, 301.
10° Les tribunaux répressifs ne sont compétents pour condamner le prévenu défendeur à l'action civile à des dommages-
intérêts envers la partie civile qu'autant que la condamnation prend directement sa source dans le préjudice résultant du délit
retenu et qualifié légalement par le juge pénal.
Il s'ensuit que le juge répressif est incompétent pour connaître d'une action civile accessoire basée sur un délit différent de
celui retenu à charge du prévenu.
Lorsque le prévenu défendeur à l'action civile n'a été condamné pénalement que pour lésions involontaires, le juge répressif,
en cas de décès ultérieur de la victime, est incompétent pour allouer à la partie civile des dommages-intérêts en raison du
préjudice résultant de ce décès, alors que, pour prospérer dans sa demande, la partie civile devrait être en mesure de se
prévaloir d'une condamnation pénale tenant compte du décès de la victime, c'est-à-dire d'une condamnation pour homicide
involontaire, délit différent de celui de lésions involontaires.
L'incompétence du juge répressif pour connaître d'une action civile est d'ordre public et doit être soulevée d'office. Cour 19
décembre 1958, 17, 377.
11° En raison du principe de l'unité des fautes pénales et civiles, l'acquittement du conducteur d'un véhicule du délit de
lésions corporelles involontaires empêche toute condamnation civile sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil. Lux. 7
mai 1981, 26, 21.

II. Conditions de la responsabilité délictuelle

A. Faute

1. Principe - Notion - Gravité - Preuve

1° Pour justifier une condamnation à des dommages-intérêts, il faut que le fait dommageable soit dû à une faute légalement
imputable à celui à qui réparation est demandée. Cour 17 juin 1887, 2, 510.
2° S'il appartient aux juges du fond de constater la réalité des faits imputés à faute, il incombe à la Cour de cassation
d'apprécier si les faits dont l'existence est ainsi reconnue constituent une faute et le caractère de gravité de celle-ci. Cass. 24
novembre 1977, 24, 3.
3° La preuve d'une faute ou d'une négligence ou imprudence dans le sens des articles 1382 et 1383 du Code civil peut être
rapportée contre l'auteur du fait dommageable par toutes les voies de droit, et notamment par des présomptions simples dans le
sens de l'article 1353 du Code civil. L'appréciation de la force probante des présomptions est abandonnée au pouvoir
discrétionnaire des juges du fond. Même si les présomptions ne sont pas de nature à engendrer une certitude absolue, elles
valent preuve complète sans limite ni conditions du moment qu'elles entraînent la conviction des juges. Cour 20 octobre 1959, 18,
11.

2. Applications

a. Abus de droit

1° L'exercice légitime d'un droit ne peut donner lieu à des dommages-intérêts que si l'auteur a agi sans nécessité et dans le
dessein manifeste de nuire. Lux. 11 avril 1905, 7, 159.
2° Ainsi, la dénonciation d'un délit imputé à tort à une personne déterminée ne constitue un fait illicite que si, reconnue
fausse, elle doit être considérée comme un acte de malice, de mauvaise foi ou comme le résultat d'une légèreté coupable,
exclusive de tout examen sérieux de la véracité des faits avancés. Lux. 25 janvier 1905, 7, 158.
3° La procédure qui ne peut se comprendre que par l'intention d'arrêter le cours de la justice revêt un caractère vexatoire
pouvant donner lieu à une condamnation à des dommages-intérêts. Cass. 14 mars 1902, 6. 75.
4° L'exercice du droit de plaider et du droit de défense peut devenir une faute dommageable s'il constitue un acte de malice
ou de mauvaise foi ou un acte d'erreur grossière équivalente au dol. Cass. 13 février 1903 et 22 mai 1903, 6, 264.
5° Le patron qui, par malice ou par vengeance, défend à ses ouvriers de visiter les débits d'un commerçant et de se fournir
dans ses magasins engage sa responsabilité; il en est autrement si la défense a une cause légitime, par exemple discipline,
régularité et sécurité du travail, car en ce cas il n'y a pas abus de droit. Lux. 28 octobre 1896, 4, 305.
6° La liberté de la presse est garantie par l'article 24 de la Constitution.
La presse a le droit et la mission de signaler les abus et les excès dans l'intérêt général. Sa liberté emporte le droit de
contrôler l'action des pouvoirs institutionnels. Dans ce cadre, elle est appelée à veiller sur le fonctionnement des juridictions, en
assistant aux audiences et à en faire des comptes-rendus.
Sa liberté n'est cependant pas sans bornes et elle s'arrête là où elle heurte d'autres droits et intérêts légitimes.
Si la liberté de la presse s'oppose à un contrôle préalable des articles à publier, c'est-à-dire la censure, le journaliste ne jouit
cependant d'aucune immunité le soustrayant à l'obligation de prudence s'imposant à tous les individus et même à l'Etat et à ses
institutions, tout manquement même léger à cette obligation étant sanctionné par les articles 1382 et 1383 du Code civil qui
obligent celui qui, par sa faute ou négligence a causé un dommage à autrui, à le réparer.
La presse peut engager sa responsabilité civile en cas de manquement à deux exigences: celle de la véracité et celle de la
discrétion.
S'il est vrai qu'on ne saurait exiger du journaliste une objectivité absolue compte tenu de la précarité relative de ses moyens
d'investigation, il n'empêche que celui-ci a l'obligation d'agir sur des données contrôlées dans la mesure raisonnable de ses
moyens. La loi exige, dans son chef, une intention loyale et ne veut pas couvrir d'immunité, la méchanceté, la malignité ou la
sottise qui cherchent par la publication à déconsidérer une personne. L'intention déloyale peut précisément apparaître lorsque le
journaliste avait des raisons de douter de la vérité des faits ou de la possibilité d'en apporter la preuve.
Dans certains domaines, l'obligation à la véracité est supplantée par celle de la discrétion: la presse n'a pas le droit de faire
de publications sur des faits qui relèvent de la vie privée des individus.
L'obligation au respect de la vie privée interdit la publication de toute information, recueilli de façon quelconque qui touche à
la vie privée des individus, sauf autorisation par ceux-ci.
Cette interdiction touche même aux faits constatés et relatés dans des décisions judiciaires prononcées en audience
publique.
Dans cette matière les faits en eux-mêmes peuvent encore faire l'objet d'une publication, mais en tout cas avec l'omission de
l'identité des protagonistes et des détails en permettant une identification aisée. Les infractions pénales ne font pas
indistinctement partie de la catégorie des faits publics ou de ceux de la vie privée. Il y a lieu de distinguer selon la gravité des faits
et de leur impact sur l'ordre public, ainsi que de la personnalité de leurs protagonistes. Lux. 13 juillet 1988, 27, 368.
7° L'action en justice est un droit dont l'exercice ne dégénère en faute que si l'attitude du plaideur révèle une intention
malicieuse ou vexatoire, une volonté mauvaise ou dolosive ou encore une faute lourde, grossière, inexcusable. Cour 12 mars
1990, 28, 14.
8° S'il est de principe que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute que si elle constitue un acte de malice ou de
mauvaise foi ou au moins une erreur grossière équipollente au dol ou si le demandeur a agi avec une légèreté blâmable, et que
le créancier qui succombe dans une demande en faillite de son débiteur ne peut, de ce seul fait, être condamné à des
dommages-intérêts, une assignation en faillite n'est cependant admissible que si le défaut de paiement est la manifestation non
équivoque de l'impossibilité du débiteur de faire face à ses engagements et elle ne doit pas être utilisée comme moyen
d'intimidation contre un débiteur in bonis.
Le demandeur qui intente une action en déclaration de faillite sans que sa créance ne soit établie et sans fournir la moindre
justification à l'appui de ses allégations relatives à la situation de la partie défenderesse, agit pour le moins avec une légèreté
blâmable;
Ayant porté atteinte au renom de la partie défenderesse, il est à condamner à payer 50.000 francs à titre de dommages-
intérêts. Cour 20 mars 1991, 28, 150.
9° En principe, l'exercice d'une action en justice, soit d'une voie de recours ne dégénère en faute pouvant justifier l'allocation
de dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou au moins une erreur grossière confinant au dol .
Pour apprécier le caractère abusif d'une procédure le juge du fond doit examiner l'ensemble des antécédents procéduraux
d'une affaire et non se limiter à l'examen d'un seul acte de procédure.
L'enchevêtrement de procédures à tout le moins pour partie téméraires et inutiles, provoquant des lenteurs considérables
dans la solution du litige initial et causant à la partie adverse des inquiétudes, des tracas et ennuis d'ordre moral et matériel est à
considérer comme vexatoire. Cour 1 juillet 1992, 29, 12.
10° L'article 24 de la Constitution, en garantissant la liberté de manifester ses opinions par la parole en toutes matières, et la
liberté de la presse, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'exercice de ces libertés, n'a pas restreint les obligations
consacrées antérieurement par le Code civil en ses articles 1382 et 1383.
Il s'ensuit que les juridictions sont compétentes pour connaître d'une demande en dommages intérêts introduite par une
personne qui s'estime lésée par la diffusion d'un écrit qu'elle taxe de diffamatoire, sinon calomnieux, sinon injurieux. Cass. 15
juillet 1993, 29, 225.
11° Toute atteinte à l'honneur ou à la réputation peut engager la responsabilité de son auteur sur le plan purement civil,
même si elle ne peut pas s'analyser en une diffamation ou injure au sens pénal, en l'absence de la preuve de l'existence de
l'intention de nuire.
En principe, l'allocation de dommages et intérêts ne doit être décidée qu'en cas de préjudice réellement démontré, et revêtant
une certaine gravité. Dans la pratique cependant, le préjudice moral causé par une atteinte aux droits de la personnalité, telle une
atteinte à l’honneur ou à la réputation, est admis de manière assez large. Cour 15 juin 2000, 31, 392.

b. Tiers complice d'une faute contractuelle - obligations précontractuelles

1° Le tiers qui participe sciemment à la violation d'une obligation contractuelle par le débiteur encourt de ce chef une
responsabilité. S'il ne manque pas, sans doute, à un devoir contractuel, il faillit au devoir général de ne pas nuire à autrui,
sanctionné par l'article 1382 du Code civil. A supposer même qu'il ait sans faute ignoré au moment du contrat l'engagement qui
liait son co-contractant, la responsabilité naît à sa charge dans les contrats à exécution successive pour la période postérieure au
jour où il en a eu connaissance si, dûment averti, il persiste à faire exécuter son contrat. Lux. 21 juin 1952, 16, 558.
2° Le tiers à un contrat ne commet pas de faute du seul fait que, bien que connaissant l'existence d'une convention qui lui est
étrangère, il conclut lui-même une convention qui a pour effet d'énerver, voire de supprimer les avantages de la convention qui ne
lui est pas opposable.
Pour qu'il y ait un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, il est requis qu'en dehors de la simple
connaissance de la convention, le tiers se soit rendu complice d'une faute ou que, du fait de son comportement dans les
circonstances propres de la cause, il se soit rendu coupable d'une faute pouvant notamment résulter d'une déloyauté ou d'un
manquement professionnel. Cour 7 juin 1978, 24, 162.
3° Le tiers qui, en qualité de mandataire, exécute un ordre de son mandant qu'il sait constituer un délit civil ou un quasi-délit
commet une faute dont il doit répondre. Cour 11 mars 1904, 7, 4.
4° L’obligation d’information incombant à un entrepreneur, portant sur la nature d’un matériel à acheter par le client, se situe
au stade de la formation du contrat, donc avant la conclusion de celui-ci. Cette obligation est, dès lors, à qualifier d’obligation
précontractuelle et, partant, délictuelle. Cour 19 novembre 1997, 30, 294.

c. Faute d'abstention

En dehors de toute obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, l'abstention d'une mesure de prudence utile engage
la responsabilité de son auteur, lorsque le fait omis a eu pour effet de porter atteinte à la sécurité d'autrui et qu'un homme
normalement prudent et diligent ne se serait pas, dans les mêmes conditions, abstenu d'agir.
Comme l'autorité communale n'assume pas le nettoyage des trottoirs en cas de verglas ou de chute de neige, il appartient
aux occupants des immeubles, longeant les trottoirs, de s'occuper en bons pères de famille de cette besogne dans l'intérêt de la
sécurité des passants. S'ils manquent à cette obligation, ils doivent répondre des conséquences dommageables de tout accident,
dû à cette faute d'omission, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil. Cour 23 décembre 1971, 22, 93.

d. Atteinte à la vie privée

Toute personne a sur son image et l'utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s'opposer à une diffusion non autorisée
par elle. La violation de ce droit à l'image donne droit à une action en justice.
Le fait qu'une personne ait jadis figuré comme acteur dans un film publicitaire ne permet pas de déduire son consentement à
voir publier sa photographie par d'autres voies et à des occasions différentes.
La circonstance qu'une personne, photographiée lors d'un banquet, ait su que sa photographie serait publiée dans le cadre
d'un article de journal relatif à ce banquet, ne saurait, à défaut de manifestation plus précise, être considérée comme impliquant
le consentement de cette personne à une publication de sa photographie dans un article ayant un objet différent. Lux. 2 juin 1976,
23, 553.

e. Acte de dévouement

Un acte de dévouement commis pour éviter un accident ne constitue pas une faute. Cour 7 mai 1929, 11, 486.

f. Chasse

Le chasseur qui, au cours d'une battue, blesse un de ses voisins en lâchant un coup de fusil sur un gibier, sans s'être assuré,
par un échange de signes ou de signaux, de la position exacte occupée par ses voisins de droite et de gauche, commet une faute
engageant sa responsabilité civile;
spécialement commet une faute le chasseur qui blesse le garde qui lui a assigné son poste, en lâchant un coup de fusil avant
de s'être assuré qu'il a déjà réellement occupé son poste; est pareillement en faute le garde qui est blessé par le chasseur auquel
il a assigné son poste, alors qu'il s'est arrêté outre mesure à proximité de ce poste, sans prendre la précaution d'avertir le
chasseur qu'il se trouve encore à une distance trop rapprochée et à portée de son fusil. Cour 23 janvier 1914, 10, 472.

g. Circulation

1° On ne saurait retenir une faute ni une imprudence dans le chef du piéton qui, circulant sur le trottoir, tombe dans un
soupirail ouvert, alors qu'on ne peut exiger une vigilance accrue de la part d'un piéton qui s'arrête près d'une devanture illuminée
en l'obligeant de prendre des précautions spéciales et de s'assurer à tout moment, si le trottoir est en bon état et s'il ne présente
pas certains dangers plus ou moins apparents pour la circulation. Cour 24 octobre 1956, 17, 16.
2° Celui qui exploite un embranchement industriel de chemin de fer doit prendre les mesures nécessaires pour éviter des
accidents lors du passage des trains. Cour 24 février 1922, 11, 290.
Voir aussi infra, sub l.

h. Faute professionnelle

Agent immobilier

1° Les agents immobiliers, professionnels des opérations de location d'immeubles, ont l'obligation de ne présenter à la
clientèle, sauf à avertir celle-ci explicitement des obstacles éventuels qui pourraient être rencontrés, que des opérations
suffisamment étudiées pour ne présenter aucun aléa.
Un agent immobilier commet une faute lorsque, chargé de rechercher un locataire pour un immeuble, il provoque, par une
annonce ou une affiche, la venue d'un amateur dans ses bureaux et rédige l'engagement de location sans s'assurer que la
personne qu'il présente et qui signe au nom des bailleurs possède le droit d'engager les propriétaires. Cour 5 janvier 1977, 23,
523.
2° Le vendeur a l'obligation non seulement d'informer son propre cocontractant des charges qui grèvent l'objet vendu, la
réticence et le silence constituant des manœuvres dolosives. Il a encore l'obligation d'informer le notaire de l'existence de
servitudes qui sont à sa connaissance, sous peine d'engager sa propre responsabilité, en cas de défaut de la mention de la
servitude dans l'acte notarié. Cour 14 juillet 1986, 27, 13.

Architecte

L'architecte qui en exécutant ou dirigeant des travaux de construction pour le compte et sur les ordres d'un tiers, cause du
dommage à une propriété voisine, engage sa propre responsabilité, quoiqu'il n'ait agi que comme mandataire, et le propriétaire
lésé peut recourir directement contre lui pour la réparation du préjudice en se fondant sur le quasi-délit dont l'architecte s'est
rendu coupable à son égard. Lux. 5 mars 1913, 9, 183.

Banque

Le banquier ne peut, au risque d'entretenir une fausse idée de sécurité dans l'esprit des créanciers d'un débiteur, accorder à
ce débiteur un crédit outrepassant les facultés de celui-ci.
Une simple imprudence, procédant dans le chef du banquier de l'ignorance de la situation réelle du débiteur qu'il devait, en sa
qualité de professionnel averti, connaître, suffit pour engager sa responsabilité.
Celle-ci devra être établie, conformément aux principes régissant l'article 1382 du Code civil, par la preuve outre d'une faute,
d'un préjudice et d'un lien de causalité. Cour 6 octobre 1993, 29, 279.
Voir aussi sub art. 1142 et 1147.

Bureau de renseignements

1° Le teneur d'un bureau de renseignements qui donne à des tiers des informations de nature à entacher l'honorabilité de
celui qu'elles concernent et à porter atteinte à son crédit commercial est responsable du préjudice éprouvé, lorsque ces
renseignements sont contraires à la réalité et ont été donnés sans vérification suffisante; pour y échapper, il ne saurait se
prévaloir de la nature prétendument confidentielle des renseignements qu'il a donnés, alors qu'il ne saurait être question de
violation de secrets à raison d'informations offertes à tout le monde et que chacun peut se procurer à prix d'argent et que, y eut-il
même indiscrétion, cette circonstance ne regarderait nullement le tiers sur le compte duquel ils ont été donnés, mais ne pourrait
être prise en considération que dans les rapports de celui qui les a donnés avec celui qui les a reçus. Cour 26 juin 1913, 9, 26.
2° Il ne saurait être question d'indiscrétion de la part de celui qui a reçu des renseignements vis-à-vis du bureau de
renseignements qui les a donnés, lorsqu'il n'a usé de ces renseignements que pour justifier, vis-à-vis d'un client, l'inexécution
d'une commande lui remise par ce dernier. Cour 26 juin 1913, 9, 26.

Huissier

1° L'huissier est responsable des conséquences dommageables qu'entraîne pour sa partie l'annulation d'une procédure
provoquée par sa négligence ou sa faute. Cour 7 janvier 1879, 1, 502.
2° De même si, dans une saisie immobilière, il suspend l'exécution de son mandat ou omet de comprendre certains
immeubles dans la saisie, sur la simple déclaration que des difficultés au sujet du droit de propriété de ces immeubles pourraient
s'élever. Cour 27 février 1880, 1, 665.
3° Si les réclamations d'un tiers ne peuvent empêcher, en principe, l'huissier de justice légalement requis de poursuivre
l'exécution d'une décision judiciaire, celui-ci n'ayant pas à se faire juge des contestations soulevées, il n'est toutefois pas
dispensé d'observer les normes de prudence que tout huissier de justice avisé, placé dans les mêmes circonstances, est tenu de
respecter.
Ainsi, en matière de saisie d'un véhicule automoteur, il doit vérifier sur base des papiers d'immatriculation et d'assurance si le
débiteur saisi en est le véritable propriétaire. Lorsque des contestations sérieuses sont élevées sur la propriété du véhicule qu'il a
saisi, il ne saurait être un exécutant aveugle de son mandat, mais il doit prendre toutes les mesures pour ne créer aucun
préjudice dans le chef du tiers revendiquant et, nonobstant la position éventuelle de refus de son mandant, refuser de poursuivre
la saisie-exécution.
Il est sans pertinence que l'huissier de justice n'ait pas été informé des contestations soulevées dans le cadre d'une action en
distraction des meubles saisis intentée dans les formes prévues par l'article 608 du Code de procédure civile (article 744 du
Nouveau Code de procédure civile). Il ne saurait non plus invoquer a son profit l'article 2279 du Code civil, la protection du
possesseur de bonne foi ne pouvant profiter au créancier saisissant et à son mandataire, tiers par rapport aux liens unissant le
revendiquant au saisi. Cour 9 juin 1999, 31, 155.

Médecin - clinique

1° Les médecins peuvent être déclarés responsables des fautes qu'ils commettent dans l'exercice de leur profession; il y a
faute lorsque l'homme de l'art néglige de donner au malade les soins usuels, lorsqu'il ne voue pas au traitement l'attention
nécessaire, et, si dans l'exercice de son art, il commet des fautes contre les règles de bon sens et de prudence auxquels est
assujetti l'exercice de toute profession; mais on ne saurait, en principe, considérer comme une faute une erreur dans le diagnostic
ou l'interprétation inexacte des symptômes divers lors même que peut-être un praticien plus expérimenté ou plus clairvoyant
aurait reconnu au premier examen l'état réel des choses; dans ces cas on se trouve en présence d'erreurs inévitables dans
l'exercice de la profession médicale. Diekirch 14 juin 1900, 7, 60.
2° Le médecin requis de délivrer le certificat exigé pour faire interner une personne dans un asile d'aliénés commet une faute
s'il établit son certificat sans constater lui-même l'état mental du malade ( L. 7 juillet 1880, art. 8). S'il en est résulté un
internement arbitraire, il est civilement responsable envers l'intéressé. Lux. 8 janvier 1936, 14, 21.
3° Une clinique assumant la responsabilité du travail confié à des exécutants de son choix, répond de l'erreur commise dans
les résultats d'une analyse sanguine, et cela que l'origine de cette erreur se trouve dans la faute de l'anesthésiste-réanimateur qui
a fait le prélèvement ou du laboratoire chargé de l'analyse. Elle a une obligation déterminée de fournir, en cas de transfusion
sanguine, le flacon qui convient. Lux. 25 juin 1980, 25, 151.
4° Le chirurgien est tenu, à l'égard de son client, non seulement de lui donner des soins attentifs et consciencieux,
conformément aux données de la science, mais encore d'assurer d'une façon générale sa sécurité.
Si, dans la phase préparatoire, les fautes commises par le personnel d'une clinique n'engagent pas, en principe, la
responsabilité du médecin, alors que celui-ci doit pouvoir compter sur une certaine compétence du personnel infirmier mis à sa
disposition, il en est autrement, si le médecin a négligé de donner aux infirmières des instructions suffisantes concernant les
précautions à prendre.
Pendant l'opération elle-même, le chirurgien devient le commettant occasionnel du personnel qui est mis à sa disposition par
la clinique pour l'aider dans sa tâche, qu'il l'ait choisi lui-même ou non.
Le rôle du chirurgien ne prenant pas fin avec l'opération elle-même, le médecin doit, tant que le malade n'est pas sorti du
sommeil consécutif à l'anesthésie et n'a pas recouvré ses sens, sinon le soigner personnellement, tout au moins contrôler les
soins qu'il a prescrits. Lux. 25 juin 1980, 25, 151.

Notaires

1° La responsabilité des notaires à l'égard des parties qui requièrent leur ministère pour l'authentification d'un acte est de
nature délictuelle.
Les notaires ont en outre le devoir de conseiller les parties sur la portée et les effets de leurs engagements ainsi que sur leurs
obligations. Avant de dresser les actes, ils doivent procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer
l'utilité et l'efficacité de ces actes.
Ce devoir de conseil est à apprécier à la lumière à la fois de la personnalité des parties à l'acte et de la connaissance des
faits et notamment des charges affectant l'objet du contrat. Lux. 4 décembre 1981, 25, 318.
2° La responsabilité des notaires à l'égard des parties qui requièrent leur ministère pour l'authentification d'un acte est de
nature délictuelle.
Ce n'est qu'en dehors de la profession notariale et pour des faits étrangers aux actes qu'ils reçoivent en leur qualité et
lorsqu'ils agissent comme mandataires ou gérants d'affaires que leur responsabilité contractuelle est engagée.
Les notaires ont l'obligation de vérifier les servitudes grevant l'immeuble vendu, qu'elles soient légales ou conventionnelles.
La responsabilité délictuelle des notaires étant d'ordre public, elle ne peut varier dans son principe ou dans son étendue en
vertu des clauses limitatives de responsabilité.
Le devoir de conseil impose aux notaires de vérifier le contenu du titre de vendeur. Ils ne doivent pas remonter plus haut ni se
livrer à des recherches latérales.
L'acheteur a éventuellement un recours contre le notaire qui a établi l'acte antérieur d'une façon incomplète ou inexacte, cette
défaillance ne pouvant cependant nuire à son confrère.
La responsabilité notariale basée sur le devoir de conseil s'alourdit ou s'allège selon que les parties au contrat étaient ou non
informées de ce qu'elles devaient savoir. Cour 14 juillet 1986, 27, 13.
Voir sous TITRE XIII. - Du mandat (articles 1984 à 2010).

Presse

1° La presse a le droit, voire le devoir de critiquer les abus qui se manifestent dans la vie publique.
S'il est vrai qu'on ne saurait exiger du journaliste une objectivité absolue compte tenu de la précarité relative de ses moyens
d'investigation, il n'empêche que celui-ci a l'obligation d'agir sur des données contrôlées dans la mesure raisonnable de ses
moyens.
La loi exige, dans son chef, une intention loyale et ne veut pas couvrir d'une immunité la méchanceté, la malignité ou la
sottise qui cherchent par la publication à déconsidérer une personne.
L’intention déloyale peut précisément apparaître lorsque le journaliste avait des raisons de douter de la vérité des faits ou de
la possibilité d'en rapporter la preuve. Cour 30 janvier 1996, 30, 23.
2° Un journaliste ne saurait décliner sa responsabilité en soutenant que le texte incriminé qu’il a publié, n’est que la
reproduction d'un article déjà publié par autrui, car en procédant à cette reproduction qui est son fait personnel, il s'approprie
l'imputation contenue dans l'article reproduit, si bien qu’il engage sa propre responsabilité.
Il n'en est autrement que s'il se distancie formellement de cet article et de son contenu et que si sur le plan de l’information, il
existe un intérêt de communiquer au public le contenu de l'article déjà paru. Cour 30 janvier 1996, 30, 23.
3° La plus grande marge de liberté qui doit être accordée à la satire a ses limites et un auteur ne peut tirer prétexte du
caractère satirique de sa publication pour s'attaquer méchamment à une personne.
Ne dépasse pas ce seuil de tolérance l'article dont l'auteur se sert de comparaisons qui sont si fantaisistes et à tel point hors
de proportion avec toute réalité qu'il ne peut y être décelé un autre but que celui d’amuser le lecteur et dont les termes employés
ne dénotent pas en eux-mêmes une intention méchante. Cour 2 juillet 1996, 30, 133.
4° Les articles 1382 et 1383 du Code civil forment un système de réparation.
Sous réserve de l'article 24, dernière phrase, de la Constitution et de l'article 16, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1869 sur la
presse, la portée des articles 1382 et 1383 du Code civil n'est pas limitée en matière de presse, la qualification de la faute tenant
compte, comme dans tous les autres domaines, des spécificités de l'activité du journaliste. Cour 20 mars 1997, 30, 387.

i. Promesse de mariage - séduction - rupture de fiançailles - mariage

1° Une promesse de mariage comme telle n'est pas de nature à créer un lien juridique contractuel, car elle a une cause
illicite, contraire à la liberté individuelle; son inexécution n'engage la responsabilité de l'auteur que s'il a rompu cet engagement
par faute, par exemple sans motif légitime, ou si la séduction était le résultat de cette promesse;
le dommage moral est à mesurer sur le pied de l'injure faite à la partie qui éprouve le refus;
l'inconduite de la fiancée justifie la rupture, en tout cas si le fiancé l'a ignorée; s'il l'a connue, elle exclut la possibilité d'un
dommage moral sujet à indemnité;
pour qu'il y ait séduction, il faut que la promesse en ait été la cause déterminante et qu'elle ait précédé celle-ci, il faut que le
défendeur ait usé de moyens malhonnêtes ou doleux; on ne peut admettre la séduction si la victime à raison de son âge et de
son expérience personnelle, était en situation de se faire une conception précise de la portée de l'acte auquel elle a coopéré et de
la valeur d'une promesse faite à telle occurrence. Lux. 2 mai 1900, 5, 295; Lux. 15 juillet 1903, 6, 363; Diekirch 18 janvier 1906, 7,
345; Diekirch 28 novembre 1907, 8, 75; Lux. 11 avril 1934, 13, 441.
2° Une promesse d'indemnité faite à la suite de la rupture accomplie est valable; c'est un aveu de faute avec évaluation des
dommages-intérêts qui prend sa source dans les articles 1382 et suivants du Code civil et la délation du serment litis-décisoire
est recevable. Diekirch 7 mars 1934, 13, 272.
3° Preuve de la séduction par serment litis-décisoire irrecevable. Diekirch 7 mars 1934, 13, 272.
4° Si l'inexécution d'une promesse de mariage, si préjudiciable qu'elle soit à l'un des fiancés, n'est pas, par elle seule,
génératrice de dommages-intérêts, il en est autrement lorsque l'inexécution est accompagnée de circonstances indépendantes
de la rupture elle-même et qui constituent une faute délictuelle ou quasi-délictuelle.
La responsabilité de l'auteur de la rupture est engagée, lorsque celui qui se plaint de la rupture n'a pas donné à son fiancé
des motifs de se dédire et qu'il a, par conséquent, été victime d'un acte de légèreté ou de malveillance constituant une faute.
Le refus des parents de consentir au mariage de leur enfant fiancé ne peut valoir absence de faute dans le chef de cet
enfant, auteur d'une rupture de fiançailles, que si l'attitude des parents est fondée sur un motif sérieux et que si le fiancé n'a pas
agi avec légèreté en se pliant à la volonté des parents. Lux. 3 janvier 1968, 21, 192.
5° L'action fondée sur l'article 301 du code civil a pour finalité d'indemniser le préjudice accru au conjoint au profit duquel le
divorce est prononcé et trouvant sa source dans la dissolution du mariage.
L'action fondée sur l'article 1382 du code civil doit avoir comme cause un préjudice distinct de celui trouvant directement sa
source dans la dissolution du mariage et résultant d'un fait antérieur au divorce. Cour 11 décembre 1996, 30, 196.
Voir aussi sub art. 301.

j. Défaut d'entretien d'un immeuble - troubles de voisinage

1° Les tribunaux ordinaires sont compétents pour apprécier une demande en dommages-intérêts du chef du préjudice causé
à un immeuble voisin par un établissement incommode même autorisé, parce que l'autorité administrative ne statuant que dans
un intérêt général ne peut le faire que sous réserve des droits des tiers respectivement en ménageant les relations juridiques
pouvant exister entre particuliers. Diekirch 29 octobre 1903, 6, 316.
2° Celui qui use d'un droit doit se conformer aux obligations prescrites par la loi afin de ne pas nuire aux droits de son voisin;
notamment, le copropriétaire d'un mur mitoyen ne peut effectuer aucun travail de nature à ébranler la solidité du mur sans
prendre les mesures et faire les travaux nécessaires; en ne remplissant pas ces obligations, le copropriétaire d'un mur mitoyen
commet une faute qui engage sa responsabilité et qui l'oblige à réparer le préjudice éprouvé par le voisin. Lux. 21 mars 1956, 16,
539.
3° Le propriétaire d'un immeuble qui y a fait exécuter des travaux est responsable du préjudice qui en résulte pour son voisin;
même si ce préjudice ne se réalise qu'après que l'immeuble a changé de propriétaire, alors qu'il s'agit d'une obligation
personnelle ne se transmettant pas au nouvel acquéreur sauf convention contraire expresse. Lux. 19 juin 1935, 13, 547.
4° En cas d'accident survenu dans l'escalier en état défectueux d'un immeuble loué, la responsabilité du propriétaire ou
bailleur est engagée sur la base de l'article 1383 du Code civil, alors que le fait de laisser l'escalier en mauvais état, démuni d'une
installation d'éclairage et du moindre dispositif permettant aux usagers de se retenir en cas de faux pas, constitue une
négligence, s'il est établi que cette négligence a contribué à la genèse de l'accident.
Vainement, le propriétaire entend-il écarter sa responsabilité, en soutenant que les défauts de l'escalier ne lui auraient pas
été signalés par le locataire, dès lors que, d'une part, ces défauts existaient avant la location et devaient nécessairement être
connus par le propriétaire et que, d'autre part, l'acceptation des risques par le locataire a uniquement pour effet d'exclure une
présomption de faute, mais est inopérante pour écarter les conséquences d'une faute ou d'une négligence prouvée à charge du
propriétaire. Cour 25 avril 1966, 20, 118.
5° Le propriétaire qui fait effectuer des travaux à son immeuble, déclaré responsable du préjudice causé à un immeuble
voisin sur base de l'article 544 du Code civil, peut recourir contre l'entrepreneur dont la faute est la cause véritable du dommage,
ce recours aboutissant à une garantie intégrale de la condamnation prononcée contre le propriétaire maître de l'ouvrage, à moins
qu'une faute de celui-ci, en relation causale avec le dommage, ne soit établie. Cour 8 avril 1998, 31, 28.
Voir encore la jurisprudence citée sub art. 544.

k. Saisie-arrêt

Le saisissant est responsable envers le saisi et est tenu de réparer le dommage qui lui a été causé du chef d'une saisie-arrêt
pratiquée indûment.
Le saisi doit être indemnisé du préjudice qu'il a souffert, peu importe que le saisissant ait ou non agi de mauvaise foi. Il suffit
qu'il ait saisi sans avoir eu le droit de le faire.
Toute saisie-arrêt, par cela qu'elle frappe d'indisponibilité les sommes ou valeurs arrêtées, engendre en principe un préjudice
pour le saisi. Lux. 21 mars 1996, 30, 90.

l. Responsabilité de l'Etat et des communes

Décision administrative illégale

1° L'annulation d'une décision administrative par le Conseil d'Etat n'imprime pas nécessairement un caractère fautif à cette
décision.
Il serait excessif de rendre responsable l'administration de toutes les erreurs de droit qu'elle commet. Cass. 24 novembre
1977, 24, 3.
2° Une décision administrative individuelle engage la responsabilité de la puissance publique, si elle est illégale et si cette
illégalité a causé un préjudice.
Toutefois, la responsabilité de la puissance publique n'est pas engagée, s'il ne s'agit que d'une illégalité de pure forme,
n'excédant pas un certain degré de gravité, et si cette illégalité, bien que justifiant l'annulation pour excès de pouvoir de la
décision prise, ne fait pas obstacle à ce que cette décision soit prise à nouveau. Dans ces conditions, la relation causale entre
l'illégalité commise et le dommage allégué fait, en effet, défaut. Si la décision de retrait du permis de conduire ne doit à peine de
nullité être prise qu'après que l'intéressé aura été mis en mesure de discuter les griefs formulés contre lui, la responsabilité de la
puissance publique ne se trouve pas engagée, encore que l'intéressé n'ait pas été entendu avant la décision de retrait, dès lors
qu'en présence des éléments acquis en cause, il est certain que la même décision aurait pu être prise en employant une
procédure régulière ou que la décision annulée aurait pu être prise à nouveau. Lux. 26 juin 1963, 19, 191.
3° Toutes les fois que l'administration, agissant même sans aucune faute administrative dans les limites de sa compétence,
lèse directement, par la mesure qu'elle ordonne, un droit privé, un droit acquis, une réparation pécuniaire est due au titulaire de
ce droit jusqu'à concurrence du préjudice souffert, et les tribunaux civils sont compétents pour connaître de la demande en
réparation, sans qu'ils puissent jamais critiquer ni modifier la mesure administrative. Lux. 16 avril 1904, 7, 19.
4° Une clause de non-indemnité inscrite dans une concession administrative est inopérante pour toute mesure qui ne rentre
pas dans l'exercice du droit de police des cours d'eau; en statuant, dans une concession, qu'en principe il n'est dû aucune
indemnité pour le dommage causé par l'exécution de travaux d'utilité publique, l'administration franchit le cercle de ses
attributions et méconnaît un droit positif placé sous la sauvegarde des dispositions constitutionnelles. Cour 23 mars 1899, 5, 203.
5° Si les juridictions civiles sont sans pouvoir pour apprécier l'opportunité des décisions prises par une administration, elles
peuvent cependant, sans s'immiscer dans l'exercice des autres pouvoirs constitutionnels, statuer sur la responsabilité civile de
l'Etat et des communes en raison des fautes commises par leurs organes dans l'exercice de leurs fonctions, sans qu'il y ait lieu
de distinguer à priori entre acte d'autorité et acte de gestion ni même entre exercice d'un pouvoir discrétionnaire et exercice d'une
compétence liée; les pouvoirs publics que la loi attribue à l'administration dans l'intérêt général ne soustraient en effet pas celle-ci
au devoir de prudence qui s'impose à tous, et les juges civils sont en droit de vérifier si les décisions administratives sont
conformes aux règles sanctionnées par les articles 1382 et 1383 du Code civil. Lux. 25 février 1981, 25, 234.
6° Un acte administratif annulé par le Conseil d'Etat, Comité du Contentieux, est un acte illicite, même s'il est imputable à une
simple erreur d'interprétation ou d'appréciation, et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, une fois
établi la relation entre l'acte fautif et le préjudice subi. Lux. 4 novembre 1981, 26, 252.
7° Lorsqu'une décision individuelle et exécutoire du pouvoir exécutif, agissant comme personne morale de droit public,
entrave un droit individuel et que cette décision est entachée d'illégalité, la puissance publique est responsable du dommage
causé par l'acte illégal. Lux. 19 décembre 1984, 26, 285.
8° Pour prospérer dans une demande en indemnisation d'un dommage causé par un acte administratif, le demandeur doit
prouver non seulement qu'il a éprouvé une certaine gêne qui est ressentie par toute la collectivité, mais un dommage spécial
consistant dans un inconvénient anormalement important par rapport à celui occasionné à l'ensemble des administrés.
Spécialement, un tel dommage spécial ouvrant un droit à réparation est donné lorsque la gêne occasionnée par une
construction érigée en vertu d'une autorisation de bâtir illégale dépasse les troubles normaux de voisinage. Lux. 19 décembre
1984, 26, 285.
9° En cas de dommage occasionné par la puissance publique du fait d'un acte administratif illégal, il appartient aux
juridictions de l'ordre judiciaire d'apprécier le comportement de l'administration par rapport aux articles 1382 et 1383 du Code
civil. En effet, ni l'appréciation de la faute ni celle du préjudice causé par celle-ci n'échappent à leur compétence au cas où la
lésion d'un droit pourrait trouver sa source dans l'excès de pouvoir d'une autorité administrative et donner lieu à annulation de
l'acte accompli par cette autorité si une requête à cette fin était présentée au Conseil d'Etat. Lux. 19 décembre 1984, 26, 285.
10° Pour prospérer dans une demande en dommages-intérêts dirigée contre la puissance publique du fait d'un acte
administratif illégal, il n'est pas nécessaire de faire constater au préalable l'illégalité de cet acte par le Conseil d'Etat. Lux. 19
décembre 1984, 26, 285.
11° Les pouvoirs publics que la loi attribue à l'administration dans l'intérêt général ne soustraient pas celle-ci au devoir de
prudence qui s'impose à tous et la règle générale selon laquelle toute faute ou négligence, même légère, engage la
responsabilité des particuliers, notamment en cas de violation d'une disposition légale ou réglementaire, s'applique au même titre
à l'administration. L'on ne saurait, en effet, excepter l'administration de cette règle sous peine d'apprécier de façon plus
indulgente les erreurs d'interprétation et d'application commises par les auteurs des normes obligatoires que celles commises par
ceux qui subissent ces normes. Lux. 19 décembre 1984, 26, 285.
12° Un bourgmestre est constitué en faute lorsque, par des tergiversations prolongées et injustifiées, il prive un propriétaire
de sa chance réelle d'obtenir, pour son terrain, une autorisation de construire. Cass. 10 mars 1988, 27, 217.
13° L'Etat doit répondre du dommage causé par la faute de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions.
Une décision administrative individuelle peut constituer une faute engendrant la responsabilité de l'Etat, à la condition que
son illégalité soit démontrée et que cette illégalité soit de nature à causer un préjudice. Ainsi tout recours en annulation couronné
de succès ouvre une action en dommages-intérêts. L'administration est en effet présumée en faute à la suite de la décision
d'annulation contre laquelle un recours n'est pas possible et la puissance publique est en principe responsable du dommage
causé, en relation causale avec la décision illégale annulée, et en doit réparation. Cour 30 octobre 1986, 27, 266.
14° La faute de l'administration engageant sa responsabilité est constatée par l'arrêt du Conseil d'Etat, Comité du
Contentieux, annulant la décision administrative pour violation de la loi et notamment pour inobservation des dispositions légales
sur l'adjudication des travaux publics au soumissionnaire le plus bas. Si, dans ce cas, le soumissionnaire évincé n'est pas
recevable à demander, soit à la juridiction administrative, soit à la juridiction civile l'attribution du marché, l'administration ne
saurait toutefois conclure à l'irrecevabilité d'une demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur la décision de non-
adjudication annulée par le Conseil d'Etat et sur la lésion du droit de soumissionnaire le plus bas.
Le soumissionnaire le plus bas, écarté en violation des dispositions légales sur l'adjudication des travaux publics, peut
demander la réparation de tout le préjudice causé par la faute de l'administration, y compris celui résultant du bénéfice échappé.
Cour 28 octobre 1964, 19, 422.
15° Aucune disposition constitutionnelle ou légale, ni aucun principe général du droit ne soustrait l’autorité administrative,
dans l’exercice de son pouvoir réglementaire ou de tutelle, à l'obligation résultant des articles 1382 et 1383 du Code civil de
réparer le dommage causé à autrui par sa faute.
Les fautes susceptibles d'être commises par les pouvoirs publics ne se limitent pas à un excès ou un détournement de
pouvoir, et du point de vue de leur responsabilité civile la légalité de leurs décisions se mesure non seulement au respect des
règles de droit administratif mais encore à celui des règles de conduite tracées par les articles 1382 et 1383 du Code civil,
respectivement par l'article 1er, alinéa 1 de la loi du 1er septembre 1988.
Les pouvoirs publics ont le devoir de ne pas tromper la légitime confiance des administrés et ils engagent leur responsabilité,
en cas de manquement à la conduite à laquelle, selon le droit, on peut raisonnablement s'attendre de leur part, à l'égard de la
personne lésée. Cour 22 novembre 1995, 30, 167.

Lois

L'Etat ne peut voir engager sa responsabilité civile du fait d'une loi, à moins que le législateur ait expressément prévu le droit
à indemnisation dans cette loi. Cour 1er avril 1987, 27, 65.
Voir aussi sub art. 1384, Etat et communes.
Travaux publics

1° Si l'Etat agit en vertu de sa mission politique en décrétant des travaux publics, il en est autrement lorsqu'il les exécute lui-
même; ces travaux constituent des actes de la vie civile ordinaire et en les exécutant, l'Etat engage sa responsabilité comme tout
autre particulier. Cour 27 juin 1890, 4, 71; Cour 1er avril 1892 et Cour 27 juin 1893, 3, 216.
2° Si l'Etat a relaissé l'exécution de travaux publics à un entrepreneur, mais qu'il s'est en même temps réservé les droits de
direction et de surveillance des travaux, il est obligé d'ordonner les précautions nécessaires pour la sécurité des personnes; il
doit, dès lors, répondre de la négligence de l'entrepreneur qui, dans les circonstances précitées, est en même temps son
préposé. Cour 27 juin 1890, 4, 71; Cour 1er avril 1892 et Cour 27 juin 1893, 3, 216.
3° La faute de l'administration engageant sa responsabilité est constatée par l'arrêt du Conseil d'Etat, Comité du Contentieux,
annulant la décision administrative pour violation de la loi et notamment pour inobservation des dispositions légales sur
l'adjudication des travaux publics au soumissionnaire le plus bas.
Si, dans ce cas, le soumissionnaire évincé n'est pas recevable à demander, soit à la juridiction administrative, soit à la
juridiction civile l'attribution du marché, l'administration ne saurait toutefois conclure à l'irrecevabilité d'une demande en paiement
de dommages-intérêts fondée sur la décision de non-adjudication annulée par le Conseil d'Etat et sur la lésion du droit de
soumissionnaire le plus bas. Cour 28 octobre 1964, 19, 422.
4° Une administration communale, lorsqu'elle décrète comme pouvoir public la construction d'une route et les conditions dans
lesquelles elle doit être établie, ne peut de ce chef être attraite devant les tribunaux en paiement de dommages-intérêts, quels
que soient les intérêts qui seraient lésés par une pareille décision; mais si, dans l'exécution de ces travaux, elle lèse les droits
des particuliers, ceux-ci peuvent la traduire devant les tribunaux en réparation du préjudice qu'ils ont subi par son fait. Cour 21
avril 1910, 7, 316.
5° En admettant que la suppression d'un chemin reconnu dommageable pour un tiers soit due à la faute civile d'une
commune, la décision si ce chemin doit rester supprimé ou s'il doit être rétabli ou déplacé appartient exclusivement au pouvoir
administratif, et les tribunaux civils ne sauraient à cet égard, sans excès de pouvoir, ni directement ni indirectement, adresser à la
commune aucune injonction, ni surtout la frapper d'une condamnation. Cour 14 juin 1907, 7, 545.

Voirie publique

1° En cas d'accident dû au mauvais entretien d'un chemin communal, la commune est responsable sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil, alors qu'étant tenue de l'entretien et de la réparation des chemins communaux, elle a commis
une faute, en omettant de les maintenir en état et en trompant par là la confiance légitime des usagers de ce chemin qui auraient
dû pouvoir l'utiliser normalement sans s'exposer à un accident. Lux. 17 octobre 1962, 19, 92.
2° Les communes ont l'obligation de veiller à la sûreté et à la commodité du passage sur la voie publique, même au cas où
elles ne sont pas propriétaires de l'assiette.
Elles peuvent notamment commettre une négligence en ne prenant pas les précautions nécessaires pour éviter ou du moins
atténuer l'écoulement abondant d'eau de pluie dans une chaussée appartenant à l'Etat. Lux. 16 décembre 1980, 25, 228.
3° Le droit d'accès d'un riverain sur la voie publique est incontestable; il est inhérent à son droit de propriété avec lequel il
s'incorpore dès l'établissement du chemin public et dont il forme l'accessoire indispensable, dans les limites des lois et
règlements auxquels il reste assujetti. Cour 14 juin 1907, 7, 545.
4° Un règlement de service, selon lequel les cantonniers ont l'obligation, en cas de verglas, de couvrir la voie publique de
sable ou de gravillon, est fait en vue de l'organisation interne du service et n'est pas destiné à conférer des droits aux particuliers;
ceux-ci ne sont fondés à en invoquer les dispositions que pour autant qu'elles fournissent une indication sur ce que
l'administration n'a pas rempli sa mission comme elle aurait dû le faire.
La responsabilité de l'Etat ne peut être engagée envers les usagers de la voie publique que si les accidents dont ces usagers
sont victimes peuvent être regardés comme imputables à un défaut d'entretien normal de la voie dont il s'agit, alors que
l'administration ne peut faire en sorte que les voies de communication soient toujours parfaitement entretenues et dégagées de
tout obstacle.
Spécialement, l'Etat n'est pas responsable des suites d'un accident survenu à une voiture automobile sur une voie de
communication à la suite du dérapage provoqué par la présence de verglas sur la chaussée, alors que, d'une part, la
circonstance que l'administration des Ponts et Chaussées n'a pas procédé au sablage de la route ne saurait être regardé comme
un défaut d'entretien normal, et que, d'autre part, la présence de verglas, même au début du mois d'avril après des nuits froides
sur une route des Ardennes particulièrement exposée et à l'abri du soleil, n'excède pas les risques ordinaires de la circulation
contre lesquels les usagers de la voie publique doivent se prémunir en prenant toutes les précautions utiles et dont ils sont tenus
de supporter les conséquences. Cour 10 octobre 1972, 22, 420.
5° L'Administration des Eaux et Forêts étant chargée, aux termes de l'article 1er de la loi du 7 avril 1909, sous l'autorité du
Gouvernement, de l'administration et de la surveillance des bois des communes, il appartient à ses agents de procéder à une
vérification approfondie de l'état des racines d'arbres à proximité desquels des travaux de voirie ont été exécutés. L'inobservation
de cette obligation constitue une faute de nature à pouvoir engager la responsabilité de l'Etat. Lux. 31 octobre 1973, 22, 519.
6° Lorsqu'une commune a relaissé l'exploitation de minerais dans sa propriété à un particulier, et qu'elle s'est réservé un droit
de surveillance et a imposé à ce particulier l'obligation d'entretenir en bon état les chemins existants, mais que ce dernier a laissé
s'effondrer un de ces chemins, la responsabilité de la commune ne découle pas d'un fait se confondant avec l'omission d'un
devoir dépendant de son activité politique, comme le déplacement ou le remplacement des chemins, mais consiste dans son
manque de surveillance par lequel elle a laissé s'accomplir le fait matériel, générateur du dommage, c'est-à-dire l'effondrement et
la suppression du chemin. Cour 14 juin 1907, 7, 545.
7° L'établissement d'un garde-fou au bord d'un chemin et l'éclairage des rues constituent des mesures de police et rangent
directement et uniquement parmi les devoirs d'administration de la commune; l'omission de ces mesures ne saurait donc devenir
un acte de la vie civile, et la négligence dont ferait preuve, le cas échéant, la commune, dans cette partie de ses attributions, ne
relève que du droit politique; en admettant que l'accomplissement de ces mesures ait provoqué un accident ou y ait contribué, la
commune, en s'abstenant d'y avoir recours, s'est peut-être dispensée de s'acquitter partiellement d'une mission que la loi de 1790
range dans ses fonctions de police, mais cette omission ne saurait engendrer un droit privé au profit de ceux qui prétendent en
avoir souffert. Cour 31 mai 1907, 7, 544.
8° Une action en indemnité contre les communes est ouverte aux propriétaires riverains dont les champs ont été
endommagés par suite de l'impraticabilité d'un chemin vicinal. Diekirch 24 décembre 1874, 1, 58.
9° La responsabilité de l'Etat ne peut être engagée envers les usagers de la voie publique que si les accidents dont ces
usagers sont victimes peuvent être regardés comme imputables à un défaut d'entretien normal de la voie dont s'agit alors que
l'administration ne peut faire en sorte que les voies de communication soient toujours parfaitement entretenues et dégagées de
tout obstacle.
S'il est vrai, en application de ce principe, qu'on doit compter avec une route glissante lorsqu'il a fraîchement gelé, ont peut au
contraire raisonnablement attendre de l'administration qu'au bout d'un certain temps depuis le début de l'intempérie, la route ait
été saupoudrée ou salée, ce délai étant fonction de l'intensité de l'intempérie et de l'importance de la route concernée.
Si l'Etat a l'obligation d'entretenir les routes ouvertes à la circulation et de les sabler ou saler en cas d'intempéries, l'exécution
de cette obligation ne saurait exempter de tout danger la circulation sur des routes enneigées ou verglacées, mais seulement
contribuer à amoindrir le danger d'accidents, les usagers de la route devant en toute circonstance veiller à leur propre sécurité et
adapter leur manière de conduire aux conditions atmosphériques. Lux. 27 janvier 1988, 27, 332.
10° S'il est vrai qu'il appartient à l'Etat de pallier par des mesures de police et de contrôle à la présence sur la voie publique
d'une flaque de mazout répandue par un tiers, il n’en reste pas moins que l'Administration des Ponts et Chaussées ne peut faire
en sorte que les voies publiques soient toujours parfaitement dégagées de tout obstacle dès lors qu’il lui est impossible de
contrôler heure après heure l'état des routes de son territoire.
Il s'en suit que la présence d'une telle pollution sur la voie publique, qui s’est produite peu de temps avant l'accident,
constitue dans le chef de l'Etat un cas fortuit l'exonérant de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui. Cour 20 novembre
1996, 30, 162.

Décisions d'espèce

1° L'Etat qui vend des parcelles du domaine privé, sous réserve d'approbation des plans des constructions à y élever par les
acquéreurs, et qui accorde plus tard cette approbation, la donne tous droits des tiers saufs; il n'est donc pas responsable des
atteintes portées par ces constructions aux droits des tiers. Lux. 1er juillet 1874, 1, 2.
2° Les administrateurs communaux peuvent être recherchés comme responsables de leur négligence à faire régulariser un
prêt fait à la commune et déclaré non obligatoire pour défaut d'approbation de l'autorité supérieure. Cour 12 août 1892, 3, 43.
3° La commune qui accorde des autorisations de lotir non limitées dans le temps n'agit pas d'une manière prévoyante
puisqu'en matière d'urbanisme, les changements et adaptations sont, par la force des choses, nécessaires, eu égard au fait que
cette matière est très liée à la vie sociale elle-même mouvante. Lux. 25 février 1981, 25, 234.
4° L'accident causé à un officier d'une armée alliée par le fait d'un officier de l'armée luxembourgeoise au cours d'une partie
de chasse organisée par des officiers de l'armée luxembourgeoise à titre purement privé, sans que l'Etat luxembourgeois soit
intervenu comme organisateur ni comme surveillant de cette chasse, et sans que la chasse ait été ordonnée ou organisée par
l'Etat Major de l'armée ou par l'Administration militaire comme telle, ne saurait engager la responsabilité de l'Etat, l'auteur du fait
n'ayant dans ce cas agi ni comme agent ni comme préposé de la puissance publique. Il n'en serait autrement que si la victime du
fait dommageable pouvait prouver, à charge de l'Etat, une faute, négligence, omission ou imprudence dans la surveillance des
activités récréatives de son personnel militaire pendant ses heures de service. Cour 25 février 1964, 19, 414.
5° Le particulier qui, par le fonctionnement des services publics, subit un préjudice qui excède, en raison de l'une ou de l'autre
circonstance, ce qui constitue la charge incombant normalement aux individus de la collectivité, doit obtenir réparation du
dommage anormal et spécial de la part de cette même collectivité, même en l'absence d'une faute ou d'une négligence des
agents publics, lorsqu'un lien de causalité est dûment établi entre le fonctionnement des services publics et le préjudice subi.
Spécialement, est à considérer comme anormal et spécial le préjudice subi par le particulier lors de l'arrestation d'un
prisonnier évadé, opération à laquelle il a participé après y avoir été réquisitionné par les agents de la force publique. Cour 19
décembre 1985, 27, 220.

3. Atténuation de la faute - Exonération

a. Faute de la victime
Principe

1° L'article 1382 du Code civil oblige celui dont la faute a causé à autrui un dommage à le réparer, sans distinguer, si cette
faute a été la cause unique du dommage ou seulement une de ces causes parmi d'autres. Il est fait exception à cette règle,
lorsqu'une part de la responsabilité du dommage incombe à la victime elle-même. Dans ce cas, le coauteur du dommage n'est
obligé à le réparer que dans la proportion où la victime n'en est pas elle-même responsable. Lux. 14 mars 1959, 17, 472.
2° En tout cas, pour donner lieu à une réduction de l'indemnité, il faut une relation de cause à effet entre la faute de la victime
et l'accident, et la faute même grossière de la victime n'exonère pas le conducteur coupable d'une infraction aux règlements.
Cour 30 juillet 1915, 9, 413.
3° Les fautes de la victime, même constitutives d'infractions prescrites, peuvent être invoquées par le prévenu pour écarter sa
responsabilité. Cour 22 mai 1974, 22, 499.
4° Au cas où plusieurs fautes ont concouru à la production d'un dommage résultant d'une infraction, la responsabilité de leurs
auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient aux juges du fond.
Il s'ensuit qu'au cas où le défaut d'utilisation, par un passager, de la ceinture de sécurité doit être considéré comme une
négligence fautive, ce passager n'a droit qu'à une réparation partielle du préjudice par lui subi, à condition toutefois qu'un lien de
causalité soit démontré entre cette négligence et la gravité des blessures essuyées. Cour 10 octobre 1975, 23, 241.
5° Le fait, par un occupant d'une voiture accidentée, de ne pas avoir branché sa ceinture de sécurité, même à une époque où
le port n'en était pas obligatoire, constitue une négligence susceptible d'influer sur le quantum du dommage éprouvé par cet
occupant. Lux. 16 décembre 1980, 25, 228.
6° Le port de la ceinture de sécurité par l'occupant prenant place à l'avant d'une voiture automobile est une obligation légale,
sanctionnée par la loi pénale.
Si la violation de cette obligation est en relation causale avec le dommage de l'occupant, il y a responsabilité partagée entre
ce dernier et le conducteur fautif, auteur de l'accident.
En fixant dans ce cas les parts des responsabilités, le juge n'a pas à se préoccuper d'hypothèses médicales relatives à des
lésions qui auraient éventuellement pu se produire dans le chef de la victime, si celle-ci avait porté la ceinture de sécurité. Cour 3
février 1987, 27, 95.
7° Celui dont la faute a causé un dommage est déchargé en partie de la responsabilité mise à sa charge s'il prouve qu'une
faute de la victime a concouru à la production du dommage. Il en est ainsi non seulement lorsque la demande d'indemnité est
formée par la victime elle-même, mais encore lorsqu'elle l'est par un tiers qui, agissant de son propre chef, demande réparation
du préjudice personnel dont il a souffert du fait de l'atteinte corporelle subi par la victime. Cass. 22 décembre 1988, 27, 289.

Enfant victime

1° Le partage de responsabilité découlant du fait d'un enfant mineur qui a concouru à la production du dommage est
opposable à ses parents qui réclament le dommage qui leur est accru personnellement. Lux. 21 juin 1972, 22, 299.
2° L'imprudence commise par un enfant devenu victime d'un accident ne saurait être considérée comme lui étant imputable,
s'il n'avait pas le discernement nécessaire pour être responsable de ses actes. Diekirch 30 octobre 1935, 13, 553.
3° On admet généralement que l'enfant possède le discernement nécessaire pour être responsable de ses actes s'il est en
âge de fréquenter l'école. Cour 29 juillet 1904, 6, 401.
4° Jugé cependant qu'un enfant de 7 ans n'est pas encore responsable. Diekirch 30 octobre 1935, 13, 553.
5° L'auteur responsable d'un fait dommageable ne peut conclure à un partage de responsabilité au motif que la victime, âgée
de deux ans et trois mois au moment du fait, aurait commis une faute en relation causale avec l'accident, alors que la victime ne
pouvait, en raison du défaut de discernement inhérent à son bas âge, avoir conscience de ses actes de commettre
personnellement une faute engageant sa responsabilité. Cour 2 octobre 1963, 19, 214.
6° Le fait de la victime ne peut exonérer en tout ou en partie l'auteur responsable d'un fait dommageable que s'il revêt le
caractère d'une faute, laquelle suppose une volonté libre, la raison et le discernement.
La question de savoir si une personne jouit du discernement nécessaire pour se rendre compte de la portée de ses actes et
pour prévoir les conséquences de ses gestes est à décider en fait et relève par conséquent du pouvoir souverain des juges du
fond.
Il en est ainsi spécialement de la décision qui refuse d'admettre un partage de responsabilité entre l'auteur d'un accident et la
victime, au motif que cette dernière, âgée de trois ans et demi, était privée du discernement requis pour pouvoir commettre un fait
fautif qui lui fut imputable et qui peut engager sa responsabilité. Cass. 2 juillet 1964, 19, 358.
7° La faute partielle du père doit entraîner l'atténuation du montant de la condamnation à prononcer en sa faveur mais au
regard de l'enfant victime la faute imputée au père apparaît comme le fait d'un tiers et ne peut diminuer la dette engendrée envers
la victime. Cour 24 février 1922, 11, 290.
8° Les fautes ou le fait des père et mère, consistant notamment dans un prétendu défaut de surveillance, ne sauraient avoir
une incidence sur l'action civile que le père dirige, en sa qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de sa fille
mineure, victime d'un accident, contre l'auteur de l'accident pour obtenir la réparation du seul dommage subi par sa fille elle-
même, alors que les fautes ou le fait des parents constituent le fait d'un tiers et que la coexistence éventuelle d'une faute ou d'un
fait imputables à une personne autre que la partie lésée ne peut constituer pour l'auteur de l'accident, dans ses rapports avec la
partie lésée, un motif d'exonération même partielle, de sa responsabilité. Cour 2 octobre 1963, 19, 214.
9° Le fait de la victime d'un accident ne peut être invoqué par l'auteur responsable de l'accident à titre de cause d'exonération
partielle de sa responsabilité, lorsque l'auteur a commis des fautes graves qui sont en relation causale avec l'accident et le
préjudice qui en est résulté et qu'il devait prévoir qu'en raison de ses fautes graves, un acte irraisonné de la victime, âgée de
deux ans et de trois mois, devait nécessairement causer le dommage. Cour 2 octobre 1963, 19, 214.
10° La faute d'un enfant mineur, victime d'un accident, qui est de nature à exonérer le gardien d'une chose inanimée de la
présomption de responsabilité pesant sur lui est opposable aux parents de l'enfant qui réclament la réparation de leur préjudice
personnel. Cour 1er février 1984, 26, 147.
11° Pour attribuer une part de responsabilité à un enfant victime d'un accident, il n'y a pas à rechercher si, en raison de son
âge, cet enfant était capable de discerner les conséquences de ses actes; il suffit que l'enfant ait commis un acte contribuant au
dommage. Cour 19 décembre 1984, 26, 241.
12° Le partage de responsabilité découlant du fait d'un enfant victime d'un accident est opposable à ses parents agissant en
réparation de leur préjudice personnel. Cour 19 décembre 1984, 26, 241.

b. Acceptation des risques

1° Celui qui a participé à une activité, alors qu'il savait ou aurait dû savoir qu'elle présentait des risques anormaux, doit être
considéré comme ayant accepté d'en subir les conséquences dommageables. En prenant des risques dépassant la normale, il a,
en effet, commis une faute ou imprudence qui a contribué à la réalisation du dommage et qui doit, par voie de conséquence,
exonérer pour partie l'auteur de ce dommage.
En prenant place dans une voiture de grand sport, la personne, désireuse de l'acquérir, consent que, pour en éprouver la
tenue de route, et la sécurité de la direction, le propriétaire de cette voiture roule à des vitesses supérieures à celles que les
conducteurs de voitures ordinaires impriment normalement à leurs véhicules. En ce faisant, elle est fondée à croire qu'elle
n'accepte pas de risques anormaux, alors qu'une voiture de grand sport, en raison même de sa construction spéciale, permet au
conducteur expérimenté de circuler sans danger à des vitesses sensiblement supérieures à celles permises aux voitures
ordinaires.
On ne saurait par contre admettre que cette personne accepte les risques anormaux inhérents à la manière de conduire
incorrecte et des plus imprudentes du propriétaire de la voiture. En cas d'accident, ce dernier est dès lors seul responsable du
dommage subi par la victime. Cour 20 décembre 1967, 20, 426.
2° Le fait de prendre place dans une voiture aux côtés d'un conducteur dont on sait qu'il vient d'obtenir seulement le permis
de conduire, ne constitue pas une imprudence spéciale et une acceptation de risques anormaux, alors que le permis de conduire
atteste justement que le conducteur dispose des connaissances et de l'habilité nécessaires pour conduire sur la voie publique un
véhicule de la catégorie pour laquelle le permis a été délivré. Cour 27 juin 1972, 22, 223.
3° La victime d'un accident d'auto qui s'est confiée délibérément à un chauffeur ivre a commis une faute engageant
partiellement sa propre responsabilité. Cour 13 avril 1923, 11, 359; Lux. 19 janvier 1910, 9, 424.
Mais une faute n'est imputable à la victime que dans la mesure des risques normaux qu'elle peut envisager au moment du
fait. Cour 4 juillet 1913, 9, 427.
4° Le conducteur d'une voiture transportant des personnes à titre bénévole et gratuit est responsable envers elles de tout
dommage occasionné par sa faute, sans qu'il y ait lieu de faire une distinction entre la faute lourde et la faute légère. Lux. 3
décembre 1930, 12, 499.
5° L'acceptation des risques en matière de sports ne peut être opposée à la victime que lorsque celle-ci s'est livrée à un sport
violent ou particulièrement dangereux, ou lorsque l'activité sportive non périlleuse de par sa nature a été exercée dans des
conditions anormales susceptibles d'augmenter considérablement les risques.
La participation, par une cavalière expérimentée, à une chasse au renard organisée selon les critères communément
acceptés dans les milieux du sport équestre ne constitue pas en elle même une faute. Cour 21 février 1979, 24, 272.
6° La théorie de l'acceptation des risques, comprise en tant que technique autonome, entraînant des conséquences
juridiques en l'absence de tout caractère fautif de l'acceptation des risques en matière d'activités sportives et ludiques, a pour
effet essentiel d'exclure en matière de responsabilité délictuelle dans certains cas la responsabilité objective des articles 1384,
alinéa 1er, et 1385 du Code civil.
Dans une deuxième version l'acceptation des risques peut valoir exonération partielle, si elle constitue une faute, c'est-à-dire,
si en raison du caractère anormal et excessif du risque son acceptation constitue une faute, le dommage étant causé dans ce cas
par les fautes concurrentes de la victime et de l'auteur. Cette théorie ne s'applique qu'en cas de participation du sportif à une
même partie, épreuve, compétition ou rencontre organisée pour l'amusement et la distraction.
Le patinage est un sport pratiqué en commun, mais à titre individuel. Même à appliquer la théorie de l'acceptation des risques
à ce sport, l'acceptation des risques inhérents à la pratique des sports ou jeux ne saurait couvrir les fautes de jeu ou fautes
sportives de l'auteur. Ces fautes s'apprécient comme toute autre faute par comparaison avec la conduite d'un individu avisé et
conscient de ses devoirs, placé dans les mêmes circonstances externes, une faute dolosive ou intentionnelle n'étant pas
nécessaire pour retenir la responsabilité du sportif.
Le fait de patiner le dimanche sur une patinoire ouverte au public et visitée par de nombreux patineurs, mais sans que la piste
soit bourrée de monde, ne constitue pas pour la victime une acceptation des risques. Cour 7 mai 1991, 28, 153.
Voir aussi supra sub a.
B. Lien de causalité

1° L'action en responsabilité ne peut être exercée utilement qu'autant qu'il existe entre la faute incriminée et le préjudice
éprouvé un lien direct de cause à effet.
La négligence commise par le propriétaire dans la surveillance de sa voiture automobile, négligence qui rend possible le vol
de la voiture, est sans lien causal direct avec le dommage que le voleur cause dans un accident avec la chose volée. Lux. 4 juin
1950, 15, 89; Cour 2 avril 1952, 15, 352.
2° Si l'Etat est obligé, en vertu du statut de ses fonctionnaires et employés, de verser au fonctionnaire victime d'un accident
son traitement pendant la durée de l'incapacité de travail causée par l'accident, sans contre-prestation, c'est cependant par la
faute de l'auteur responsable de l'accident que l'Etat se trouve privé du travail qui forme la contrepartie du paiement du
traitement.
Il s'ensuit que le préjudice subi par l'Etat du fait du paiement du traitement maintenu durant la période de l'invalidité du
fonctionnaire se trouve en relation causale avec la faute de l'auteur de l'accident, génératrice de l'interruption du travail, de sorte
que la responsabilité de l'auteur de l'accident envers l'Etat se trouve engagée selon les règles de droit commun édictées par
l'article 1382 du Code civil. Cass. 1er avril 1965, 19, 479.
3° La question de savoir si une faute constatée par le juge du fond se trouve en relation causale avec un préjudice de
manière à engager la responsabilité civile de son auteur est une question de droit soumise au contrôle de la Cour de cassation.
Cass. 14 février 1974, 22, 371.
Voir dans le même sens Cass. 27 février 1969, 21, 50.

C. Préjudice

1. Existence et preuve du dommage

1° Ne saurait prétendre à des dommages-intérêts le voisin qui se plaint d'un bruit de machine qui se réduit à un simple
bourdonnement, perceptible seulement à condition d'établir un silence absolu, et qui ne se trouve accompagné d'aucune
trépidation, de pareils inconvénients sont inséparables du voisinage dans une agglomération urbaine. Cour 8 novembre 1912, 8,
413; Cour 8 novembre 1912, 3, 456.
2° En cas de collision entre deux autos, les dégâts peuvent être établis par tous moyens de preuve, présomptions comprises;
pas d'obligation légale de les faire constater par voie d'expertise. Diekirch 8 juin 1932, 13, 153.
3° La privation de l'usage d'une chose endommagée par la faute d'un tiers responsable constitue pour son propriétaire un
dommage sous forme de lucrum cessans, quel que soit d'ailleurs l'usage empêché, utilitaire ou voluptuaire, et quelle que soit la
façon dont en attendant la réparation de la chose endommagée, son propriétaire ait pu lui-même la remplacer provisoirement par
ses propres moyens. Cour 24 avril 1967, 20, 343.
4° La victime d'un préjudice a l'obligation de modérer autant que possible son dommage en prenant toutes les mesures
raisonnables à cet effet. - Il appartient à l'auteur du dommage qui fait état de ce que la victime a la possibilité de minimiser son
dommage de le prouver. Cour 26 février 1997, 30, 207.
5° L'annulation d'un contrat pour cause d'erreur laisse subsister dans le chef de celui qui a enduit en erreur son cocontractant
une responsabilité extracontractuelle au cas où le partenaire lésé prouve qu'il s'est trompé par la faute ou par la négligence
fautive de son cocontractant et que la nullité du contrat ne suffit pas à réparer la totalité de son préjudice. Cour 9 février 2000, 31,
356.

2. Caractères du dommage

1° Le montant de l'indemnité ne peut comprendre que la réparation d'un dommage actuel, certain, direct et immédiat. Cour 18
novembre 1887, 2, 547.
2° La généralité des termes de l'article 1382 du Code civil s'applique aussi bien au dommage matériel qu'au dommage moral;
il faut et il suffit que le dommage soit personnel, direct et certain. Cour 27 novembre 1978, 24, 201.

a. Préjudice direct

1° L'action civile n'est recevable qu'autant que la partie civile qui l'exerce peut se prévaloir d'un préjudice personnel et direct.
L'action civile exercée par une personne morale publique et tendant à la réparation du préjudice moral causé à la collectivité par
une infraction à une loi ou à un règlement est irrecevable, le dommage prétendu résultant pour la personne morale publique d'une
telle atteinte se confondant avec le préjudice social qui est la conséquence de l'infraction. La réparation de ce préjudice est
efficacement assurée par l'exercice de l'action publique dont sont chargés des magistrats qualifiés à cet effet. En cas de violation
d'une disposition légale ou réglementaire à caractère pénal, l'action publique exercée par le ministère public est, en l'absence de
préjudice causé au patrimoine de la collectivité, le seul moyen de défense de l'intérêt collectif devant les tribunaux.
Il s'ensuit qu'une commune ne peut agir comme partie civile devant les tribunaux répressifs en alléguant simplement le
trouble porté a l'ordre social par une contravention à un règlement de police. Cass. 2 juillet 1964, 19, 304.
2° Le préjudice dont réparation est demandée doit prendre sa source dans le fait délictueux; il doit être une suite nécessaire
du fait dommageable, car la responsabilité délictuelle ne s'étend pas au dommage dont le fait incriminé n'a été que l'occasion et
non la cause efficiente. Cass. 13 avril 1926, 12, 360.
Spécialement n'est pas une conséquence directe de la faute la maladie que doit avoir contractée la mère de la victime par
suite de l'émotion ressentie à la nouvelle de l'accident. Cour 21 mai 1926, 11, 280; Lux. 24 octobre 1928, 12, 122.
3° Si le chemin de fer est légalement tenu de verser le traitement à l'employé, victime d'un accident dû à la faute d'un tiers,
pendant la période de l'incapacité temporaire de travail, il est fondé à se faire rembourser par le tiers responsable les sommes
versées à l'employé durant cette période, alors qu'ayant payé le traitement sans aucune contrepartie, il a subi par la faute du tiers
un préjudice direct. Lux. 26 février 1958, 17, 292.
4° Le versement d'un traitement par l'Etat à un fonctionnaire ou à un employé qui, victime d'un accident, est incapable de
fournir la contrepartie consistant dans son travail entraîne une perte propre, effective et certaine pour l'Etat, alors qu'il est privé de
la prestation qui forme la raison d'être des rémunérations payées. L'Etat subit donc un dommage, s'il est obligé de continuer le
paiement d'un traitement sans en recevoir la contre-valeur. Cass. 1er avril 1965, 19, 479.
5° En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, l'auteur d'un délit ou d'un quasi-délit est tenu envers toute personne de
réparer le dommage, quelle qu'en soit la nature, qui a été causé par le fait illicite.
Spécialement, les fautes qui ont été retenues à charge de l'auteur d'un accident mortel, dont un employé communal a été la
victime, ont entraîné l'obligation pour la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux de payer une pension
de veuve et ont partant eu comme conséquence de substituer une dette immédiatement exigible à l'obligation simplement
conditionnelle qui existait auparavant à sa charge. Comme le paiement de cette pension n'a rien de commun avec l'exécution
d'un contrat d'assurance, alors qu'il ne trouve sa contrepartie ni dans le mode de calcul des traitements des fonctionnaires et
employés communaux ni dans la minime retenue opérée sur ces appointements et destinée à alimenter les fonds de la Caisse,
l'auteur de l'accident a, par ses fautes et dans la mesure où les obligations de la Caisse ont été rendues plus onéreuses,
directement causé à celle-ci un préjudice actuel et certain dont elle est en droit de demander réparation. Cour 6 juillet 1972, 22,
161.
6° L'obligation de réparer le dommage causé par un délit ou un quasi-délit existe non seulement envers celui qui est frappé
directement, mais envers toute personne qui en a souffert, si le préjudice éprouvé est une suite immédiate et directe du fait
incriminé et que ce fait en a été la cause génératrice; spécialement, si à la suite d'un accident causé par un tiers à un
fonctionnaire public, l'Etat a dû continuer à verser ses appointements à la victime et payer en outre le salaire à son remplaçant,
l'auteur de l'accident doit rembourser à l'Etat le montant de ce salaire. Cour 13 janvier 1937, 14, 119; Lux. 18 mars 1936, 14, 121.
7° Les tares physiques de la victime exonèrent partiellement l'auteur d'un accident, comme constituant une source de
préjudice étrangère à son fait, lorsqu'elles ont causé des troubles qui ne se seraient pas produits avec la même étendue chez
une personne normale. Cour 25 avril 1933, 13, 71.

b. Préjudice certain

1° Le préjudice éventuel et incertain résultant d'un délit ou d'un quasi-délit ne donne pas lieu à indemnisation. Cour 13
octobre 1954, 16, 210.
2° Si la mère d'un mineur a été la victime d'un accident mortel, dû à l'imprudence d'un tiers, le grand-père du mineur qui avait
pourvu à l'entretien de celui-ci jusqu'à la mort de la mère et qui en sa qualité de tuteur datif déclare qu'il avait l'intention d'exercer
la créance de son pupille contre la mère, a droit, de la part du tiers responsable à la réparation du dommage matériel certain
consistant dans la privation des prestations qu'il aurait pu obtenir de la mère, si elle était restée en vie. Lux. 13 novembre 1954,
16, 366.
3° Jugé que la seule perte de la capacité de travail représente une cause de dommage donnant lieu à réparation, même si le
sinistré vit en rentier et ne s'est livré en réalité à aucun travail lucratif. Cour 17 juillet 1914, 10, 464.
4° La chance de recueillir une succession reste soumise aux aléas et vicissitudes de la vie humaine et des fortunes, donc à
des événements futurs et incertains; elle n'est pourtant pas indemnisable. Cass. 10 décembre 1986, 27, 1.

c. Préjudice actuel

La lacune dans la substance osseuse du crâne résultant de l'opération de la trépanation en suite d'accident, avec le danger
permanent qu'elle entraîne pour la victime, ainsi que les précautions ou l'opération qu'elle exigerait pour conjurer ce danger
constitue un préjudice actuel et définitif pour lequel réparation est due actuellement; la difficulté d'évaluation ne saurait motiver un
sursis, mais, il y a lieu de réserver à la victime ses droits pour le cas où il se produirait des conséquences dommageables
nouvelles ayant leur source directe dans la lésion du crâne. Cour 29 janvier 1904, 7, 1.
3. Réparation du dommage

a. Etendue et modes de réparation

1° La réparation a pour but de faire disparaître le dommage subi par la victime. La réparation en nature tend le plus
adéquatement à ce but, alors qu'elle fait disparaître le dommage de la façon la plus complète. Les juges doivent dès lors
ordonner la réparation en nature, lorsque la victime le demande.
Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'enrichissement que la réparation en nature procurera éventuellement à la victime du fait
qu'un objet usagé sera remplacé par un objet neuf; cet enrichissement est, en effet, une conséquence nécessaire et inévitable de
la réparation à laquelle la victime a droit et trouve sa cause, comme la réparation, dans la propre faute de l'auteur du dommage.
Lux. 27 mars 1954, 16, 181.
2° La victime d'un dommage a le droit d'exiger que le responsable la replace dans l'état où elle se serait trouvée si ce
dommage n'était pas intervenu. L'exécution en nature est seule susceptible de procurer à la victime ce résultat. En conséquence,
l'exécution en nature doit être ordonnée chaque fois que la victime la demande. Lux. 21 mars 1956, 16, 540.
3° Le soumissionnaire le plus bas, écarté en violation des dispositions légales sur l'adjudication des travaux publics, peut
demander la réparation de tout le préjudice causé par la faute de l'administration, y compris celui résultant du bénéfice échappé.
Cour 28 octobre 1964, 19, 422.
4° La privation de l'usage d'une chose endommagée par la faute d'un tiers responsable constitue pour son propriétaire un
dommage sous forme de lucrum cessans, quel que soit d'ailleurs l'usage empêché, utilitaire ou voluptuaire, et quelle que soit la
façon dont, en attendant la réparation de la chose endommagée, son propriétaire ait pu lui-même la remplacer provisoirement par
ses propres moyens. Cour 24 avril 1967, 20, 343; Cass. 27 février 1969, 21, 50.
5° Les frais extrajudiciaires qu'une partie civile a été obligée d'exposer pour faire valoir ses droits contre le responsable du
dommage qui n'a pas fait d'offre satisfactoire, constituent un préjudice certain, et doivent lui être remboursés, comme étant une
conséquence directe du délit générateur du dommage, du moment qu'ils sont en rapport avec les nécessités de la procédure.
Les frais de déplacement d'Italie à Luxembourg d'une victime ayant donné suite à la convocation des experts judiciaires
commis pour l'examiner, sont à charge du défendeur au civil qui n'a pas fait d'offre satisfactoire. Cour 3 mai 1974, 22, 442.
6° Le dommage à supporter par la personne responsable d'un accident arrivé à un père de famille comprend, d'une part, le
dommage matériel consistant dans la privation, pour la famille, des ressources que lui procurait son chef, et d'autre part le
dommage moral, c'est-à-dire le préjudice que les membres de la famille éprouvent par suite du fait que le mari respectivement
père a été enlevé à leur affection, et que la direction et l'influence salutaire du chef de famille leur feront à l'avenir défaut. Cour 8
mai 1896, 4, 177.
7° Le demandeur qui s'est trompé sur les conséquences dommageables de l'accident dont il fut victime peut, dans ses
dernières conclusions, majorer ou diminuer le chiffre de la demande primitive. Lux. 22 novembre 1899, 5, 232.
8° Les articles 1146 et 1153 du Code civil, inscrits au titre III du livre III dudit code, ne visent que les obligations
conventionnelles et sont sans applications aux engagements qui se forment sans convention, et particulièrement aux obligations
délictuelles et quasi-délictuelles, lesquels engagements sont réglementés dans un autre titre du livre III du Code civil. Il en suit
que le droit commun est applicable à ces obligations et que la victime a, même sans mise en demeure et nonobstant le forfait
prévu à l'article 1153 du Code civil, droit à la réparation intégrale du dommage causé par le retard de l'auteur responsable du
préjudice. Lux. 11 novembre 1960, 18, 288.
9° Les frais autres que les frais judiciaires (frais fiscaux) ne peuvent être mis à la charge de la partie succombante qu'à titre
de dommages-intérêts, par une motivation spéciale constatant la faute commise et le préjudice éprouvé. Cass. 24 juillet 1952, 15,
304.
10° La taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) qui grève le coût des réparations à effectuer à un bien endommagé fait partie
intégrante du préjudice devant être indemnisé par l'auteur responsable du dommage, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que
la victime fait effectuer la réparation du bien endommagé ou préfère le remplacer par un bien neuf. Cour 9 janvier 1980, 25, 25.
11° Selon les principes généralement appliqués en matière de réparation du préjudice de voitures automobiles accidentées,
la victime doit se contenter de la valeur de remplacement du véhicule accidenté si la valeur de remplacement est moins onéreuse
pour le responsable que la réparation, à condition toutefois qu'un remplacement soit matériellement possible. Cour 8 avril 1987,
27, 103.
12° En cas d'immobilisation d'une voiture suite à un accident de la circulation, la victime peut exiger du responsable la mise à
la disposition d'une voiture de remplacement, ce qui se réalise concrètement par la location d'une voiture. La victime peut exiger
du responsable le remboursement intégral des frais de location. Lux. 24 avril 1986, 27, 155.
13° La condamnation au rétablissement des lieux dans leur pristin état telle qu'elle est prévue entre autre à l'article 161 du
Code d'instruction criminelle ne constitue pas une peine, mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre
fin à une situation contraire à la loi résultant de l'infraction commise et nuisant à l'intérêt public. Ce mode particulier de réparation
ou de restitution a un caractère civil avec les conséquences qui s'en dégagent notamment en ce qui concerne les règles de
compétence régissant les litiges relatifs aux difficultés d'exécution desdites mesures de restitution. Cour 24 juin 1992, 28, 324.
14° S'il est vrai qu'une indemnité correspondant au prix de la réfection du véhicule est en principe à retenir lorsque le coût de
réparation est inférieur à la somme nécessaire pour acquérir un véhicule identique à celui endommagé, il n'en demeure pas
moins que la référence au seul coût de réparation, si élevé soit-il, se justifie et constitue la base d'indemnisation chaque fois que
la victime a une juste préférence pour son véhicule accidenté. Cour 12 juillet 2000, 31, 466.
15° Le propre de la responsabilité civile étant de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et
de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas
eu lieu, il y a lieu d'ajouter au coût de réparation les frais de location d'un véhicule identique pour la période d'immobilisation
effective. Cour 12 juillet 2000, 31, 466.

b. Préjudice moral

1° La généralité des termes de l'article 1382 du Code civil s'applique aussi bien au dommage moral qu'au dommage matériel;
il faut et il suffit que le dommage soit personnel, direct et certain.
Il suit de ce principe que le dommage résultant pour les proches de la vue des souffrances d'un être cher, des préoccupations
qu'ils ont pour son avenir compromis par sa santé irrémédiablement ruinée ou dont le rétablissement est long ou hypothétique,
doit être réparé comme tout autre dommage, à la condition qu'il soit prouvé. Cour 27 novembre 1978, 24, 201.
2° Le dommage moral éprouvé par les père et mère à la suite du décès de leur fils âgé de 15 ans peut, compte-tenu des
circonstances, être évalué à 175.000 francs pour chacun des parents; l'indemnité pour dommage moral des frères de la victime
peut être fixée à 60.000 francs pour chaque frère. Lux. 31 octobre 1973, 22, 519.
3° Pour l'évaluation du dommage de valeurs affectives résultant d'un délit ou d'un quasi-délit il faut tenir compte de la nature
des liens de parenté et des relations d'affection ayant existé entre la victime et ceux qui demandent l'octroi d'une indemnité pour
le dommage moral dû au décès d'un être cher.
Spécialement, les collatéraux de la victime n'ont droit à la réparation d'un dommage moral que dans des cas particuliers, et
une indemnisation ne doit être accordée qu'à ceux des frères et soeurs qui ont eu une cohabitation prolongée avec la victime, à
moins de circonstances spéciales permettant d'admettre une douleur très caractérisée dans le chef des demandeurs. Cour 13
octobre 1954, 16, 210.
4° Le dommage à supporter par la personne responsable d'un accident arrivé à un père de famille comprend d'une part, le
dommage matériel consistant dans la privation, pour la famille, des ressources que lui procurait son chef, et d'autre part le
dommage moral, c'est-à-dire le préjudice que les membres de la famille éprouvent par suite du fait que le père respectivement
mari a été enlevé à leur affection, et que la direction et l'influence salutaire du chef de famille leur feront à l'avenir défaut. Cour 8
mai 1896, 4, 177.
5° Le dommage moral éprouvé par les père et mère à la suite du décès de leur enfant âgé de 9 ans peut être évalué à
300.000 francs pour chacun des parents. Cour 1er février 1984, 26, 147.
6° Indépendamment du préjudice matériel qu'elle entraîne, la perte d'une chose peut être pour son propriétaire la cause d'un
préjudice d'ordre subjectif et affectif susceptible de donner lieu à réparation. Cass. 10 mai 1990, 28, 37.

c. Indemnité

Fixation du montant de l'indemnité


Date d'évaluation

1° L'évaluation des dommages-intérêts par le juge doit se faire au jour de la décision. Dans cette évaluation le juge doit tenir
compte des variations de la monnaie et de la hausse des prix ou des salaires, puisque les dommages-intérêts doivent permettre
au créancier de la réparation de se procurer un bien équivalent à la valeur lésée et que ce but ne peut être atteint que si au jour
de la décision judiciaire la somme allouée est suffisante pour l'acquisition de cette valeur.
Spécialement, quand une blessure, dont un tiers est responsable, prive un salarié de son salaire et que la condamnation à
l'indemnisation de cette personne n'est prononcée qu'à une date où le salaire correspondant a été augmenté, il échet de fixer
l'indemnité en fonction du nouveau tarif de salaires, alors que la dette du tiers responsable, qui a par sa faute privé le salarié de
son salaire, n'est pas une dette de somme d'argent, mais une dette d'indemnité réparant un préjudice. Cour 3 mai 1974, 22, 442.
2° La victime d'un dommage a droit à la réparation complète du préjudice qu'elle a subi. Il s'ensuit que pour les périodes
d'incapacité de travail se situant avant le jugement ou l'arrêt, les dommages-intérêts revenant à la victime d'un accident doivent
être calculés en fonction du salaire que sans la survenance de l'accident elle aurait touché pendant ces périodes.
L'indemnité ainsi déterminée doit, d'autre part, être majorée, si la monnaie s'est dépréciée dans l'intervalle entre lesdites
périodes et le jugement ou l'arrêt. Cass. 12 juin 1975, 23, 109.
3° La règle selon laquelle le dommage qui donne lieu à responsabilité doit être évalué à la date à laquelle les juges statuent
ne s'applique que lorsqu'une évaluation est nécessaire.
Tel n'est pas le cas, lorsqu'il s'agit de payer une somme d'argent dont le montant est déterminé.
La dette de salaire étant pour l'employeur une dette de somme d'argent, et non une dette d'indemnité, il s'ensuit que le
montant du recours de l'employeur, qui a continué à verser son salaire à un employé pendant l'invalidité de celui-ci, due à la faute
d'un tiers, et qui réclame le remboursement de ce salaire audit tiers responsable, ne peut pas être adapté à l'indice du coût de la
vie. Cour 2 janvier 1973, 22, 442.
4° Il faut se placer au jour du jugement pour fixer le montant de la réparation due pour un délit; cependant, le préjudice civil
ne saurait être supérieur à la valeur de l'objet au moment de la dépossession par l'occupant; en appliquant cette mesure de
dédommagement et en tenant compte du changement intervenu dans le régime monétaire entre la naissance du dommage et le
prononcé de la décision, le juge est en droit de puiser dans la cause les éléments d'appréciation suffisants pour une évaluation
équitable. Cour 2 juillet 1947, 14, 299.
La réparation du dommage doit être intégrale et consiste à fournir la contreprestation de la valeur actuelle du titre litigieux.
Lux. 5 novembre 1947, 14, 320.
5° Le fait d'acheter en connaissance de cause des marchandises d'un déporté dépossédé constitue le concours à une
mesure de dépossession prise par l'ennemi, partant un acte nul. L'acheteur doit réparer le préjudice causé par sa faute. Pour
avoir réparation intégrale du dommage lui causé, le dépossédé a droit à la valeur actuelle de la marchandise dont il a été
dépossédé. Lux. 13 novembre 1946, 14, 252.
6° La réparation à laquelle l'acquéreur est tenu consiste à indemniser le propriétaire dépossédé d'une façon intégrale pour
tout le dommage subi.
S'il est exact que le spolié aurait été dans la nécessité, du fait de la réglementation en vigueur pendant la période
d'occupation, de vendre ses marchandises au cours du jour et qu'il n'aurait touché que la valeur correspondante alors fixée en
Reichsmark, il n'est pas moins vrai que l'exploitation normale d'un commerce présuppose que la somme provenant d'une vente
est immédiatement employée à la reconstitution du stock. Le spolié conteste donc à bon droit qu'il y a enrichissement injuste
dans son chef, s'il obtient réparation d'après la valeur au jour de la décision judiciaire. Lux. 30 juin 1948, 14, 414.
7° Le dommage causé à l'enfant par l'annulation de la reconnaissance ne se réalise qu'au jour de cette annulation. Lux. 27
octobre 1954, 16, 228.
8° En entérinant un rapport d'expertise ayant évalué le préjudice de la victime à une date antérieure au jugement fixant
l'indemnité et en y ajoutant les intérêts compensatoires à partir de cette date jusqu'à celle du jugement, un tribunal n'enfreint pas
la règle qui lui impose de fixer les montants indemnitaires à la date du jugement. Cass. 25 octobre 1990, 28, 67.

Eléments pris en considération - Cumul avec d'autres indemnités

1° Le salaire effectif, touché par la victime après l'accident, n'est d'aucune incidence sur l'appréciation du dommage matériel
par elle subi.
La seule mesure pour déterminer le dommage matériel subi par la victime doit être recherchée dans la diminution de sa
capacité professionnelle.
Si la capacité productive, antérieure à l'accident, ne peut être maintenue par la victime qu'au moyen d'un effort plus pénible
ou plus soutenu, cette circonstance ne peut être une cause de dommage matériel qu'au cas où le surmenage qui en résulte
obligera la victime à cesser prématurément son activité professionnelle normale. Si en raison des lésions subies la victime doit
après l'accident fournir un effort plus pénible et soutenu pour accomplir sa tâche normale, sans qu'il y ait toutefois diminution
actuelle ou future de sa capacité professionnelle, les privations et gênes que ces lésions lui imposent au cours de la vie
quotidienne ne pourront être indemnisées qu'à titre de dommage moral, évalué ex aequo et bono par les tribunaux. Lux. 27 mars
1957, 17, 132.
2° S'il est établi que la victime d'un accident de circulation n'est plus en état de gagner sa vie moyennant une occupation
salariée appropriée à ses forces résiduaires, à ses aptitudes et à sa formation professionnelle, l'indemnisation doit se faire sur la
base de l'incapacité économique totale et non sur celle de l'incapacité médicale partielle. Cour 27 octobre 1975, 23, 244.
3° Le montant de l'indemnité rendue par le tiers responsable d'un accident ne dépend pas de celui des indemnisations que la
victime de l'accident assurée auprès d'un organisme de sécurité sociale touche auprès de ce dernier en raison du même
accident; en effet, l'étendue des obligations du tiers responsable est mesurée d'après le droit commun de l'article 1382 du Code
civil, tandis que celle des obligations légales de l'organisme de sécurité est fixée par la législation spéciale des assurances
sociales. Cour 22 octobre 1960, 18, 169.
4° La somme touchée par la victime d'un accident de la part d'une compagnie d'assurances ne peut être portée en déduction
de l'indemnité due par la personne responsable de l'accident, s'il n'est pas établi que la compagnie d'assurances avait un recours
contre celle-ci. Cour 19 février 1935, 13, 461.
5° De même il n'y a pas lieu de porter en déduction l'indemnité que les membres de la famille du sinistré ont touché du chef
d'une assurance-vie contractée par ce dernier. Cour 8 mai 1896, 4, 177.
6° L'auteur d'un accident ne peut déduire du montant des dommages-intérêts le chiffre de la pension servie à la veuve par la
caisse de pension des employés privés; cette prestation, étant la contre-partie des versements effectués antérieurement, trouve
sa cause non dans l'accident, mais dans l'affiliation de la victime à la caisse. Le cumul des deux indemnités provenant de sources
différentes ne peut donc être considéré comme la réalisation d'un bénéfice. Cour 29 juin 1938, 14, 205.
7° Les allocations payées par l'Etat au titre de dommages de guerre (antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 25
février 1950 concernant l'indemnisation des dommages de guerre) n'ont pas le caractère de secours fournis bénévolement et
sans obligation de la part de l'Etat, mais constituent des avances imputables sur les créances existant au profit des sinistrés
contre l'Etat en vertu de l'engagement pris par celui-ci d'indemniser les victimes de dommages de guerre.
Cette réparation ne pouvant dépasser la totalité du préjudice, les sinistrés ne peuvent cumuler l'indemnité due par l'Etat et les
dommages-intérêts dus le cas échéant par le tiers responsable du dommage de guerre. Cass. 25 mai 1950, 15, 18.
8° En cas de mort violente d'un fonctionnaire de l'Etat ou d'un agent des Chemins de fer, causée par la faute d'un tiers, la
veuve de la victime ne peut pas cumuler la pension de veuve avec l'indemnité réclamée au tiers responsable. Cour 11 janvier
1956, 16, 444.
9° Personne ne peut être astreint à se soumettre à une opération dangereuse sans son consentement respectivement sans
le consentement de celui sous la puissance duquel il est placé; aucune contrainte directe ou indirecte n'est admissible et la
fixation de l'indemnité ne saurait être remise jusqu'après l'opération faite; ainsi par exemple le père de la victime mineure est en
droit de refuser d'y soumettre l'enfant. Cour 8 février 1907, 7, 541.
10° La femme commune en biens qui justifie avoir subi un dommage personnel par suite d'un accident arrivé à son mari peut
en demander réparation, même au cas où ce dernier est encore en vie et a été indemnisé du chef du dommage qu'il a souffert,
de son côté, par l'effet du même sinistre; la demande de la femme ne peut pourtant pas être basée sur le soutènement que le
mari, devenu aveugle, n'est plus à même de remplir les obligations dont il est tenu envers son épouse en vertu de l'article 212 du
Code civil et que, par conséquent, la charge de vêtir, nourrir et entretenir cette dernière doit être prestée par la personne
responsable de l'accident, au lieu et place du mari; cette argumentation n'est pas de nature à justifier l'existence d'un dommage
personnel à la femme, si le mari a été complètement indemnisé de tout le dommage présent et futur qui pourra résulter pour sa
personne de l'accident dont il a été victime; dans ce cas il a été mis dans la même situation qu'avant l'accident, et ne subit
aucune diminution de ressources. Cour 15 juillet 1904, 6, 499.
11° Si, par suite de circonstances indépendantes de l'auteur du dommage, certains éléments du préjudice se trouvent
compensés par des avantages dont bénéficie la victime, il ne saurait y avoir réduction des dommages-intérêts.
Spécialement, en cas d'une soumission publique annulée, l'expert chargé d'évaluer le préjudice du soumissionnaire évincé à
tort n'a pas besoin de tenir compte des bénéfices que celui-ci a pu se procurer par l'exécution d'autres travaux pendant la période
prévue pour ceux ayant fait l'objet de la soumission. Cour 30 octobre 1986, 27, 266.

Provision

Si un accident entraîne la diminution d'une rente dont la victime aurait normalement pu bénéficier sans le fait dommageable,
la victime doit être indemnisée du préjudice qui lui est ainsi causé par l'auteur responsable de l'accident. Le principe selon lequel
l'évaluation du préjudice doit se faire au jour de la décision judiciaire en tenant compte des variations de la monnaie et de la
hausse des prix et salaires reste applicable, même si la victime de l'accident a touché des provisions de la part de l'auteur
responsable ou des rentes de la part d'un organisme de sécurité sociale.
En cas de réévaluation du préjudice de la victime, aux fins d'adaptation au coût de la vie au jour de la décision judiciaire, il n'y
a pas lieu de procéder à une réévaluation parallèle des provisions déjà versées, alors que ces provisions n'ont pas assuré une
réparation partielle du préjudice, mais n'ont été que des avances sur les dommages-intérêts définitifs. Cour 26 janvier 1977, 23,
509.

Intérêts de l'indemnité allouée

1° Les intérêts peuvent être alloués du jour du fait à titre complémentaire. Lux. 22 juillet 1914, 9, 416.
2° Les intérêts d'une somme allouée à titre d'indemnité pour cause de préjudice sont à allouer non à compter du jour de la
demande, mais du jour où s'est produit le fait qui y a donné naissance, ces intérêts étant demandés à titre de complément de
dommages-intérêts. Lux. 22 juillet 1914, 9, 416.
3° Les intérêts moratoires ne courent qu'à partir de la demande en justice, l'auteur du dommage ne pouvant être comptable
d'intérêts d'une somme dont il ne connaît pas l'étendue. Cour 2 juillet 1947, 14, 299.
4° L'article 1146 du Code civil ne s'applique pas en matière quasi-délictuelle. Les intérêts moratoires des dommages-intérêts
compensatoires sont dès lors dus à partir du jour où les dommages respectifs sont nés et depuis lequel la réparation est due.
Lux. 27 mars 1954, 16, 181.
5° Le jugement qui alloue des dommages-intérêts en matière délictuelle ou quasi-délictuelle est déclaratif d'une créance de
dommages-intérêts qui est née et devenue exigible dans le chef de la personne à laquelle un dommage a été causé par la faute
d'autrui le jour même où le dommage est arrivé. Le retard que l'auteur responsable d'un préjudice met à acquitter sa dette de
dommages-intérêts envers la victime cause à celle-ci un nouveau dommage, consistant dans la privation, à partir du jour du
préjudice initial, des intérêts au taux de 4% par an que la victime aurait obtenus par le placement des dommages-intérêts, si
ceux-ci avaient été immédiatement payés.
Les articles 1146 et 1153 du Code civil, inscrits au titre III du livre III dudit code, ne visent que les obligations
conventionnelles et sont sans application aux engagements qui se forment sans convention, et particulièrement aux obligations
délictuelles et quasi-délictuelles, lesquels engagements sont réglementés dans un autre titre du livre III du Code civil. Il en suit
que le droit commun est applicable à ces obligations et que la victime a, même sans mise en demeure et nonobstant le forfait
prévu à l'article 1153 du Code civil, droit à la réparation intégrale du dommage causé par le retard de l'auteur responsable du
préjudice. Lux. 11 novembre 1960, 18, 288.
6° Lorsque la victime d'une infraction réclame dans sa constitution de partie civile la réparation du dommage subi avec «les
intérêts tels que de droit», sa demande ne peut viser que les intérêts judiciaires et non pas des intérêts compensatoires à titre de
plus amples dommages-intérêts. La partie civile n'a, dans ce cas, droit qu'aux intérêts légaux à partir du jour de la demande en
justice. Cour 22 mars 1965, 19, 508.
7° Les intérêts compensatoires ne font pas double emploi avec le montant alloué pour perte de salaire et réévalué en raison
de la hausse des prix et salaires, alors que le montant revalorisé du salaire échappé à la victime ne constitue que la contre-valeur
du dommage proprement dit, tandis que les intérêts compensatoires sont destinés à réparer le préjudice supplémentaire résulté
du fait que ce même dommage n'est réparé que tardivement. Cour 3 mai 1974, 22, 442.
d. Pluralité de responsables

Pluralité d'auteurs

1° Si un dommage est causé par la conjugaison de plusieurs fautes, chacune des fautes doit être considérée comme ayant
causé le dommage entier, alors que, sans son intervention, les autres fautes n'auraient pas pu devenir causales et le dommage
n'aurait pas pu se réaliser; il s'ensuit que l'auteur de l'une des fautes est responsable du dommage total, sauf son droit de recours
contre l'auteur des autres fautes. Lux. 27 mars 1954, 16, 181.
2° Lorsqu'un fait dommageable résulte des fautes commises par plusieurs personnes et que chaque faute a été directement
causale de tout le dommage subi par la victime, sans qu'il soit possible de déterminer la part respective des auteurs du fait
dommageable dans la réalisation du dommage. La victime peut demander à chacun des agents en faute la totalité de la
réparation.
Cette obligation au tout de chaque agent en faute n'est pas un cas de solidarité parfaite au sens des articles 1200 et suivants
du Code civil. Cour 25 octobre 1961, 18, 387.
3° Chacun des responsables d'un dommage ayant concouru à le causer en entier est tenu d'un assurer la réparation
intégrale, même si un recours de la victime envers l'un des coauteurs s'avère impossible pour une raison de fait ou de droit, et
sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'un éventuel partage des responsabilités prononcé par les juges du fond entre divers
coauteurs, ce partage n'affectant que les rapports réciproques de ces derniers et non l'étendue de leurs obligations envers la
partie lésée n'ayant pas commis de faute. Cass 26 juin 1975, 25, 116.
4° Les coauteurs d'un accident sont tenus in solidum à la réparation du dommage, même lorsque la responsabilité de l'un est
engagée sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, et celle de l'autre sur le fondement de l'article 1382 du même code. Lux. 16
décembre 1980, 25, 228.
5° Il ne suffit pas, pour justifier une action en responsabilité, qu'une faute ait été commise, il faut encore que cette faute ait été
la cause du préjudice dont la réparation est demandée.
Spécialement, plusieurs enfants ayant commis l'imprudence d'allumer des allumettes et de fumer des cigarettes dans le
voisinage immédiat d'une meule de foin, si la meule a pris feu par la faute de l'un d'eux et qu'il soit impossible de découvrir
l'auteur involontaire de l'incendie, le propriétaire de la meule ne saurait leur demander solidairement la réparation du dommage
par lui subi. Lux. 20 février 1936, 14, 89.
6° Si l'accident est dû à la faute de plusieurs personnes, ses auteurs ne sont tenus solidairement qu'au cas de l'article 50 du
Code pénal ou s'il y a impossibilité à déterminer le degré de responsabilité de chacun. Cour 7 mai 1929, 11, 486.
7° Aux termes de l'article 50 du Code pénal, les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des
restitutions et des dommages-intérêts. Il s'ensuit qu'au cas où deux individus ont été condamnés pour s'être servis d'une voiture
automobile sans le consentement du propriétaire, ils sont tenus solidairement à indemniser ce dernier des dégâts subis par la
voiture pendant qu'ils s'en servaient, encore que le dommage à réparer soit la suite du seul fait de celui qui tenant le volant a jeté
la voiture contre un obstacle. Lux. 15 octobre 1958, 17, 383.
8° Lorsque deux prévenus ont été condamnés par le juge répressif pour avoir involontairement causé la mort d'une personne,
ils sont solidairement tenus des dommages-intérêts en vertu de l'article 50 du Code pénal; cette disposition ne se trouve modifiée
par la loi du 17 décembre 1925 qu'en ce qui concerne les entrepreneurs, leurs fondés de pouvoir ou représentants, leurs
surveillants et préposés, qui sont exonérés de toute responsabilité vis-à-vis de l'assuré; au cas où une de ces personnes a été
condamnée au pénal en même temps qu'un tiers pour avoir causé involontairement la mort d'un assuré, ce tiers est tenu de
réparer tout le préjudice non-couvert par l'assurance accidents, sans pouvoir demander que sa responsabilité civile soit limitée au
degré de sa culpabilité dans l'accident, bien qu'il soit privé, par l'effet de ladite loi, du droit d'exercer contre son coprévenu le
recours inscrit à l'article 1213 du Code civil. Cour 5 mai 1930, 12, 114.
9° Lorsque la faute de la clinique se conjugue avec celle du médecin, les deux sont tenus in solidum à réparer le préjudice
causé par cette faute. Lux 25 juin 1980, 25, 151.
10° Au cas où un employé du chemin de fer est victime d'un accident dû à sa faute et à celle d'un tiers, le chemin de fer qui a
payé le traitement à cet employé pendant la période de l'incapacité de travail temporaire, n'est fondé à recourir en garantie contre
le tiers que dans les limites de la part de responsabilité incombant à ce dernier. Lux. 26 février 1958, 17, 292.
11° Les parties civiles ne sont fondées à conclure à une condamnation solidaire des auteurs de délits de pêche et des
receleurs que s'il y a indivisibilité de préjudice et que pour autant que les receleurs ont lésé concurremment avec les auteurs des
délits de pêche les intérêts des parties civiles par une faute commune. Cour 24 juillet 1948, 14, 433.
12° Pour établir la responsabilité de la victime, le coauteur d'un dommage n'est pas admis à se prévaloir des dispositions de
l'article 1384 du Code civil. En effet, ces dispositions ont été prises dans l'intérêt exclusif de la victime, de sorte que seule celle-ci
est en droit de s'en prévaloir, à l'exclusion de toutes autres personnes. Lux 14 mars 1959, 17, 472.
13° La personne qui, sur la base d'une présomption de responsabilité, a été condamnée à indemniser la victime d'un accident
causé par le fait combiné d'un animal et d'une chose inanimée a un recours contre ses prétendus co-responsables et peut se
prévaloir à son tour des présomptions de responsabilité édictées par la loi. Cour 19 décembre 1933, 13, 110.
14° Chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, le partage auquel le juge
peut procéder n'affectant que les rapports réciproques de ces derniers et non l'étendue de leurs obligations envers la partie civile.
Il n'en est autrement, et il n'y a pas lieu à responsabilité in solidum, que si le préjudice est effectivement divisible. Il est ainsi
chaque fois que la part d'un, de deux, ou de plusieurs coauteurs peut être déterminée avec certitude. Il n'y a, alors, pas de
coaction, mais des dommages différents causés par des fautes différentes: dans une telle occurrence, l'obligation in solidum ne
se justifie point.
Si le dommage à une voiture causé par deux cyclistes, qui tous deux ont été heurtés par l'avant du véhicule et sont tombés
sur le capot du moteur, n'est pas divisible, les deux cyclistes doivent être condamnés à réparer le dommage en totalité. Lux. 22
juin 1982, 26, 26.
15° En vue d'exercer une action récursoire, chacun des responsables peut faire déterminer la part contributive de l'autre,
compte-tenu de la gravité respective de leur fautes.
Aucun principe de droit ne s'oppose à ce qu'une juridiction saisie d'un litige concernant plusieurs auteurs responsables ne
toise, en vue d'éviter une action récursoire à posteriori, en même temps la question de leur responsabilité in solidum envers la
victime et celle du partage entre eux de la dette globale envers cette victime.
Au regard du comportement absolument identique de deux mineurs ayant contribué chacun de la même manière à la
production du dommage, il échet de fixer la part contributive de chacun des deux à la moitié. Lux. 22 juin 1982, 26, 26.

Auteur titulaire d'une assurance responsabilité civile

1° La victime d'un accident peut mettre en cause en même temps que la partie civilement responsable l'assureur de celle-ci,
à l'effet de faire fixer contradictoirement l'existence de la créance de réparation et son montant ainsi que l'indemnité due par
l'assureur.
La personne civilement responsable et l'assureur étant tenus en vertu de titres nettement distincts, il n'y a entre eux ni
solidarité ni indivisibilité d'obligation, mais la victime peut demander leur condamnation in solidum lui donnant le droit de réclamer
soit de l'assureur soit de l'assuré l'indemnité correspondant à son dommage, et garantie par le contrat d'assurance. Cour 19
février 1935, 13, 461.
2° L'action directe prévue par l'article 2102, 8° du Code civil sert au tiers lésé par un accident à faire valoir à l'encontre de
l'assureur de la responsabilité civile de l'auteur de l'accident une créance directe et immédiate qu'il tient du contrat d'assurance
passé entre l'auteur de l'accident et l'assureur, contrat qui s'analyse en une stipulation pour autrui.
Le tiers lésé doit donc être admis à établir à l'égard de l'assureur, son débiteur personnel, l'existence et le montant de sa
créance, sans être obligé à mettre en cause l'auteur de l'accident. Lux. 9 avril 1948, 14, 567.
3° Si la recevabilité de l'action directe du tiers lésé contre l'assureur du présumé responsable de l'accident dont le tiers a été
la victime est subordonnée à la preuve de l'existence d'un contrat d'assurance donnant naissance à l'obligation de l'assureur,
cette action peut toutefois être exercée indépendamment de toute action dirigée contre l'assuré présumé responsable et sans
qu'il soit besoin d'appeler ce dernier en cause, même à défaut de reconnaissance judiciaire préalable de la responsabilité de
l'assuré. Cour 3 février 1964, 19, 271.
4° Le tiers lésé par un fait dommageable a une action directe contre l'assureur de l'auteur de ce fait. La créance du tiers lésé
ayant pour lui un caractère civil, tandis qu'elle a un caractère commercial pour la compagnie d'assurance, société commerciale, le
tiers lésé jouit d'une option et peut agir, soit devant le tribunal civil qui est son juge naturel, soit devant le tribunal de commerce,
même si la responsabilité de l'assuré est de nature civile. Cour 24 octobre 1962, 19, 79.
5° Par tiers dans le sens de l'article 1328 du Code civil, il faut entendre toute personne qui n'a pas figuré à l'acte soit
directement, soit indirectement, et qui invoque contre l'auteur de l'acte ou toute autre personne qui s'en prévaut un droit propre
qu'elle tient, soit des signataires, soit de la loi, droit qui serait anéanti, altéré ou modifié, si la date de l'acte devait comme telle
être tenue pour certaine à son égard.
Est à considérer comme tiers la victime d'un accident de la circulation, qui exerce contre l'assureur de l'auteur responsable de
l'accident l'action directe prévue à l'article 2102 du Code civil. L'action directe constitue en effet un droit propre que la victime tient
de la loi, de sorte que les actes sous seing privé dressés pour régir les rapports entre le preneur d'assurance et l'assureur ne lui
sont pas opposables, s'ils n'ont pas date certaine. L'action directe exercée par la victime d'un accident de la circulation contre
l'assureur de l'auteur responsable de l'accident est conditionnée par l'existence d'un contrat d'assurance ayant couvert le risque
en question; pour établir ce contrat, la victime doit invoquer nécessairement la police d'assurance et perd ainsi la faculté
d'opposer l'incertitude de la date de l'écrit intitulé police d'assurance. Lorsque la police d'assurance a été établie sur la base d'un
questionnaire rempli par le preneur d'assurance et que la police ne mentionne le questionnaire qu'en le désignant par sa date, et
sans en relater la substance, ce qui pourtant serait exigé pour satisfaire à l'article 1328 du Code civil, le questionnaire n'est pas
opposable à la victime faute de date certaine.
La victime d'un accident de la circulation peut exercer contre l'assureur de l'auteur responsable de l'accident l'action directe
prévue par l'article 2102 du Code civil.
L'applicabilité de l'article 1328 du Code civil pose une question de preuve et la règle afférente est susceptible de s'appliquer
indistinctement aux écrits produits par l'assureur, sans qu'il y ait lieu d'examiner, s'il s'agit d'écrits dont pourrait résulter une cause
de non-assurance ou d'écrits pouvant produire une déchéance. Cour 30 juin 1953, 16, 235.

e. Incidence de la législation sur la Sécurité Sociale


1° Le recours exercé par l'association d'assurance contre les accidents en vertu de l'article 118 du Code des Assurances
sociales porte également sur les dommages-intérêts rendus à l'assuré, victime d'un accident de la circulation, par le tiers
responsable de cet accident, pour atteinte à l'intégrité physique.
L'atteinte à l'intégrité physique ne constitue, en effet, pas un dommage moral, mais un dommage matériel. Cour 26 février
1958, 17, 269.
2° La notion d'atteinte à l'intégrité physique est un dommage produisant des conséquences préjudiciables multiples pouvant
varier d'une espèce d'accident à l'autre et dont les unes, qualifiées de dommage matériel, se rapportent au travail professionnel
de la victime, tandis que les autres, qualifiées de dommage moral, y sont étrangères.
Le dommage moral n'étant pas couvert par les prestations versées à la victime en vertu de la législation sur les assurances
sociales, il s'ensuit que lorsqu'en cas d'accident, une somme globale est fixée dont un tiers est redevable, selon les principes du
droit commun, pour avoir porté atteinte à l'intégrité physique de la victime, il y a lieu d'apprécier selon les circonstances du cas
particulier l'importance relative des éléments du préjudice couvert par l'organisme de sécurité sociale et de ceux qui ne le sont
pas, c'est-à-dire des éléments du préjudice matériel et de ceux du préjudice moral, le recours de l'organisme ne pouvant porter
que sur les éléments du préjudice matériel à l'exclusion de ceux du préjudice moral.
Si, en principe, les droits de l'assuré auprès de l'association d'assurance contre les accidents sur l'indemnité rendue par le
tiers responsable d'un accident dont l'assuré a été la victime passent intégralement à l'association d'assurance jusqu'à
concurrence de ses prestations, pour autant que ces droits concernent des éléments de préjudice couverts par l'association, ils
ne passent exceptionnellement à l'association que jusqu'à concurrence de 80%, lorsque ces droits résultent d'une perte de
revenu.
Cette restriction de l'étendue du recours de l'association d'assurance étant une disposition exceptionnelle doit être interprétée
limitativement, de sorte qu'elle ne joue pas, lorsque le dommage de l'assuré n'est pas constitué par une perte actuelle de
revenus. Cour 22 octobre 1960, 18, 169.
3° Pour la fixation de l'indemnité revenant à la victime d'un accident du travail ou à ses ayants-droit en vertu de la loi sur
l'assurance obligatoire contre les accidents, il n'est pas tenu compte du dommage moral subi; la réparation de ce dommage peut
être réclamée conformément au droit commun, à un tiers contre lequel un recours est recevable conformément à l'article 118 de
la loi du 17 décembre 1925. Cour 7 mai 1929, 11, 486.
4° Le recours de l'association d'assurance contre les accidents contre le tiers responsable de l'accident ne peut porter sur
l'indemnité allouée à l'assuré du chef de dommage moral, ni sur les créances de l'assuré du chef de dommage vestimentaire ou
du chef d'autres frais non indemnisés par l'association. Cour 22 juillet 1950, 15, 84.
5° L'Association d'assurance contre les accidents n'est subrogée, en vertu de l'article 118 de la loi du 17 décembre 1925,
qu'aux droits de l'assuré relatifs à la partie du préjudice pour laquelle elle l'a désintéressé. Si le tiers n'est responsable de
l'accident que pour partie, l'association ne peut recouvrer qu'une part correspondante de l'indemnité payée à l'assuré, et elle n'a
aucun droit sur les sommes que ce dernier peut réclamer au tiers à raison d'éléments de préjudice non couverts par l'assurance.
Cour 30 juillet 1930, 12, 105.
6° Lorsque l'association d'assurance contre les accidents exerce un recours contre un tiers en tant que subrogée dans les
droits de l'assuré, le tiers est recevable à lui opposer le partage de responsabilité résultant du fait que la victime a contribué à
provoquer l'accident par sa propre faute. Lux. 11 mai 1932, 13, 375.
7° En cas d'accident donnant lieu à l'indemnisation par l'association d'assurance contre les accidents dont la responsabilité
est partagée entre la victime et un tiers, celui-ci est tenu à la réparation du dommage non couvert par ladite assurance dans la
proportion de la part de responsabilité lui incombant.
Les droits de l'association d'assurance contre les accidents, agissant en vertu de l'article 118 de la loi du 17 décembre 1925,
ne peuvent dépasser ceux de la victime dans lesquels elle est subrogée, de sorte que si le tiers n'est responsable de l'accident
que pour partie, elle ne peut recouvrer qu'une part correspondante de l'indemnité payée à l'assuré. Diekirch 25 mai 1932, 13, 379.
8° La disposition de l'article 118 du Code des Assurances sociales signifie que l'association d'assurance a contre le tiers
responsable du sinistre un droit de recours pour la totalité des prestations qu'elle doit faire au sinistré assuré en exécution de ses
obligations légales, sans que le partage de responsabilité entre l'assuré et le tiers puisse lui être opposé.
Ce recours ne peut toutefois être exercé que jusqu'à concurrence de la créance de l'assuré contre le tiers. Cour 22 juillet
1950, 15, 84.
9° Aux termes de l'article 115, alinéa 1er, du Code des Assurances sociales, les personnes assurées n'ont, en raison des
accidents de travail, une action en dommages-intérêts contre l'entrepreneur que lorsque ce dernier aura été déclaré coupable
d'avoir intentionnellement provoqué l'accident.
Cette disposition s'applique également aux accidents survenus pendant le transport de l'assuré par le patron tout au moins
lorsque le déplacement, au cours duquel l'accident survient, fait directement partie de la tâche professionnelle incombant à
l'assuré sans constituer seulement le parcours pour se rendre au travail ou pour en revenir. Cour 14 juillet 1951, 15, 193.
10° Si un ouvrier assuré en vertu de la loi du 17 décembre 1925 a été victime au cours de son travail d'un accident causé par
la faute d'un tiers au service d'un autre entrepreneur, l'accidenté ou ses ayants-droit sont recevables à exercer contre ce dernier
un recours conformément à l'article 1384 du Code civil, peu importe que cet entrepreneur soit également affilié à l'association
d'assurance contre les accidents; l'article 115 de la loi du 17 décembre 1925 vise uniquement le recours dirigé contre le patron de
l'ouvrier accidenté ou ses préposés. Cour 7 mai 1929, 11, 486.
11° Si, en vertu des articles 78 et 237 du Code des Assurances sociales le droit des assurés de réclamer à un tiers en vertu
d'une disposition légale la réparation du dommage causé par la maladie ou l'invalidité passe à la caisse de maladie ou à
l'établissement d'assurance jusqu'à concurrence de leurs obligations respectives, l'article 118 du Code des Assurances sociales
dispose que l'association d'assurance contre les accidents est subrogée dans les droits du créancier de l'indemnité jusqu'à
concurrence de ses obligations vis-à-vis de ce dernier. La dérogation de l'article 118 au texte employé dans les articles 78 et 237
ne constitue cependant qu'une variation de style de la part du législateur dans l'énonciation du même principe de la cessio legis,
adopté dans ces textes de la loi, d'où il suit que le droit à indemnisation de l'assuré passe à l'association d'assurance sociale et
que les principes de la subrogation légale édictés par le Code civil ne sont pas applicables. Cour 22 juillet 1950, 15, 84.
12° Les articles 78, 118 et 237 du Code des Assurances sociales disposent que si l'assuré peut réclamer à un tiers en vertu
d'une disposition légale, la réparation du dommage causé par maladie ou invalidité, ce droit passe à la caisse de maladie ou à
l'établissement d'assurance jusqu'à concurrence de leurs obligations respectives. Il s'ensuit que dans la mesure de ces
prestations, l'assuré n'est plus créancier du tiers responsable du dommage et que dans la même mesure ce tiers n'est débiteur
que de la caisse de maladie ou de l'établissement d'assurance. Cass. 25 mai 1950, 15, 18; Cour 26 février 1958, 17, 269.
13° Le dommage en droit commun de la victime d'un accident est fixé sans tenir compte des prestations effectuées par un
organisme de la sécurité sociale au profit de cette victime à la suite du fait dommageable et sans égard à l'origine des ressources
dont la victime est privée.
Spécialement, le préjudice causé à une veuve par la perte du soutien pécuniaire de son mari est fixé en droit commun sans
tenir compte du fait que le décès du mari a déclenché l'allocation d'une rente de veuve à charge de l'Etablissement d'assurance
contre la vieillesse et l'invalidité et sans distinguer selon que le soutien pécuniaire fourni par le mari trouvait son origine dans un
salaire ou dans une rente d'invalidité versée au mari par le même établissement d'assurance.
Il s'ensuit que l'Etablissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité, qui verse une rente de veuve à la suite d'un
accident mortel subi par un affilié social qui était, de son vivant, titulaire d'une rente d'invalidité allouée par le même établissement
d'assurance, est fondé à exercer son recours contre l'auteur responsable de l'accident, sans qu'il soit permis de compenser la
rente d'invalidité, versée avant le décès du mari, avec la rente de veuve, versée après ce décès. Cass. 28 novembre 1974, 23, 2.
14° En droit commun les rapports entre la victime et l'auteur d'un dommage, à savoir la détermination du préjudice et
l'étendue de l'obligation de réparer incombant à l'auteur responsable, sont soumis aux seuls principes de l'article 1382 du Code
civil.
Les dispositions du Code des Assurances sociales ont pour seul objet de déterminer dans quels cas et dans quelle mesure le
droit légal à la réparation du préjudice fixé d'après le droit commun que possède la victime ayant la qualité d'assuré social, passe
à l'établissement d'assurance concerné en vertu d'un mécanisme institué par la loi, ne peuvent avoir une influence ni sur l'assiette
de ce recours, ni sur l'étendue de l'obligation de réparer de l'auteur responsable du préjudice.
Lorsque le préjudice de droit commun d'une veuve consiste dans la perte du soutien pécuniaire que son mari, décédé à la
suite d'un accident, lui accordait de son vivant, ce préjudice est à évaluer in concreto, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que
ce soutien trouvait sa source dans un salaire ou dans une rente de vieillesse ou d'invalidité du mari et sans qu'il soit permis de
compenser la perte de soutien de l'épouse avec la rente de veuve qui lui est personnellement allouée après le décès du mari.
Cass. 14 janvier 1982, 25, 208.
15° Si la Caisse de pension des commerçants et industriels, contrairement à d'autres organismes de sécurité sociale, ne
possède pas de recours en vertu d'un texte lui attribuant expressément une cession légale, il n'en résulte pas qu'elle ne dispose
d'aucune action pour le remboursement de ses prestations.
Spécialement, les fautes qui ont été retenues à charge de l'auteur d'un accident mortel dont un commerçant a été victime, ont
entraîné l'obligation pour la Caisse de pension des commerçants et industriels de payer une pension à la veuve et aux enfants
mineurs et ont partant eu pour conséquence de substituer une dette immédiatement exigible à l'obligation simplement
conditionnelle qui existait auparavant à sa charge. Il s'ensuit que l'auteur de l'accident a, par ses fautes et dans la mesure où les
obligations de la Caisse ont été rendues plus onéreuses, directement causé à celle-ci un préjudice actuel et certain dont elle est
en droit de demander réparation sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil. Cour 7 décembre 1976, 23, 477.
16° La cession légale des droits de la victime opérée au profit des organismes d'assurance sociale en raison d'un sinistre
couvert par ces institutions et jusqu'à concurrence de la totalité de leurs prestations actuelles et futures de ce chef se consomme
au moment du fait générateur du dommage et c'est la loi en vigueur à cette époque, à l'exclusion de toute rétroactivité des
dispositions postérieures, qui détermine l'étendue des droits de l'organisme d'assurance. Eu égard au principe proclamé par
l'article 2 du Code civil, une application rétroactive des textes réformés à des rapports juridiques nés avant leur entrée en vigueur
ne saurait, à défaut d'une disposition formelle, être dégagée des prétendues tendances générales de la réforme. Cass. 9 juillet
1959, 18, 5.
17° Les lois concernant les assurances sociales n'ont en principe pas d'effet rétroactif.
Il s'ensuit qu'il faut apprécier les droits des intéressés au regard de la législation applicable au moment de la réalisation des
faits générateurs des droits et obligations réciproques, c'est-à-dire celle de l'échéance du risque assuré. Il s'ensuit encore que
l'étendue du droit de recours de l'Etablissement d'assurance, cessionnaire légal des droits de l'assuré à l'égard du tiers
responsable, est déterminée par la loi en vigueur au moment de la réalisation du risque. Conseil arbitral des Ass. sociales, 30 juin
1959, 18, 46.
18° Le recours de l'Etablissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité exercé par application de l'article 237 du Code
des Assurances sociales n'est pas limité, quant à son étendue, par l'invalidité partielle de l'assuré antérieure à l'accident, alors
que les relations entre l'établissement et l'assuré ont un caractère aléatoire, en ce sens que l'étendue des droits et obligations
réciproques est incertaine en tant qu'elle dépend d'un événement casuel qui se soldera nécessairement par un avantage
économique pour l'une ou l'autre partie. Conseil arbitral des Ass. sociales 30 juin 1959, 18, 46.
19° Si, en cas d'accident professionnel, l'article 116 du Code des Assurances sociales accorde à l'association d'assurance
une action en responsabilité contre l'auteur responsable de l'accident n'ayant pas la qualité de tiers au sens de l'article 115 dudit
Code, cette action est subordonnée à une condamnation pour délit intentionnel ou à une peine d'emprisonnement de huit jours au
moins.
En dehors de cette hypothèse, l'Assurance contre les accidents ne peut agir que sur la base de l'article 118 du Code des
Assurances sociales, en vertu duquel les droits du créancier de l'indemnité passent à l'association d'assurance.
Il s'ensuit que l'association ne peut exercer les droits de la victime assurée que dans les cas et dans la mesure où celle-ci est
nantie d'un droit d'action contre l'auteur responsable, c'est-à-dire à condition que ledit auteur ait la qualité de tiers non désigné par
l'article 115 du Code des Assurances sociales.
Aux termes de l'article 115 du Code des Assurances sociales, les assurés et leurs ayants cause ne sont pas recevables à
agir en réparation judiciaire des suites dommageables d'un accident professionnel contre l'entrepreneur, ni, dans tous les cas
d'un travail connexe, contre tout autre membre de l'association d'assurance contre les accidents ou contre leurs représentants,
employés ou ouvriers, à moins qu'un jugement pénal n'ait déclaré les défendeurs coupables d'avoir intentionnellement provoqué
l'accident.
Il faut admettre que le législateur a estimé que dans le cas d'un travail connexe, seuls les membres de l'association ayant
déjà, par le paiement de leurs cotisations, contribué à la réparation des accidents, ne peuvent, abstraction faite de l'accident
provoqué intentionnellement, plus être astreints à une contribution ultérieure du chef des suites d'un accident couvert par
l'assurance.
Il s'ensuit que le champ d'application de l'article 115 susdit ne peut être étendu aux entrepreneurs étrangers travaillant au
Grand-Duché et couverts par une assurance de leur pays d'origine, pareil entrepreneur n'étant pas à assimiler aux entrepreneurs
membres de l'association luxembourgeoise contre les accidents.
Il en est ainsi spécialement de l'entrepreneur français bénéficiant d'une décision ministérielle de dispense d'affiliation à
l'assurance-accidents, dispense accordée sur la base de la Convention sur la Sécurité sociale conclue entre le Grand-Duché de
Luxembourg et la France le 12 novembre 1949.
En cas d'accident professionnel subi par un ouvrier d'une entreprise par la faute d'un ouvrier d'une autre entreprise, les
ouvriers des deux entreprises ne sont pas à considérer comme des tiers les uns par rapport aux autres, qu'il y a à la fois travail
commun et direction unique. Cour 16 décembre 1960, 18, 230.
20° Les dispositions de l'article 115 du Code des Assurances sociales dérogent aux règles générales régissant tant l'action
en dommages-intérêts que l'article 1382 du Code civil combiné avec les articles 2 et 3 du Code d'instruction criminelle accorde à
la victime d'une infraction que les recours que la législation sociale réserve aux organismes de sécurité sociale.
Par conséquent, ces dispositions, contraires au droit commun, sont d'interprétation stricte et ne peuvent être étendues à des
cas autres que ceux y prévus expressément. Cass. 14 novembre 1963, 19, 254.
21° Les juges du fond doivent vérifier si les conditions d'application de l'article 115 du Code des Assurances sociales sont
remplies et ils ne peuvent écarter les actions exercées tant par la victime d'un accident de travail ou de trajet que par les
organismes de sécurité sociale qu'après avoir constaté l'existence de ces conditions.
Doit être cassé pour manque de base légale le jugement qui, après avoir constaté que l'auteur et la victime d'un accident
étaient en train de se rendre à leurs lieux de travail, que les deux étaient membres de l'association d'assurance contre les
accidents, que l'accident constituait pour les deux un accident de trajet et que l'auteur de l'accident n'avait pas été reconnu
coupable de l'avoir provoqué intentionnellement, déclare l'action civile de la victime de l'accident et l'action récursoire de
l'association d'assurance irrecevables, conformément à l'article 115 du Code des Assurances sociales, sans vérifier, en outre, si
l'accident avait comme auteur et comme victime des ouvriers d'une même entreprise, ni si, s'agissant de deux ouvriers
d'entreprises différentes, leur travail était connexe. Cass. 14 novembre 1963, 19, 254.
22° Alors même que les père et mère de la victime d'un accident de travail ne rempliraient pas les conditions posées par
l'article 103 du Code des Assurances sociales pour l'obtention d'une pension, ils n'en sont pas moins, au sens de l'article 115 du
même code, des ayants droit de la victime qui, comme tels, sont irrecevables à se prévaloir des dispositions du droit commun.
Cass. 17 décembre 1987, 27, 167.
23° Aucune disposition légale, réglementaire ou statutaire ne prévoit que la SNCFL agit comme cessionnaire des droits de
son agent, lorsqu'elle agit contre le tiers responsable en indemnisation du préjudice par elle subi personnellement du fait qu'elle a
continué à payer sans contreprestation en travail, le salaire dû à son employé. Cass. 22 décembre 1988, 27, 289.
24° Les tribunaux ne sont pas liés par les décisions des organismes de sécurité sociale sur le quantum de la réduction de la
capacité de travail subie par la victime d'un accident. Les juridictions de droit commun conservent pleine et entière liberté à l'effet
de fixer comme elles l'entendent le quantum du dommage dont elles imposent la réparation à l'auteur du dommage. Elles peuvent
attribuer à la victime des taux d'incapacité inférieurs à ceux admis par la sécurité sociale, quitte à ce que celle-ci conserve dans
les limites de l'indemnité mise à charge du tiers responsable son droit au remboursement de l'intégralité des indemnités ou rentes
servies sur base d'un taux supérieur. Cour 4 mars 1993, 29, 84.
25° Pour déterminer le recours des organismes de sécurité sociale il convient de suivre le système de la non-concordance
des époques. S'il faut exiger que le recours de la sécurité sociale porte sur un dommage de même nature, il ne faut cependant
pas exiger qu'il se couvre dans le temps avec le dommage de droit commun. Cour 4 mars 1993, 29, 84.
26° L'indemnité forfaitaire pour atteinte à l'intégrité physique se décompose en une partie matérielle et en une partie morale et
la partie matérielle est soumise au recours des organismes de sécurité sociale. Cour 4 mars 1993, 29, 84.

4. Personnes pouvant obtenir réparation

a. Héritiers - Actio ex haerede

1° L'action en réparation tant du dommage matériel que du dommage moral, qu'elle soit basée sur un quasi-délit ou sur une
infraction, est purement pécuniaire et, comme telle, fait partie du patrimoine de celui à qui elle appartient; elle passe donc, avec
ce patrimoine, aux héritiers ou aux donataires, qui le recueillent, à moins qu'il ne soit établi que la victime défunte y ait renoncé.
Cour 16 juillet 1920, 10, 559.
2° Comme en vertu du principe de la saisine l'héritier continue, sans interruption, la personne du défunt et acquiert tous les
droits et toutes les actions qui ont appartenu à ce dernier, y compris spécialement les actions en dommages-intérêts nées d'un
délit ou d'un quasi-délit, on ne saurait refuser aux héritiers l'exercice d'une pareille action dans l'hypothèse où le défunt a
succombé presqu'immédiatement aux blessures subies, puisque ce refus conduirait à cette conséquence choquante que les
héritiers pussent, comme tels, agir à raison d'un accident ou leur auteur a été blessé et ne pussent exercer ce même droit à
raison d'un accident où il a été tué sur le coup et qu'en pareil cas l'auteur de l'accident profiterait de l'excès même de sa faute et
serait obligé d'autant moins que celle-ci a été plus grave; en réalité ce n'est pas la mort de la victime qui engendre l'action, mais
c'est plutôt l'accident, cause de cette mort, et, quelque rapide que puisse être la mort d'une personne périssant par suite d'un
accident, le droit à l'indemnité pécuniaire lui ayant appartenu du chef de ses souffrances même morales, fait partie de son
patrimoine et s'est transmise à ses héritiers; même en admettant un ordre d'idées contraire, il n'en resterait pas moins vrai que la
doctrine et la jurisprudence s'accordent pour dire que, lorsque les deux événements qu'unit la relation de cause à effet, c'est-à-
dire l'accident et la mort, sont séparés par un certain laps de temps, fut-il court, l'accident survenu du vivant de la victime a donné
naissance à une action qui a pu, ne fût-ce qu'un instant de raison, résider sur sa tête et par conséquent passer à ses héritiers.
Lux. 15 avril 1912, 8, 474.
Voir en ce sens: Cour 5 mars 1926, 11, 411.

b. Epoux

La femme commune en biens qui justifie avoir subi un dommage personnel par suite d'un accident arrivé à son mari peut en
demander réparation, même au cas où ce dernier est encore en vie et a été indemnisé du chef du dommage qu'il a souffert, de
son côté, par l'effet du même sinistre; la demande de la femme ne peut pourtant pas être basée sur le soutènement que le mari,
devenu aveugle, n'est plus à même de remplir les obligations dont il est tenu envers son épouse en vertu de l'article 212 du Code
civil et que, par conséquent, la charge de vêtir, nourrir et entretenir cette dernière doit être prestée par la personne responsable
de l'accident, au lieu et place du mari; cette argumentation n'est pas de nature à justifier l'existence d'un dommage personnel à la
femme, si le mari a été complètement indemnisé de tout le dommage présent et futur qui pourra résulter pour sa personne de
l'accident dont il a été victime; dans ce cas il a été mis dans la même situation qu'avant l'accident, et ne subit aucune diminution
de ressources. Cour 15 juillet 1904, 6, 499.

c. Parents

1° Le dommage causé aux ascendants qui, dans un accident, ont perdu leur fils, consistant dans la privation du secours
alimentaire que ce dernier aurait pu leur fournir sur le salaire qu'il gagnait, et ce secours alimentaire n'ayant jamais pu consister
dans le versement d'un capital dont ne disposait pas la victime, il y a lieu d'allouer l'indemnité sous forme de rente viagère; si la
réparation doit être entière, elle ne peut cependant pas être telle qu'elle procure aux ayants-droit un avantage qui leur permette
de faire participer leurs héritiers à une indemnité à laquelle ceux-ci n'ont aucun droit. Lux. 10 juin 1903, 6, 303.
2° Les tribunaux saisis d'une demande en dommages-intérêts au nom d'une personne lésée qui ne réclame pour elle que
l'allocation d'une rente viagère et la réversibilité pour partie de cette rente au nom de personnes dont elle est le soutien et qui
peuvent lui réclamer des aliments, peuvent, aux termes des dispositions générales de l'article 1382 du Code civil, étendre le
bénéfice et l'effet de leur décision à la femme et aux enfants de la victime; ces tiers, étrangers à l'action, mais qui ont des droits
corrélatifs d'obtenir des aliments et qui profitent pour partie des indemnités accordées à la victime, si celle-ci est leur soutien, ont
le droit d'intervenir dans l'instance pour réclamer, d'accord avec la partie lésée, la réversibilité de l'indemnité accordée sous forme
de rente viagère. Cour 15 décembre 1893, 4, 112.
3° L'article 1382 ne limite ni la nature du fait dommageable, ni celle du dommage éprouvé, ni celle du lien qui doit unir la
victime à celui des ayants-droit qui en demande réparation; en conséquence les frères et sœurs de la victime sont fondés à
demander réparation du dommage qu'ils ont éprouvé par la rupture des liens d'affection et de vie commune qui les unissaient.
Cour 15 juin 1925, 11, 282.
4° Pour l'évaluation du dommage de valeurs affectives résultant d'un délit ou d'un quasi-délit, il faut tenir compte de la nature
des liens de parenté et des relations d'affection ayant existé entre la victime et ceux qui demandent l'octroi d'une indemnité pour
le dommage moral dû au décès d'un être cher.
Spécialement, les collatéraux de la victime n'ont droit à la réparation d'un dommage moral que dans des cas particuliers, et
une indemnisation ne doit être accordée qu'à ceux des frères et sœurs qui ont eu une cohabitation prolongée avec la victime, à
moins de circonstances spéciales permettant d'admettre une douleur très caractérisée dans le chef des demandeurs. Cour 13
octobre 1954, 16, 210.

d. Concubins

L'article 1382 du Code civil ne subordonne pas, en cas de décès de la victime, l'octroi de dommages-intérêts à l'existence
d'un lien de droit entre le défunt et le demandeur en indemnisation.
Si la mère de la victime d'un accident mortel vit en concubinage avec un tiers, ce concubinage n'est pas de nature à rendre
illégitimes ou immoraux les liens d'affection qui ont pu exister entre le concubin et la victime.
Le préjudice moral causé par la mort d'un être cher ne doit être réparé que s'il y a véritable désarroi de l'âme, soit une douleur
très vive excédant de loin les simples regrets qu'engendre toujours une telle perte.
Si jusqu'à preuve du relâchement des liens habituels d'affection, un tel désarroi doit être présumé pour les proches parents,
tels le conjoint, les père et mère ou les enfants de la victime, cette présomption n'existe plus, dès que le degré de parenté n'est
pas immédiat et à plus forte raison quand il n'existe pas de degré de parenté ni légitime ni naturel. Il appartient alors au
demandeur en indemnisation de rapporter la preuve du grand chagrin causé par le décès.
Spécialement, si le concubin de la mère de la victime d'un accident mortel a pourvu aux besoins de la victime pendant le
temps où elle a vécu ensemble avec lui et sa mère, ce fait n'établit pas à lui seul que la mort de la victime ait provoqué chez lui
un véritable désarroi de l'âme. Il lui appartient dès lors d'articuler et d'établir des faits rendant vraisemblables l'existence d'un tel
chagrin. Cour 11 décembre 1972, 22, 232.

III. Droit international privé

1° La responsabilité de l'auteur d'un dommage est régie par la loi du lieu où s'est produit le fait générateur du dommage. C'est
d'après cette même loi que doit être tranchée la question de la prescription de l'action en réparation. Lux. 14 juillet 1959, 17, 501.
2° Si le fait dommageable a été posé à l'étranger entre étrangers, l'action qui en découle est régie par la loi étrangère, même
si elle est portée devant un tribunal indigène. Cour 5 février 1897, 4, 330.
3° L'accident arrivé à un Luxembourgeois en territoire allemand et générateur de la responsabilité de l'Etat allemand doit,
quant à cette responsabilité, au taux et au genre de l'indemnité redue, être apprécié suivant les dispositions de la loi allemande.
Cour 15 décembre 1893, 4, 112.
4° Si, d'après les règles de droit international privé, les tribunaux civils luxembourgeois, saisis d'une demande en dommages-
intérêts en raison d'un délit commis à l'étranger, doivent appliquer la loi du lieu où le délit a été commis, il en est différemment,
lorsque l'auteur du fait dommageable est membre de l'armée luxembourgeoise stationnée en territoire étranger occupé et que le
fait a été commis sur le territoire étranger occupé. Dans ce cas, l'auteur du fait, membre de l'armée luxembourgeoise exerçant les
attributs de la souveraineté du Grand-Duché, ne peut être actionné devant les tribunaux luxembourgeois en réparation du
dommage causé d'après la loi du pays occupé, mais seulement d'après la loi luxembourgeoise.
Cette règle reste applicable, même si la victime du fait dommageable, demanderesse en dommages-intérêts, est membre
d'une autre armée alliée occupant le même territoire étranger. Cour 25 février 1964, 19, 414.
5° Lorsqu'un officier de l'armée luxembourgeoise commet un fait dommageable en territoire étranger occupé par l'armée
luxembourgeoise, et que l'Etat luxembourgeois est actionné par la victime devant les tribunaux luxembourgeois comme
responsable des fautes commises par l'officier considéré comme organe de l'Etat, le litige met en jeu des principes concernant
l'organisation de l'Etat luxembourgeois. D'après le principe de la souveraineté de l'Etat, ces questions d'ordre politique sont à
décider d'après la loi de l'Etat qu'elles concernent c'est-à-dire d'après la loi luxembourgeoise. Cour 25 février 1964, 19, 414.
6° Au cas où un contrat d'assurance a été passé et doit sortir ses effets au Luxembourg, il est régi par la loi luxembourgeoise,
loi de police et de sûreté, et notamment par les dispositions impératives imposées aux assureurs et aux preneurs d'assurance
dans l'intérêt des tiers. Parmi ces dispositions, il y a lieu de ranger la garantie que constitue pour la partie lésée par un accident
l'action directe contre l'assureur. Par conséquent, lorsqu'un accident est survenu dans un pays étranger dont la législation ignore
l'action directe, la victime, agissant au Luxembourg, dispose de cette action contre l'assureur de l'auteur de l'accident. Lux. 14
juillet 1959, 17, 501.
7° Quelle que soit la nationalité des parties en cause, c'est la loi du lieu où le fait illicite dommageable s'est produit qui régit
les conditions de la responsabilité civile ainsi que le mode et l'étendue de la réparation à laquelle la victime peut prétendre.
Si l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est subordonnée à l'existence d'une convention d'assurance,
elle trouve son fondement, en vertu de la loi, dans le droit à la réparation du préjudice causé au Luxembourg par l'accident dont
l'assuré est reconnu responsable. Etant ainsi liée à la sanction des délits commis sur le territoire national, elle est irrecevable dès
lors que l'accident, dont réparation est demandée, s'est produit à l'étranger et que la loi étrangère ignore l'action directe de la
victime contre l'assureur. Lux. 6 avril 1965, 19, 549.

Art. 1384. On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais
encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a
sous sa garde.
(L. 6 février 1975) Le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés;
(L. 1er septembre 1988) Les artisans, du dommage causé par leurs apprentis, pendant le temps
qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils
n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
I. Responsabilité du fait des choses inanimées

A. Distinction avec d'autres ordres de responsabilité

1. Responsabilité du fait des choses et responsabilité pour faute

1° L'action en responsabilité du droit commun établie par les articles 1382 et 1383 du Code civil et celle du fait des choses
établie par l'article 1384, alinéa 1er, mènent deux existences nettement distinctes, alors que, bien qu'ayant le même objet, les
deux actions procèdent de causes juridiques absolument différentes.
Il s'ensuit que l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux articles 1382 et 1383 du
même code, pareil caractère subsidiaire ne résultant d'aucune disposition légale. Cour 25 octobre 1961, 18, 379.
2° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil établit non pas une présomption de faute, mais une présomption de responsabilité
à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui. La responsabilité du fait des
choses a un caractère purement objectif, alors qu'elle est fondée non pas sur une faute subjective du gardien, mais sur le
comportement de la chose inanimée dans la réalisation du dommage. Il s'ensuit que l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil jouit,
par rapport aux, articles 1382 et 1383 d'une autonomie complète et que la victime qui a recours à l'article 1384, alinéa 1er, si son
action n'est plus recevable sur la base des articles 1382 et 1383, ne commet aucune fraude à la loi, mais ne fait qu'user d'un
droit.
Il résulte encore du principe de l'autonomie de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil que l'autorité de la chose jurée au pénal
est sans influence sur l'applicabilité de l'article précité et que la prescription de l'action civile en responsabilité basée sur la faute
délictuelle de l'auteur du fait dommageable ne peut rendre la victime irrecevable à invoquer l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil
pour obtenir la réparation du dommage à elle causé par la chose inanimée. Cour 25 octobre 1961, 18, 379.
er
3° On ne saurait lire dans l'article 1384, alinéa 1 du code civil, l'existence d'un principe général de responsabilité civile du fait
d'autrui et étendre l'application des dispositions existantes à d'autres personnes que celles visées explicitement et limitativement
par les textes. Cour 9 février 2000, 31, 306,

2. Influence des décisions intervenues au pénal sur la responsabilité du fait des choses

1° La présomption de responsabilité, édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil à charge du gardien d'une chose
inanimée, est indépendante de la notion de faute au sens des articles 418 et 420 du Code pénal et de l'article 1382 du Code civil;
il s'ensuit que l'acquittement, intervenu devant les juridictions répressives au profit du gardien de la chose est sans influence sur
la présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Cass. 10 décembre 1953, 16, 49.
2° En cas de poursuite pour lésions involontaires, la décision d'acquittement de la juridiction répressive ne s'impose pas au
civil, lorsque l'action civile en réparation du dommage causé, au lieu d'être fondée sur une idée de faute ou d'imprudence, est
basée sur la présomption de responsabilité pesant sur le gardien de la chose incriminée. Cour 15 mai 1956, 16, 484.
3° L'acquittement du gardien du chef de coups involontaires ne rend pas la victime irrecevable à actionner celui-ci en
réparation du dommage causé. Cass. 26 février 1931, 12, 193.
4° L'ordonnance de non-lieu intervenue en faveur du gardien d'une chose inanimée inculpé d'homicide involontaire n'a pas
pour effet d'anéantir la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alors qu'il n'en résulte pas que le dommage est dû
à un cas fortuit ou de force majeure ou à une cause étrangère qui ne lui est pas imputable. Cour 19 décembre 1933, 13, 117.
5° La présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil à charge du gardien d'une chose
inanimée est indépendante de la notion de faute au sens des articles 418, 419 et 420 du Code pénal et des articles 1382 et 1383
du Code civil.
Il s'ensuit que la décision définitive d'acquittement intervenue devant la juridiction répressive au profit du gardien de la chose
est sans influence sur la présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Lux. 7 mai 1981, 26,
21.

B. Fait de la chose

1. Détermination de la chose

a. Meubles et immeubles
1° L'article 1384 est général et vise les dommages causés par meubles ou immeubles. Cour 24 décembre 1930, 12, 197.
2° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil vise dans sa généralité les choses inanimées tant mobilières qu'immobilières et ne
fait pas de distinction entre les choses inertes et les choses en mouvement.
Spécialement, l'ensemble des signaux lumineux, placés à un croisement, constitue une chose inanimée au sens de l'article
1384, alinéa 1er, du Code civil. Lux. 21 juin 1965, 19, 590.

b. Chose dangereuse - Chose atteinte d'un vice

1° Le gardien de la chose qui, en devenant la proie des flammes, a communiqué le feu à la propriété mobilière ou immobilière
d'un voisin, doit être présumé responsable du dommage qui en est résulté pour ce dernier, lorsque la cause de l'incendie n'est
pas établie. Il ne pourra pas décliner sa responsabilité en soutenant que sa chose n'était pas susceptible de s'enflammer
spontanément ou qu'il avait pris toutes les mesures pour la préserver du feu.
Cependant, s'il se trouve nettement établi que le feu est dû à l'action ou à la négligence d'un tiers, la chose qui en brûlant n'a
fait que subir le feu ne saurait être considérée comme étant la cause génératrice du dommage causé à la propriété du voisin.
Cour 4 février 1969, 21, 123.
2° Pour échapper à l'application de la présomption de responsabilité que l'article 1384 du Code civil édicte contre le gardien
de la chose inanimée qui a causé un dommage, le gardien soutient vainement que la chose inanimée n'était pas dangereuse et
n'a pas pu causer par elle-même le dommage; la loi ne distingue en effet pas, suivant que la chose inanimée était ou non
actionnée par la main de l'homme et il n'est pas nécessaire qu'elle soit dangereuse par elle-même ou qu'elle ait un vice inhérent à
sa nature et susceptible de causer le dommage, l'article 1384 du Code civil attachant la responsabilité à la garde de la chose et
non à la chose elle-même. Cour 30 octobre 1951, 15, 229.
3° L'article 1384 du Code civil qui édicte une présomption de responsabilité contre le gardien de la chose inanimée n'exige
pas que la chose soit atteinte d'un vice ou dangereuse par elle-même. Il s'ensuit que la présomption de responsabilité est
applicable au gardien d'une bicyclette. Diekirch 18 février 1959, 17, 512.
4° L'article 1384 du Code civil dispose qu'on est responsable du dommage que l'on cause par le fait des choses que l'on a
sous sa garde; pour l'application de ce texte, il n'est pas nécessaire que la chose soit entachée d'un vice, l'article 1384 du Code
civil rattachant la responsabilité à la garde de la chose et non à la chose elle-même. Cour 2 décembre 1957, 17, 263.

c. Chose actionnée par la main de l'homme

1° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ne distingue pas pour l'application de la présomption de responsabilité qu'il édicte
suivant que la chose qui a causé le dommage était inerte et nullement dangereuse par elle-même ou si elle était actionnée par la
main de l'homme. Cour 24 octobre 1956, 17, 17.
2° La présomption de responsabilité de l'article 1384 ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force
majeure; il est indifférent que la chose qui a causé le dommage ait été ou non actionnée par la main de l'homme ou qu'elle ait un
vice, la responsabilité visant la garde, non la chose. Cass. 26 février 1931, 12, 193.
3° Pour l'application de la présomption de responsabilité édictée contre le gardien juridique d'une chose inanimée, la loi ne
distingue pas suivant que la chose inanimée était ou non actionnée par la main de l'homme, l'article 1384 du Code civil attachant
la responsabilité à la garde de la chose et non à la chose elle-même. Cour 20 février 1952, 15, 387.

2. Preuve de l'intervention de la chose

a. Rôle actif de la chose

Chose inerte - Chose en mouvement - Comportement normal de la chose

1° Pour déterminer les conditions de la responsabilité du gardien d'une chose inanimée, il faut distinguer entre l'hypothèse où
la chose n'est pas entrée en contact matériel avec la victime - auquel cas il faut et il suffit qu'il soit prouvé qu'elle a été la cause
génératrice du dommage - et l'hypothèse où la chose a été en contact avec la victime, en sous-distinguant, dans pareil cas,
suivant que la chose était inerte ou immobile, ou ne l'était pas.
Lorsque la chose est entrée en contact avec la victime, et qu'elle était complètement inerte et immobile, la victime est tenue
de rapporter la preuve de l'anormalité ou de l'anomalie de la chose par sa position, son installation ou son comportement.
En cas de chute sur le plancher d'une salle de gymnastique, le demandeur peut établir cette preuve en démontrant que le sol
était anormalement glissant.
Le gardien de la chose peut cependant s'exonérer, soit en prouvant que celle-ci, même en ayant participé matériellement au
dommage, n'en est pas la cause parce qu'elle n'a joué qu'un rôle passif, soit en établissant que la chose n'a été l'instrument du
dommage que sous l'effet d'une cause étrangère non imputable au gardien. Cour 8 mars 1978, 24, 95.
2° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil vise dans sa généralité les choses inanimées tant mobilières qu'immobilières et ne
fait pas de distinction entre les choses inertes et les choses en mouvement. Lux. 21 juin 1965, 19, 590.
3° La victime d'un dommage, agissant en réparation sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, n'a qu'à
prouver que la chose qu'elle prétend avoir causé le dommage est intervenue dans la réalisation de ce dernier. Cette preuve faite,
la chose est présumée avoir été la cause génératrice du dommage, sauf au gardien à s'exonérer de la présomption de
responsabilité pesant sur lui en établissant que sa chose n'a joué qu'un rôle purement passif. Tel est notamment le cas, lorsqu'au
moment de l'événement dommageable la chose se trouvait dans des conditions régulières et normales.
Spécialement, si la fosse de graissage, qui est l'accessoire normal de tout garage, est facile à percevoir par toute personne
pénétrant dans le garage, cette fosse doit être considérée comme ayant joué un rôle passif dans l'accident survenu à celui qui par
suite d'une inattention caractérisée y est tombé. Cour 2 juin 1970, 21, 309.
4° Le gardien d'une chose inanimée ne saurait s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en alléguant que
la chose aurait joué un rôle passif dans une collision avec une autre chose, alors qu'il suffit pour que la responsabilité du gardien
soit engagée, que la chose soit intervenue dans la réalisation du préjudice et qu'il faut présumer jusqu'à preuve contraire que
cette intervention a été causale et active. Cour 15 mai 1956, 16, 484.
5° L'accident survenu à l'intérieur d'un magasin à un enfant mineur qui accompagne sa mère, l'accident se produisant lors
d'une chute dans un escalier mécanique, engage la responsabilité de l'exploitant du magasin par application de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil, à condition que la preuve soit rapportée que l'escalier a été, en quelque manière et ne fût-ce qu'en
partie, l'instrument du dommage ayant contribué à le réaliser. Dans ce cas, l'escalier est présumé être la cause génératrice du fait
dommageable et le gardien de l'escalier ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui qu'en prouvant
que le dommage a eu lieu par l'effet d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.
L'exploitant d'un magasin est présumé responsable du dommage causé à une personne prise dans l'engrenage des marches
d'un escalier mécanique installé à l'intérieur du magasin, et ce en qualité de gardien, à condition que l'escalier soit intervenu
activement dans la réalisation du dommage. Pour s'exonérer, l'exploitant peut prouver la faute de la victime. Cour 17 janvier
1967, 20, 233.
6° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil présume la responsabilité du gardien de la chose du moment que celle-ci, inerte ou
en mouvement, est intervenue dans la réalisation du dommage. Le gardien ne peut s'exonérer de la présomption de
responsabilité pesant sur lui qu'en prouvant que la chose n'a joué qu'un rôle purement passif et n'a pas été la cause génératrice
du dommage. Une chose inerte est considérée comme ayant joué un rôle passif, quand elle avait au moment de l'accident un
comportement normal. Lux. 13 novembre 1957, 17, 195.
7° Pour l'application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la chose incriminée doit être la cause du dommage. Si elle est
présumée en être la cause génératrice, dès lors qu'inerte ou en mouvement, elle est intervenue dans sa réalisation, le gardien
peut détruire cette présomption en prouvant que la chose n'a joué qu'un rôle purement passif en subissant seulement l'action
étrangère génératrice du dommage.
Spécialement, si un cycliste s'engage dans un rue, interdite à la circulation publique et présentant l'aspect d'un chantier de
construction, et qu'il y bute contre un amas de terre parfaitement visible comme les tas de gravier et de pierres qui s'y trouvent
également, la cause génératrice de l'accident par lui subi réside entièrement dans son imprudence. Par voie de conséquence, le
gardien de l'amas de terre ne saurait être déclaré responsable de cet accident sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du
Code civil. Cour 21 février 1972, 22, 187.
8° En cas d'accident dû à la présence de verglas sur une route, l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil est sans application à
l'encontre de l'Etat, dès lors que la route, dont l'Etat est gardien, n'est pas intervenue activement dans la genèse de l'accident.
Tel est notamment le cas, si la route se trouvait dans un état normal et ne présentait ni excavation, ni parties saillantes, ou
autres irrégularités de surface qui eussent pu être à l'origine de l'accident.
La présence de plaques de verglas, même au début d'avril, sur une route des Ardennes se trouvant à l'abri du soleil, doit être
considérée comme une situation normale avec laquelle les usagers doivent compter. Cour 10 octobre 1972, 22, 420.
9° L'intervention d'une chose inanimée dans la réalisation d'un dommage est censée active lorsque la chose se trouve dans
un état anormal.
Présente un état anormal, une chaussée qui, au début de novembre vers 8.25 heures, le ciel étant clair, est recouverte d'une
plaque de verglas étroitement localisée dans un virage. Lux. 16 décembre 1980, 25, 225.
10° Le verglas, recouvrant une chaussée n'étant qu'une propriété de celle-ci capable de rendre son état anormal suivant les
circonstances, n'est pas susceptible de garde par une personne autre que le propriétaire de la chaussée. Lux. 16 décembre
1980, 25, 228.
11° Si le propriétaire d'une pente, recouverte de glace, a enlevé la glace sur une partie de la pente et si l'enfant qui glisse sur
cette pente y subit un accident du fait qu'il a les pieds bloqués sur la partie de la pente dénudée de glace, cette partie doit être
considérée comme s'étant trouvée dans une situation qui n'était pas susceptible normalement de causer un dommage et la cause
génératrice de ce dernier réside toute entière dans l'imprudence de la victime qui s'est élancée sur la pente tout en sachant
parfaitement qu'elle risquait fort de ne pouvoir freiner sa course à temps, d'avoir les pieds bloqués sur le sol nu et d'être ainsi la
victime d'un accident. Cour 20 avril 1971, 21, 503.
12° En cas de contact matériel entre le siège d'un dommage et une chose en mouvement, la victime bénéficie d'une
présomption de causalité en vertu de laquelle la chose est présumé avoir joué un rôle causal, présomption qu'il incombe au
gardien de renverser en prouvant, soit que la chose n'a joué qu'un rôle passif dans la production du dommage, soit que celui-ci
est dû à une cause étrangère.
En cas d'absence de contact, la victime doit, par contre, prouver l'intervention de la chose dans la réalisation du dommage,
contrairement aux apparences, et le caractère anormal de celle-ci. Ce faisant, elle prouve non seulement que la chose est
matériellement intervenue, mais encore que cette intervention ne peut qu'être la cause du dommage, sauf la preuve par le
gardien d'une cause étrangère qui, en raison de son caractère imprévisible et insurmontable, aurait pour effet de l'exonérer
totalement de la responsabilité de plein droit pesant sur lui. Cour 15 décembre 1982, 25, 392.
13° La responsabilité du gardien d'une chose inanimée peut être engagée à condition que la victime apporte la preuve à la
fois de l'intervention de la chose et du rôle actif de cette chose en raison de l'anomalie de sa position ou de son installation, ou en
raison d'un vice interne.
Est notamment à considérer comme anormale, l'installation d'un bassin rempli d'eau d'une profondeur de 0,44 m situé de
plein pied avec le gazon d'un jardin au milieu d'une cité où des enfants en bas âge, ont l'habitude de jouer, dès lors qu'il est facile
aux enfants d'y accéder par des entrées ouvertes dans la clôture et que le bassin n'est pas pourvu d'un dispositif de protection
empêchant les enfants d'y tomber. Cour 19 décembre 1984, 26, 241.
14° Le fait de la présence d'une excavation d'une profondeur de 5 à 10 cm, sur une étendue d'environ un demi mètre carré, à
proximité du trottoir, en pleine ville, sur une chaussée ouverte à la circulation et non autrement signalée ni clôturée, fait que l'état
de la chaussée est anormal et qu'en cas d'accident, elle y intervient activement en raison de cette anomalie. Cour 16 mars 1987,
27, 101.
15° S'il est vrai qu'il appartient à l'Etat de pallier par des mesures de police et de contrôle à la présence sur la voie publique
d'une flaque de mazout répandue par un tiers, il n’en reste pas moins que l'Administration des Ponts et Chaussées ne peut faire
en sorte que les voies publiques soient toujours parfaitement dégagées de tout obstacle dès lors qu’il lui est impossible de
contrôler heure après heure l'état des routes de son territoire.
Il s'en suit que la présence d'une telle pollution sur la voie publique, qui s’est produite peu de temps avant l'accident,
constitue dans le chef de l'Etat un cas fortuit l'exonérant de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui. Cour 20 novembre
1996, 30, 162.

b. Contact avec la chose

1° Si la victime d'un dommage démontre qu'une chose inanimée a participé à la réalisation du préjudice par elle subi, le
gardien de cette chose est présumé responsable de ce préjudice, encore qu'il n'y ait eu aucun contact entre la chose inanimée et
la victime ou la chose de la victime. Lux. 8 février 1961, 18, 324.
2° Lorsqu'un dommage s'est produit, sans qu'il y ait eu contact matériel avec une chose inanimée, il incombe à la victime qui
intente une action sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil de prouver que la chose inanimée a participé à la
production du dommage, soit par l'anomalie de son comportement, soit par l'anomalie de sa position lors de la réalisation du
sinistre.
Cette participation de la chose étant démontrée, la présomption de causalité établie par l'article 1384, alinéa 1er, s'impose au
gardien. Cour 9 janvier 1980, 25, 27.
3° Lorsqu'un dommage s'est produit, sans qu'il y ait eu contact matériel avec une chose inanimée, il incombe à la victime qui
intente une action sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil de prouver que la chose inanimée a participé à la
production du dommage soit par l'anomalie de son comportement, soit par l'anomalie de sa position lors de la réalisation du
sinistre. Lux. 22 février 1983, 26, 113.
4° En cas de contact matériel entre une chose en mouvement et une victime, l'intervention causale de la chose est présumée
et il incombe au gardien de la chose de se décharger de la présomption de l'intervention causale soit en établissant le caractère
purement passif de la chose, soit en prouvant l'intervention d'une cause extérieure.
En l'absence de contact, ou lorsque la chose est restée inerte, il appartient d'abord à la victime de prouver que cette chose a
été du moins pour partie l'instrument du dommage.
Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'une chose inerte, la victime ne peut se contenter d'établir l'intervention matérielle de la
chose impliquée par le contact, mais doit encore prouver l'anomalie de la chose soit par sa position, soit par son installation, soit
par son comportement.
Un terrain à bâtir entouré d'une clôture facilement franchissable et contenant des excavations profondes remplies d'eau
présente un caractère anormal. Cour 1er février 1984, 26, 147.

C. Personnes pouvant invoquer l'article 1384, alinéa 1er

1. Recours entre coauteurs

1° Pour établir la responsabilité de la victime, le coauteur d'un dommage n'est pas admis à se prévaloir des dispositions de
l'article 1384 du Code civil. En effet, ces dispositions ont été prises dans l'intérêt exclusif de la victime, de sorte que seule celle-ci
est en droit de s'en prévaloir, à l'exclusion de toutes autres personnes. Lux. 14 mars 1959, 17, 472.
2° La personne qui, sur la base d'une présomption de responsabilité, a été condamnée à indemniser la victime d'un accident
causé par le fait combiné d'un animal et d'une chose inanimée à un recours contre ses prétendus co-responsables et peut se
prévaloir à son tour des présomptions de responsabilité édictées par la loi. Cour 19 décembre 1933, 13, 110.
3° Celui des deux gardiens qui a intégralement désintéressé la victime a, par l'effet de la subrogation légale, un recours
contre l'autre coauteur dans la mesure de la responsabilité de celui-ci et il peut fonder ce recours sur l'article 1384, alinéa 1er,
alors qu'il exerce par voie subrogatoire l'action dont la victime disposait elle même sur la base de l'article en question. Ce recours
entre les différents gardiens n'est recevable que si le gardien assigné par la victime a, à ce titre, désintéressé totalement la
victime. Lux. 22 février 1983, 26, 113.

2. Passager transporté à titre gratuit

La responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil peut être invoquée contre le gardien de la chose par le
passager transporté dans un véhicule à titre bénévole, hors les cas où la loi en dispose autrement. Cass. 25 juin 1970, 21, 295.

D. Garde

1. Notion de garde

a. Pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle

1° La responsabilité de plein droit, imposée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil au gardien d'une chose inanimée est
fondée sur l'obligation de garde, corrélative aux pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qui caractérisent le gardien. Cour 23
décembre 1971, 22, 91.
2° La garde juridique d'une chose inanimée ne résulte pas d'un simple pouvoir de fait, mais du pouvoir de commandement et
de direction sur cette chose. Cour 20 février 1952, 15, 387.
3° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil qui traite de la responsabilité du fait des choses édicte une présomption de
responsabilité à l'encontre de celui qui en a la garde.
Est gardien d'une chose celui qui exerce sur elle les pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle.
Ces pouvoirs impliquent nécessairement l'exercice des fonctions vitales de la part de celui qui est présumé gardien.
Doit être cassé pour fausse application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil le jugement qui retient contre le gardien
présumé de la chose ayant causé un dommage la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil et ce après avoir rejeté l'exception de force majeure tirée du fait que par suite d'une syncope, le gardien n'était au moment du
fait dommageable pas en possession des facultés mentales et physiques, au motif qu'il serait irrelevant de rechercher si la
syncope alléguée avait privé le gardien présumé des pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle de la chose. Cass. 13 juin
1963, 19, 109.
Voir aussi infra sub b.

b. Gardien

Présomption attachée à la qualité de propriétaire

1° Le propriétaire d'une chose inanimée en est présumé le gardien et il lui appartient d'établir, en cas de dommage causé par
la chose, qu'il n'en avait pas ou plus la garde au moment de l'accident. Cour 26 mai 1975, 23, 167.
2° Lorsque le propriétaire d'une chose inanimée a été actionné en réparation du dommage causé par cette chose et que cette
action a été basée sur la qualité de propriétaire faisant présumer celle de gardien, est irrecevable pour manque de base en fait le
moyen de cassation tiré de ce que le juge du fond s'est borné à constater que le défendeur n'était pas propriétaire de la chose
pour en déduire qu'il n'en était pas non plus gardien, alors qu'en ce faisant le juge du fond n'a pas confondu la notion de
propriétaire avec celle de gardien, mais a statué dans les limites du contrat judiciaire, tel qu'il l'a interprété à tort ou à raison.
Cass. 4 juillet 1957, 17, 102.
3° Si, en matière de responsabilité civile, une présomption de garde pèse sur le propriétaire de la chose ayant causé un
dommage, la garde est néanmoins indépendante de la propriété.
L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil frappe, en effet, non le propriétaire, mais le gardien, c'est-à-dire celui qui exerce en
fait, au moment de l'accident, un pouvoir de commandement sur la chose. Cour 22 décembre 1965, 20, 23.
Exercice de la garde par l'intermédiaire d'un préposé

1° La responsabilité légale du fait des choses inanimées est alternative et n'atteint qu'une seule personne, à savoir le gardien
de la chose qui n'est autre que celui qui en a l'usage, le contrôle et la direction.
Celui qui a la qualité de préposé ne saurait être considéré comme gardien de la chose, alors que celle-ci, bien que confiée au
préposé, reste sous la direction du commettant. Diekirch 17 mai 1961, 18, 513.
2° La garde de la chose inanimée, au sens de l'article 1384 du Code civil, appartient à celui qui a, en fait, un pouvoir de
commandement relativement à cette chose; ce sont les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction qui constituent le gardien. Il
convient toutefois de distinguer entre la direction d'une chose au sens intellectuel, laquelle consiste dans l'exercice d'un pouvoir
de commandement, et la direction de cette chose au sens matériel qui suppose la détention «lato sensu». Il s'ensuit qu'un
préposé ne peut pas être gardien d'une chose dont il se sert dans ses fonctions, après que le propriétaire-commettant la lui a
confiée, le lien de subordination et de dépendance dans lequel se trouve le préposé étant incompatible avec le pouvoir de
commandement qui constitue le gardien. Ce pouvoir appartient seulement au commettant qui reste gardien de la chose. Cour 2
décembre 1957, 17, 263.
3° Lorsqu'une chose inanimée est utilisée par un domestique ou préposé dans l'exercice de ses fonctions et pour compte de
son maître, propriétaire de la chose, le maître en conserve la garde en raison de son pouvoir de direction. Il en est autrement et
la garde de la chose passe sur la tête du domestique, lorsque celui-ci se sert de la chose en dehors de ses fonctions pour son
usage et dans son intérêt personnel, indépendamment de la question de savoir si c'est à l'insu ou de l'accord exprès ou tacite du
maître que le domestique a acquis la possession de la chose. Diekirch 18 février 1959, 17, 512.
4° Si, en principe, le commettant, propriétaire de la chose inanimée, génératrice du dommage, qu'il a confiée à son préposé,
en demeure gardien, la garde s'exerçant alors par l'intermédiaire d'autrui, c'est-à-dire du préposé, il en est différemment dans
certaines circonstances où l'obligation de garde doit être considérée comme transférée au préposé; il en est ainsi, en particulier,
si le commettant a prêté sa chose au préposé, ou si, lors de l'événement dommageable, le préposé faisait usage de la chose à
des fins personnelles en vertu d'une autorisation tacite de son commettant ou l'utilisait en dehors de ses fonctions. Lux. 29 juin
1960, 18, 248.

Enfant

En cas de dommage causé par un ballon de jeu remis à un enfant âgé de six ans et demi par son père, la présomption de
responsabilité qui pèse sur le gardien du ballon ne saurait être invoquée contre le père, alors que le ballon est une chose qui par
sa nature peut être confiée au pouvoir de contrôle et de direction d'un enfant de cet âge et que le père, en relaissant la détention
et l'usage du jouet à l'enfant, lui en a également transféré la garde. Cour 7 février 1962, 18, 494.

Etat et communes

1° Ayant la garde de sa voirie, la commune est obligée d'assurer la sécurité du passage sur les chemins ouverts à la
circulation. Elle doit dès lors être déclarée responsable, sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, des conséquences
d'un accident dû au mauvais entretien d'un chemin communal. Lux. 17 octobre 1962, 19, 92.
2° La responsabilité de plein droit, imposée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil au gardien d'une chose inanimée est
fondée sur l'obligation de garde, corrélative aux pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qui caractérisent le gardien.
Spécialement, étant, d'après les dispositions légales et réglementaires en vigueur, tenu d'assurer la sécurité de la circulation
sur les trottoirs dont elle assume seule et sans ingérence possible des riverains la construction l'entretien et la réparation, la Ville
de Luxembourg doit être considérée comme ayant seule la direction et le contrôle des trottoirs. Elle en à encore l'usage par
l'intermédiaire de ses administrés qui y circulent, en sorte qu'elle en est légalement constituée gardienne.
Si les habitants de la Ville de Luxembourg sont en vertu du règlement général de police du 25 avril 1966 tenus de maintenir
en état de propreté les trottoirs et de dégager ceux-ci de la neige et du verglas, cette obligation n'est pas de nature à entraîner un
transfert total ou partiel de la garde, alors qu'est seul gardien de la chose inanimée celui qui a, en fait, un pouvoir de
commandement relativement à la chose et que ce pouvoir revient à la seule Ville de Luxembourg. Cour 23 décembre 1971, 22,
91.
3° L'obligation incombant à la commune d'assurer la commodité et la sûreté du passage sur toutes les voies publiques
aménagées sur son territoire, n'est pas de nature à priver l'Etat de la garde des routes formant sa propriété et traversant le
territoire communal. Cour 26 mai 1975, 23, 167.
4° Le verglas recouvrant une chaussée n'étant qu'une propriété de celle-ci capable de rendre son état anormal suivant les
circonstances, n'est pas susceptible de garde par une personne autre que le propriétaire de la chaussée. Lux. 16 décembre
1980, 25, 228.
5° S'il est admis que l'Etat ne peut engager sa responsabilité par l'exercice de la fonction judiciaire, c'est-à-dire par une faute
commise dans l'exercice de cette fonction, notamment par des actes juridictionnels, cette irresponsabilité pour faits de service
suppose une action en responsabilité basée sur une faute commise par un agent de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission
de service public.
Par contre, l'Etat peut être déclaré responsable du dommage causé par une chose dont il a la garde, la cause de la
responsabilité de l'Etat n'étant plus un acte fautif accompli par un agent dans l'exercice d'une fonction. Dans ce cas, l'Etat est
présumé responsable comme gardien de la chose, et il ne peut pas se décharger de cette responsabilité, même s'il prouve
l'absence de faute dans son chef. Cour 9 juillet 1958, 17, 329.
Voir aussi sub. art. 1382, II.A.1.l.: Responsabilité de l'Etat et des communes.

c. Caractère alternatif

1° La responsabilité légale du fait des choses inanimées est alternative et n'atteint qu'une seule personne, à savoir le gardien
de la chose qui n'est autre que celui qui en a l'usage, le contrôle et la direction.
Celui qui a la qualité de préposé ne saurait être considéré comme gardien de la chose, alors que celle-ci, bien que confiée au
préposé, reste sous la direction du commettant. Diekirch 17 mai 1961, 18, 513.
2° La responsabilité légale du fait des choses inanimées édictée par l'article 1384 du Code civil est alternative et n'atteint
qu'une seule personne, le gardien. Le gardien de la chose est celui qui en a l'usage, le contrôle et la direction. Diekirch 18 février
1959, 17, 512.
3° Si la chose ayant causé un préjudice est l'objet d'une copropriété, la victime peut réclamer la réparation totale du préjudice
à l'un des copropriétaires qui sont tenus chacun pour le tout, sauf au copropriétaire solvens à se retourner contre ses
coïndivisaires. Cour 25 avril 1966, 20, 117.

d. Distinction avec la détention

1° Si le propriétaire confie la détention matérielle de la chose inanimée à un tiers, il peut être déchargé de la responsabilité
qui lui incombe en vertu de l'article 1384, à condition que la garde juridique passe au tiers en même temps que la détention
matérielle.
Il n'en est pas ainsi quand les relations juridiques avec le tiers sont telles que la chose, bien que détenue par celui-ci, reste
cependant sous le contrôle et l'autorité du propriétaire; ainsi le père qui confie à son fils le soin de conduire son auto, n'est pas
déchargé du devoir de garde, puisqu'à raison de son droit de commandement sur le fils, il conserve son autorité et son contrôle
sur la voiture. Diekirch 24 juin 1931, 13, 284.
2° Si le gardien d'une chose inanimée transmet la détention matérielle de la chose à un tiers tout en conservant son devoir de
surveillance et son droit de commandement, il conserve la garde juridique de la chose, cette garde ne passe au tiers que si le
gardien originaire perd sur la chose son droit de direction. Diekirch 22 octobre 1930, 12, 200.

2. Transfert volontaire de la garde

1° La responsabilité du fait des choses inanimées n'est pas attachée à la qualité de propriétaire, mais à celle de gardien de
ces choses. En conséquence, lorsqu'en vertu d'un contrat conclu avec le propriétaire d'une automobile un garagiste a accepté,
moyennant un prix forfaitaire de garder la voiture, en prenant, sous la responsabilité, les mesures nécessaires à son entretien, et
de mettre à la disposition du maître, pour la conduire, un chauffeur, pris parmi ses préposés et rémunéré par lui, c'est au
garagiste qu'incombe la responsabilité civile de l'accident causé par le chauffeur pendant une course se rattachant à l'obligation
d'entretien assumée vis-à-vis du propriétaire. Lux. 8 mai 1935; Cour 3 mars 1937, 14, 148.
2° Un garagiste auquel une automobile a été confiée avec mandat de la vendre et de la faire essayer aux clients éventuels a
la garde de cette voiture; c'est sur lui, et non sur le propriétaire, qu'en cas d'accident pèse la responsabilité édictée par l'article
1384, alinéa 1er, du Code civil. Lux. 15 novembre 1935; Cour 23 juin 1937, 14, 168.
3° Si, en principe, la garde de la chose inanimée appartient au propriétaire, il en est différemment, lorsque le propriétaire
transmet ou confie la chose à un tiers en vertu d'un titre juridique assurant à ce tiers l'usage, la surveillance et le contrôle de la
chose.
Dans ce cas, la responsabilité du tiers remplace celle du propriétaire qui, privé lui-même de l'usage, de la direction et du
contrôle de la chose, n'en a plus la garde et n'est plus soumis à la présomption de responsabilité de l'article 1384, alinéa 1er, du
Code civil.
Le contrat intervenu entre le propriétaire d'une porte et le maître-artisan indépendant chargé de la réparation de la porte n'est
pas un contrat de louage de services laissant intacte la responsabilité du maître, mais un contrat de louage d'industrie mettant les
risques à charge de l'entrepreneur.
Il s'ensuit que pendant la réparation la porte passe sous la garde du maître-artisan qui est responsable des accidents causés
par la porte au cours des travaux de réparation, à moins qu'il ne soit prouvé que le propriétaire de la porte a surveillé sur place les
travaux de réparation. Lux. 29 mai 1958, 17, 336.
4° Si, en principe, la garde de la chose appartient au propriétaire, il en est différemment, lorsque le propriétaire confie la
chose à un tiers en vue de l'exécution d'un contrat de louage d'industrie conclu à son profit, assurant à ce tiers, pendant l'exercice
de sa profession, l'usage, la surveillance et le contrôle de la chose. Dans ce cas la responsabilité de l'entrepreneur remplace celle
du propriétaire qui, privé lui-même de l'usage, de la direction et du contrôle de la chose, n'en a plus la garde et n'est plus soumis
à la présomption de l'article 1384 du Code civil. Cour 20 octobre 1975, 23, 227.
5° La garde de l'immeuble loué passe au locataire, alors qu'il a obtenu sur la chose un pouvoir d'usage, de direction et de
contrôle.
Le propriétaire d'une chose mobilière ou immobilière en a en principe la garde. Il perd toutefois cette garde, lorsqu'il est privé
de l'usage, de la direction et du contrôle de la chose.
Il en est ainsi en cas de location d'un immeuble, laquelle fait passer la garde au locataire quant aux parties dont il a obtenu la
jouissance et dont il a, en fait, la possibilité de surveillance et de contrôle.
La circonstance que le bailleur est, conformément à l'article 1719 du Code civil, tenu vis-à-vis du locataire de l'obligation de
pourvoir à l'entretien de la chose louée n'empêche nullement le transfert de la garde au locataire. Lorsqu'une chose a été remise
par son propriétaire à un tiers détenteur, le propriétaire demeure gardien de la structure de la chose, mais seulement si la chose
est affectée d'un vice caché que le détenteur ne peut pas déceler. Le propriétaire ne reste donc gardien de la structure et n'est,
comme tel, responsable des conséquences d'un accident provenant d'un défaut de cette chose que si le détenteur n'a pas la
possibilité de prévenir le dommage qu'elle peut éventuellement causer, alors qu'il n'a pas le pouvoir d'en surveiller et d'en
contrôler tous les éléments.
Spécialement, si un accident se produit dans l'escalier d'un immeuble loué et qu'il résulte des constatations faites sur les lieux
que l'escalier était en mauvais état, dépourvu d'une installation d'éclairage, ni muni d'un garde-fou, d'une rampe ou d'une corde,
ces défauts étaient, pour le locataire, décelables à première vue et ne constituent pas un vice caché, soustrait à son contrôle et
partant de nature à maintenir la responsabilité du propriétaire en tant que gardien de la structure de l'escalier. Cour 25 avril 1966,
20, 117.
6° Si une partie ou un accessoire de l'immeuble loué sert à l'usage commun de plusieurs locataires et si aucun d'eux n'a été
spécialement investi par le propriétaire de ce pouvoir, le propriétaire demeure gardien de ces parties de l'immeuble, alors que le
pouvoir d'usage, de direction et de contrôle est resté entre ses mains. Lux. 15 mai 1963, 19, 188.
7° La présomption de responsabilité de l'article 1384 ne s'attache pas à la qualité de propriétaire, mais à celle de gardien;
par gardien il faut entendre celui qui a la garde juridique de la chose; dès lors, si un garagiste a réparé une auto et qu'il
survient un accident au cours d'un essai de la voiture, lequel essai n'était que le complément indispensable de la réparation, la
responsabilité de l'accident n'incombe pas au propriétaire, même s'il avait pris place à côte du conducteur, mais au garagiste qui
seul avait le droit de donner à son préposé des ordres ou instructions sur la manière dont il devait remplir ses fonctions et qui
était ainsi investi de la garde juridique de l'auto. Lux. 19 décembre 1934, 13, 336.
8° Lorsque le propriétaire d'un immeuble qui est sous sa garde accepte qu'un fusil soit déposé dans l'immeuble et qu'il soit
conservé pendant un laps de temps de huit ans, sans que le propriétaire du fusil soit connu et sans qu'un tiers en ait assumé la
surveillance et le contrôle, le propriétaire de l'immeuble, possesseur du fusil, dont il a le pouvoir de direction et de
commandement, doit être considéré comme gardien du fusil, responsable, comme tel, des accidents causés par le fusil, à moins
qu'il ne prouve, pour s'exonérer, qu'au moment de l'accident, la garde du fusil avait été transférée à un tiers.
Le transfert de la garde de la chose, comme la garde elle-même, apparaît comme une notion de fait, fondée en droit, compte
tenu, d'une part, du contrat ou de la situation de fait des parties et, d'autre part, de la cause de l'accident provoqué par la chose et
de la nature particulière de la chose, sans pour autant qu'il y ait lieu à distinction entre les choses dangereuses ou non
dangereuses.
L'Administration communale qui autorise une association à utiliser un immeuble dont elle est propriétaire, y compris certains
accessoires théâtraux, pour une représentation théâtrale que l'association se propose de donner, conserve la garde de
l'immeuble avec ses accessoires, pareille mise à la disposition pour un usage passager et bien déterminé n'étant pas suffisant
pour opérer un transfert de la garde à l'association ou à ses membres et alors surtout que la commune a conservé le droit de
contrôler et même d'interdire cet usage momentané.
Il en résulte que la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil à charge du gardien de
la chose continue à peser sur la commune en cas d'accident survenu à l'occasion de la représentation théâtrale par suite de
l'intervention de cette chose.
Lorsqu'une administration communale, propriétaire et gardienne d'un immeuble, met cet immeuble avec ses accessoires
comprenant un vieux fusil à la disposition d'une association pour une représentation théâtrale et que des enfants, membres de
l'association, ont été autorisés à pénétrer dans l'immeuble pour des travaux de nettoyage à effectuer avant la représentation, la
manipulation du fusil par un des enfants, suivie de l'explosion d'une charge ignorée, due à un vice de la chose, et blessant un
autre enfant, n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité, en tant que gardienne du fusil, le seul fait d'un des
enfants de manipuler le fusil n'ayant pas transféré la garde du fusil à cet enfant ni par usurpation ni par la seule détention
momentanée. Cour 22 décembre 1965, 20, 23.

3. Perte de la garde par dépossession involontaire

1° Le propriétaire d'une voiture automobile, par le fait du vol, se trouve dans l'impossibilité d'exercer sa surveillance sur la
voiture. Privé de l'usage, de la direction et du contrôle, il n'en a plus la garde juridique. La présomption de responsabilité édictée
par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, ne lui est dès lors pas applicable. Lux. 4 juin 1950, 15, 89.
2° La victime d'un accident de la circulation causé par le voleur d'une automobile ne saurait invoquer contre le propriétaire de
l'automobile la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, pour le motif que le propriétaire,
nonobstant sa dépossession résultant de la soustraction de sa voiture, aurait conservé la garde juridique du véhicule, alors que,
par l'effet du vol, le propriétaire est privé de l'usage, de la direction et du contrôle de sa voiture, qu'au moment de l'accident il n'en
a par conséquent plus la garde et n'est donc plus soumis à la présomption de responsabilité édictée contre le gardien de la chose
inanimée. Cour 2 avril 1952, 15, 352.
3° La garde juridique d'une chose inanimée ne résulte pas d'un simple pouvoir de fait, mais du pouvoir de commandement et
de direction sur cette chose. Cour 20 février 1952, 15, 387.
4° L'article 1384, alinéa 1er, du Code civil qui traite de la responsabilité du fait des choses édicte une présomption de
responsabilité à l'encontre de celui qui en la garde.
Est gardien d'une chose celui qui exerce sur elle les pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle.
Ces pouvoirs impliquent nécessairement l'exercice des fonctions vitales de la part de celui qui est présumé gardien.
Doit être cassé pour fausse application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil le jugement qui retient contre le gardien
présumé de la chose ayant causé un dommage la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil et ce après avoir rejeté l'exception de force majeure tirée du fait que par suite d'une syncope, le gardien n'était au moment du
fait dommageable pas en possession des facultés mentales et physiques, au motif qu'il serait irrelevant de rechercher si la
syncope alléguée avait privé le gardien présumé des pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle de la chose. Cass. 13 juin
1963, 19, 109.
5° Si, en principe, le commettant, propriétaire de la chose inanimée, génératrice du dommage, qu'il a confiée à son préposé,
en demeure gardien, la garde s'exerçant alors par l'intermédiaire d'autrui, c’est-à-dire du préposé, il en est différemment dans
certaines circonstances où l'obligation de garde doit être considérée comme transférée au préposé; il en est ainsi, en particulier,
si le commettant a prêté sa chose au préposé, ou si, lors de l'événement dommageable, le préposé faisait usage de la chose à
des fins personnelles, en vertu d'une autorisation tacite de son commettant ou l'utilisait en dehors de ses fonctions. Lux. 29 juin
1960, 18, 248.
6° Le maître de la chose inanimée, ayant causé un dommage à autrui, se trouve déchargé de la présomption de
responsabilité, édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, quand cette chose était passée lors de l'événement
dommageable sous la garde d'un tiers, en particulier de celui qui s'en sert sans autorisation. Lux. 20 janvier 1954, 16, 86.
7° En cas d'accident causé par un domestique agricole qui s'est emparé du véhicule automoteur de son patron, à l'insu et
sans le consentement de celui-ci, on ne saurait considérer comme fautif le fait du propriétaire d'avoir garé, en plein jour, son
véhicule devant sa maison, dans un milieu de connaissance et à la vue de tous, sans fermer les portières à clef et sans enlever la
clef de contact.
La circonstance que le propriétaire du véhicule ait pu se rendre compte de l'état d'ébriété de son domestique n'était pas de
nature à lui imposer des précautions spéciales, dès lors qu'il n'est pas prouvé que le domestique ait jamais abusé de la confiance
de son patron.
Il n'existe, sauf circonstances spéciales, aucune relation directe de causalité entre le fait d'un propriétaire de n'avoir pris
aucune disposition pour empêcher la soustraction de son véhicule automoteur et l'accident causé par un tiers ayant dérobé ce
véhicule. Lux. 15 novembre 1967, 21, 42.

E. Exonération par la preuve d'une cause étrangère

1. Caractères de la cause étrangère - Charge de la preuve

1° La présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, à l'encontre du gardien d'une chose
inanimée ne peut être détruite que par la preuve que le dommage provient d'un événement étranger, imprévisible et irrésistible
qui ne lui soit pas imputable. L'activité propre de la chose ou le vice interne inhérent à cette chose ne constituent pas, au regard
de celui qui a été mis à même d'exercer sur elle les pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage corrélatifs à l'obligation de
garde, un cas fortuit ou de force majeure et rentre dans les risques dont ce dernier assume envers le tiers la responsabilité. Lux.
21 juin 1965, 19, 590.
2° La présomption de responsabilité de l'article 1384 ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force
majeure; il est indifférent que la chose qui a causé le dommage ait été ou non actionnée par la main de l'homme ou qu'elle ait un
vice, la responsabilité visant la garde, non la chose. Cass. 26 février 1931, 12, 193.
3° La présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil à l'encontre du gardien d'une chose
dommageable inanimée ne peut être détruite que par la preuve que le dommage provient d'un événement étranger, imprévisible
et irrésistible, qui ne lui soit pas imputable. L'activité propre de la chose ou le vice interne inhérent à cette chose ne constituent
pas, au regard de celui qui a été mis à même d'exercer sur elle les pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage corrélatifs à
l'obligation de garde, un cas fortuit ou de force majeure, et rentrent dans les risques dont ce dernier assume envers les tiers la
responsabilité.
Spécialement, si un accident a été causé par la chute d'un arbre, due à une moisissure, non décelable de l'extérieur, cette
moisissure ne peut être considérée comme une cause d'exonération de la présomption de responsabilité pesant sur le gardien de
l'arbre.
La présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ne peut être détruite que par la preuve
d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui, n'étant pas susceptible d'être prévue ni empêchée, n'est pas
imputable au gardien de la chose inanimée. Lux. 17 octobre 1967, 21, 38.
4° Le gardien qui invoque un cas fortuit ou de force majeure doit préciser le fait générateur du dommage subi par la victime;
en conséquence est irrecevable l'offre de preuve tendant à établir qu'un hauban, dont la rupture a causé un accident mortel,
ne présentait aucun vice de fabrication, cette preuve, à la supposer rapportée, démontrant seulement que la rupture est due à
une autre cause, sans établir le cas fortuit ou la force majeure. Cour 19 décembre 1933, 13, 117.
5° Un tribunal ne saurait admettre le commettant, gardien d'une voiture impliquée dans un accident de la circulation, à établir
par le témoignage de son préposé, conducteur de la voiture, la version des faits présentée par ce dernier tout en refusant au
conducteur de l'autre voiture, qui en est également le gardien et partie au procès, de témoigner sur sa propre version des faits,
sous peine de violer le principe de l'égalité des armes posé par la Convention européenne des droits de l'homme. Etant donné
toutefois que les principes fondamentaux du droit procédural s'opposent à l'audition, en qualité de témoin et sous la foi du
serment, d'une personne qui est partie au procès, le témoignage du préposé, tiers au procès, doit être écarté. Cour 8 juillet 1998,
31, 53.

2. Variétés de causes étrangères

a. Evénements de la nature

Les événements de la nature ne peuvent être constitutifs de la force majeure qu'à la condition qu'ils revêtent un caractère tout
à fait exceptionnel; tel peut être notamment le cas, lorsqu'une tempête, par sa violence et son étendue dépasse de façon certaine
la normale des troubles atmosphériques auxquels un propriétaire de la région peut s'attendre. Lux. 17 octobre 1967, 21, 38.

b. Fait de la victime

1° La faute de la victime, lorsqu'elle n'est pas la cause unique de l'accident, ne fait pas disparaître entièrement la présomption
de responsabilité qui pèse sur le gardien de la chose inanimée, mais autorise seulement le partage des responsabilités. Cour 30
octobre 1951, 15, 229.
2° Pour écarter la présomption de responsabilité pesant sur lui en vertu de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le gardien
de la chose inanimée est recevable à invoquer la faute de la victime du fait dommageable; toutefois, lorsque cette faute n'est pas
la cause unique du dommage, elle ne fait pas disparaître entièrement la présomption de responsabilité pesant sur le gardien,
mais autorise seulement le partage des responsabilités. Si les tribunaux ont le droit de constater souverainement l'existence des
éléments constitutifs de la force majeure, il appartient à la Cour de cassation de vérifier, si ces éléments présentent le caractère
légal de la force majeure, c'est-à-dire d'un obstacle imprévisible et irrésistible. Cass. 10 décembre 1953, 16, 49.
3° Le gardien d'une chose inanimée ne saurait être recherché sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil que
si la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage. Spécialement si un véhicule
automoteur s'est engagé dans un croisement au mépris des feux de signalisation qui lui en interdisaient l'accès et qu'il y renverse
et blesse un piéton, la preuve est faite que ce véhicule a été l'instrument du dommage subi par le piéton.
D'après l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le gardien d'une chose inanimée est de plein droit responsable du dommage
causé par celle-ci, à moins qu'il ne prouve qu'il a été mis dans l'impossibilité absolue d'éviter ce dommage sous l'effet d'une
cause étrangère qui ne peut lui être imputée, tel, s'il n'a pu normalement le prévoir ou l'éviter, le fait ou la faute de la victime.
Il est exonéré en partie de la responsabilité par lui encourue, s'il prouve que le fait ou la faute de la victime, eût-il pu
normalement le prévoir et l'éviter, a cependant concouru à la production du dommage.
Le piéton qui ne s'est engagé sur le passage pour piétons que lorsque le signal vert lui en permettait l'accès n'a nullement
l'obligation de porter ses regards vers la gauche pour se rendre compte à temps de la survenance d'un véhicule automoteur dont
le conducteur, venant de s'engager dans le croisement au mépris des feux de signalisation qui lui en interdisaient l'accès, était
décidé à lui couper le passage au mépris du droit de priorité dont il bénéficiait. Si le piéton est renversé et blessé par ce véhicule,
l'accident n'est dès lors dû ni au fait ni à une faute de la victime et le gardien du véhicule doit, sur le fondement de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil, réparation intégrale du dommage subi par le piéton. Cour 14 octobre 1970, 21, 364.
4° Lorsqu'une chose se trouvant à l'intérieur de la cour d'un abattoir est intervenue activement dans la réalisation d'un fait
dommageable, le gardien de cette chose est responsable envers le tiers, victime de l'accident. Pour s'exonérer totalement, le
gardien ne peut invoquer la prétendue faute de la victime qu'en prouvant que cette faute a été un événement imprévisible et
irrésistible.
Il n'en est pas ainsi de la faute de la victime qui comme piéton a pénétré dans la cour de l'abattoir en dehors des heures
d'ouverture réglementaires, lorsque, compte tenu des circonstances, le passage de personnes avant l'heure d'ouverture de
l'abattoir n'était pas anormal.
Dans ce cas, la faute de la victime peut tout au plus entraîner une exonération partielle de responsabilité en faveur du gardien
et un partage de responsabilité. Cour 10 décembre 1968, 21, 57.
5° Le gardien d'un animal qui a causé un dommage est, en partie, déchargé de la responsabilité par lui encourue à ce titre,
s'il prouve que l'effet d'une cause étrangère, qui ne lui est pas imputable, tel le fait de la victime, eût-il pu normalement le prévoir
et le surmonter, a cependant concouru à la production du dommage. Il est indifférent à ce sujet que le fait de la victime revête ou
non un caractère fautif. Cour 3 mars 1969, 21, 62.
6° L'exploitant d'un magasin est présumé responsable du dommage causé à une personne prise dans l'engrenage des
marches d'un escalier mécanique installé à l'intérieur du magasin, et ce en qualité de gardien, à condition que l'escalier soit
intervenu activement dans la réalisation du dommage. Pour s'exonérer, l'exploitant peut prouver la faute de la victime.
Pareille faute ne saurait être invoquée, lorsqu'au moment de l'accident la victime n'était âgée que de cinq ans et demi, de
sorte qu'elle ne disposait pas du discernement nécessaire pour pouvoir commettre personnellement une faute pouvant engager
sa responsabilité.
Vainement l'exploitant du magasin et surtout l'exploitant d'un grand magasin voudrait-il, pour échapper à la responsabilité
pesant sur lui, invoquer une faute de la mère de l'enfant accidenté pour manque de surveillance pendant leur séjour commun à
l'intérieur du magasin, dès lors que la mère n'est ni partie ni représentée au litige, l'action en réparation du dommage causé à
l'enfant ayant été intentée par le père de l'enfant en son nom personnel et en qualité d'administrateur de la personne et des biens
de l'enfant. La mère a, dans ce cas, la qualité de tiers par rapport au litige et dans les rapports du gardien avec la partie lésée, de
sorte que son comportement ne saurait exonérer l'exploitant du magasin de sa responsabilité que s'il présente un caractère
d'imprévisibilité et d'irrésistibilité. Tel n'est pas le cas dans les grands magasins dont les exploitants doivent s'attendre
normalement à ce que les enfants qui accompagnent leur mère dans le magasin échappent passagèrement à la surveillance de
celle-ci et doivent en outre prendre les dispositions nécessaires en vue d'empêcher que les enfants non accompagnés d'un
adulte ne se servent de pareil escalier. Cour 17 janvier 1967, 20, 232.
7° Lorsque les organes de police poursuivent un individu présumé auteur d'une infraction au moyen d'un véhicule
appartenant à l'Etat, ce dernier, gardien du véhicule, ne peut, en cas d'accident dont le prétendu délinquant a été la victime
pendant la poursuite, s'exonérer de la présomption de responsabilité se rattachant à la garde du véhicule, au motif que la victime,
en prenant la fuite devant les organes de police, aurait accepté les risques inhérents à la poursuite, alors que la victime est restée
complètement étrangère à la chose qui a causé l'accident. On ne saurait non plus, dans ce cas, mettre sur le compte de la
victime une faute qui serait de nature à exonérer en tout ou en partie le gardien de sa responsabilité; en effet, si, en prenant la
fuite, la victime a commis une faute, cette faute n'est pas en relation causale directe avec l'accident. Cour 9 juillet 1958, 17, 329.
8° Dans le cadre de l'exonération de la présomption de responsabilité pesant sur le gardien d'une chose inanimée, l'épouse
commune en biens ayant conduit la voiture de son mari endommagée lors d'une collision avec une autre voiture doit, en tant que
copropriétaire du véhicule endommagé, être considérée comme victime au même titre que son mari.
Par contre, le fils ayant piloté la voiture endommagée appartenant à son père doit être considéré comme étant un tiers par
rapport au gardien puisqu'il ne subit aucun dommage personnel du chef des dégâts à la voiture et qu'il ne représente pas son
père.
Le gardien de la chose inanimée peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en prouvant le fait ou la
faute de la victime, ou le fait ou la faute d'un tiers.
Le fait de la victime lorsqu'il n'est pas la cause unique de l'accident et ne présente pas les caractéristiques d'imprévisibilité et
d'inévitabilité, ne fait pas disparaître entièrement la responsabilité qui pèse sur le gardien, mais autorise toutefois le partage des
responsabilités.
Le fait d'un tiers n'est exonératoire que s'il peut valoir exonération complète, c’est-à-dire s'il présente les caractères
d'imprévisibilité et d'inévitabilité constituant la force majeure.
Cette solution doit également valoir dans l'hypothèse où le propriétaire a confié sa voiture à une personne-tierce de son
choix. Cour 29 juin 1983, 26, 54.
9° La faute de la victime, lorsqu'elle n'est pas la cause unique de l'accident et ne présente pas les caractères d'imprévisibilité
et d'inévitabilité, ne fait pas disparaître entièrement la responsabilité qui pèse sur le gardien, mais autorise toutefois le partage
des responsabilités.
Il n'y a pas lieu de suivre, à cet égard, la jurisprudence contraire de la deuxième chambre de la Cour de cassation de France.
Cour 5 juillet 1984, 26, 193.
10° Le gardien d'un véhicule présumé responsable de l'accident ne saurait s'exonérer par la faute de la victime consistant
dans le fait que celle-ci, roulant sur une route prioritaire, conduisait son véhicule à une vitesse légèrement supérieure à la vitesse
autorisée (100 à 110 km/h au lieu de 90 km/h), un tel excès de vitesse n'étant pas en relation causale avec l'accident dès lors que
l'auteur dont la responsabilité est recherchée était débiteur de la priorité et qu'il lui appartenait de s'arrêter au signal stop au
croisement avec la route prioritaire. En effet, l'accident aurait eu lieu même si le prioritaire avait roulé à la vitesse autorisée. Le
caractère obligatoire des règles du Code de la route implique que les usagers doivent pouvoir se fier à ces règles et à une
signalisation conforme et que le prioritaire doit pouvoir se fier à sa priorité et n'est pas obligé de s'attendre à un refus de priorité
de la part du débiteur s'approchant d'un signal stop. Cour 2 juillet 1997, 30, 212.

c. Fait d'un tiers

1° La faute ou le fait d'un tiers n'exonère le gardien d'une chose de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui que si
cette faute ou ce fait présente les caractères de la force majeure, c'est-à-dire est imprévisible et irrésistible. Dans le cas où la
responsabilité du gardien coexiste avec une faute ou un fait d'un tiers ne représentant pas les caractères de la force majeure sa
responsabilité est entière à l'égard de la victime non fautive. Lux. 16 décembre 1980, 25, 228.
2° Le fait d'un tiers non constitutif d'un événement de force majeure ne peut être invoqué comme cause d'exonération
partielle de la responsabilité du gardien d'une chose inanimée.
Le terme «tiers» visant ici toute personne autre que la victime et le gardien, il s'ensuit que lorsque le gardien entend se
prévaloir, à titre d'exonération, de la faute du préposé de la victime, il ne peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit
découlant de la garde qu'en prouvant que cette faute a présenté le caractère de la force majeure.
C'est vainement que le gardien objectait à cet égard que la victime, en tant que commettant, serait responsable du dommage
causé par le fait de son préposé puisque seule une victime peut se prévaloir des présomptions de l'article 1384 du Code civil et
qu'il n'est pas permis de faire jouer ces présomptions contre la victime. Cour 29 juin 1983, 26, 54.
3° Dans le cadre de l'exonération de la présomption de responsabilité pesant sur le gardien d'une chose inanimée, l'épouse
commune en biens ayant conduit la voiture de son mari endommagée lors d'une collision avec une autre voiture doit en tant que
copropriétaire du véhicule endommagé, être considérée comme victime au même titre que son mari.
Par contre, le fils ayant piloté la voiture endommagée appartenant à son père doit être considéré comme étant un tiers par
rapport au gardien puisqu'il ne subit aucun dommage personnel du chef des dégâts à la voiture et qu'il ne représente pas son
père.
Le gardien de la chose inanimée peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en prouvant le fait ou la
faute de la victime, ou le fait ou la faute d'un tiers.
Le fait de la victime lorsqu'il n'est pas la cause unique de l'accident et ne présente pas les caractéristiques d'imprévisibilité et
d'inévitabilité, ne fait pas disparaître entièrement la responsabilité qui pèse sur le gardien, mais autorise toutefois le partage des
responsabilités.
Le fait d'un tiers n'est exonératoire que s'il peut valoir exonération complète, c’est-à-dire s'il présente les caractères
d'imprévisibilité et d'inévitabilité constituant la force majeure.
Cette solution doit également valoir dans l'hypothèse où le propriétaire a confié sa voiture à une personne-tierce de son
choix. Lux. 10 février 1983, 25, 65.

3. Cause du dommage inconnue

Application en matière d'accidents de la circulation

1° Le propre de l'article 1384 du Code civil est de laisser la cause inconnue ou indéterminable du dommage causé par la
chose inanimée à charge du gardien. Cour 2 décembre 1957, 17, 263.
2° Au cas où les circonstances d'un accident, dans lequel se trouvent impliqués deux ou plusieurs conducteurs de véhicules
automoteurs, n'ont pu être éclairées de façon à permettre la détermination des responsabilités encourues par chacun d'eux, la
victime de l'accident, agissant contre le gardien de l'un de ces véhicules sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil, est fondée à réclamer à celui-ci la réparation intégrale de son dommage.
Dans le cas, au contraire, où les circonstances exactes de l'accident ont pu être établies, le gardien de l'un des véhicules,
seul actionné en dommages-intérêts par la victime sur la base du même texte légal, peut être partiellement déchargé de la
responsabilité qu'il a encourue de plein droit, s'il prouve que le fait ou la faute d'un tiers, soit le fait ou la faute du conducteur de
l'autre véhicule ou de l'un des autres véhicules, quoique non imprévisible ni irrésistible, a concouru à la production du dommage
dont la réparation lui est demandée. Le partage de responsabilité se fera en fonction de l'importance du rôle causal des faits ou
fautes des différents conducteurs. Cour 3 décembre 1969, 21, 221.
3° D'après l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le gardien d'une chose inanimée est de plein droit responsable du
dommage causé par celle-ci, à moins qu'il ne prouve qu'il a été mis dans l'impossibilité absolue d'éviter ce dommage sous l'effet
d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, tel s'il n'a pu normalement le prévoir ou l'éviter, le fait ou la faute de la victime.
Il est exonéré en partie de la responsabilité par lui encourue, s'il prouve que le fait ou la faute de la victime, eut-il pu
normalement le prévoir et l'éviter, a cependant concouru à la production du dommage. Cour 14 octobre 1970, 21, 363(2).
4° En cas de collision entre deux véhicules la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil peut être invoquée à l'encontre de chacun des gardiens; ceux-ci ne peuvent s'exonérer qu'en fournissant la preuve d'un cas
fortuit ou d'une cause étrangère qui ne leur est pas imputable. Cour 29 juillet 1936, 14, 18.
5° En cas de collision entre deux véhicules en mouvement, il existe à la charge des gardiens des deux véhicules une
présomption de responsabilité en vertu de laquelle chaque gardien doit indemniser les dommages causés au propriétaire de la
voiture avec laquelle il est entré en collision. Cour 15 mai 1956, 16, 484.
6° Au cas où les circonstances d'un accident, dans lequel se trouvent impliqués deux ou plusieurs conducteurs de véhicules
automoteurs, n'ont pu être éclairées de façon à permettre la détermination des responsabilités encourues par chacun d'eux, la
victime de l'accident, agissant contre le gardien de l'un de ces véhicules sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil, est fondée à réclamer à celui-ci la réparation intégrale de son dommage.
Dans le cas, au contraire, où les circonstances exactes de l'accident ont pu être établies, le gardien de l'un des véhicules,
seul actionné en dommages-intérêts par la victime sur la base du même texte légal, peut être partiellement déchargé de la
responsabilité qu'il a encourue de plein droit, s'il prouve que le fait ou la faute d'un tiers, soit le fait ou la faute du conducteur de
l'autre véhicule ou de l'un des autres véhicules quoique non imprévisible ni irrésistible, a concouru à la production du dommage
dont la réparation lui est demandée. Le partage de responsabilité se fera en fonction de l'importance du rôle causal des faits ou
fautes des différents conducteurs. Cour 3 décembre 1969, 21, 221.

II. Responsabilité du fait d'autrui


A. Responsabilité des père et mère

1. Conditions de la présomption de faute

a. Responsabilité de l'enfant

1° La responsabilité du père, en raison des faits dommageables commis par son enfant mineur, suppose que l'enfant a
commis une faute ou est du moins présumé avoir été fautif. La présomption de responsabilité pesant sur l'enfant en sa qualité de
gardien d'une chose ayant causé un dommage ne permet cependant pas de conclure à une faute de sa part ou à une
présomption de faute à sa charge.
Il s'ensuit que dans ce cas, les conditions d'application de l'article 1384 du Code civil, en ce qui concerne la responsabilité du
père pour le dommage causé par son enfant mineur, ne sont pas remplies, même en cumulant les dispositions de l'alinéa 1er et
de l'alinéa 2 de cet article. Cour 7 février 1962, 18, 494.
2° L'accident causé par l'explosion d'une charge d'un fusil n'entraîne aucune responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle,
soit de l'enfant mineur qui, au moment de l'accident, manipulait le fusil, soit du père de cet enfant, lorsqu'il est établi qu'il s'agissait
d'un fusil vétuste, considéré comme arme de jeu et ayant déjà servi à différentes reprises comme accessoire de théâtre, de sorte
que l'enfant ne pouvait avoir conscience de créer un risque quelconque pour des tiers.
On ne saurait, dans les conditions données, retenir à charge du père de l'enfant une faute quelconque dans l'éducation ou la
surveillance de l'enfant. Cour 22 décembre 1965, 20, 23.
3° Si la responsabilité des parents investis de la garde de leur enfant mineur suppose que celle de l'enfant a été
préalablement établie, la loi ne distingue pas entre les causes qui ont pu donner naissance à la responsabilité de l'enfant. La
responsabilité des parents est donc engagée aussi bien lorsque le fait imputable au mineur représente les caractères d'une faute
que lorsque le mineur avait la garde de la chose.
Une bicyclette, intervenue activement dans la genèse d'un accident est une chose qui par sa nature peut être confiée au
pouvoir de contrôle et de direction d'un enfant de 15 ans, qui en a partant la garde. Lux. 22 juin 1982, 26, 26.
4° Pour que soit présumée, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 2, du Code civil, la responsabilité des père et mère d'un
mineur habitant avec eux, il faut et il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la
victime. Cour 12 juin 1985, 27, 182.

b. Cohabitation

1° Si, aux termes des paragraphes 3 et 4 de l'article 1384 la responsabilité du père est transportée sur les maîtres,
commettants, instituteurs et artisans, cette énumération n'est pas limitative; la responsabilité du père disparaît dans tous les cas
où l'absence du fils du domicile paternel a une cause légitime, qu'elle présente un caractère de continuité et n'implique pas, en
outre, une faute personnelle relativement à l'exercice des devoirs de surveillance incombant au père. Cour 13 novembre 1914, 9,
246.
2° Le double fait de la minorité de l'enfant et de son habitation avec le père élève contre ce dernier une présomption de faute
pouvant être combattue par la preuve que le père n'a pas pu empêcher le fait dommageable; le juge a, à cet égard, un pouvoir
appréciateur souverain: une impossibilité absolue n'est, en principe, pas exigée, il suffit que les parents aient fait tout ce qui était
raisonnablement possible pour empêcher le fait; s'ils ont négligé son éducation, en lui laissant contracter des habitudes vicieuses
et ne réprimant pas ses mauvais penchants etc., ils sont responsables, même si le fait a été commis à leur insu, en leur absence;
si la responsabilité du père cesse lorsqu'il a placé son enfant dans un établissement d'éducation, il n'en est pas ainsi si
l'enfant habite chez ses parents et n'est placé sous la discipline d'un établissement que pour un temps limité de la journée; dans
ce cas la responsabilité reste exclusivement au père surtout s'il a une faute à se reprocher quant à l'éducation de l'enfant; cette
faute peut être prouvée par simples présomptions. Cour 3 mai 1877, 1, 306; Lux. 4 janvier 1893, 3, 79; Lux. 13 février 1895, 4,
182; Lux. 22 janvier 1896, 4, 256; Lux. 15 juillet 1896, 4, 300; Cour 26 juillet 1902, 6, 131.

2. Exonération

a. Chose jugée au pénal

1° La présomption de responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 2, du Code civil, à charge du père d'un enfant mineur
habitant avec lui, repose sur un manquement présumé aux devoirs d'éducation et de surveillance attachés à la puissance
paternelle. Cette présomption est susceptible de preuve contraire.
Spécialement, si le père est acquitté de la prévention d'avoir par un défaut de surveillance facilité l'infraction de son enfant
mineur, la constatation faite par le juge pénal et portant sur l'absence de toute faute de surveillance dans le chef du père, a
autorité de chose jugée au civil. En conséquence, le père ne saurait être rendu responsable en raison d'un manquement à son
devoir de surveillance. Lux. 3 juillet 1963, 19, 240.
2° Lorsqu'un mineur, poursuivi devant le juge des enfants du chef de délit de coups et blessures involontaires, est renvoyé
des fins de la poursuite pour cause de doute, l'autorité de la chose jugée s'attachant à cette décision interdit de remettre en
discussion la question d'une faute commise par l'enfant.
L'acquittement intervenu même pour cause de doute implique la constatation péremptoire qu'aucune faute en relation
causale avec des lésions corporelles n'a été établie.
A défaut d'une faute établie contre l'enfant, son père ne saurait être déclaré responsable sur base de la présomption de faute
édictée contre lui par l'article 1384, alinéa 2, du Code civil. Cour 7 février 1962, 18, 494.

b. Nécessité d'absence de faute de surveillance et d'éducation

Défaut de surveillance

1° Les père et mère ne peuvent échapper à la présomption de responsabilité édictée à leur charge par l'article 1384, alinéa 2,
du Code civil, qu'en prouvant qu'ils n'ont commis ni faute de surveillance ni faute d'éducation, la preuve de l'absence d'une de ces
fautes n'étant pas libératoire. Lux. 6 février 1963, 19, 144; Lux. 17 octobre 1973, 22, 510.
2° La responsabilité présumée des parents du fait de leurs enfants mineurs a pour fondement la faute présumée dans la
surveillance ou l'éducation. Dès lors, pour s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur eux, les parents doivent
établir que le dommage n'est dû ni à une faute de surveillance ni à une faute d'éducation de leur part, la preuve de l'absence de
l'une de ces fautes n'étant pas libératoire. En ce qui concerne l'éducation normale, la preuve en est administrée sur un plan
général, l'éducation étant une oeuvre se réalisant dans le temps sur une longue période, tandis que la surveillance doit être
appréciée par rapport au fait précis qui a causé le dommage. Cour 12 juin 1985, 27, 182.

Cas où le défaut de surveillance a été retenu

1° En cas d'accident survenu à un enfant en bas âge, le seul fait des père et mère d'avoir laissé jouer l'enfant dans les
dépendances de la demeure paternelle, où normalement il ne courait aucun risque ne constitue pas les père et mère en faute en
raison d'un prétendu défaut de surveillance et ne les rend par conséquent pas mal fondés à réclamer à l'auteur de l'accident une
indemnité en leur nom personnel. Cour 20 février 1952, 15, 387.
2° Le fait par les parents de tolérer que leur enfant se livre à un jeu dangereux (le jeu dit «Guisch») engage leur
responsabilité en cas d'accident, et ce fait seul contredit la preuve imposée par l'article 1384; le fait par l'enfant victime de
l'accident d'avoir participé à ce jeu implique faute commune à charge des parents de la victime. Lux. 15 mars 1893, 3, 263.
3° Le devoir de surveillance incombant aux parents doit s'apprécier eu égard aux circonstances de temps et de lieu et au
caractère de l'enfant. Il y a faute et partant responsabilité des parents si dans un cas déterminé leur comportement n'a pas été
celui d'un père de famille normalement prudent et diligent, soucieux de s'acquitter fidèlement de ses obligations.
Spécialement, commettent une faute les parents qui laissent leurs enfants, respectivement âgés de dix et de trois ans, jouer
seuls sur une route à grande circulation en dehors de toute agglomération. Lux. 4 juillet 1956, 16, 548.
4° Commet une faute de nature à engager sa propre responsabilité la mère de la victime qui a manqué au devoir de
surveillance que le jeune âge de l'enfant lui imposait. Cour 24 février 1922, 11, 290.
5° S'il est vrai que la puissance paternelle n'empêche pas nécessairement le mineur d'assumer la direction et le contrôle des
choses qu'il emploie, il n'en demeure pas moins que le père est investi de la garde, lorsque l'objet dommageable présente un
caractère à ce point dangereux qu'il ne devrait pas normalement et raisonnablement être confié à l'enfant.
Le maniement d'une fléchette dépasse les facultés de contrôle d'un enfant de sept ans et demi, alors que les capacités de
réflexion et de jugement d'un enfant de cet âge ne sont pas suffisamment développées pour qu'il puisse avoir pleine conscience
de tous les dangers qu'implique le jeu avec une fléchette; l'absence de discernement de l'enfant est dès lors incompatible avec le
pouvoir de direction d'usage et de contrôle de la fléchette qu'il détient.
Le gardien d'une chose inanimée qui a causé un dommage est en partie déchargé de la responsabilité par lui encourue à ce
titre, s'il prouve que l'effet d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, tel le fait de la victime, eût-il pu normalement le
prévoir et le surmonter, a cependant concouru à la production du dommage. Il est indifférent à ce sujet que le fait de la victime
revêt ou non un caractère fautif.
Le partage de responsabilité découlant du fait d'un enfant mineur qui a concouru à la production du dommage, est opposable
à ses parents qui réclament le dommage qui leur est accru personnellement. Lux. 21 juin 1972, 22, 300.
6° Il n'y a pas lieu d'autoriser les parents à rapporter la preuve d'une surveillance diligente de leur enfant ayant causé un
dommage, si les éléments même de la cause démontrent d'ores et déjà qu'ils ont commis une faute dans l'accomplissement de
leur mission de surveillance ou d'éducation.
Spécialement, le fait par des parents de laisser leur fils âgé de 10 ans, sans surveillance sans avoir pris la précaution de
mettre hors de portée de celui-ci des objets dangereux, tels une boîte d'allumettes, est constitutif d'un manquement au devoir de
surveillance. Cour 12 juin 1985, 27, 182.

Cas où le défaut de surveillance n'a pas été retenu

1° Ne commet pas de faute, la mère qui laisse circuler sans surveillance les enfants en âge de fréquenter l'école. Cour 29
juillet 1904, 6, 401.
2° Le fait d'avoir laissé jouer leur enfant, âgé de 9 ans, devant leur maison aux accotements d'une route très large ne saurait
engager la responsabilité des parents. Lux. 23 mai 1906, 9, 422.
3° Ne commet pas de faute, la mère qui confie la surveillance de son enfant en bas âge à un frère de 14 ans. Diekirch 30
octobre 1935, 13, 553.
4° L'accident causé par l'explosion d'une charge d'un fusil n'entraîne aucune responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle,
soit de l'enfant mineur qui, au moment de l'accident, manipulait le fusil, soit du père de cet enfant, lorsqu'il est établi qu'il s'agissait
d'un fusil vétuste, considéré comme arme de jeux et ayant déjà servi à différentes reprises comme accessoire de théâtre, de
sorte que l'enfant ne pouvait avoir conscience de créer un risque quelconque pour des tiers.
On ne saurait, dans les conditions données, retenir à charge du père de l'enfant une faute quelconque dans l'éducation ou la
surveillance de l'enfant. Cour 22 décembre 1965, 20, 23.
5° La responsabilité du commettant présuppose une relation contractuelle de supérieur à inférieur; si un enfant mineur a
causé un dommage en exécutant un ordre de sa mère avec laquelle il habite, et que l'ordre a été donné seulement à raison des
relations de mère à fils la mère est civilement responsable, non comme commettante, mais comme mère, de sorte qu'elle peut
prouver qu'elle n'a pas pu empêcher le fait. Cour 24 novembre 1922, 12, 420.
6° La présomption de responsabilité, édictée par l'article 1384, alinéa 2, du Code civil, à charge du père d'un enfant mineur
habitant avec lui, repose sur un manquement présumé aux devoirs d'éducation et de surveillance attachés à la puissance
paternelle. Cette présomption est susceptible de preuve contraire.
Spécialement, si le père est acquitté de la prévention d'avoir par un défaut de surveillance facilité l'infraction de son enfant
mineur, la constatation faite par le juge pénal et portant sur l'absence de toute faute de surveillance dans le chef du père, a
autorité de chose jugée au civil. En conséquence, le père ne saurait être rendu responsable en raison d'un manquement à son
devoir de surveillance. Lux. 3 juillet 1963, 19, 240.
7° Si les parents qui permettent à leurs enfants de jouer avec des jouets dangereux ou qui n'exercent pas une surveillance
suffisante et efficace sur leurs enfants, lorsque cette surveillance est nécessaire, commettent une faute engageant leur
responsabilité personnelle en cas de dommage causé par les enfants; il en est différemment lorsque le jeu auquel se livrent les
enfants ne laisse prévoir rien de dangereux et que les circonstances dans lesquelles ce jeu a lieu ne sont pas telles qu'elles
imposent aux parents l'obligation d'une surveillance spéciale. Il en est ainsi notamment, lorsqu'un accident est causé par un
ballon de jeu avec lequel l'enfant joue avec un camarade devant le garage de la maison paternelle. Cour 7 février 1962, 18, 494.
8° Ne commet pas de faute, le père qui laisse sortir son enfant avec un jouet (arc) dont l'usage normal n'est pas plus
dangereux que d'autres jouets qui ne constituent un danger que s'ils sont maniés avec maladresse ou malveillance, alors que
l'enfant n'était ni indiscipliné ni turbulent ou vicieux. Cour 4 février 1927, 11, 319.
9° Pour échapper à la présomption de responsabilité prévue par l'article 1384, alinéa 5, du Code civil et ayant pour fondement
les obligations d'éducation et de surveillance découlant de la puissance paternelle, les père ou mère doivent prouver que le fait
dommageable posé par l'enfant habitant avec eux n'est pas dû à un manquement à leurs devoirs; les parents doivent établir qu'ils
ont à la fois bien éduqué et bien surveillé leur enfant, la preuve d'un seul de ces éléments n'étant pas libératoire. Spécialement, le
fait d'avoir laissé partir en voiture son fils, âgé de 18 ans et 8 mois, apprenti-mécanicien dans un garage, pour se rendre au
garage en vue d'y effectuer une réparation, ne saurait constituer une faute de surveillance dans le chef du père, ce d'autant moins
que ce dernier ne pouvait normalement prévoir qu'après avoir terminé son travail, son fils utiliserait la voiture pour faire une
randonnée, se livrerait à des libations exagérées et se rendrait coupable d'un délit de fuite. Lux. 17 octobre 1973, 22, 510.

Faute dans l'éducation

1° Les père et mère ne peuvent échapper à la présomption de responsabilité édictée à leur charge par l'article 1384, alinéa 2,
du Code civil qu'en prouvant qu'ils n'ont commis ni faute de surveillance ni faute d'éducation, la preuve de l'absence d'une seule
de ces fautes n'étant pas libératoire. Lux. 6 février 1963, 19, 144.
2° La preuve imposée au père pour se dégager de la présomption de responsabilité pesant sur lui à raison du préjudice
causé par son enfant mineur habitant avec lui, ne résulte pas, en cas d'accident d'auto causé par l'enfant, du fait que celui-ci avait
l'âge requis pour conduire une auto et qu'il était muni du permis de conduire; l'observation de ces prescriptions n'exclut pas une
éducation vicieuse de l'enfant qui peut lui avoir fait contracter des défauts en relation de cause à effet avec le fait dommageable.
Le double fait de la minorité de l'enfant et de son habitation avec le père élève contre ce dernier une présomption de faute,
pouvant être combattue par la preuve que le père n'a pas pu empêcher le fait dommageable; le juge a, à cet égard, un pouvoir
appréciateur souverain: une impossibilité absolue n'est, en principe, pas exigée, il suffit que les parents aient fait tout ce qui était
raisonnablement possible pour empêcher le fait; s'ils ont négligé son éducation, en lui laissant contracter des habitudes vicieuses
et ne réprimant pas ses mauvais penchants etc., ils sont responsables, même si le fait a été commis à leur insu, en leur absence;
si la responsabilité du père cesse lorsqu'il a placé son enfant dans un établissement d'éducation, il n'en est pas ainsi si
l'enfant habite chez ses parents et n'est placé sous la discipline d'un établissement que pour un temps limité de la journée; dans
ce cas la responsabilité reste exclusivement au père, surtout s'il a une faute à se reprocher quant à l'éducation de l'enfant; cette
faute peut être prouvée par simples présomptions. Cour 3 mai 1877, 1, 306; Lux. 4 janvier 1893, 3, 79; Lux. 13 février 1895, 4,
182; Lux. 22 janvier 1896, 4, 256; Lux. 15 juillet 1896, 4, 300; Cour 26 juillet 1902, 6, 131.
3° N'est pas pertinente l'offre de la mère de prouver la bonne éducation de l'enfant et son caractère doux et ordonné, si le fait
dommageable était involontaire. Cour 3 mai 1877, 1, 306; Lux. 4 janvier 1893, 3, 79; Lux. 13 février 1895, 4, 182; Lux. 22 janvier
1896, 4, 256; Lux. 15 juillet 1896, 4, 300; Cour 26 juillet 1902, 6, 131.
4° De même le fait que la mère n'a fait que suivre un usage généralement admis ne saurait la décharger de sa responsabilité.
Cour 3 mai 1877, 1, 306; Lux. 4 janvier 1893, 3, 79; Lux. 13 février 1895, 4, 182; Lux. 22 janvier 1896, 4, 256; Lux. 15 juillet 1896,
4, 300; Cour 26 juillet 1902, 6, 131.

3. Indépendance de l'action dirigée contre les père et mère de celle intentée contre l'auteur
direct du dommage

1° L'action en responsabilité dirigée contre le père en vertu de l'article 1384, alinéa 2, est une action principale dont le sort est
indépendant de celui de l'action en responsabilité pouvant être dirigée contre l'auteur direct du dommage, et il est loisible
d'actionner directement la partie civilement responsable sans qu'il soit nécessaire que l'auteur du dommage figure dans
l'instance. Cour 3 mai 1877, 1, 306.
2° L'irresponsabilité d'un mineur, qu'il s'agisse d'un aliéné ou d'un enfant en bas âge, exclut le recours dirigé personnellement
contre ce mineur. Par contre, la responsabilité, émise par l'article 1384, alinéa 2, du Code civil à charge du père d'un mineur
habitant avec lui, est subordonnée à la seule condition que le dommage ait été causé par un acte que le mineur n'avait pas le
droit de commettre. Cour 23 décembre 1969, 21, 268.

4. Responsabilité des père et mère et responsabilité des commettants

1° Si le dommage a été causé par un préposé mineur, la responsabilité civile du commettant exclut celle du père et les deux
actions ne peuvent être cumulées. Cour 4 mai 1929, 12, 109.
2° Le père, propriétaire d'un commerce, auquel son fils habitant avec lui n'a pas de part, qui emploie ce dernier pour faire
avec une camionnette les livraisons aux clients, doit être considéré comme son commettant. Cour 29 juillet 1936, 14, 67.
3° La responsabilité du commettant présuppose une relation contractuelle de supérieur à inférieur; si un enfant mineur a
causé un dommage en exécutant un ordre de sa mère avec laquelle il habite, et que l'ordre a été donné seulement à raison des
relations de mère à fils la mère est civilement responsable, non comme commettante, mais comme mère de sorte qu'elle peut
prouver qu'elle n'a pas pu empêcher le fait. Cour 24 novembre 1922, 12, 420.

B. Responsabilité des commettants du fait de leurs préposés

Le gardien de la chose légalement présumé responsable du dommage occasionné par cette chose, ne saurait être admis, en
vue d'éluder ses obligations envers la victime, à invoquer le bénéfice de la présomption de l'alinéa 3 de l'article 1384 du Code
civil. Cass. 15 janvier 1987, 27, 75.

1. Notion de commettant

a. Lien de subordination

1° Les relations entre commettant et préposé existent seulement, si le commettant a choisi l'agent qualifié de préposé, et s'il
est, d'autre part, en droit de lui donner des ordres et des instructions sur la manière de remplir ses fonctions. Diekirch 15 février
1900, 7, 172.
2° La responsabilité, consacrée par l'article 1384, alinéa 3, du Code civil suppose que le commettant a eu le droit de donner
au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé; c'est ce droit qui
fonde l'autorité et la subordination sans lesquelles il n'existe pas de véritable commettant. Lux. 20 janvier 1954, 16, 86.
3° Lorsqu'un commettant loue à un tiers, avec le service de son cheval, le travail de son ouvrier, la présomption de
surveillance ou de prudence dans le choix de l'ouvrier passe de la tête du commettant sur celle de ce tiers qui seul est
responsable de la faute commise par cet ouvrier au cours ou à l'occasion du travail pour lequel ce dernier a été engagé. Cour 3
mars 1903, 6, 235.
4° Un sous-agent d'assurance n'est pas un préposé de la compagnie d'assurance et ne peut comme tel engager la
responsabilité civile de cette dernière; en rédigeant comme entremetteur une proposition d'assurance que le futur assuré fait
sienne par l'apposition de sa signature, il agit pour le compte de l'assuré et non comme préposé de la compagnie. Lux. 17
octobre 1973, 22, 510.
5° La disposition de l'article 1384 ne s'applique qu'aux faits de la vie civile; elle est étrangère au droit public et ne saurait être
étendue aux actes d'autorité que l'Etat pose comme puissance publique dans la sphère de sa mission gouvernementale;
spécialement, en exécutant une peine de réclusion qui oblige le condamné au travail, le personnel des prisons agit à titre
d'autorité, et si les fautes qu'il peut commettre dans l'exercice de cette partie de ses fonctions peuvent engager sa propre
responsabilité, elles ne sauraient cependant engager la responsabilité pécuniaire de l'Etat; n'est donc pas fondée l'action en
dommages-intérêts basée sur la faute du personnel des prisons et dirigée non contre un fonctionnaire ou employé de cette
administration, mais contre l'Etat, comme civilement responsable des fautes de ses employés. Cour 6 juillet 1900, 5, 501.
6° S'il est admis que l'Etat ne peut engager sa responsabilité par l'exercice de la fonction judiciaire, c'est-à-dire par une faute
commise dans l'exercice de cette fonction, notamment par des actes juridictionnels, cette irresponsabilité pour faits de service
suppose une action en responsabilité basée sur une faute commise par un agent de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission
de service public. Cour 9 juillet 1958, 17, 329.
7° L'accident causé à un officier d'une armée alliée par le fait d'un officier de l'armée luxembourgeoise au cours d'une partie
de chasse organisée par des officiers de l'armée luxembourgeoise à titre purement privé, sans que l'Etat luxembourgeois soit
intervenu comme organisateur ni comme surveillant de cette chasse, et sans que la chasse ait été ordonnée ou organisée par
l'Etat-Major de l'Armée ou par l'Administration militaire comme telle, ne saurait engager la responsabilité de l'Etat, l'auteur du fait
n'ayant dans ce cas agi ni comme agent ni comme préposé de la puissance publique. Il n'en serait autrement que si la victime du
fait dommageable pouvait prouver, à charge de l'Etat, une faute, négligence, omission ou imprudence dans la surveillance des
activités récréatives de son personnel militaire pendant ses heures de service. Cour 25 février 1964, 19, 414.

b. Préposé choisi par le commettant

Les relations entre commettant et préposé existent seulement, si le commettant a choisi l'agent qualifié de préposé, et s'il est,
d'autre part, en droit de lui donner des ordres et des instructions sur la manière de remplir ses fonctions. Diekirch 15 février 1900,
7, 172.

c. Sous-préposé

Lorsqu'un préposé charge une tierce personne de l'aider dans sa mission et de lui prêter une assistance passagère pour un
travail déterminé, le commettant est tenu du fait de ce sous-préposé, à condition que cette aide ou cette assistance soit relative
aux fonctions auxquelles le commettant a employé son préposé. Cour 24 octobre 1956, 17, 17.

d. Maître de l'ouvrage - entrepreneur

1° L'entrepreneur n'est pas à considérer comme un préposé, à moins que le cocontractant se soit réservé la direction entière
et absolue des travaux.
Le maître de l'ouvrage répond de la faute du préposé de l'entrepreneur, qui est à considérer comme son propre préposé, si,
par le contrat passé avec l'entrepreneur, il a abandonné le choix du personnel à ce dernier, qu'il s'est réservé le droit d'exiger le
renvoi immédiat de tout agent ou ouvrier et que le préposé de l'entrepreneur est tenu de se conformer à ses ordres. Cour 27 juin
1893, 3, 216.
2° S'il est vrai que l'entreprise à forfait n'établit pas par elle-même entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur le rapport de
commettant à préposé, il en est différemment lorsque le maître s'est réservé le droit de surveiller et de diriger les travaux. Ce cas
implique, en effet, l'existence du double motif sur lequel est basé la responsabilité du maître, c'est-à-dire, d'un côté, liberté dans le
choix de la personne du préposé, et, de l'autre, droit et partant obligation de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute
cause de dommage dans l'exécution des travaux.
Le forfait n'est pas par lui-même incompatible avec les droits de surveillance et de direction réservés au maître de l'ouvrage.
Le maître de l'ouvrage, dans l'hypothèse ci-dessus, est donc responsable des fautes commises par l'entrepreneur dans
l'exécution des travaux. Cour 27 mai 1892, 3, 349.
3° Le dommage causé par un entrepreneur ou par ses ouvriers n'engage pas la responsabilité de celui qui a traité à forfait de
l'exécution de certains ouvrages; entre lui et l'entrepreneur, il n'y a qu'un contrat de louage d'ouvrage qui ne soumet par lui-même
les contractants à aucune responsabilité civile vis-à-vis des tiers. Pour cela cependant, il faut qu'il s'agisse d'un véritable
entrepreneur, qui seul a dirigé et surveillé les travaux et donné les ordres pour leur exécution; dès que le maître de l'ouvrage, en
conservant la direction et la surveillance des travaux, a exercé sur les ouvriers une autorité directe et permanente, cette autorité
forme le véritable élément constitutif de la responsabilité indirecte édictée par l'article 1384 du Code civil. Lux. 3 avril 1895, 4,
200.
4° Si l'Etat agit en vertu de sa mission politique en décrétant des travaux publics, il en est autrement lorsqu'il les exécute lui-
même. Ces travaux constituent des actes de la vie civile ordinaire et en les exécutant, l'Etat engage sa responsabilité comme tout
autre particulier.
Lorsque l'Etat a relaissé l'exécution de travaux publics à un entrepreneur, mais qu'il s'est en même temps réservé les droits
de direction et de surveillance des travaux, il est obligé d'ordonner les précautions nécessaires pour la sécurité des personnes; il
doit dès lors, répondre de la négligence de l'entrepreneur qui, dans les circonstances précitées, est en même temps son préposé.
Cour 27 juin 1890, 4, 71.
5° L'entrepreneur qui charge un ouvrier de l'exécution d'un travail est à considérer comme son commettant, même si l'ouvrier
est payé à la tâche et travaille avec ses propres outils, du moment qu'il conserve vis-à-vis de lui un droit de direction l'autorisant à
lui donner des ordres et des instructions sur la façon d'exécuter le travail et sur les mesures de précaution à prendre pour éviter
des accidents. Diekirch 25 juillet 1934, 13, 349.

2. Fait du préposé

a. Nécessite d'une faute du préposé

1° Le commettant n'est responsable du dommage causé par son préposé que si ce dommage est la suite d'un acte fautif du
préposé. Diekirch 17 mai 1961, 18, 513.
2° Cette responsabilité a pour fondement la présomption d'une faute commise par le maître, pour avoir fait choix d'un préposé
malhabile, imprudent ou méchant; le fait dommageable doit se rattacher aux fonctions du préposé d'une manière quelconque par
des circonstances de temps, de lieu et de service. Cour 23 mars 1900, 5, 321; Lux. 9 novembre 1904, Cour 17 février 1905, 7,
129.
3° Si la responsabilité du commettant suppose que celle du préposé a été préalablement établie, la loi ne distingue pas entre
les causes qui ont pu donner naissance à la responsabilité du préposé. Dès lors, peu importe le fait générateur de cette
responsabilité, qu'il soit fautif ou non, si les conditions propres à la responsabilité du préposé sont réunies.
Il s'ensuit que si le préposé est gardien d'une chose, il sera responsable en dehors de toute faute et la seule constatation de
sa responsabilité engagée dans l'exercice de ses fonctions permet de mettre en jeu celle de son commettant sur le fondement de
l'article 1384, alinéa 3, du Code civil. J.d.P. Lux. 8 mars 1979, 24, 240.
4° Des faits délictueux engageant la responsabilité civile de l'employeur de leur auteur n'engagent pas moins la responsabilité
pénale et civile personnelle de ce dernier, alors même qu'il eût agi dans l'exercice de ses fonctions. Cour 13 juin 1990, 28, 45.

b. Lien entre la faute du préposé et ses fonctions

Cette responsabilité a pour fondement la présomption d'une faute commise par le maître, pour avoir fait choix d'un préposé
malhabile, imprudent ou méchant; le fait dommageable doit se rattacher aux fonctions du préposé d'une manière quelconque par
des circonstances de temps, de lieu et de service. Cour 23 mars 1900, 5, 321; Lux. 9 novembre 1904, Cour 17 février 1905, 7,
129.

Actes découlant du rapport de préposition

La responsabilité des maîtres et commettants est encourue sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils n'ont pas été à même
d'empêcher le fait qui a donné lieu à leur responsabilité, car l'article 1384 n'exprime aucune exception à cet égard. Cour 26 mai
1916, 9, 559.

Actes accomplis par abus de fonctions

1° Si le commettant doit répondre du dommage résultant de l'abus des fonctions de son préposé, il en est ainsi qu'autant que
le préposé peut être réputé avoir agi pour le compte du commettant; ce dernier cesse d'être responsable, lorsque le préposé a
été envisagé par la victime de l'acte dommageable comme ayant agi pour son compte personnel et non pour celui de son
commettant. Lux. 20 janvier 1954, 16, 86.
2° L'article 1384, alinéa 3, du Code civil, dispose que les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par
leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. La responsabilité du maître est engagée,
même si l'acte fautif du domestique a été commis par un abus des fonctions ou seulement à l'occasion des fonctions, à condition,
toutefois, dans la dernière hypothèse, que le fait dommageable se rattache par un lien de causalité ou de connexité à l'exercice
des fonctions et que l'auteur puisse être réputé avoir agi pour le compte du maître.
Par contre la responsabilité du maître n'est pas engagée, si la fonction a seulement facilité la réalisation du délit, c'est-à-dire
si le délit a été commis au cours des fonctions, mais non à l'occasion de celles-ci. Il en est ainsi, lorsque le fait dommageable non
seulement n'a pas été commis dans l'exercice des fonctions, par abus ou à l'occasion de celles-ci, mais qu'il n'existe entre le fait
et les fonctions aucun lien de causalité ou de connexité. Diekirch 18 février 1959, 17, 512.
3° Le commettant ne saurait décliner sa responsabilité du chef d'un accident d'auto causé par son préposé, en alléguant que
le préposé aurait accompli la course pendant laquelle l'accident est arrivé, à son insu après la fermeture des ateliers, alors qu'il a
personnellement commis une faute en ne prenant pas les précautions nécessaires pour éviter que son préposé ne put, par un
abus de ses fonctions, utiliser l'auto pour ses propres besoins. Lux. 18 juin 1930, 13, 30.
4° Le père, propriétaire d'un commerce auquel son fils, habitant avec lui, n'a pas de part, qui emploie ce dernier pour faire
avec une camionnette les livraisons aux clients, doit être considéré comme son commettant.
Les maîtres commettants sont responsables non seulement des dommages causés par leurs préposés dans l'exercice
normal et régulier de leurs fonctions, mais encore de ceux qui résultent de l'abus de ces fonctions.
Spécialement le commettant est responsable de l'accident survenu à une personne transportée dans son automobile et que
son préposé avait autorisée, à son insu, à y monter, la victime ayant pu par ailleurs raisonnablement admettre, dans les
circonstances données, que le préposé agissait du consentement tacite du commettant. Cour 29 juillet 1936, 14, 67; Lux. 1er
juillet 1914, 9, 425.
5° En cas d'accident causé par un domestique agricole qui s'est emparé du véhicule automoteur de son patron, à l'insu et
sans le consentement de celui-ci, on ne saurait considérer comme fautif le fait du propriétaire d'avoir garé, en plein jour, son
véhicule devant sa maison, dans un milieu de connaissance et à la vue de tous, sans fermer les portières à clef et sans enlever la
clef de contact.
La circonstance que le propriétaire du véhicule ait pu se rendre compte de l'état d'ébriété de son domestique n'était pas de
nature à lui imposer des précautions spéciales, dès lors qu'il n'est pas prouvé que le domestique ait jamais abusé de la confiance
de son patron.
Il n'existe, sauf circonstances spéciales, aucune relation directe de causalité entre le fait d'un propriétaire de n'avoir pris
aucune disposition pour empêcher la soustraction de son véhicule automoteur et l'accident causé par un tiers ayant dérobé ce
véhicule. Lux. 15 novembre 1967, 21, 42.

Actes étrangers aux fonctions

1° La responsabilité consacrée par l'article 1384, alinéa 3, du Code civil, suppose que le commettant a eu le droit de donner
au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé; c'est ce droit qui
fonde l'autorité et la subordination sans lesquelles il n'existe pas de véritable commettant.
En conséquence, la responsabilité du commettant n'est pas engagée au cas où le préposé, après la cessation du travail,
s'empare d'un camion du patron et cause un accident. Lux. 20 janvier 1954, 16, 86.
2° Le commettant ne doit répondre des agissements fautifs de son préposé qu'autant que le dommage causé par ce dernier
l'a été dans les fonctions auxquelles il a été employé. Il s'ensuit que si l'acte dommageable et fautif accompli par le préposé est
indépendant du rapport de préposition qui l'unit à son employeur, celui-ci ne saurait être déclaré responsable des agissements du
préposé. Lux. 29 juin 1960, 18, 248.
3° Spécialement, si le préposé a utilisé en dehors des heures de travail, à des fins purement personnelles, sans l'autorisation
et à l'insu de son employeur, un véhicule qui n'appartenait pas à ce dernier, le commettant ne saurait se voir déclarer civilement
responsable du dommage causé par le préposé. Lux. 7 octobre 1963, 19, 246.
4° Le motif qui a guidé le préposé dans son acte dommageable est irrelevant au point de vue de la responsabilité du maître;
par exemple rixe de deux ouvriers dans l'enceinte de l'usine pour causes étrangères au travail; la responsabilité réfléchie des
maîtres est engagée. Cass. 8 février 1924, 11, 177.
5° Aux termes de l'article 1384, alinéa 3, du Code civil les commettants ne sont responsables que des dommages causés par
leurs préposés «dans les fonctions auxquelles ils ont été employés». Il s'ensuit que si l'acte du préposé est étranger à ses
fonctions, le commettant ne saurait être responsable des conséquences de cet acte.
Constitue un acte étranger aux fonctions et exonérant le commettant de toute responsabilité l'acte sans aucun rapport avec
les fonctions, ni quant au temps et au lieu, ni quant à sa finalité, ni quant aux moyens utilisés par le préposé.
L'acte dommageable posé par le préposé sur les lieux et au temps du travail en vue d'atteindre le but assigné par le
commettant à son travail n'est pas un acte étranger aux fonctions du préposé et n'exonère pas le commettant. J.d.P. Lux. 8 mars
1979, 24, 240.
c. Recours du commettant contre le préposé

L'auteur du fait dommageable reste définitivement responsable, quelles que soient les actions en recours exercées contre
d'autres personnes, et peut être recherché en garantie par ceux qui ont désintéressé les victimes de ces agissements; il n'en
serait autrement que s'il était établi qu'il était simplement l'instrument du maître d'ouvrage, exécutant aveuglement et sans
initiative personnelle les ordres précis qui lui ont été donnés. Diekirch 15 février 1900, 7, 172.

d. Recours du commettant contre un tiers responsable

1° Le commettant lésé par un accident dû à la faute commune de son préposé et d'un tiers ne peut réclamer à ce dernier
réparation de la totalité du préjudice subi, mais il faut porter en déduction la part correspondant à la responsabilité encourue par
le préposé. Cass. 3 juin 1932, 12, 451.
2° Le patron ne peut faire retomber sur un tiers les conséquences d'un fait dommageable de son préposé qu'à la charge de
prouver que ce tiers a agi imprudemment, mais celui-là seul a le droit de se prévaloir de la violation d'une obligation qui avait le
droit de demander l'exécution de l'engagement; le patron est donc sans qualité pour se prévaloir contre un tiers d'un manquement
à un contrat auquel il est resté étranger. Lux. 3 janvier 1903, 6, 255.

e. Rapports de la responsabilité du commettant avec d'autres ordres de responsabilité

Décisions au pénal

La condamnation pénale du préposé est opposable au maître civilement responsable. Lux. 8 décembre 1915, 9, 411.

Responsabilité des père et mère

Voir supra sub responsabilité des père et mère 4.

Art. 1385. Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est
responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré
ou échappé.

1° Lorsqu'aucune faute ne peut être reprochée au conducteur du cheval qui a causé un accident, ce dernier doit être mis hors
de cause; le propriétaire du cheval, à raison de la présomption de faute décrétée par l'article 1385 du Code civil, reste
responsable des conséquences de l'accident, tant que la présomption de faute ne se trouve pas détruite par la preuve du cas
fortuit ou de force majeure, ou d'une faute dans le chef de la victime. Cour 18 juillet 1913, 9, 135.
2° La présomption créée par l'article 1385 du Code civil contre le propriétaire d'un animal qui a causé un dommage à un tiers,
ne peut céder que devant la preuve d'un cas fortuit ou d'une faute commise soit par la victime, soit par un tiers dont le propriétaire
de l'animal n'est pas responsable. Cass. 16 juillet 1886, 2, 452; Cour 30 avril 1897, 4, 341; Cour 26 novembre 1897, 4, 475; Cour
15 décembre 1899, 5, 305; Cour 30 juillet 1926, 11, 394.
3° La présomption de faute de l'article 1385 du Code civil existant alternativement, soit à charge du propriétaire d'une façon
générale, soit à charge de celui qui s'en sert, pour le temps pendant lequel il est à son usage, le propriétaire doit être admis à
repousser, quant à lui, l'application de cette présomption, en prouvant, par les voies de droit, que le dommage a été causé à un
moment où l'animal était au service, ou, ce qui revient au même, au sens de l'article 1385 du Code civil, sous la garde d'un tiers.
Cour 1er avril 1892, 3, 374; Diekirch 9 mai 1895, 4, 239; Lux. 10 juin 1896, 4, 243; Cour 15 décembre 1899, 5, 305; Lux. 20
novembre 1901, 6, 251.
4° Le propriétaire de l'animal ne peut échapper à la présomption légale, même envers le domestique qui conduirait l'animal,
qu'en prouvant que l'accident est dû à un cas fortuit, une force majeure, ou imputable à la seule faute de la victime; la docilité du
cheval et l'habitude du domestique de le conduire ne sont d'aucune relevance au point de vue spécial de l'article 1385. Lux. 10
juin 1896, 4, 243; Cour 30 avril 1897, 4, 34; Cour 26 novembre 1897, 4, 475; Cour 19 mai 1905, 7, 74; Cour 24 décembre 1929,
12, 15.
5° La présomption de faute cesse quand un tiers se sert de l'animal et l'a sous sa garde au moment de l'accident même si ce
tiers n'en retire qu'un profit indirect, par exemple si, sans être le préposé du propriétaire, il s'est chargé de conduire l'animal
contre rémunération à un endroit déterminé. Cour 24 décembre 1929, 12, 15.
6° En cas d'accident causé par un cheval qui s'est emporté à la vue d'une auto, le gardien est responsable pour avoir laissé
circuler sur une route un cheval qui s'effraye aussi facilement. Lux. 11 avril 1929, 12, 319.
7° Lorsque deux animaux, appartenant à deux maîtres différents et à la garde desquels ils ont échappé, se battent et que l'un
d'eux tue l'autre, le maître de l'animal qui a succombé n'a droit à une réparation que pour autant que l'animal qui a tué était
l'agresseur; dans le doute sur le point de savoir lequel des deux animaux était l'agresseur, la perte de l'animal est à considérer
comme un cas fortuit et doit être supportée par le propriétaire. Lux. 11 juin 1884, 3, 204.
8° Ne peut être assimilé à une faute commise par la victime de l'accident l'acte de dévouement de celui qui s'élance à la tête
d'un cheval emporté et reçoit de graves blessures en cherchant à le maîtriser. Lux. 19 janvier 1903, 6, 361.
9° En matière correctionnelle, le ministère public ne peut pas invoquer contre le prévenu la présomption de faute édictée par
l'article 1385 du Code civil contre le propriétaire de l'animal ou celui qui s'en sert, mais doit établir la faute requise par les articles
418 et suivants du Code pénal; spécialement, en cas de lésions corporelles occasionnées par un chien et, en l'absence d'un
règlement de police prescrivant le port d'une muselière, il ne suffit pas de prouver que le chien du prévenu était méchant, mais
encore que cette circonstance était connue du prévenu. Cour 7 juin 1902, 6, 191.
10° La responsabilité édictée par l'article 1385 contre le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son
usage, n'est pas cumulative, mais alternative.
Dès lors, le propriétaire d'un cheval qui a causé un accident est exonéré de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui,
en prouvant qu'au moment de l'accident l'animal était sous la garde d'un tiers qui l'avait à son usage, et il ne pourrait être
recherché soit par la victime, soit par le tiers gardien de l'animal que s'il avait commis une faute personnelle. Cour 19 décembre
1933, 13, 110.
11° La présomption légale de responsabilité, édictée par l'article 1385 du Code civil à charge du gardien d'un animal, par le
fait duquel est survenu un accident, doit recevoir application, même si cet animal n'est pas entré en contact avec la victime, dès
lors que celle-ci établit que l'accident a eu pour cause le fait de l'animal. Lux. 23 avril 1963, 19, 184.
12° Si l'article 1385 du Code civil dispose que le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage,
est responsable du dommage que l'animal a causé, il résulte des termes exprès de la disposition finale de ce texte que la
présomption de responsabilité est édictée non seulement pour le cas où l'animal est sous la garde du propriétaire ou de celui qui
s'en sert, mais aussi pour le cas où le dommage a été causé par un animal égaré ou échappé.
Pour l'application de l'article 1385 du Code civil les juges ont uniquement à constater que le dommage a eu l'animal pour
cause. Il n'est pas nécessaire que les blessures de la victime et le dommage qui en est résulté aient été causés par le corps
même de l'animal.
Il en est ainsi spécialement si un motocycliste a été blessé après avoir heurté un cheval, dès lors que le dommage a été
causé par la présence anormale du cheval sur la chaussée, lequel cheval y errait pendant la nuit, sans surveillance et sans être
signalé par un feu selon les prescriptions du Code de la route.
Le gardien de l'animal qui a causé un dommage ne peut pas s'exonérer de la présomption de responsabilité que fait peser
sur lui l'article 1385 du Code civil en prouvant qu'il n'a pas commis de faute. Il ne peut détruire cette présomption de
responsabilité que par la preuve d'un cas fortuit, de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.
La faute de la victime, lorsqu'elle n'est pas la cause unique du dommage, ne fait pas disparaître entièrement la présomption
de responsabilité qui pèse sur le gardien de l'animal, mais autorise seulement le partage des responsabilités. Cour 14 décembre
1964, 19, 490.
13° La responsabilité, édictée par l'article 1385 du Code civil à l'encontre du propriétaire d'un animal ou de celui qui s'en sert,
est fondée sur l'obligation de garde, corrélative au pouvoir de direction, de contrôle et d'usage qui caractérise le gardien. Bien que
responsable de plein droit de l'animal, cause du dommage, le propriétaire est déchargé de sa responsabilité, si au moment de
l'événement dommageable l'animal se trouvait sous la garde d'une autre personne.
Spécialement, après avoir pris livraison d'un cheval pour le ferrer, le maréchal-ferrant a seul qualité et compétence pour
diriger l'opération de ferrage. Il a de ce fait l'usage, la direction et le contrôle de l'animal et en est partant le gardien. Il est
irrelevant que le propriétaire du cheval ait assisté ou pris part aux opérations de ferrage.
Si, au cas où un tiers a assisté le maréchal-ferrant lors des opérations de ferrage d'un cheval, le tiers est blessé par le cheval,
le maréchal-ferrant ne saurait s'exonérer totalement ou partiellement de la responsabilité de plein droit pesant sur lui en
soutenant et en demandant d'établir que le tiers a ainsi accepté les risques de l'opération de ferrage et qu'il a par ailleurs commis
une faute lors du ferrage, alors que celui qui, par pure complaisance, rend service à autrui, ne peut de ce fait engager sa
responsabilité. Cour 3 mai 1972, 22, 132.
14° Le gardien d'un animal qui a causé un dommage est, en partie, déchargé de la responsabilité par lui encourue à ce titre,
s'il prouve que l'effet d'une cause étrangère, qui ne lui est pas imputable, tel le fait de la victime, eût-il pu normalement le prévoir
et le surmonter, a cependant concouru à la production du dommage. Il est indifférent à ce sujet que le fait de la victime revête ou
non un caractère fautif. Cour 3 mars 1969, 21, 62.
15° La détention matérielle d'un animal par un tiers n'entraîne un transfert de la garde que si elle a lieu en vertu d'un contrat
ou des circonstances impliquant que le propriétaire de l'animal a perdu sur ce dernier et au profit du tiers, soit momentanément,
soit définitivement tout pouvoir de direction, d'usage et de contrôle. Cour 15 février 1978, 24, 125.
16° Le gardien d'un animal doit être à même de prévoir les réactions de celui-ci et prendre les précautions nécessaires pour
les éviter.
La frayeur éprouvée par l'animal ne peut constituer une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité que
lorsqu'elle est due à un événement anormal. Cour 21 février 1979, 24, 272.

Art. 1386. Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine,
lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.
1° Les phénomènes physiques sont des cas de force majeure qui doivent être supportés par ceux qui en sont atteints, pourvu
que le propriétaire du fonds sur lequel ils se produisent, n'ait rien fait qui les ait provoqués ou aggravés; spécialement ne donne
pas lieu à une action en responsabilité contre le propriétaire de rochers de la part du fonds inférieur, l'éboulement sur ce fonds
des rochers supérieurs, alors même que le propriétaire des rochers aurait été antérieurement sommé de prendre les mesures
nécessaires pour prévenir leur éboulement, si d'ailleurs le propriétaire des rochers n'a posé aucun fait qui ait provoqué
l'éboulement. Diekirch 6 avril 1882, 2, 202; Cour 29 avril 1880, 1, 624.
2° La responsabilité établie par l'article 1386 du Code civil contre le propriétaire dont la maison est tombée en ruines, n'est
pas attachée de plein droit à la seule qualité de propriétaire, mais à cette qualité jointe à une présomption de faute; dès lors cette
responsabilité n'est pas encourue, lorsque la maison tombée est une maison non terminée, encore livrée aux ouvriers et placée
sous la surveillance exclusive de l'architecte et de l'entrepreneur et dont le propriétaire n'a ni la possession ni la garde. Cour 8
août 1879, 1, 565.

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