II.

L’existence d’autrui : de la réification au conflit

a) L’existence d’autrui (suite)

Réflexion sur la question juive

Le portrait de l’antisémite est intéressant car il présente une attitude qui condense en elle
tout à la fois la mauvaise foi et la pratique de la réification.
- L'Être le Néant : réification comme une conséquence de la séparation ontologique
originaire entre les consciences
- Réflexions : compliquer l'analyse > facteurs sociaux dans la production de la
réification
Antisémitisme : réaction de la petite bourgeoisie provinciale nationaliste et Maurrassienne
déclassée économiquement et socialement par l'évolution de la société moderne
- Angoisse face à la liberté et à la responsabilité qui en découle ;
- Tentative de se trouver une essence : s'identifier au pays et à ce qu'elle pense être
l’identité nationale française (revendication de la possession de la terre à laquelle on
s'identifie
- Identification magique avec lui via le sang des ancêtres qui y ont déposé leur travail
et qui l'ont façonné ;
- Forme particulière de mauvaise foi : fabriquer une essence juive, l’imposer et la
poser en face de soi comme le portrait négatif qui permet de se choisir soi-même ;
Inconséquence
- d'un côté adversaire doté d'une identité immuable (réification) ;
- de l'autre: pour le persécuter et le punir, il faut malgré tout le doter d'une forme de
liberté (reconnaissance) ;
- compromis antisémite: cette liberté est limitée par sa nature et c'est seulement alors
une liberté-pour-faire-le-mal.

Le portrait du colonisé
L'analyse des processus de réification peut être surdéterminée par le recours à la situation
historique de la colonisation dans et par laquelle ils se produisent.
- Mauvaise foi et reconnaissance: la violence militaire coloniale ne peut commencer
qu'à partir du moment où l'on dénie aux futurs colonisés un statut d'égalité: il faut
toujours faire du colonisé un homme assez particulier pour montrer que la
colonisation ne déroge pas au code moral de la puissance colonisatrice ;
- Une des fonctions du racisme, c'est de compenser l'universalisme latent du
libéralisme bourgeois : puisque tous les hommes ont les mêmes droits, on fera de
l'Algérien un sous-homme ;
- Rapport social contradictoire: difficile pour les nations démocratiques d’asservir des
hommes semblables ; gouvernementalité de la force est trop coûteuse > contredit
l'exigence économique de la colonisation qui consiste à faire travailler ;
- Compromis : concéder des avantages relatifs et les faire bénéficier d'une certaine
sécurité («civilisation» enveloppe maximisation du rendement et de l'obéissance) ;
 - Même logique de maximisation : sélectionner une élite intellectuelle à laquelle on
dispense des formations approfondies destinées à lui conférer la fonction de relais
dans l'exercice du pouvoir local ;
- Contradiction : colonisateur et colonisé partagent en puissance les mêmes valeurs ;
donc il faut en déduire la nécessité de mettre en pratique cette égalité > le
colonisateur devrait alors renoncer à la domination.

Honte, antisémitisme et colonialisme ont en commun un déni de liberté subi par les
consciences dominées : elles sont réduites à des qualités ou des propriétés négatives qui
les enferment dans une identité déterminée.
La violence sociale commence, non pas à partir du moment où l'on porte physiquement
atteinte à la personne, mais à partir du moment où se produisent des phénomènes de
catégorisation qui enferment les individus dans des classifications déterminées en les
privant de la capacité de s'en délivrer.

Quelle réaction possible?

Je suis l'objet d'un jugement et d'un acte de catégorisation impératif.
En principe, je suis contraint de prendre sur moi le point de vue du regard d'autrui.
Mais si, en prenant ce point de vue, je suis conduit à me juger conforme à son jugement, il
en résulte que j'ai à continuer à être ce que je suis.
La pratique de la catégorisation se donne en apparence sous un air faussement
descriptif, mais réellement impératif: la catégorisation constitue donc une sorte de
négation cachée de la liberté.

(Suite: les types de luttes entre les consciences)