MARQUES : ALAIN AFFLELOU, UN REGARD NOUVEAU. P. 22 – AGENCES : DÉKUPLE S’ENGAGE AVEC BRAINSONIC. P.

25
EXCLUSIF : WEBEDIA MULTIPLIE LES PROJETS. P. 26 – MAKING OF : BEIGBEDER SE LA JOUE CHEZ MOMA GROUP. P. 32

LE MÉDIA DES NOUVEAUX MODÈLES N° 2142 - 15 SEPTEMBRE 2022 - 6,50¤

EXCLUSIF
STRATÉGIES
SUMMIT 2022
Alexandre Bompard (Carrefour), invité d’honneur

+ ÉDITION SPÉCIALE (44 p.)

 LA VILLE EST UNE STORY
Dans cette ville en mouvement, les marques doivent savoir se montrer,
mais surtout se raconter.
Et pour créer les histoires qui connectent durablement les marques
à leur public, nous disposons d’un terrain de jeu passionnant :
les scènes JCDecaux.

Des scènes ouvertes à tous les scénarios et à tous les acteurs,

pour des histoires qui commencent sur un abribus, sur un kiosque,
se poursuivent en DOOH, sont relayées en aéroport,
s’activent sur l’écran d’un smartphone, se déploient en grand format,
se vivent en expérientiel.
Nous sommes au coeur des villes, dans le coeur des gens.
En scénarisant les marques dans le quotidien des spectateurs,
nous créons une relation de proximité inédite.
Dès lors, les frontières s’efacent, les marques génèrent des conversations,
des commentaires, du partage, de l’engagement, de la conversion.
De la coniance.

Les stories des marques deviennent

les stories du public.

Les plus belles scènes de la ville.

 REPLAY
L’actu vue par… Caroline Fontaine (Mairie de Paris)
STRATÉGIES SUMMIT
ALEXANDRE BOMPARD (CARREFOUR) :
« LA FIN DE L’ABONDANCE N’EST PAS LE DÉBUT
DE L’AUSTÉRITÉ »
BUSINESS
ALAIN AFFLELOU, UN REGARD NOUVEAU
Vie des budgets. Coinhouse se met à jour avec 4uatre P.24
Marketing. Dékuple s’engage avec Brainsonic
Digital. Webedia étend ses réseaux
Télévision. TF1-Canal+ : les dessous d’un litige
Presse. Départs en série à Prisma Media
Législation. Dark stores : retour sur une polémique
Start-up. Licornes vs centaures
INSPIRATIONS
BEIGBEDER SE LA JOUE CHEZ MOMA GROUP
Carte blanche. Louis Bonichon et Perrine Lizé
(MNSTR) : « La culture populaire a renouvelé Marseille » P.34
SOMMAIRE
International. Gucci s’habille en Kubrick
MANAGEMENT
LA SOUFFRANCE DES JEUNES AU TRAVAIL
PORTRAIT
Mahasti Razavi. La parole tranquille
OPINIONS
Le billet de… Delphine Le Goff
STRATÉGIES EST IMPRIMÉ
CHEZ UN IMPRIMEUR
LABELLISÉ PRINT ETHIC
15/09/2022
L’inflation
© Thomas Gogny pour Stratégies
P.4
s’invite au
Summit
Marques : comment faire face à la
grande démission des clients ! En optant pour ce titre un brin
provocateur pour l’édition 2022 du Stratégies Summit qui se
P.9 tenait mercredi 14 septembre, l’idée était de créer un électrochoc
dans l’esprit des communicants et experts du marketing. Le
défi qui les attend est immense ! La flambée des prix actuelle,
phénomène disparu depuis les années 70 ou le début des années
80, change profondément la donne. Et façonne de nouveaux
P.22 modes de consommation. Première conséquence : un repli
vers d’autres gammes de produits, meilleur marché, comme
le constate Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, invité
d’honneur du Stratégies Summit, dans un entretien exclusif : « Il
P.25
y a une attention au prix extraordinairement réévaluée. Nous
P.26 avons lancé une gamme de premiers prix, il y a quelques mois,
qui s’appelle Simpl, avec 700 références. Cette gamme est en
P.28 croissance de 16 % quand le reste est à 3 %. On observe également
que la consommation de viande de bœuf est en baisse, alors que
P.29
les ventes de viande de porc premier prix augmentent. Idem pour
P.30 le poisson, dont les prix grimpent de 10 à 15 % et qui devient une
consommation de luxe. » Le corollaire de ces nouveaux usages en
P.31 magasin, c’est une réorientation de ses achats vers des gammes
de moindre qualité et moins responsables. « Le good résistera-t-
il à l’inflation ? », voilà justement le sujet que nous suggérait Luc
Wise, fondateur de The Good Company, invité il y a quelques
jours de la traditionnelle conférence de rédaction hebdomadaire
P.32
de Stratégies. Un angle que nous traiterons bientôt dans nos
colonnes !
Gilles Wybo, directeur de la rédaction
P.35
P.36
26
P.38
32
P.40
36 38
© COUVERTURE : DAMIEN GRENON POUR STRATÉGIES
3 n° 2142
REPLAY / L’actu vue par...
Caroline Fontaine directrice de la communication à la Mairie de Paris

« La reine Elizabeth II est

devenue une légende »
L’ampleur de la couverture médiatique de
la mort d’Elizabeth II.
La couverture médiatique de l’annonce de
la mort d’Elizabeth II est d’une ampleur
phénoménale, mais elle est, me semble-t-il,
à l’unisson de l’émoi en France et à l’inter-
national. La reine est devenue une légende
en raison de sa longévité extraordinaire, de
son règne qui a duré sept décennies… Elle
avait très bien compris les nouveaux codes
de communication. Le fait qu’elle décède à
Balmoral, alors que l’Écosse s’interroge sur
son indépendance, pourrait être considéré

© Magali Cohen/Hans Lucas

comme un dernier message symbolique et
subtil. Plus qu’une personnalité, la reine est
devenue un personnage.

La nomination de Frédéric Michel, le

nouveau conseiller en communication
d’Emmanuel Macron.
Frédéric Michel a un parcours internatio-
nal et c’est un très grand professionnel de la
communication. Même si jusqu’à présent il
est globalement peu connu, c’est peut-être
cet aspect international qui est signiicatif
de la part du président de la République. Le
fait qu’il ait un vécu à l’étranger, ainsi que
son passage dans un grand groupe média
– News Corp –, est probablement le signe
d’une orientation vers l’international.
Le succès des Journées du patrimoine qui
s’étendent au monde de l’entreprise.
Les entreprises y participent car elles ont
compris le besoin de sens de la part du
client, du consommateur et de l’opinion
publique. Le patrimoine d’une entreprise,
quel qu’il soit, raconte quelque chose de
l’ADN de manière visible et expérientielle.
Je comprends tout à fait cette ouverture des
entreprises à ofrir cette expérience et cette
visibilité à l’occasion des Journées du pa-
trimoine. Cela souligne, et c’est légitime, le
travail que réalisent ces marques autour de
l’artisanat et du savoir-faire.
Portrait de la reine Elisabeth II à l’ambassade de Grande-Bretagne, à Paris, le 12 septembre 2022.
Le géant Cineworld, deuxième chaîne de
cinémas mondiale, en dépôt de bilan.
Cette désafection ponctuelle liée à la pan-
démie pose la question suivante : quelle est
la place que nous souhaitons donner à la
culture dans nos vies ? Paris est un peu une
exception, car les Parisiens restent forte-
ment attachés à la vie culturelle. C’est la ville
qui a le plus de cinémas au monde en termes
de pourcentage par rapport à la population
– environ 88 salles. À l’évidence, quand on
a des séries conçues pour nous tenir en ha-
leine et nous faire revenir à nos écrans chez
nous, le rapport au cinéma se modiie. Il y a
un repli sur soi, une forme de cocooning qui
perdure après la pandémie. Les plateformes
de streaming induisent une disruption aux
conséquences économiques lourdes.
Les réactions de Christophe Galtier et
Kylian Mbappé après une question les
invitant à prendre le train plutôt que
l’avion.
On va leur accorder le bénéice du doute en
disant que c’est une erreur de communica-
tion, et non une erreur de fond. Nous avons
tous vécu un été qui nous a plongés dans une
forme de désarroi, qui se chifre en milliers
d’hectares perdus, avec un impact énorme
sur la biodiversité. La gravité du sujet im-
pose une argumentation à l’opposé de la lé-
gèreté avec laquelle ils l’ont balayé. Kylian
Mbappé est une personnalité publique, et
montrer un tel décalage entre le ressenti de
l’opinion sur ces sujets et sa réaction est en
désaccord avec l’image sympathique que
l’on a de lui. L’entraîneur du PSG aurait pu
répondre factuellement et éviter cette ironie.
Canal+ qui refuse de distribuer les chaînes
de TF1, faute d’accord commercial.
Tout le monde est perdant : Canal+ crée du
mécontentement chez ses abonnés, TF1 perd
des parts de marché, et certains spectateurs
sont privés de chaînes. Tout cela risque de fa-
voriser le report sur d’autres plateformes et
créer des comportements de détournement
qui pourraient devenir des habitudes.
PROPOS RECUEILLIS
PAR ELISA SAMOURCACHIAN

n° 2142 4 15/09/2022
 Groupe Média de l’Année 2022

Régie de l’Année 2022

pour les annonceurs et les agences
REPLAY/ En bref MOUVEMENTS
SISLEY. Erin

Apple vise 10 milliards de chifre Doherty est nom-

mée directrice

d’afaires en publicité digitale communication globale

de la marque de cosmé-
tiques haut de gamme
Apple a de grandes ambitions en termes de publicité digitale, Sisley. Journaliste beauté
airmait la semaine dernière le Financial Times, désirant
au sein du magazine Elle,
atteindre 10 milliards de dollars de revenus (contre 4 mil-
elle est devenue ensuite la
liards en 2021). Alors que le fabricant de l’iPhone compte près
de 250 personnes dans son service publicitaire, son site de rédactrice en chef pour la
recrutement aiche près de 216 annonces pour la publicité mode et la beauté pendant
digitale, laissant entrevoir un gros coup d’accélérateur dans les près de six ans (2008-
prochains mois. Même si avec ces objectifs, Apple restera loin 2014), avant de poursuivre
des presque 210 milliards de revenus publicitaires de Google et son parcours au sein du
© iStock

des 115 milliards de Meta. groupe Condé Nast France

comme rédactrice en chef
du magazine Glamour
OGILVY PARIS Comfluence intègre Confere. Comluence, groupe spécialisé dans
(2014-2017). En 2017, elle
DÉVOILE SON la communication et l’inluence, formé par les agences Comluence,
est retournée au magazine
NOUVEAU COMITÉ Cicommunication et Opinion Valley, acquiert Confere, agence de
Elle, dont elle a pris la
EXÉCUTIF conseil en afaires publiques. Cette opération permet au groupe de
direction durant ces cinq
En juin 2020, le se renforcer sur le volet inluence et lobbying. Dans ce cadre, Céline
dernières années.
groupe de communi- Finon, fondatrice de Confere, ancienne administratrice adjointe du
cation Ogilvy coniait Sénat et conseillère de plusieurs cabinets ministériels, dont celui du
DIVERTO. Roxane Centola
la coprésidence de Premier ministre, rejoint le comité directeur de Comluence.
est nommée rédactrice en
l’agence parisienne à
chef de Diverto. Elle diri-
Matthieu Elkaim et
gera les éditions physique

9 492
Emmanuel Ferry. De-
puis leur nomination, et numérique. Elle a été
les deux dirigeants directrice des opérations
s’attellent à accélérer chez Adtraction France,
la transformation responsable publishing chez
de l’agence. Dans Altice Media et responsable
ce cadre, l’agence éditoriale chez Webedia.
(250 collaborateurs) Fondé par six éditeurs de
du groupe WPP C’est le score d’unité de bruit médiatique (UBM)
la PQR, Diverto se veut un
dévoile le nouveau média d’information global
comité exécutif – généré par le décès de la reine Elizabeth II entre
consacré au divertissement,
représentatif de le 8 et le 11 septembre, selon la société Onclusive.
et paraîtra en janvier 2023.
toutes les expertises Cela signiie que chaque Français a été en contact
de l’agence – mis 94 fois avec cette information.
GOUVERNEMENT. Ancien
en place au cours consultant communication
des deux dernières pour l’agence Image 7,
années. Au sein de Franck Pasquier a rejoint
ce comex, Matthieu le cabinet de Jean-Noël Bar-
Elkaim et Emmanuel Coup de com, rot, ministre délégué chargé
Ferry annoncent le nouveau de la Transition numérique
la nomination de format vidéo de et des Télécommunications,
Pierre-Hubert Meil-
Stratégies. Dans où il sera conseiller presse
hac en qualité de
le premier épisode et communication. Cet
vice-président ainsi
de la série « Coup ancien diplômé de l’Efap a
que les nominations
de Natalie Heckel et de Com », notre commencé sa carrière chez
Léonard Dupray en journaliste Ambrine Orange en 2009, où il est
tant que managing Ziani remonte le il des opérations de communication de l’association passé du service relation
partners en charge L214, alors qu’une action était menée samedi 10 septembre contre presse à directeur de cabi-
du département Burger King dans une vingtaine de villes de France. À retrouver sur le net pour le comité exécutif
publicité. site web et les réseaux sociaux de Stratégies. communication et marque.

n° 2142 6 15/09/2022
 CAHIER SPÉCIAL
STRATÉGIES SUMMIT

FAIRE FACE
À LA GRANDE
DÉMISSION
DES CLIENTS
À l’occasion de la 11e édition du Stratégies Summit, plusieurs experts ont été réunis lors d’une matinée de conférences
sur le thème : « Marques : faire face à la grande démission des clients ». Vous retrouverez ici quelques-unes de leurs
interventions ainsi que l’interview exclusive d’Alexandre Bompard, invité d’honneur du Summit.

Alexandre Bompard, Carrefour P.8

Stéphane Delaporte, 366 P.14
Grégoire Bruni, Criteo P.16
Isabelle Schlumberger, JCDecaux P.18
Sylvia Tassan Tofola, TF1 Pub P.20

15/09/2022 7 n° 2142
n° 2142 8 15/09/2022
 ÉVÉNEMENT / Entretien
« LA FIN DE
L’ABONDANCE
N’EST PAS LE
DÉBUT DE
L’AUSTÉRITÉ »
DISTRIBUTION Grand invité du Summit de Stratégies, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour,
revient dans une interview fleuve exclusive sur la période actuelle : l’inflation, la crise énergétique,
le défi alimentaire… Il explique comment il a préparé l’entreprise à cette situation depuis 2018.
PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL GAVARD ET GILLES WYBO
Cette rentrée est assez anxiogène,
avec une crise qui s’invite à tous
les rayons. Comment vivez-vous
ce qu’il se passe ? Arrivez-vous à
être optimiste ?
ALEXANDRE BOMPARD. Nous vi-
vons depuis quatre ans une série de
crises exceptionnelles, de natures
diférentes et dont les efets se cu-
mulent : sociale avec les Gilets jaunes,
sanitaire avec le covid, géopolitique,
énergétique – la plus grave depuis les
années 70 – et crise climatique, dont
les conséquences sont plus concrètes
chaque année. Dans ce contexte,
ma responsabilité, c’est d’identiier
les nouvelles normes imposées par
la crise et de les intégrer à la gestion
de l’entreprise, ce qui exige une forte
dose de lucidité. Mais l’analyse des
risques n’empêche pas de garder
© Damien Grenon pour Stratégies
coniance. Notre environnement cri-
sogène n’a pas empêché Carrefour
de mener une transformation pro-
fonde, d’opérer un retournement de
modèle et de retrouver le sens de l’in-
novation. Pour un chef d’entreprise,
15/09/2022
le manque de lucidité est un défaut
mortifère. Mais se résigner, et ne pas
avoir coniance en ses équipes et son
modèle, l’est tout autant.
Quelle place peut avoir « la grande
consommation », que Carrefour
représente, dans un monde où l’on
parle de « in de l’abondance » ?
La « in de l’abondance », ce n’est pas
le début de l’austérité. C’est la in des
ressources environnementales illi-
mitées : l’eau, l’énergie à bas prix, la
biodiversité… Et cela signiie que la
consommation de masse telle qu’elle
était construite dans les années 70
ne correspond plus au modèle de de-
main. Ça tombe bien pour Carrefour,
parce que c’est exactement le sens
de la transformation menée depuis
quatre ans. Depuis 2018, nous avons
des équipes qui travaillent sur le gas-
pillage alimentaire, la réduction des
emballages, le bien-être animal, la
saisonnalité des fruits et légumes, le
développement du vrac, le bio, etc.
Nous ne sommes pas pris à revers.
9 n° 2142
Tout n’est pas parfait, il y a forcé-
ment encore des incohérences entre
la consommation et les contraintes
environnementales, mais nous
sommes engagés sur chacun de ces
sujets de transformation.
Quand vous dites « Nous ne
sommes pas pris à revers », ce
n’est pas le cas de tout le monde ?
Lorsque j’ai énoncé notre plan stra-
tégique et notre raison d’être, il y a eu
quelques réactions circonspectes.
Certains pensaient que ce n’était
pas le rôle de la grande distribution,
qu’il s’agissait d’une vision un peu
« bobo »… Mais j’étais convaincu
qu’au contraire, il y avait dans l’ADN
de Carrefour, qui avait inventé un
modèle 50 ans plus tôt, la nécessi-
té d’imaginer le modèle de demain.
Donner une nouvelle vision de notre
groupe, c’était ce que je devais à Car-
refour et ses équipes. Le corps social
de Carrefour s’en est pleinement em-
paré. Nous avons pris la bonne orien-
tation stratégique et nous sommes
prêts à afronter ce qui arrive.
Ce nouveau rôle de la distribution
vient-il combler un manque
d’action politique ?
On peut dire beaucoup de choses
dans notre pays, mais pas que les
pouvoirs publics ne se tiennent pas
aux côtés des acteurs économiques
depuis 2020. Aujourd’hui encore,
ils ont engagé en faveur du pou-
voir d’achat un plan de 24 milliards
« Lorsque d’euros. L’action de l’État et celle de
la grande distribution sont simple-
j’ai énoncé ment complémentaires. Car mal-
gré les aides, il y a de plus en plus de
notre plan clients dont la contrainte de pou-
stratégique voir d’achat devient insupportable.
Vous savez, Carrefour est le premier
et notre partenaire des banques alimen-
taires en France et nous voyons une
raison d’être frange de nouveaux consomma-
[…] certains teurs tout près d’y basculer. Pour eux
notamment, nous devons déployer
pensaient qu’il
des dispositifs promotionnels et des
ofres comme notre opération de
s’agissait d’une blocage des prix sur 100 références
vision un peu pendant 100 jours. Ce type d’opéra-
tions permet à la grande distribution
“bobo”. »
ÉVÉNEMENT / Entretien
d’ofrir aux clients des prix bas, mais
aussi de la visibilité sur leurs achats,
ain de mieux gérer leur budget au il
du temps.
Est-ce un efort inancier pour
Carrefour ? Allez-vous augmenter
les prix d’autres produits pour
compenser ?
Non, pendant cette période-là, nous
faisons le choix de baisser à l’ex-
trême nos marges sur un panel de
produits. Nous n’avons pas sélec-
tionné ceux qui nous arrangent.
Le rélexe habituel d’un commer-
çant, c’est de choisir pour le client
car il croit bien le connaître. Juste-
ment, là, nous avons fait exactement
l’inverse. Nous sommes partis des
clients, avons réalisé des dizaines
de tables rondes, travaillé sur notre
data, et nous sommes arrivés à une
liste de 100 produits du quotidien,
dans les principales catégories : frais,
hygiène, rentrée scolaire, entretien
ménager…
Anticipez-vous un changement
profond dans les modes de
consommation sur les 12 ou 24
mois à venir ?
Il y a une attention au prix extraor-
dinairement réévaluée. Nous avons
lancé une gamme de premiers prix, il
y a quelques mois, qui s’appelle Simpl,
avec 700 références. Cette gamme est
en croissance de 16 % quand le reste
est à 3 %. On observe également que
la consommation de viande de bœuf
est en baisse, alors que les ventes de
viande de porc premier prix augmen-
tent. Idem pour le poisson, dont les
prix grimpent de 10 à 15 % et qui de-
vient une consommation de luxe. Je
pourrais encore citer le cas des œufs :
les ventes d’œufs Label Rouge ou bio
perdent 5 à 10 %, quand celles d’œufs
premiers prix augmentent.
Comment relever le déi de la
qualité alimentaire dans ces
conditions ?
C’est encore plus complexe en pé-
riode d’inlation. Pourtant nous re-
n° 2142
levons ce déi avec détermination : il
faut que le bio se développe, comme
le vrac et les circuits courts… Nous
essayons de concilier ces objectifs,
notamment grâce à nos marques
propres. Alors qu’elles représen-
taient 20 % de notre chifre d’afaires
il y a cinq ans, elles atteindront, d’ici
à la in de l’année, un tiers de nos
ventes. Elles airment notre double
rôle, celui d’améliorer la qualité en-
vironnementale des produits et d’of-
frir des prix attractifs.
Pourrait-on voir réapparaître la
guerre des prix d’il y a dix ans ?
La compétition entre les acteurs du
marché existait en temps normal,
« Nous avons elle demeure évidemment dans les
temps plus diiciles. C’est le jeu de la
lancé il y a concurrence, mais elle se fait au pro-
it du consommateur inal. Chacune
quelques
des entreprises de la grande distribu-
mois Simpl, tion joue un rôle particulier aux côtés
des consommateurs. C’est positif.
une gamme
Anticipez-vous un impact fort des
de premiers
sécheresses en cours ?
prix avec 700 Oui, incontestablement. L’impact
de la sécheresse déstabilise l’en-
références. semble du monde agricole. Le four-
rage manque aux éleveurs, la pro-
Cette gamme
duction des cultivateurs baisse,
enregistre une comme pour la pomme de terre,
les olives, le miel, le maïs… la liste
croissance de est longue ! Toutes les ilières sont
concernées. Mais le dérèglement
16 % quand le
climatique est global et les inonda-
reste est à 3 %. » tions massives au Pakistan vien-
dront par exemple troubler l’appro-
visionnement en riz basmati.
Sur l’économie d’énergie,
pensez-vous pouvoir aller plus
loin que l’accord qui a été signé en
juillet par tous les distributeurs ?
Notre plan stratégique Carrefour
2022, qui comportait des objectifs
de sobriété énergétique, nous a per-
mis d’anticiper la hausse brutale des
coûts. Un hypermarché en temps
normal, c’est autour de 300 000 eu-
ros par an d’électricité : 50 % pour
la chaîne du froid, et le reste est
consommé par le chaufage, la cli-
matisation et l’éclairage. Ce prix-là
aura plus que doublé d’ici à la in
10
de l’année, et si l’on tire un peu la
courbe, il devrait se situer à plus d’un
million d’euros d’ici à 2023. Si vous
l’étendez à la taille de notre groupe
en France – 6 500 magasins, des en-
trepôts… –, c’est une source de coûts
supplémentaire très signiicative.
Donc vous êtes obligés d’aller plus
loin ?
Oui, nous avons décidé d’aller beau-
coup plus loin, et plus vite. Nous al-
lons baisser notre consommation
d’énergie de 20 % d’ici à 2024. Pour
la France, cela représente 320 mil-
lions d’euros d’investissements. En
parallèle, nous avons été la première
entreprise à signer avec RTE le parte-
nariat Ecowatt qui permettra, en cas
d’alerte sur le réseau, de diminuer
considérablement notre consomma-
tion sur tout notre parc : baisse d’in-
tensité lumineuse de 40 à 70 %, baisse
du chaufage de 19 à 17 °C, et déclen-
chement des groupes électrogènes.
Comptez-vous augmenter les
salaires face à l’inlation ?
Lorsque vous avez une inlation à
6 ou 7 %, vous devez accompagner
vos salariés avec diférents dispo-
sitifs. Nous avons fait le choix d’ac-
tiver tous les leviers. D’une part, les
rémunérations exceptionnelles,
avec les dispositifs Macron pour
distribuer la prime de 1 000 euros au
cœur de la crise covid et pour dou-
bler l’indemnité inlation l’année
dernière. Mais aussi la participa-
tion, qui était proche de 400 euros
et qui avoisinait 1 000 euros pour
l’année 2021, grâce au travail des
équipes. Le troisième levier, ce sont
les augmentations annuelles. Pour
vous donner une idée, une hôtesse
de caisse, en un an, a vu son salaire
augmenter de 5,7 %. Enin, dernier
levier, nous avons décidé d’augmen-
ter les remises sur achat, qui sont
passées à 12 %. L’inlation étant en
forte hausse, nous avons rouvert ce
mois des discussions avec les parte-
naires sociaux, comme nous nous
y étions engagés l’année dernière,
pour voir quelles adaptations nous
pouvons décider ensemble.
15/09/2022
Les investissements médias sont
souvent ceux que l’on coupe en
premier par temps de disette…
Envisagez-vous de les réduire ?
Non. Si nous avons revu nos alloca-
tions entre les diférents médias, le
groupe a retrouvé les moyens pour
investir durablement. La place de
leader que nous avons reconquise
passe par une nouvelle stratégie de
marque. Nous voulons une marque
qui ne soit pas à sens unique ou
orientée vers une simple transaction
commerciale, mais qui soit plus au-
thentique, proche du quotidien de
nos clients et en interaction avec eux.

Justement, vous êtes partenaire

des Jeux olympiques 2024…
Qu’en attendez-vous en tant que
distributeur ?
C’est la première fois qu’un distri-
buteur est partenaire premium des
© Carrefour

Jeux olympiques. Je veux que notre

engagement aux côtés de Paris 2024
soit un vrai projet d’entreprise. Ce
doit être tout d’abord le projet de
tout le corps social et un motif de
ierté pour les 150 000 collabora-
teurs qui travaillent en France sous
la bannière de Carrefour. L’enthou-
siasme interne est déjà palpable.
D’ici quelques mois, le cœur du pays
battra au rythme de la préparation
des JO et nous pourrons aussi pro-
mouvoir nos valeurs relatives à la
qualité alimentaire et à l’inclusion
– notamment avec les Jeux paralym-
piques – et organiser des moments
commerciaux exclusifs pour nos
clients.
On vous a beaucoup vu sur le
métavers. Selon vous, est-ce que
cet univers sera avant tout un
écosystème média, ou également
un écosystème de consommation
« réelle » ?
On a beaucoup parlé du métavers.
Ma philosophie est assez claire :
Carrefour ne doit plus rater une
seule innovation dans le digital.
Je ne sais pas encore quelle sera la
gamme des usages du métavers
dans l’avenir, mais nous voulons
être présents et multiplier les ini-
Carrefour s’est tiatives et les expériences. C’est la
engagé à « baisser même logique pour notre partena-
[sa] consommation riat avec Brut dans le live shopping.
d’énergie de 20 %
d’ici à 2024. »
Vous avez noué des partenariats
technologiques avec Google et
Meta. Certains estiment que c’est
dangereux, ou vous le re-
prochent… Qu’en pensez-vous ?
Depuis douze ans que je travaille
dans le secteur du commerce, je suis
confronté à la stratégie prédatrice
d’Amazon. Je connais parfaitement
le modèle des géants du numérique,
et ses dangers. Mais en 2018, j’ai fait
le constat que pour devenir un lea-
der sur le numérique, Carrefour
avait l’absolue nécessité de nouer
des partenariats technologiques
avec les meilleurs acteurs, notam-
ment pour ne pas laisser le champ
libre à Amazon. Nous avons donc
passé des accords avec Meta, Goo-
gle, mais en restant très vigilants sur
nos données. Cela ne nous empêche
pas d’avoir de nombreux partena-
riats avec d’autres acteurs français
ou du web ouvert, et nous avons créé
un fonds de venture capital pour
soutenir l’écosystème des start-up.
Comment imaginez-vous la
grande distribution en 2035 ?
D’abord, je l’imagine toujours là (Il
rit). La grande distribution s’est dis-
tinguée ces dernières années par
sa capacité à mener la transforma-
tion des modes de consommation,
à répondre à une série de crises ex-
ceptionnelles, à accompagner ses
clients face à de multiples déis…
Son rôle est devenu plus central que
jamais. Alors c’est vrai, notre ac-
tivité sera de plus en plus digitali-
sée et le digital permettra d’amé-
liorer chacune de nos opérations,
comme la personnalisation de la
relation client ou l’optimisation de
nos stocks. La data sera aussi une
source majeure de création de va-
leur. Quelle que soit la place du nu-
mérique, les petits et les grands ma-
gasins ont un bel avenir devant eux.
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n° 2142 12 15/09/2022
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DIGITAL / MOBILE I CAMPAGNES DE PUBLICITÉ I WEB 3.0 I
UTILISATION INNOVANTE DE LA TECHNOLOGIE I
COMMUNICATION D’ENTREPRISE I BRAND CONTENT I ÉDITION I
OPÉRATION ÉVÉNEMENTIELLE, PRESSE, RELATIONS PUBLIQUES,
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STRATÉGIES SUMMIT / Tribune
DÉMISSION : LA GRANDE
CONFUSION
CONSOMMATION Dans un contexte de crises, un état de stupéfaction et d’épuisement perdure dans l’Hexagone,
mais les Français restent préoccupés, en premier lieu, par leur pouvoir d’achat. Une marque, pour subsister,
devra chercher à être avant tout utile au consommateur.
STÉPHANE DELAPORTE directeur général de 366
DÉMISSION AILLEURS, TRANSFORMATION ICI. Si le mouvement
#IQuit apparu aux États-Unis en 2021 nous a interpellés c’est qu’il
résonne dans nos perceptions françaises.
Face à la juxtaposition des crises et des urgences et dans un
contexte d’impuissance des acteurs de pouvoir, nous sommes
collectivement « dans les cordes » après l’état de stupéfaction dans
lequel nous ont plongés la pandémie et les coninements. Nous
voyons depuis un an perdurer une situation de fatigue et même
d’épuisement du pays. Chacun reprend sa vie en mains et c’est la
raison pour laquelle, par exemple, nous observons la remise en
cause des élèves des grandes écoles, la pénurie de candidats dans
plusieurs secteurs de l’économie, l’exode des grands centres ur-
bains vers les campagnes et les périphéries, mais aussi un record
de 250 000 entreprises artisanales créées en 2021, très souvent par
d’anciens cadres ou salariés des services.
Nous sommes, non pas dans une démission mais dans une réap-
propriation de la société et de ses structures.
IL N’Y A PAS DE DÉMISSION DU CONSOMMATEUR. Disons-le
d’emblée, cette idée selon laquelle nous ferions face à l’orée d’une
grande démission des consommateurs nous paraît fausse. Deux
indicateurs sont révélateurs de ce point de vue. Tout d’abord il suf-
it d’observer les priorités des Français depuis presque un an : en
première place (et de loin) se situe le pouvoir d’achat. Pas l’écologie,
pas la sécurité, pas l’emploi… il faut regarder en face la société fran-
çaise dans son expression la plus massive, à hauteur d’homme, et
celle-ci se préoccupe de sa capacité de consommation.
Le second indicateur est lié à l’écologie, symbole absolu du néces-
saire changement de paradigme dans nos sociétés, de la frugalité à
la décroissance. Quand on leur demande s’ils sont prêts, pour pré-
server la planète, à changer radicalement leur consommation, les
n° 2142
Français répondent « non » à 74 %… ce que pourtant ils réclament
à cor et à cri de la part des politiques et des entreprises. Et ce para-
doxe entre désir personnel et souhait sociétal, temps court, voire
immédiat, et temps long est sûrement le plus révélateur de cette
époque de transition.
DÉMISSION DES MARQUES : LA VRAIE QUESTION. C’est une
réalité tangible que les marques n’ont jamais été aussi challen-
gées, et leurs consommateurs parfois démissionnaires. Parts de
marchés fortement mouvementées, nouveaux entrants sur tous
les marchés, nouvelles marques digitales… les marques ont par-
fois l’impression qu’elles sont désavantagées par leur patrimoine,
leur histoire.
C’est tout autre chose qui est à l’œuvre. Les nouvelles marques,
notamment digitales, sont, certes, parées d’atours exempts
de défauts quand elles émergent. Mais passé leur lancement
elles sont très rapidement confrontées aux mêmes déis que les
marques plus anciennes, et risquent tout autant, sinon plus, une
démission de leurs clients. Ce qui, au fond, permet de conserver
la coniance des consommateurs, c’est l’utilité. Notre prochaine
étude, « Françaises, Français, etc. » à paraître en novembre, mon-
trera très clairement cet enjeu majeur pour les marques. Dans
un monde en forte et nécessaire transformation, les marques
doivent être utiles ou mourir. Utiles à leurs consommateurs, très
simplement, mais aussi utiles à la société, utiles à la cohésion so-
ciale, à la préservation de nos écosystèmes, utiles bien sûr à leurs
salariés et utiles dans les territoires qu’elles se doivent de préser-
ver et de dynamiser.
© Aḿlie Marzouk.
C’est une exigence qui se conjugue à une très grande détermina-
tion des marques à communiquer. L’avenir est dans les mains des
marques qui sauront exprimer cette valeur cardinale de l’utilité. ■
14 15/09/2022
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STRATÉGIES SUMMIT / Tribune

COMMENT
ÉVITER LA GRANDE
DÉMISSION CLIENT
E-COMMERCE Les consommateurs français font leur retour en magasin, mais pour éviter une déperdition des clients
en cette période de crise, il est primordial de miser sur la fidélisation. Divers outils et plateformes sont à disposition
des marques pour y parvenir.
GRÉGOIRE BRUNI head of agencies Criteo

T
out d’abord un peu de contexte. Les consommateurs
sont de retour en boutique et l’e-commerce soufre
sur cette première partie d’année. Après des mois où
l’accès aux boutiques était interdit et/ou compliqué,
les marketeurs et observateurs que nous sommes nous posions
la question d’un changement de comportement durable ou pas.
La réponse est vite arrivée, nous avons envie de vivre une expé-
rience d’achat physique en magasin, principalement sur les pro-
duits hors alimentaires.
La crise d’approvisionnements que subissent de nombreux sec-
teurs ainsi que l’inlation étiolent la coniance et la capacité de
dépenses. Pour éviter la grande démission des clients, il faut se
poser la question de quels types d’acheteurs il s’agit. Magasins
ou web ? Les deux ? La plus grande partie des acheteurs sont au-
jourd’hui omnicanaux. L’approche omnicanale et la compré-
hension des parcours des consommateurs s’imposent donc de
fait dans les stratégies marketing. Ici, on remarque que si cette
dimension est comprise de tous et qu’il y a un consensus sur le
bien-fondé de l’approche, cela ne se traduit pas (encore) dans
les activations. Le recueil de la data, son traitement et son opé-
rabilité sont le point central d’une bonne base pour systémati-
ser l’omnicanalité.
TRAVAILLER LA FIDÉLISATION PLUTÔT QUE LA CONQUÊTE.
Sur la question de la idélité, il faut avoir en tête que les ache-
teurs d’une marque ont trois fois plus de chances d’acheter de
nouveau cette marque. Les stratégies marketing d’acquisition
de nouveaux clients sont donc forcément plus coûteuses que les
stratégies de rétention. Par les temps qui courent, les marques
doivent se poser la question de l’équilibre entre acquisition et
rétention justement, c’est-à-dire travailler la idélisation plutôt
que la conquête. Les outils permettant d’exploiter des clients
existants comme le CRM sont donc d’une grande pertinence en
ce moment. Toute boucle d’acquisition client doit alimenter une
autre boucle de « rétention » en même temps, ces deux boucles
qui sont donc connectées déinissent une stratégie marketing
équilibrée, et c’est aux marques de choisir cet équilibre selon
leurs actualités commerciales.
La idélité ne tient évidemment pas qu’aux diférentes opéra-
tions commerciales d’une marque car cela revient à favoriser
des achats d’opportunité plutôt que de véritables clients idèles.
Créer du lien avec le consommateur et le partage de valeurs
communes sont ici essentiels. Les possibilités de créer cedit
lien sont multiples notamment à travers les diférentes plate-
formes que l’on « consomme ». Les désormais classiques réseaux
DR

n° 2142 16 15/09/2022
sociaux ou les plateformes émergentes comme les diférents mé-
tavers sont autant d’opportunités.
Partons du principe que partout où il y a de l’audience il y a cette
opportunité de dialogue avec ses clients ou prospects.
Alors métavers, effet de mode ou plateformes durables ? Des
marques ont été précurseuses sur les plateformes sociales et en
ont tiré grandement parti, on se parle de marques et de « bu-
siness » qui se sont montés entièrement sur les plateformes so-
ciales et qui ont su capitaliser sur l’opportunité. On a tous en
tête des marques désormais grand public dans les secteurs de
l’horlogerie, des cosmétiques ou de la mode qui sont en fait so-
cial native. Pourquoi le métavers ne serait pas une opportunité
de dialogue (plus que de business) comme les réseaux sociaux ?
C’est l’adoption et les audiences qui s’ensuivront qui dicteront si
cela devient grand public ou pas et si cela représentera un « in-
dispensable » ou pas. De grandes marques de luxe y ont réali-
sé des déilés ou des évènements uniques comme des concerts.
De grandes enseignes y achètent des espaces qu’elles exploite-
ront plus tard. Cela crée aujourd’hui de l’excitation c’est sûr et un
certain engouement du côté des marques, nous verrons si cela
évolue vers une nouvelle forme d’espace grand public où juste-
ment marques et publics pourront se rencontrer. La proposition
de valeur sera sans doute expérientielle dans un premier temps
puis commerciale si le public est au rendez-vous.
CRÉER UN SUPPLÉMENT D’ÂME. Alors, qu’est ce qui fait qu’un
consommateur va favoriser une marque plutôt qu’une autre,
comment créer cette fameuse préférence de marque, comment
créer un supplément d’âme ? La « publicité » qui commence sou-
vent par l’approche créative doit aussi apprendre de la connais-
15/09/2022
sance clients pour aller vers une personnalisation et déclinai-
son des messages quasi systématique. L’ensemble des media est
aujourd’hui « adressable », il faut donc s’y adapter pour que le
contenu et le contenant soit en bonne adéquation.
Le secret pour le supplément d’âme n’est-il pas de partager les
valeurs qui sont au cœur de la marque et qui vont rencontrer
celles des consommateurs à un certain point ? Récemment
une marque alimentaire a mis en place une politique de prix
indexée sur le coût carbone de production de chaque produit,
plus le produit est coûteux en carbone plus le prix est élevé. Une
campagne globale a été orchestrée pour expliquer ce nouveau
concept et en même temps partager les préoccupations qui
sont au cœur de cette marque, cette entreprise. Sujet d’actuali-
té, greenwashing pourrait-on se dire ? ! De l’autre côté de l’Atlan-
tique, une marque de voiture tout-terrain aux moteurs musclés
avait compris que ses clients étaient avant tout des « barou-
deurs » qui aiment les sensations fortes et la vitesse, parfois au
détriment d’une consommation plus raisonnée. Ils ont mis en
place une campagne mettant en avant le côté sauvage et mus-
clé des véhicules à travers une course en pleine nature, en totale
opposition aux messages publicitaires que l’on peut voir sur le
secteur automobile actuellement et depuis un certain temps.
Il n’est pas question ici de juger ce parti pris mais d’apprécier
plutôt la connaissance client qui amène à une création qui a ce
« supplément d’âme » aux yeux de sa cible, avec in-ine l’objectif
de créer de la préférence de marque.
Il n’y a pas de recette miracle évidemment mais une chose est
sûre, les marques qui placent la connaissance clients au cœur
du contenu comme du contenant seront mieux armées pour
faire face à une possible « grande démission ». ■
17 n° 2142
STRATÉGIES SUMMIT / Tribune

LE SENS DE LA
TRANSFORMATION
COMMUNICATION EXTÉRIEURE Les valeurs collectives et sociétales prennent de l’ampleur
chez les Français, mais le passage à l’acte vers l’engagement semble en recul. Les marques et les entreprises
ont un rôle à jouer pour inciter leur audience à s’engager.
ISABELLE SCHLUMBERGER directrice générale commerce, marketing et développement France, Belgique, Luxembourg et Israël de JCDecaux

N
ous sommes entrés dans l’ère de toutes les atten-
tions. Attention portée à la planète, à son pouvoir
d’achat. La somme de toutes ces attentions peut
créer chez chacun une quête de sens. Tour à tour ci-
toyen, consommateur, collaborateur, nous sommes confrontés à
des choix parfois diiciles et nous cherchons irrémédiablement
à prendre les bonnes décisions face aux transformations socié-
tales, économiques et environnementales qui nous font face. Se-
lon l’étude Value and Values, les Français plébiscitent les valeurs
collectives autour du « care » – entre 2013 et 2022, la tolérance a
gagné 10 points et l’attention 7 points – tandis que les valeurs in-
dividualistes reculent (−20 points pour l’audace, −7 points pour
la singularité). Et pourtant « le faire », à savoir la prise d’engage-
ments, semble en léger recul : l’engagement en faveur de la soli-
darité perd 4 points, l’attention portée à l’impact sur la société et
l’environnement régresse de 8 points. Les Français ont bel et bien
des valeurs, ils sont conscients de devoir faire évoluer leur mode
de vie et de consommation. Mais face à de multiples arbitrages et
la recherche d’une raison d’être, le passage à l’acte ralentit.
CRÉER DES HISTOIRES FORTES. Alors, comment engager les
consommateurs ?
Chez JCDecaux, nous sommes convaincus que les entreprises
et les marques ont un rôle positif à jouer pour prendre part aux
Sur l’itinéraire de chacun, dans le quotidien de tous, la commu-
nication extérieure par JCDecaux connecte les marques à leur
audience. Notre média, au cœur des villes et dans le cœur des
gens, permet de créer des histoires fortes, qui touchent les pu-
blics parce qu’elles portent le bon message, au bon moment, au
bon endroit… Média du voir ensemble, proche, utile et durable,
JCDecaux a la conviction qu’il n’y aura pas de transition sans
communication. La publicité extérieure représente une force
d’impulsion extraordinaire, pour valoriser les actions respon-
sables des marques et inviter les consommateurs à agir. Les faits
sont là : les campagnes portant des messages RSE ont augmenté
de 26 % entre le premier trimestre 2021 et le premier trimestre
2022. Et cette tendance n’est pas près de s’essouler. Pourquoi ?
Parce que de plus en plus de marques agissent et veulent le faire
savoir. Parce que communiquer sur les valeurs a de la valeur.
Parce que nous nous engageons à promouvoir une communica-
tion responsable et accompagnons tous ceux qui œuvrent pour
la transition écologique, sociétale et environnementale.
Si le développement durable est solidement ancré dans la culture
de JCDecaux, notre entreprise ne tarit pas d’eforts et d’idées dis-
ruptives pour innover et améliorer continuellement des mobi-
liers et des services utiles aux citoyens, aux collectivités et aux
marques. Des convictions, des valeurs et des actes forts qui per-
durent pour contribuer à rendre les lieux de vie plus durables,
© JCDecaux

transformations, leur donner du sens et engager les consom- à la décarbonation de l’économie et à jouer un rôle positif dans
mateurs. notre écosystème en y créant une culture de responsabilité. ■

n° 2142 18 15/09/2022
 PLACE AUX
DÉBATS

LES TENDANCES
PUBLICITAIRES DE 2023
THEMATIQUES :
Les nouvelles tonalités
L’innovation formats
Les nouveaux territoires de conquête :
Les premières démonstrations

22 SEPTEMBRE 2022

EN PARTENARIAT AVEC
STRATÉGIES SUMMIT / Tribune
GAGNER LA BATAILLE
DE L’ATTENTION
AUX CÔTÉS DES MARQUES
TÉLÉVISION Dans une ère post-covid, où le consommateur est sursollicité par les messages publicitaires,
le média TV se distingue par sa capacité à fédérer et à se déployer en vidéo grâce aux outils numériques.
SYLVIA TASSAN TOFFOLA directrice générale de TF1 Pub
I
ncertitude, inlation, dérèglement climatique… dans tous les
sens du terme, l’été 2022 a été chaud et le constat est implacable
pour cette rentrée : le consommateur de l’ère post-covid, sou-
mis depuis plusieurs années à des injonctions contradictoires
entre « in de mois » et « in du monde », doit faire des choix, toujours
plus lourds de sens et de conséquences. Sursollicité par des mil-
liers de stimuli publicitaires chaque jour, sur un nombre croissant
de médias, de points de vente et de plateformes, le citoyen navigue
à vue et arbitre en permanence. Pour les marques, la bataille de l’en-
gagement est lancée pour capter et conserver l’attention, convaincre
et idéliser leurs clients en quête de réponses concrètes à leurs inter-
rogations. Dans ce nouveau monde en quête de durabilité, l’heure
est à une transformation des stratégies de communication vers da-
vantage de profondeur, de cohérence et de transparence, permises
par des formats publicitaires percutants, créatifs et ciblés, pour re-
conquérir le client désengagé.
NOUVEAU PARADIGME. Pour les groupes médias aussi, la muta-
tion est lancée pour passer d’une logique de monétisation de l’expo-
sition à une stratégie de monétisation de l’attention, et répondre à
une consommation médias de plus en plus liquide et complexe. En
développant un modèle hybride – entre linéaire et non linéaire – au
bénéice des téléspectateurs (notamment des publics jeunes), des
créateurs et des marques, nous pérennisons cette capacité unique
de la TV à fédérer, connecter, et créer des liens porteurs de sens. Ce
nouveau paradigme nous a permis de passer d’une ère de la « télé-
vision » à celle de la « vidéo », synonyme d’une plus grande luidité
et d’une créativité renouvelée.
En miroir sur le plan publicitaire, la télévision accélère vers un axe
« Total Vidéo », dans une dynamique d’innovation constante pour
n° 2142
 
proposer aux marques des messages toujours plus interactifs et per-
formants, ou plus personnalisés : la TV segmentée, qui a réussi son
lancement à grande échelle en 2022, le développement de leviers di-
gitaux comme le streaming, le programmatique ou encore la data
irst party, combinée à des partenariats structurants comme celui
de TF1 Pub avec Ininity Advertising. Média par excellence de la
« brandformance », la TV dispose de tous les atouts pour répondre
aux enjeux des marques, ancrer une relation plus forte et plus du-
rable avec les consommateurs, et mettre en lumière les engage-
ments des marques dans des formats écrins parfaitement « brand-
safe ». Cette sécurité oferte par les groupes audiovisuels constituera
un élément clé de diférenciation dans la nouvelle ère concurren-
tielle engagée face aux acteurs digitaux « pure-players ».
D’après notre étude Engagement menée au premier semestre 2022
en partenariat avec Ipsos, la note d’engagement du média TV est
en progression constante depuis le lancement de l’étude. Et nous
nous félicitons que TF1 se classe de nouveau comme la chaîne TV
la plus engageante, produit du travail éditorial de fond mené par le
Groupe pour investir dans les programmes les plus ambitieux, re-
connus et plébiscités du grand public en particulier le sport et les
ictions. Sur les cibles jeunes (16-34 ans), ce sont même 65 % des
programmes qui sont considérés comme engageants, soit 17 points
de plus que la moyenne : un signal très encourageant pour la re-
conquête de ces populations aux usages particulièrement écla-
tés. Désormais, c’est à nous d’aller vers le consommateur, d’aller
le chercher « partout », en nous démultipliant sur tous les terrains.
© Christophe Chevalin-TF1
Pour TF1 Pub, il s’agit de porter auprès de nos clients et partenaires
cette proposition intégrée éditoriale et publicitaire Total Vidéo, et
d’assumer notre responsabilité d’emmener le marché vers des pra-
tiques durables tout en créant de nouveaux standards. ■
20 15/09/2022
RENDEZ
VOUS LES NUMÉROS
2022 D’OCTOBRE

6 OCTOBRE 100% DIGITAL + DOSSIER RETAIL

N°2145
Parution 6 octobre / Bouclage 23 septembre
SURDIFFUSION : HUB FORUM

13 OCTOBRE ENGAGEMENT ET MARQUES UTILES

N°2146
Parution 13 octobre / Bouclage 30 septembre
SURDIFFUSION : GRAND PRIX STRATÉGIES DE L’EXPÉRIENCE CLIENT

20 OCTOBRE LES ATOUTS DU PAPIER

N°2147
Parution 20 octobre / Bouclage 7 octobre

27 OCTOBRE AUDIO
N°2148
Parution 27 octobre / Bouclage 14 octobre

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Contact commercial
Céline Reine - creine@strategies.fr - 06 07 89 11 73
BUSINESS / Marques
ALAIN AFFLELOU,
UN REGARD NOUVEAU
OPTIQUE Alain Afflelou lance avec BETC une nouvelle campagne, sans égérie, pour promouvoir la dimension innovante
de son offre Magic. Cette phase de communication coïncide avec l’arrivée d’Anthony Afflelou à la direction générale.
AMÉLIE MOYNOT

P
our un opticien, avoir
une image floue, ça
ne se fait pas. Alain
Alelou, l’une de ces
marques ayant réus-
si à écrire au fil du
temps une saga publicitaire, rode la
sienne depuis des décennies. Sortie
le 4 septembre en télévision, sa der-
nière campagne en date, consacrée
à son offre Magic (des clips qui s’at-
tachent aux montures et permettent
de changer notamment le style de ses
lunettes), entend continuer de creu-
ser le sillon de l’innovation. C’est du
moins ce qui était au cœur du brief
reçu par l’agence BETC, choisie sans
compétition pour ce projet, dans le
cadre d’une collaboration renouée
in 2021. « Magic est une innovation et Dans le film, des culent une certaine vitalité et jouent rues, les égéries Alice Taglioni, Sha-
l’esprit de la campagne reprend notre porteuses et porteurs sur une série de décalages, comme ron Stone ou le navigateur Philippe
ADN : une innovation utile, sur un ton de lunettes clipsées celui de remixer, en guise de fond so- Poupon. Place à des « anonymes »
enchaînent des
joyeux, moderne, contemporain, uni- séquences de danse nore, du Brahms et de l’électro hip- pour mieux incarner cette universa-
versel », dépeint Anthony Afflelou, dans une ambiance hop. L’agence a pour ce ilm fait appel lité revendiquée, la marque pouvant
nouveau directeur général du groupe colorée et esthétique. au réalisateur américain multiprimé habiller les yeux de tout le monde
fondé par son père, et dont il pilotait Dean Alexander ainsi qu’à 75 Produc- dans la famille, bien que l’opticien
jusqu’alors la direction générale mar- tion pour la production. « Le tournage ne détaille pas le profil-type de ses
keting et communication. a eu lieu au printemps dernier, il n’y a clients. « Les égéries, cela fonctionnait
pas eu de contraintes particulières, si mais l’important est le contenu, qui va
UNIVERSALITÉ. Dans ce film dé- ce n’est qu’il était “lourd” parce qu’il y déterminer les personnages », souligne
cliné en trois formats de dix à trente avait beaucoup de tableaux à shooter le directeur général. Pas une rupture
secondes, diffusé en TV, digital, af- avec beaucoup de monde », se remé- totale non plus puisque, selon les
fichage, presse et déployé dans plu- more Marielle Durandet, vice-prési- phases de communication, la marque
sieurs pays (France, Espagne, Bel- dente de BETC. En 2018, à la sortie du avait déjà pris ce parti de ne pas briller
gique, Suisse), des porteuses et produit, un ilm publicitaire consacré à travers des célébrités.
porteurs de lunettes clipsées et re- à Magic évoquait déjà l’idée de lexibi- Autre idée censée inscrire le spot dans
designées au gré de leurs envies en- lité en plongeant dans un univers co- son temps : « les consommateurs at-
chaînent des séquences de danse loré, festif et musical. tendent des marques qu’elles soient
dans une ambiance qui se veut co- La première particularité de cette utiles, qu’elles leur rendent service.
lorée et esthétique. Les images véhi- campagne a trait au casting. Dispa- Magic vient nourrir cette dimension en

n° 2142 22 15/09/2022
même temps qu’elle apporte une solu- de points de vente et en part de marché,
tion au problème du pouvoir d’achat », rappelle Élodie Bervily-Itasse, di-
argumente la dirigeante de BETC. En rectrice éditoriale des Echos Etudes,
parallèle, la campagne se veut aussi entité des Echos-Le Parisien dédiée
un outil d’aide à la vente pour les pro- entre autres à la production d’études
fessionnels. « Nos produits permettent de marché, qui avait in 2019 sorti une
d’apporter une réponse à notre réseau publication sur les nouveaux modèles
de franchisés. Nous ne sommes pas économiques de l’optique. Le groupe
complètement verticalisés, nous ven- s’appuie sur une stratégie de maillage
dons aussi d’autres marques que la dense du réseau de points de vente, qui
nôtre. L’idée de cette publicité était de se sont développés d’une façon régulière
donner un nouvel élan, d’appuyer sur depuis 1972, l’ouverture du premier
notre marque propre car c’est un atout magasin. Il a un positionnement inté-
pour les franchisés », développe An- CHIFFRES CLÉS ressant : il fait de l’optique mais aus-
thony Alelou.  si des aides auditives avec une vraie
725,3 image de spécialiste acousticien, pas
AUDITION À SUCCÈS. La seconde ca- MILLIONS D’EUROS seulement celle d’un opticien qui fait
ractéristique notable du dispositif est Chifre d’afaires 2021, de l’audio. » Début septembre, l’opti-
que, avec une première campagne dont 662,3 millions pour cien Atol annonçait d’ailleurs se lan-
sortie après le démarrage de la colla- l’optique et 63 millions cer à son tour sur le créneau, déjà in-
boration avec BETC, il inaugure une pour l’acoustique.   vesti également par d’autres acteurs
nouvelle ère en matière de commu- du marché, dont les plus gros.
nication pour le groupe, qui a chan- 5 000 « L’innovation perçue dans la com-
gé de directeur général juste avant Nombre de munication d’Afflelou reflète la poli-
l’été. Si Anthony Afflelou n’entend collaborateurs.   tique globale de l’entreprise en la ma-
pas révolutionner le business de l’en- tière, le fait de casser les codes, alors
treprise, il aura cependant fort à faire 780 que souvent, les lunettes sont promues
pour manœuvrer et mener à bon port Nombre de points comme un dispositif médical », pour-
le paquebot aux 5 000 salariés. « Avec de vente, dont 703 suit la spécialiste. Autant de succès
Optic 2000 et Krys, Alain Alelou est un en franchise et 77 en qui n’empêchent pas le groupe d’être
leader historique du secteur en nombre propre. chatouillé aux entournures par les
15/09/2022 23
nouveaux entrants sur le marché, qui
entendent eux aussi changer les codes
de la lunette, à l’instar de Jimmy Fairly,
DNVB [digital native vertical brand,
marque née sur internet] qui a le digi-
tal dans la peau, ou de Lunettes pour
tous, qui promet des produits à bas
coût. « Ces nouveaux entrants se posi-
tionnent avec une nouvelle promesse,
par exemple celle de faire des lunettes
des accessoires de mode. Reste que le
groupe s’adapte vite aux tendances de
son marché et sait faire à grande échelle
ce que font des petits acteurs à la leur »,
analyse Élodie Bervily-Itasse.
En matière de communication, le
groupe Afflelou a entamé plusieurs
chantiers. « Ils ont profité de la crise
pour accélérer la dimension digitale »,
note l’observatrice du marché. Autres
réalisations, ayant ouvert la prise de
rendez-vous en ligne ou l’essayage
virtuel de lunettes depuis chez soi, le
groupe proposait dès 2019 de tester
des lunettes en réalité augmentée sur
Snapchat. Et il a poursuivi dans cette
voie depuis. L’opticien affiche par
exemple 230 000 abonnés sur TikTok.
« Nous avons un enjeu autour du CRM
pour mieux idéliser les clients », com-
plète Anthony Alelou. ■
n° 2142
BUSINESS / Vie des budgets
LES TRANSFERTS
ADEO
Mission : social media
Nouvelle agence : OP1C

ATLAND
Mission : identité graphique
Nouvelle agence : Dragon Rouge

LE CENTRE NATIONAL
D’ÉTUDES SPATIALES
(CNES)
Mission : social media
Nouvelle agence : La Netscouade

MAY
Mission : publicité
Nouvelle agence : Steve

© iStock
NRJ MOBILE

Coinhouse se met Mission : communication

Nouvelle agence : Romance

à jour avec 4uatre

Agence sortante : Buzzman

ORPI
IDENTITÉ VISUELLE L’arrivée des NFT ou du métavers a amené Coinhouse Mission : communication
à revoir son identité visuelle, pour être en symbiose avec le Web3. Nouvelle agence : Score DDB
ELISA SAMOURCACHIAN
OTT HANDBALL TV

Ê
tre en accord avec les dernières
avancées technologiques, c’est
la volonté de la plateforme en
ligne Coinhouse. Depuis 2015,
cet acteur, qui propose aussi un espace
physique d’échange de cryptomonnaies,
connaît un développement fulgurant. En
un an, l’entreprise passe de 30 salariés à
120, et s’exporte en Italie, Allemagne, et
Belgique, alors que le Web3 explose au deu-
xième semestre 2021. « Je suis arrivé début
janvier 2022 chez Coinhouse. Avec la popu-
larisation des NFT, du métavers, et du Web3,
il était nécessaire de faire des ajustements »,
explique le nouveau directeur de marque
et de la communication, Johann Ouaki.
Le Web3 n’est plus réservé aux geeks et
la plateforme doit s’ouvrir. Quelques se-
maines plus tard, l’entreprise et l’agence
4uatre, qui ont collaboré sur des projets
Mission : identité visuelle
antérieurs, discutent de la refonte visuelle. Nouvelle agence : MorganView
« Il y avait un enjeu de positionnement et Communication
de stratégie », précise Matthieu Le Coz, di-
recteur de marque chez 4uatre. Côté créa-
STARBUCKS
tion, l’objectif était de « partir de l’identité
Mission : social media
originale, en retranscrivant ce même état
d’esprit, tout en épurant l’aspect technolo- Nouvelle agence : We Are Social
gique », dit Camille Vincent, directeur de
la création de l’agence. ST HUBERT
Malgré leurs précédentes collaborations, Mission : repositionnement de la
Johann Ouaki comme Matthieu Le Coz marque
confient « ne pas avoir été toujours d’ac- Nouvelle agence :
cord », mais que cela est « un point positif, Altmann+Pacreau
car on n’a pas hésité à se dire quand ça n’al-
lait pas, grâce à une confiance partagée ».
TISSÉO COLLECTIVITÉS
Même si l’univers de la crypto n’en est qu’à
Mission : conseil et achat d’espace
ses irréguliers balbutiements, Coinhouse a
fait le pari de miser sur une identité visuelle digital
durable, qui n’aura « pas besoin de lifting » Nouvelle agence : CoSpirit Media
dans les mois à venir.■ (reconduction)

n° 2142 24 15/09/2022
 BUSINESS / Conseil

Dékuple
s’engage avec
Brainsonic  
MARKETING Dékuple a annoncé prendre une participation
majoritaire au sein de l’agence Brainsonic. Ce rapprochement
permettra au groupe technologique de gagner en créativité
et de se renforcer sur la data.
EMMANUEL GAVARD

L
e groupe Dékuple, spécia-
lisé dans le data marketing,
a annoncé être en négocia-
tion exclusive ain de rentrer
au capital de l’agence Brainsonic pour
une prise de participation majoritaire.
Un an après une refonte de totale de
son identité, le groupe (ex-ADLPerfor-
mance) a enregistré une croissance de
son chifre d’afaires de 17,9% au pre-
mier semestre 2022. Une hausse por-
tée par les activités de marketing digi-
tal. « Elles représentent 50,8% du chifre
d’afaires consolidé contre 40,9% il y a
un an, et confirment leur forte crois-
sance avec des ventes en progression de
+46,3% portées par le dynamisme du
marché du data marketing », a indiqué
Bertrand Laurioz, le PDG du groupe
présent en France, en Espagne, au
Portugal et en Chine.
Dékuple a lancé cette année plé-
thore de nouveaux services: un dé-
partement d’ingénierie marketing
de 80 personnes dédiées à l’analyse
data cross-canal sur tout le parcours
de vente. Et deux nouvelles briques de
services sont venus l’agrémenter ce se-
mestre : « Dékuple Listen », pour l’ana-
lyse sémantique du web en amont, et
« Dékuple Watch », qui se base sur
l’observation et l’analyse du compor-
© Damien Grenon pour Stratégies
Bertrand Laurioz,
PDG de Dékuple, et
Guillaume Mikowski,
CEO de Brainsonic .
Tout ceci ofre au groupe un panel de
services technologiques pour les an-
CHIFFRES CLÉS nonceurs. Mais ne manque que la
partie davantage créative et produc-
164,3 MILLIONS tive des campagnes. C’est la raison
D’EUROS pour laquelle le groupe a jeté son dévo-
Chifre d’afaires 2021 lu sur l’agence Brainsonic (17 millions
de Dékuple. d’euros de chifre d’afaires estimé en
2022), sous la forme d’une prise de par-
900 ticipation majoritaire. L’agence indé-
Nombre pendante, qui emploie 120 personnes,
de collaborateurs a pour positionnement de développer
de Dékuple. des créations « engageantes» par dif-
férents leviers: digital, social media,
17 MILLIONS événementiel, publicitaire, corpo-
D’EUROS rate, éditorial... Selon nos informa-
Chifre d’afaires tions, Brainsonic est même en train de
de Brainsonic estimé travailler sur la création d’un pôle RP,
consommateurs et le grand public,
qui permettrait de répondre de ma-
nière exhaustive aux appels d’ofres
pour Dékuple. De son côté, Brainso-
nic, si elle possède bien un pôle de
performance, n’a pas le poids néces-
saire en termes d’analyse data – qui
fait la différence auprès des annon-
ceurs – pour monter sur les gros pit-
chs. La réunion des deux permettra
de s’attaquer à des budgets plus gros
et des campagnes plus stratégiques. 
Guillaume Mikowski, le fondateur de
Brainsonic, rejoindra l’équipe de ma-
nagement de Dékuple et poursuivra
le développement de Brainsonic dont
il restera président et actionnaire.
L’agence indépendante conserve

tement numérique des consomma- en 2022. depuis le recrutement de Leila Touiti.  ainsi un espace de liberté au sein du
teurs. Enin, Dékuple a lancé «Track in groupe. Tout ceci après la phase de
the shop», un outil de mesure des vi- 120 VERS DE GROS APPELS D’OFFRES. consultation et d’acceptation juri-
sites en magasin et sur les sites e-com- Nombre C’est donc cette vision davantage dique. Quoi qu’il en soit, les équipes
merce, pour mieux optimiser les cam- de collaborateurs créative et cette brique d’expression semblent accueillir la nouvelle avec
pagnes de drive-to-store.  de Brainsonic. des marques, en dialogue avec les le sourire. ■

15/09/2022 25 n° 2142
BUSINESS / Médias

Webedia étend ses réseaux

DIGITAL Webedia lance une
agence TikTok et prend une
participation au capital d’un
site spécialisé dans le sport. Sa
directrice générale, Michèle
Benzeno, livre à Stratégies
les détails de ces tournants
structurants.
AMÉLIE MOYNOT

S
eptembre, c’est la ren-
trée des classes pour les
écoliers et les collégiens,
fans des influenceurs Bi-
lal Hassani, Inoxtag, Domingo ou Fa-
tou Guinea, ou dans un autre style,
Jamy Gourmaud ou Michel Cymes.
Ça l’est aussi pour Webedia, le groupe
derrière ces inluenceurs qui compte
1 200 salariés en France, 2 300 dans
le monde, et entame la période avec
de nouvelles ambitions. « Nous sou-
haitons devenir un leader de la pro-
duction de contenus de divertissement
dans le monde et surtout le produc-
teur incontournable sur la cible des
jeunes », déclare Michèle Benzeno,
directrice générale.
Au départ spécialisée dans l’édition
digitale avec des sites comme Allo-
ciné ou Jeuxvideo.com, l’entreprise
s’est réorientée vers l’influence en
2017. Mais voilà que début 2022, à
l’approche de son quinzième anni-
versaire (qui sera fêté en in d’année),
elle a encore fait évoluer son posi-
tionnement. Elle souhaite désormais
se déployer sur un marché en pleine
évolution marqué par la démultipli-
cation des plateformes, l’augmenta-
tion du nombre de créateurs et de thé-
matiques traitées ainsi qu’une forte
demande en matière de contenus.
Symboliquement, une nouvelle iden-
tité visuelle conçue en interne a d’ail-
leurs matérialisé ce changement, au
mois de mai. « Nous allons, pour réus-
sir, nous appuyer sur une économie de
formats », poursuit la dirigeante, bien
décidée à suivre le cap malgré des ru-
Webedia vient de meurs, depuis février, portant sur une
resigner en septembre cession de Webedia par son action-
avec l’influenceur naire Fimalac. « Nous avons décidé
Inoxtag.
d’ouvrir notre capital pour accompa-
gner notre développement à l’interna-
tional », ajoute Michèle Benzeno, qui
assure que c’est en cours mais que rien
ne bougera dans un horizon proche.
CHIFFRES CLÉS
RENARD VIRTUEL. Fort du constat
1 200 SALARIÉS que la vidéo et les plus courts for-
Efectif de Webedia mats cartonnent, le groupe Webedia
France. lance en France une agence TikTok.
Entre ses marques médias et ses in-
20 luenceurs exclusifs, il comptabilise
Nombre de marques plus de 59 millions d’abonnés, avec
médias digitales de par exemple Tuvok (12,7 millions de
Webedia France. followers), Ophenya (3,6 millions) ou
Arvi le renard, un inluenceur virtuel
28 MILLIONS (2,4 millions). Inspirée d’une ofre si-
Nombre de visiteurs milaire existant déjà dans le groupe
uniques chaque mois. en Pologne, cette nouveauté se veut
en premier lieu une réponse aux évo-
40 % lutions du modèle de l’influence, de
Part de la France dans le moins en moins fondé sur l’exclusivité
chifre d’afaires global – en témoigne le récent départ de Mi-
de Webedia, les 60 % chou, poids lourd de YouTube, oicia-
restants étant réalisés à lisé dans une vidéo début septembre
l’international. et rappelant la voie suivie par Mcfly
et Carlito ou Squeezie avant lui. Car
de plus en plus, ce sont les services à
l’intention des créateurs qui se déve-
loppent : l’organisation d’événements,
la formation ou encore la monétisa-
tion de leurs pages sociales…
Baptisée Noisy Room, cette agence
proposera aux marques du conseil,
du sourcing d’inluenceurs, de l’acti-
vation, de la gestion de projets ou de
l’amplification. Pour porter le pro-
jet, une quinzaine de personnes sont
mobilisées. Deux concepteurs-rédac-
teurs ont, entre autres proils, été re-
crutés. Sur TikTok, « notre ambition
pour 2023 est de doubler le revenu et
le portefeuille de créateurs exclusifs »,
complète Michèle Benzeno. Le groupe
en conserve 200 toutes plateformes
confondues – dont 60 sur TikTok –,
parmi lesquels Inoxtag, l’acolyte du
partant Michou, avec qui Webedia
vient de resigner en septembre.
MONTÉE EN PUISSANCE AUTOUR
DU SPORT. Autre tournant straté-
gique, Webedia entend monter en
puissance sur les contenus dédiés au
sport avant la Coupe du monde de

n° 2142 26 15/09/2022

Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia.
football au Qatar en novembre-dé-
cembre, la Coupe du monde de rug-
by en 2023 et les JO de Paris en 2024.
Il a ainsi pris une participation au ca-
pital du 10 Sport, site spécialisé créé
par Michel Moulin, homme d’afaires
et ancien conseiller sportif du PSG
– qui s’est d’ailleurs lancé en 2008 avec
Alain Weill, sous la forme d’un quoti-
dien sportif.
S’il pouvait déjà, entre autres, réaliser
des activations dans cet univers pour
les marques, l’opération lui permet de
compléter ses actifs sur la verticale.
Pour le site, dont l’équipe éditoriale
d’une dizaine de personnes a rejoint
ses locaux, Webedia ne manque pas
d’ambitions, à commencer par celle
de développer des formats originaux.
« Je souhaiterais que l’on en fasse un dé-
monstrateur de la convergence du pu-
blishing et de l’inluence », explique la
directrice générale. Autrement dit, un
inluenceur maison pourrait devenir
le visage de ce site qui est désormais
ouvert à la monétisation vidéo et pro-
grammatique et devrait connaître
une refonte technique d’ici à la in de
15/09/2022
l’année. Éditorialement, s’il est au-
jourd’hui essentiellement axé sur le
football, il sera progressivement ou-
vert à d’autres sports. L’objectif est
d’ailleurs de renforcer l’équipe.
DES PROJETS DANS LE WEB3. Sou-
haitant grandir sur les formats, Webe-
dia a aussi des projets dans le Web3.
Auteur dès mars d’une étude sur les
utilisateurs du métavers, le groupe a
constitué voilà six mois un groupe de
travail transversal rassemblant des
profils tech, des développeurs, des
personnes chargés de la gestion de
créateurs… Autant de premiers pas
vers de nouveaux développements
sur le sujet. « Nous travaillons à la fois
sur la façon dont nos médias vont se
déplacer dans les univers décentrali-
sés et sur la manière d’accompagner
les marques sur des activations et de la
stratégie », détaille Michèle Benzeno,
qui entend, pour réussir, faire appel à
des partenaires technologiques spé-
cialisés. Sa régie accepte d’ores et déjà
les paiements en cryptomonnaie, en
s’appuyant sur la société Coinhouse.■
27
PRESSE
Laurence
Ferrari,
présentatrice de
Punchline sur CNews
et Europe 1, remplace
Bruno Jeudy à la
rédaction en chef
politique de Paris
Match, comme
© CNews
Stratégies l’a révélé.
Cette ex-star du JT de TF1 a un profil « Bolloré
compatible » contrairement à son prédécesseur
débarqué en août, officiellement d’un commun
accord, officieusement en raison de ses
« critiques » répétées contre « l’ingérence » de la
direction de Lagardère dans les choix éditoriaux.
Également chroniqueur à BFMTV, Bruno Jeudy
avait dénoncé l’absence de une consacrée à
Macron après sa réélection et la couverture
dédiée au cardinal conservateur Robert Sarah.
Présent, le quotidien d’extrême droite, a
été placé en liquidation judiciaire, le 4 août. Le
cogérant de la SARL, Francis Bergeron a promis
le lancement d’un Nouveau Présent Hebdo, fidèle
à la ligne éditoriale du quotidien « catholique,
identitaire et social ».
RÉGIES
Bauer Media Régie, Bayard Media
Développement, GMC Media et Uni-
Médias lancent Impact for Good, une offre print
et bimédia destinée aux annonceurs du secteur
alimentation et boissons. On y retrouve Maxi,
Notre Temps, Avantages et Santé Magazine avec
un point d’entrée unique et la capacité de toucher
jusqu’à 10,5 millions de lecteurs et internautes.
AUDIOVISUEL
Jérôme Seydoux, le patron de Pathé, a
annoncé aux Echos sa volonté de s’introduire
en Bourse en 2024 et d’investir dans ses salles
de cinéma. De son côté, la deuxième chaîne de
cinémas mondiale Cineworld a annoncé déposer
le bilan aux États-Unis afin de restructurer son
passif.
Public Sénat propose des nouveautés en
2022-2023 : Au Bonheur des livres, émission
littéraire par Denis Olivennes, le vendredi à 23 h,
Et Maintenant, sur l’actualité politique, par Steve
Jourdin le samedi à 19 h, ou Libres échanges, des
entretiens de David Jacquot avec des décideurs
économiques, à partir du 21 octobre.
n° 2142
BUSINESS / Médias

TF1-Canal+ : les dessous d’un litige

TÉLÉVISION La bataille judiciaire
entre les groupes TF1 et Canal + est
révélatrice d’un paysage en
recomposition où un éditeur et un
distributeur cherchent à peser de
tout leur poids.
AMAURY DE ROCHEGONDE

P
our ceux qui ont déjà vécu
2018, le bras de fer entre
TF1 et Canal + a un air
de déjà-vu. Comme il y a
quatre ans, un diférend commercial
intervient dans le cadre d’un renou-
vellement de contrat de distribution
et aboutit, le 31 août, à la suspension
du signal de TF1, TMC, TFX, TF1 Sé-
ries Films et LCI sur MyCanal. Un pa-
rallélisme qui fait dire à Philippe Bail-

ly, président de NPA Conseil, que « les
mêmes causes produisent les mêmes ef-
fets », la loi Bachelot sur l’audiovisuel
de 2021, n’ayant pas résolu ce type
de conflits. En dix jours, selon NPA
Conseil, la Une aurait perdu 10 % de
son audience 4 ans et plus et 5 % sur la
ménagère. À TF1, on parle d’un impact
de 10 à 12 % sur l’audience globale.
PRESSION DE LA MINISTRE. Le
groupe, qui a assigné Canal en réfé-
ré le 13 septembre, insiste cependant
pour faire le distinguo entre la distri-
bution commerciale des chaînes, qui
sont libres de monnayer leur présence
auprès de distributeurs de même que
les opérateurs sont libres de les difu-
ser, et l’action de transporter gratui-
tement des chaînes de la TNT pour
des gens qui ne peuvent la recevoir
que par satellite, comme l’avait sou-
ligné le CSA en 2019. C’est donc bien
sur le fait d’empêcher la réception
des chaînes de TF1 auprès de foyers
en zones blanches via l’ofre TNTSat
que porte l’assignation et non sur le
contrat commercial : « On ne facture
pas les relais sur la TNT gratuite », in-
siste-t-on. La ministre de la Culture
Rima Abdul Malak est allée dans ce
sens en demandant de rétablir la dif-
fusion des chaînes de TF1 sur TNT
Sat. Et David Lisnard, président de
l’Association des maires de France, a
saisi l’Arcom à ce propos.
Du son côté, Canal + attaque TF1 de-
vant le tribunal de commerce de
Nanterre pour « abus de position do-
minante » et « pratiques discrimi-
natoires », contestant les termes du
contrat. Le groupe pointe une de-
mande exorbitante de TF1 avec « une
augmentation de 50 % », ce qui l’a obli-
gé à couper le signal sous peine d’être
accusé de « contrefaçon ». Un chifre
que conteste TF1. La facture pourrait
en réalité passer de 10 à 12 millions
d’euros, selon des indiscrétions.
Comme le note Pascal Lecheval-
lier, expert médias, les éditeurs de
chaînes sont afectés depuis des an-
nées de voir les distributeurs s’enri-
chir en vendant des abonnements.
Et ils considèrent que la valeur mar-
chande de leur offre éditoriale s’est
renforcée avec la HD, la 4K et le re-
© Christophe Chevalin/TF1
Gilles Pelisson,
PDG de TF1, contre
Maxime Saada, PDG
de Canal + :  un conlit
« perdant-perdant » ?
© Sylvie Lancrenon/Canal+
play ou parfois, comme BFM Régions
face à Orange, par le développement
de leurs chaînes. « Les telcos ont une
valorisation bien plus intéressante en
ajoutant des contenus », explique-t-il.
L’ARCOM IMPUISSANTE. Pour Phi-
lippe Bailly, le bras de fer entre Canal +
et TF1 est donc un jeu « perdant-per-
dant » car un distributeur « n’a jamais
intérêt à apparaître en rupture de stock
d’un produit », les abonnés pouvant
aller le rechercher ailleurs sur inter-
net, et un éditeur pâtit nécessaire-
ment d’être amputé d’une partie de sa
distribution. Pour lui, Canal semble
avoir voulu peser sur l’instruction du
dossier TF1-M6 en montrant qu’un
acteur tout-puissant pouvait durcir
ses conditions. Quant à l’Arcom, son
président Roch-Olivier Maistre se dit
soucieux le 12 septembre de trouver
une issue rapide au litige. Tout en rap-
pelant que la loi n’ofre pas au régula-
teur de « levier juridique » pour remé-
dier à cette situation. ■

n° 2142 28 15/09/2022
BUSINESS / Médias

Départs en série à Prisma Media

PRESSE Déjà 110 salariés ont choisi de quitter le groupe Prisma Media depuis le rachat de l’entreprise par
Vincent Bolloré, le 1er juin 2021.
CAROLINE BONACOSSA

L
a vie dans les locaux noir
mat de Gennevilliers a l’air
paisible. Mais l’humeur est
maussade. Depuis le 1er juin
2021, date du rachat de Prisma Me-
dia par le groupe Vivendi, propriété de
Vincent Bolloré, une clause de cession
est ouverte jusqu’au 31 octobre 2022
pour les journalistes. La direction a re-
fusé les bonus supplémentaires. Elle se
limite aux normes en vigueur : un mois
d’indemnité par année d’ancienneté.
Pour les salariés qui ont plus de 15 ans
de maison, c’est une commission ar-
bitrale qui s’impose, comme c’est tou-
jours le cas. « Aujourd’hui, ce sont plus
de 110 journalistes en CDI sur un total
de 480 qui ont choisi de partir et une
trentaine de pigistes. Ce sont à 75 % des
journalistes écrivant et à 25 % des secré-
© Martin Bureau/AFP

taires de rédaction, maquettistes ou ico-

nographes », assure Emmanuel Vire,
délégué syndical SNJ-CGT chez Pris-
ma Media. La direction n’a pas souhai-
té commenter ces chifres. Elle réserve
sa parole pour le bilan inal. « Lorsque
la clause a été ouverte, j’avais prévenu
la direction qu’il y aurait près de 150 dé-
parts. Et ce chifre va sûrement être at-
teint car certains salariés attendent le
dernier mois pour se déclarer. La direc-
tion pensait que les départs avoisine-
raient les 50 à 60. Je pressentais cette hé-
morragie », assure le délégué syndical.
« CLAUSE D’AUBAINE ». Pourquoi au-
tant de salariés dans un groupe qui en
comptait 1 200 à l’arrivée de sa nou-
velle PDG Claire Léost, il y a un an ? La
première raison est sans doute que la
clause de cession est l’occasion (rare)
d’avoir un pécule, au moins pour des
salariés ayant de l’ancienneté. Depuis
sa création en 1979, Prisma Media
n’avait jamais changé d’actionnaire et
n’avait connu qu‘un seul plan de dé-
Depuis le rachat de part, en 2008, visant une quarantaine
Prisma Media par de personnes, informaticiens et sala-
Vivendi, une clause riés de la régie. Pour les journalistes
de cession pour les
journalistes est ouverte qui avoisinent l’âge de la retraite, ce
jusqu’au 31 octobre 2022. plan est, selon les dires de la direction,
« une clause d’aubaine ».
Le covid a aussi donné envie à cer-
tains de changer de vie. Enin, ceux qui
restent notent un surcroît de travail,
qui incite les hésitants à partir. « La di-
rection parle de 50 % de postes rempla-
cés mais on est plutôt autour de 25 % »,
note Emmanuel Vire. En revanche, la
personnalité de Vincent Bolloré et son
inflexion possible sur les lignes édi-
toriales ne semblent pas redoutées
comme à Europe 1 ou à CNews. Seuls
certains salariés de la presse télé (Télé
Loisirs, Télé 2 semaines, Télé Grandes
Chaînes) ont noté une attention accrue
demandée autour des activités d’Uni-
versal en 2021 et craignent que les pro-
grammes de Canal+ ne deviennent
trop incontournables. Mais le maga-
zine Capital, déjà attaqué par Viven-
di en justice, redoute une reprise en
main. Il accuse d’ailleurs un nombre
de départs important. Une charte
déontologique a été demandée à la di-
rection. Mais Claire Léost n’a pas accé-
dé à cette demande, se portant garante
de l’indépendance du titre. Restent
trois inconnus. Les cadres et des em-
ployés bénéficieront-ils aussi d’un
plan de départ ? Un plan de départ
global sera-t-il ouvert pour réorgani-
ser l’entreprise, qui devrait rester ina-
lement dans les locaux qu’elle loue à
Gennevilliers ? Y accueillera-t-elle Pa-
ris Match et Le Journal du Dimanche,
désormais dans le giron via Lagardère
News de Vincent Bolloré ? ■

15/09/2022 29 n° 2142
BUSINESS / Culture tech

Dark stores : retour sur

une polémique
LÉGISLATION Les dark stores,
points de ravitaillement des
marques de « quick commerce »,
seront désormais juridiquement
des entrepôts. L’aboutissement de
près d’un an d’âpres discussions.
EMMANUEL GAVARD

T
out le monde aura fini
par s’entendre. Les « dark
stores » ont enin leur sta-
tut juridique. Dans une ba-
taille sans merci de parts de marché,
les Getir, Flink, Gorillas et consorts,
spécialistes de la livraison de courses
rapide, ont ouvert bon train des points
de ravitaillement, là où ils le dési-

Tudal Legrand/Hans Lucas

raient, se considérant chacun comme
des magasins. Dès décembre 2021,
Emmanuel Grégoire, adjoint au maire
de Paris, s’inquiète de la prolifération
de ces commerces hybrides, dans une
tribune publiée dans Le JDD.
« Pour nous, depuis le début, ces dark
stores sont des entrepôts logistiques,
pas des magasins. Ils doivent donc
respecter le plan local d’urbanisme et
ainsi demander aux mairies une au-
torisation avant de s’installer », in-
dique-t-on à la Mairie de Paris. Ce
qu’ils n’ont jamais fait. Les riverains
protestent, témoins des ballets de li-
vreurs. Et surtout, ce marché symbo-
lise la course au tout-rapide, mal vue
de certains électeurs. Mais les start-
up airment posséder un point de re-
trait pour les clients, ce qui les amène
à se considérer comme des com-
merces. « Ces dark stores, avec pignon
sur rue, prennent parfois de la sur-
face commerciale pour des petits com-
merces, des coifeurs, des artisans… »,
déplore la Mairie de Paris.
Au fil des mois, la discussion enfle,
avec près de 100 dark stores dans
Paris intramuros dès janvier 2022.
« C’était le cœur des débats lors des As-
sises du commerce. Il fallait faire évo-
luer la loi. On ne peut pas interdire ou
autoriser ce qu’elle ne nomme pas »,
indique-t-on au gouvernement. À
sa charge donc, après concertation,
de proposer un texte, permettant
ensuite aux maires de pouvoir dé-
cider. Mais en pleine année électo-
rale, entre la présidentielle et les lé-
gislatives, il y a des ratés, soit dans le
planning, soit dans le suivi des dos-
siers. Untel n’est pas venu à une ré-
union de concertation, untel a pris
une décision sans demander l’avis
des autres…
45 HORS-LA-LOI. Mi-août, alors
que le gouvernement fait une propo-
sition de texte pour avancer, la polé-
mique explose. La Mairie de Paris dit
voir dans ce décret une autorisation
de fait et sans concertation – au cœur
de l’été – des dark stores. « Ce qui n’a
jamais été notre intention, se défend
le gouvernement. Nous avons tou-
jours eu à cœur que les maires aient le Les spécialistes de la
dernier mot. Nous ne voulions pas lé- livraison de courses
galiser, mais nommer. Pour que cha- rapide ont ouvert un
bon nombre de points
cun puisse ensuite décider des zones de ravitaillement, se
pour ses administrés. » Récupération considérant chacun
ou non, mauvais timing ou non, une comme des magasins.
grande réunion a eu lieu le 6 sep-
tembre, permettant à tout le monde
de se mettre d’accord : les dark stores
seront des entrepôts comme les
autres. « Nous pouvions créer un sta-
tut intermédiaire, mais cela aurait ou-
vert la boîte de Pandore à la complexi-
ication du code de l’urbanisme, déjà
bien épais avec 21 destinations [sta-
tuts diférents] », se réjouit-on au gou-
vernement. Résultat : à Paris, selon les
chifres de mars 2022, 45 dark stores
sont désormais hors-la-loi. Consi-
dérés comme des entrepôts, ils ne
peuvent plus rester où ils se trouvent
et devront soit déménager, soit fer-
mer. Voilà qui ne va pas aider un sec-
teur déjà en diiculté, peinant à trou-
ver son modèle. ■

n° 2142 30 15/09/2022

Licornes vs centaures
START-UP De nouvelles créatures font leur apparition dans la mythologie
de l’écosystème technologique : les centaures, ces jeunes pousses dont
le revenu annuel est supérieur à 100 millions d’euros.
CÉCILIA DI QUINZIO
A
vec plus de 130 millions de
dollars de revenus et valo-
risée à plus d’un milliard de
dollars, Aircall, la licorne
devenue centaure, airme son statut de pré-
curseur de la téléphonie saas » (août 2022),
« S’il annonce l’acquisition de trois entreprises
et devient le premier centaure tricolore du
SIRH » (septembre 2022). Depuis quelques
mois, un nouveau mot a surgi dans les com-
muniqués de presse : « centaure ». Nous
connaissions déjà bien les « licornes », ces
entreprises atteignant une valorisation d’au
moins un milliard de dollars, notamment
parce que l’année 2021-2022 a été exception-
nelle en levées de fonds colossales.
Dans la mythologie grecque, un centaure est
une créature mi-homme, mi-cheval. Dans
l’univers technologique actuel, le terme
centaure désigne une start-up dont le re-
venu récurrent annuel (ARR) est supérieur
à 100 millions d’euros. Il s’agit d’un nouvel
indicateur qui, au-delà des levées de fonds,
permet d’apprécier l’activité des start-up
davantage que leur valorisation, en particu-
lier pour les spécialistes de la tech qui fonc-
tionne en saas et par abonnement.
Cette dénomination, nous la devons à Bes-
semer Venture Partners (BVP). Dans son
15/09/2022
© iStock
dernier rapport annuel sur le cloud, le fonds
d’investissement a en effet présenté cette
nouvelle manière d’estimer la valeur d’une
start-up, non plus en fonction des fonds le-
vés mais plutôt en termes de génération de
revenus. « La valorisation a toujours été la
mesure principale du succès d’une start-up.
Mais le déferlement de licornes est devenu
ces dernières années incontrôlable », indique
BVP dans l’étude.
UNE MÉTRIQUE PLUS RATIONNELLE. En
2013, quand Aileen Lee, spécialiste améri-
caine du capital-risque, a inventé le terme
licorne, il ne désignait encore qu’un groupe
très restreint d’entreprises dont les reve-
nus significatifs laissaient une empreinte
indéniable sur l’économie mondiale. Au-
jourd’hui, ce n’est plus tout à fait le cas. De
2020 à 2021, le nombre de licornes a connu
une augmentation de 120 % et il y a au-
jourd’hui plus de 1 000 licornes dans le
monde, dont beaucoup ont moins d’un mil-
lion de dollars de revenus… Ainsi, la nouvelle
étape à atteindre – le statut de centaure – cor-
respond à une métrique plus rationnelle,
« une étape ancrée dans les preuves, et osons-
nous dire une étape basée sur… les revenus ? »,
comme l’entrevoit BVP dans son rapport. ■
31
SILAE DEVIENT
UN CENTAURE
Le spécialiste de la gestion de la
paie Silae a annoncé dépasser les
100 millions de revenus récurrents
annuels (ARR). Cet indicateur, au-delà
des levées de fonds, permet d’apprécier
l’activité des start-up davantage que
leur valorisation, notamment pour les
spécialistes de la tech qui fonctionnent
en saas et par abonnement. Au-delà
de 100 millions, on parle alors de
« centaure » (lire ci-contre). La start-up
française, spécialisée dans la gestion
RH, a été rachetée en juillet 2020
par le fonds Silver Lake. Cette forte
progression fait suite à trois rachats qui
ont eu lieu ces derniers mois pour une
valeur de 70 millions de dollars : Jenji,
start-up de gestion des notes de frais,
isiRH, et DSN Plus.
ZENLY, C’EST FINI
En 2017, Snapchat faisait l’acquisition
de Zenly, application permettant de
géolocaliser ses proches de manière
instantanée. Fondée en 2011 par Alexis
Bonillo et Antoine Martin, cette pépite
française avait tapé dans l’œil du
géant américain. Fin août 2022, Snap
annonçait la suppression d’environ
20 % de ses effectifs. C’est finalement la
fermeture totale de la société Zenly qui
vient d’être annoncée.
INSTAGRAM ET LE SHOPPING,
BIENTÔT LE DIVORCE
Selon un mail interne révélé par The
Information, c’est au tour d’Instagram
de mettre sur pause ses fonctionnalités
liées au commerce. La page Shopping
existante sur la plateforme pourrait
tout simplement disparaître. Rappelons
qu’Instagram a clôturé son programme
d’affiliation en août 2022.
n° 2142
INSPIRATIONS / Making of
BEIGBEDER SE LA JOUE
CHEZ MOMA GROUP
ÉVÉNEMENTIEL Pour marquer ses dix ans, Moma Group, acteur de l’hospitalité et de la
restauration, a fait appel à Frédéric Beigbeder pour réaliser un film drôle et décalé, entièrement
émancipé des codes de la communication corporate.
AMÉLIE MOYNOT
O
c t a v e Pa r a n g o
ferait-il son co-
me-back ? Peut-
être. Le héros em-
blém at ique de
99 Francs de Fré-
déric Beigbeder est, en tout cas, le hé-
ros d’un ilm atypique, décalé et très
drôle que Moma Group, détenteur
de restaurants et lieux d’événements
(1200 collaborateurs et 130 millions
d’euros de chifre d’afaires), a dévoilé
le 5 septembre dernier au cours d’une
soirée pour marquer ses dix ans. Un
opus qui n’a rien en commun avec les
ilms anniversaire que les entreprises
conçoivent traditionnellement pour
célébrer leur passage des années,
plutôt centrés sur leur activité, leurs
réalisations, leur vision. À rebours de
ce format, c’est un court-métrage de
iction à dimension artistique et in-
carné par des acteurs de cinéma qui
est imaginé.
DANDY NOSTALGIQUE. « Je vou-
lais faire un court-métrage avec un
angle, un parti pris, du fond et non un
film publicitaire, un portfolio de nos
différentes marques. Je voulais faire
quelque chose d’émouvant, autour de
ce qu’on considère comme étant notre
mission : faire vivre Paris, faire en sorte
qu’elle reste une fête, être un acteur de
son rayonnement », explique Benja-
min Patou, à la tête de cet empire de
la nuit parisienne, comptant dans
son portefeuille d’établissements
des lieux et des restaurants comme
n° 2142
le Noto, le Manko, L’Arc, Mimosa ou
Casa Amor. Trente-cinq au total, prin-
cipalement situés dans la capitale et
dans des lieux de villégiature comme
Saint-Tropez.
Ami proche du patron et de l’entre-
prise, Frédéric Beigbeder est sollici-
té pour plancher sur l’écriture du scé-
nario et la mise en scène. « Avec son
double littéraire Octave Parango, il
symbolise le décalage, l’érudition, le
brin de folie, le talent, le génie, incarne
le dandy germanopratin », conie Ben-
jamin Patou. Le résultat est à la hau-
teur de cette promesse. Le film voit
Octave Parango (Frédéric Beigbeder,
qui joue aussi dans le film qu’il réa-
lise) se rendre à un rendez-vous avec
« une amie » plus jeune que lui (Ro-
mane Colonna) au prestigieux restau-
rant Lapérouse, l’une des adresses du
groupe. Une fois assis à l’étage, qu’il a
réservé tout entier pour elle, il amène
la conversation, idèle à sa réputation
de fêtard noctambule, sur le thème de
« la fête à Paris, c’était mieux avant »
avant de se faire planter là par la jeune
dame qui, elle, sait bien que la nuit à
Paris vaut encore aujourd’hui le coup,
depuis dix ans.
Font également une apparition : Éric
Judor à l’accueil du restaurant, An-
toine Duléry en serveur et Benjamin
Patou lui-même, en pianiste. « Frédé-
ric Beigbeder, c’est la grande époque
de la fête à Paris, Castel, Régine... C’est
l’un des grands ambassadeurs de la
fête dans la capitale. Nous trouvions
drôle qu’il en parle avec un côté nos-
32
talgique. C’est un contrepied que l’on
trouvait intéressant », explique Frédé-
ric Joly, directeur général de 909 Pro-
ductions (Mediawan), qui a produit
le ilm.
Le tournage a eu lieu le 1er juillet au
Lapérouse, donc. Emblématique pour
le groupe, ce lieu présentait aussi l’in-
térêt, pour le scénario, d’ofrir un dé-
cor « historique, poudré, feutré : le ilm
n’aurait pas fonctionné dans un décor
contemporain », détaille Frédéric Joly,
mobilisé sur place avec quinze à vingt
« Je voulais personnes, dont le directeur photo
Pierre Baboin, pour mener à bien le
quelque chose projet. Première contrainte : si le res-
d’émouvant, taurant était fermé la journée – pas de
gêne pour les collaborateurs puisque
autour de ce les lieux étaient vides –, il fallait im-
pérativement avoir libéré l’espace
qu’on considère pour la mise en place du soir. Un ti-
comme étant ming indépassable, sans compter que
dans le cadre de la production d’une
notre mission : iction courte, en un temps réduit, le
moindre pas de côté peut bousculer
faire vivre Paris, le planning.
faire en sorte
IMPROS ET IMPRÉVUS. Si les prises
qu’elle reste de vue ont été « efficaces », à raison
de trois à cinq selon les scènes, en
une fête, être un moyenne, les imprévus n’ont pas
acteur de son manqué. Frédéric Joly se souvient
de ces improvisations entre Frédéric
rayonnement. » Beigbeder et Éric Judor : « Un duo ex-
Benjamin Patou, ceptionnel. À chaque prise – il y en a eu
président de Moma trois ou quatre –, ils changeaient le dia-
Group. logue, ils partaient dans des pistes dif-
férentes, la scène inale aurait pu du-
rer un quart d’heure », se souvient-il,
racontant l’équipe, conquise, der-
rière la caméra. Et quand au cours de
l’après-midi on apprend que Nico-
las Bedos, retenu initialement pour
le rôle du pianiste mais bloqué sur
le tournage de sa série, ne viendrait
15/06/2022

pas, la nouvelle fait couler des sueurs
froides aux organisateurs du tour-
nage. « La lumière était calée, les ca-
méras étaient en place, tout était prêt
pour tourner la séquence… » Il fallait
trouver une solution parmi les gens
présents : c’est Benjamin Patou lui-
même, pianiste, qui s’y colle finale-
ment. Ni vu ni connu, pour le résultat
inal. « Le ton humoristique s’est sans
doute renforcé au moment du tour-
nage, j’ai senti que Frédéric Beigbeder
s’appropriait encore plus son propre
scénario. Au montage, on a accen-
15/06/2022
tué ce ton décalé, avec ce type seul au
resto… », avance encore le producteur,
par ailleurs ancien présentateur d’Ex-
clusif sur TF1.
Frédéric Beigbeder
interprète Octave LIVE INSTAGRAM. Les images tour-
Parango aux côtés nées ce jour-là ont également permis
de Romane Colonna
et Éric Judor. de nourrir un trailer, diffusé sur les
réseaux sociaux en amont de la révé-
lation du 5 septembre. Car si Moma
Group souhaitait « tout sauf un film
corporate », la logique a été poussée
jusque dans la communication au-
tour du ilm, en adoptant les codes en
vigueur pour une sortie de long-mé-
trage au cinéma. À savoir, une sorte
de bande-annonce, donc, mais aussi,
le jour J, un live Instagram où Laurie
33
Cholewa, l’une des igures des César
sur Canal+, faisait réagir les invités
présents à la soirée, y compris sur le
film. Si le dispositif est ambitieux,
c’est que les intentions du groupe,
pour la prochaine décennie, le sont
tout autant. Moma Group, dont Pa-
trick Bruel et Éric Sitruk sont récem-
ment devenus actionnaires, souhaite
déployer ses restaurants phares en
propre ou en franchise et s’étendre à
l’international, notamment aux États-
Unis, au Moyen-Orient et dans les
principales capitales européennes.
Ayant surmonté la crise du covid,
il vise 40 nouvelles ouvertures en
France et au-delà des frontières d’ici
à cinq ans. ■
n° 2142
INSPIRATIONS / Carte blanche
« La culture populaire
a renouvelé Marseille »
LOUIS BONICHON ET PERRINE LIZÉ Inséparables dans
le monde professionnel depuis quinze ans, les cofondateurs
et codirigeants de l’agence digitale MNSTR ont voulu partager
leurs inspirations ensemble.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-CAROLINE ROYET
LE SOLARPUNK
« Depuis quelques années,
le courant Solarpunk nous
inspire. Il s’agit d’un courant
culturel apparu en Amérique
du Sud puis en Afrique du Sud,
dont l’ambition est de militer
pour une représentation d’un
futur durable, plus solaire, à
l’inverse de la dystopie. C’est une
contestation (punk) optimiste
(solaire). Habituellement, l’optimisme est perçu comme niais alors que dans ce mouvement,
il apparaît radical. Il décrit un futur où la technologie sert la nature et l’humanité et où
les héros sont résilients. Cet imaginaire n’a pas encore été très développé dans la pop
culture, hormis dans le film Black Panther au sein du royaume de Wakanda ou dans une
pub américaine pour le yaourt bio Chobani, mais d’ici dix ans, il deviendra complètement
mainstream. Ce courant permet de changer et d’adapter la narration quant à la transition
écologique, en témoigne notre projet avec Guerlain et les cryptobees.»
n° 2142 34
MARSEILLE
« Perrine est originaire du Sud
et depuis deux ans elle est
partie revivre à Marseille. Nous
avons sélectionné cette ville
premièrement parce qu’elle
est photogénique, solaire
et colorée. Elle possède une
imagerie très inspirante. De plus,
l’histoire de la ville est empreinte
d’authenticité, de diversité, il y a
une vraie énergie qui se détache
et qui correspond à l’air du
temps, un savant mélange entre
la culture chic de Jacquemus et
la culture populaire incarnée par
Jul. La culture populaire arrive
à renouveler la ville et ce d’une
bonne manière. Le Sud séduit de
plus en plus, il y a clairement une
migration, 30% des jeunes
déménagent à Marseille. »
LA SYNESTHÉSIE
« Nous sommes fascinés par la façon dont on
peut coupler les sens entre eux. Chez MNSTR,
nous travaillons pour des marques de vin, de bière ou de
parfum et à chaque fois nous devons relever le challenge
de représenter les sens, donner des couleurs aux notes de
musique, illustrer ce qui est par nature invisible, comme
le goût et l’odorat. Dans le film d’animation Ratatouille
de Pixar, il y a une scène clé qui traduit ce que ressent le
personnage en associant deux saveurs entre elles. Michel
Gagné a été appelé pour traduire de manière visuelle
et sonore ces sensations. Au sein de l’agence, nous
possédons d’ailleurs le département MNSTR 3030, une
combinaison entre le planning stratégique et la création,
pour expérimenter. Récemment, nous avons collaboré
avec le duo Bompass and Parr dans leur studio à
Londres pour de l’expérience design, en créant des feux
© iStock
d’artifice représentant les saveurs du gin Monkey47. »
15/09/2022
INSPIRATIONS / International

ÉTATS-UNIS TÉLÉVISION
FEMMES DE TERRAIN Des stars de la
téléréalité qui jouent aux côtés de footballeurs
américains, et qui gagnent ? Ce n’est pas le multivers, mais
le spot de TBWA Chiat Day LA pour DirecTV. Ce mélange
entre deux mondes opposés crée cette séquence
improbable où des Housewives – de l’émission The Real
Housewives – affrontent des athlètes de la discipline en
tenues pailletées et sans aucune notion des règles. Ça ne
les a pourtant pas empêchées de gagner. INTERNATIONAL MODE

GUCCI S’HABILLE EN KUBRICK

A
lessandro Michele, directeur de la maison de couture italienne Gucci, rend
hommage au travail du réalisateur Stanley Kubrick à travers cette nouvelle
campagne. Ce film est parsemé de références et de clins d’œil au cinéma du
réalisateur, de 2001, l’Odyssée de l’espace à Shining ou Orange mécanique... Réalisé
par Mert & Marcus, ce spot revisite les scènes les plus iconiques de ses œuvres, jusqu’au
casting qui se confondrait presque avec les acteurs originaux.

THAÏLANDE ALCOOL
RESTE COOL BIBINE Le rythme entêtant de
la vidéo Smooth to be Cool, pour les bières
Chang, donne envie de danser. Plus qu’un spot, c’est un
clip réalisé avec un vrai travail en termes de réalisation et
de raccord que Yell Advertising a créé. Avec la présence
de stars montantes thaïlandaises, d’un chef, d’une
blogueuse, d’une surf skate et d’un fashion icon, le tout
donne presque l’impression d’un générique d’une série.

PORTUGAL SANTÉ
LES AVENTURES DE MARIO Ce spot de
l’agence Coming Soon pour l’association
Abraço montre une fois de plus la réalité d’une personne
positive au VIH. Dans la plupart des cas, l’espérance de
vie entre les patients atteints du virus du sida et ceux
qui ne sont pas touchés est quasiment similaire. Encore
faut-il se faire tester pour bénéficier du traitement
adéquat. Le plus difficile à vivre dans le quotidien de
« Mario », raconté dans la publicité, n’est pas sa maladie...
mais son ronflement tonitruant.
PHILIPPINES ENTRETIEN
SCÈNE DE MÉNAGE
C
omplètement déjanté ! C’est l’adjectif pour qualifier ce spot de Gigil Philippines pour
la marque de produits ménagers Cheers. Si le début s’ouvre sur un repas « normal »
en famille avec les parents et leurs deux enfants, la suite part tout de suite dans tous
les sens avec la cuillère du fils qui commence à fuir et à arroser tout le monde. Un grand silence
s’installe, avec le reste de la tablée qui le dévisage sérieusement, avant que sa sœur ne mette fin à
cette scène en criant « Cheers ! » et en levant un produit de nettoyage. De là s’ensuit une séquence
barjot, où la famille se met à danser, avant de reproduire deux fois le running gag.
PAGE RÉALISÉE PAR ELISA SAMOURCACHIAN

15/09/2022 35 n° 2142
MANAGEMENT / Enquête
LA SOUFFRANCE DES
JEUNES AU TRAVAIL
RESSOURCES HUMAINES Le chapitre du covid à peine refermé, la souffrance au travail apparaît comme l’un des sujets
prioritaires des directions des ressources humaines de la rentrée 2022, avec, pour premières victimes, les tout jeunes
diplômés qui arrivent sur le marché.
MURIELLE WOLSKI
C
huut ! Parler de souf-
france au travail ne
fait pas recette, et
le focus fait sur les
jeunes ne change
rien à l’affaire : le
sujet reste tabou. « Pas très vendeur,
en convient Christophe Nguyen,
psychologue du travail et président
d’Empreinte Humaine, cabinet en-
gagé pour la santé psychologique
et la qualité de vie au travail. Pour-
tant, primo-accédants au marché de
l’emploi, étudiants et jeunes appren-
tis constituent la population la plus
exposée à la détresse psychologique.
C’est l’âge où l’on se construit. Or ils
n’ont pas pu le faire, faute de stages,
de liens avec l’entreprise, de liens so-
ciaux. Ils n’ont pas pu trouver des re-
pères. Ils ne croient plus pouvoir se
projeter. Ces très jeunes-là sont beau-
coup plus axés sur le court terme. À dé-
faut de regarder les causes, on préfère
expliquer cela par la fainéantise. » La
maison des jeunes brûle, mais la so-
ciété regarde ailleurs…
EFFET DE CHOC. L’étude de Mala-
kof-Humanis, publiée en juillet 2022,
vient étayer cette thèse. En efet, 44 %
des jeunes (versus 35 % pour l’en-
semble des salariés) jugent négative-
ment leur santé mentale et l’imputent
au seul contexte professionnel : in-
tensité et temps de travail (pour 67 %
d’entre eux), rapports sociaux au tra-
vail dégradés (47 %). La faute au co-
vid ? « Tous les baromètres sur la santé
n° 2142
mentale montrent un efet de choc au
premier coninement, analyse encore
Camy Puech, fondateur de Qualiso-
cial, et porte-parole de la Fédération
des intervenants en risques psycho-
sociaux (Firps), avec une remontée
au deuxième, avec la confirmation
que le monde allait changer… La pro-
mo 2020 a eu trois mois de lockdown,
mais la plus impactée est celle qui
suit, la promo 2021. Autant les sala-
riés ont eu accès au travail à distance,
autant les étudiants se sont retrouvés
avec… rien. » Deux années passées à
la trappe.
D E U X A N S D ’A D O L E S C E N C E
« VOLÉS ». Avant de se lancer sur le
marché de l’emploi, ces étudiants
n’ont pas eu le temps de se refaire une
(bonne) santé psychologique. Les
stigmates risquent d’avoir un impact
sur le long terme. Comme aime à le
rappeler Noémie Guerrin, formatrice
en prévention des risques psychoso-
ciaux et premiers secours en santé
mentale, « 75 % des troubles de la santé
mentale se développent avant 24 ans ».
Une étape qui est loin d’être anodine.
« On a volé deux ans de l’adolescence
de nos enfants, d’où un gros besoin de
rattrapage, déplore Eric Gras, head of
talent intelligence chez Indeed, mé-
tamoteur de recherche d’emploi. La
transition entre études et travail a été
mise à mal. Les employeurs répètent
volontiers l’intérêt des jeunes pour le
télétravail. Or ces derniers veulent
ressentir l’entreprise. Des points qui
36
jouent sur leur psychologie. Ils sont
plus paumés. »
« Heureusement que je n’en étais pas à
ce stade-là de ma vie, soupire Aman-
dine Reitz, directrice des ressources
humaines EMEA à iCIMS, société
spécialisée dans les solutions d’ac-
quisition de talents. Souvent, ce sont
les parents qui transmettent l’image du
travail. Or la soufrance était de mise
chez leurs référents familiaux… » Com-
ment écrit-on un mail professionnel ?
Comment faire varier le registre de
vocabulaire selon son interlocuteur ?
Comment s’habiller ? Comprendre
l’organisation à distance est com-
pliqué. Jean Pralong, professeur de
gestion des RH, titulaire de la chaire
« Les compétences, employabilité et déci-
entreprises sion RH à l’EM Normandie, se sou-
vient d’avoir vu revenir des étudiants
voudraient des « qui avaient perdu ce qu’était “parler à
un enseignant”. La socialisation n’a été
jeunes prêts à faite qu’en partie. Tout le monde était
l’emploi, tout placé sur le même plan, via l’écran. La
vertu des déplacements avait été zap-
faits, mais elles pée. Les entreprises voudraient des
jeunes prêts à l’emploi, tout faits, mais
oublient que elles oublient que les socialiser est aussi
les socialiser de leur ressort. C’est leur boulot ! Dans
les débats qui animent la société ac-
est aussi de leur tuellement, les entreprises perdent de
vue qu’elles sont les seules à apporter
ressort. C’est une part de l’apprentissage. Aucun
leur boulot !» candidat n’est parfait. Ce ne sont pas
des caractéristiques stables dont on ne
Jean Pralong,
professeur de pourrait que se plaindre. »
gestion des RH à l’EM « L’absence de vie sociale pendant ces
Normandie. deux dernières années pousse au-
15/09/2022
 jourd’hui nos jeunes à prolonger leurs
études », note Isabelle Rey-Millet, di-
rectrice générale d’Ethikonsulting,
cabinet conseil aux entreprises, spé-
cialisé dans la transformation et l’in-
novation managériale, et par ailleurs
intervenante à l’Essec. Un master 2 de
plus ? Un stage de plus ? « La chasse à
la convention de stage est de mise, sou-
ligne Amandine Reitz, pour glaner six
à douze mois de stage supplémentaires
pour se professionnaliser. Avec les facs
en ligne, hors France, la démarche est
rendue plus facile. Car enchaîner trois
ans de stage pose question. C’est triste ! »
Deux promotions marquées par le
covid ? Elisabeth Soulié, coach et es-
sayiste (La génération Z passée aux
rayons X, éditions du Cerf, 2020)
évoque le syndrome de l’imposteur :
« Perturbés dans leur dynamique, ces
jeunes-là se sentent dévalorisés sur le
marché de l’emploi. Pas à la hauteur. »
D’où des risques accrus sur le plan
© Istock
psychosocial. ■
15/09/2022
TROIS QUESTIONS À…
DIMITRI GRANGER cofondateur de l’agence YZ
« Une certaine asymétrie est perceptible »
Avez-vous noté une souffrance au travail toute particulière des promotions 2020 et 2021 ?
Le sujet est toujours un peu délicat. La souffrance au travail ? Je vois ce que c’est. J’ai travaillé
pendant dix ans chez Publicis. C’est une réalité : on ne vit pas dans un monde de bisounours. Quelques
comportements peuvent être nuisibles à tout le groupe. Je n’ai pas, aujourd’hui, un client qui ne soit pas
concerné par la problématique. En « full remote », comme on l’a choisi avant même la pandémie, on a un
biais. On interprète davantage les comportements. Difficile d’objectiver. Assurément, la distance est un
frein à la sociabilisation, mais on vise avant tout des profils plus seniors. Nos plus jeunes collaborateurs
se réunissent plus souvent.
S’agit-il donc une entreprise à deux vitesses ?
Une certaine asymétrie est perceptible. D’où tout l’art du management : faire que tout le monde avance
à la même vitesse. Chacun a un vécu différent de l’entreprise. Et, aujourd’hui, chacun veut un format à la
carte. Un modèle très acrobatique.
Est-ce alors de nature à vous pousser à rétropédaler ?
Pour l’instant, pas de rétropédalage ! Mais la gouvernance de notre agence va évoluer très
prochainement. Chacun cherche le bon modèle. Un mouvement de balancier ? Quand des libertés ont
été accordées, difficile de revenir en arrière, et donc de retrouver le format « full-site », une version
monolithique. Il faut se questionner, ne jamais se laisser enfermer dans un modèle. Fraîchement
reconnue comme entreprise B Corp, certification exigeante en matière environnementale et sociétale,
notre agence est d’autant plus attentive à ces questions.
37 n° 2142
PORTRAIT / Mahasti Razavi
LA PAROLE TRANQUILLE
DROITS La directrice du cabinet d’avocats August Debouzy, diplômée des barreaux de Paris et de New York et spécialisée
dans les entreprises technologiques, détonne par sa quiétude et son écoute.
EMMANUEL GAVARD
Q
uand on pénètre
le hall des nou-
veau x bu reau x
d’August Debou-
zy, on baisse au-
tomatiquement
la voix. Que ce soit la moquette, les
murs aux différents bois, ou la ver-
rière donnant sur la cour intérieure,
tout incite aux murmures. L’acous-
tique a été spécialement travaillée
pour se sentir en coniance et apaisé.
Précisément le rôle d’un avocat. Aux
origines, une histoire de famille. Le
nouveau bâtiment, rue de Téhéran
dans le 8e arrondissement, accueille
250 personnes (dont 150 avocats). Il
a été dessiné par le cabinet d’architec-
ture Studio Razavi, fondé par Alireza
Razavi, le frère de Mahasti Razavi, la
directrice associée du cabinet qui en
a pris les rênes en 2017. Tous les deux
sont Iraniens et arrivés en France
pendant la révolution de 1979.
PLURIDISCIPLINAIRE. Derrière ses
cheveux coupés courts et son sou-
rire solaire, Mahasti Razavi n’est pas
de ces avocats qui courent derrière
les minutes : elle prend le temps de
parler, d’écouter, et de faire visiter
chaque recoin de ces nouveaux bu-
reaux, qui abritaient auparavant le
siège des Parfums Dior. L’écoute et le
calme, sûrement le secret de sa réus-
site. Devenue avocate par hasard, elle
met un point d’honneur à garder de la
distance. « Nous sommes là pour por-
ter la voix de l’entreprise et pas celle
d’un individu. Pas matérialiser des
désirs, ou des doutes, mais porter la
parole nécessaire la plus juste face aux
circonstances », énonce-t-elle serei-
nement. Refusant autant la bellico-
n° 2142
sité que les attaques, elle s’évertue à
voir son métier comme « protéiforme,
centré autour du droit ». Mais, ajoute-
t-elle, le droit n’est qu’un outil aux ser-
vices des entreprises, et s’inscrit par-
fois dans une mécanique juridique
complexe qui la fascine autant qu’elle
l’éveille. Ses yeux brillent lorsqu’elle
raconte la fusion Suez-Veolia, qui a
mobilisé plus d’une centaine de ju-
ristes et d’avocats.  Debouzy.  concède-t-elle. Et aussi apprendre à
À la tête d’un collectif davantage que
d’un cabinet, elle insiste sur le fait
38
qu’August Debouzy n’emploie pas
que des avocats, surtout dans son do-
maine, la technologie. Elle a une vi-
sion pluridisciplinaire de son métier.
Après avoir passé le barreau de Paris,
elle est partie à New York – y a repas-
sé le barreau – et a œuvré quelques
mois dans un cabinet américain. De
retour en France, elle s’est laissé ina-
lement tenter par Gilles August, l’un
des deux fondateurs. Là, Mahasti Ra-
zavi travaille pour Microsoft, à l’heure
où la tech explose. Un client dont elle
s’occupe encore aujourd’hui. 
« CAMÉLÉON ». Des entreprises, elle
en a vu pas mal, avec autant d’inno-
vations porteuses que d’échecs cui-
sants. «C’est une chose que d’inventer
mais c’en est une autre de vendre son
idée. » Elle a travaillé sur les droits des
premiers SMS en France, comme ac-
compagné l’entreprise Palm dans ses
derniers soules français. « Mon rôle
est de protéger le client, donc d’avoir
© Damien Grenon pour Stratégies
la franchise de lui dire quand ça ne
va pas marcher », ajoute-t-elle. Elle
conseille à ses équipes d’être sensible
au monde qui les entoure: «il faut re-
pérer les signaux faibles et être un ca-
méléon pour s’adapter à chaque en-
treprise ». Les directeurs juridiques
passent, les avocats restent. Sa cu-
PARCOURS riosité en est presque contagieuse,
1979. Fuit l’Iran pour et elle reste critique vis-à-vis de l’ap-
venir en France.  prentissage du métier, «pas à la hau-
1994. Obtient le barreau teur», selon elle. «C’est une formation
de Paris.  théorique de haut niveau, intéressante
1996. Décroche le mais qui demanderait davantage de
barreau de New York.  pragmatisme, pour mettre en œuvre
1997. Intègre August & concrètement les raisonnements,
2017. Nommée gérer le stress.» Pour rester calme et
managing partner. sage en toute circonstance. ■
15/09/2022
SERVICES

Appel à la concurrence
DU MAL À TROUVER APPEL A LA CONCURRENCE
STRATÉGIES ?
Annonceur : INTERBEV - Association nationale interprofessionnelle du Bétail
et des Viandes
Objet du marché : réalisation d’une campagne de communication BtoB en
faveur des produits tripiers en France
Date limite de réception des candidatures : Mardi 11 octobre 2022 à 12h.
Pour plus de renseignements :
https://www.interbev.fr/interbev/appels-dofres/
INTERBEV, 207 rue de Bercy, 75587 Paris cedex 12
Contact : Karine MEUNIER – k.meunier@interbev.fr – 01 44 87 44 75

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15/09/2022 39 n° 2142
LA RÉDAC A... 4 bis, rue de la Pyramide – 92 100 Boulogne-Bil-
lancourt. Pour contacter la rédaction : redaction@
strategies.fr ou initiale du prénom + nom@strategies.

…REPÉRÉ la difusion sur Arte. tv, fr. Exemple : gwybo@strategies.fr. RÉDACTION.

Directeur de la rédaction et rédacteur en chef : Gilles
à partir du 3 octobre, d’une série Wybo (01.84.76.26.16). Rédacteurs en chef adjoints :
Delphine Le Goff (01.84.76.26.21), Amaury de Roche-
documentaire consacrée à la place des
gonde (01.84.76.26.30) et Delphine Soulas-Gesson
femmes dans le sport. « Il a fallu attendre (01.84.76.26.24). Chef de rubrique : Emmanuel
Gavard (01.84.76.26.22). Rédacteurs : Garance Bailly
le 21e siècle pour qu’elles aient le droit de
(01.84.76.26.15), Caroline Bonacossa (01.84.76.26.23),
concourir à haut niveau dans toutes les Sorlin Chanel (01.84.76.26.19), Cécilia Di Quinzio,

disciplines », rappelle la chaîne qui a, sur le Amélie Moynot (01.84.76.26.20), Marie-Caroline Royet
(01.84.76.26.57), Ambrine Ziani (vidéo). Éditrice web et
sujet, fait appel à des historiennes, des sociologues, une philosophe, des sportives. La série racontera social media : Julie Goutard. Ont collaboré à ce numéro :

ce combat de longue haleine sans éluder les nouvelles injonctions qui découlent des conquêtes, Elisa Samourcachian et Murielle Wolski. RÉDACTION
TECHNIQUE. Premier secrétaire de rédaction : Patrick
comme celle « à la fermeté et au tonique », ni la question de savoir si les femmes sont « vraiment Bled. Secrétaire de rédaction : Maja Marinkovic.

maîtresses de leur corps quand elles font du sport ». Le nom du programme : Toutes musclées.
…noté, grâce à un
article de Télérama, qu’une
émission culte fêtait en
toute discrétion ses 30 ans :
Frou-Frou, animée par
Christine Bravo et produite
par Thierry Ardisson, a été
difusée pour la première
fois le 12 septembre 1992
sur France 2. Seulement
programmé deux ans
tous les samedis à 19 h, le
programme n’a jamais été oublié par celles et ceux qui ont pu le voir
à l’époque. Et pour cause : il n’était animé que par des femmes, avec
des conseils sexo, mode, conso, dans un esprit à la Cosmo, « comme
dans une soirée entre copines », ainsi que le résumait Christine Bravo
dans le premier numéro. Vachard au départ avec le programme,
décrit comme des « jacasseries » et des « fous rires de collégiennes »,
Télérama, aujourd’hui, s’interroge : et si Frou-Frou était rien de
moins que révolutionnaire ? Ce programme en non-mixité, avec des
femmes drôles, cultivées, indépendantes, le verbe aussi haut que
leurs stilettos, ofrait une alternative miraculeuse à la traditionnelle
péroraison masculine et son cortège de mansplaining…
…constaté que le
compte Facebook de Madame
Figaro n’est pas passé loin du
scoop mondial en annonçant
à 16 h 13 le décès d’Elizabeth II,
le 8 septembre. Las, si la reine
est bien morte aux alentours
de 16 h, heure britannique,
cela correspond à 17 h en
France. C’est en réalité « une
erreur de manipulation qui a
été corrigée immédiatement »,
selon son éditeur, qui est
à l’origine de la difusion
de cette information avant
l’heure. Le post sur la
disparition de « la femme la
plus célèbre de la planète »
a en efet très vite été retiré
jusqu’à ce que Buckingham
Palace communique la
nouvelle de sa mort à 19 h 30,
heure française.
Premier maquettiste : Victor Mourain. Maquettiste :
Emmanuelle Blondel. Responsable iconographe :
Laurent Rutigliano. ABONNEMENTS. France métro-
politaine : Formule Intégrale 1 an : le magazine version
papier et numérique + La News de Stratégies + le site
en illimité = 287 €. Formule Essentiel 1 an : le maga-
zine version numérique + La News de Stratégies + le
site en illimité = 142 €. Outre-mer et étranger : nous
consulter ; abonne@strategies.fr ; tél. : +33 (0)1 70 37
31 58. VENTE AU NUMÉRO. Service Abonnement – 45
Avenue du Général-Leclerc – 60643 Chantilly cedex ;
abonne@strategies.fr. Tél : 01.70.37.31.58. DIRECTION
COMMERCIALE, PUBLICITÉ. Directrice de régie :
Ludivine Saint-Yves (06.24.25.42.28). Directrice de
clientèle : Julie Schlecht (06.33.74.14.50). Directrice
de clientèle : Gwënola de Villeblanche (06.77.77.68.19).
Directeur de clientèle : Louka Wagon (06.34.04.17.64).
GUIDES. Directrice de publicité : Nadia Ben Moussa
(01.84.76.26.53). MARKETING RÉGIE. Responsable
marketing pôle medias et événementiel : Jordan Dufour.
Directeur artistique : Benoît Maurice. DIFFUSION. Res-
ponsable diffusion et grands comptes : Chloé Leroi.
ADMINISTRATION DES VENTES, TRAFFIC. Coordina-
tion des ventes : Carine Guez. Assistante administration
des ventes : Marianne Motta. Traffic manager : Laurent
Zaplana. OFFRES D’EMPLOI/ANNONCES CLASSÉES.
Carine Guez (cgu@mediaschool.eu). COMMUNICA-
TION ET ÉVÉNEMENTS. Responsable event et inno-
vation : Cécile Rubben (01.84.76.26.37). Responsable
event et RP : Negar Moshrefi (01.84.76.26.49). Chef
de projets événementiels : Anna-Gaïd Waterman
(06.82.10.77.90). Chargée de production événe-
mentielle : Elsa Grellier (06.07.24.55.53). Directrice
commerciale adjointe : Céline Reine (06.07.89 11.73).
DIGITAL. Responsable campagne : Romain Balikdjian.
Administrateur bases de données : Yann Boucounaud.
Chef de projets digitaux : Laurence David. Chargé de
base de données: Mickaël Penverne. FABRICATION.
Directeur : Jonathan Abgrall (01.84.76.26.12). Imprimé
en France par l’Imprimerie de Compiègne (groupe
Morault), avenue Berthelot, 60205 Compiègne. Origine
du papier : Europe. Certification : PEFC. RESSOURCES

LE BILLET DE DELPHINE LE GOFF HUMAINES. Chargée des ressources humaines :

Wendy Torre. CONTRÔLEUR DE GESTION : Aziz Ben
Ouaghram. DÉPÔT LÉGAL : avril 2017. ISSN 0180-6424.
« DÉGUEULASSE ». « Qu’est-ce que c’est, dégueulasse ? » fauche aussi, dans la même semaine, un autre artiste ra- N° de commission paritaire : 0326 T 79914.

Ce qui est dégueulasse, c’est que s’il y a un homme qui
a traversé le siècle, a irrémédiablement imprimé son
style, et est toujours resté droit dans ses bottes, le ci-
gare au bec, c’est bien lui. Dégueulasse, c’est quand on
sait déjà, en ce 13 septembre 2022 où l’on apprend son
trépas, que la disparition de Jean-Luc Godard ne sera
qu’une larme dans le tsunami généré par l’ultime révé-
rence de la reine d’Angleterre, un chuchotement dans le
fracas des UBM, les « unités de bruit médiatique » – Go-
dard aurait-il trouvé le terme révulsant ou furieusement
poétique ? « Qu’est-ce que c’est, dégueulasse ? », insistait,
interdite devant Belmondo à l’agonie, Jean Seberg dans
À bout de soule. Dégueulasse, c’est quand la Camarde
dical, le photographe et réalisateur William Klein. Vrai-
ment dégueulasse, de voir disparaître Godard, orfèvre
du langage, à la parole si libre, dans notre époque d’élé-
ments de langage et de conformisme bêta où, pour re-
prendre la phrase de Godard sur les festivals de cinéma,
bien des dîners en ville, bien des interactions sociales
« sont comme les congrès de dentistes. C’est tellement folk-
lorique que c’en est déprimant. » Dégueulasse, de perdre
cet amoureux éperdu du cinéma, des images et des
mots, qui ignorait qu’en une ligne de dialogue d’À bout
de Soule, il avait déjà écrit la parfaite épitaphe : « Si vous
n’aimez pas la mer… Si vous n’aimez pas la montagne…
Si vous n’aimez pas la ville… Allez vous faire foutre ! »
STRATÉGIES est édité par la société S2C, SASU au
capital de 10 000 euros. Président et directeur de la
publication : Franck Papazian. Directeur général : Kal
Ladha. RC Nanterre 813 649 571.
Ce numéro contient un tiré à part rédactionnel sur la
diffusion abonnés.
Ce magazine est imprimé en France sur du papier certi-
fié PEFC, issu de forêts gérées durablement.
CHAQUE SAMEDI, À 8 H 20, RETROUVEZ
LA CHRONIQUE MÉDIAS D’AMAURY DE
ROCHEGONDE
(89 FM À PARIS)

n° 2142 40 15/09/2022