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Amina NAIT DBOU

Les relations entre stratégies et structures dans l'entreprise

Les relations entre les stratégies et les structures sont actuellement un domaine privilégié de la
recherche en économie d'entreprise. Les conceptions généralement retenues considèrent la
stratégie comme l'élément déterminant de cette relation. Igor Ansoff et Alfred D. Chandler Jr
soutiennent en particulier cette opinion. Selon eux, la stratégie, définie comme l'adaptation à long
terme de l'entreprise à un environnement changeant, se traduit par la création de nouvelles
entités, de nouvelles filiales, la suppression d'autres, l'introduction de modifications importantes
dans les implantations existantes, etc. Ces changements définissent alors de nouveaux besoins
organisationnels qui, à leur tour, modifient la structure en fonction de l'ampleur du mouvement
stratégique. Du point de vue sociologique, on pourrait dire que la stratégie fait disparaître,
apparaître et évoluer des rôles, c'est-à-dire qu'elle modifie la division interne du travail et
nécessite donc la redéfinition d'une nouvelle complémentarité. Bien sûr, ces auteurs
reconnaissent qu'il existe de véritables effets de rétroaction entre la structure et la stratégie, et
que cette dernière ne peut pas être définie complètement librement. Cependant, selon eux, c'est la
stratégie qui exerce une influence dominante.
Cet article vise à montrer que ces conceptions ne considèrent qu'une partie du problème et que la
structure contraint également la stratégie. Il ne s'agit pas de nier que la stratégie, en modifiant la
composition de l'entreprise, entraîne un changement dans l'organisation future. Cependant,
l'objectif est d'établir que, dans sa conception et son élaboration, la stratégie est profondément
déterminée par l'environnement qui la génère, et qu'en général, elle ne fait que prolonger les
tendances profondes de celui-ci. Cinq séries de phénomènes semblent expliquer cette situation :
le poids des décisions antérieures, la hiérarchie des décisions, les diverses déviations de
l'information, la nature du groupe dirigeant et les différentes situations de pouvoir. L'étude de ces
facteurs permettra de montrer que si la stratégie modifie l'état futur de la structure, elle a été
profondément influencée auparavant par la situation présente et passée de celle-ci, au point que
souvent, le nouvel état de l'organisation n'est que la déduction de ses états antérieurs.
La plupart des entreprises possèdent un acquis, un patrimoine humain, technique et commercial
dont elles ne peuvent généralement pas se passer. Cet acquis crée un certain nombre de
contraintes objectives qui limitent les possibilités innovantes des stratégies. En outre, les
décisions antérieures, la base technique de l'entreprise, les besoins de complément, les projets en
cours et la recherche de synergie imposent également des contraintes aux stratégies. Ainsi, la
structure exerce une influence sur la stratégie, et cette dernière n'est pas entièrement libre dans sa
conception et son élaboration. Elle est profondément déterminée par le milieu qui la génère et
tend à prolonger les tendances existantes.
Le centre décisionnel d'une entreprise se préoccupe principalement de tirer le meilleur parti de la
base technique existante et d'accroître la rentabilité de ses différentes composantes. Cette
attitude, qui vise à utiliser un même réseau commercial pour différents produits, par exemple,
concentre une partie importante du travail de direction sur ce que l'entreprise possède déjà. Cela
conduit à attribuer une part supplémentaire des ressources disponibles à la conservation et à
l'amélioration du patrimoine existant, qui est le fruit des décisions antérieures. Ainsi, à chaque
période, une part substantielle des ressources dont dispose l'entreprise pour ses adaptations à long
terme est nécessairement affectée à cet objectif. Cela représente une première contrainte
significative imposée par la structure à la stratégie.
Lorsque l'on aborde la prise de décision, on pense généralement à la décision stratégique, celle
qui définit la relation de l'entreprise avec son environnement. Cependant, la prise de décision ne
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se réduit pas à cette adaptation globale et à long terme. Par exemple, un contremaître qui impose
un rythme de travail à son équipe n'a pas de relation directe avec l'environnement externe, mais il
décide néanmoins et contribue à la mise en œuvre de la politique globale de l'entreprise à travers
les différents niveaux hiérarchiques. Il est donc nécessaire d'établir une typologie des décisions.
Ensuite, on constate que les décisions de portée limitée exercent une forte contrainte sur celles de
portée supérieure.
Igor Ansoff a proposé la classification suivante :
Décisions stratégiques : concernant les relations entre l'entreprise et son environnement.
Décisions administratives : portant sur la forme et la structure de l'entreprise.
Décisions opérationnelles : liées à la sélection des niveaux opérationnels de l'entreprise.
La classification proposée par Igor Ansoff semble insuffisante pour deux raisons principales.
Premièrement, elle limite les relations directes avec l'environnement externe au niveau
stratégique. Deuxièmement, elle néglige les problèmes liés à l'exécution des tâches. Ainsi, une
nouvelle typologie des décisions est proposée :
Décisions stratégiques : elles représentent le choix global et à long terme de la firme par rapport
à son environnement.
Décisions tactiques : elles se concentrent sur l'application à court et moyen terme des décisions
stratégiques. Elles impliquent la sélection et l'organisation des moyens pour atteindre les
objectifs stratégiques et sont généralement liées à la relation directe entre l'entreprise et son
environnement.
Décisions administratives : elles concernent l'application à court terme des décisions tactiques.
Elles impliquent la gestion des ressources afin de mettre en œuvre la politique globale de
l'entreprise.
Décisions mécaniques : elles sont liées à la réalisation quotidienne des tâches nécessaires au
fonctionnement de l'entreprise. Elles découlent de l'ensemble des autres décisions prises.
Cette hiérarchie des décisions se caractérise par trois éléments essentiels : la quantité
d'informations, l'horizon temporel et l'environnement perçu. Ces trois éléments augmentent à
mesure que l'on se déplace vers les niveaux supérieurs. On peut également noter que cette
hiérarchie correspond à la classification des postes de responsabilité dans une entreprise, à savoir
la direction supérieure, la direction moyenne, la direction inférieure et le personnel d'exécution.
Cette hiérarchie des décisions peut être comparée à une structure juridique, avec la constitution,
les lois, les décrets et leur application aux citoyens. De la même manière, le processus
décisionnel doit garantir la conformité des niveaux inférieurs aux niveaux supérieurs. Cependant,
le processus décisionnel comporte également un mouvement ascendant, allant des décisions
mécaniques aux décisions stratégiques, en raison des contraintes inhérentes à la réalisation des
tâches. Techniquement et humainement, il n'est pas possible de réaliser n'importe quelle
décision, malgré les décrets établis.
Les tâches élémentaires liées à la base technique sont à la fois techniquement contraignantes et
susceptibles de nombreuses combinaisons. Cependant, toutes les combinaisons théoriquement
envisageables ne sont pas techniquement réalisables. Par exemple, la vente d'un produit
spécifique peut ne pas être compatible avec la gestion traditionnelle des stocks ou les conditions
de crédit existantes.
La prise de décision repose sur la représentation que les dirigeants se font des environnements
internes et externes de l'entreprise. Cette représentation dépend des informations et des données
dont on dispose sur ces environnements. Ainsi, la décision est fonction de l'information
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disponible, à la fois en termes de qualité et de quantité. Pour être utilisable, l'information doit
être disponible, accessible et traitable.
Dans le cadre de l'organisation d'une entreprise, cela se traduit par deux fonctions principales.
Tout d'abord, la production d'informations sur l'environnement externe et interne, telles que des
données commerciales (composition de la clientèle, potentiel d'achat, tendances du marché),
financières (politique monétaire, relations avec les banques), techniques (état de la recherche) et
même culturelles. Ces informations internes et externes contribuent à la représentation que
l'entreprise se fait d'elle-même et de son environnement.
Ensuite, il y a la circulation de l'information, qui permet à chaque individu d'obtenir les données
nécessaires pour accomplir ses tâches, qu'elles soient de nature mécanique ou stratégique. Par
exemple, un employé ne peut pas remplir ses fonctions sans connaître les quantités à produire, la
consommation d'énergie et de matières premières, les taux de rebut acceptables, etc. De même, la
direction générale ne peut remplir ses fonctions que si elle est informée du fonctionnement
global de l'entreprise.

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