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Le cautionnement bancaire

Selon l'article 1117 du Dahir formant Code des Obligations et des Contrats (le « DOC ») : « Le cautionnement
est un contrat par lequel une personne s'oblige envers le créancier à satisfaire à l'obligation du débiteur, si celui-
ci n'y satisfait pas lui-même. »

Lorsque le cautionnement émane d'un établissement bancaire, ce dernier, en qualité de caution, prête sa signature
au profit de son client afin de garantir sa dette. Il s'agit d'une opération de crédit conformément à l'article 3 de la
loi n°34-03 relatives aux établissements de crédit et organismes assimilés qui dispose que: « constitue une
opération de crédit tout acte, à titre onéreux, par lequel une personne (…) prend, dans l'intérêt d'une autre
personne, un engagement par signature sous forme d'aval, de cautionnement ou de toute autre garantie. ».
Toutefois, il s'agit d'un crédit ne nécessitant pas de décaissement de fonds de la part de la banque, du moins
lorsque l'opération est menée à bonne fin et que son client honore ses engagements vis-à-vis de son créancier.

Du point de vue juridique, le cautionnement bancaire, comme tout cautionnement, est une sûreté personnelle car
il donne au créancier le droit d'agir contre une tierce personne, la banque, qui garantit le paiement de la dette du
débiteur. A distinguer donc des sûretés réelles établies par affectation spéciale de biens ; mobiliers ou
immobiliers, à la garantie d'une créance dans la limite de la valeur dudit bien.

Le cautionnement bancaire présente de multiples avantages pour le débiteur dont la solvabilité est garantie. Il
s'agit d'une forme de sûreté à même de garantir toutes sortes d'obligations pourvu qu'elles soient valables
conformément aux dispositions de l'article 1120 du DOC.

L'obligation cautionnée peut même être éventuelle, ce qui est expressément autorisé par l'article 1121 du DOC
qui précise que le cautionnement peut avoir pour objet une obligation éventuelle , future ou indéterminée, pourvu
que la détermination puisse être faite par la suite ; dans ce cas, l'engagement de la caution est déterminé par celui
du débiteur principal. En d'autres termes, il n'est pas nécessaire que l'obligation principale à cautionner existe au
moment de l'engagement de la caution, il suffit qu'elle existe et qu'elle soit exigible au moment où le créancier en
demande le paiement.

Certaines obligations doivent légalement être garanties par un cautionnement. En effet, la loi prévoit un bon
nombre d'hypothèses où un cautionnement est exigé du débiteur. Sans pour autant qu'il soit imposé un
cautionnement émanant nécessairement d'une banque, le cautionnement bancaire est généralement préféré à tout
autre cautionnement d'une tierce personne ne présentant pas les mêmes garanties de solvabilité qu'un
établissement bancaire. Généralement, les cautionnements bancaires sont donnés auprès de l'Administration
Fiscale ou pour la garantie de l'exécution d'un marché public. Il peut même être donné au bénéfice d'un autre
établissement de crédit pour la garantie du remboursement d'un prêt. Plusieurs exemples de cautionnements
pouvant être fournis par les établissements de crédit sont, en effet, prévus par le législateur (I). Nous aurons
l'occasion, par la suite, de traiter du régime juridique du cautionnement bancaire puisé principalement dans les
principes de droit commun relatif au contrat de cautionnement (II).

I. QUELQUES EXEMPLES DE CAUTIONNEMENTS POUVANT ETRE FOURNIS PAR LES


ETABLISSEMENTS DE CREDIT:

Certains cautionnements sont rendus obligatoires par la loi, plus particulièrement ceux d'ordre fiscal ou à
l'occasion d'adjudication de marchés publics.

Ainsi, les cautionnements établis auprès de l'Administration des Douanes peuvent être données à l'occasion de
certaines opérations effectuées au moment de l'entrée de marchandises étrangères sur le territoire national.

La réglementation douanière impose de couvrir les marchandises placées sous certains régimes économiques en
douanes par un acquit à caution. En effet, l'article 116 al.1 du Code des Douanes et Impôts Indirects dispose
que : « 1° les marchandises placées sous un régime suspensif doivent être couvertes soit par un acquit à caution
établi sur la formule de la déclaration en détail prévue par l'article 74 ci-dessus ou, lorsque les nécessités
économiques le justifient, sur la formule de la déclaration simplifiée prévue par l'article 76 bis-3°, soit par des
documents internationaux conformes aux modèles prévus par les conventions internationales auxquelles le
Maroc adhère. ».

Rappelons à cet égard que lesdits régimes suspensifs comprennent l'entrepôt en douane, l'entrepôt industriel
franc, l'admission temporaire pour perfectionnement actif, l'admission temporaire, l'exportation temporaire pour
perfectionnement passif, l'exportation temporaire, le transit et la transformation sous douane. Lesdits régimes
permettent le stockage, la transformation, l'utilisation ou la circulation de marchandises en suspension des droits
de douanes, des taxes intérieures de consommation ainsi que de tous autres droits et taxes dont elles sont
passibles. Ils permettent, en outre, sauf disposition contraire prise par arrêté du ministre chargé des finances et du
(ou des) ministre(s) intéressé(s), la suspension de l'application des prohibitions et restrictions quantitatives à
l'importation ou à l'exportation.

Afin de bénéficier des avantages apporté par chacun desdits régimes suspensifs, l'Administration impose au
soumissionnaire de garantir ses engagements par un cautionnement. Certes, la loi ne précise pas que ce
cautionnement doit émaner obligatoirement d'une banque, rien n'interdit d'ailleurs que la caution soit même une
personne physique, mais le plus souvent l'acquit à caution est de nature bancaire. La banque s'engage avec le
soumissionnaire à payer les droits et taxes exigibles au cas où celui-ci ne respecterait pas ses engagements vis-à-
vis de l'Administration.

En effet, l'article 116 al.2 précise que l'acquit à caution comporte, outre la déclaration détaillée des marchandises,
l'engagement solidaire du soumissionnaire et d'une caution de satisfaire aux prescriptions des lois, règlement et
décisions propres au régime douanier suspensif au bénéfice duquel ces marchandises sont déclarées.

Du point de vue formel, l'acquit à caution est un acte public et authentique dont les énonciations font foi jusqu'à
inscription de faux. Les déclarations en régimes économiques doivent, préalablement à leur dépôt, être soumises
au recevoir des Douanes pour agrément de la caution et ce, par apposition du cachet et de la signature du
Receveur avec la mention « caution agréée ».

Les obligations de la caution à ce titre sont précisées par l'article 230 du Code des Douanes et Impôts Indirects :
« les cautions sont tenues, au même titre que les principaux obligés, de payer les droits et taxes, les pénalités
pécuniaires et autres sommes dues par les redevables qu'ils ont cautionnés.

Toutefois, en matière de régimes économiques en douanes, les cautions octroyées par les banques ou par les
sociétés d'assurance peuvent porter sur la totalité ou une partie des droits et taxes suspendus et ce, dans la limite
des sommes cautionnées dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé des finances. Les intérêts de
retard et autres sommes dus ainsi que les pénalités pécuniaires éventuelles demeurent à la charge du principal
obligé. »

La libération de la caution n'intervient qu'après décharge consentie de l'Administration des Douanes. En effet,
Selon l'article 117, le soumissionnaire et la caution ne sont définitivement libérés qu'au vu du certificat de
décharge dûment authentifié donné par les agents de l'Administration. Toutefois, en cas d'apurement partiel
successifs du compte du régime suspensif sous lequel les marchandises sont placées, le soumissionnaire et la
caution sont partiellement libérés au vu d'un certificat de décharge partiel dûment authentifié, donné par les
agents de l'administration, au terme de chaque opération d'apurement partiel et à concurrence des quantités
apurées. Cette décharge définitive est donnée par le bureau de souscription de l'acquit.

En matière de marchés publics, le recours aux cautionnements bancaires est également fréquent. En effet, le
soumissionnaire ou le titulaire d'un marché public a la possibilité d'y recourir en remplacement des différentes
garanties exigées par la législation sur les marchés publics nécessitant une mobilisation de fonds.

Il s'agit en premier lieu du cautionnement provisoire. Selon le Décret n°2-06-388 fixant les conditions et les
formes de passation des marchés de l'Etat ainsi que certaines règles relatives à leur gestion et à leur contrôle,
seuls peuvent participer aux appels d'offres, dans le cadre des procédures prévues à cet effet par le présent décret,
les personnes physiques ou morales qui justifient des capacités financières requises. Selon l'article 23 dudit
décret, pour établir la justification desdites capacités, le dossier administratif que doit présenter chaque
concurrent comprend le récépissé du cautionnement provisoire ou l'attestation de la caution personnelle et
solidaire en tenant lieu, le cas échéant.
Le montant du cautionnement provisoire doit être, conformément aux termes de l'article 12 du décret n°2-99-
1087 du 04.05.2000 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de
travaux exécutés pour le compte de l'Etat, exprimé en valeur et non pas en pourcentage du montant de l'acte
d'engagement.

Selon l'article 15 al.1 du décret n°2-99-1087, le cautionnement provisoire reste acquis à l'Etat notamment dans
les cas suivants :

 Si le soumissionnaire retire son offre pendant le délai fixé aux articles 34 et 74 du décret n°2-98-
482 ;
 Si le soumissionnaire n'accepte pas la correction du montant de l'acte d'engagement ;
 Si l'attributaire refuse de signer le marché ;
 Si le titulaire ne réalise pas le cautionnement définitif dans le délai prévu au paragraphe 3 de
l'article 12.
Il s'agit ensuite du cautionnement définitif appelée aussi « caution de bonne exécution » ou « de bonne fin »
exigé du titulaire du marché. En effet, selon le décret n°2-99-1087 , le maître d'ouvrage ne peut délivrer à
l'entrepreneur, après la notification de l'approbation du marché, l'acte d'engagement, le cahier des prescriptions
spéciales et les pièces expressément désignées comme constitutive du marché préalablement à la constitution du
cautionnement définitif s'il est exigé par le cahier des prescriptions spéciales. Aux termes de l'article 12 dudit
décret, à défaut de stipulations particulières dans le cahier des prescriptions spéciales et sous réserve de la
réglementation particulière à certaines catégories de soumissionnaires, le montant du cautionnement définitif est
fixé à trois pour cent (3%) du montant initial du marché. Il doit être constitué dans les 30 jours qui suivent la
notification de l'approbation du marché. Il reste affecté à la garantie des engagements contractuels de
l'entrepreneur jusqu'à la réception définitive des travaux. Toutefois, lorsque le cahier des prescriptions spéciales
prévoit la réception provisoire partielle de l'une ou plusieurs parties de l'ouvrage à réaliser, le maître d'ouvrage
peut restituer une partie du cautionnement définitif à hauteur du taux prévu à cet effet par le cahier des
prescriptions spéciales et correspondant à la part des travaux réalisés et réceptionnés.

Enfin, la législation marocaine sur les marchés publics prévoit l'instauration d'un mécanisme de retenue de
garantie. En effet, l'article 13 dudit décret dispose qu'à défaut de stipulation différentes du cahier des
prescriptions spéciales, une retenue de garantie est prélevée sur les acomptes délivrés à l'entrepreneur. Le
paiement des acomptes s'effectue au même rythme que celui fixé pour l'établissement des décomptes provisoires
sauf retenue d'un dixième pour garantie. Toutefois, le paiement des acomptes pourra être effectué sans retenue de
garantie si le cahier des prescriptions spéciales le prévoir expressément. A défaut de stipulation particulières du
cahier des prescriptions spéciales, la retenue de garantie cesse de croître lorsqu'elle atteint 7% du montant initial
du marché augmenté, le cas échéant, du montant des avenants.

La loi marocaine permet à l'ensemble de ces garanties d'exécution des marchés publics qui sont de nature réelle
constituées en numéraires ou en valeur d'être remplacées par des cautionnements personnels et solidaires
émanant des établissements agrées à cet effet par le ministre chargé des Finances. Ce qui autorise les
établissements de crédit à consentir de tels cautionnements. En effet, l'article 14 du décret n°2-99-1087 dispose
que le cautionnement provisoire, le cautionnement définitif et la retenue de garantie peuvent être remplacées par
des cautions personnelles et solidaires s'engageant avec le concurrent ou l'entrepreneur à verser à l'Etat, jusqu'à
concurrence des garanties stipulées au cahier des prescriptions spéciales, les sommes dont ils viendraient à être
reconnus débiteurs envers l'Etat à l'occasion des marchés. De cette manière, le cautionnement délivré par
l'établissement de crédit permet au soumissionnaire et au titulaire du marché de ne pas déposer, en espèce, les
cautionnements prévus par les cahiers des charges.

Selon l'article 16 du décret n°2-99-1087, la caution qui remplace le cautionnement provisoire est libérée d'office
après que le titulaire ait réalisé le cautionnement définitif. En ce qui concerne la caution qui a remplacé le
cautionnement définitif et le paiement de la retenue de garantie, elle est libérée à la suite d'une mainlevée
délivrée par le maître d'ouvrage, dans les trois mois suivant la date de la réception définitive des travaux, si le
titulaire du marché :

 A rempli à la date de la réception définitive toutes ses obligations vis-à-vis du maître d'ouvrage ;
 A justifié du paiement des indemnités dont il serait redevable en application de la loi n°71-81
relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et à l'occupation temporaire promulguée
par le dahir n°1-81-254 du 06 mai 1982 à raison des dommages causés à la propriété privée par
l'exécution des travaux ;
 A effectivement remis les plans de récolement des ouvrages exécutés.
D'autres exemples de cautionnement pouvant être délivrés par les banques sont fournies par la loi marocaine.
Ainsi, l'article 618-9 du DOC tel que complété par la loi n°44-00 sur la vente d'immeuble en l'état futur
d'achèvement dispose que : « le vendeur doit constituer au profit de l'acquéreur une caution bancaire ou toute
autre action similaire et, le cas échéant, une assurance afin de permettre à l'acquéreur de récupérer les versements
en cas de non application du contrat. »

Selon l'article 6 de la loi n°01-07 édictant des mesures particulières relatives aux résidences immobilières de
promotion touristique et modifiant et complétant la loi n°61-00 portant statut des établissements touristiques : «
la société de gestion des résidences immobilières de promotion touristique doit être titulaire d'une licence
délivrée par l'administration. La licence est délivrée aux personnes morales qui répondent aux conditions
suivantes : (…) justifier de garanties financières suffisantes, résultant d'un cautionnement permanent et
ininterrompu, spécialement affecté à la garantie des engagements pris par la société de gestion à l'égard des
copropriétaires, notamment en ce qui concerne le payement des loyers ou une assurance qui en tient lieu. ».
Selon l'article 7 du décret n°2-08-680 pris pour l'application de ladite loi : « le montant du cautionnement prévu à
l'article 6 de la loi précitée n°07-01, qu'il soit en numéraire, qu'il résulte d'une caution bancaire ou qu'il soit
couvert par une assurance, ne peut être inférieur à la somme de trois mois de loyers fixes relatifs à chaque unité
dans chaque résidence immobilière de promotion touristique dont la gestion est assurée par la société. ». Et
l'article 8 dudit Décret d'ajouter que « (…) lorsque le cautionnement résulte d'une caution bancaire ou est couvert
par une assurance, la société de gestion doit justifier annuellement son renouvellement à l'administration chargée
du tourisme. Le cautionnement ne peut jouer que sur décision de justice. »

II. LE REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AU CAUTIONNEMENT BANCAIRE

Les règles de droit commun s'appliquent incontestablement au cautionnement bancaire en prenant en


considération la nature commerciale de ce dernier.

Tout d'abord, le cautionnement bancaire comme tout cautionnement reste un engagement accessoire par lequel la
banque caution s'engage à exécuter l'obligation d'un débiteur au cas où celui-ci ne le ferait pas. De ce caractère
accessoire découleront certaines conséquences.

D'une part, le cautionnement bancaire se distingue d'autres engagements bancaires à caractère autonome. En
effet, une garantie bancaire est dite autonome lorsque la banque s'oblige, en considération d'une obligation
souscrite par un tiers, à verser une somme à première demande ou suivant des modalités convenues. Ainsi, la
banque s'engage à payer une somme représentative de sa propre dette, et non, comme en matière de
cautionnement, exécuter la dette du débiteur principal. Alors que le créancier est tenu, lorsque la dette est
garantie par un cautionnement bancaire, d'établir le caractère certain, liquide et exigible de la dette principale. Il
n'est pas tenu de le faire en présence d'une garantie autonome qui lui permet d'exiger de la banque un paiement
immédiat sous réserve, dans certaines hypothèses, de la fourniture de documents justificatifs.

D'autre part, le cautionnement bancaire se distingue également d'une simple lettre d'intention qui ne porte que sur
une obligation de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de
son obligation envers le créancier.

Le caractère accessoire du cautionnement fait que l'engagement de la caution dépend de l'existence de la créance
à garantir. Selon l'article 1128 du DOC : « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, sauf en
ce qui concerne le terme ». En d'autres termes, Cet engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni
être contracté sous des conditions plus onéreuses. Néanmoins, l'article 1129 du DOC permet que le
cautionnement soit contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses.

La principale spécificité du cautionnement bancaire est que celui-ci est de nature commerciale puisqu'il est
souscrit, contre rémunération, par une personne morale (l'établissement de crédit) ayant le statut de commerçant
dans le cadre de ses activités commerciales. De ce caractère commercial découleront également les conséquences
qui suivent.
Du point de vue formel, la règle de droit commun applicable aussi bien pour les cautionnements civils que
commerciaux est que l'engagement de la caution doit être exprès et ne se présume point (article 1123 du DOC).
Par conséquent, le cautionnement ne saurait être tacite. La question est de savoir si la nature commerciale du
cautionnement bancaire , et le principe de la liberté de la preuve qui en découle, exonère celui-ci de l'obligation
de prévoir un écrit imposée par l'article 443 du DOC pour toutes conventions et autres faits juridiques ayant pour
but de créer, de transférer, de modifier ou d'éteindre des obligations ou des droits et excédant la somme ou la
valeur de dix mille dirhams. En fait, l'article 334 du Code du Commerce qui dispose qu'en matière commerciale
la preuve est libre, prévoit l'obligation de la rapporter par écrit quand la loi ou la convention l'exigent. Ainsi, les
différents cas de cautionnement prévus légalement imposent, comme on l'a vu, la condition d'un écrit. De
mêmes, les cautionnements conventionnels sont généralement établis par écrit exposant de manière explicite les
obligations de la caution.

L'autre conséquence du caractère commercial du cautionnement commercial est la présomption de solidarité.


Conformément au principe édicté par l'article 335 du code du commerce selon lequel, en matière d'obligations
commerciales, la solidarité se présume, le cautionnement bancaire est nécessairement un cautionnement solidaire
même en l'absence d'une convention spéciale. En effet, selon l'article 1133 du DOC : « le cautionnement
n'entraîne pas solidarité, si elle n'est expressément stipulée. Dans ce dernier cas, et dans celui où le
cautionnement constitue un acte de commerce de la part de la caution, les effets du cautionnement sont régis par
les principes relatifs aux obligations solidaires entre débiteurs. »

En s'engageant solidairement, la banque rapproche sa situation de celle d'un débiteur solidaire en renonçant au
bénéfice de discussion et au bénéfice de division. Par conséquent, le créancier bénéficiaire a la possibilité
d'invoquer à la fois les effets du cautionnement et ceux de la solidarité. Par l'effet de cette solidarité, le débiteur
principal et la caution se représentent mutuellement. Ainsi par exemple, l'interruption de la prescription par l'un
vaut à l'égard de l'autre.

Rappelons que dans le cadre d'un cautionnement simple, la caution peut opposer le bénéfice de discussion en
contraignant le créancier à poursuivre d'abord le débiteur, à saisir et faire vendre ses biens, avant de l'obliger
elle-même au paiement. L'article 1136 du DOC prévoit en effet que : « la caution a le droit d'exiger que le
créancier discute au préalable le débiteur principal dans ses biens, meubles et immeubles, en lui indiquant ceux
qui sont susceptibles d'exécution, pourvu qu'ils soient situés dans le territoire soumis à la juridiction des
tribunaux français au Maroc. Dans ce cas, il est sursis aux poursuites contre la caution jusqu'à la discussion des
biens du débiteur principal, sans préjudice des mesures conservatoires que le créancier peut être autorisé à
prendre contre la caution. Si le créancier possède un droit de gage ou de rétention sur un bien meuble du
débiteur, il doit se payer sur cet objet, à moins qu'il ne soit affecté à la garantie d'autres obligations du débiteur,
et qu'il soit insuffisant à les payer toutes. »

Il en est de même du bénéfice de division. Lorsque plusieurs cautions se sont engagées à garantir le paiement de
la dette, celle qui est poursuivie peut demander au créancier de diviser ses poursuites entre tous les
cofidéjusseurs. Ce qui exclut toute solidarité entre ces derniers. En effet, selon l'article 1138 du DOC « lorsque
plusieurs personnes ont cautionné la même dette par le même acte, chacune d'elles n'est obligée que pour sa part
et portion. »

Tandis que la caution solidaire est privée des bénéfices de discussion et de division. Ainsi, la banque caution est
tenue de payer sans qu'elle puisse opposer un quelconque bénéfice de discussion. En effet, l'article 1137 du DOC
précise que la caution ne peut demander la discussion du débiteur principal lorsqu'elle a renoncé formellement à
l'exception de discussion, et notamment lorsqu'elle s'est engagé solidairement avec le débiteur principal. De
même, l'article 1138 du DOC précise que la solidarité entre cautions n'a lieu que si elle a été stipulée, ou lorsque
le cautionnement a été contracté séparément par chacune des cautions pour la totalité de la dette ou lorsqu'il
constitue un acte de commerce de la part des cautions. En d'autres termes, lorsque l'engagement des
cofidéjusseurs est solidaire, notamment par exemple lorsque les différentes cautions sont des établissements
bancaires, ils leurs est, en principe, impossible de demander au créancier de diviser son recours entre eux.

Il faut préciser en outre que la caution solidaire conserve le droit d'opposer au créancier les exceptions qui
appartiennent au débiteur principal. Selon l'article 1140 du DOC : « la caution peut opposer au créancier toutes
les exceptions, tant personnelles que réelles, qui appartiennent au débiteur principal, y compris celles qui se
fondent sur l'incapacité personnelle de ce dernier. Elle a le droit de s'en prévaloir, encore que le débiteur
principal s'y oppose ou y renonce. Elle peut même opposer les exceptions qui sont exclusivement personnelles à
ce dernier, telles que la remise de la dette faite à la personne du débiteur.
Par conséquent, la caution dispose du droit d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au
débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette. Elle peut par exemple invoquer les causes de limitation ou
d'extinction de la dette (paiement partiel, compensation), demander la résolution du contrat principal ou se
prévaloir de l'extinction de l'obligation de garantie, faute de déclaration au passif du redressement judiciaire du
débiteur ouvert postérieurement au jugement de condamnation. Lorsque l'obligation principale est atteinte de
nullité, la caution peut également opposer au créancier l'exception de nullité.

Quels sont les recours dont dispose la banque en qualité de caution ? Là aussi, lesdits recours sont régis par le
droit commun.

D'une part, la caution a la faculté, dans certaines circonstances exceptionnelles, de poursuivre le débiteur
principal même avant d'avoir payé. En effet, l'article 1141 du DOC dispose que : « la caution peut agir en justice
contre le débiteur principal, afin d'être déchargée de son obligation :

1. lorsqu'elle est poursuivie en justice pour le paiement, et même avant toute poursuite, dès que le débiteur
est en demeure d'exécuter l'obligation ;
2. lorsque le débiteur s'est obligé à lui rapporter la décharge du créancier dans un délai déterminé, si ce
terme est échu, au cas où le débiteur ne peut rapporter cette décharge, il doit payer la dette ou donner à
la caution un gage ou une sûreté suffisante ;
3. lorsque les poursuites contre le débiteur sont devenues notablement plus difficiles par suite du
changement de résidence ou de domicile du débiteur, ou de son établissement industriel. »

De même, l'article 1142 du DOC ouvre, au bénéfice de la caution, le droit à une action contre le créancier en
précisant que : « La caution peut agir contre le créancier afin d'être déchargée de la dette, si le créancier diffère à
réclamer l'exécution de l'obligation aussitôt qu'elle est devenue exigible. »

D'autre part, la banque qui a payé le créancier dispose de deux actions pour obtenir du débiteur le
remboursement : une action personnelle et l'action du créancier dans les droits duquel elle est subrogée :

1. une action personnelle en remboursement :

L'article 1143 du DOC dispose que : « la caution qui a valablement éteint l'obligation principale a son recours,
pour tout ce qu'elle a payé, contre le débiteur, même si le cautionnement a été donné à l'insu de ce dernier. Elle a
recours également pour les frais et les dommages qui ont été la conséquence légitime et nécessaire du
cautionnement.

Tout acte de la caution, en dehors du paiement proprement dit, qui éteint l'obligation principale et libère le
débiteur vaut paiement, et donne ouverture au recours de la caution pour le principal de la dette et les frais y
relatifs. »

Ainsi, la banque caution pourra réclamer non seulement ce qu'elle a payé au créancier en capital et intérêt mais
aussi les frais engagés et les dommages-intérêts éventuels.

En outre, l'article 1144 du DOC ajoute que : « la caution qui a payé n'a de recours contre le débiteur principal
que si elle peut représenter la quittance du créancier, ou une autre pièce constatant l'extinction de la dette. La
caution qui a payé avant le terme n'a de recours contre le débiteur qu'à l'échéance de l'obligation principale. »

2. l'action du créancier dans laquelle elle est subrogée :

Selon l'article 1147 du DOC : « la caution qui a valablement acquitté la dette est subrogée aux droits et aux
privilèges du créancier contre le débiteur principal, à concurrence de tout ce qu'elle a payé, et contre les autres
cautions, à concurrence de leurs parts et portions. Cette subrogation ne modifie pas, cependant, les conventions
particulières intervenues entre le débiteur principal et la caution. »

Par l'effet de la subrogation, la banque caution bénéficie donc des actions, droits et sûreté du créancier payé
contre le débiteur solidaire. Lorsque la banque a cautionné un codébiteur solidaire, elle est subrogée dans tous les
droits du créancier contre les codébiteurs et peut, par conséquent, réclamer la totalité de la dette à l'un
quelconque d'entre eux.

La subrogation prévue aux articles 1147 et 211 du DOC nécessite un paiement effectif de la caution pour que
cette dernière puisse se prévaloir de la qualité de créancier. En application de ce principe, la simple
condamnation de la caution à payer le créancier bénéficiaire n'est pas suffisante pour lui permettre d'exercer son
recours subrogatoire en absence d'un paiement effectif. En pratique, il est souvent inséré une clause de non-
concours en vertu de laquelle la subrogation dans les droits du créancier ne peut intervenir que si la caution a
payé la totalité de la dette.

Ainsi, le recours subrogatoire ne permet à la banque caution que de prétendre au remboursement des sommes
que le créancier pouvait lui-même réclamer au débiteur principal. Par conséquent, elle ne peut obtenir le
remboursement des frais ou l'attribution de dommages-intérêts. Si le débiteur fait l'objet d'une procédure
collective, le recours subrogatoire devrait en principe d'habiliter la caution qui a payé le créancier antérieurement
à l'ouverture de ladite procédure à déclarer sa créance, sauf convention donnant au créancier subrogeant qualité
pour agir en lieu et place de la caution et sans préjudice des règles propres de la déclaration de créances par un
tiers.

Enfin, lorsque la banque caution qui s'est engagé avec d'autres banques ou avec d'autres personnes à garantir la
même dette l'a payé, elle dispose également d'une double action. D'une part, elle est subrogée dans les droits du
créancier qu'elle a payé et bénéficie, pour son recours contre les autres cautions, des sûretés qu'avait ce créancier.
D'autre part, elle dispose d'une action personnelle pour demander à chacun de ses cofidéjusseurs de contribuer au
paiement de la dette pour sa portion. L'article 1145 du DOC dispose que : « s'il y a plusieurs cautions solidaires,
celle qui a payé le tout, à l'échéance, a également recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et
portion, ainsi que pour la part des répondants solidaires insolvables. »

Quel régime juridique applicable a la vidéosurveillance en entreprise ?


Document élaboré en Avril 2012

Tout système de vidéosurveillance installé par un employeur dans les locaux d'une entreprise présente
incontestablement le risque d'une intrusion dans la vie privée des salariés, d'où la nécessité d'un encadrement
légal à même d'assurer les droits fondamentaux des individus tout en gardant le droit de l'entreprise de
poursuivre des objectifs de sécurité ou de contrôle. En effet, une technologie de plus en plus sophistiquée en
matière de vidéosurveillance assure aujourd'hui aux entreprises une large palette de fonctionnalités qui, si elles
sont à même d'être efficaces eu égard aux objectifs poursuivis, présentent un risque accru de dérive, d'abus et de
détournement.

La subordination juridique caractérisant la relation de travail et le pouvoir de contrôle qui est juridiquement
reconnu à l'employeur sur ses salariés n'impliquent certainement pas l'utilisation de moyens attentatoires aux
droits de la personnalité dudit salarié. En d'autres termes, l'employeur aurait le droit d'utiliser un dispositif de
vidéosurveillance dans un objectif de surveillance et de contrôle des salarié sur le lieu et pendant le temps de
travail, prérogatives qui lui sont reconnues sur la base du lien de subordination qui l'unit à ses salariés. Toutefois,
ces prérogatives ne sauraient être exercées légalement que si le respect des droits individuels des salariés est
assuré.

Quels peuvent être les apports de la nouvelle législation marocaine relative à la protection des données à
caractère personnel en matière d'encadrement juridique de la vidéosurveillance ? La première question à poser
est celle de savoir si les données collectées par un dispositif de vidéosurveillance peuvent-elles s'insérer dans la
définition des « données à caractère personnel » telle que déterminée par l'article 1 de la loi n° 09-08 relative à
laprotection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (ci-après la « Loi
n°09-08») [1].
Rappelons que d'après cet article les « données à caractère personnel » sont toute information, de quelque nature
qu'elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l'image, concernant une personne
physique identifiée ou identifiable. Et le même article d'ajouter qu'est réputée identifiable une personne qui
peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d'identification ou à un
ou plusieurs éléments spécifique de son identité physique, physiologiques, génétique, économique, culturelle ou
sociale ».

Cette définition nous permet aisément de retenir que, d'une part, l'image et le son sont admis comme support à
une information personnelle susceptible d'être qualifiée de donnée à caractère personnel, et que, d'autre part, les
personnes concernées doivent être identifiées ou simplement identifiables, ce qui peut parfaitement inclure les
salariés d'une entreprise travaillant dans un périmètre donné. A contrario, l'identification des personnes
concernées exclut que ledit périmètre soit un lieu public, c'est-à-dire accessible à des personnes extérieures à
l'entreprise, sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès soit permanent et inconditionnel ou subordonné
à certaines conditions et dans lequel les personnes concernées ne peuvent être ni identifiées ni identifiables.
L'impératif de l'identification impose, par conséquent, que le lieu dans lequel se trouvent les personnes
concernées soit de nature privé comme par exemple des bureaux fermés au public, des plateaux ou les entrepôts
d'une entreprise.(Copyright Artémis 2012 - tous droits réservés)

La deuxième interrogation est celle de savoir si, du point de vue des dispositions de la Loi n°09-08, le traitement
de l'image et éventuellement du son collectés via un dispositif de vidéosurveillance est susceptible d'être qualifié
de « traitement de données à caractère personnel » ? Toujours selonl'article 1 de ladite loi, le « Traitement de
données à caractère personnel » est toute opération ou ensemble d'opérations effectuées ou non à l'aide de
procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte,
l'enregistrement, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation,
la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le
rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction .

Il est évident qu'aujourd'hui, la plupart des dispositifs de vidéosurveillance sont à même, du point de vue
technique, de permettre la réalisation de l'ensemble des fonctionnalités susvisées. Ce qui nous permet d'admettre
que l'image et le son émanant d'une personne identifiée ou identifiable dans un lieu privé collecté par le biais
d'un dispositif de vidéosurveillance constitue une donnée à caractère personnel et devant être traitées comme
telle conformément aux conditions et modalités prévues par la Loi n°09-08.

Quels sont donc les obligations légales de l'employeur désirant mettre en place un dispositif de vidéosurveillance
au sein de son entreprise ? (A) et quels sont les droits dont peuvent se prévaloir les salariés concernés par un tel
dispositif ? (B)

A. Les obligations légales de l'employeur désirant mettre en place un dispositif de vidéosurveillance au


sein de son entreprise ?

Le traitement d'une donnée personnelle collectée par vidéosurveillance ne devrait, semble-t-il, faire l'objet que
d'une obligation de déclaration auprès de la commission nationale de contrôle de la protection des données à
caractère personnel (ci-après la « Commission ») et non d'autorisation préalable puisque les dispositions de
l'article 12 de la Loi n°09-08 excluent ce type de traitement parmi ceux devant impérativement être autorisés par
ladite Commission[2]. Le défaut de déclaration est sanctionné pénalement par l'article 52 de la Loi n°09-08 qui
dispose que, sans préjudice de la responsabilité civile à l'égard des personnes ayant subi des dommages du fait de
l'infraction, est puni d'une amende de 10.000 à 100.000 DH, quiconque aura mis en œuvre un fichier de données
à caractère personnel sans la déclaration exigée par l'article 12 ou aura continué son activité de traitement de
données à caractère personnel malgré le retrait du récépissé de la déclaration.

A noter que selon l'article 20 de la Loi n°09-08 « Lorsqu'il apparaît à la Commission nationale, à l'examen de la
déclaration qui lui est fournie, que le traitement envisagé présente des dangers manifestes pour le respect et la
protection de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont
ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet, elle décide de soumettre ledit traitement au régime d'autorisation
préalable. Sa décision, motivée, est notifiée au déclarant dans les huit jours suivant celui du dépôt de la
déclaration. » . D'après ce pouvoir d'appréciation conféré à la Commission, tout porte à croire qu'en matière de
vidéosurveillance, celle-ci vérifiera la proportionnalité et la pertinence du système au regard de la finalité
indiquée, ainsi que l'adéquation entre les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. Les critères qui seront utilisé
par la Commission pour ce faire reposeront certainement sur l'emplacement des caméras, leur nombre, leur
orientation, leurs fonctionnalités, la période de fonctionnement, l'enregistrement ou non du son, etc.

Quelle sont les autres obligations des entreprises en matière de traitement des données à caractère personnel
collectées par Vidéosurveillance ? La Loi n°09-08 ne prévoit pas d'obligations spécifiques en la matière en
dehors de celles qu'on peut qualifier de « droit commun » et qui restent à adapter selon les spécificités d'un tel
dispositif. Etant donnée que la mise en place de la Commission est toute récente, et donc n'ayant pas eu
l'occasion d'émettre des avis et des recommandations à ce sujet, il serait utile de capitaliser sur l'expérience de
son homologue français, la commission nationale de l'informatique et des libertés (Ci-après la « CNIL »).
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Selon l'article 3 de la Loi n°09-08, les données à caractère personnel doivent être :

 Traitées loyalement et licitement. Appliqué aux dispositifs de vidéosurveillance, la CNIL a eu


l'occasion à plusieurs reprises de contrôler et de sanctionner certains procédés non conforme à ce
principe. Par exemple : un dispositif de vidéosurveillance, installé au sein du secrétariat d'une
école professionnelle, se composait d'une caméra dirigeable à distance, placée sur le bureau des
secrétaires. Celles-ci étaient filmées en permanence, les images étant accessibles depuis le poste
du directeur (elles s'étaient d'ailleurs opposées à l'installation de ces caméras). Le contrôle de la
CNIL a permis de constater que ledit dispositif était disproportionné et portait manifestement
atteinte aux droits des salariés, puisque ces derniers étaient fichés, écoutés en permanence. De
surcroît, les contrôleurs de la CNIL ont relevé que la caméra installée permettait d'écouter à
distance les secrétaires à leur insu. La CNIL a considéré qu'il s'agissait d'une collecte déloyale
d'information ;
 Collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées
ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Selon la CNIL, l'installation de
caméras de surveillance dans une entreprise doit être motivée par des raisons de sécurité
concernant des personnes et des biens. A titre d'illustration : à la question de savoir si une
caméra de vidéosurveillance peut-elle filmer en permanence un poste de travail, la CNIL
considère que, de manière générale, la réponse est non. Est illégal donc un dispositif qui
placerait le personnel sous surveillance constante, générale et permanente. En revanche, la
surveillance d'un poste de travail peut être possible compte tenu d'un risque particulier (par
exemple pour un salarié qui travaille sur une machine dangereuse ou à un guichet où l'argent est
manipulé). Dans ce cas, les caméras doivent être orientées de la façon la moins intrusive possible
(comme par exemple : filmer la caisse plutôt que le salarié). Selon la CNIL, l'employeur ne peut
pas installer de caméras dans les vestiaires, les douches, ou les toilettes d'une entreprise ou dans
tout autre endroit. Ce serait une atteinte à l'intimité de la vie privée des salariés ;
 Adéquates, pertinentes et non excessives, au regard des finalités pour lesquelles elles sont
collectées, et pour lesquelles, elles sont traitées ultérieurement ;
 Exactes et, si nécessaire, mise à jours. Toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour
que les données, inexactes, ou incomplètes, au regard des finalités pour lesquelles elles, sont
collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement, soient effacées ou rectifiées;
 Conservée sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une
durée n'excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont
collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement[3].
En outre, l'article 4 de la loi n°09-08 dispose que le traitement des données à caractère personnel ne peut être
effectué que si la personne concernée a indubitablement donné son consentement à l'opération ou à l'ensemble
des opérations envisagées[4]. (…) Toutefois, ce consentement n'est pas exigé si le traitement est nécessaire :

 Au respect d'une obligation légale à laquelle est soumis(e) la personne concernée ou le


responsable du traitement ;
 A l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée, est partie ou à l'exécution de mesures
précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
 A la sauvegarde d'intérêts vitaux de la personne concernée, si elle est physiquement ou
juridiquement dans l'incapacité de donner son consentement ;
 A l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique, dont
elle investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ;
 A la réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le
destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux
de la personne concernée.
C'est la rédaction de ce dernier paragraphe qui pose une grande difficulté que la Commission sera certainement
appelée à résoudre: est-ce que la réalisation d'un objectif de contrôle et/ou de surveillance par l'entreprise sur ses
salariés constitue-t-il un intérêt légitime l'exonérant de son obligation de demander le consentement de ses
salariés préalablement à l'installation d'un dispositif de vidéosurveillance ? Des éléments de réponse sont
proposés par la jurisprudence française. En effet, selon un arrêt de la Cour de Cassation française en date du 22
mai 1995, si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de
travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance
des salariés. En d'autres termes, l'information du salarié est suffisante en dehors de la nécessité de son
consentement.(Copyright Artémis 2012 - tous droits réservés)

Ce qui nous ramène à la question de savoir si une donnée personnelle collectée par vidéosurveillance peut
constituer une preuve contre le salarié ? La chambre sociale de la Cour de Cassation française a estimé dans un
arrêt du 20 novembre 1991 que « si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés
pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu,
constitue un mode de preuve illicite »[5]. Ce qui est donc illégal, c'est l'utilisation d'un moyen clandestin à l'insu
du salarié pour prouver un agissement fautif. A contrario, demeure tout à fait licite la constitution d'une preuve à
l'encontre du salarié pouvant s'effectuer à l'aide d'un dispositif de vidéosurveillance connu préalablement du
salarié. Encore faut-il, bien évidemment, que ledit moyen de preuve présente suffisamment de garanties
d'authenticité et d'impartialité qui restent appréciable, au cas par cas, par les juges du fond.

Quid de la consultation préalable des représentants du personnel ? Le Code du Travail marocain prévoit dans son
article 466 que « le comité d'entreprise est chargé dans le cadre de sa mission consultative des questions
suivantes : - les transformations structurelles et technologiques à effectuer dans l'entreprise (…) ». Rien dans la
rédaction de ce texte ne nous permet de conclure avec certitude que l'installation d'un dispositif de
vidéosurveillance puisse faire partie desdites transformations, contrairement à l'article L2323-32 al.3 du Code du
Travail Français qui, plus ciblé, prévoit expressément que « le comité d'entreprise est informé et consulté,
préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un
contrôle de l'activité des salariés.», incluant de facto tout dispositif de vidéosurveillance.

Enfin, d'autres obligations d'ordre technique sont prévues par l'article 23 de la Loi n°09-08 et qui sont tout à fait
exigibles dans le cadre de la mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance :

 Le responsable du traitement doit mettre en œuvre les mesures techniques et organisationnelle


appropriées pour protéger les données à caractère personnel contre la destruction accidentelle ou
illicite, la perte accidentelle, l'altération, la diffusion ou l'accès non autorisé, notamment lorsque
le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre toute autre
forme de traitement illicite. Ces mesures doivent assurer, compte tenu de l'état de l'art et des
coûts liés à leur mise en œuvre, un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés
par le traitement et de la nature des données à protéger ;
 Le responsable du traitement, lorsque le traitement est effectué pour son compte, doit choisir un
sous-traitant qui apporte des garanties suffisantes au regard des mesures de sécurité technique et
d'organisation relatives aux traitements à effectuer et il doit veiller au respect de ces mesures ;
 La réalisation de traitements en sous-traitance doit être régie par un contrat ou un acte juridique
qui lie le sous-traitant au responsable du traitement et qui prévoit notamment que le sous-traitant
n'agit que sous la seule instruction du responsable du traitement et que les obligations visées au
paragraphe 1 ci-dessus lui incombent également ;
 Aux fins de la conservation des preuves, les éléments du contrat ou de l'acte juridique relatif à la
protection des données et les exigences portant sur les mesures visées au paragraphe 1 ci-dessus
sont consignés par écrit ou sous une autre forme équivalente.
 

B. Quels sont les droits dont peuvent se prévaloir les salariés concernés par un dispositif de
vidéosurveillance ?

Le premier droit du salarié concerné par un dispositif de vidéosurveillance est le droit à l'information. En effet,
l'article 5 de la Loi n°09-08 précise que toute personne sollicitée directement, en vue d'une collecte de ses
données personnelles, doit être préalablement informée de manière expresse, précise et non équivoque par le
responsable du traitement ou son représentant, sauf si elle en a déjà eu connaissance, de l'identité du responsable
du traitement et, le cas échéant, de son représentant. A noter que Selon la CNIL, seules certaines personnes
peuvent visionner les images, et les salariés doivent savoir lesquelles. Il peut s'agir par exemple d'un agent de
sécurité ou d'une société prestataire. Selon le même texte, la personne concernée doit également être informée
des finalités du traitement auquel les données sont destinées ainsi que de toute information supplémentaire telles
que les destinataires ou les catégories de destinataires. Le salarié concerné doit en outre être informé des
caractéristiques du récépissé de la déclaration auprès de la Commission.

A noter qu'aux termes de l'article 34 du décret n°2-09-165[6] pris pour l'application de la Loi n°09-08 :

 Les informations à fournir par le responsable du traitement en application dudit article 5 de la


Loi n°09-08, peuvent être délivrées par tous moyens, notamment par :
o Courrier électronique ou support papier ;
o Affichage ou formulaire électronique ;
o Annonce dans un support approprié ;
o Ou bien, au cours d'un entretien individuel.
 Les codes, sigles et abréviation figurant dans les documents délivrés par le responsable de
traitement en réponse à une demande doivent être explicités, si nécessaire sous la forme d'un
lexique.
Conformément aux recommandations de la CNIL, l'employeur doit informer individuellement chaque salarié
susceptible d'être filmé de l'installation du dispositif de vidéosurveillance. Il doit en outre installer un panneau
signalant clairement l'existence dudit dispositif au sein de l'entreprise et préciser comment peut-on exercer le
droit d'accès aux enregistrements.

Le salarié concerné bénéficie également du droit d'accès prévu par l'article 7 de la Loi n°09-08. Celui-ci précise
que la personne concernée, justifiant de son identité, a le droit d'obtenir du responsable du traitement, à des
intervalles raisonnables, sans délais et gratuitement :
 La confirmation que les données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées,
ainsi que des informations portant au moins sur les finalités du traitement, les catégories de
données sur lesquelles il porte, et les destinataires ou les catégories de destinataires auxquels les
données à caractère personnel sont communiquées ;
 La communication, sous forme intelligible, des données à caractère personnel faisant l'objet des
traitements, ainsi que de toute information disponible sur l'origine des données. appliqué au
dispositif de vidéosurveillance, ce droit d'accès donne au salarié, selon la CNIL, le droit de
visionner les enregistrements sur lesquels il figure .

Le responsable du traitement peut demander à la Commission des délais de réponses aux


demandeurs d'accès légitimes et peut s'opposer aux demandes manifestement abusives,
notamment, par leur nombre et leur caractère répétitif.

En cas d'opposition, la charge de la preuve du caractère manifestement abusif, incombe au


responsable du traitement auprès duquel ces demandes ont été faites.

 La connaissance de la logique qui sous-tend tout traitement automatisé des données à caractère
personnel la concernant.
Le salarié pourra aussi se prévaloir du droit de rectification admis par l'article 8 de la Loi n°09-08 qui dispose
que la personne concernée, justifiant de son identité, a le droit d'obtenir du responsable du traitement :

 L'actualisation, la rectification, l'effacement ou le verrouillage des données à caractère personnel


dont le traitement n'est pas conforme à la Loi n°09-08, notamment en raison du caractère
incomplet et inexact de ces données ; le responsable du traitement est tenu de procéder aux
rectifications nécessaires sans frais pour le demandeur et ce, dans un délai franc de dix jours.

En cas de refus ou de non réponse dans le délai précité, la personne concernée peut introduire
une demande de rectification auprès de la Commission, laquelle charge l'un de ses membres à
l'effet de mener toutes investigations utiles et faire procéder aux rectifications nécessaires, dans
les plus brefs délais.

La personne concernée est tenue informée des suites réservées à sa demande.

 La notification aux tiers auxquels les données à caractère personnel ont été communiquées de
toute actualisation, toute rectification, tout effacement ou tout verrouillage effectué
conformément au point a) ci-dessus, si cela ne s'avère pas impossible.
Enfin, un droit d'opposition est ouvert au salarié concerné par un dispositif de vidéosurveillance. En effet, selon
l'article 9 de la Loi n°09-08 « la personne concernée, justifiant de son identité, a le droit de s'opposer, pour des
motifs légitimes, à ce que des données la concernant fassent l'objet d'un traitement.

Elle a le droit de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de
prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur.

Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou
lorsque l'application de ces dispositions a été écartée, par une disposition expresse de l'acte autorisant le
traitement. »
Le fait de continuer le traitement des images malgré l'opposition du salarié concerné, fait courir à l'employeur,
d'après les dispositions de l'article 59 de la Loi n°09-08, le risque d'un emprisonnement de trois mois à un an et
d'une amende de 20.000 à 200.000 DH ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque cette opposition est
fondée sur des motifs légitimes.

Il est à préciser que l'article 53 de la Loi n°09-08 puni d'une amende de 20.000 à 200.000 DH, tout responsable
de traitement de données à caractère personnel refusant les droits d'accès, de rectification ou d'opposition
prévues aux articles 7, 8 et 9 ci-dessus.

[1] [1] Promulguée par le Dahir n°1-09-15. Publiée au Bulletin Officiel n°5714 du 5 mars 2009.

[2] En effet, l'article 12 de la Loi n°09-08 précise que sauf dispositions législatives particulières, le traitement de
données à caractère personnel doit faire l'objet :

1. D'une autorisation préalable lorsque les traitements concernent :

a. Les données sensibles visées à l'alinéa 3 de l'article premier ci-dessus (les « données sensibles » sont définies
par l'article 1 de la Loi n°09-08 comme étant les données à caractère personnel qui révèlent l'origine raciale ou
ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale de la
personne concernée ou qui sont relatives à sa santé y compris ses données génétiques). Toutefois, sont dispensés
de ladite autorisation les traitements mis en œuvre par association ou tout autre groupement à but non lucratif et
à caractère religieux, philosophique, politique, syndical, culturel ou sportif :

- pour les seules données qui révèlent l'une ou plusieurs des caractéristiques visées au paragraphe 3 de l'article
premier ci-dessus et correspondant à l'objet de ladite association ou dudit groupement ;

- sous, réserve que les données ne concernent que les membres de cette association ou de ce groupement et, le
cas échéant, les personnes qui entretiennent avec celui-ci des contacts réguliers dans le cadre de son activité ;

- et qu'ils ne portent que sur des données non communiquées à des tiers, à moins que les personnes concernées
n'y consentent expressément et que le groupement puisse fournir la preuve de ce consentement à première
requête de l'autorité compétente ;

b. L'utilisation de données à caractère personnel à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été collectées ;

c. Des données génétiques, à l'exception de ceux mis en œuvre par des personnels de santé et qui répondent à des
fins médicales, qu'il s'agisse de la médecine préventive, des diagnostics ou des soins ;

d. des données portant sur les infractions, condamnations ou mesures de sûreté, à l'exception de ceux mis en
œuvre par les auxiliaires de justice ;

e. des données comportant le numéro de la carte d'identité national de la personne concernée ;

f. l'interconnexion de fichiers relevant d'une ou de plusieurs personnes morales gérant un service public et dont
les finalités d'intérêt public sont différentes ou l'interconnexion de fichiers relevant d'autres personnes morales et
dont les finalités principales sont différentes.

2. d'une déclaration préalable dans les autre cas.

[3] Du point de vue pénal, l'article 54 de la Loi n°09-08 dispose qu' « est puni d'un emprisonnement de trois mois
à un an et d'une amende de 20.000 à 200.000 DH ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, en
violation des a), b) et c) de l'article 3 susvisé, collecte des données à caractère personnel par un moyen
frauduleux, déloyal ou illicite, met en œuvre un traitement à des fins autres que celles déclarées ou autorisées ou
soumet les données précitées à un traitement ultérieur incompatible avec les finalités déclarées ou autorisées ».
Les mêmes peines sont prévues par l'article 55 de la Loi n°09-08 pour quiconque (i) conserve des données à
caractère personnel au-delà de la durée prévue par la législation en vigueur ou celle prévue dans la déclaration ou
autorisation (ii) conserve les données précitées en violation des dispositions du e) de l'article 3 de la Loi n°09-08.
[4] L'article 56 de la Loi n°09-08 dispose qu' « est puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une
amende de 20.000 à 200.000 DH ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque procède à un traitement de
données à caractère personnel en violation des dispositions de l'article 4 ci-dessus »

[5] Cass. Soc. 20 novembre 1991, cité par Philippe HELIS, la vidéosurveillance sur le lieu de travail in Petites
affiches, 26 avril 1996, n°51, P. 4.

[6] Publiée au Bulletin Officiel n°5744du 18 juin 2009.

La clause de réserve de propriété en droit marocain des contrats


Le principe en matière de contrats de vente est que dès qu’il y a accord sur le prix et sur la chose, le contrat de
vente est parfait ; c'est-à-dire qu’il produit tous ses effets y compris l’effet translatif de la propriété du bien
vendu à l’acquéreur même dans les hypothèses où celui-ci n’a pas encore régler la totalité du prix dudit bien.

Partant de ce principe, il est possible d’identifier au moins deux enjeux juridiques importants :

 Le vendeur perd la propriété du bien vendu avant de s’être fait payer la totalité de son prix ;
 Le vendeur se trouve en concours avec les autres créanciers de l’acquéreur et risque de ne pas se
faire payer intégralement ou pas du tout si le concours est favorable aux autres créanciers de
l’acquéreur.
Certes, pour éviter cette situation qui lui est défavorable, il est loisible au vendeur de procéder de deux manières
différentes :

 Soit exiger de son acquéreur une sûreté personnelle ou réelle pour garantir le règlement de la totalité du
prix qui lui est dû ;
 Soit insérer dans le contrat de vente une clause de réserve de propriété qui retarde le transfert de la
propriété du bien vendu jusqu’au moment du règlement de la totalité du prix

En choisissant cette dernière modalité, le vendeur utilise une possibilité qui lui est offerte par la loi, puisque le
principe du transfert immédiat de la propriété du bien vendu n’est pas d’ordre public, en vue de se servir de la
rétention de la propriété du bien vendu comme une garantie pour se prémunir contre les conséquences de
l’insolvabilité de l’acquéreur, notamment.

I- Quelles sont les conditions de validité de la clause de réserve de propriété ?

De droit commun, il n’existe pas de conditions particulières pour que la clause de réserve de propriété soit
valable et efficace. Toutefois, il est nécessaire de distinguer la situation où l’acquéreur est in bonis et la situation
où il a été placé sous le régime du redressement ou de la liquidation judiciaires.

1) Dans la première situation, la clause de réserve de propriété doit être prévu dans le cadre de la conclusion du
contrat qui l’englobe, que ce contrat soit un contrat de vente, ou un autre contrat translatif de propriété, ou qu’il
soit un contrat-cadre servant de socle commun à plusieurs transactions, car si la clause de réserve de propriété
n’est pas intégrée dès l’origine dans le contrat, le seul moyen de pouvoir l’y insérer ultérieurement serait
d’obtenir l’accord non seulement du vendeur qui y a intérêt, mais aussi et surtout de l’acquéreur qui n’y a pas
intérêt, du moment qu’il est devenu déjà propriétaire dès l’accord formalisé initial. Quid si aucun contrat écrit n’
a été établi dans les rapports entre les parties ? En pareille hypothèse, la clause de réserve de propriété peut être
insérée dans tout document conçu par les parties y compris dans un bon de réception du bien signé de
l’acquéreur. Dans cette hypothèse, il est possible de soutenir qu’aucun transfert n’a pu être opéré dès l’origine,
c'est-à-dire l’accord des parties non formalisé sur le bien et sur le prix, car la signature du bon de réception par
l’acquéreur, au moment de la livraison, dénoterait tout simplement de la véritable intention des parties au
moment de l’accord initial non formalisé traduite dans le bon de réception contenant la clause de réserve de
propriété signé de l’acquéreur qui ne serait que la formalisation d’un accord entérinant la réserve de propriété.
2) Dans la seconde situation, la clause de réserve de propriété n’est valable et efficace, selon l’article 672 du
code du commerce, que si:

 Elle est écrite


L’écrit entérinant la clause de réserve de propriété peut être soit un contrat de vente ponctuel,
soit un contrat –cadre, soit tout document établi par les parties, notamment un bon de réception
signé de la main de l’acquéreur, par exemple.

 Elle est prévue dans les rapports entre les parties au plus tard au moment de la livraison ; c'est-à-
dire au moment de la tradition des biens par leur remise matérielle à l’acquéreur ;
 Elle n’est pas stipulée après la cessation de paiement ; c'est-à-dire pendant la période suspecte,
car l’article 682 du code du commerce reconnaît au tribunal le pouvoir d’annuler toute
constitution de garanties ou sûretés, lorsqu’elle aura été opérée après la date de cessation des
paiements. Or la clause de réserve de propriété est bien une garantie , et donc, soumise à
l’annulation si elle est constituée durant la période suspecte.
3) En outre, la clause de réserve de propriété doit porter sur des biens retrouvés en nature ; c'est-à-
dire identifiables et individualisables, au moment de l ’ouverture des procédures de règlement collectif en
cas de redressement ou de liquidation . Peu importe la nature des biens du moment qu’ils répondent à ces
conditions. Objectivement, les biens couverts par cette clause doivent pouvoir être identifiés même s’ils sont
entreposés dans les locaux de l’acquéreur et mêlés à d’autres biens. En conséquence , le vendeur de
marchandises, par exemple, peut être confronté, en pratique, à plusieurs difficultés que la loi permet de résoudre.
Ces difficultés peuvent être résumées ainsi qu’il suit :

 la marchandise livrée a été transformée par l’acheteur. Dans ce cas, la clause de réserve de propriété ne
peut plus jouer au bénéfice du vendeur dans la mesure où la marchandise livrée n’est plus identifiable et
individualisable ;
 la marchandise livrée a été incorporée dans un autre bien appartenant à l’acheteur. Dans cette situation,
encore faut-il pouvoir la séparer sans dommages pour que la clause de réserve de propriété puisse être
mise en oeuvre ;
 la marchandise est détruite ou volée chez l’acheteur. En pareil cas, la clause de réserve de propriété
fonctionnera et l’action en revendication portera alors sur l’indemnité d’assurance servie à l’acheteur, à
condition que la clause ait clairement prévue que les risques soient à la charge de l’acheteur jusqu’au
paiement complet du prix. A défaut d’une telle précision dans le clause de réserve de propriété, ou dans
toute autre clause conventionnelle, les risques resteront à la charge du vendeur, propriétaire de la
marchandise, qui, pour se faire remplir de ses droits, aura besoin de prouver que l’acheteur, en sa
qualité de gardien de la marchandise, n’y a pas apporté tous les soins nécessaires d’un bon père de
famille.

Il résulte des différentes difficultés passées en revue ci-dessus et des solutions qui leur sont consacrées en droit
que le vendeur à tout intérêt, pour éviter que la clause de réserve de propriété lui profitant ne soit neutralisée, à
prêter un soin particulier non seulement à la rédaction du contenu de la clause de réserve de propriété dans tout
contrat de vente, tout contrat-cadre ou tout document écrit, notamment un bon de commande ou de réception,
mais aussi et surtout à la rédaction de toutes les clauses conventionnelles l’accompagnant, aussi bien dans le
cadre de contrats que dans le cadre de documents, se rapportant aux biens vendus, afin de bien individualiser et
identifier ces derniers et de veiller à ce que leur individualisation et indentification restent assurées jusqu’au
paiement intégral de ce qui lui est dû.

II- Quels effets produit la clause de réserve de propriété ?


Dans le cas où le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété n’a pas été totalement désintéressé
par l’acquéreur de ses biens, il y a lieu d’envisager deux situations pour bien cerner la marge de manœuvre du
vendeur ayant recouru à la clause de réserve de propriété pour se prémunir contre l’insolvabilité de l’acquéreur.

A) La situation du vendeur face à un acquéreur in bonis :

Dans cette situation, l’acquéreur qui a signé un contrat de vente ou un document écrit contenant une clause de
réserve de propriété est, en principe, privé du droit de céder les biens couverts par cette clause à des tiers avant
d’avoir régler intégralement le prix dû à son propre vendeur, car il n’en est pas propriétaire tant qu’il n’aura pas
réglé intégralement le prix de vente. Toutefois, il peut arriver qu’il soit amené à vendre les biens dont la
propriété ne lui est pas encore transférée avant d’avoir réglé leur prix à son propre vendeur. En pareille situation,
à quels droits son vendeur peut prétendre en vertu de la clause de réserve de propriété ?

Pour répondre à cette interrogation, une distinction s’impose entre deux hypothèses différentes :

 Soit l’acquéreur a obtenu du vendeur l’autorisation de vendre les biens concernés par la clause
de réserve de propriété, dans le contrat de vente écrit contenant cette clause ou dans un document
écrit quelconque établi ultérieurement à la date du contrat de vente conclu initialement. En pareil
cas, si l’acquéreur cède les biens sur lesquels porte la clause de réserve de propriété à des tiers, et
si celle-ci est portée à la connaissance desdits tiers, par précaution en vertu d’une stipulation
dans le contrat de vente les liant à l’acquéreur ou par une publicité prévue par la loi, le vendeur
initial est en droit, s’il n’est pas réglé à l’échéance définie initialement dans ses rapports avec
l’acquéreur , de récupérer, entre les mains des tiers cessionnaires, ses biens en arguant de son
droit de propriété et les tiers cessionnaires ne pourraient pas exciper de leur bonne foi, compte
tenu du fait :
o qu’ils ont été effectivement mis au courant de l’existence de cette clause et l’ont
accepté en signant le contrat de vente les liant à l’acquéreur initial y faisant
référence ;
o Ou qu’ils sont censés avoir pris en considération l’existence de cette clause, si
elle a fait l’objet d’une publicité légale dans les cas où celle-ci doit être effectuée
pour la rendre opposable aux tiers.
Quid si l’acquéreur initial cède les biens objet de la réserve de propriété, en vertu d’une clause conventionnelle,
sans encaisser immédiatement ou intégralement leur prix et insère, à son tour, dans le contrat de vente le liant à
des tiers cessionnaire, des sous-acquéreurs une clause corrélant le transfert de propriété au règlement intégral de
leur prix ?

Dans cette hypothèse, le vendeur initial pourrait se trouver subrogé dans les droits de l’acquéreur initial à
l’encontre des tiers cessionnaires sous-acquéreurs et, de ce fait, pourrait récupérer ses biens entre les mains de
ceux-ci, si le prix desdits biens ne lui est pas entièrement versé à la date initialement convenue.

 Soit l’acquéreur ne dispose pas, en vertu du contrat de vente écrit établi initialement, ou d’un document écrit
ultérieur, de la faculté de vendre les biens dont la propriété ne lui est pas encore transféré pour ne pas avoir déjà
honoré son obligation de régler intégralement leur prix entre les mains de son vendeur. Dans cette hypothèse, la
vente opérée par l’acquéreur au bénéficie de tierces personnes ne peut faire obstacle du droit du vendeur initial
de récupérer, entre les mains des tierces personnes cessionnaires, ses biens dont la propriété n’a pas encore été
transférée à l’acquéreur initial, s’il arrive à établir la mauvaise foi de ces tierces personnes cessionnaires. Quid,
s’il ne peut établir la mauvaise foi ? Dans ce cas, il perd le droit de récupérer ses biens en application du principe
selon lequel « en fait de meubles la possession vaut titre » bénéficiant aux tierces personnes cessionnaires
présumées de bonne foi, à défaut de preuve de leur mauvaise foi.
 

B) La situation du vendeur face à un acquéreur placé sous les procédures de redressement ou de


liquidation judiciaires
Le vendeur bénéficiant d’une clause de réserve de propriété doit remplir un certain nombre de conditions pour
formuler sa demande en revendication. L’issue de cette demande varie en fonction de plusieurs situations

1) Quelles sont les conditions de la demande en revendication ?

Le délai de revendication :

 La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la
publication du jugement ouvrant la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
 Pour les biens faisant l’ objet d’ un contrat en cours au jour de l’ ouverture de la procédure, le
délai court à partir de la résiliation ou du terme du contrat.
L’établissement du droit de propriété du vendeur revendiquant:

 Le propriétaire d’un bien revendiqué doit au préalable faire reconnaître son droit de propriété sur
le bien revendiqué avant de se le faire restituer.
 Toutefois Le propriétaire d' un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété
lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l' objet d' une publicité.
L’état des biens susceptibles d’être revendiqués :

 La revendication en nature peut s'exercer dans les mêmes conditions sur les biens mobiliers
incorporés dans un autre bien mobilier lorsque leur récupération peut être effectuée sans
dommage matériel pour les biens eux-mêmes et le bien dans lequel ils sont incorporés, et sans
que cette récupération entraîne une dépréciation excessive des autres actifs de l' entreprise.
 La revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsqu'ils se trouvent
entre les mains de l' acheteur des biens de même espèce et de même qualité.
 

2) L’issue de la demande en revendication

L’issue de la demande en revendication diffère en fonction de plusieurs situations :

 si le prix est payé immédiatement, la revendication ne peut avoir lieu. Par conséquent, aucune
restitution ne peut être opérée au bénéfice du vendeur bénéficiaire de la clause de réserve de
propriété. Le juge-commissaire peut, avec le consentement du vendeur revendiquant, accorder
un délai de règlement. Le paiement du prix est alors assimilé à celui d' une créance née
régulièrement après le jugement d' ouverture.
 Le syndic peut acquiescer à la demande en revendication avec l' accord du débiteur. A défaut d'
accord, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le bien fondé de la
revendication.
 Si le bien dont le vendeur a réservé la propriété est revendu, peut être revendiqué le prix ou la
partie du prix qui n'a pas été payé, ni fait l' objet d' une remise de lettre de change, de billet à
ordre ou d' un chèque, ni inscrit en compte courant entre le sous-acquéreur et l' acheteur initial à
la date du jugement ouvrant la procédure. Cette situation invite à se poser une question
importante : Le vendeur revendiquant doit-il déclarer sa créance dans les conditions prévues par
le code de commerce ?
Certes, la revendication du bien dont la propriété est réservée ne requiert pas que le vendeur revendiquant
déclare sa créance dans les conditions fixées par le code du commerce, car la revendication vise la restitution du
bien vendu lui-même, faute de règlement de son prix dans les conditions et termes convenus. Toutefois, tout
vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété a intérêt à déclarer sa créance dans la procédure
ouverte contre l’acquéreur initial pour échapper à la forclusion et être en mesure de se faire payer le prix ou la
partie du prix impayé, n’ayant pas fait l’objet d’une remise de lettre de change, de billet à ordre ou d’un chèque
et n’ ayant été inscrit pas en compte courant entre le sous- acquéreur et l’acquéreur initial à la date du jugement
d’ouverture de la procédure.
En conclusion , il est à dire que , certes, la clause de réserve de propriété présente plusieurs avantages au
bénéfice du vendeur qui n’a pas reçu le règlement du prix du bien vendu, dans la mesure où le transfert de
propriété demeure suspendu à l’exécution par l’acquéreur de l’une des obligations importantes que lui fait
assumer le contrat de vente ; l’obligation de régler le prix. Toutefois, outre, la nécessité de prêter toute l’attention
nécessaire à la rédaction de la clause de réserve de propriété et des autres clauses qui pourraient venir en
compléter l’effet et l’impact, afin d’en tirer tous les avantages escomptés par un vendeur, il est nécessaire aussi
de ne pas manquer de transférer les risques à l’acquéreur dès la conclusion du contrat par une clause expresse du
contrat de vente, du contrat –cadre ou de tout autre document, à défaut d’un contrat de vente ou d’un contrat-
cadre, pour ne pas maintenir les conséquences de certains dégâts qui peuvent affecter le bien vendu à la charge
du vendeur, car qui réserve la propriété d’un bien réserve les risques qui peuvent l’affecter, à moins d’une
stipulation conventionnelle dissociant le transfert de la propriété et le transfert les risques. Ce n’est qu’au prix de
cette dissociation et de son utilisation judicieuse que le vendeur sera efficacement protégé contre l’insolvabilité
de l’acquéreur, sans avoir à devoir répondre des risques du bien vendu, si ces risques se réalisent avant la
survenance du transfert de propriété dudit bien en conséquence du règlement du prix.

La situation des creanciers pendant la periode d’observation suite a l’ouverture d’une


procedure de redressement judiciaire
Document élaboré en Avril 2013

L’hypothèse est la suivante : le tribunal a opté pour l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire suite
à la cessation des paiements déclarée sur requête du débiteur commerçant lui-même ou sur requête d’un tiers
(créancier ou non).

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire signifie que l’exploitation de l’entreprise continue. Dans
le but d’assurer la continuité de cette exploitation et de redresser l’entreprise en difficultés, tous les moyens
juridiques, économiques, sociaux ou autres destinés à aider et à soulager ladite entreprise vont être mobilisés et
mis en œuvre, quitte à imposer des sacrifices aux créanciers, à l’exception des salariés.

Le redressement judiciaire débute par une période d’observation qui a pour objet la recherche et la préparation
d’une solution pour remédier aux difficultés de l’entreprise. Cette période dure, en principe, 4 mois sauf
renouvellement autorisé une fois pour une durée identique. Cette période commence à courir à compter de la
date du jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

Que se passe-t- il pendant cette période d’observation ?

Le syndic prend et exerce un certain nombre de pouvoirs qui visent à préserver les intérêts du commerçant mis
en redressement judiciaire, dans le but d’assurer, le cas échéant, un redressement efficace.

I- Les pouvoirs dévolus au syndic pendant la période d’observation

Dès lors qu’une procédure de redressement judiciaire est ouverte au profit d’un débiteur commerçant en
cessation des paiements, le tribunal nomme le syndic et le juge-commissaire ; le ou les contrôleurs étant désignés
par le juge-commissaire (article 637 du code de commerce).

Le syndic est l’organe opérationnel de la procédure qui agit sous le contrôle du juge-commissaire à qui il rend
compte périodiquement de l’accomplissement de sa mission.

Durant la période d’observation, le syndic est en droit de :

 prendre des mesures conservatoires destinées à protéger certains biens de l’entreprise qui
pourraient être éventuellement menacés par des créanciers (I) ;
 d’exiger ou de renoncer à la poursuite des contrats en cours (II), selon les cas.
 De préparer une solution adaptée à la situation de l’entreprise en difficultés (III).

I- La prise de mesures conservatoires (articles 646 et suivants du code de commerce)

Dans le but de sauvegarder les droits de l’entreprise en difficultés face à tout ou partie de ses créanciers et de
protéger ses capacités de production, le syndic est tenu de lui-même d’effectuer tous les actes nécessaires dans ce
sens ou de les demander au chef d’entreprise.

Dans le cas où le chef d’entreprise aurait été négligent dans la protection des droits de son outil de travail, il est
légalement autorisé à prendre ou à renouveler au nom de l’entreprise tous nantissements, gages, hypothèques ou
privilèges.

L’ensemble de ces mesures a comme objectif de protéger ou d’accroître le patrimoine de l’entreprise et par là
même le gage général de ses créanciers.

Dans la même logique, le syndic est en droit de faire mentionner sur les registres de la société toute éventuelle
incessibilité des parts des dirigeants sociaux sauf autorisation du tribunal.Copyright 2013 - Editions Artémis -
Tous droits réservés)

L’objectif du redressement judiciaire étant la sauvegarde et la pérennité de l’entreprise, il est normal que tous les
droits qu’elle détient sur des tiers ou les biens de cette dernière, meubles ou immeubles, soient protégés. Sans
oublier que ce type de mesures est de l’intérêt des créanciers de l’entreprise.

II- La continuation ou la renonciation à la poursuite des contrats en cours (article 573 du code de


commerce)

Le syndic est le seul organe de la procédure de redressement judiciaire qui est habilité à demander la
continuation ou la renonciation aux contrats en cours en considération des intérêts et des besoins de l’entreprise
en difficultés.

La raison d’être de cette règle légale est simple : l’ouverture d’une telle procédure n’entraîne pas
automatiquement la résiliation ou la résolution des contrats existants, et ce, indépendamment de toute clause
contractuelle.

Notons, qu’un contrat est qualifié de contrat en cours tant que l’exécution de la prestation principale de ce
contrat n’a pas été opérée au moment du jugement d’ouverture du redressement judiciaire. A contrario, le contrat
ne sera pas un contrat en cours si la prestation principale dudit contrat a été exécutée avant le prononcé du
jugement de redressement judiciaire.

Prenons un exemple : un contrat de prêt a comme prestation principale le déblocage des fonds ; les
remboursements successifs n’étant que la contrepartie de l’exécution de la prestation principale. Dès lors, si cette
remise des fonds a été effectuée avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le contrat de prêt
n’obéira pas au régime des contrats en cours, puisque la prestation principale a été fournie alors même que les
échéances successives interviendront après l’ouverture de ladite procédure. Et inversement, si le déblocage des
fonds a été opéré après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le contrat de prêt sera qualifié de
contrat en cours et il sera du ressort du syndic qui pourra ou non en exiger la poursuite.

Le syndic a le pouvoir d’exiger la continuation d’un contrat en cours en fournissant la prestation due en
contrepartie au cocontractant de l’entreprise et ce, même si le débiteur commerçant n’a, lui, pas respecté tout ou
partie des engagements qu’il a souscrit à l’égard de son créancier avant l’ouverture du redressement judiciaire.
Le créancier du débiteur ne saurait invoquer, dans cette circonstance exceptionnelle, l’exception d’inexécution à
son profit qui demeure inopérante.

Cependant, le créancier lésé, c'est-à-dire le cocontractant du débiteur défaillant, n’est pas dépourvu de tous
moyens en la matière, car il est en droit, dès qu’il a connaissance de la nomination du syndic et pendant qu’il
procède à la déclaration de sa créance conformément à la loi, de mettre en demeure ledit syndic de prendre
position concernant le contrat en cours le concernant et si sa mise en demeure reste sans effet au-delà du délai
d’un mois, le contrat conclu avec l’entreprise en difficultés sera automatiquement résilié.

En outre, le syndic peut décider, après étude des contrats en cours, de renoncer à certains d’entre eux, s’il juge
qu’ils ne sont pas nécessaires à la continuité de l’exploitation ou trop onéreux pour l’entreprise débitrice. Dans
ce cas, l’inexécution du contrat en cours par le syndic donne droit éventuellement à des dommages-intérêts au
profit du créancier dont le montant fera l’objet d’une déclaration au passif.

Il est à noter que dans ce cas, si l’entreprise débitrice a antérieurement payé certaines sommes en trop au
créancier en exécution de ce contrat, celui-ci est en droit de les garder jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa
demande de dommages-intérêts.Copyright 2013 - Editions Artémis - Tous droits réservés)

III- La préparation d’une solution adaptée à la situation de l’entreprise en difficultés (articles 579 et


suivants du code de commerce et 693 et 694 dudit code)

Durant la période d’observation qui fait suite au prononcé de l’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire, le syndic doit rechercher une solution viable pour assurer en priorité le redressement de l’entreprise. A
cet effet, il est tenu d’établir le bilan général de l’entreprise d’un point de vue financier, économique et social
avec l’aide du chef d’entreprise concerné par la procédure et d’éventuels experts.

C’est à partir de ce bilan que le syndic propose une solution au tribunal.

Il peut ainsi opter pour un redressement avec la continuation de l’entreprise ou la cession de tout ou partie de
l’entreprise à un tiers quand la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise ou, à l’inverse,
quand il lui paraît que plus rien ne peut être mis en œuvre pour sauver l’entreprise, proposer sa mise en
liquidation judiciaire.

Dans le projet de plan de redressement, le syndic doit préciser les modalités de règlement du passif ainsi que les
garanties prises pour en assurer l’exécution par toute personne.

Les tiers à l’entreprise, créanciers ou non, sont autorisés dès l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire à présenter des offres de continuation ou de cession visant le maintien de l’entreprise. Ils demeurent
liés par leurs offres, en principe, jusqu’à ce que le tribunal décide du plan à adopter.

A l’occasion de cette phase d’observation, le syndic est tenu d’engager les opérations suivantes en matière de
créances :

 procéder à la consultation des créanciers dans le cadre des propositions pour le règlement des
dettes du débiteur. A cet effet, le syndic a pour mission de demander individuellement ou
collectivement aux créanciers leur accord sur les remises et délais à consentir de manière à
soulager le passif social de l’entreprise et de permettre l’exécution du plan de continuation et
donc le sauvetage de l’entreprise en difficultés. Le tout sous la surveillance du juge-commissaire
et après avoir communiqué aux contrôleurs ses propositions de règlement des dettes de
l’entreprise.

Dans cet objectif, le syndic adresse à tous les créanciers ayant déclaré leurs créances un courrier
auquel est joint notamment « un état de la situation active ou passive avec indication détaillée
du passif privilégié et chirographaire » (article 586).
En cas de consultation individuelle des créanciers, l’absence de réponse d’un créancier pendant
un délai de 30 jours à compter de la réception du courrier du syndic équivaut à une acceptation
de sa part des remises et délais demandés par ce dernier.

En cas de consultation collective des créanciers, le syndic procède à la convocation desdits


créanciers et préside la réunion organisée par lui entre le 15 ème et le 21ème jour de l’envoi de la
convocation. Le syndic est tenu de requérir l’accord écrit des créanciers en matière de remises et
de délais. Le défaut de participation d’un créancier à la consultation collective équivaut à une
acceptation des remises et délais demandés par le syndic ;

Le syndic établit un état des réponses des créanciers, suite à leur consultation, sur lequel le
tribunal aura notamment à se prononcer pour décider de la solution à retenir.
 Procéder à la vérification des créances déclarées par les créanciers dont il dresse la liste dans le
délai maximum de 6 mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure avec ses
propositions de rejet, d’admission ou de renvoi devant le tribunal. Le syndic est tenu de
transmettre cette liste au juge-commissaire pour qu’il se prononce à leur propos.

Conclusion

: la période d’observation n’est pas une période dépourvue de risques pour les créanciers de l’entreprise en
difficultés. Il convient, en outre, de s’arrêter sur les règles ci-après qui sont de nature à confirmer les risques que
rencontrent les créanciers :

 Rien n’empêche le tribunal de prononcer la cessation totale ou partielle de l’activité, et de


décider la liquidation judiciaire de l’entreprise en difficultés, alors que la période d’observation
est en cours, dès lors que, le syndic, un contrôleur, le chef d’entreprise en font une demande
motivée, ou de sa propre initiative. Le tout sur le rapport du juge-commissaire. (article 572 du
code de commerce)
 Les créanciers chirographaires risquent d’être totalement lésés dans leurs droits dans l’hypothèse
où il ne serait pas procédé à la vérification des créances dans le cas d’une cession ou d’une
liquidation judiciaire dans la mesure où le produit de réalisation de l’actif serait inexistant, une
fois les frais de justice et les créanciers privilégiés payés, pour les désintéresser et qu’aucune
faute de gestion ne pourrait être retenue à l’encontre des dirigeants sociaux de manière à leur
faire assumer tout ou partie du passif social (article 691 du code de commerce) ;

Dirigeant d’entreprise et caution personnelle : Une liaison dangereuse


Document élaboré en Juillet 2022

Mohammed ELHARTI

Ex. Professeur de l’enseignement

supérieur à la Faculté de Droit de FES

Ex. Président de chambre à la chambre commerciale de la Cour de cassation

Connu du droit romain comme du droit musulman, le cautionnement est une institution dont les racines
remontent profondément dans l’histoire. Le code civil de 1804 le réglemente dans les articles 2011 à 2043, le
DOC lui consacre les articles 1117 à 1160. L’article 1117 dispose que : « le cautionnement est un contrat par
lequel une personne s’oblige envers le créancier à satisfaire à l’obligation du débiteur, si celui-ci n’y satisfait
pas lui-même ».
Les dispositions relatives au cautionnement n’ont pas évolué depuis 1913 voire même depuis 1804. La doctrine
s’accorde sur l’aspect archaïque de cette institution.

L’engagement personnel du dirigeant en faveur de la banque permet de financer son entreprise.

Les sûretés présentent une grande importance pour le crédit, qu’elles soient réelles ou personnelles. Crédit et
sûreté sont tous les deux indissociables.  La doctrine s’accorde sur l’importance du cautionnement, sûreté type.
Leur évolution eut à l’origine le développement de l’économie et la bancarisation de la société.

En effet, les banques jouent un rôle primordial dans l’essor économique que connaît la société. Leur participation
au financement de l’activité des entreprises est de plus en plus sollicitée. En réalité, la sûreté est une condition
pour l’octroi du crédit car les banques s’exposent à de graves problèmes et les risques encourus par elles sont de
natures diverses. C’est la raison pour laquelle elles sont contraintes d’observer les exigences de fonds propres
imposées par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire et surtout à propos de la gestion des risques. A rappeler
que les accords de Bâle I, II et III ont été pris dans le but de faire face à la crise mondiale de 2007.Sur le plan
national, on peut mentionner le rôle de Bank-Al-Maghrib dans la régulation du financement de l’économie. SA
MAJESTE LE ROI n’a cessé d’inviter les banques et les établissements financiers à s’investir dans le
financement des PME et des auto-entrepreneurs, à en citer son Discours Royal lors de l’ouverture de la session
parlementaire d’octobre 2019. Aussi le nouveau modèle de développement a recommandé à ce qu’un accès
élargi à des mécanismes diversifiés de financement et à un accompagnement des entreprises pour renforcer leurs
capacités managériales soit permis.

La caution personnelle est systématiquement demandée par la banque au dirigeant, lors de l’ouverture d’un
concours financier. En effet, Cette sûreté est très usitée dans les relations des sociétés et des banques. C’est de
manière quasi-systématique que celles-ci sont amenées, pour assister financièrement une société, à requérir en
garantie le cautionnement personnel d’un ou plusieurs de ses directeurs administrateurs, gérants ou même
associés. La caution peut être une personne physique comme elle peut être une personne morale de droit privé ou
de droit public.  

 Le dirigeant de société, auteur de l’engagement, souscrit un contrat qui l’engagerait sur toute sa fortune dans le
but de désintéresser la banque en cas de défaillance de sa société.

Le dirigeant caution souscrit un contrat spécifique. Il a un intérêt dans l’affaire. Cet intérêt a connu des hauts et
des bas avant d’être utilisé comme l’un des premiers critères servant à déterminer une certaine nature juridique à
l’engagement pris par le dirigeant au bénéfice de l’établissement prêteur. L’intérêt sert aussi à qualifier
l’engagement d’acte commercial car le cautionnement est en principe un acte civil par nature. Cette
caractéristique nous amène à poser la question de la nature juridique du contrat de cautionnement souscrit par le
dirigeant afin de garantir les dettes de son entreprise.

Il est à remarquer que ni le législateur français, ni le législateur marocain ne lui reconnaissent cette particularité.
C’est ce que nous avons essayé, dans notre thèse , de dégager et de brosser un statut et d’en déterminer une
[1]

certaine nature juridique car le régime du cautionnement tel qu’il relève du Code Napoléon ne cadre plus avec
l’environnement du XXI siècle.

L’engagement souscrit par le dirigeant lors de l’ouverture d’un concours financier par sa banque présente des
avantages pour les deux parties au contrat. Cependant, il est aussi dangereux à la fois pour la banque et pour son
client. L’engagement du dirigeant présente pour la banque plusieurs avantages à savoir la simplicité, son faible
coût, l’efficacité et un caractère indolore. Il se rencontre dans toutes les étapes de la vie d’une société. C’est un
engagement déterminé ou indéterminé quant à sa durée et son montant. Toutefois, ses risques sont multiples.

Pour le dirigeant, il souscrit à un acte grave. Il se donne dans la joie et s’exécute dans la douleur. C’est la raison
pour laquelle, la jurisprudence et la doctrine en France ont imaginé une certaine protection de la partie faible
surtout sous l’impulsion du mouvement consumériste avec la distinction caution profane, bénéficiant de la
protection et caution avertie, dirigeant, écarté de cette protection. Le mécanisme de cette protection est la mise à
la charge du banquier d’un devoir d’information à travers toutes les étapes du contrat de cautionnement. La
protection concernait au début le consommateur de service bancaire. Le législateur français est venu, par la suite
en 2003 et plus récemment en 2021, généraliser cette protection pour en faire bénéficier même les dirigeants ou
associés ayant souscrit un cautionnement au profit d’un établissement bancaire ou financier.
L’évolution de cette protection fut comme nous l’avons signalé une œuvre prétorienne. Ce fut l’arrêt de la
chambre commerciale de la cour de cassation française en date du 29 juin 1982 qui amorça pour la première fois
cette protection pour les ayants droit du de cujus. Le rôle de la doctrine y est aussi prépondérant. Par la suite, la
jurisprudence embrassa la thèse du professeur Christian MOULY laquelle distingue dans l’engagement de la
caution l’obligation de couverture et l’obligation de règlement.

Il faut signaler que le contentieux relatif à la caution donnée par le dirigeant n’a pas cessé de progresser depuis
ces deux dernières décennies.  L’examen de ce contentieux permet de tirer plusieurs enseignements :
[2]

= Les difficultés les plus rencontrées sont la situation du dirigeant qui cède ses parts dans la société et qui se voit
poursuivi après des années pour les dettes mêmes nées après son départ de la société,

= Le décès du dirigeant-caution. L’engagement de celui-ci passe à ses héritiers. Des difficultés surgirent pour ces
derniers et pour la banque,

= Le problème de l’exemplaire unique du contrat soulève lui-aussi des litiges,

= Les difficultés rencontrées par la banque en cas de faillite de l’entreprise et les divers moyens ou exceptions
qu’essaient de soulever le dirigeant pour échapper à son obligation et les possibilités de résiliation offertes au
dirigeant,

= La lecture des divers contrats de la place recèle des anomalies et des clauses qualifiées d’abusives,

= Les différends soumis à l’appréciation des juridictions sont généralement tranchés en ”équité” et en faveur des
banques, à en juger par le nombre important de règlement à l’amiable et donc paiement des dettes par les
débiteurs et aussi par le nombre important de rejets des pourvois en cassation,

= Signalons enfin, la nécessité de mise à niveau des juges commerciaux par le truchement de formation continue
à même de permettre la bonne compréhension des divers mécanismes utilisés par les banques.

Nous avons exposé tout le cheminement de cette évolution afin d’expliquer pour notre cas, l’intérêt que devrait
porter le législateur marocain à la réforme du cautionnement, devenu archaïque, au cas où il envisagerait
d’emboiter le pas à son homologue français comme il l’a fait pour la réforme des sûretés mobilières avec la loi
n° 21-18.

Notre espoir est de voir s’instaurer un équilibre entre la finalité de l’engagement du dirigean , à savoir assurer la
sécurité des transactions au profit du banquier et le souci de protection du dirigeant-caution de l’abus dans
certaines situations. En effet, la caution donnée par le dirigeant d’une société à la banque se fait dans la joie mais
elle s’exécute dans la douleur. De nombreux foyers ont été ruinés à cause de la garantie personnelle donnée par
le dirigeant de l’entreprise. En effet, selon une étude du cabinet Inforisk, pas moins de 10516 entreprises ont
baissé leur rideau en 2021 et 6612 en 2020.

C’est dans ce contexte que nous avons essayé de défendre l’idée selon laquelle si le législateur français a fait
bénéficier le dirigeant de société d’une certaine protection, le dirigeant marocain, en fait, moins expérimenté, ne
devrait-il pas en bénéficier aussi ?! C’est ce à quoi notre ouvrage essaie de répondre.

  ”L’engagement personnel des dirigeants à l’égard des dettes de leurs sociétés en droit français et en droit
[1]

marocain”, soutenue, le 23 octobre 1983, en vue de l’obtention du grade de docteur en droit de l’université de
Montpellier I – France

 Depuis notre nomination conseiller puis président de chambre à la chambre commerciale de la Cour suprême,
[2]

nous avons entrepris une recherche relative à ce contrat souscrit au bénéfice de la banque s’étalant de 2000 à
2021.

Article paru initialement dans l'édition n° 23 de la lettre d'Artémis - 2ème trimestre 2022, consultable en cliquant
ici.
Les garanties conventionnelles
Document élaboré en Juin 2013

Lorsqu’un contrat est conclu entre deux parties, il produit un certain nombre d’engagements à la charge des
cocontractants.

Parmi les obligations qui pèsent sur un cocontractant, figure en bonne place l’obligation de paiement en
contrepartie de la ou des prestations fournies par la partie qui peut y prétendre.

Si le DOC ainsi que le code de commerce permettent au vendeur ou prestataire de services de se faire payer, le
cas échéant, en recourant à des mesures forcées lorsque le débiteur de l’obligation de payer se montre
récalcitrant ou défaillant, il n’en demeure pas moins vrai que l’efficacité des démarches initiées par le créancier
de l’obligation de paiement reste largement tributaire des garanties que le vendeur ou prestataire de services,
créancier de l’obligation de paiement, négocie dans ses rapports contractuels avec le débiteur de cette obligation.

Une simple observation de la pratique contractuelle dans le monde des affaires permet de dégager des typologies
de clauses fréquemment usitées dans les contrats pour imprégner à l’exécution de l’obligation de paiement le
maximum d’effectivité et d’efficacité.(Copyright Artémis 2013 - tous droits réservés)

En général, ces typologies permettent de faire le départ entre deux catégories essentielles de clauses
contractuelles à même de garantir l’exécution efficace et effective de l’obligation de paiement.

Ces catégories peuvent être présentées ainsi qu’il suit :

 Une première catégorie constituée de clauses qui permettent soit de sanctionner par
l’anéantissement rétroactif du rapport contractuel donnant lieu à une obligation de garantie non
honorée (la clause résolutoire), soit à geler l’exécution de la prestation ou de l’obligation de
donner assumée contractuellement par la partie qui a intérêt à ce que l’obligation de paiement
soit correctement exécutée (l’exception d’inexécution), soit à suspendre l’effet du contrat jusqu’à
l’exécution de l’obligation de paiement (la clause suspensive) , soit à faire assumer la
compensation de l’obligation de paiement, par des tiers, par le biais du règlement par ceux-ci
d’un montant correspondant à celui qui aurait normalement dû être réglé par le débiteur dans
l’exécution du contrat le liant (l’assurance- crédit et la promesse de porte-fort), soit de faire jouer
la solidarité en termes de paiement lorsque le débiteur de l’obligation de paiement est multiple
(la clause de solidarité entre débiteurs non commerçants), soit à faire assurer le règlement de la
créance due par l’intermédiaire d’un banquier dans le cadre d’un crédit documentaire;
 Une deuxième catégorie de stipulations conventionnelles composée de clauses contractuelles
instituant des sûretés personnelles (les cautionnements) ou réelles (les nantissements du matériel
ou outillage) destinées à rendre l’exécution de l’obligation de paiement effective et à assurer au
créancier de cette obligation une place de choix dans le concours qui pourrait le mettre en
présence d’autres créanciers de son débiteur titulaires de créances de paiement sur celui-ci.
Les deux catégories spécifiées ci-dessus peuvent être utilisées séparément ou cumulativement,
en vue de garantir le paiement. Toutefois, leur efficacité dépend de deux facteurs étroitement liés
:

o La nécessité de respecter les conditions légales spécifiques auxquelles ces


clauses doivent obéir pour produire pleinement leurs effets.

A ce propos, il est à noter que, par exemple, la clause de réserve de propriété ne


peut être utilisée que sous réserve des conditions prévues par le code de
commerce notamment en matière de vente portant sur des biens individualisés.

De même, le nantissement du matériel ou de l’outillage ne peut être rendu


opposable aux tiers que par une publicité réalisée au RC avec une efficacité
limitée à 5 ans.
o La situation juridique dans laquelle se trouve placé le débiteur du point de vue
du droit de la consommation lorsqu’il est consommateur et du point de vue du
droit des difficultés des entreprises lorsqu’il est un commerçant déclaré en
redressement ou en liquidation judiciaires.
Du point de vue du droit de la consommation, il est impératif que la clause de garantie de paiement soit conçue
de manière à éviter qu’elle soit qualifiée de clause abusive ou encore pour éviter que le débiteur l’ayant accepté
dans un contrat ne soit traité comme consommateur en situation de faiblesse ou d’ignorance.

Du point de vue du droit des difficultés des entreprises, il va sans dire que les clauses tendant à protéger le
règlement d’une créance au bénéfice d’un créancier ne peuvent être efficaces que sous réserve du respect des
contraintes et exigences légales qu’induit le livre V du code de commerce.(Copyright Artémis 2013 - tous droits
réservés)

Ainsi et à titre d’exemple, quand bien même un créancier serait titulaire d’un nantissement sur un matériel ou
outillage en vue de garantir le règlement du prix dudit matériel ou outillage, si le débiteur est déclaré en
redressement judiciaire, il n’est pas certain que le créancier bénéficiaire du nantissement puisse avoir la priorité
concernant le règlement de sa créance sur la matériel ou outillage nanti notamment dans l’hypothèse où il
existerait des créanciers postérieurs au jugement déclaratif de redressement judiciaire lesquels évinceront, de par
la loi, ledit créancier même s’ils ne sont que des créanciers chirographaires.

L'efficacité relative des sûretés réelles en droit des procédures collectives


Document élaboré en octobre 2014

« Ceux des créanciers que la bonne organisation de la faillite intéresse le plus, les seuls à vrai dire, que la loi ait
entendu protéger, lorsqu’elle a institué ce mode de liquidation, sont les chirographaires … Les créanciers qui
ont pris des garanties, telles qu’un gage ou une hypothèque ne voient pas leurs intérêts mis en péril par la chute
pécuniaire du débiteur : leur sûreté subsiste, l’hypothèse d’un revers a été prévue, sans quoi on aurait prêté à la
personne et non à la chose »[1].

Cette formule de Taller correspond au but des sûretés réelles, à savoir prémunir un créancier, contre les risques
d’insolvabilité de son débiteur, en lui conférant un droit réel accessoire sur un ou plusieurs biens. Mais, elle
occulte totalement la réalité actuelle du droit des sûretés. Les garanties réelles deviennent de plus en plus
tributaires de leur environnement juridique. Le cadre dans lequel une sûreté est donnée devient primordial pour
connaître son efficacité effective lors de sa mise en œuvre.

Ce phénomène est très marqué dans le droit marocain des procédures collectives. Par ces procédures, le
législateur empêche les sûretés réelles de jouer leur rôle normal du moment où elles devraient entrer dans une
phase active. Elles perdent une partie de leur utilité au moment où elles deviennent nécessaires. La mise en
œuvre d’une sûreté réelle en cas de procédure collective, principalement pour une dette antérieure, diffère
fortement de sa mise en œuvre en dehors d’une telle procédure.

En droit commun, l’insolvabilité avérée du débiteur conduit le créancier à faire entrer immédiatement sa sûreté
dans une phase active, lui permettant d’obtenir un paiement prioritaire. En revanche, en cas d’ouverture d’une
procédure de redressement et de liquidation judicaires, le droit de poursuite d’un créancier muni d’une sûreté
réelle est souvent suspendu pendant la période d’observation, malgré l’insolvabilité avérée du débiteur, et il
risque de voir son droit au paiement limité à l’issue de la procédure. En effet, la règle traditionnelle en droit de
traitement des difficultés de l’entreprise est la suspension des poursuites individuelles, dont le principe est posé
par l’article 654 du Code de commerce.

Le désintéressement du créancier muni d’une sûreté réelle passe au second plan en cas de procédure collective.
Faut-il en conclure à leur déclin inéluctable ? Une réponse nuancée s’impose. Il n’en reste pas moins vrai que la
situation des créanciers munis de sûretés réelles se trouve affaiblie. Ainsi, le législateur marocain a prévu une
série de dispositions qui risque de compromettre les droits des créanciers munis de sûretés réelles.

I-Les créanciers rétenteurs :


Le droit marocain des procédures collectives rompt l’équilibre classique existant entre les différents créanciers
munis de sûretés réelles. Le jeu normal des sûretés réelles est aussi contrebalancé par certains mécanismes qui,
du fait de la priorité qu’ils confèrent à leurs titulaires, s’analysent en des garanties particulièrement redoutables.

Ainsi, bien qu’aucun texte ne le prévoie expressément, le droit de rétention joue son rôle paralysant en cas de
continuation de l’entreprise. Le créancier gagiste est bloqué en ce sens qu’il ne peut pas vendre le bien grevé
pendant toute la durée du plan. Il en va de même pour le débiteur soumis à la procédure collective qui ne pourra
pas vendre ce bien.(Copyright Artémis 2014 - tous droits réservés)

Pour sortir de cette situation, le débiteur, hormis l’hypothèse d’une substitution de garantie, devra payer le
créancier pour obtenir la restitution du bien. Conformément aux dispositions de l’article 657 alinéa 2, lorsque le
retrait d’un bien du débiteur est nécessaire à la poursuite de l’activité de l’entreprise, le juge commissaire peut
autoriser le syndic à payer des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective pour
retirer la chose légitimement retenue. En ce cas, le créancier gagiste ou rétenteur l’emporte sur tous les autres
créanciers, y compris ceux bénéficiant du privilège de l’article 575 du Code de commerce qui dispose que « les
créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement sont payées par priorité à toutes
autres créances assorties ou non de privilèges ou de sûretés ».

II-Les créanciers nantis ou bénéficiaires de privilège spécial :

Le droit marocain des procédures collectives suscite ses propres sûretés qui restreignent souvent les prérogatives
des créanciers déjà munis de garanties. Ces privilèges répondent certes à des impératifs louables dont notamment
la survie de l’entreprise, mais ils modifient le classement de droit commun des sûretés réelles, en affaiblissant le
droit de préférence de certains créanciers, dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de la
procédure collective, munis de sûretés réelles.

La volonté de permettre la continuation de l’entreprise a conduit le législateur à favoriser les créanciers


postérieurs au détriment des créanciers antérieurs munis de sûretés. On a parlé de «rétrogradation des autres
privilèges et des hypothèques».

La limitation des droits au paiement des créanciers munis de sûretés réelles résulte de la diminution pour nombre
d’entre eux de leur cause de préférence, lors de la mise en œuvre de leurs garanties, même si certains d’entre eux
peuvent obtenir un paiement anticipé en cas de vente d’un bien grevé par une sûreté spéciale.

En effet, la plupart des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure munis de sûretés réelles
voient leur paiement retardé. Mais en outre, certains d’entre eux subissent une diminution de leur cause de
préférence. Les dispositions des articles 600 et 616 du Code de commerce démontrent clairement ce constat
d’affaiblissement des prérogatives des créanciers munis de sûretés.

En vertu de l’article 600 du Code de commerce, en cas de vente de biens grevés d’un privilège spécial ou d’un
nantissement, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés sont payés sur le prix après le paiement des créanciers
qui les priment. Cependant, la vente ne doit pas toucher les biens frappésd’inaliénabilité et qui sont considérés
comme étant indispensables à la continuation de l’entreprise par le tribunal (article 594 du Code de
commerce [2]).

Le même article 600 accorde également ce droit de préférence aux titulaires d’un privilège général. Cette
catégorie peut comporter les impôts et la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS). En effet, l’article 365
du Code de commerce dispose que : « le privilège du créancier nanti s’exerce sur les biens grevés par préférence
à tous autres privilèges à l’exception : 1) du privilège des frais de justice ; 2) du privilège des frais exposés pour
la conservation de la chose ; 3) du privilège accordé aux salariés par le paragraphe 4 de l’article 1248 du DOC ».
Mais, le même article prévoit que le créancier nanti prime le Trésor et la CNSS.

Toutefois, les dispositions de l’article 600 ne signifient pas qu’il y ait affectation spéciale du prix au profit des
créanciers concernés. Dès lors, lorsqu’ils peuvent exercer leur droit de préférence, ils risqueraient d’être primés
par les créanciers dont la créance est née postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement (Article
575 du Code de commerce précité).
Pour atténuer la rigueur d’une telle disposition, le législateur a prévu la possibilité d’une substitution de garanties
prévue à l’article 601 du Code de commerce qui dispose que « si un bien est grevé d’un privilège, d’un
nantissement … une autre garantie peut être substituée en cas de besoin, si elle présente des avantages
équivalents … ». Mais, l’initiative de la mesure n’appartient pas au créancier, mais au syndic ou au débiteur.
Faute d’un accord, cette mesure peut être imposée par le tribunal.

Par ailleurs, dans le cadre de la cession d’entreprise[3], certaines sûretés réelles risquent de disparaître du fait de
la vente du bien grevé. En effet, L’article 616 du Code de commerce prévoit une procédure assez particulière en
cas de vente d’un bien grevé par un nantissement ou une hypothèque. Il indique qu’une quote-part correspondant
aux créances garanties par ces sûretés réelles sera affectée par le tribunal au paiement desdites créances et
l’exercice du droit de préférence. Mais le texte ne précise pas quelles techniques adopter pour évaluer cette
quote-part. Il en résulte que ce paiement sera effectué conformément à la solution que le tribunal aura retenue.
(Copyright Artémis 2014 - tous droits réservés)

Cette solution paraît peu favorable pour les créanciers munis de sûretés réelles. L’initiative de réalisation du bien
n’appartient jamais au créancier qui subit cette aliénation du bien grevé. Le tribunal a toute latitude pour fixer le
montant de la quote-part qui leur est attribué, ce qui présente toujours un risque d’arbitraire.

Dans ce cas, les créanciers concernés sont-ils en droit d’engager un recours contre le prix affecté par le tribunal
et dans l’affirmative, quelle procédure adopter pour mettre en œuvre ce recours ? Cette disposition légale ne
permet au créancier privilégié aucune contestation sur le montant de la quote-part. Il demeure totalement
désarmé face aux évaluations.

Egalement, les dispositions de l’article 616 prévoient l’exercice du droit de préférence dont l’efficacité est
limitée. En effet, -hors le fait que ce droit est déjà reconnu à ces créanciers par le droit commun et qu’il ne joue,
par conséquent, que par rapport aux créanciers ordinaires dont les créances sont nées avant l’ouverture de la
procédure de redressement judiciaire- l’exercice de ce droit de préférence se trouve paralyser par l’article 575 du
Code de commerce : « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement sont
payées par priorité à toutes autres créances assorties ou non de privilèges ou de sûretés ».

Lors de la distribution du prix de vente, ces créanciers entreront en concours avec les créanciers munis de
privilèges généraux dont les créances ne sont pourtant pas prises en compte pour le calcul de la quote-part.

En outre, les créanciers ne bénéficient plus d’un véritable droit de suite. Il ne peut pas être exercé pour le reste du
prix si le cessionnaire a versé l’intégralité du prix de la cession, car le paiement total du prix entraîne la purge
des garanties et la radiation des inscriptions. Mais, cela n’empêche pas les créanciers, non payés en partie ou en
totalité, de reprendre leur droit de poursuite individuelle contre le débiteur, après la clôture de la procédure, en
tant que créanciers ordinaires.

Néanmoins, les créanciers peuvent exercer leur droit de suite si le cessionnaire a cédé le bien avant le paiement
du prix de cession (Article 617 du Code de commerce). Les créanciers gardent leur droit de suite également
lorsqu’ils bénéficient d’une sûreté spéciale garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour
lui permettre le financement d’un bien sur lequel porte la sûreté. Dans cette hypothèse, les charges de ces sûretés
sont transmises légalement au cessionnaire. En ce qui concerne, par exemple un fonds de commerce, les charges
peuvent concerner une dette accordée par le vendeur sur le prix d’acquisition d’un outillage ou matériel
d’équipement professionnel (Article 355 du Code de commerce). Le cessionnaire est tenu alors d’acquitter entre
les mains du créancier les échéances convenues sous réserve des délais prévues par l’article 606 du Code de
commerce. Toutefois, en raison du silence du législateur, on est en droit de se demander si cette disposition
concerne tous les créanciers bénéficiant d’une sûreté ou uniquement les créanciers postérieurs au jugement
d’ouverture.(Copyright Artémis 2014 - tous droits réservés)

III-Les créanciers bénéficiant d’un privilège général :

Le cas des créanciers bénéficiant de privilèges généraux, comme les impôts ou la CNSS, n’a pas été réglé
expressément par la loi. De plus, les textes particuliers à ces créanciers ne sont pas davantage éloquents en la
matière. Nous estimons donc que pour les dettes antérieures à la cession, ces créanciers participent avec les
autres à la répartition du prix.

Pour les dettes postérieures à la cession et pour les reliquats, les dettes seront supportées par le cessionnaire en
raison de la solidarité qui joue habituellement en ce domaine et du fait que la dette est liée à l’exploitation.

Si l’efficacité de certaines sûretés réelles est limitée dans le cadre du redressement judiciaire, elle doit être
restaurée en cas de liquidation judiciaire.

Les différentes atteintes aux droits des créanciers ne se justifient que dans la mesure où elles sont nécessaires à la
réalisation de l’objectif de redressement. En revanche, ils ne sont nullement justifiés dans une procédure de
liquidation judiciaire.

Or, la législation fait état du maintien des sacrifices imposés aux créanciers dans le cadre de la liquidation. En
effet, en cas de liquidation judiciaire, l’entreprise ne peut plus être sauvée. Le but de la procédure consiste à
régler les différents créanciers. On devrait retrouver, ainsi, le jeu normal des sûretés réelles, puisque l’on réalise
les différents actifs de l’entreprise, que ce soit de manière isolée ou par unité de production.

Les créanciers munis de garanties devraient pouvoir librement mettre en œuvre leur sûreté et recevoir un
paiement compte tenu de leurs causes de préférence.

Toutefois, le législateur continue à imposer de tels sacrifices aux créanciers dans le cadre de la liquidation. Il en
est ainsi de l’application de l’article 575 du code de commerce.(Copyright Artémis 2014 - tous droits réservés)

Bien que le but du droit préférentiel instauré par l’article 575 du Code de commerce est de faciliter le
financement de l’entreprise pendant la période d’observation, il s’applique également en cas de liquidation
judiciaire, alors que, dans ce cas, la finalité de cette règle est toute autre : préserver l’actif de l’entreprise pour
satisfaire aux mieux les créanciers.

Or, le maintien des contrats postérieurs, durant cette phase liquidative, aboutit à aggraver la situation de
l’entreprise déjà sérieusement compromise, laissant les créanciers antérieurs dans une situation désastreuse.

[1] Taller, Des faillites en droit comparé, T. II, 1887, p.2.

[2] «Dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, le tribunal peut décider que les biens qu'il estime
indispensables à la continuation de l'entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu'il fixe, sans son
autorisation. Tout acte passé en violation de cette inaliénabilité est annulé à la demande de tout intéressé
présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou de sa publication. L’inaliénabilité
des biens est inscrite au registre du commerce de l'entreprise ».

[3] La cession est une solution moins avantageuse pour les créanciers chirographaires que la continuation. En
effet, traduite non seulement par des délais de paiement – si le prix n’est pas payé comptant- mais aussi par des
paiements partiels, lorsque le prix est inférieur au montant du passif, ce qui est le cas dans la plupart du temps.
Au contraire, en cas de continuation, le tribunal peut imposer aux créanciers des délais mais non des remises.

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