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- La conséquence méthodologique du corps social = la pratique de dépersonnalisation (=
artéfact heuristique qui a pour vocation d’aider à mieux comprendre un cas, on va
notamment dépersonnaliser Jonas en le réinventant dans d’autres monde pour mieux le
comprendre)
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• temporalité existentielle de l’acte : si toute réaction est à priori compréhensible, il est
essentiel, pour préserver cette compréhension initiale, de ne pas expliquer la réaction
considérée par une réaction antérieure
⇒ Ne pas comprendre le phénomène à partir du passé mais plutôt comme un retour du
futur vers le présent
⇒ Commencer par la fin, par les conséquences et potentialités que l’acte fait surgir (c’est
précisément lorsque tout est dit, que tout commence)
• l’herméneutique criminologique du fait délinquant : prendre l’acte au sérieux ne doit
pas conduire à la production simplifiée
⇒ Christian Debuyst : “on ne peut plus considérer le passage à l’acte comme le moment
fondateur à partir duquel les perspectives explicatives devraient s’ordonner” afin d’éviter
de s’enfermer dans une théorisation implicite
⇒ Éthique de la criminologie éthique avec une compréhension en 2 temps
• il s’agit d’abord de rencontrer une personne dans toute sa complexité et son écologie
• Ensuite d’intégrer le ou les actes délinquants dans cette économie psychique
⇒ il ne s’agit pas de comprendre un acte qui définirait un sujet et viendrait une théorie
caractérielle a priori, tout comme il n’y a guère plus de sens, à se référer à une théorie
actuarielle du comportement criminel, donnant l’illusion d’une économie du recours à la
personnalité
Ä On voit le fait délinquant sous un angle nouveau, qui consiste à comprendre une
singularité et, dans un second temps (moment fondateur de la phénoménologie
clinique), d’y intégrer la compréhension de l’acte venant s’inscrire dans un
psychisme et une écologie complexe
Jonas est en prison après avoir tiré un coup de feu en direction de policiers sur le pas de
sa porte. Il est qualifié d’un visage profondément vide. Sa mère est morte et il dit qu’il
est tellement triste qu’il ne ressent plus rien, que c’est le vide dans sa tête.
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- Jonas est marié avec Catherine et il y a un fils Denis, avec qui il estime avoir de bons
rapports
- Il travaille pour une entreprise et il est très apprécié par son entourage et ses collègues
et que c’est quelqu’un de bon qui est toujours là pour aider même s’il se décrit comme
quelqu'un qui ne parle pas de ses émotions, ni de son ressenti, ni de lui-même
- Le thème de la mort est souvent récurrent dans son discours, notamment avec le décès
de son père et de ses grands-parents, qu’il a toujours pris la peine d’écouter
⇒ cet altruisme bienveillant et le dévouement qu’il portait à sa mère, Germaine va aller
jusqu’à empiéter les sphères de sa vie
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Ä Le comportement de Jonas, sur fond de rythme quotidien, met en évidence une
perte de subjectivité et s’inscrit dans un vécu strictement “objectif” dans lequel les
modifications et la remise en cause ne peuvent pas exister
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- Difficile de limiter l’état psychopathologique de Jonas à l’apparition d’une humeur
dépressive (On sent qu’il y a beaucoup d’autres choses derrière)
- Pour les DSM-IV et -5 : la différence entre la « dépression majeure » et la « dépression
majeure à caractéristique mélancolique » est strictement quantitative
• Les sujets mélancoliques présentent les mêmes symptômes que ceux affectés d’une
dépression majeure, à la seule différence que les symptômes sont plus exacerbés, plus
forts
- Le DSM-IV et -5 entre en contradiction avec la pratique clinique lorsque l’on a affaire à
de véritables mélancoliques (plutôt qu’une altération quantitative, on a une altération
qualitative)
- L’éprouvé émotionnel caractéristique du mélancolique est le « sentiment de l’absence
de sentiment »
- Plus qu’une humeur déprimée, le mélancolique présente un vide émotionnel et
sentimental. Si le mélancolique est déprimé ou triste, c’est généralement dans un «
mouvement secondaire » qui apparaît en raison de son incapacité à éprouver un
sentiment.
• « Celui qui peut encore être triste n’est pas vraiment mélancolique » (Schulte)
• « Le mélancolique ne souffre pas, pas plus que le maniaque ne jouit, comme l’homme
sain souffre et jouit » (Tellenbach)
• Le vécu du dépressif du mélancolique est subordonné à un sentiment bien plus profond
de “dépersonnalisation” (Binswanger)
Revenons à Jonas…
• Retour sur Jonas : il est certes effondré d’avoir perdu sa mère mais il est surtout perdu,
sans repères
• Peu d’émotions en entretiens (hormis le premier entretien où il n'arrête pas de pleurer
mais après il ne pleurera plus, il sera surtout vide)
• Jonas parle souvent de son histoire avec une précision et un détachement qui donnent
l’impression qu’il prononce un discours à propos de quelqu’un d’autre (il dit des choses
terribles, il se dit terriblement affecté mais il ne manifeste aucune affection comme s’il
avait perdu tous ses sentiments)
• Il semble expérimenter un vide identitaire que l’on pourrait traduire par la question : «
qui suis-je aujourd’hui ? » ; et un vide concernant le projet existentiel, traduit par : « qui
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serai-je demain ? » ou, plus fondamentalement : « serai-je demain ? » (phrase qui pose la
question du rapport à la mort)
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- L’obsessionnel présente également un besoin d’ordre mais la finalité de cette obsession
réside dans l’organisation des choses.
- Pour le TM, le comportement est principalement orienté vers les relations
interpersonnelles et ce que Kraus (1977) appelle l’« identité de rôle » : il est nécessaire
que chacun soit à sa place, respecte son rôle social et produise les comportements
attendus.
- L’obsessionnel : le trouble sera qualifié d’ « égodystonique » (dystonie avec l’égo: ce
n’est pas en accord avec ce que l’égo voudrait faire) ⇒ L’égo de l’obsessionnel souffre de
ce besoin d’ordre incessant
- Le TM : « égosyntonique » : obsession d’« ordre relationnel » pleinement assumée et
fait partie des valeurs revendiquées par le sujet (le typus melancholicus ne souhaite pas
que ce besoin d’ordre évolue, il estime que le besoin d’ordre dans l’identité sociale est
tout à fait raisonnable)
⇒ L’examen clinique de Jonas ne met pas en évidence des signes d’une névrose
obsessionnelle
2. Le caractère consciencieux
- Nécessité de prévenir le sentiment de culpabilité et de se comporter de façon à réduire
le risque de faute.
- Une hypersensibilité au jugement d’autrui principalement dirigée à l’égard des proches.
- Jonas : vit de façon dévouée, jour et nuit, pour remplir son rôle de fils à l’égard de
Germaine : « la vie est aussi une question de devoirs, je suis plus attentif à ce que je dois
faire qu’à ce que je peux faire »
- On peut de nouveau différencier le TM de l’obsessionnel quant à son rapport à la
culpabilité de manière à mieux comprendre cette dimension de conscienciosité
- La culpabilité obsessionnelle est de l’ordre de l’a posteriori ; que ce soit un acte, une
parole ou une pensée, la culpabilité apparaît dans l’après-coup.
- Pour le TM, la culpabilité est plutôt un a priori ; elle risque toujours d’arriver car la
faute est proche.
⇒ Le mélancolique, à l’inverse de l’obsessionnel, lutte contre la possibilité de culpabilité,
il l’anticipe mais n’y est jamais réellement confronté
3. L’hyper/hétéronomie
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- Particularité du sujet dans son rapport à la norme
- L’hypernomie indique une tendance exagérée à s’adapter à la règle, à lui accorder une
importance excessive et à la respecter de façon rigide.
- L’hétéronomie indique une réceptivité exagérée aux normes externes et
disproportionnée au détriment de la volition propre au sujet (volonté propre du sujet)
- La situation de Jonas correspond parfaitement à cette caractéristique psychologique
(Jonas respecte des normes sociales et particulièrement des normes qui viennent de
l’extérieur)
- Précision : la soumission aux normes d’autrui est surtout une soumission aux normes
que le sujet estime être celles qu’autrui attend de lui.
- Plus que les normes dictées par sa mère, ses grands-parents ou sa vie professionnelle,
Jonas respecte surtout celles qu’il s’est lui-même imposées, par rapport aux normes
sociales telles qu’il se les représente (égoïsme conceptuel dont la source est l’altruisme
excessif de Jonas)
- Subtilité psychique qui complexifie la situation et rend quasiment nulles les possibilités
de changement, puisque le changement qui doit arriver de l’extérieur dépend en fait de
normes internes.
4. L’intolérance à l’ambiguïté
- Sujets qui semblent incapables de ressentir des caractéristiques émotionnelles et
cognitives opposées à propos d’un objet, d’une personne ou d’une situation. Jonas : «
pour moi, les gens sont soit bons, soit mauvais. Si quelqu’un me déçoit une fois, je ne
veux plus jamais en entendre parler ».
- Impossible de concevoir des qualités contrastées. Ce qui a pour conséquence de réduire
la complexité inhérente aux êtres humains et aux situations relationnelles.
- Lorsque Jonas parle de ses proches, il dit qu’un tel est une personne sur laquelle on peut
compter, un autre pas.
- Jonas dit ne pas avoir d’amis. Ce qui est étonnant lorsqu’on observe les nombreuses
visites reçues en prison, mais peut se comprendre aisément : Jonas se limite à des
rapports superficiels avec les gens.
- Pour franchir le pas de l’amitié, il faut parvenir à tolérer la complexité de la personne,
ses contradictions et ses traits de caractère.
- Jonas réduit l’identité de ses pairs au rôle social qu’ils occupent
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Une adaptation moderne ? (p.39-41)
• Cette adaptation correspond parfaitement aux idéaux de la modernité que sont la
rentabilité et la vitesse d’exécution.
• Jonas ne sera jamais un précurseur, un artiste inventif et original. Mais sa faculté à
respecter des consignes, adhérer à une norme, induit une « production d’énergie », une «
rentabilité » qui caractérisent les individus les plus performants dans de nombreux
milieux professionnels et sociaux.
• Cependant, on sent très rapidement que cette organisation présente en fait une
problématique majeure : absence de subjectivité ou le déséquilibre entre ce que Jonas est
pour lui-même et ce qu’il est pour autrui
• L’équilibre de la subjectivité de Jonas a tenu jusqu’au décès de sa mère. L’hyperactivité
altruiste de Jonas correspond à une vulnérabilité marquée par une dépendance à son
identité de rôle (en perdant sa mère, Jonas a perdu son rôle de fils)
• Proposition de Freud : le mélancolique sait sans doute ce qu’il a perdu mais non ce qu’il
a perdu
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- Etat de désynchronisation fondamentale (Fuchs) : toute la rythmicité de Jonas était
structurée par son dévouement à Germaine, il est donc normal de le retrouver
désorganisé lorsque sa mère décède (seule situation pathogène qui l’a désorganisé de la
sorte)
- Entrée dans la pathologie : le typus melancholicus au contact d’une “situation
pathogène” bascule dans la mélancolie
- L’absence d’anticipation de Jonas de la mort de sa mère nous montre à quel point
l’identité de rôle avait pris une place considérable afin de ne plus permettre la prise de
recul face à un rôle pourtant voué à disparaître tôt ou tard
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Pour une compréhension de l’acte “en situation” (p.47-48)
- L’interprétation spontanée du coup de feu tiré par Jonas met l’accent sur le passage à
l’acte (moment ou une trajectoire pathologique se dénonce comme telle par un acte qui
fait l’objet d’une sanction sociale)
- L'identification d’un typus melancholicus présente une dimension tautologique car elle
joue sur le mode rétrospectif, le rôle d’une anticipation “prémorbide” d’un
comportement jugé problématique dans l’après-coup du passage à l’acte
- Cette interprétation présente un double désavantage :
(1) il dispense d’analyser l’acte lui-même, qui est comme expliqué par ce qui l’a précédé
(les circonstances du passé)
(2) une telle interprétation détourne l’analyste d’une compréhension circonstanciée de la
séquence concernée.
Þ Il faut donc poser l’acte en situation où l'acte est ressaisi dans sa dimension
temporelle mais aussi spatiale
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⇒ La colère du fils et l’appel à la police de la mère conduisent à l’explosion d’un monde
qui avait suspendu la possibilité de toute conflictualité et où les parties avaient accepté de
limiter leurs relations au pur respect des rôles respectifs des uns et des autres, à l’écart
des ambiguïtés et des tensions.
- À suivre cette hypothèse, comment comprendre dès lors le coup de feu tiré par Jonas ?
- Une tentative ultime et violente de se tenir à l’intérieur d’une temporalité impossible ?
- Ou, au contraire, une tentative pour sortir de la comédie existentielle dans laquelle il
est pris ?
- Ne peut-on pas y voir, paradoxalement, un acte de liberté, peut-être le moment où
Jonas se sent le plus libre de toute son existence?
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Jonas en liberté sartrienne II : Espace et situation (p.53-56)
- Pour être considéré comme un acte libre, l’acte doit se donner comme un acte situé
- Deleuze a insisté sur l’originalité de la notion sartrienne de situation
- Rôle crucial du corps dans la théorie sartrienne des émotions qui désignent la manière
dont la conscience s’ajuste à la situation et aux réactions des autres consciences
⇒ Témoigne à la fois que son être-au-monde ne va pas de soi et que pourtant la
conscience se donne les moyens de tenir les engagements qui sont les siens, quitte à
manifester sur son propre corps les valeurs et les prises de position qu’un monde hostile
ou trop difficile ne permet plus de mettre en œuvre pragmatique
- reterritorialisation corporelle : le coup de feu n’apparaît dès lors plus comme un acte de
violence contre l’autre, il se présente comme un acte de liberté par lequel Jonas s’engage
corporellement dans la situation qui est la sienne en provoquant un corps à corps avec les
policiers
⇒ Chercher à se réancrer dans une situation où la temporalité est suspendue et ou la
spatialité est neutralisée, le seul rapport entre les personnes présentes est une rencontre
au corps à corps
- L’acte libre de Jonas n’est donc pas celui d’une liberté qui chercherait à s’imposer à la
situation dans laquelle elle se trouve (liberté contre la situation) MAIS bien dans la
mesure où il fait avec les contraintes situationnelles en usant du seul moyen encore
disponible pour dépasser et transformer cette situation
- S’il y a violence dans le coup de feu, c’est celle qui rapporte l’expérience de la
contingence à l’expérience de corps brutalement mis en présence
⇒ Retour de/à l’émotion : trouver les moyens d’agir sur son propre corps pour
transformer sa situation, en assumant le risque que cette action sur son propre corps
expose à la mort ou à la mutilation, ici en prenant le risque de provoquer l’hostilité et
une riposte de la police
- Le coup de feu tiré représente une territorialisation choquée
⇒ Au-delà de la rencontre du corps, le coup de feu a une portée cosmique : chercher un
corps à corps ontologique, de produire un rapport à l’être comme par effraction ou par
fracturation de la double indifférence de la conscience et de l’être
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- Le corps ne se distingue pas de la situation : si le corps n’est rien d’autre que le pour-soi
il est le fait que le pour-soi n’est pas son propre fondement
- Le choc de la contingence que représente le coup de feu tiré peut être considéré comme
un acte de liberté car en agissant sur son corps, Jonas cherche un résidu de liberté dans ce
qui constitue le point zéro de sa situation et, dès lors, aussi le dernier point d’accroche
avec celle-ci
- Le coup de feu ainsi compris est par conséquent un acte de liberté par plusieurs de ses
dimensions (il ne faut pas y voir une explosion de violence, mais la recherche d’un choc)
- Le coup de feu n’est pas le symptôme d’un mépris des corps mais l’assomption du corps
comme fondement injustifiable de l’existence (pas compris comme la négation de la
situation mais comme l’affirmation in extremis d’un être-situé-dans-la-liberté)
- Le coup de feu renvoie au sentiment d’une interruption comme tentative de
subjectivation du de la contingence, à l’épreuve de soi-même et des autres qui cherche à
se produire dans la rencontre de corps liés les uns aux autres dans une situation-limite
que provoque l’expérience d’un choc et, en dernière analyse, à la possibilité, dans un acte
peut être désespéré, de récréer un projet.
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Le coup de feu comme suicide manqué ? (p.58-59)
- On pourrait tenter d’y voir le contrecoup d’un suicide raté : le coup de feu tiré en
direction des policiers a pris le relais d’un suicide raté, d’un suicide qui a été empêché par
la découverte du testament
⇒ Le fait que l’acte d’abord envisagé, un acte suicidaire, n’était pas tourné vers autrui,
mais devait initialement être une action tournée vers soi, retournée contre soi
- Dans une situation dont les comédies se démasquent les unes après les autres, le corps
de Jonas représentait bien le dernier objet sur lequel il pouvait encore essayer d’agir
- Ce qui passe d’un geste à l’autre est la tentative de produire un choc qui permette de
faire une différence dans une situation en impasse
- C’est le corps qui est mis en jeu dans une expérience-limite, de façon directe dans la
perspective d’un suicide, en annulant magiquement la distance avec les corps des policiers
dans le cas du tir vers ceux-ci
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⇒ On comprend comment c’est du fond d’une passivité radicale que surgit le rêve d’une
action subite et brutale
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⇒ Conception de l’identité qui lie intimement des subjectivités et des corps, qui étend le
corps vécu et moral d’un individu à d’autres
- Hamers et la petite fille qui choisit spontanément de construire une paire dont elle fait-
elle-même partie
⇒ Pour elle, il n’y a de véritable identité que dans le cas d’une identité qui n’est pas
constatée de l’extérieur, mais entre des personnes qui sont affectées l’une par l’autre ; il
n’est question d’identité que dans le cadre d’une relation qui l’implique et qui l’affecte
elle-même
- La forme primaire du deux ne sont pas accessible ou supportable pour une personnalité
pré-mélancolique (incapacité à prendre en charge une définition relationnelle de sa
propre identité)
- L’anthropologie de la parenté de Sahlins met en évidence la question du corps au sein de
penser une identité relationnelle
⇒ Le corps ne relève pas d’une expérience individuelle, mais d’un corps social (=
ensemble d’expérience partagées)
- L’apparaître du corps et les capacités dont il dispose sont 2 dimensions fondamentales
de l’exister humain en tant qu’il a à se préoccuper de la vie d’autres personnes en même
temps que de la sienne
⇒ Le corps traduit la capacité de la communauté à s’occuper de ses membres, et la
capacité des individus à servir les autres
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constituer un lien social, on ne peut faire l’économie d’une dimension de risque et de
rivalité
⇒ Essai sur les fondements de la société et que l’échange vise “la confiance de l’homme
en l’homme”
⇒ structure de face-à-face qui est constitutive dans logique de don : “il y a dans l’échange
un acte qui sépare les hommes et les met face à face”
- La logique du coup de feu et de la prise de contact de Jonas avec les policiers peut être
partiellement comprise à partir de cette structure relationnelle particulière qui est la
relation de réciprocité (mais il faut également prendre un compte la logique juridique qui
sous-tend l’interprétation pathologisante d’un acte comme celui de Jonas)
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- Mise en question de la normativité sociale : interrogation sur la justice dans sa capacité à
prendre en compte les actes et comportements qui lui sont soumis, les mettre en mots et
les représenter de façon adéquate
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⇒ L’une des raisons est que si l’on comprend le processus des chocs (stimulation
électrique transcrânienne), les mécanismes d’action physiologiques demeurent une
énigme
- Hypothèse de compréhension psychologique : repartir de la phénoménologie des
convulsions au sein de la pathologie la représentant par excellence : l’épilepsie
⇒ Pour comprendre les bases psychologiques de l’épilepsie, il faut l’aborder en
recherchant les dimensions adaptatives qu’il pourrait révéler et faire un détour par les
données de l’éthologie animale
- Crises de convulsions interprétées d’un point de vue adaptatif : si une souris n’est pas
anesthésiée, elle présente une réaction convulsive tonique dès le début de la chute et
survit au choc
⇒ Le monde animal un avantage adaptatif évident : les crises de convulsion (agitation
désordonnée) permettent d’échapper à certains dangers de la prédation
- Des comportements désorganisés et une immobilisation (simulation de la mort)
garantissent un meilleur taux de survie qu’une fuite conventionnel
- On a aussi observer que les animaux disposant d’un refuge dans une cage, même s’ils
entendent le stimulus sonore déclencheur, ils s’abritent et ne présentent pas de crise
⇒ Le territoire en tant que lieu d’abri aurait donc un rôle protecteur, ou plutôt, si l’on
estime que la crise convulsive est adaptative, remplirait la même fonction puisqu’en
présence de l’un, le second mécanisme n’aurait pas à se déclencher
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- Le maniaque qui est agressif, possède un sentiment de toute-puissance et à la recherche
de sensations extrêmes (“le maniaque se comporte partout comme si il était chez lui”), le
maniaque est sur son propre territoire
- Le mélancolique se rapproche d’un animal qui s’aventure sur le territoire d’un
congénère et perd toute agressivité et toute séduction (le mélancolique n’est jamais chez
lui)
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- Raptus = impulsion (paroxystique), désir soudain et impérieux d’accomplir un acte qui
peut être violent (il pourrait conduire à l’agression meurtrière, au suicide, à
l’automutilation, à la fuite éperdue)
⇒ L’hypothèse du raptus confirme l’existence non exceptionnelle mais inattendue et
paradoxale, d’une mise en activité surprenante de sujets mélancoliques pourtant
caractérisés par une extrême passivité
- Interprétation compréhensive des mécanismes d’action de la thérapie par électrochocs
⇒ le choc transcrânien aurait l’effet de ces chocs marquant l’activité paradoxale
mélancolique identifiée par la tradition psychopathologique en tant que “raptus”
Le choc serait un acte de territorialisation excessif qui permettrait au mélancolique de
lutter contre sa tendance à n’être nulle part chez lui
⇒ Le mélancolique doit être considéré plus que comme un être fondamentalement
déterritorialisé, tel un sujet territorialisant de façon paradoxale (dans la passivité, surgit le
choc territorial mélancolique)
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- Le coup de feu peut être reconsidéré comme un acte de reterritorialisation, comme la
mise en mouvement d’un corps, touché par l’émotion, comme un acte de liberté,
l’instant de la vie de Jonas lors duquel il était le plus libre
Conclusion :
- La phénoménologie de l’électrochoc suggère de nombreux chocs implicites
- Les mélancoliques doivent être repensés comme :
- des individus à la recherche d’un choc
- des personnes “passivisées” qui font preuve subitement d’une grande activité,
paradoxale et inattendue (le raptus)
- des personnes n’étant nulle part chez eux mais toujours susceptible de poser un acte de
“territorialisation choquée”)
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- Le film constitue une sorte de famille à 3 (autant décomposée que recomposée)
constitué par Davis, Chris et la mère de celui-ci, Karen
- Dans le travail de reconstruction de soi qu’il accomplit après la mort de son épouse,
Davis devient le métronome du duo formé par la mère et le fils, proche l’un de l’autre
mais incapable de permettre à l’autre de trouver un équilibre personnel et amoureux et
ce par un manque d’une qualité que les 2 reconnaissances à Davis : la sincérité
- Davis a un besoin de se raconter encore à encore à travers ses lettres
- La relation de Karen et son fils est marquée par le silence et l’impossibilité de parler de
la vie amoureuse (on peut s’aimer sans être attentif à ce qui passe dans l’existence de
l’autre)
- En entrant à l’improviste dans la vie de Karen et Chris, Davis fait l’expérience de la
réciprocité et l’expérience de la forme primaire du deux
⇒ il ne fait pas l’expérience de la réciprocité pour lui-même autant qu’il ne l’éprouve au
travers de la découverte de celle-ci qu’il autorise chez ses nouveaux amis
⇒ cette expérience de réciprocité donnera l’occasion à Davis d’éprouver par lui-même
(et sur lui-même) la transformation de soi dont il se fait le vecteur pour Karen et Chris
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- Au-delà d’une psychopathologie de l’homme en situation se fait ainsi jour la nécessité
d’une phénoménologie qui porte son attention vers les pathologies de la vie sociale
- Les questions qu’une phénoménologie clinique des pathologies sociales se doit de
mettre en évidence avec obstination
(1) question du corps
(2) question de l’héritage
(3) question de l’institution sociétale
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⇒ Les techniques sont des modes d’actions spécifiques irréductibles aux capacités du
corps humain
- Les techniques du corps sont l’accomplissement des techniques outillées (A partir des
techniques outillées et de leur développement généralisé que le corps a pu être utilisé, en
l’absence même d’outils, comme un outil)
La capacité d’utiliser son corps et sa plasticité viennent de l’incorporation de certains
fonctionnements du monde extérieur qui viennent s’inscrire dans notre corps
⇒ Les techniques du corps sont une “extension” des techniques outillées (et non le
contraire)
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⇒ Davis et Jonas se trouve confronté à cette nouvelle exigence de culture “habiter sans
laisser de trace” (= rester à la surface de choses solides et lisses, ne pas être situé, ne pas
pouvoir se territorialiser)
- En détruisant sa maison, Davis rompt avec cette singulière condition qui faisait de lui un
homme sans techniques déréalisé dans un monde sans aspérités qui ne lui offrait aucune
prise
- Le film propose une réflexion fine sur ce qui fait qu’un homme devient un homme à
partir de l’apprentissage des techniques (qui est violent et tardif chez Davis)
- La question de l’éducation est envisagée sous 2 aspects :
1ère éducation : éducation précoce qui fait de nous des sujets humains (du petit homme
un enfant)
2ème éducation : accent sur l’apprentissage des rôles sociaux que nous devons incarner
dans notre vie d’adultes
⇒ Davis n’a pas bénéficié de ces 2 éducations, il a dû se contenter de singer toute sa vie
des manières de faire et des valeurs ne devaient pas l’intéresser puis des normes et
techniques qui auraient dû l'intéresser sans qu’il sache comment faire
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- Alors que Jonas perd tôt son père et reste scotché à sa mère, Davis semble toujours
détaché de son milieu natal (comme s’il n’avait pas été éduqué)
⇒ Il n’est pas questions qu’il ait apprises les techniques et les valeurs
- “On vient toujours de quelque part” : Assumer cela permet de “se retrouver” ailleurs et
de pouvoir y cohabiter correctement avec soi-même et avec les autres
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Du temps et des hommes : une conception heideggérienne de l’héritage (p.100-102)
- 2 conceptions de l’héritage :
1ère conception : se pare de l’évidence et vise à la conservation d’un statut quo que rien
ne devrait venir contester (comme pour Jonas)
2ème conception : l’héritage relève toujours d’une invention qui suppose un intérêt
présent pour le passé (hériter relève d’une structure de curiosité qui sélectionne et
dispose des éléments du passé comme dignes d’être hérités en fonctions des questions du
présent)
- La relation entre Davis et Chris met en avant cette 2ème conception : Davis s’active
autour de
Chris afin de lui transmettre de suite le goût de l’authenticité et de la liberté qu’il est,
pour son compte, en train de conquérir durement et chèrement (possible d’hériter à 15
ans sans priver personne de ce qu’il a ou de ce qu’il est)
- Conception heideggérienne de la temporalité et l’historicité : l’héritage est une libre
disposition choisie de certaines possibilités passées (aucune contradiction entre héritage et
choix
- Être soi-même revient à choisir un héritage, à prendre en charge et assumer certaines
possibilités (l'héritage est une structure d’attention et de responsabilité)
- Par les possibilités hérités-choisies que je suis, j’échappe à l’arbitraire et à la multiplicité
fuyante des possibilités pour me rapporter à moi-même sur un mode unifié
⇒ L’héritage est une manière de donner une certaine stabilité à une existence jetée dans
le monde et exposée à la “distraction” ou à la “dérobade”
- La question de l’héritage renvoie à ce qui, au sein même d’une existence, articule celle-
ci entre sa naissance et sa mort
⇒ Ce n’est que par le fait d’hériter et de choisir ce qu’on est qu’il est possible de
coïncider avec sa situation (ce n’est qu’à la condition de choisir sur le mode de l’héritage
ce que l’on est déjà qu’il est possible d’être “pour son temps”)
⇒ Mais comment faire lorsqu’on est dans l’impossibilité d’hériter comme Jonas et Davis?
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- Il peut toutefois hériter que d’une manière singulière : par la réappropriation de
l’amour qu’il a eu pour son épouse
- Les techniques de soin que l’humanité a depuis toujours mises en œuvre à l’égard des
morts : il faut s’occuper des morts comme on s’occupent de notre corps vivant
⇒ Pour Davis, il ne s’agit pas pour lui de soucier d’autrui après sa mort, mais de se
récupérer lui-même en mettant en oeuvre un ensemble de moyens pour se préoccuper
d’une personne morte (ex: visites au cimetière)
- Lors de sa visite au cimetière, il rencontre celui qui a tué sa femme qui n’arrive pas à se
pardonner à tel point qu’il le prend pour l’amant de Julia
⇒ Se rendant compte de sa méprise, Davis ne peut pas ne pas se préoccuper du sort de
cet homme qui a pourtant ôté la vie à sa femme (il s’agit de voit dans ce passé un destin
dont il pourra ou non faire quelque chose, cet homme est un compagnon pour l’étrange
aventure de Davis)
- Davis cherche à travers les chocs à instaurer un “dialogue d’ombres” avec son épouse et
l’enfant qu’elle a choisi de ne pas garder
⇒ L’échographie retrouvée par Davis signifie l’attachement de Julia à Davis et l’exigence
de celui-ci de veiller enfin sur elle et sur ce qui avait pu l’affecter
⇒ Récupérer ses émotions et retrouver un corps relationnel passe par ce dialogue
d’ombres qui le ramène paradoxalement du côté des vivants
- Il s’agit d’hériter de tous les moments importants passés, sans rien laisser de côté, sans
faire d’inventaire, sans rien prétendre fonder d’autre qu’une vie pour laquelle
l’important est simplement d’être tel qu’on est
- Au-delà de la question de l’amour, c’est la question du fondement du rapport social qui
est interrogé par Démolition : il ne peut être question de faire le deuil de la parenté, non
pas comme institution sociale, mais comme puissance d’institution de la vie sociale
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- Le manège est l’objet technique par excellence: il exhibe sa technicité et le soin que
requiert son bon fonctionnement entièrement dédié au plaisir de ceux qui s’y précipitent
pour faire quelques tours
- Le manège de Davis fait irruption dans l’image et ouvre de nouvelles perspectives: il est
à la fois corps magnifié de Davis et son outil par excellence lui permettant de renouer
avec les autres
⇒ Ayant retrouvé toutes ses capacités techniques et relationnelles, Davis invite sur son
carrousel l’ensemble des personnages du film (vivants ou morts, enfants ou adultes) enfin
joyeusement réunis dans une ronde qui les met à l’unisson
- Davis est désormais celui qui rassemble son entourage et les synchronise autour de lui
(on peut le comparer à Jonas qui accepterait d’être son propre métronome et celui des
siens)
- La situation n’est pas complètement pacifié : des vivants croisent des morts et se laissent
hanter par ceux-ci
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⇒ L’amok ne relève pas uniquement des comportements de l'ethnographie des sociétés
traditionnelles colonisées mais contribue aussi à la production d’une ethnopsychiatrie de
la société contemporaine
- Le terme amok est associé à une nouvelle de Zweig qui fait le récit de la passion folle
pour une jeune femme, qui ne se donnera jamais à un médecin européen parti en Malaisie
⇒ la personne amok n’est pas un indigène, mais un européen qui n’arrive pas à se fuir
- La nouvelle de Zweig donne accès à une autre histoire du progrès technique et moral
qui aurait caractérisé la modernité occidentale et montre cette violence qui finit par
rattraper le protagoniste qui comme le mélancolique n’a trouvé aucune place où il
pouvait vivre
- Le terme amok est utilisé dans le contexte d’attentats terroristes, de school shootings
mais est peu utilisé en français et se trouve donc coupé de la théorie ou il a été élaboré
conceptuellement par Mauss, dans un dialogue critique aux implications considérables
engagé avec certaines des implications politiques de la nouvelle de Zweig
⇒ L’enjeu était à l’époque de faire part des choses entre les manifestations d’un
enthousiasme révolutionnaire (privé depuis quelques décennies), la possibilité d’une
transformation sociale radicale et ce qui dissimulerait de tendances régressives et
destructrices
- Il reviendrait de réactiver le cadre théorique propre à l’amok ouvert par les travaux de
Mauss sur les formes d’émotivité sociale de grande intensité
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⇒ Le travail de terrain de Devereux est marqué par le travail de Malinowski et témoigne
d’une grande attention à l’intimité des personnes et la vie quotidienne des villages
observés
⇒ Pour Devereux, l’amok ne peut valoir que pour la Malaisie, que pour les Malais qui
sont préparés, comme culturellement programmés, à avoir ce comportement dans telle
circonstance qui requiert ce comportement
- Selon Devereux, l’amok est une conduite appartenant à un répertoire de
comportements culturels étranger sociétés occidentales modernes
- L’amok et le latah sont des désordres ethniques (= une manière déterminée par laquelle
une culture prescrit la manière de déroger en situation de stress et de conflit par rapports
aux conduites autorisées)
⇒ Manière dont une société en vient à tolérer en son sein une forme de folie qui ne peut
être réprimée (dans chaque culture, il y a une “manière convenable d’être fou”)
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⇒ La notion de techniques de corps soutient qu’un individu n’est capable de faire que
quelque chose que quand il a intériorisé un ensemble de normes sociales qui lui
permettent de coordonner ses mouvements et actions pour réaliser une action
efficacement et socialement reconnue (éducation du sang froid)
- Il s’agit d’entendre que même les conduites anormales (ou conduites déviantes) font
l’objet d’une éducation
⇒ Face aux contradictions que la complexité d’une société expose aux individus qui la
composent, celle-ci aménage le moyen pour les individus de déroger à ses valeurs
honorablement et parfois valorisée
- Devereux parle de modèle d’inconduite comme des “valeurs sociales antisociales” qui
permettrait à l’individu d’être antisociale d’une manière socialement approuvée et parfois
prestigieuse
⇒ La reproduction d’une société et le respect de son intégrité ne peuvent être atteints
qu’à la condition que les valeurs de cette société “intériorisent” à leur tour la possibilité
pour un individu de produire un écart significatif par rapport à l’expression normale des
normes sociales (il y a également une éducation de l’émotivité intense, que Mauss appelle
états “paniques”)
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mesure ou la simplicité de ces sociétés et l’intensité des processus de socialisation
facilitent l’adaptation à la situation sociale totale
- Thanatomanie: perte du désir de vivre, perte d’élan vital de personnes en parfaite santé
les conduisant vers la mort suite à la perte de leur prestige social
⇒ L’hypothèse freudienne y voit dans cette forme d’autodestruction une tendance
fondamentale à retourner vers l’inorganique
⇒ Mauss avait pour but de décrire une forme d’émotivité intense qui inciterait à
relativiser la fascination suscitée par les récits d’amok
Dans un contexte marqué à la fois par des formes de destruction et de tueries de masse
mais aussi par des espoirs révolutionnaires, l’étude de Mauss, qui rapporte les
comportements d’amok à des formes d’emprise totale de la société sur l’individu
⇒ Mauss insiste sur la dimension d’impuissance (et non de puissance révolutionnaire) de
ce comportement (l’amok n’est qu’une expression parmi d’autres de réactions
individuelles qui prennent le corps dans des états d’émotivité collective intense)
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⇒ Dans les sociétés peu évoluées, ce genre de renonciation peut représenter pour le sujet
une violente affirmation de son individualité fonctionnelle et de son unicité (les enjeux de
courir l’amok ou de renoncer au jeu social sont les mêmes)
- Plus question de passer à côté de la violence de ces comportements ni de dissimuler la
puissance d’affirmation individuelle qui s’y manifeste en-deçà de toute personnalité
consituée
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- Si l’on se tient au fait que le potlatch est une forme agonistique du don qui permet de
transformer la violence de la rencontre en une forme de relation qui se situe encore au
plus près de la violence qu’elle cherche à conjurer, l’amok serait la manière dont
l’individu instaure une 1ère forme de respiration sociale (qui lui permet de se décoller
d’une adaptation complète à la situation sociale totale, c’est-à-dire la loi)
- Mauss considère l’équilibre d’une société selon l’alternance de concentration sociale et
de moments de dispersion pour les individus et les groupes locaux qui leur donnent la
possibilité de se tenir provisoirement à distance des exigences sociales
- Le mélancolique est donc un être qui aurait besoin d’un choc qui lui est souvent refusé
et qui serait en quête d’un acte de liberté ou de territorialisation qu’il n’a peut-être
encore jamais posé (Un choc doit être éprouvé, à semble être essentiel)
- Le soin qui est procuré au mélancolique, à travers une camisole ou dans une chambre
capitonnée, à pour objectif de l’empêcher de vivre ce choc
- Refus social qui empêche l’instauration (ou restauration) de la dialectique de la conduite
et inconduite
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- La proposition du livre est d’approcher le vécu singulier d’une mélancolique qui passe
de la passivité à une forme extrême d’activité paradoxale et inattendue
- Le mélancolique est déterritorialisé (mais partiellement si on ajoute le raptus, sa
capacité à poser un acte de territorialisation choquée)
- Le mélancolique rend un double service en tendant un miroir qui rend visible d’une
part les conflits qui se jouent dans l’implicite de la normativité sociale et, d’autre part, la
transformation insensible de ces normes implicites en une normativité vide que plus
personne ne prend en charge (en un ordre social que chacun endosse sans se donner les
moyens de le réfléchir)
- Dans la rencontre entre Jonas et les agents ce n’est pas uniquement la comédie sociale
qui se dénonce, mais aussi toutes les comédies sociales au sein desquelles celle-là avait pu
s’instaurer (la plus terrible étant celle qui réduit chaque individu à être le masque que la
société lui tend)
- Jonas est un homme libre capable d’émotion plutôt qu’un homme empêtré dans une vie
banale et sans saveur
- Description de différents Jonas (on le pluralise/dépersonnalise au lieu d'insister sur son
anormalité et sa déviance)
- L’étude anthropologique de Jonas n’aurait aucun sens à être limitée à une description
clinique de son hyperonymie idiosyncratique
⇒ Il serait malencontreux de limiter l’enquête au démontage de la normativité vide et du
pseudo-monde de Jonas, en se limitant à constater l’inadéquation de son existence par
rapport à des normes sociales qui resteraient non discutées
- L’hypothèse finale d’un Jonas coureur d’amok attire l’attention sur la pathologie d’un
monde social ou la seule possibilité de déroger, la seule inconduite possible est
l’explosion violente et soudaine
- Toute ressemblance avec le monde que nous cherchons à habiter serait parfaitement
fortuite
- Il existe de nombreuses manières de lire mais l’essai du cas Jonas invite encore à un
autre type de flânerie possible, savamment orchestré par les auteurs, et qui n’a rien de
superflu ou d’ostentatoire.
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- Il faut savoir le lire à travers les épigraphes: les citations qui introduisent les chapitres ne
sont pas des vêtements que l’on pose sur le corps du texte comme un emballage inutile,
un accessoire invité à être enlevé à la manière dont on déshabille le corps de ses artifices
⇒ On peut vouloir lire “le cas Jonas” à l’aide des épigraphes, que les auteurs sèment au
gré de leur investigation pour tous leurs lecteurs
- Le cas Jonas n’est pas une biographie psychologique, mais l’histoire philosophique d’une
vie condensée dans un geste social, un coup de feu “criminel” en direction de la police
- On plonge à rebours les émissions sur les serial-killers qui nous fascinent tant elle nous
donne l’illusion d’accéder à la psyché d’un crime que l’on croit inimaginable
- Sartre, Minkowski et Mauss: le sens d’un geste ne s’épuise pas dans la chaîne causale des
motifs qui l’aurait vu naître
⇒ Il est question de ce “rien” qui porte nos actes et qui pourtant fait de notre conduite
humaine autre chose que l’effet naturelles et des raisons sociales
- Le geste de Jonas s’apparente au vertige: sur le pas de sa porte, en face de la police,
Jonas éprouve un vertige devant sa condition mélancolique, que les auteurs comprennent
comme l’état d’un sujet sans avenir
⇒ Il s’agit d’un vertige heureux: Jonas retrouve une forme de mobilité dans une vie
siphonnée par la comédie sociale (Pour une fois Jonas sent qu’il peut)
- Englebert et Cormann prennent soin d’attirer l’attention sur la fissure que ce geste
introduit dans la continuité mélancolique
⇒ A rebours d’une psychopathologie populaire, nourrie aux exigences du tribunal et qui
nous encourage la continuité logique d’une vie, les auteurs nous invitent à penser le sens
d’un geste qui lézarde les murs (ç-à-d à partir de la discontinuité qu’il institue)
- Les auteurs rejoignent la théorie des systèmes :
d’un point vue en 3ème personne, le geste de Jonas est criminel
du point de vue subjectif, le geste apparaît comme un coup heureux, un acte de
revirement dans un jeu figé
⇒ Jonas n’agit pas par accumulation passée mais de surcroît. Il ne fait pas plus de la
même chose mais il tente de changer de système pour paraphraser un geste de
territorialisation
- L’explication que donne Jonas de son geste n’est pas sans rappeler Meursault: “c’est
parce Maman est morte”
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- La logique du monde social est passablement loufoque, du moment qu’elle veut donner
à tout prix un sens limpide à nos faits et gestes
- Le juge veut connaître les raisons que l’expert psychiatre se chargera de lui fournir en
reconstruisant à partir d’un geste, une chaîne causale au terme de laquelle il découvrira
une nature déviante qui aurait présidé à la conduite malheureuse comme elle serait en
mesure de prédire les conduites à venir (Mieux vaut un monde mal expliqué que pas
d’explication du tout)
- Jonas n’entre pas si facilement dans la régularité des moeurs et des explications (mais il
n’est pas enragé non plus)
⇒ Le rapprochement entre son acte de l’épilepsie et de l’électrochoc (sorte de fuite sur
place) nous amène à comprendre le geste moins insensé qu’il n’y paraît (Là ou, de
l’extérieur, la sagesse populaire voit l'effondrement d’un destin de looser, les auteurs y
lisent une utopie, la promesse d’un territoire)
- Le geste de Jonas est utopique dans le sens qu’il installe le sujet dans un lieu suspendu,
un écart à mi-chemin entre le réel et le virtuel
⇒ Jonas ne décompense pas mais connaît le vertige du possible, cette promesse d’un
refuge que l’on voit poindre dans la transition et le passage
- Pour expliquer Jonas, il faut la délicatesse de l’imagination et l’image qui conviendrait
son étrange et improbable lieu de résidence serait cette frégate de corsaires (“Le navire,
c’est l’hétérotopie par excellence. Dans les civilisations sans bateaux les rêves se tarissent,
l'espionnage y remplace l’aventure, et la police, les corsaires)
- Jonas n’est pas un délinquant, un perdant, un fou ou un inadapté et n’est pas rencontré
à partir d’une collection de cas délinquants qui montrerait la loi implacable de la nature
déviante
- Si Jonas est un cas, c’est au sens étymologique de l’événement qui survient et marque
un écart, un déplacement et les auteurs collectionnent la multiplication des prises de vue
psychologiques, anthropologiques, philosophiques, ...
Sommes-nous dans une époque où il ne semble plus possible d’affirmer quoi que ce soit
sans le recours à des données empiriquement validées?
- Pourtant, c’est bien en vertu de cette variation imaginative que viennent à s’esquisser
devant le lecteur les contours d’une destinée qui prend le large (quelque part à mi-
chemin entre le conformisme des colons et le banditisme de la piraterie)
⇒ Il faut pouvoir imaginer Jonas corsaire
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