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MANUEL D’ÉTUDE

Droit constitutionnel

Professeur : Marc Uyttendaele 2022-2023


MODALITÉS DE L’ORAL 3
Première partie : Les fondements et les grandes problématiques du droit
constitutionnel belge 4
Leçon 1 : La démocratie et la souveraineté 4
Leçon 2 : L’État et la séparation des pouvoirs 12
Leçon 3 : Le pouvoir constituant 18
Leçon 4 : La hiérarchie des normes 26
Leçon 5 : Le contrôle de la hiérarchie des normes 32
Leçon 6 : Le régime représentatif 42
Leçon 7 : Le système électoral belge 50
Leçon 9 : Le parlementarisme rationalisé 59

Deuxième partie : Le pouvoir politique 65


Leçon 10 : Le statut du parlementaire 65
Leçon 11 : L’organisation des Parlements 80
Leçon 12 : La fonction législative 86
Leçon 13 : Les fonctions de contrôle du Parlement 99
Leçon 14 : Naissance et vie des gouvernements 109
Leçon 15 : Cessation de fonction des gouvernements et de leurs membres 125
Leçon 16 : La responsabilité pénale des ministres 137
Leçon 17 : Les fonctions des gouvernements 142

Troisième partie : Le pouvoir juridictionnel 152


Leçon 18 : La Cour constitutionnelle 152
Leçon 19 : Les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire 168
Leçon 20 : Le Conseil d’État 175
Leçon 21 : La responsabilité des pouvoirs publics 182

Quatrième partie : La Belgique fédérale — Institutions et organisation de


leurs relations 186
Leçon 22 : Le fédéralisme belge 186
Leçon 23 : Les institutions fédérales — Le chef de l’État 193
Leçon 24 : Les institutions fédérales — Le bicaméralisme 203
Leçon 25 : Les institutions des régions et des communautés 209
Leçon 26 : Bruxelles et la Communauté germanophone 216
Leçon 27 : Les compétences matérielles dans les textes 228
Leçon 28 : Les compétences matérielles dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle 235
Leçon 29 : Les compétences territoriales 240
Leçon 30 : Conflits, coopération et relations internationales 246

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MODALITÉS DE L’ORAL

Lors de l’examen oral, sont posées dans un premier temps une question de fondement et
une question de fond. L’examen ne sera pas poursuivi si l’étudiante ou l’étudiant ne donne
pas de réponse ou donne des réponses manifestement insuffisantes à ces deux premières
questions. Dans les autres cas, lui sera posée une question de réflexion et un cas pratique.

Dans le présent document figure les questions qui peuvent être posées pour les questions
de fond, de fondement et de réflexion. Les cas pratiques ne sont pas portés à la
connaissance préalable des étudiants et étudiantes.

Peuvent également être posées des questions qui ont été examinées lors de l’examen oral
ou des questions sur les articles et documents publiés sur l’Université virtuelle.

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Première partie : Les fondements et les grandes
problématiques du droit constitutionnel belge

Leçon 1 : La démocratie et la souveraineté

• La matière à étudier

- La souveraineté (n°5 à 9).


- L’interdiction des partis liberticides – principe (n°11 et 12 en ce compris les notes 23 et 24)
- L’article 15 ter de la loi du 4 juillet 1989 (n°13 à 17)
- Le délit de presse à caractère raciste ou xénophobe (n°18 à 19)
- Les tribunes électorales (n°20)
- La souveraineté internationale (n°21)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CEDH, Arrêt du 13 février 2003, Refah Partisi


- CEDH, Arrêt du 10 juillet 2012, SGP
- CC 10/2001 du 7 février 2001 – 15 ter
- CE n°213.879 du 15 juin 2011, De Coene
- Cass 18 novembre 2003 – Vlaams Blok
- CE 80.787 du 9 juin 1999, Bastien et CE, n°171.094 du 11 mai 2007, Robert – tribunes
électorales

• Les questions de fondement

1. La Belgique est un Etat de droit

Titre II de la Constitution « Des Belges et de leurs droits »


Art. 10 de la Constitution :
« Il n’y a dans l’État aucune distinction d’ordres.
Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires,
sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.
L’égalité des femmes et des hommes est garantie. »

2. Le mandat impératif n’existe pas en droit belge

Selon la théorie de la souveraineté populaire, le mandat des élus est particulier et impératif.
Il est particulier en ce sens qu’il exprime la volonté d’un groupe de citoyens : les électeurs
d’une circonscription. Il est impératif car il est limité par les ordres des électeurs.

Or, en Belgique, selon l’article 42 de la Constitution,


« Les membres des deux Chambres représentent la Nation, et non uniquement ceux qui les
ont élus. »

3. La possibilité d’interdire des partis liberticides

Article 17 CEDH : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être


interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des
droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de
ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention. »

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=> La Commission européenne des DH affirme que, lorsque le régime prôné par un parti est
incompatible avec la Convention, et vise à la destruction de certains droit fondamentaux
qu’elle consacre, son interdiction se justifie au regard de l’article 17 de la CEDH.

Art. 11 de la Convention Européenne des droits de l’homme - Liberté de réunion et


d’association :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y


compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la
défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues
par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le
présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de
ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »

=> Enseignement de CEDH, Arrêt du 13 février 2003, Refah Partisi

4. La réduction ou la suppression du financement public d’un parti liberticide (plusieurs


fondements)

Article 15bis de la loi du 4 juillet 1989 :

« Pour pouvoir bénéficier de la dotation prévue à l'article 15, chaque parti doit, (...), inclure
dans ses statuts ou dans son programme une disposition par laquelle il s'engage à respecter
dans l'action politique qu'il entend mener, et à faire respecter par ses différentes
composantes et par ses mandataires élus, au moins les droits et les libertés garantis par la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à
cette convention en vigueur en Belgique. »

=> L’objectif poursuivi était de doter la commission de contrôle de moyens lui permettant de
priver des partis liberticides de tout financement public. Cependant, les ambiguïtés de cette
disposition ne lui permettaient pas de remplir l’objectif qui lui était assigné.

Article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 :


« § 1. Lorsqu'un parti politique par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses
listes, de ses candidats, ou de ses mandataires élus, montre de manière manifeste et à
travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et libertés garantis par la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à
cette Convention en vigueur en Belgique, la dotation, qui en vertu du présent chapitre est
allouée à l'institution visée à l'article 22 doit, si (l'assemblée générale de la section
d'administration) du Conseil d'Etat le décide, être supprimée dans les quinze jours par la
Commission de contrôle à concurrence du montant décidé par le Conseil d’Etat. »
Cette disposition permet à l’assemblée générale du Conseil d’État d’inviter la commission de
contrôle à supprimer le financement public d’un parti qui par son propre fait ou par celui de
ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus, montre de
manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et
libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.

Cependant, voir l’application qui a été faite de l’article 15ter par la Cour Constitutionnelle et
le Conseil d’Etat (affaires 15ter et De Coene et ctrs) ; l’article 15ter a perdu tout effet utile par
l’interprétation restrictive qui lui a été réservée

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5. Le tribunal correctionnel peut condamner l’auteur d’un tract raciste (plusieurs
fondements)

En 1999, l’article 150 de la Constitution a été modifié pour permettre une correctionnalisation
des délits de presse à caractère raciste ou xénophobe.

Art. 150 de la Constitution :


« Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à
l’exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie. »

Voir enseignements de l’affaire Vlaams Blok

La Cour de cassation rejette, le 9 novembre 2004, le pourvoi formé contre cet arrêt. Elle
constate que l’article 3 de la loi du 30 juillet 1981 transpose en droit belge l’article 4 de la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et
que cette disposition légale ne souffre aucune exception. Autrement dit, les partis politiques
ne peuvent pas plus que quiconque se rendre coupables de discriminations raciales.

Article 3 de la loi du 30 juillet 1981

Article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de


discrimination raciale :
« Les Etats parties condamnent toute propagande et toutes organisations qui s'inspirent
d'idées ou de théories fondées sur la supériorité d'une race ou d'un groupe de personnes
d'une certaine couleur ou d'une certaine origine ethnique, ou qui prétendent justifier ou
encourager toute forme de haine et de discrimination raciales; ils s'engagent à adopter
immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle
discrimination, ou tous actes de discrimination, et, à cette fin, tenant dûment compte des
principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et des droits
expressément énoncés à l'article 5 de la présente Convention, ils s'engagent notamment :

a) A déclarer délits punissables par la loi toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou
la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de
violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de
personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique, de même que toute
assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement;

b) A déclarer illégales et à interdire les organisations ainsi que les activités de propagande
organisée et tout autre type d'activité de propagande qui incitent à la discrimination raciale et
qui l'encouragent et à déclarer délit punissable par la loi la participation à ces organisations
ou à ces activités;

c) A ne pas permettre aux autorités publiques ni aux institutions publiques, nationales ou


locales, d'inciter à la discrimination raciale ou de l'encourager. »

6. Un traité peut créer une armée commune à la zone euro

Art. 34 de la Constitution :
« L’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des
institutions de droit international public. » => visent les institutions supranationales et les
éventuelles institutions politiques européennes à venir.

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• Les questions de fond

1. Qu’est-ce qui définit une démocratie ?

Une démocratie moderne suppose l’existence d’une infrastructure démocratique, d’une


réalité démocratique et d’un système d’autodéfense démocratique.

Hans Kelsen : « La démocratie moderne repose entièrement sur les partis politiques ; c’est
illusion de soutenir que la démocratie est possible sans partis. »

Le pluralisme des partis implique l’organisation d’élections contestées : l’exercice du pouvoir


est donc précaire, révocable et modéré. Les preneurs de décision doivent rendre compte de
celles-ci.

Une démocratie accomplie est pluraliste et complexe, ce qui suppose que l’opposition soit
investie du droit inaliénable de contester le pouvoir et que les minorités aient la garantie de
ne pas être dissoutes dans la majorité. Elle est également consubstantielle[1] à l’existence de
libertés politiques, telles que la liberté d’expression, la liberté de presse et une justice
indépendante[2].

Les conditions minimales de la démocratie, selon Pierre Mendes-France, sont le droit


inconditionnel des citoyens de choisir périodiquement leurs gouvernants, le droit
pour les minorités et pour les oppositions de s’exprimer librement et de conquérir le
pouvoir ainsi que l’existence de procédures institutionnelles permettant l’accès au
pouvoir et organisant la perte de celui-ci.

Il y a une parenté entre Etat de droit et démocratie => tous les Etats de droit ne sont pas des
démocraties MAIS pas de démocratie sans Etat de droit.

La démocratie exige des mécanismes de droit qui rendent l’action des gouvernants visible et
contrôlable, la mise en œuvre de techniques de contrôle interne ou externe au monde des
gouvernants et l’existence de droits et libertés permettant un débat public sur l’action des
gouvernants : publicité des débats, rôle de la presse et des médias, responsabilité des
gouvernements devant les parlements,…
[1] = Inséparable de
[2] Des Etats comme la Turquie ou la Russie ne sont dès lors plus des démocraties

2. Qu’est-ce qui distingue la souveraineté populaire et la souveraineté nationale ?

• La théorie de la souveraineté populaire se fonde sur le principe selon lequel chaque


citoyen détient une parcelle de souveraineté, et que la souveraineté de l’Etat n’est que
l’addition des fractions individuelles de souveraineté.

=> Conséquences :
- Conduit à des formes de démocratie directe. Selon cette théorie, l’électorat est un droit, et
non une fonction, le vote n’est dès lors pas obligatoire ;
- Le pouvoir de commander s’exprime par la volonté de la majorité de l’assemblée
parlementaire ;
- Le mandat des élus est particulier et impératif ;
- La souveraineté populaire peut être constitutive d’abus de majorité => ne prend pas en
compte la minorité ou l’opposition.

• Selon la théorie de la souveraineté nationale, la Nation, entité abstraite distincte des


individus qui la composent, détient le pouvoir suprême.

- L’électorat est une fonction, et peut dès lors être réservé à une catégorie de citoyens ;
- Cette théorie n’implique pas l’existence du suffrage universel, sans pour autant l’exclure ;

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- Considéré comme une fonction et non un droit, le vote peut être rendu obligatoire ;
- Mise en œuvre de la séparation des pouvoirs : équilibre permettant de contenir les
débordement ;
- La souveraineté nationale peut être constitutive d’abus de minorité : autorise une minorité à
imposer ses vues à la majorité.

3. Commentez l’article 33 de la Constitution et déterminez la pertinence du concept de


souveraineté dans une démocratie moderne ?

« Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la
Constitution. »

En droit constitutionnel belge, le concept de souveraineté nationale consacré par l’alinéa 1


de 33 C. est démenti par l’alinéa 2 de 33 C. => l’alinéa 2 consacre la prééminence du
concept d’Etat de droit sur celui de la souveraineté nationale. La nation et le peuple n’ont
tous deux qu’une existence théorique.

Dans une démocratie moderne, l’éclatement de la souveraineté entre diverses autorités qui
se partagent l’ensemble des fonctions étatiques (autrefois exercées par un souverain, le Roi)
a tué la notion de souveraineté.

Le véritable attribut indispensable à tout Etat n’est pas la souveraineté mais la « puissance
d’Etat », qui se manifeste par la capacité d’auto-organisation de l’Etat et qui consiste, avant
tout, pour une collectivité, dans le pouvoir de se donner à elle-même sa Constitution, de
déterminer par sa propre volonté, soit les organes qui exerceront sa puissance, soit
l’étendue et les conditions d’exercice de cette puissance.

4. Quels sont les enseignements de l’arrêt de la Cour européenne de sauvegarde des


droits de l’homme et des libertés fondamentales du 13 février 2003, Refah Partisi ?

L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme admet des exceptions à la


liberté d’association, notamment des partis politiques, bien qu’elles soient d’interprétation
stricte.

La dissolution du Refah Partisi constitue une ingérence dans la liberté d’association garantie
par l’article 11 : « Toute personne a droit a la liberté de réunion pacifique et à la liberté
d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats (…) ».

Pareille ingérence enfreint l’article 11, sauf si elle est « prévue par la loi », motivée par un ou
des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire dans une société
démocratique ».

La Cour conclut que « les propos et les prises de position en cause des responsables du
Parti de la prospérité constituent un ensemble et forment une image assez nette d’un modèle
d’Etat et de société organisée selon des règles religieuses, conçu et proposé par le parti »
De l’avis de la Cour, un tel projet est incompatible avec les principes fondamentaux de la
démocratie et avec les valeurs sous-jacentes de la Convention.

Selon la Cour, un parti politique peut mener campagne en faveur d’un changement de
législation ou des structures conventionnelles de l’Etat à deux conditions : les moyens
utilisés à cet effet doivent être compatibles avec les principes démocratiques fondamentaux
ET le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques
fondamentaux.

Un parti qui ne respecte pas ces conditions ne peut se prévaloir de la protection de la


Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs.

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5. Quels sont les enseignements de l’arrêt de la Cour européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales du 10 juillet 2012, SGP ?

L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme admet des exceptions à la


liberté d’association, notamment des partis politiques, bien qu’elles soient d’interprétation
stricte.

La dissolution du Refah Partisi constitue une ingérence dans la liberté d’association garantie
par l’article 11 : « Toute personne a droit a la liberté de réunion pacifique et à la liberté
d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats (…) ».

Pareille ingérence enfreint l’article 11, sauf si elle est « prévue par la loi », motivée par un ou
des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire dans une société
démocratique ».

La démocratie est l’unique modèle politique envisagé par la Convention et le seul qui soit
compatible avec elle.

La progression vers l’égalité des sexes au sein des Etats membres empêche l’Etat de
souscrire à l’idée que l’homme joue un rôle primordial et la femme un rôle secondaire.
Il n’est guère important de savoir si le refus de reconnaître un droit politique fondamental sur
le seul fondement du sexe se trouve expressément affirmé dans le règlement du parti ou
dans un quelconque autre document interne, dès lors que cette idée a été embrassée
publiquement et suivie dans la pratique.

La Cour européenne des droits de l’homme, par cet arrêt, confirme la compatibilité de
l’injonction faite par la Hoge Raad (d’accorder aux femmes le droit de se présenter sur les
listes du parti) avec la Convention.

6. Quelle est la portée de l’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 sur le financement des
partis politiques ?

Cette disposition permet de supprimer ou de réduire la dotation publique accordée à un parti


politique, qui, par son propre fait, par celui de ses listes, de ses candidats ou de ses
mandataires, « montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son
hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

7. Quelles restrictions la Cour constitutionnelle a apporté à l’article 15ter de la loi du 4


juillet 1989 sur le financement des partis politiques ?

Contexte : voir affaire Vlaams Blok

• Première réserve : Interprétation restrictive

Elle estime que cette disposition doit s’interpréter strictement, considérant que le terme
« hostilité » est peu précis. L’objectif du législateur, selon elle, est de défendre la
démocratique et de ne pas permettre que les libertés politiques soient utilisées afin de la
détruire. Selon elle, il faut interpréter le terme « hostilité » comme la manifestation d’une
« incitation à violer une norme juridique en vigueur » et notamment « une incitation à
commettre des violences et à s’opposer à ces règles ». La Cour estime que fait partie du
débat démocratique légitime le fait pour un parti de proposer que certaines règles figurant
dans la Convention reçoivent une interprétation nouvelle ou soient révisées, et il doit être
possible pour un parti d’émettre des critiques quant à la philosophie ou l’idéologie de ces
règles.

La Cour en déduit que la sanction ne pourra être prise que dans le cas d’une hostilité
manifestée à l’égard d’un principe essentiel au caractère démocratique du régime politique.

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Elle souligne que la condamnation du racisme et de la xénophobie constitue
incontestablement l’un de ces principes fondamentaux.

• Deuxième réserve : Immunité parlementaire

Les parlementaires des partis concernés bénéficient d’une immunité parlementaire.

Selon la Cour, une opinion ou un vote émis dans l’exercice d’un mandat parlementaire ne
peut donner lieu à l’application de la procédure prévue par l’article 15ter, en raison de
l’immunité parlementaire prévue par l’article 58 de la Constitution. Elle développe ainsi une
conception extensive de 58 C.

• Troisième réserve : Le parti qui a clairement et publiquement désavoué le membre


qui aurait manifesté son hostilité à l’égard des principes démocratiques ne peut être
sanctionné.

Cette réserve manque de sens, il aurait fallu requérir que des sanctions concrètes soient
prises à l’égard du membre en question, telles qu’une exclusion ou une interdiction de se
présenter à l’avenir sur les listes électorales.

! La Cour, par ces trois réserves, prive ainsi l'article 15ter d’une part de son effet utile

8. Quelle application concrète le Conseil d’Etat a fait de l’article 15ter la loi du 4 juillet
1989 sur le financement des partis politiques ?

Contexte : voir affaire De Coene et crts

Le Conseil d’Etat examine des propos xénophobes tenus par un des leaders du Vlaams
Belang. Il constate que les propos sont acerbes et polémiques mais que ce simple constat
ne suffit pas à sanctionner le Vlaams Belang, déduisant de la jurisprudence de la Cour
Constitutionnelle que l’hostilité aux droits et libertés doit impliquer une incitation à violer une
norme juridique en vigueur.

Il estime que la notion d’incitation signifie « encourager, stimuler, pousser à », cette


disposition perd donc tout effet utile.

9. Comment la Cour de cassation a-t-elle interprété la notion de délit politique afin de


sanctionner les propos racistes tenus par le Vlaams Blok ?

Contexte : Cass. 18 novembre 2003 – Vlaams Blok

Deux conditions doivent être réunies pour qu’une infraction de droit commun[1] soit qualifié
de politique, selon la Cour de cassation :

1. L’auteur de celle-ci doit avoir entendu agir avec l’intention de porter atteinte à l’ordre
politique ;

2. Les faits ont été commis dans des circonstances telles qu’ils sont de nature à avoir l’effet
recherché, soit porter directement atteinte aux institutions politiques.

La Cour estime que le simple fait que le parti politique ne peut exister que par la perpétration
du délit ne suffit pas à conférer à celui-ci la qualification de politique
[1] En l’occurrence une violation de l’article 3 de la loi du 30 juillet 1981

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10. Pour quelle raison un parti politique peut-il se voir refuser à la RTBF le droit de diffuser
une tribune électorale préalablement à des élections législatives ?

Contexte : Voir arrêts Bastien et Robert, au sujet des tribunes électorales

CE : Une institution du service public peut refuser de diffuser une tribune électorale d’une
formation qui ne respecterait pas les principes et les règles de la démocratie, même
lorsqu’elle ne comporte que des propos anodins.

Notamment sur la base de l’article 3 de la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des
tendances idéologiques et philosophiques – loi sur le Pacte culturel – qui impose à un
organisme comme la RTBF « d’associer à la politique culturelle toutes les tendances
idéologiques » pour autant qu’elles « acceptent les principes et les règles de la démocratie et
s’y conforment. »

Cela ne constitue pas non plus une violation de l’article 10 de la CEDH ou de l’article 19 de
la Constitution, lesquels consacrent la liberté d’expression et d’association.

Même si la RTBF était tenue, en vertu d’une décision judiciaire, de diffuser une tribune
électorale d’un tel parti, elle pourrait néanmoins refuser de diffuser les tribunes dont le
contenu serait contraire aux principes de la démocratie.

La RTBF est fondée à exiger que le parti souhaitant accéder à la tribune électorale lui
fournisse notamment son programme complet, ainsi que la liste de ses candidats et de ses
dirigeants nationaux et régionaux.

• La question de réflexion (liens)

1. Réflexion sur la notion de souveraineté (lien avec leçon 12 sur la primauté de la norme
législative)
2. Réflexion sur l’efficacité du système institué par l’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989
(lien avec leçon 10 – protection des parlementaires et avec leçon 21 – responsabilité
de l’Etat législateur)
3. Réflexion sur la correctionnalisation des délits de presse à caractère raciste comme
instrument de lutte contre les partis liberticides (lien avec leçon 19 – délit de presse)
4. Réflexion sur l’accès des différents partis aux tribunes électorales (lien avec la leçon 2
sur le principe d’égalité et la leçon 18 sur le principe d’égalité)

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Leçon 2 : L’État et la séparation des pouvoirs

• La matière à étudier

- La notion de territoire et ses subdivisions (territoire national – régions linguistiques –


provinces) (n°3 à 5)
- Le service public et les lois du service public (n°7 à 10)
- Les privilèges de la puissance publique (n°11 à 12)
- La séparation des pouvoirs (n°13 à 16)
- Le régime parlementaire (n°23 à 25)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE n°117.851, du 1er avril 2003, Van Cauter – tribune électorale BUB


- CE n°93.468 du 21 février 2001, Taymans
- CE, n°215.538 du 4 octobre 2011, XXXX (affaire du foulard)

• Les questions de fondement

7. La modification du territoire (plusieurs fondements)

Art. 7 de la Constitution :
« Les limites de l’État, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou
rectifiées qu’en vertu d’une loi. »

Art. 167, § 1, al. 3, de la Constitution :


« Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire, ne peut avoir lieu qu’en vertu
d’une loi. »

Art. 91 de la Constitution :
« Le Roi est majeur à l’âge de dix-huit ans accomplis.
Le Roi ne prend possession du trône qu’après avoir solennellement prêté, dans le sein des
Chambres réunies, le serment suivant:
« Je jure d’observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l’indépendance
nationale et l’intégrité du territoire. ». »

Titre I de la Constitution : « De la Belgique fédérale, de ses composantes et de son


territoire » (Art. 1 à 7 C.)

8. La modification de la frontière linguistique (plusieurs fondements)

Art. 4 de la Constitution :
« La Belgique comprend quatre régions linguistiques: la région de langue française, la région
de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue
allemande.
Chaque commune du Royaume fait partie d’une de ces régions linguistiques.
Les limites des quatre régions linguistiques ne peuvent être changées ou rectifiées que par
une loi adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des
Chambres, à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et
pour autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne
les deux tiers des suffrages exprimés. »
Texte en bleu = loi spéciale

Loi sur l'emploi des langues en matière administrative du 18 juillet 1966

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9. La création de collectivités supracommunales (plusieurs fondements)

Art. 41 de la Constitution

Art. 162 de la Constitution

=> Les auteurs de la 6ème réforme de l’Etat ont pris des mesures radicales quant au devenir
des provinces. Les articles 41 et 162 de la Constitution ont été modifiés afin de permettre
aux régions, par décret spécial, de les supprimer et, le cas échéant, de les remplacer par
des collectivités supracommunales. Les législateurs régionaux peuvent conserver les
provinces, les remplacer par des collectivités supracommunales ou encore les supprimer
sans leur substituer de telles collectivités.

10. La prise d’arrêtés-lois pendant les guerres

Il s’agit, tout d’abord, de la loi de continuité du service public qui postule le


fonctionnement régulier et continu du service public . Ce principe entraîne certaines
conséquences.

Ce principe a également permis, lorsqu’en raison de circonstances exceptionnelles, les


autorités constituées étaient incapables d’exercer leurs fonctions, de considérer comme
valables des actes accomplis par des personnes non investies ou irrégulièrement investies.
La Cour de cassation a, par exemple, dans un arrêt du 11 février 1919, estimé que le Roi,
seul organe du pouvoir législatif à avoir conservé sa liberté d’action pendant la première
guerre mondiale, avait pu valablement prendre des arrêtés ayant force de loi, qualifiés
d’arrêtés-lois.

Cass. 11 février 1919, Pas., 1919, I, p. 9. ; Voy. également Cass., 11 juin 1953, Pas., 1953, I,
p. 787.

Le principe de continuité du service public est d’ailleurs considéré par la Cour de cassation
comme un principe général de droit.

Cass., 19 octobre 1989, Pas., 1989, I, p. 200

11. Le service minimum dans les prisons (plusieurs fondements)

Loi / Principe général de droit de continuité du service public


Le droit de grève n’est plus à proprement parler interdit dans la fonction publique, mais dans
les services sensibles liés à la sécurité (gendarmerie, pompiers, services de police,
protection civile, hôpitaux publics, etc.), un service de permanence doit être mis en œuvre.

Art. 17 de la loi du 23 mars 2019 concernant l'organisation des services pénitentiaires


et le statut du personnel pénitentiaire :
« Afin de garantir la sécurité et la santé des individus incarcérés, il doit être prévu pendant
toute la durée de la grève, au minimum quotidiennement, que chaque détenu (…) »

• Les questions de fond

11. Comment modifier les limites du territoire national (a) - qu’en est-il des modifications
passées de ce territoire (b)?

(a) En vertu des articles 7 et 167, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, les modifications des
frontières ne peuvent être opérées qu’en vertu d’une loi. Une révision constitutionnelle n’est
donc pas requise.

(b) Des traités internationaux ont fixé les frontières du territoires belges.

13
En 1839, les Pays-Bas et la Belgique conclurent à Londres le Traité des XXIV articles
consacrant l’abandon par la Belgique du Limbourg hollandais et du grand-duché de
Luxembourg actuels.
Après la première GM, en application du traité de Versailles du 28 juin 1919, approuvé par la
loi du 15 septembre 1919, le territoire national s’accrut des cantons rédimés cédés par
l’Allemagne et du territoire contesté de Moresnet neutre.

12. Qu’est-ce qu’une région linguistique (a) – quelle est son utilité (b)– comment procéder
à une modification de ses limites (c) ?

(a)Les régions linguistiques dont l’existence est consacrée à l’article 4 de la Constitution,


s’analysent comme une simple division du territoire et ne sont pas pourvues d’une
organisation politique propre.

(b)Elles permettent de définir l’aire de compétence des Communautés française, flamande


et germanophone et assurent une division du territoire en 3 régions unilingues et en une
région bilingue permettant la mise en œuvre de la législation linguistique et le tracé d’une
frontière linguistique.

(c) Les limites de ces régions ne peuvent être modifiées que par une loi votée à la majorité
spéciale (art. 4 Const.).

13. Quelles sont les particularités et les fonctions des provinces ?

Les provinces ont une double fonction :


1. Elles sont de véritables collectivités politiques dotées d’organes propres, notamment d’une
assemblée élue au suffrage universel direct et d’un organe exécutif ;
2. En vertu de l’article 5 de la Constitution, elles permettent de définir le territoire des
Régions wallons et flamande => La Région de BX-capitale est identifiable par déduction
des deux autres Régions et n’est pas intégrée au sein d’une province.

Comment en modifier les limites ?

Les limites d’une province ne peuvent être modifiées qu’en vertu d’une loi votée à la majorité
spéciale => art. 5, al. 2, Const.

Est-il possible de les supprimer et quelles seraient les conséquences juridiques de cette
réforme ?

Oui, les auteurs de la 6e réforme de l’Etat ont modifié les articles 41 et 162 de la Constitution
afin de permettre aux régions, par décret spécial, de les supprimer.

=> Les provinces subsisteraient néanmoins à l’instar des régions linguistiques, comme des
subdivisions territoriales « permettant notamment de délimiter le territoire des entités
fédérées et des régions linguistiques, et de faciliter l’action de l’Etat, des communautés et
des régions grâce à des services administratifs ou juridictionnels déconcentrés ».

Est-il possible de les remplacer par d’autres structures et quelles seraient les conséquences
juridiques de cette réforme ?

Oui, les auteurs de la 6e réforme de l’Etat ont modifié les articles 41 et 162 de la Constitution
afin de permettre aux régions, par décret spécial, de les remplacer par des collectivités
supracommunales.

=> Ces collectivités doivent être dotées d’un statut constitutionnel identique à celui des
provinces, être pourvues d’une assemblée dont les membres sont élus au suffrage universel
direct, être appelés à régler toutes les matières relevant de l’intérêt supra communal et
bénéficier, en vertu de 173 C, d’un pouvoir fiscal propre.

14
14. Qu’est-ce que la loi de continuité – donnez en trois exemples tirés du droit
constitutionnel ?

La loi de continuité ou principe général du droit à la continuité du service public est un


principe général de droit qui postule le fonctionnement régulier et continu du service public.
Selon la Cour de cassation, ce principe tend seulement à assurer la permanence et le
fonctionnement des institutions publiques et n’impose pas nécessairement
l’accomplissement continu et permanent des services auxquels le citoyen a droit.

=> Exemples :
- Un gouvernement démissionnaire ne cesse pas totalement ses activités, puisqu’il doit
expédier les affaires courantes ;
- Les arrêtés-lois ;
- Un service public ne peut jamais être déclaré en faillite.

15. Qu’est-ce que la loi du changement – donnez en deux exemples tirés du droit
constitutionnel ?

La loi de changement ou de la mutabilité est un principe général de droit selon lequel


l’autorité publique peut modifier le statut, le fonctionnement et l’organisation du service public
pour les adapter aux exigences de l’interêt général.

=> Exemples :
- Les fonctionnaires n’ont aucun droit de maintien de leur statut (traitement, pension,…) ;
- L’autorité peut modifier unilatéralement les conditions d’exploitation d’un service public.

16. Qu’est-ce que le privilège du préalable ?

Le privilège du préalable contraint les particuliers à se plier aux décisions de l'autorité


publique, quitte à remettre en cause, par la suite, leur légalité devant la juridiction
compétente.

Le Conseil d’État a, à plusieurs reprise, relevé que le privilège du préalable impose à


l’administré de se soumettre à une décision administrative, fût-elle illégale.

17. Expliquez et commentez l’arrêt Taymans ?

=> Voir CE, n°93.468 du 21 février 2001, Taymans — P. 66 du précis

Monsieur Taymans, agent à l’Institut belge des services postaux et des Télécommunications
(I.B.P.T.) a obtenu un congé pour mission qui lui permet de travailler au sein de la
Représentation permanente de la Belgique auprès de l’UE. Il se voit refuser une prolongation
de ce congé. Considérant que cette décision est illégale, il en poursuit l’annulation devant le
CE et ne réintègre pas ses fonctions au sein de l’I.B.P.T. à la date prévue. Il est alors démis
d’office, et ce, sans préavis.

Le CE donne raison à l’I.B.P.T. au motif « qu’en vertu du privilège du préalable, le requérant


avait à s’incliner devant ladite décision, fût-elle illégale et que la seule conviction que celle-ci
n’était pas justifiée ne le dispensait pas de s’y plier ».

18. Expliquez et commentez l’arrêt du 4 octobre 2011, XXXX (affaire du foulard) ?

Voir CE, n°215.538 du 4 octobre 2011, XXXX (affaire du foulard) — P. 67 du précis

=> Le Conseil d’Etat admet qu’il soit dérogé au privilège du préalable lorsque l’administré
doit se soumettre à une décision manifestement illégale — à ses risque et périls.

15
19. Qu’est-ce que le privilège de l’immunité d’exécution ?

Le privilège de l’immunité d’exécution, qui est une conséquence directe de la loi de


continuité, interdit de prendre à l'égard d’une autorité publique des mesures d’exécution
forcée.

En effet, les biens de l’autorité publique sont, sauf exceptions, insaisissables (art. 1412bis
Code judiciaire).

20. Qu’est-ce que la séparation des pouvoirs vue par Montesquieu ?

Montesquieu, dans l’Esprit des lois, constate qu’il « y a dans chaque État, trois sortes de
pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du
droit des gens et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil » => le
pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Il est indispensable que ces 3 pouvoirs soient confiés à des organises différents.

La fragmentation du pouvoir permet d’organiser, entre les différentes branches de la


puissance publique, un équilibre qui sauvegarde la liberté individuelle : « Pour qu’on ne
puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le
pouvoir ».

21. Comment se présente la séparation des pouvoirs en droit belge ?

Selon le procureur général près la Cour de cassation, Jean-François Leclercq, bien qu’il ne
soit énoncé dans aucune disposition constitutionnelle, le principe général de droit de la
séparation des pouvoirs est consacré par la constitution dans son ensemble, plus
particulièrement par les articles 33 à 41.

L’équilibre des pouvoirs s’est progressivement substitué à la séparation stricte des pouvoirs.
Il existe une spécialisation des fonctions, mais certains chevauchements sont organisés en
vue d’assurer une collaboration nécessaire au bon fonctionnement de la puissance publique.
Le pouvoir judiciaire est le plus indépendant.

Il ressort des articles 36, 37 et 40, alinéa 2, de la Constitution que le roi intervient au sein de
chacun des 3 pouvoirs.

L’article 159 de la Constitution témoigne de la manière dont un pouvoir peut en arrêter un


autre : « Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux,
provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ».

Le Conseil d’État , la Cour constitutionnelle, la Cour des comptes et le Conseil supérieur de


la justice n’appartiennent à aucun des 3 pouvoirs, il y a donc, en réalité, beaucoup plus que
3 pouvoirs.

Il est possible d’expliquer, en marge du texte constitutionnel, le fonctionnement de la


démocratie sur la base de trois pouvoirs que seraient le pouvoir politique (le gouvernement
et sa majorité parlementaire), le pouvoir juridictionnel et le pouvoir des médias.

22. Comment est né le régime parlementaire ?

Le régime parlementaire est né et s’est développé empiriquement à partir du modèle du


régime représentatif anglais.

=> Évolution du régime représentatif anglais (page 81 précis) :

• XIVe : Naissance progressive chambre des communes et chambre des Lords ;

16
• XVIIIe : Avènement de la responsabilité du gouvernement envers le parlement : Robert
Walpole s’assure d’avoir la confiance à la fois du Roi et du Parlement et Walpole contraint
de démissionner suite à la procédure d’impeachment mise œuvre à son égard par le
Parlement ;
• Fin XVIIIe : Démission collective du gouvernement de Lord North car le Parlement
conteste la politique adoptée.

Le parlementarisme a précédé la démocratie. Le régime parlementaire s’est présenté, au


cours des époques et de l’évolution des idées politiques, sous deux formes distinctes : le
système classique ou dualiste et le système moniste.

23. Que sont et qu’est-ce qui différencie le parlementarisme moniste et le parlementarisme


dualiste ?

• Système classique ou dualiste : se fonde sur le principe de l’égalité et de la collaboration


des pouvoirs => la responsabilité gouvernementale et la dissolution sont les armes
équivalentes permettant le maintien de l’égalité.

Division du pouvoir exécutif en deux organes : le chef de l’Etat et le gouvernement.

À tout moment, le gouvernement doit être investi de la confiance du chef de l’Etat, d’une
part, et du Parlement, d’autre part.

Le rôle prédominant est réservé au chef de l’Etat : dispose du droit de dissoudre


l’assemblée et mettre fin au mandat des ministres si ceux-ci perdent sa confiance.

• Système moniste : se définit par la responsabilité du gouvernement devant le Parlement.

=> Les deux théories ne sont pas inconciliables. Elles expriment, chacune, un moment de
l’évolution du régime parlementaire.

• Les questions de réflexion (liens)

5. Réflexion sur les règles applicables à la modification des territoires national, des
provinces, des régions linguistiques et des communes – Cohérence du système (lien
avec leçon 29 – compétences territoriales et notion de communauté)
6. Réflexion sur les lois du service public (lien avec leçon 12 – Arrêtés lois – leçon 15
affaires courantes, leçon 23 – interrègne et Régence)
7. Réflexion sur le privilège du préalable (liens avec les leçons 19 et 20 – procédures en
suspension devant la Cour constitutionnelle et le Conseil d’État)
8. Réflexion sur la séparation des pouvoirs (liens avec notamment leçons 9, 14, 15
responsabilité du gouvernement devant le Parlement et leçons 5, 18, 19, 20 et 21 –
indépendance des juridictions et responsabilité des différents pouvoirs)
9. Réflexion sur la notion et l’évolution du régime parlementaire (liens avec leçons 9, 14
et 15 – dynamique de la responsabilité politique)

17
Leçon 3 : Le pouvoir constituant

• La matière à étudier

- Le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé (n°2 à 3) et la coutume


constitutionnelle (n°5)
- La Constitution belge originaire (n°6)
- Les déclarations de révision (n°8 à 10)
- La dissolution des chambres et la révision proprement dite (n°11 à 12)
- L’interdiction de procéder à une révision (n°13 à 14)
- Les perspectives de réforme (n°18 à 22)
- Le court-circuit de 2012 (n°23)
=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants

- Problématique de la révision de la Constitution en 1968 sous le gouvernement VANDEN


BOEYNANTS et de la déclaration de révision sous le gouvernement MICHEL

• Les questions de fondement

12. La Belgique est un État indépendant

Décret constitutionnel du 18 novembre 1830 sur l’Indépendance du peuple belge.

Également mentionné dans l’article 91 de la Constitution, établissant le fait que le Roi doit
jurer de s’engager à maintenir l’indépendance du peuple belge.

13. La Cour constitutionnelle ne garantit par l’objectif constitutionnel de développement


durable (plusieurs fondements)

- Art. 7bis C : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'État fédéral, les
communautés et les régions poursuivent les objectifs d'un développement durable, dans ses
dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité
entre les générations. »

Est une simple déclaration d’intention, et échappe au contrôle de la Cour


constitutionnelle.

- Art. 1 loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (LSCC) : « La Cour
constitutionnelle statue, par voie d'arrêt, sur les recours en annulation, en tout ou en partie,
d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de
violation :
1° des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les
compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions; ou
2° des articles du titre II " Des Belges et de leurs droits ", et des articles 170, 172 et 191 de la
Constitution.
3° de l'article 143, § 1er, de la Constitution. »

- Art. 26 LSCC : « § 1. La Cour constitutionnelle statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt,
sur les questions relatives à :
1° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des
règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les
compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions;
2° sans préjudice du 1°, tout conflit entre décrets ou entre règles visées à l'article 134 de la
Constitution émanant de législateurs distincts et pour autant que le conflit résulte
de leur champ d'application respectif;

18
3° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des
articles du titre II " Des Belges et de leurs droits ", et des articles 170, 172 et 191 de la
Constitution.

4° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, de
l'article 143, § 1er, de la Constitution.

§ 1bis. Sont exclus du champ d'application de cet article les lois, les décrets et les règles
visées à l'article 134 de la Constitution par lesquels un traité constituant de l'Union
européenne ou la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ou un Protocole additionnel à cette convention reçoit
l'assentiment. […] ».

Les articles 1 LSCC et 26 LSCC n’organisent pas le contrôle de l’article 7bis de la


Constitution par la Cour Constitutionnelle, ce qui fait de celui-ci une simple
déclaration d’intention.

14. La règle selon laquelle un gouvernement démissionnaire devrait être obligé de


reprendre dans sa déclaration de révision de la Constitution les articles et dispositions
qui figurent à la fois dans la déclaration de la Chambre et dans celle du Sénat

Art. 101 al. 1 C. " Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants.

La limitation des pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire trouve sa raison d’être dans le
fait qu’il ne peut plus subir la sanction des chambres, rendue impossible par sa démission.
Le gouvernement ne peut dès lors plus accomplir d’actes seul. Les chambres ne peuvent
pas engager la responsabilité du gouvernement pour la simple raison qu’il reproduit une
déclaration qu’elles ont-elles-mêmes votée. Cet acte ne dépasserait pas les limites des
affaires courantes.

Au contraire, le fait de rendre impossible la révision voulue par les chambres, en limitant sa
déclaration à une copie de celle rendue sous l’ancienne législature devrait être de nature à
engager sa responsabilité, ce qui est impossible, étant donné qu’il est démissionnaire.

15. Une disposition constitutionnelle est valablement adoptée par la Chambre par 2 oui, 1
non et 147 abstentions

Art. 60 al. 2 du Règlement de la Chambre : « Les abstentions sont comptées dans le


nombre des membres présents, mais n’interviennent pas pour déterminer la majorité absolue
et les majorités spéciales des suffrages exprimés prévues par la Constitution ou par la loi »

16. Le référendum constitutionnel est interdit en Belgique

L’article 195 de la Constitution constitue un des fondements de l’interdiction du référendum


constitutionnel en Belgique, puisque l’organisation de celui-ci ajouterait une étape au
processus de révision codifié par 195 C. et, partant, violerait celui-ci.

L’article 33, al. 2 de la Constitution est un des fondements de l’interdiction du référendum


en Belgique (avec 36 C. et 195 C.) " le pouvoir législatif fédéral ne peut s’exercer que de la
manière établie par la Constitution, et celle-ci n’organise pas explicitement le référendum.

L’article 36 de la Constitution est un des fondements de l’interdiction du référendum en


Belgique (avec 33 al. 2 C. et 195 C.) " « Le pouvoir législatif fédéral s'exerce
collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat ».

19
• Les questions de fond

24. Quelles sont les méthodes d’élaboration d’une constitution originaire ?

• Les méthodes monarchistes :

(i) Le monarque octroie une constitution au peuple ;


(ii) Pacte (« contrat ») entre le monarque et le peuple — le Prince conserve une large marge
de manœuvre.

• Les méthodes populaires :

(i) Le texte est soumis à référendum ;


(ii) Élection préalable d’une assemblée chargée de rédiger le texte constitutionnel
(assemblée constituante) ;
(iii) Combinaison référendum/assemblée constituante, c-à-d que la Constitution est
élaborée par une assemblée élue par le peuple, et, par la suite, soumise à référendum.

25. Qu’est-ce qu’une coutume constitutionnelle en droit belge ?

La coutume constitutionnelle, à l’inverse de la simple pratique, est un « usage qui apparaît


comme une conséquence inéluctable des principes fixés par la Constitution et qui est
une condition indispensable au fonctionnement harmonieux des institutions ».

A titre d’exemple, à l’heure actuelle, la désignation par le Roi d’un formateur de


gouvernement relève d’une coutume constitutionnelle, alors que celle de l’informateur est
une simple pratique, rendant plus aisée la formation d’un gouvernement.

26. Qu’est-ce qu’une déclaration de révision de la Constitution ?

Elle est faite par les trois branches du pouvoir législatif fédéral qualifié de
préconstituant : Chambre des représentants, Sénat, Roi (voir 36 C.).

Chaque branche du pouvoir législatif procède séparément à la déclaration, une disposition


n’est soumise à révision que si la Chambre, le Sénat et le Roi la font figurer dans leur
déclaration. Si l’une de ces branches omet de reprendre une disposition dans sa déclaration,
elle ne peut être modifiée.

Il n’appartient pas aux chambres ou au Roi d’indiquer dans quel sens la révision doit être
effectuée.

Lorsqu’il s’agit d’insérer une disposition nouvelle qui ne présente aucun lien avec un article
existant, le préconstituant se borne à indiquer qu’il y a lieu à la révision de tel chapitre ou titre
de la Constitution, en mentionnant sommairement l’objet de la disposition à insérer.

27. Un gouvernement démissionnaire peut-il contresigner la déclaration de révision de la


Constitution ?

La limitation des pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire trouve sa raison d’être dans le
fait qu’il ne peut plus subir la sanction des chambres, rendue impossible par sa démission.

Le gouvernement ne peut dès lors plus accomplir d’actes seul. Les chambres ne peuvent
pas engager la responsabilité du gouvernement pour la simple raison qu’il reproduit une
déclaration qu’elles ont-elles-mêmes votée. Cet acte ne dépasserait pas les limites des
affaires courantes.

20
Au contraire, le fait de rendre impossible la révision voulue par les chambres, en limitant sa
déclaration à une copie de celle rendue sous l’ancienne législature devrait être de nature à
engager sa responsabilité, ce qui est impossible, étant donné qu’il est démissionnaire.

28. Qu’est-ce que la dissolution de plein droit des chambres dans le processus de révision
constitutionnelle – cette formalité est-elle pertinente ?

La déclaration de révision du pouvoir législatif est publiée au Moniteur belge, et emporte de


plein droit la dissolution des chambres. Elle est suivie des arrêtés royaux portant convocation
des électeurs dans les 40 jours et des nouvelles chambres dans les trois mois.

Cette formalité est censée répondre à deux préoccupations :


1. Elle empêche les parlementaires d’engager à la légère un processus de révision
constitutionnelle ;
2. Elle permet à la population de se prononcer, par son vote, sur la manière d’opérer la
révision => pas pertinent : « les programmes des partis sont à ce point diversifiés qu’il
serait impossible à un observateur objectif comme à un acteur politique de déterminer,
après les élections, dans quel sens les électeurs souhaitent voir modifier la Constitution.
De plus, en raison de l’éclatement du paysage politique belge, les axes de la révision ne
peuvent être dégagés qu’à la suite des négociations consécutives aux élections ».

Or, depuis 1978, les Chambres n’ont pas cessé d’être constituantes (sauf législature de
1985 à 1987) => objectifs de l’article 195 pas réalisés, la dissolution des chambres
n’entraîne pas de débat institutionnel.

29. Comment se réalise la révision proprement dite de la Constitution ?

L’initiative, en matière de révision constitutionnelle, n’est réglée par aucune disposition.


Dans les faits, elle est prise sous forme de propositions, émanant soit de parlementaires, soit
du gouvernement (ministres).

La SLCE n’est pas compétente pour formuler un avis sur une initiative du constituant.

Vote : l’article 195 impose un quorum spécial (2/3 des membres des chambres présents)
pour autoriser la délibération des chambres et une majorité spéciale (2/3 des suffrages
exprimés).

Les abstentions sont considérées comme des suffrages pour le calcul du quorum mais non
pour celui de la majorité spéciale.

Lorsque les textes ont été adoptés par les deux assemblées, ils sont soumis à la sanction
royale. Les modifications à la Constitution sont ensuite publiées au Moniteur belge.

30. Une disposition constitutionnelle peut-elle être modifiée à plusieurs reprises lors d’une
même législature ?

La réponse est affirmative lorsqu’il s’agit de réviser une partie de cette disposition qui, au
terme d’une première modification, a été laissée intacte. Il est donc permis de réviser un
paragraphe d’une disposition constitutionnelle ouverte à révision, puis d’en modifier un autre
à un autre moment de la législature.

Le Sénat, en 1980, estimait que le constituant, après avoir modifié une disposition
constitutionnelle sur un point, avait épuisé sa compétence.

Pourtant, les positions prises au moment où la déclaration de révision de la Constitution est


élaborée n’engagent en rien le constituant. De plus, le débat constitutionnel qui se tient
devant l’électeur et qui est supposé conditionner le résultat des élections relève de la pure
fiction.

21
Compte tenu de ces deux éléments, les élus de la nation, pour autant qu’ils restent dans les
limites matérielles assignées par la déclaration de révision, disposent en quelque sorte d’un
blanc-seing pour modifier celle-ci.

Les chambres constituantes ne devraient pas être privées de la faculté de corriger une
erreur, voire de changer d’attitude. C’est d’ailleurs la position défendue par la doctrine
récente ainsi que par le Secrétaire d’Etat aux Réformes institutionnelles, Melchior Wathelet,
à l’occasion des travaux de révision de l’article 195 de la Constitution qui ont permis la mise
en œuvre de la 6e réforme de l’Etat.

31. Quels sont les cas où il est impossible ou interdit de modifier une disposition
constitutionnelle en droit belge ?

Certaines dispositions ne peuvent être révisées en raison de leur contenu, tels les décrets
des 18 et 24 novembre 1830 relatifs à l’indépendance de la Belgique et à l’exclusion des
Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique. Ils ne peuvent être réformés puisqu’ils ont été
pris par le Congrès national en tant que corps constituant.

C’est également le cas de l’article 187 C., stipulant que « la Constitution ne peut être
suspendue en tout ni en partie ».

L’article 197 C. interdit quant à lui de modifier, pendant une régence, les articles relatifs aux
pouvoirs du Roi, ainsi que les articles 85 à 88, 91 à 95, 106 et 197 relatifs à la désignation
du titulaire de la fonction royale ou du Régent et au statut du chef de l’Etat => vaut pour tout
acte de procédure de révision (déclaration et révision proprement dite).

L’article 196 C. interdit de procéder à une révision constitutionnelle en temps de guerre ou


lorsque les chambres se trouvent empêchées de se réunir librement sur le territoire national.

Ce ne sont pourtant que de simples déclarations d’intention, s’il existait un réel consensus
national pour modifier une disposition irréformable, il serait impossible de s’y opposer.

Le seul intérêt de l’intangibilité d’une disposition constitutionnelle est de consacrer


solennellement l’importance que lui attribuent les auteurs de la Constitution.

32. Qu’est-ce qu’une révision implicite de la Constitution – donnez en trois exemples ?

La procédure belge de révision de la Constitution figure parmi les règles les plus rigides du
monde juridique moderne en matière de révision, selon la Commission de Venise.

Les procédures de révision implicite apparaissent dès lors comme un mal nécessaire.

Une révision implicite d’un article de la Constitution opère lorsqu’un article n’est pas soumis
à révision par les chambres constituantes, et qu’en vue de contourner ce problème, le
constituant modifie ou adopte un nouvel article qui entre en contradiction avec l’ancien.

1. En 1988, volonté de changer la dénomination de la « Région bruxelloise » en « Région


de Bruxelles-Capitale », or, l’article 39, non soumis à révision, utilisait la première formule.
Le constituant a alors ajouté l’article 136 à la Constitution reprenant la nouvelle formule,
lequel a implicitement modifié l’article 39.
2. D’un certain point de vue, la remise en forme de la Constitution opérée en exécution de
198 C. permet la révision implicite de certains articles de la Constitution, étant donné qu’il
permet la modification de leur terminologie, sans que ceux-ci ne soient concrètement soumis
à révision.
3. En 1991, les articles 59bis et 107quater anciens C. n’avaient pas été soumis à révision
en raison de la crainte des francophones de voir les Flamands remettre en cause le principe
de l’existence de la Région de Bx-capitale et le fait que les facilités linguistiques sont
consacrées dans les lois votées à la majorité spéciale. Dès lors, afin de ne pas paralyser le

22
processus de réforme, il a été décidé de soumettre à révision le Titre III de la Constitution en
vue d’y insérer des dispositions nouvelles relatives aux régions et aux communautés. La
déclaration autorisait un approfondissement de la réforme de l’État avec l’apparence garantie
de laisser intactes les dispositions relatives à l’existence de Bx-capitale et aux facilités
linguistiques.

33. Quels sont les inconvénients du référendum constitutionnel s’il était imposé en droit
belge ?

1. Le référendum coalise les oppositions : on peut imaginer que certains opposants, sans
aucun projet commun de gouverner, mettent en échec une réforme qui était le seul
compromis possible dans une situation donnée => le référendum peut aboutir à paralyser
la mécanique institutionnelle au détriment de tous.

2. Le référendum organisé en Belgique (sur une base nationale) sur la logique arithmétique
(1 homme = 1 voix) permet aux flamands, majoritaires dans le pays, d’imposer leurs vues
aux autres composantes de l’Etat. Si il est tenu compte de l’existence des régions et
communautés, il faut déterminer dans lesquelles d’entre elles les propositions
constitutionnelles doivent recueillir une majorité. Dans une logique fédérale stricte, il
faudrait alors exiger une majorité au sein de chaque entité, ce qui permettrait par exemple
à la Communauté germanophone ou à une majorité de bruxellois de bloquer une révision
voulue par les autres composantes de l’Etat.

3. Si l’article 195 avait autorisé l’organisation de référendums constitutionnels, la Belgique


n’aurait sans doute pas pu se doter d’institutions fédérales, adaptées à sa réalité
sociologique. Le référendum est un processus instantané, qui ne donne une image de
l’opinion publique qu’à un moment précis, alors qu’entre 1970 et 2014, le processus de
réforme de l’Etat a revêtu un caractère continu.

4. Danger de déficit démocratique, encore accru lorsque le référendum revêt un caractère


plébiscitaire, lorsque le référendum n’a pas pour effet d’obtenir l’avis de la population sur
la révision en tant que telle, mais donne plutôt son avis au sujet du gouvernement en
place.

34. Expliquez et commentez la formule Saint-Louis visant à modifier la procédure de


révision constitutionnelle ?

La formule « Saint-Louis » défend une conception plus subtile que celle de Francis Delpérée
de la manière dont il convient d’aborder la problématique de l’article 195 C. Celle-ci repose
sur une distinction entre la nation diachronique et la nation synchronique.

• Nation diachronique : existence consacrée par 33 C. — s’analyse comme « la chaine


formée par les générations de nationaux passées, présentes et futures soudées par des
principes fondamentaux communs » => peuple perpétuel, qui traverse les générations.

• Nation synchronique : existence consacrée par 42 C. — peuple actuel, qui représente le


pouvoir législatif fédéral.

Selon les auteurs de la formule « Saint-Louis », la nation synchronique (= le peuple actuel)


est soumise à la nation diachronique (= le peuple perpétuel).

=> Pouvoir constituant dérivé = représentant de la nation diachronique.

23
Ces auteurs, sur base de ce constat empreint de conservatisme, préconisent de conserver
un processus de révision de la Constitution en deux temps :

• Premier temps

- Initiative d’une révision constitutionnelle serait prise par une des trois branches du pouvoir
législatif fédéral (Roi – Sénat – Chambre des représentants) ;
- Le nouveau texte est voté à la majorité des 2/3 de leurs membres par la Chambre et le
Sénat et à la majorité absolue de chaque groupe linguistique ;
- Le Roi sanctionne le projet et celui-ci est laissé en suspens jusqu’à la 1ère session de la
législature suivante.

• Deuxième temps

- Après les élections, il appartiendrait aux nouvelles chambres, dans le respect des règles
de majorité, de confirmer le vote intervenu sous la législature précédente ;
- La Constitution serait alors effectivement modifiée.

Cette démarche a en réalité pour effet de protéger le texte constitutionnel contre les effets du
suffrage universel.

35. Présentez de manière argumentée un modèle idéal de procédure de révision


constitutionnelle en droit belge ?

Un modèle idéal de procédure de révision constitutionnelle devrait permettre une


coïncidence entre le temps politique – rapide et conditionné par la succession des
législatures – et le temps constitutionnel – traversant les générations -, à l’instar de ce que
propose Marc Verdussen :

• 1ère lecture soumise au vote 2/3 des suffrages + majorité absolue de chaque groupe
linguistique (quorum : 2/3 membres de chaque assemblée + 1/2 chaque groupe
linguistique) ;

Processus de consultations des assemblées et des gouvernements des composantes


fédérées sur les textes adoptés en première lecture par les chambres => leur avis ne serait
pas contraignant mais permettrait au constituant de se prononcer en parfaite connaissance
de cause.

• 2ème lecture intervient 6 mois à 1 an après la première afin de permettre un réel débat sur
le texte, non influencé par d’éventuelles élections ;

• Le vote final se fait en assemblée réunie des chambres fédérales.

Une procédure de révision constitutionnelle accélérée devrait être possible lorsqu’elle est
nécessaire pour que la Belgique puisse ratifier un traité qui serait en contradiction avec la
Constitution.

36. Quelles ont été les conditions mises à la révision de la Constitution pendant la
législature 2010-2014 afin de réaliser la sixième réforme de l’État ?

Lors du court-circuit de 2012, visant à contourner le mécanisme de révision constitutionnelle


instauré par 195 C., le constituant a jugé utile d’indiquer que le système créé (voir
« disposition transitoire » de 195 C.) était soumis à cinq restrictions :

1. Limitation du procédé à une seule législature ;

2. Limitations aux matières couvertes par l’accord institutionnel du 11 octobre 2011 ;

24
3. Indication de la manière d’opérer la révision des dispositions qui n’étaient pas visées dans
la déclaration de révision ;

4. Nécessité de respecter les droits fondamentaux ;

5. Application des règles de majorité et de quorum de 195 C.

La disposition transitoire autorisait le pouvoir constituant à réviser immédiatement, mais sous


la seule législature en cours, un ensemble de dispositions constitutionnelles, énumérées en
15 points, avec l’indication, pour chacune d’elles, du sens dans laquelle la révision devait
intervenir.

• Les questions de réflexion (liens)

10. Réflexion sur le rôle de la coutume constitutionnelle (liens avec les leçons dans
lesquelles apparaissent des coutumes constitutionnelles)
11. Réflexion sur la déclaration de révision et sur le fait qu’elle soit faite par un
gouvernement démissionnaire (lien avec la leçon 15 sur les affaires courantes)
12. Réflexion sur les règles de vote et de quorums pour la révision de la Constitution (lien
avec les autres règles de vote qui apparaissent dans le droit positif, notamment dans la
leçon 12)
13. Réflexion sur la modification d’une même disposition constitutionnelle à plusieurs
reprises sous une même législature
14. Réflexion sur la problématique des dispositions constitutionnelle irréformables (lien
avec la volonté sécessionniste d’une composante de l’État – leçon 6 sur le référendum,
leçon 21 sur le Québec et la Catalogne)
15. Réflexion sur l’inadéquation de la procédure de révision de la Constitution (lien avec la
leçon 22 sur le fédéralisme)
16. Réflexion sur les révisions implicites (lien avec les leçons où sont évoquées des
révisions implicites)

25
Leçon 4 : La hiérarchie des normes

• La matière à étudier

- La primauté du droit international - Position de la Cour de cassation, de la CJUE et du


Conseil d’État (n°1 à 6)
- Position de la Cour constitutionnelle (n° 7 à 8)
- Position du législateur spécial (n°9 à 11)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Cass, 27 mai 1971, Le Ski


- CJUE, n°323/97 du 9 juillet 1998
- CE n°62.922 et n°62.923, Gosse et Orfinger, du 5 octobre 1996
- CC 26/91 du 16 octobre 1991 – Sur la primauté du droit international
- CC n°12/94 du 3 février 1994 – Écoles européennes
- CC n°130/2010 du 18 novembre 2010 - CREG
- CC n° 62/2016 du 28 avril 2016 – Traité de stabilité

• Les questions de fondement

17. Un ministre belge peut être directement jugé par la CPI pour crime contre
l’humanité (plusieurs fondements)

Article 5 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (définissant la compétence


de la CPI, qui comprend les crimes contre l’humanité).

Loi portant assentiment au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, fait à Rome le
17 juillet 1998.

La disposition transitoire de 77 C., en vertu de laquelle le Sénat et la Chambre des


représentants sont compétents pour prendre les lois donnant assentiment aux traités.

18. Un ressortissant européen a le droit de vote aux élections communales (plusieurs


fondements)

Voir CJUE, n°323/97 du 9 juillet 1998, Traité de Maastricht

Article 8 B, § 1er, du Traité de Maastricht : « Tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat
membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections
municipales dans celui-ci, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat ».

Article 8, al. 3 de la Constitution : « Par dérogation à l’alinéa 2, la loi peut organiser le droit
de vote des citoyens de l’Union européenne n’ayant pas la nationalité belge, conformément
aux obligations internationales et supranationales de la Belgique. ».

19. Au sommet de la hiérarchie des normes, il y a l’ensemble du droit international qui


a des effets directs dans l’ordre juridique interne (plusieurs fondements)

Enseignement de l’arrêt Le Ski de la Cour de Cassation : « La prééminence de la norme de


droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne résulte de la nature
même du droit international conventionnel ».

26
Enseignement de l’arrêt de la CJUE du 9 juillet 1998, n°323/97, au sujet du Traité de
Maastricht : « Un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de
son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits
par une directive ».

Enseignement de l’arrêt Gosse et Orfinger de la section du contentieux administratif du


Conseil d’Etat : Quand bien même une contradiction existerait entre un Traité relatif à l’Union
européenne et une disposition de la Constitution, l’application de cette dernière doit être
écartée = primauté de la loi ordinaire d’assentiment sur la Constitution.

Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 18 novembre 2010, n°130/2010, au sujet du CREG :


Revirement de jurisprudence et l’affirmation par la Cour constitutionnelle que l’article 34 de la
Constitution autorise le législateur à adopter des lois d’assentiment à des traites qui
méconnaissent la Constitution.

20. Au sommet de la hiérarchie des normes, il y a la Convention européenne des


droits l’homme et les traités constituant l’union européenne

Loi spéciale du 9 mars 2003, modifiant l’article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 :
Cette loi exclut du contrôle préjudiciel de la Cour Constitutionnelle les normes d’assentiment
aux traités constituant l’Union Européenne et à la Convention européenne des droits de
l’homme ou à ses protocoles additionnels.

Il s’en déduit que la Cour Constitutionnelle peut, par la voie préjudicielle, contrôler la
constitutionnalité de toutes les autres normes législatives d’assentiment.

21. Un gouvernement ne peut ratifier un traité avant l’expiration du délai de recours


de la norme d’assentiment devant la Cour constitutionnelle

Les recours en annulation dirigés contre les normes d’assentiment doivent être introduits
dans les soixante jours suivant leur publication au Moniteur belge.

L’exécutif doit s’abstenir de ratifier le traité avant l’expiration de ce délai ; dès lors, le Traité
n’est pas encore directement applicable dans l’ordre juridique interne, étant donné qu’il n’a
pas encore été ratifié au moment où il peut encore être annulé " cette interdiction faite à
l’exécutif s’analyse comme une coutume constitutionnelle, visant à donner un effet utile à
un recours en annulation introduit contre une loi d’assentiment.

Cependant, dans le cas d’une question préjudicielle intervenant après le délai de 60 jours, un
arrêt par lequel la Cour constaterait que la norme de droit international doive être écartée
contraindrait le juge à rendre une décision méconnaissant les obligations internationales de
la Belgique.

• Les questions de fond

37. Quelle est la position de la section de législation du Conseil d’État sur la question de
savoir si le droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne prime
la Constitution ?

Contradiction qui existait entre l’article 8 B, § 1 er , du Traité de Maastricht et l’article 8


ancien de la Constitution :

La section de législation du Conseil d’État, après avoir relevé l’existence d’une contradiction
entre ces deux textes, estime qu’il est indispensable de procéder à une révision de l’article 8
de la Constitution avant que ne soit votée la loi d’assentiment au Traité de Maastricht.

Gouvernement refuse et loi d’assentiment votée sans que soit modifié l’art. 8 Const.

27
Selon la section de législation du Conseil d’État, la révision de l’article 8 devait constituer un
préalable à l’approbation du Traité de Maastricht : « La démarche inverse conduirait, en
effet, le législateur à adopter une loi – la loi d’approbation du Traité – qui contredirait une
disposition de la Constitution. Elle ne pourrait être interprétée que comme l’injonction que le
pouvoir législatif entendrait donner au Constituant de modifier, sur un point déterminé, la
Constitution. Elle introduirait une confusion entre les responsabilités du pouvoir législatif et
du pouvoir constituant. Elle réaliserait, au surplus, une inversion de l’ordre de leurs
responsabilités.

Il convient d’abord de modifier la Constitution […] ; ensuite, d’approuver et de ratifier le Traité


de l’Union ; enfin d’adopter – tant au niveau communautaire qu’au niveau national les règles
qui traduiront de manière concrète les principes inscrits dès à présent dans le Traité CEE ».

Contradiction entre le projet de loi portant assentiment au Statut de Rome de la Cour pénale
internationale, fait à Rome le 17 juillet 1998 et les articles 88, 58, 59 et 103 de la
Constitution :

Les articles de la Constitution précités consacrent l’inviolabilité du Roi, la protection absolue


des parlementaires pour leurs opinions et votes, la protection relative dont bénéficient les
parlementaires en cas de poursuites pénales et le régime spécifique de responsabilité
pénale des ministres.

La SCLE relève que « le Statut de Rome de la Cour pénale internationale auquel la loi en
projet entend procurer assentiment contient un ensemble de dispositions qui ne se concilient
pas avec les prescriptions de la Constitution ».

« Il ne revient ni aux auteurs du Statut, ni à ceux de la loi d’assentiment de procéder à une


révision, fût-elle implicite, de la Constitution et de modifier de la sorte le statut des pouvoirs
publics que cette dernière établit ».

« Si la Belgique entend ratifier un tel traité et si le pouvoir législatif entend l’approuver, il


convient que des modifications soient apportées, selon la procédure inscrite à l’article 195 de
la Constitution, à plusieurs dispositions constitutionnelles ».

Le Conseil d’État ajoute :

« Pour éviter un éparpillement de ces modifications, qui pourrait au surplus rendre la lecture
de la Constitution difficilement compréhensible, il est suggéré d’insérer, par exemple dans
un article 168bis nouveau de la Constitution, la disposition suivante : “L’État adhère au
statut de la Cour pénale internationale, fait à Rome le 17 juillet 1998.” Pareille disposition
couvrirait les adaptations qui en résultent dans l’ordre juridique constitutionnel et
autoriserait celles qui devraient, en conséquence, être apportées aux lois et règlements.
La technique suggérée permet de concilier la volonté de rendre effectifs les engagements
pris par la Belgique au sein de l’Organisation des Nations Unies avec le respect des règles
les plus essentielles du droit public et le souci d’une rédaction ordonnée de la
Constitution. »

La section de législation du Conseil d’État incite ainsi le constituant à recourir au mécanisme


de la révision implicite.

Cependant, la loi d’assentiment sera adoptée sans même que par la suite la Constitution ne
soit modifiée, contrairement à ce qu’il s’est passé après la ratification du Traité de Maastricht.

28
38. Quelle est la position de la section du contentieux administratif du Conseil d’État sur la
question de savoir si le droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique
interne prime la Constitution ?

CE n°62.922 et n°62.923, Gosse et Orfinger, du 5 octobre 1996 :

« Du point de vue du droit constitutionnel belge, l’autorité de l’interprétation donnée au Traité


de Rome par la CJUE repose sur l’article 34 de la Constitution, quand bien même cette
interprétation aboutirait à arrêter les effets d’une partie des articles 8 et 10 de la
Constitution ».

Le Conseil d’Etat hiérarchise ainsi les dispositions constitutionnelles. De plus, c’est la


première fois qu’une haute juridiction belge affirme explicitement la primauté du droit
international directement applicable en droit interne à tous les échelons de la hiérarchie des
normes, en ce compris la Constitution.

L’on peut constater que la SLCE et la section du contentieux administratif du Conseil d’Etat
adoptent des positions contradictoires.

39. Quelle est la position originaire de la Cour constitutionnelle sur la question de savoir si
le droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne prime la
Constitution ?

CC n°12/94 du 3 février 1994 – Écoles européennes :

La CC indique que le constituant interdit au législateur d’adopter des normes contraires à la


Constitution que ce soit directement, ou indirectement par le biais de l’assentiment donné à
un traité international. Aucune norme de droit international ne donne aux États le pouvoir de
faire des traités contraires à leur Constitution.

Par cette jurisprudence, la Cour Constit affirme implicitement la primauté, dans l’ordre
juridique interne, de la Constitution sur le droit international qui a des effets directs dans
celui-ci.

Il faut cependant nuancer cette analyse :

Les recours en annulation dirigés contre les normes d’assentiment à un traité doivent être
introduits dans les soixante jours suivant leur publication au Moniteur belge.

L’exécutif doit s’abstenir de ratifier le traité avant l’expiration de ce délai et doit attendre, si un
recours en annulation a été introduit, que la Cour constitutionnelle se soit prononcée à son
propos. Dès lors, le Traité n’est pas encore directement applicable dans l’ordre juridique
interne, étant donné qu’il n’a pas encore été ratifié au moment où il peut encore être annulé
" cette interdiction faite à l’exécutif s’analyse comme une coutume constitutionnelle.

Cependant, dans le cas d’une question préjudicielle intervenant après le délai de 60 jours, un
arrêt par lequel la Cour constaterait que la norme de droit international doive être écartée
contraindrait le juge à rendre une décision méconnaissant les obligations internationales de
la Belgique.

Cette jurisprudence garantit le principe démocratique " l’affirmation de la primauté du droit


international ayant effet direct dans l’ordre juridique interne sur la Constitution favorise des
modifications implicites, discrètes, voire inconscientes du texte constitutionnel.

La Cour constitutionnelle, à l’inverse du Conseil d’État, semble refuser de hiérarchiser entre


elles les dispositions constitutionnelles. Les transferts de souveraineté opérés sur la base de
l’article 34 de la Constitution ne peuvent avoir pour effet de méconnaitre, ou même de
modifier implicitement, les autres articles de la Constitution.

29
40. Quelle est la position du législateur spécial sur la question de savoir si le droit
international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne prime la
Constitution ?

La loi spéciale du 9 mars 2003, modifiant l’article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, prend parti dans cette controverse. Elle exclut du contrôle
préjudiciel de la Cour les normes d’assentiment aux traités constituant l’Union européenne et
à la Convention européenne des droits de l’homme ou à ses protocoles additionnels.

Il s’en déduit que la Cour constitutionnelle peut, par la voie préjudicielle, contrôler la
constitutionnalité de toutes les autres normes législatives d’assentiment, quand bien même
sa décision aurait pour effet de paralyser la mise en œuvre d’un traité dans un litige
particulier, et, partant, d’impliquer une méconnaissance par la Belgique ou l’une de ses
entités fédérées de leurs obligations internationales.

Le législateur livre une définition pour le moins complexe et originale du sommet de la


hiérarchie des normes. Viennent en premier lieu, le CEDH, ses protocoles additionnels et les
traités constituant l’UE. Ensuite prend place la Constitution qui prime, quant à elle, tout le
reste du droit international.

41. Quelle est la position actuelle de la Cour constitutionnelle sur la question de savoir si le
droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne prime la
Constitution ?

CC n°130/2010 du 18 novembre 2010 – CREG :

Cet argument s’inscrit dans les raisonnements de la jurisprudence précitée du CE selon


laquelle l’article 34 de la Constitution primerait les autres dispositions constitutionnelles. Or,
c’est précisément cette conception que la Cour constitutionnelle entendait contrecarrer dans
les arrêts rendus en 1991 et en 1994.

Fallait-il voir dans ces arrêts un revirement de jurisprudence et l’affirmation par la Cour
constitutionnelle que l’article 34 de la Constitution autorise le législateur à adopter des lois
d’assentiment à des traités qui méconnaissent la Constitution ? " Voir CC 2016 sur le Traité
de stabilité.

CC n° 62/2016 du 28 avril 2016 – Traité de stabilité :

Il est en tout cas permis d'en déduire que, si une hiérarchisation n'est pas exclue entre les
différentes dispositions constitutionnelles, l’article 34 de la Constitution, à l'estime de la Cour,
ne permet pas par principe au législateur d'adopter des lois d'assentiment à des Traités qui
méconnaissent la Constitution.

Il ne peut en tout cas pas mettre en échec les dispositions constitutionnelles inhérentes aux
structures fondamentales, politiques et constitutionnelles ou aux valeurs fondamentales de la
protection que la Constitution confère aux sujets de droit. Encore faudra-t-il que la Cour, à
l'avenir, recense les dispositions constitutionnelles qui sont ainsi implicitement visées.

42. Quels sont les arguments qui sont de nature à refuser la primauté du droit international
qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne sur la Constitution et quelles
réformes opérer pour la consacrer ?

• Il serait incohérent qu’une norme d’assentiment votée à la majorité ordinaire puisse


paralyser l’application d’une règle trouvant son fondement dans une norme votée à une
majorité renforcée (loi spéciale / décret spécial / disposition constitutionnelle).

• Aucune norme de droit international ne donne aux Etats le pouvoir de faire des traités
contraires à leur Constitution.

30
• L’affirmation de la primauté du droit international ayant effet direct dans l’ordre juridique
interne sur la Constitution favorise des modifications implicites, discrètes, voire
inconscientes du texte constitutionnel.

Il faudrait introduire une procédure de révision accélérée de la Constitution. Il serait alors


possible, dans le cours d’une seule législature, de soumettre une disposition à révision, de la
modifier dans le respect des majorités renforcées exigées en matière de révision
constitutionnelle, et le cas échéant, d’organiser, pour un tel vote, une première et une
deuxième lecture, étant entendu qu’un délai déterminé devrait s’écouler entre elles. Il va de
soi que le Roi ne pourrait ratifier le traité en cause qu’à l’issue de ce processus de révision
accélérée.

• Les questions de réflexion (liens)

17. Réflexion sur la position de la section de législation du Conseil d’État, de la Cour de


cassation, de la section du contentieux administratif et de la CJUE sur la primauté du
droit international sur la Constitution ? (lien avec la leçon 23 sur les règles de
dévolution au trône, la leçon 3 sur l’exclusion des Orange Nassau de toute fonction
publique)
18. Réflexion sur la position de la Cour constitutionnelle et du législateur spécial sur la
primauté du droit international sur la Constitution ? (lien avec la leçon 17 sur des
règlements pris par des autorités administratives indépendantes, lien avec leçon 18 sur
les compétences de la Cour constitutionnelle)
19. Réflexion sur une hiérarchie possible entre normes de même nature afin de garantir le
respect des règles qui organisent l’État fédéral et sur la notion d’Etat global (lien avec
la leçon 22 sur le fédéralisme) ?

31
Leçon 5 : Le contrôle de la hiérarchie des normes

• La matière à étudier

- Le contrôle préventif (n°3 à 7)


- Le contrôle par un organe politique (n°12 et 13)
- Le contrôle par voie d’action (n°16 et 17)
- Le contrôle par voie d’exception (n°18 à 26)
- Synthèse sur le contrôle de constitutionnalité (n°29)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Cass, 13 avril 1989, Debled contre Ordre des médecins – Avis SLCE
- Cour suprême des États-Unis, Marbury c/ Madison
- CE, n°185.266 du 9 juillet 2008, Claudic
- CE n°234.035 du 4 mars 2016, Goedseels
- CC, n°18/2012 du 9 février 2012 – article 14 ter LCCE
- Cass 3 mai 1974, Le Compte

• Les questions de fondement

22. Un projet de loi doit être soumis pour avis à la section de législation du Conseil d’Etat

Art. 2 lois coordonnées sur le Conseil d’État du 12 janvier 1973 (LCCE) :

« § 1. La section de législation donne un avis motivé sur le texte de tous projets ou


propositions de loi, de décret et d'ordonnance, ou d'amendements à ces projets et
propositions dont elle est saisie par le Président du Sénat, de la Chambre des
Représentants, d'un Parlement de communauté et de région) (de la Commission
communautaire française ou de l'Assemblée réunie visées respectivement aux alinéas 2 et 4
de l'article 60 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.
Lorsque la demande d'avis concerne un projet ou une proposition de loi ou des
amendements à ces projets ou propositions, la section de législation examine d'office si le
texte concerné a pour objet des matières visées à l'article 74, à l'article 77 ou à l'article 78 de
la Constitution [c’est-à-dire s’il relève du monocaméralisme, bicaméralisme intégral, ou
bicaméralisme optionnel].

§ 2. Le Président d'une des assemblées citées au § 1er est tenu de demander l'avis sur les
propositions de loi, de décret ou d'ordonnance, et sur les amendements à des projets ou
propositions, lorsqu'un tiers au moins des membres de l'assemblée intéressée en font la
demande selon le mode déterminé par le règlement.

§ 3. Le Président du Sénat, de la Chambre des Représentants, du Parlement ou de


l'Assemblée réunie visés respectivement aux articles 1er et 60 de la loi spéciale du 12
janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, est tenu de demander l'avis sur les
propositions de loi ou d'ordonnance et sur les amendements à des projets ou propositions,
lorsque la majorité des membres d'un groupe linguistique de l'assemblée intéressée en font
la demande selon le mode déterminé par le règlement.

§ 4. Le président de la Chambre ou le président du Sénat est également tenu de demander


l'avis sur les projets de loi, les propositions de loi ou les amendements, adoptés lors d'un
premier vote, à des projets ou propositions de loi, lorsque la demande en est faite
conformément à l'article 16 de la loi du 6 avril 1995 organisant la commission parlementaire
de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur
le Conseil d'Etat. »

32
23. Le comité de concertation est compétent en matière de prévention des conflits de
compétence

Art. 3 LCCE :

« § 3. Lorsque, selon l'avis de la section de législation, un avant-projet ou une proposition


de loi, de décret ou d'ordonnance, ainsi qu'un amendement ou un projet d'amendement
excède, selon le cas, la compétence de l'Etat, de la Communauté ou de la Région, cet
avant-projet, cette proposition ou cet amendement sont renvoyés au Comité de
concertation […]

§ 4. Le Comité de concertation donne endéans les quarante jours et suivant la règle du


consensus, son avis sur la question de savoir s'il y a excès de compétence; l'avis est
motivé. Si le Comité de concertation estime qu'il y a excès de compétence, il demande,
selon le cas, au Gouvernement fédéral, au gouvernement communautaire ou régional
compétent, au Collège de la Commission communautaire française) ou au Collège réuni) de
corriger l'avant-projet ou de déposer devant l'assemblée saisie de l'avant-projet ou de la
proposition, les amendements qu'il détermine et qui font cesser cet excès de compétence ».

24. La sonnette d’alarme culturelle

Art. 53 règlement du Parlement de la Communauté française :

1. Une motion motivée, signée par le quart au moins des membres du Parlement et introduite
après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer que les
dispositions d'un projet ou d'une proposition de décret qu'elle désigne contiennent une
discrimination pour des raisons idéologiques et philosophiques. Cette motion doit être
déposée sur le Bureau.

2. Le président du Parlement donne connaissance de cette motion à l'assemblée; il en


informe également le président de la Chambre des représentants, le président du Sénat et le
président du Parlement flamand afin qu'il soit, dans les plus brefs délais, statué sur la
recevabilité de la motion.

3. L'examen des dispositions incriminées par la motion est suspendu dès le dépôt de celle-
ci. Après l'expiration d'un délai de quinze jours et si le Collège des présidents n'a toujours
pas statué, le Parlement peut décider de poursuivre leur examen.

4. La décision de recevabilité prise par le collège des présidents suspend l'examen des
dispositions incriminées.

5. Cet examen ne peut être repris qu'après que chacune des chambres législatives a déclaré
la motion non fondée.

6. Lorsqu'un membre demande, lors de l'examen d'un projet ou d'une proposition de décret
ou d'un amendement, une suspension de séance aux fins de pouvoir recueillir le nombre de
signatures requis sur une motion invoquant une discrimination pour des raisons idéologiques
et philosophiques, il doit être fait droit à sa demande. La suspension de séance accordée
sera de quinze minutes au moins.

25. Une loi peut être annulée rétroactivement mais ses effets passés peuvent être
maintenus

Art. 8 loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle :


« Si le recours est fondé, la Cour constitutionnelle annule, en tout ou en partie, la loi, le
décret ou la règle visée à l'article 134 de la Constitution qui fait l'objet du recours.

33
Lorsque la Cour annule, en tout ou en partie, un décret ou une règle visée à l'article 134 de
la Constitution, adopté conformément à l'article 92bis/1 de la loi spéciale du 8 août 1980 de
réformes institutionnelles, elle annule également les dispositions correspondantes figurant
dans le ou les décrets, ou la ou les règles visées à l'article 134 de la Constitution, adoptés
conjointement.

Si la Cour l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des
effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou
maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine. »

Pour les actes administratifs individuels et les règlements :

Art. 14ter LCCE :


« A la demande d'une partie adverse ou intervenante, et si la section du contentieux
administratif l'estime nécessaire, elle indique ceux des effets des actes individuels annulés
ou, par voie de disposition générale, ceux des effets des règlements annulés, qui doivent
être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle
détermine.

La mesure visée à l'alinéa 1er ne peut être ordonnée que pour des raisons exceptionnelles
justifiant de porter atteinte au principe de la légalité, par une décision spécialement motivée
sur ce point et après un débat contradictoire. Cette décision peut tenir compte des intérêts
des tiers ».

26. Il ne peut être admis qu’un acte administratif irrégulier soit écarté par une juridiction s’il
n’a pas été attaqué dans le délai de soixante jours devant le Conseil d’État.

Dès lors que le législateur et le constituant ont créé un contentieux qui permet à une
juridiction administrative, le Conseil d’Etat, d’annuler les décisions individuelles irrégulières
[dans un délai de 60 jours], il est raisonnable de considérer que, si celle-ci refuse de
censurer une décision ou n’a pas été saisie d’un recours dans le délai légal contre cette
décision, la sécurité juridique exige qu’elle ne puisse plus être remise en cause par la suite.

La jurisprudence du Conseil d’Etat (notamment en son arrêt Goedseels), laquelle a été


confortée par le législateur lorsqu’il a adopté l’article 14ter des lois coordonnées et par la
Cour Constitutionnelle, dans son arrêt du 9 février 2012, mérite d’être approuvée.

• Les questions de fond

43. Comment s’organise le contrôle préventif opéré par la section de législation du Conseil
d’État – sur quels types de normes – qui peut la saisir – comment s’en dispenser

Un contrôle est préventif lorsque celui-ci intervient avant l’entrée en vigueur de la norme
contrôlée.

L’avis de la section de législation du Conseil d’Etat porte sur les normes prises par les
différents législateurs et les règlements adoptés par les organes gouvernementaux (pas sur
l’adoption d’une nouvelle norme constitutionnelle ni sur les règlements adoptés par les
pouvoirs locaux - provinces et communes).

Il n’existe pas de contrôle préventif de la conformité de la Constitution au droit international


ayant effet direct dans l’ordre juridique interne, ni de la cohérence du texte constitutionnel.

– sur quels types de normes ?

L’avis de la SLCE est facultatif pour les propositions de loi, de décret ou d’ordonnance, et
les amendements à des projets ou à des propositions de loi, de décret ou d’ordonnance.

34
La consultation de la section de législation est obligatoire pour les avant-projets de loi, de
décret et d’ordonnance et pour les projets d’arrêtés règlementaires[1].
[1]Il est fait exception à cette règle pour les projets relatifs aux budgets, aux comptes, aux emprunts, aux
opérations domaniales et au contingent de l’armée ainsi que les projets de règlements et d’arrêtés du
Gouvernement de la Région de Bruxelles- Capitale ou du Collège réuni qui concernent respectivement
les attributions de l’agglomération bruxelloise, les attributions de la commission communautaire
flamande et de la commission communautaire française en dehors de celles qui concernent des matières
transférées en vertu de l’article 138 de la Constitution (art. 3 des lois coordonnées sur le Conseil d’État
du 12 janvier 1973).

– qui peut la saisir ?

• Une autorité peut solliciter l’avis de la SLCE dans un délai de 5 jours ouvrables, mais,
dans ce cas, l’avis porte uniquement sur la compétence de l’auteur de l’acte, son
fondement juridique et l’accomplissement des formalités. S’il concerne un avant-
projet, il porte aussi sur la question de savoir si le texte relève des compétences de la
seule Chambre des représentants, du bicaméralisme optionnel ou intégral.
• L’avis peut être demandé dans les 30 jours. Dans ce cas, l’examen se limite aux questions
abordées dans un avis rendu dans les 5 jours mais la SLCE peut donner un avis complet.
• Avis dans les 60 jours : avis dont la valeur qualitative est conforme à ce qu’on est en droit
d’attendre de ses avis.

La SLCE est appelée à donner un avis motivé lorsque le président d’une assemblée le
demande, soit spontanément soit lorsque 1/3 des membres de son assemblée le demande.

Le président de la Chambre, du Sénat, du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, ou


de l’assemblée réunie de la COCOM doit saisir la SLCE lorsqu’il y a une demande de la
majorité des membres d’un groupe linguistique.

Le président de la Chambre et le président du Sénat doivent saisir la SLCE à la demande


de 12 membres au moins de la commission parlementaire de concertation lorsque se pose
un conflit de compétences dont la commission est saisie.

– comment s’en dispenser ?

Manière de contourner cette obligation : invoquer l’urgence, sous trois réserves :

1. Urgence spécialement motivée ;

2. Avis tout de même requis pour les avant-projets de loi, de décret et d’ordonnance (=
normes législatives) ;

L’avis ne porte alors que sur les règles de répartition des compétences entre l’autorité
fédérale, les régions et communautés.

Si c’est un avant-projet de loi, l’avis porte sur la question de savoir si le texte relève de la
seule Chambre des représentants, du bicaméralisme optionnel ou du bicaméralisme intégral.

3. L’urgence ne peut être invoquée pour les projets d’arrêtés de pouvoirs spéciaux (= les
arrêtés royaux qui peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer la législation
existante).

44. Quels sont les effets d’un avis de la section de législation du Conseil d’État ?

En principe, l’avis de la SLCE n’est pas contraignant (l’autorité peut s’en écarter sans
justification). Il est cependant revêtu d’une autorité morale et peut guider les juridictions qui
auront par la suite à se prononcer sur la validité de la norme ainsi adoptée.

35
La SLCE peut toutefois momentanément paralyser le processus d’élaboration des normes
dans un cas.

Si elle constate qu’un avant-projet ou proposition de loi, de décret ou d’ordonnance ou un


amendement à un projet ou une proposition est entaché d’excès de compétence, elle
renvoie le texte au comité de concertation.

Le comité de concertation donne un avis motivé dans les 40 jours et dans le respect du
principe du consensus, un avis motivé sur la question de savoir s’il y a excès de compétence
Si tel est le cas, le comité de concertation invite l’organe exécutif concerné à faire disparaître
l’excès de compétence.

A l’issue de ce délai, la procédure reprend normalement son cours.

45. Quel contrôle de la hiérarchie des normes est opéré par le comité de concertation –
appréciation critique (liens avec la leçon 30)

Le comité de concertation — composition : ½ ministres fédéraux + ½ membres des


gouvernements régionaux et communautaires (et ½ néerlandophones + ½ francophones).

Contrôle préventif des règles de répartition des compétences entre l’autorité fédérale, les
régions et les communautés (il intervient également en cas de violation des règles de
coopération et de concertation).

Le comité prend ses décisions à l’unanimité " problème : si les représentants de l’entité
dans laquelle la norme litigieuse doit être prise refusent d’admettre la violation d’une règle
juridique, cet organe ne peut effectivement contrôler la norme.

De plus, quelle que soit l’option retenue par le comité de concertation, des juridictions
peuvent être appelées à se prononcer, par la suite, sur la validité des mêmes normes et, le
cas échéant, à disqualifier les décisions prises par cet organe.

Voir liens avec la leçon 30

46. Qu’est-ce que la sonnette d’alarme culturelle ?

La procédure de la sonnette d’alarme culturelle est organisée par l’article 53 du règlement du


Parlement de la Communauté française. Cette disposition est applicable au sein des
chambres fédérales et au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Une motion motivée, signée par au moins ¼ des membres de l’assemblée, introduite après
le dépôt du rapport et avant le vote final, peut déclarer que les dispositions d’un projet ou
d’une proposition de décret qu’elle désigne, contiennent une discrimination pour des raisons
idéologiques et philosophiques.

La recevabilité de la motion est examinée par un collège des présidents (présidents du


Parlement de la Communauté française, du Parlement flamand, du Sénat et de la Chambre
des représentants).

Si le collège, qui doit statuer dans les 15 jours, déclare la motion recevable, l’examen des
dispositions incriminées est suspendu et ne peut être repris que lorsque la Chambre des
représentants et le Sénat ont déclaré la motion non fondée.

Cette disposition conduit trois organes politiques (collège des présidents, Chambre et Sénat)
à se prononcer sur le respect de l’article 11 de la Constitution, et vise l’examen de la violation
d’une règle juridique, et non forcément des intérêts d’une communauté.

36
Cette règle peut aboutir à paralyser l’action d’une communauté, et subordonner celle-ci à
une intervention du pouvoir fédéral.

47. Qu’est-ce que le contrôle par voie d’exception – définition et origine historique dans le
droit des États-Unis ?

Le contrôle par voie d’exception, qualifié aussi de contrôle diffus, est moins radicale que la
contrôle par voie d’action. Il est généralement exercé par des juridictions ordinaires. A
l’occasion d’un litige pendant devant celles-ci, une partie invoque l’irrégularité d’une norme
qu’on prétend lui appliquer. Si le juge estime l’exception fondée, il peut refuser d’en faire
application.

=> Portée relative : norme pas annulée mais ses effets sont paralysés dans le cadre d’un
procès déterminé - la décision a donc une autorité relative de la chose jugée.

• Origine historique dans le droit des États-Unis

Voir l’affaire " Cour suprême des États-Unis, Marbury c/ Madison

La Cour Suprême écarta l’application du Judiciary Act qui fondait sa compétence pour
connaitre, en premier et dernier ressort, d’un tel recours, au motif qu’il était contraire à une
disposition constitutionnelle.

48. Quelle est la portée de l’article 159 de la Constitution et quels organes peuvent en faire
application ?

En Belgique, le contrôle par voie d’exception est consacré par l’article 159 de la
Constitution : « Les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux,
provinciaux et locaux qu’autant qu’ils seront conformes à la loi ».

Le juge judiciaire peut ordonner à l’autorité, le cas échéant sous peine d’astreinte, de ne pas
exécuter un acte administratif entaché d’illégalité " le principe de la séparation des pouvoirs
n’est pas violé lorsque le juge dicte à l’administration l’attitude que la norme législative lui
impose. Il serait cependant violé si le juge fait acte d’administrateur en s’appropriant, par
exemple, le pouvoir d’appréciation que la loi attribue à l’autorité.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 1972, les juridictions judiciaires sont
autant compétentes que le Conseil d’Etat pour contrôler la légalité interne des décisions
administratives

Le contrôle par voie d’exception est pratiqué par toutes les juridictions, en ce compris la
Cour Constitutionnelle, et non uniquement par les juridictions de l’ordre judiciaire. La section
du contentieux administratif du Conseil d’Etat doit, par exemple, écarter l’application d’une
norme règlementaire illégale quand bien même il ne s’agit pas de la norme dont l’annulation
est poursuivie devant elle.

Les juridictions doivent refuser d’appliquer un acte règlementaire s’il est contraire à
n’importe quelle norme supérieure.

L’article 159 crée une obligation dans le chef du juge, et non dans celui de l’autorité
administrative. Selon le CE, cette dernière est tenue d’appliquer les dispositions
règlementaires, et n’a pas le pouvoir d’écarter celle qu’elle estimerait illégale. " pourtant
l’acte qu’elle prend sera donc (probablement) soit annulé par le Conseil d’Etat, ou écarté par
le juge judiciaire.

L’autorité administrative, selon le Conseil d’Etat en son arrêt Claudic, pourrait faire
application de la technique de raisonnement que l’article 159 de la Constitution consacre,
mais pas directement de cet article.

37
49. Expliquez et commentez l’arrêt Claudic ?

Voir arrêt " CE, n°185.266 du 9 juillet 2008, Claudic — P. 172 du précis

Sans doute l’autorité prend-elle un risque en appliquant ou en refusant d’appliquer un


règlement illégal, mais il parait saugrenu, et contraire au principe de légalité, de la
sanctionner pour avoir fait une application correcte du droit.

Il n’est pas déraisonnable pour l'autorité administrative, agissant avec prudence et


circonspection, de faire application, en certaines circonstances et à ses risques et périls,
sinon de l’article 159 de la Constitution qui ne concerne que les juridictions, mais à tout le
moins de la technique de raisonnement qu’il consacre.

50. Quels sont les positions des différentes juridictions quant à l’application de l’article 159
de la Constitution aux décisions individuelles ?

La position du Conseil d’Etat : Le Conseil d’Etat estime que la sécurité juridique s’oppose à
ce que la régularité d’un acte individuel soit contestée, une fois expiré le délai de recours en
annulation (de 60 jours) devant lui.

Arrêt Goedseels : « Le CE juge de manière générale qu’un acte administratif individuel


devient définitif s’il n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation devant lui dans le délai de
soixante jours prévu par le règlement général de procédure. En dehors de ce délai, la
légalité de cet acte ne peut être contestée devant le juge administratif, même par la voie
incidente, en application de l’article 159 de la Constitution, l’objectif étant de préserver la
sécurité et la stabilité des relations juridiques ».

La position de la Cour de cassation : La Cour de cassation, faisant primer le principe de


légalité, estime que les actes administratifs à portée individuelle peuvent être écartés en tout
temps par les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Elle consacre ainsi la primauté du
principe de la légalité sur le principe de la sécurité juridique

Elle estime donc pouvoir, en tout temps, écarter une décision individuelle qui serait prise en
vertu d’un règlement irrégulier, nonobstant le fait que la Cour Constitutionnelle ou le Conseil
d’Etat ait décidé qu’il puisse continuer à produire des effets en droit[1].

La position du législateur : L’article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat stipule
que « Si la section du contentieux administratif du Conseil d’Etat l’estime nécessaire, elle
indique, par voie de disposition générale, ceux des effets de dispositions d’actes
règlementaires annulées qui doivent être considérées comme définitifs ou maintenus
provisoirement pour le délai qu’elle détermine ».

Cette disposition permet au CE de maintenir la validité de décisions individuelles prises en


vertu d’un règlement irrégulier => l’article 14ter violerait l’article 159 de la Constitution.
La position de la Cour Constitutionnelle : La Cour Constitutionnelle a été interrogée sur la
conformité de l’article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat avec l’article 159 de la
Constitution.

En se fondant sur l’article 160 de la Constitution, la Cour Constitutionnelle fait ici primer les
termes de l’article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat sur ceux de l’article 159
de la Constitution. Elle fait ainsi primer le principe de sécurité juridique sur celui de la
légalité, grâce à cette interprétation audacieuse de la hiérarchie des normes.
[1] Art.
8, al. 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour Constitutionnelle ; art. 14ter des lois
coordonnées sur le Conseil d’Etat

38
51. Expliquez et commentez l’arrêt Lecompte ?

Voir arrêt " Cass., 3 mai 1974, Lecompte — P. 176 du précis

La Cour constate que la loi de pouvoirs spéciaux trouve son fondement dans la Constitution
et, partant, respecte celle-ci.

52. En quoi l’article 159 de la Constitution est-il détourné de sa vocation initiale et est-il
possible d’appliquer un contrôle par voie d’exception sans se fonder sur cette
disposition ?

Art. 159 C. : « Les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux,
provinciaux et locaux, qu’autant qu’ils seront conformes aux lois. »

Le détournement de la vocation initiale de 159 C. :


A l’origine, l’article 159 de la Constitution n’avait pas pour objectif de consacrer l’existence de
la hiérarchie des normes, mais bien de garantir la séparation des pouvoirs.

Il conférait au pouvoir judiciaire le soin de protéger la loi et, partant, de réprimer toute
tentation du pouvoir exécutif ou d’un pouvoir local de prendre des arrêtés qui soient
contraires à l’œuvre du législateur.

Il est permis de se demander si, en faisant de l’article 159 la disposition cardinale du contrôle
par voie d’exception à tous les échelons ou presque de la hiérarchie des normes, la
jurisprudence n’a pas dénaturé cette disposition et méconnu les intentions de ses auteurs.
En effet, l’objectif du constituant était simplement de confier au pouvoir judiciaire le soin de
veille à ce que le pouvoir exécutif n’outrepasse pas es frontières assignées à son action.

La Cour de cassation s’autorise à écarter une décision individuelle qui serait contraire à un
acte règlementaire, ce qui constituerait une interférence dans l’organisation même du
pouvoir exécutif.

Le pouvoir de toutes les juridictions d’assurer le respect de la hiérarchie des normes n’est
pas remis en question, cependant, ce contrôle par voie d’exception peut s’opérer sans devoir
se fonder sur 159 C. :

Le pouvoir de contrôle du juge lui revient en vertu de l’article 40[1], les articles 144 et 145[2],
l’article 149[3] ainsi que les articles 142 et 160 de la Constitution[4]. L’ensemble de ces
dispositions institue, dans le chef du juge, un devoir de juger.

Ce devoir implique par définition l’obligation de faire respecter la hiérarchie des normes.
Cette obligation se déduit des articles 33, al. 2[5], 36[6]105 et 108[7], 162[8] ainsi que 34[9] de la
Constitution. L’ensemble de ces disposition consacre l’existence d’un principe général de
droit, à savoir l’obligation du juge de garantir le respect de la hiérarchie des normes.

De plus, l’arrêt Marbury c. Madison démontre que le contrôle par voie d’exception ne doit
pas nécessairement trouver son fondement dans une disposition constitutionnelle
expresse, tel l’article 159 de la Constitution, mais est la résultante du devoir de juger.

La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs posé le principe selon lequel le droit
à un procès équitable, garanti par l’article 6, § 1 de la Convention, imposait notamment au
juge de garantir la sécurité juridique.

Le juge est donc tenu de respecter deux principes : l’obligation de faire prévaloir la
hiérarchie des normes et la nécessité de garantir la sécurité juridique. Il doit rechercher
un équilibre rationnel entre ceux-ci.

39
[1] Affirme l’existence du pouvoir judiciaire
[2] Concernent les contestations relatives aux droits civils et politiques
[3] Relatif à la motivation des jugements
[4] Fondent l’existence de la Cour Constitutionnelle et du Conseil d’Etat
[5] Les pouvoirs sont exercés de la manière établie par la Constitution (établit la primauté de la

Constitution)
[6] Consacre l’existence du pouvoir législatif
[7] Fixent les limites de la fonction règlementaire dans le chef du Roi et affirment la primauté de la loi sur

les règlements
[8] Consacre la primauté de la norme législative sur les règlements des pouvoirs subordonnés
[9] Certains déduisent de cet article la primauté du droit international ayant des effets directs dans l’ordre

juridique interne sur l’ensemble du droit interne

53. Établissez une synthèse de la manière dont le contrôle de la hiérarchie des normes en
droit belge

Une multiplicité de techniques de contrôle de la hiérarchie des normes existent en droit


belge. Elles sont peu cohérentes entre elles.

La jurisprudence de la Cour de cassation et la création de la Cour Constitutionnelle ont


permis de faire entrer les normes législatives dans le champ des normes soumises à
contrôle.

Un législateur peut impunément méconnaître une disposition de droit supérieur (DIDA ou


disposition constitutionnelle) qui ne fait pas partie de celles dont la Cour Constitutionnelle
assure le contrôle.

Il est peu cohérent que la Cour Constitutionnelle ne puisse pas contrôler la conformité des
normes de droit interne (en ce compris la Constitution) à toutes les dispositions de droit
international qui ont des effets directs dans l’ordre juridique interne.

Le juge ordinaire peut renoncer à appliquer une loi si elle méconnaît une disposition de droit
international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne, mais il ne peut pas
directement en contrôler la conformité à la Constitution. Tout au plus peut-il interroger la
Cour Constitutionnelle à titre préjudiciel si la norme constitutionnelle concernée fait partie de
celles dont la Cour assure le respect.

La solution la plus raisonnable serait de confier à la Cour Constitutionnelle un monopole


dans le contrôle du respect des normes supérieures (tout le DIDA[1] + toutes les dispositions
constitutionnelles + toutes les normes prises au titre de l’Etat global)
Le contrôle à un niveau inférieur relèverait, quant à lui, du contrôle par voie d’exception
opéré par l’ensemble des juridictions judiciaires et administratives.
Une telle réforme supposerait une révision de 142 C. et un éclaircissement quant à ce
qu’implique 159 C.

[1]Droit international directement applicable = Droit international ayant des effets directs dans
l’ordre juridique interne. L'applicabilité directe (ou effet direct) d'une norme internationale signifie que
cette norme crée des droits et des obligations pour les particuliers sans qu'une loi nationale ne la
concrétise.

• Les questions de réflexion (liens)

20. Réflexion sur le contrôle préventif – lien avec les arrêtés de pouvoirs spéciaux (leçon
17) – lien avec la notion d’effet utile des mécanismes de collaboration (leçon 18) – lien
avec les consultations populaires régionales (leçon 6) - lien avec les prérogatives des
groupes linguistiques (leçon 11) – différence entre une absence de consultation de la

40
section de législation du Conseil d’État à propos d’une norme règlementaire et d’une
norme législative (leçon 18).
21. Réflexion sur le contrôle politique de la hiérarchie des normes – lien avec la
composition et les autres compétences du comité de concertation (leçon 30) – lien
avec la procédure de la sonnette d’alarme (leçon 12).
22. Réflexion sur la notion de contrôle par voie d’exception (Marbury contre Madison) et
sur la portée de l’article 159 de la Constitution – lien avec la séparation des pouvoirs
(leçon 2)
23. Réflexion sur le fait que l’article 159 de la Constitution ne concerne que les juridictions
– lien avec la notion de pouvoir judiciaire, avec le privilège du préalable (leçon 2) et les
« juridictions » appelées à poser des questions préjudicielles à la Cour
constitutionnelle (leçon 18)
24. Réflexion sur l’application de l’article 159 de la Constitution aux décisions individuelles
- lien avec la possibilité pour la Constitutionnelle de maintenir les effets d’une norme
déclarée inconstitutionnelle sur question préjudicielle (leçon 18) – lien avec le pouvoir
d’annulation du Conseil d’État et les effets de ses arrêts (leçon 20).
25. Réflexion sur le contrôle de la constitutionnalité des lois - lien avec les pouvoirs
spéciaux (leçon 17) – lien avec la responsabilité de l’État législateur (leçon 20) – lien
avec les ordonnances bruxelloises (leçon 26) – lien avec le contrôle des lois spéciales
(leçons 18 et 19)
26. Réflexion sur l’article 159 de la Constitution - une disposition détournée de sa finalité
initiale – lien avec la séparation des pouvoirs (leçon 2) - lien avec le maintien des effets
d’une normé législative ou règlementaire annulée (leçons 18 et 20)
27. Réflexion générale sur le contrôle de la hiérarchie des normes – liens avec les
pouvoirs de la Cour constitutionnelle (leçon 18).

41
Leçon 6 : Le régime représentatif

• La matière à étudier

- La démocratie directe, participative et délibérative – les référendums (n°1 à 4)


- Le référendum et la consultation populaire en Belgique (n°5 à 7)
- Les élections (n°9 à 13)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- La consultation populaire de 1950 sur la question royale


- CC n°86/2012 du 28 juin 2012, élection proportionnelle

• Les questions de fondement

27. Les assemblées citoyennes en Communauté germanophone

Décret du 25 février 2019 instituant un dialogue citoyen permanent en Communauté


germanophone.

28. L’interdiction du référendum législatif en droit belge au niveau fédéral

Loi : Interdit, fondement : 33 al. 2 C., 36 C., 74 C., 77 C., 78 C. " Il résulte de ces
dispositions que le pouvoir législatif s’exerce collectivement tantôt par le Roi, la Chambre
des représentants et le Sénat, et tantôt par le Roi et la Chambre des représentants.

Plus spécifiquement, l’article 33, al. 2, de la Constitution indique que les pouvoirs sont
exercés de la manière établie par la Constitution. Cette dernière ne prévoit pas de
référendum au niveau fédéral en Belgique.

29. L’interdiction du référendum régional ou communautaire en droit belge

Au niveau régional, le référendum est bel et bien autorisé, en vertu des articles 39bis et 142
de la Constitution, voir infra, question de fond n°58.

Au niveau communautaire cependant, aucune disposition constitutionnelle n’en prévoit


l’organisation, comme cela est requis par l’article 33, al. 2, de la Constitution.

Les communautés ne sont dès lors pas autorisées à organiser des consultations populaires.
Il s'agit assurément là d'une avancée considérable du fait régional qui s'explique
essentiellement par la problématique bruxelloise. En effet, comme il n'existe pas de
citoyenneté communautaire et que les Bruxellois ne sont pas tenus de s'identifier comme
relevant de l'une des deux grandes communautés, il est impossible d'identifier un électorat
communautaire et, partant, d'organiser une consultation populaire à ce niveau de pouvoir.

30. Le contrôle préventif de la Cour constitutionnelle sur les consultations populaires


régionales

L’article 142 C. prévoit désormais que « La Cour statue par voie de décision sur chaque
consultation populaire visée à l’article 39bis, préalablement à son organisation, dans les
conditions et selon les modalités visées par la loi ».

L’article 30ter a donc été ajouté à la loi spéciale du 6 janvier 1989.

42
La Cour ne peut se prononcer sur l’opportunité de la consultation populaire. Elle doit vérifier
si la consultation populaire respecte bien les règles de répartition des compétences, et,
partant, si elle porte bien sur des matières exclusivement attribuées aux organes régionaux,
si elle est conforme aux autres dispositions dont elle assure le contrôle ainsi qu’aux
obligations internationales de la Belgique. Elle doit également vérifier si elle est conforme au
décret ou à l’ordonnance organique de la Région sur la base de laquelle elle est organisée.
Si la région ne saisit pas la Cour, la consultation populaire ne peut pas être organisée.

31. L’interdiction de la consultation populaire régionales sur la politique des handicapés

39bis, al. 1, C. :
« À l'exclusion des matières relatives aux finances ou au budget ou des matières qui sont
réglées à une majorité des deux tiers des suffrages exprimés, les matières exclusivement
attribuées aux organes régionaux peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la
région concernée. »

Art. 128, § 1er, C. :


Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par
décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu’en ces
matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la
conclusion de traités.
Une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa, arrête ces matières
personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de
traités.

En vertu de l’article 5, § 1er, 4°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août


1980, les matières personnalisables visées à l'article 128, § 1er, de la Constitution, sont
notamment :
« 4° La politique des handicapés, en ce compris la formation, la reconversion et le recyclage
professionnels des handicapés les aides à la mobilité, à l'exception :
a) des règles et du financement, en ce compris les dossiers individuels, des allocations aux
handicapés autres que l'allocation d'aide aux personnes âgées
b) des règles relatives à l'intervention financière pour la mise au travail de travailleurs
handicapés, octroyée aux employeurs occupant des handicapés. »

La politique des handicapés est octroyée en partie aux Communautés (politique de


large autonomie, voy. leçon 27)

32. L’interdiction de modifier la législation électorale un an avant les élections

Art. 39ter de la Constitution :


« La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 qui règle les élections de la Chambre des
représentants ou d'un Parlement de communauté ou de région, et qui est promulgué moins
d'un an avant la date prévue de la fin de la législature, entre en vigueur au plus tôt un an
après sa promulgation ».

• Les questions de fond

54. Définissez en donnant chaque fois un exemple les mécanismes de démocratie directe,
de démocratie participative ou délibérante et de démocratie représentative.

• Démocratie directe ou immédiate :

La démocratie directe implique que les membres du groupement étatique prennent part
directement, dans les assemblées populaires, à la gestion des affaires publiques. Il existe

43
une identité parfaite entre les gouvernés et les gouvernants et, partant, il n’y a, dans un tel
régime, aucune distinction entre les pouvoirs exécutif et législatif.
Exemples : tous les citoyens réunis sur le forum ou l’agora, les Landsgemeinde en Suisse
(l’ensemble des citoyens du canton s’installe sur une place ou dans un champ et vote à main
levée à propos des décisions importantes).

• Démocratie représentative :

En théorie, le régime représentatif moderne, et donc à vocation démocratique, peut être


défini comme un régime dans lequel les gouvernés confient aux gouvernants, pour une
période limitée dans le temps et partant révocable et précaire, le soin d’exercer la puissance
publique et partant de réaliser l’intérêt général.

Exemples : la plupart des démocraties modernes, dont la Belgique ; en France, sous l’Ancien
Régime, l’idée de représentation gouvernait déjà le fonctionnement des institutions dans une
tradition qui n’avait rien de démocratique.

• Démocratie participative ou délibérative :

Les procédés de démocratie participative ou délibérative, voire débattante impliquent


activement le citoyen, le cas échéant tiré au sort, dans le processus décisionnel. Ces
procédés présentent plusieurs défauts, tels que l’absence de reddition de comptes des
citoyens étant donné le tirage au sort et donc l’absence de responsabilité, l’implication du
hasard dans le processus décisionnel et enfin, l’absence d’une éventuelle expertise
collective apportée par les partis comme dans le régime représentatif.

Exemples : les initiatives évoquées point 55

55. Quelles initiatives ont été prises dans les différents parlements des entités fédérées
pour mettre en œuvre des mécanismes de démocratie participative ?

• Parlement de la Communauté germanophone :

Base légale : Décret du 25 février 2019 instituant un dialogue citoyen permanent en


Communauté germanophone.

Des assemblées citoyennes sont convoquées ponctuellement en vue d'élaborer des


recommandations sur un sujet particulier. Elles délibèrent, en principe, dans le respect du
consensus et, à défaut, leurs décisions peuvent être prises à la majorité des 4/5èmes.
Il est institué un conseil citoyen, composé de 24 membres tirés au sort sur les listes
électorales, puis parmi les volontaires et en respectant un équilibre géographique, socio-
économique, de sexe et d'âge.

À l'issue du débat parlementaire sur la déclaration gouvernementale se tenant au début de


chaque session du Parlement, le conseil citoyen se réunit pour déterminer les thèmes qui,
au cours des douze prochains mois, seront discutés dans le cadre d'assemblées citoyennes.
Celles-ci émettent alors des recommandations qui sont transmises au Parlement et
débattues au sein d'une commission en séance publique avec les membres de
l'assemblée citoyenne. Dans un délai d'un an, l'état d'avancement des recommandations
est examiné par la même commission.

• Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale :

Base légale : Art. 25/1 du Règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,


instituant des commissions délibératives composées de députés et invitant des citoyens tirés
au sort.

44
Les commissions délibératives entre députés et citoyens sont créées à la suite de
suggestions citoyennes signées par au moins 1000 personnes résidant dans la Région de
Bruxelles-Capitale.

Elles sont composées de 15 députés et de 45 citoyens tirés au sort et établissent des


recommandations qui sont contresignées dans un rapport et adressées à la commission
permanente correspondante (les commissions traitent des différentes compétences
régionales). Celle-ci assure le suivi des recommandations et veille à ce que le rapport soit
présenté en séance publique.

• Parlement wallon :

Base légale : Art. 129 du Parlement wallon.

A propos de tout projet de décret ou de proposition de décret ou de résolution, des citoyens,


des associations, des sociétés ou des institutions peuvent communiquer leur avis aux
membres de la commission parlementaire compétente. Cet avis est également transmis au
ministre.

(Ce parlement a également mis en œuvre un panel citoyen et a initié un projet « un décret
par tous, un décret pour tous ».)

56. Établissez une typologie des différents référendums en donnant pour chacun d’entre
eux des exemples.

L’intervention directe du peuple dans une question de législation ou d’administration porte le


nom de référendum. Il permet de pallier le déficit démocratique qu’engendre inévitablement
la mécanique de représentation. Cependant, lorsque le référendum n’est pas exempt d’un
enjeu plébiscitaire, il aboutit au résultat paradoxal de renforcer le caractère représentatif du
système.

Référendum constitutionnel : ont a trait à des questions constitutionnelles.

Référendum législatif : ont a trait à des questions législatives.

Référendum au sein des entités fédérées / des collectivités locales : Référendum au niveau
régional en Belgique (réglé par 39bis C. et 142 C.) / Au niveau local (41 C.)
Ils peuvent être d’initiative populaire ou d’initiative parlementaire.

Référendum d’initiative populaire : Un certain nombre de citoyens doivent en manifester la


volonté.

=> En Suisse, si 50.000 citoyens actifs ou huit cantons le demandent, le peuple peut adopter
ou rejeter une loi. En Italie, un référendum constitutionnel peut être organisé si 500.000
citoyens ou 5 conseils régionaux en font la demande.

Référendum d’initiative parlementaire

Référendum normatif : Le référendum porte sur un texte précis.

=> Le référendum organisé en France sur le Traité de Maastricht ; référendums organisés en


France, Espagne, Pays-Bas et Luxembourg sur le projet de Constitution européenne ;
référendums irlandais sur le Traité de Lisbonne.

Référendum optionnel : Concerne les grandes lignes d’une politique.

45
=> Référendum relatif au Brexit organisé au Royaume-Uni ; référendum par lequel les
Écossais ont refusé de prendre leur indépendance.

Référendum préalable : Le référendum est préalable lorsqu’il a pour objet de consulter le


corps électoral sur un projet de loi qui sera ultérieurement présenté aux assemblées
législatives.

Référendum de ratification : porte sur un texte déjà adopté par celles-ci.

Référendum décisoire : ses résultats lient les gouvernants.

=> Référendum sur les trottinettes électriques en libre-service à Paris[1]

Consultation populaire : Gouvernants libres de leur décision.

=> Consultation populaire de 1950 sur la question royale

Mais, cette distinction pourrait être considérée comme une fiction juridique : même si,
juridiquement, les gouvernants ne sont pas liés par les résultats d’une consultation populaire,
ils peuvent difficilement, sur le plan politique, ne pas en tenir compte.

[1]C’est un référendum qui vire au plébiscite. Dimanche 2 avril, 89,03 % des Parisiens qui ont pris part au
vote pour ou contre les trottinettes électriques en libre-service, ont choisi le « contre ». Comme Anne
Hidalgo s’était déclarée « purement et simplement » liée par le résultat de la consultation, la Mairie
de Paris ne renouvellera pas les contrats des trois opérateurs privés (Lime, Tier et Dott), qui
déploient chacun 5 000 trottinettes dans la capitale. Les contrats arrivant à échéance le 31 août, les
trottinettes auront disparu de la voie publique dès le 1er septembre

57. Décrivez et analysez la validité constitutionnelle de la consultation populaire de 1950


sur le retour de Léopold III

Voir l’affaire de la consultation populaire de 1950 sur la question royale — P. 197 du


précis.

Le pouvoir législatif demande au corps électoral de porter un jugement sur le chef de l’État
=> Constitutionnalité de la consultation douteuse :
- Caractère décisoire : le pouvoir législatif ne pouvait ignorer la voie tracée par la majorité
des citoyens ;
- Crée un débat politique sur la personne royale, or, constitutionnellement, le Roi étant
inviolable et irresponsable, sa personne doit demeurer en dehors du débat politique.

58. Décrivez dans quelles conditions une consultation populaire peut juridiquement être
organisée en Belgique à propos de chaque type de normes ?

L’article 33 al. 2 de la Constitution dispose que « les pouvoirs sont exercés de la manière
établie par la Constitution. » Dès lors, une procédure de consultation populaire doit être
inscrite dans la Constitution pour être autorisée.

Constitution : Interdit, fondement : 33 al. 2 C., 36 C., 195 C.

Loi : Interdit, fondement : 33 al. 2 C., 36 C., 74 C., 77 C., 78 C. " Il résulte de ces
dispositions que le pouvoir législatif s’exerce collectivement tantôt par le Roi, la Chambre
des représentants et le Sénat, et tantôt par le Roi et la Chambre des représentants

46
Décret / Ordonnance au niveau régional :

Lors de la 6e réforme de l’État, un nouvel article 39bis a été inséré dans la Constitution lors
de la 6ème réforme de l’Etat. En vertu de celui-ci, « A l’exclusion des matières liées aux
finances, au budget ou de celles qui doivent être réglées à une majorité de deux tiers des
suffrages exprimés, les matières exclusivement attribuées aux organes régionaux peuvent
faire l’objet d’une consultation populaire dans la région concernée. »
Par décret organique (voté sous forme d’un décret spécial), les régions fixent les modalités
et l’organisation de ces consultations populaires.

Pour ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance organique doit être


adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés au sein du Parlement, et à la
majorité absolue de chaque groupe linguistique, en vertu de l’art. 28 de la loi spéciale du 12
janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

L’article 142 C. prévoit désormais que « La Cour statue par voie de décision sur chaque
consultation populaire visée à l’article 39bis, préalablement à son organisation, dans les
conditions et selon les modalités fixées par la loi »
L’article 30ter a donc été ajouté à la loi spéciale du 6 janvier 1989 : La Cour ne peut se
prononcer sur l’opportunité de la consultation populaire. Elle doit vérifier si la consultation
populaire respecte bien les règles de répartition des compétences, et, partant, si elle porte
bien sur des matières exclusivement attribuées aux organes régionaux, si elle est conforme
aux autres dispositions dont elle assure le contrôle ainsi qu’aux obligations internationales de
la Belgique. Elle doit également vérifier si elle est conforme au décret ou à l’ordonnance
organique de la Région sur la base de laquelle elle est organisée. Si la région ne saisit pas la
Cour, la consultation populaire ne peut pas être organisée.

59. Quelles sont les conditions requises pour organiser une consultation populaire
régionale ?

Lors de la 6e réforme de l’État, un nouvel article 39bis a été inséré dans la Constitution lors
de la 6ème réforme de l’Etat. En vertu de celui-ci, « A l’exclusion des matières liées aux
finances, au budget ou de celles qui doivent être réglées à une majorité de deux tiers des
suffrages exprimés, les matières exclusivement attribuées aux organes régionaux peuvent
faire l’objet d’une consultation populaire dans la région concernée. »

Par décret organique (voté sous forme d’un décret spécial), les régions fixent les modalités
et l’organisation de ces consultations populaires.

Pour ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance organique doit être


adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés au sein du Parlement, et à la
majorité absolue de chaque groupe linguistique, en vertu de l’art. 28 de la loi spéciale du 12
janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

60. Décrivez et déterminez l’efficacité de la garantie instituée par le constituant belge afin
de garantir l’intégrité du système électoral ?

L’article 39ter de la Constitution y a été inséré lors de la 6ème réforme de l’Etat.

« La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134, qui règle les élections de la Chambre des
représentants ou d’un Parlement de communauté ou de région, et qui est promulguée moins
d’un an avant la date prévue de fin de législature, entre en vigueur au plus tôt un an après sa
promulgation ».

Cette disposition vise à mettre en œuvre l’une des recommandations de la commission de


Venise, qui préconise notamment d’éviter de modifier les règles électorales moins d’un an
avant les élections.

47
L’exposé des motifs de l’article 39ter précise que cet article vise les principes de base des
élections et toutes les prescriptions fondamentales qui ont trait aux élections, et non les
mesures supplémentaires ou points de détail en vue de l’organisation des élections. Cette
interdiction ne s’applique pas non plus lorsque cette modification a pour but de rendre la
législation électorale conforme à une décision de justice qui n’est plus susceptible de
recours.
La formulation de l’article 39ter ne rencontre pas l’objectif poursuivi en ce qui concerne les
élections fédérales. En retenant la formulation « la date prévue avant la fin de la
législature », le constituant permet une réforme électorale intervenant moins d’un an avant
d’éventuelles élections anticipées.

De plus, l’article 39ter figure dans le Titre III de la Constitution et, partant, est dépourvu de
toute protection juridictionnelle dans l’ordre juridique interne, n’étant pas intégré dans les
normes dont la Cour Constitutionnelle assure le respect. Cependant, il est possible que cette
dernière sanctionne sa violation éventuelle si elle est invoquée en combinaison avec une
norme dont elle assure le contrôle.

61. Décrivez le scrutin proportionnel.

Les systèmes fondés sur la représentation proportionnelle, plus soucieux de justice


électorale, tendent à assurer à chaque liste une représentation politique en rapport avec le
nombre de suffrages qu'elle a recueillis.

Ce système implique un scrutin de liste à un tour. Il offre une image plus exacte de l'opinion
publique, mais contribue à l'éclosion de multiples petits partis et à l'éparpillement des forces
politiques. Plus la magnitude des circonscriptions est importante, plus le pourcentage
nécessaire pour obtenir un siège est faible.

Le système proportionnel ne permet cependant pas de donner un poids strictement égal à


chaque voix et connaît également, mais sans commune mesure avec le système majoritaire,
le phénomène des voix perdues.

Aucune disposition de droit international ou de droit interne n’interdit au législateur qui a opté
pour un système de représentation proportionnel de prévoir des limitations raisonnables afin
de garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques => ex : seuil minimal de
voix pour être représenté au sein de l’assemblée.

Un système proportionnel intégral peut rendre extrêmement difficile la constitution d’un


gouvernement.

62. Décrivez le scrutin majoritaire

Selon le système du scrutin majoritaire, dans chaque circonscription, un seul candidat ou


une seule liste de candidats emporte la totalité des sièges mis en jeu indépendamment du
résultat des autres candidats et des autres listes. Il peut se tenir en un tour ou deux tours.

Un scrutin majoritaire à pour vocation de dégager une majorité en sièges suffisamment nette
pour permettre à l’exécutif de gouverner en s’appuyant sur celle-ci. Le choix de l’électeur des
titulaires du pouvoir exécutif est également plus clair et plus immédiat. Ce système contribue
cependant à donner une image imparfaite du corps électoral. Il peut arriver q’un parti
majoritaire en voix dans le pays soit minoritaire dans l’assemblée. Le scrutin majoritaire est
censé entrainer une bipolarisation de la vie politique et une dynamique d’alternance.

• Le scrutin majoritaire à un tour

Les candidats ou les listes arrivant en tête dans chacune des circonscriptions sont élus.

• Le scrutin majoritaire à deux tours

48
Seuls les candidats ou les listes qui recueillent la majorité absolue des voix sont élus dès le
premier tour, et, dans ces circonscriptions, les opérations électorales s’arrêtent là.

Dans les circonscriptions où aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue dès le premier
tour, un scrutin de ballotage est organisé entre les deux premiers candidats / les deux
premières listes / les candidats et les listes ayant atteint un seuil déterminé au premier tour.

Les petits partis sont confrontés à une alternative. Soit ils se regroupent dans de grands
cartels ou de grandes fédérations, soit ils conservent leur identité et leur autonomie, et
admettent de ne jouer qu’un rôle limité.

63. Décrivez le système électoral mixte.

Le système mixte combine les avantages du scrutin majoritaire et ceux de la représentation


proportionnelle. Il rationalise les forces en présence, et permet de dégager une majorité plus
ou moins claire, tout en reflétant fidèlement l’image du corps électoral.

Tout électeur se voit attribuer deux bulletins de vote. Sur le premier, il inscrit le nom d’un
candidat, ce qui permet l’élection d’une première moitié de députés au scrutin majoritaire
uninominal à un tour. Sur le second, il inscrit le nom d’un parti, ce qui permet d’élire une
seconde moitié de députés à la représentation proportionnelle, sur les listes présentées par
les différents partis.

=> République fédéral d’Allemagne.

• Les questions de réflexion (liens)

28. Réflexion sur la démocratie directe et les référendums – lien avec la sécession dans le
fédéralisme et la confédération d’États (leçon 22), avec le référendum constitutionnel
en droit belge (leçon 3)
29. Réflexion sur les référendums et les consultations populaires en droit belge – liens
avec les règles de dévolution au trône (leçon 23), lien avec les compétences de la
Cour constitutionnelle (leçon 18), lien avec les compétences territoriales des
communautés (leçon 29).
30. Réflexion sur les systèmes électoraux, lien avec la vérification des pouvoirs (leçon 13),
lien avec les caractéristiques constitutionnelles du vote et la répartition des sièges en
circonscriptions (leçon 7).

49
Leçon 7 : Le système électoral belge

• La matière à étudier

- Les conditions d’éligibilité et la parité femmes – hommes (n°3 à 5)


- L’effet utile du vote et les caractéristiques constitutionnelles du vote (n°6 à 8)
- La répartition des sièges en circonscriptions (n°9 à 12)
- Le seul d’éligibilité (n°12)
- Le mode de répartition des sièges entre les listes (n°13 à 15)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- La démission de Guy COËME


- CC n°99/2019 du 19 juin 2019 – orientation sexuelle non-binaire
- CC n°134/2013 du 10 octobre 2013 – droit à l’abstention
- CC 73/2003 – seuil d’éligibilité

• Les questions de fondement

33. Le droit de vote aux élections législatives peut être accordé aux ressortissants de
l’Union européenne

Art. 8, al. 3, C. :
« Par dérogation à l’alinéa 2, la loi peut organiser le droit de vote des citoyens de l’Union
européenne n’ayant pas la nationalité belge, conformément aux obligations internationales et
supranationales de la Belgique »

NB : En vertu de l’article 8 C., le vote des citoyens européens aux élections législatives en
Belgique peut être accordé, mais ce n’est toujours pas le cas.

34. Les ressortissants d’États non européens votent aux élections communales

Art. 8, al. 3, C. :
« Par dérogation à l’alinéa 2, la loi peut organiser le droit de vote des citoyens de l’Union
européenne n’ayant pas la nationalité belge, conformément aux obligations internationales et
supranationales de la Belgique »

La loi du 27 janvier 1999 consacre le droit de vote des ressortissants de l’Union européenne
pour les élections communales.

Art. 1erbis, § 1er, de la loi électorale communale du 4 août 1932 :


« Peuvent acquérir la qualité d'électeur pour la commune les ressortissants des autres Etats
membres de l'Union européenne qui, hormis la nationalité, réunissent les autres conditions
de l'électorat visées à l'article 1, § 1, et qui ont manifesté, conformément au § 2 du présent
article, leur volonté d'exercer ce droit de vote en Belgique. »

Directive 94/80/CE du Conseil, du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l'exercice du


droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant
dans un État membre dont ils n'ont pas la nationalité.

Art. 8 B, 1er Traité de Maastricht :


« Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le
droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans
les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. […] ».

50
Article 22 TFUE (ex-article 19 TCE), 1. :
Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit
de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans les
mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des
modalités arrêtées par le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure
législative spéciale, et après consultation du Parlement européen, ces modalités peuvent
prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre
le justifient.

35. L’âge de l’éligibilité dans les parlements régionaux est de 18 ans

Art. 24bis, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :
« § 1. Pour être élu directement en qualité de membre du (Parlement
wallon) ou du (Parlement flamand), il faut :
1° être Belge;
2° jouir des droits civils et politiques;
3° être âgé de 18 ans accomplis;
4° avoir son domicile : (…)
5° ne pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion ou de suspension visés aux articles 6 à
9bis du Code
électoral.
(…) »

Art. 12., § 1er., 3°, De la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises :
« § 1er Pour être membre du Parlement, il faut :
1° être Belge;
2° jouir des droits civils et politiques;
3° être âgé de 18 ans accomplis;
4° avoir son domicile dans une commune faisant partie du territoire visé à l'article 2, § 1er, de
la présente loi et, en conséquence, être inscrit au registre de la population de cette
commune;
5° ne pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion visés aux articles 6 à 9bis du Code
électoral. »

36. Il faut une parité de candidats hommes-femmes sur les listes électorales à la Chambre

Art. 117bis du Code électoral :


Sur chacune des listes, ni l'écart entre le nombre de candidats titulaires de chaque sexe, ni
celui entre le nombre de candidats suppléants de chaque sexe ne peuvent être supérieurs à
un. De même, l'écart entre l'ensemble des candidats de chaque sexe présents sur une
même liste ne peut être supérieur à un.
Ni les deux premiers candidats titulaires, ni les deux premiers candidats suppléants de
chacune des listes ne peuvent être du même sexe.

Art. 10 al. 3 C. :
L’égalité des femmes et des hommes est garantie.

Art. 11bis C. :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans
discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des
minorités idéologiques et philosophiques. »

Loi du 18 juillet 2002 assurant une présence égale des hommes et des femmes sur les listes
de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales et du Conseil de la
Communauté germanophone.

Loi spéciale du 18 juillet 2002 assurant une présence égale des hommes et des femmes sur

51
les listes de candidats aux élections du Conseil régional wallon, du Conseil flamand et du
Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

Alors que la loi adoptée en 1994 interdisait aux partis politiques de composer leurs
listes électorales de plus de deux tiers de membres du même sexe, les 'lois sur la
parité' interdisent désormais que l’écart entre le nombre de candidats (titulaires ou
suppléants) de chaque sexe puisse être supérieur à un.

37. Le système de la tirette est interdit

Voir l’arrêt CC n°99/2019 du 19 juin 2019 – identité de genre non-binaire — P. 224 du


précis

38. Le vote est obligatoire

Art. 62 C. pour la Chambre des représentants


« La constitution des collèges électoraux est réglée par la loi.

Les élections se font par le système de représentation proportionnelle que la loi détermine.

Le vote est obligatoire et secret. Il a lieu à la commune, sauf les exceptions à déterminer par
la loi ».

Art. 68 C. pour le Sénat

39. Nul ne peut être à la fois membre de la Chambre et du Sénat

Arrêt de la Cour Constitutionnelle CC n°73/2003 du 26 mai 2003, à propos de la loi du 13


septembre 2002, qui autorisait notamment la double candidature à la Chambre et au Sénat.

La Cour rappelle la portée de l’article 49 de la Constitution et affirme que « le législateur a


dérogé à l’interdiction de principe d’être simultanément candidat à la Chambre et au Sénat.
S’il était élu à la fois à la Chambre et au Sénat, le candidat ne pourrait cependant exercer
qu’un seul de ces mandats. La mesure attaquée est de nature à tromper l’électeur qui ne
peut pas mesurer l’effet utile de son vote. En outre, elle avantage sans justification
raisonnable les candidats qui peuvent bénéficier de la double candidature ».

Selon certains auteurs, la Cour découvre là un nouveau principe général de droit électoral :
l’électeur doit pouvoir apprécier les effets utiles de son vote.

40. Une circonscription fédérale unique pour les élections législatives fédérales

En vertu de l’article 63, §2 de la Constitution, le territoire national est découpé par la loi en
plusieurs circonscriptions électorales.

Le découpage des circonscriptions électorales pour les élections législatives fédérales est
une compétence réservée par la Constitution à la loi, de telle manière que le gouvernement
ne peut pas à lui seul fixer leurs limites en fonction de ses intérêts électoraux.

L’article 63, §3, détermine la procédure à suivre pour procéder à cette répartition des sièges;

41. Une circonscription régionale unique pour les élections régionales wallonnes

Art. 26., § 2bis de la loi spéciale du 8 août 1989 de réformes institutionnelles :


§ 1. Le (Parlement wallon) et le (Parlement flamand) déterminent les circonscriptions
électorales par décret, chacun pour ce qui le concerne.

§ 2. Aucune circonscription électorale ne peut dépasser les limites du territoire d'une Région.

52
§ 2bis. Le Parlement wallon et le Parlement flamand peuvent créer par décret, chacun pour
ce qui le concerne, une circonscription électorale sur l'ensemble du territoire de leur région à
partir de laquelle sont élus une partie des membres de leur parlement respectif. S'ils font
usage de cette faculté, le Parlement wallon et le Parlement flamand définissent par décret,
chacun pour ce qui le concerne, le nombre de sièges que compte cette circonscription
régionale.

42. Une circonscription doit comprendre au moins quatre arrondissements électoraux

C.C., n° 169/2015 du 26 novembre 2015

En Région wallonne, il avait été décidé de conserver les anciens arrondissements


électoraux. Il en résulte que le plus petit d'entre eux comptait seulement deux élus
(Neufchâteau-Virton) alors que le plus grand (Liège) en comptait treize.

La Cour constitutionnelle affirme que cette disparité viole le principe d'égalité et que « des
écarts importants entre les seuils électoraux naturels à atteindre ne peuvent manquer
d'apparaître lorsque le nombre de sièges à pourvoir par circonscription varie de 2 à 13 ».

Il est donc bien plus malaisé de se faire élire dans une circonscription ne comptant qu'un
nombre très réduit d'élus. Elle en conclut que, si elle a jugé, dans un arrêt précèdent, qu'il
« peut être admis qu'une circonscription électorale où quatre mandats sont à répartir est
compatible avec le système de la représentation proportionnelle, tel n'est pas le cas pour les
circonscriptions où seuls deux ou trois mandats sont à répartir et où le seuil électoral est,
pour cette raison, déraisonnablement élevé ».

La Cour ne semble pas avoir égard, afin de déterminer si le principe d'égalité est respecté,
au différentiel entre la plus grande et la plus petite circonscription. Elle se contente d'affirmer
que ce principe exige qu'il n'existe pas de circonscription dans laquelle il est procédé à
l'élection de moins de quatre parlementaires. A la suite de cet arrêt, le législateur wallon
redessine la carte des circonscriptions électorales afin que, dans chacune d'entre elles,
soient élus au moins quatre députés.

43. Suppression des suppléants pour les élections de la Région de Bruxelles-Capitale

Ordonnance spéciale de la Région de Bruxelles-Capitale du 19 avril 2018 modifiant la loi


spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à renforcer la
démocratie directe par la suppression de la liste des suppléants aux élections régionales.

• Les questions de fond

64. Les conditions d’électorat aux élections fédérales et régionales

Les élections fédérales - art. 61 & 67 (à l’exception des élections communales) :

- Être belge ;

- Être âgé d’au moins 18 ans ;

- Être inscrit au registre de la population d’une commune belge ;

Pour les élections législatives, les Belges résidant à l’étranger qui sont inscrits dans les
registres de population tenus dans les postes diplomatiques ou consulaires de carrière
peuvent également voter.

53
- Ne pas se trouver dans un des cas d’exclusions prévus par la loi ;

Les élections régionales :

- Être belge ;

- Être âgé d’au moins 18 ans ;

- Être domicilié dans l’aire territoriale de compétence de l’entité concernée

- Ne pas se trouver dans un des cas d’exclusions prévus par la loi.

65. Les conditions d’éligibilité aux élections fédérales et régionales - comparaison

Les conditions d’éligibilité pour la Chambre des représentants (64 C.) et le Sénat (69 C.) sont
identiques :

- Être Belge ;

- Jouir de ses droits civils et politiques ;

- Être domicilié en Belgique ;

- Avoir atteint l’âge de 18 ans.

Aucune autre condition d’éligibilité ne peut être requise

Pour les parlements régionaux (et Parlement Communauté germanophone) :

- Être Belge ;

- Jouir de ses droits civils et politiques ;

- Être domicilié en Belgique ;

- Avoir son domicile dans une commune située sur le territoire de la région considérée ;

- Avoir atteint l’âge de 18 ans.

66. La parité hommes-femmes dans le droit électoral – mesures de discriminations


positives

La loi du 24 mai 1994 visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des
femmes sur les listes de candidature aux élections – connue sous l’appellation loi Smet-
Tobback – avait inséré un article 177bis dans le Code électoral.

Cette loi avait pour objectif d’interdire que, sur une même liste, le nombre de candidats d’un
même sexe excède une quotité de deux tiers du total de nombre de sièges à pourvoir pour
l’élection.

La section de législation du Conseil d’Etat avait émis plusieurs critiques, notamment celle
qu’une telle règlementation « peut conduire à supprimer le droit de se porter candidat et le
droit d’être élu lorsque les listes électorales ne respectent pas les propositions fixées dans le
projet. La condition ainsi imposé à l’exercice du droit d’éligibilité n’est pas conforme aux
règles constitutionnelles en vigueur ».
Le gouvernement passa outre cet avis.

54
Les articles 10 al. 3 C. et 11bis C. ont été adoptés, selon lesquels « l’égalité des femmes et
des hommes est garantie » et imposent aux différents législateurs de veiller à favoriser
« l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats publics et électifs ».

Selon les lois ordinaire et spéciale du 18 juillet 2002 assurant une présence égale des
hommes et des femmes sur les listes de candidats aux différentes élections (législatives /
régionales / communautaires), chaque liste doit compter au moins un candidat de chaque
sexe dans les trois premiers candidats présentés. Chaque liste doit, en principe, être
composée d’un nombre égal d’hommes et de femmes. Au cas où une liste compterait un
nombre impair de membres, le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur
à un.

Pour les élections régionales wallonnes, un décret spécial du 11 mai 2018 institue, tant pour
les candidats effectifs que pour les candidats suppléants, le mécanisme de la « tirette » =
l’alternance des genres entre chaque candidat (le professeur critique ce mécanisme sur
base de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle " voir arrêt CC n°99/2019 du 19 juin
2019 – identité de genre non-binaire)

67. Qu’est-ce que le principe d’effet utile du vote ?

La Cour, saisie d’un recours en annulation contre la loi du 13 septembre 2002 (autorisant
notamment la double candidature à la Chambre et au Sénat => interdit par l’article 49 C.) a,
selon différents auteurs, découvert un nouveau principe général de droit électoral : l’électeur
doit pouvoir prévoir l’effet utile de son vote.

Selon ce principe, l’électeur doit pouvoir prévoir les conséquences de son vote ; il ne serait
pas concevable qu’un candidat se présente à la fois à la Chambre et au Sénat, étant donné
que s’il était élu pour siéger au sein de ces deux chambres, il ne pourrait exercer qu’un seul
de ces mandats. Cela serait de nature à tromper l’électeur.

68. Expliquez et commentez l’arrêt de la CC n°99/2019 du 19 juin 2019 – orientation


sexuelle non-binaire

Voir arrêt CC n°99/2019 du 19 juin 2019 – identité de genre non-binaire — P. 224 du


précis.

Le système de la tirette prive les candidats dont l’identité de genre est non binaire du droit
politique essentiel de se porter candidat aux élections régionales

69. Quelles sont les caractéristiques constitutionnelles du vote en droit belge ?

L’article 62 de la Constitution prévoit les 4 caractéristiques constitutionnelles du vote en droit


belge :

- « La constitution des collèges électoraux est prévue par la loi » = le pouvoir exécutif ne
peut réaliser le découpage des circonscriptions électorales ;

- « Les élections se font par le système de la représentation proportionnelle que la loi


détermine » ;

- Depuis 1893, le vote est obligatoire (62 C. et 68 C.) — s’analyse comme la contrepartie de
l’instauration du suffrage universel ;

- Depuis 1921, le vote est secret (62 C. et 68 C.).

70. Sur la base de quelles circonscriptions sont organisées les élections fédérales, les
différentes élections régionales et communautaires ?

55
En vertu de l’article 63, §2, de la Constitution, le territoire est découpé par la loi en 11
circonscriptions électorales, représentant les 10 provinces de Belgiques + la circonscription
de Bruxelles-Capitale.

Leur découpage est une compétence réservée par 62 C. à la loi.

À l’occasion de la loi du 13 décembre 2002, le législateur a notamment remplacé les


anciennes circonscriptions sur la base desquelles étaient organisées les élections à la
Chambre des représentants par des circonscriptions provinciales.

L’article 63, §3, C. détermine la procédure à suivre pour procéder à la répartition des sièges.

Election de la Chambre des représentants (fédéral) :


Pour l'élection de la Chambre des représentants, les circonscriptions électorales recouvrent
chacune le territoire d'une province, à l'exception de la circonscription de Bruxelles-Capitale.

Dans la province de Brabant flamand, il est prévu que, dans le canton électoral de Rhode-
Saint-Genèse - qui recouvre les 6 communs à statut linguistique spécial de la périphérie
bruxellois -, les électeurs peuvent voter à leur choix, soit pour les candidats se présentant
dans le Brabant flamand, soit pour ceux se présentant dans la circonscription électorale de
Bruxelles-Capitale.

Election du Parlement wallon :


Décret spécial du 24 janvier 2018 : Les circonscriptions électorales correspondent à un ou
plusieurs arrondissements administratifs ; il y a 11 circonscriptions électorales.

La carte des circonscriptions électorales a dû être redessinée par le législateur wallon pour
se conformer à un arrêt de la Cour Constitutionnelle qui indiquait que le principe d’égalité
requérait que des écarts entre les seuils électoraux pour être élu ne pouvaient être trop
importants, et que ce principe exigeait qu’il n’existe pas de circonscription dans laquelle il est
procédé à l’élection de moins de 4 parlementaires.

Election du Parlement flamand :


Décret spécial du 30 janvier 2004 : Il y a une circonscription par province ainsi qu'une
circonscription de Bruxelles, à l’instar du modèle retenu au fédéral.

=> Les Parlements flamand et wallon peuvent, chacun pour ce qui le concerne, modifier le
découpage des circonscriptions ainsi que les Chefs-lieux de celles-ci, en adoptant un décret
à la majorité des 2/3 des suffrages et à la condition que la majorité des membres du
Parlement soit présente.

Election du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale :


Il y a une seule circonscription composée des 19 communes constituant le territoire de la
Région.

Election du Parlement de la Communauté germanophone :


Il y a une seule circonscription couvrant le territoire des neuf communes germanophones.

71. Qu’est-ce que le seuil d’éligibilité et quelle est sa validité constitutionnelle ?

La loi du 13 décembre 2002 a également consacré pour les élections législatives fédérales
l’introduction dans le droit constitutionnel belge du seuil d’éligibilité. Pour qu’une liste puisse
bénéficier d’un élu, elle droit avoir obtenu au moins 5% des suffrages exprimés.

En vertu des articles 62 et 68 de la Constitution, les élections de la Chambre des


représentants et du Sénat se font selon le système de la représentation proportionnelle.

56
Voir arrêt C.C. 73/2003 du 26 mai 2003 – seuil d’éligibilité (P. 232 du précis) =>
L’introduction du seuil d’éligibilité ne méconnait pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Le législateur a également instauré un seuil électoral pour les élections régionales.


L’établissement d’un tel seuil demeure de la compétence du législateur fédéral qui doit
disposer d’une majorité spéciale.

72. Qu’est-ce que le pool ou le groupement de liste ?

La technique du groupement de listes – ou pool – existe dans la Région de Bruxelles-


Capitale.

Elle permet à plusieurs listes se présentant dans une même circonscription de faire une
déclaration de groupement. Elles se présentent séparément lors du scrutin, mais au moment
d’attribuer les sièges, elles sont considérées comme ne formant qu’une seule liste. Cette
technique a été instituée en 1993 et permet à de petites listes d’atteindre le seuil électoral de
5% et d’espérer décrocher au moins un siège.

Si elles n’ont droit qu’à un seul élu, c’est la formation ayant obtenu le plus de voix au sein de
ce groupement qui le remporte, et ainsi de suite.

73. Qu’est-ce que la case de tête dans le régime électoral belge ?

Après la répartition des sièges entre les différentes listes, il faut encore procéder à la
désignation des candidats élus au sein de celles-ci.

Le scrutin, comme pour tout système de représentation proportionnelle, est obligatoirement


un scrutin de liste assorti de la possibilité pour l’électeur d’émettre un ou plusieurs votes de
préférence en faveur d’un ou plusieurs candidats d’une même liste, afin d’influencer
l’attribution des sièges au sein de celle-ci.

Ce système de vote préférentiel est tempéré par un autre mécanisme, appelé case de tête,
que l’électeur est censé cocher lorsqu’il approuve l’ordre de présentation des candidats
choisis par le parti auquel il accorde son suffrage.

Il est prévu, depuis la loi du 27 décembre 2000, que l’effet dévolutif de la case de tête ne
vaut plus que pour moitié.

Le système de la case de tête a été abandonné dans le cadre des élections communales en
Région wallonne, mais s’applique toujours dans le cadre des autres élections.

Lorsque les votes en case de tête ont été répartis, dans l’ordre, entre les premiers candidats
de la liste qui en ont besoin pour atteindre le chiffre électoral, l’identification des élus se
réalise en tenant compte du nombre de voix de préférence obtenus par les autres candidats.

Lorsqu’un électeur ne vote que pour un ou plusieurs candidats suppléants, il sera tenu
compte de sa voix pour opérer le classement entre ceux-ci. Par contre, son vote sera
comptabilisé comme un vote case de tête en ce qui concerne les candidats effectifs.
De même, s’il ne vote que pour un ou plusieurs candidats effectifs, il sera tenu compte de sa
voix pour départager ces derniers. Par contre, son vote sera comptabilisé comme un vote
case de tête en ce qui concerne les candidats suppléants.

Ce mécanisme a été supprimé par une ordonnance spéciale pour les élections régionales
bruxelloises en 2018. Désormais, il est prévu qu’une fois les élus de la liste désignés, une
nouvelle dévolution des sièges de suppléants est opérée parmi les candidats non élus,
faisant à nouveau application du mécanisme de la case de tête au bénéfice des candidats
non élus les mieux placés sur la liste.

57
74. Décrivez de manière critique le mécanisme de répartition des sièges entre les élus
d’une même liste lors des élections fédérales ou régionales.

La répartition des sièges entre les listes concurrentes est réglée par le Titre IV du Code
électoral et se fait dans le respect du système d’Hondt.

Jusqu’en 1919, le répartition des sièges s’effectuait uniquement par circonscription. Le


mécanisme de l’apparentement provincial est alors instauré pour pallier les distorsions
engendrées par le régime précédent et augmenter le caractère proportionnel du scrutin. Ce
système étant critiqué parce qu’il était à l’origine d’une attribution imprévisible et souvent
aléatoire des sièges, sera supprimé lors des débats précédant l’adoption de la loi précitée du
13 décembre 2002.

La répartition des sièges entre les différentes listes se réalise en 3 ou 4 étapes selon qu’il y
ait ou non application d’un mécanisme d’apparentement.

Lors des élections fédérales, un nombre réduit de sièges est attribué en fonction des votes
de préférences. En effet, l’électeur, à l’exception parfois du dernier de la liste, a tendance à
voter pour les premiers candidats.

Lorsque les votes en case de tête ont été répartis, dans l’ordre, entre les premiers candidats
de la liste qui en ont besoin pour atteindre le chiffre électoral, l’identification des élus se
réalise en tenant compte du nombre de voix de préférence obtenus par les autres candidats.

L’électeur a pu donner son vote à autant de candidats qu’il le souhait pour autant qu’ils se
présentent sur la même liste. Ce mécanisme de comptabilisation des voix de préférence est
non seulement insatisfaisant, mais contraire au principe d’égalité et au principe fondamental
« un électeur = une vois » (art. 61 C.). Il conviendrait de diviser la voix exprimée par le
nombre de candidats choisis.

• Les questions de réflexion (liens)

31. Réflexion sur les conditions d’électorat et d’éligibilité et sur les mesures de
discrimination positive visant à garantir une présence égale ou équilibrée de chaque
genre sur les listes électorales – lien avec les incompatibilités (leçon 10), lien avec les
règles de composition de la Cour constitutionnelle (leçon 18) et gouvernement wallon
(leçon 25).
32. Réflexion sur l’effet utile du vote – lien avec les incompatibilités (leçon 10).
33. Réflexion sur la constitutionnalité du système de prise en considération des voix de
préférence, sur la notion de case de tête et sur l’existence de suppléants (lien avec la
notion de démocratie - leçon 1 et le principe d’égalité – leçons 2 et 18).

58
Leçon 9 : Le parlementarisme rationalisé

• La matière à étudier

- Le parlementarisme rationalisé en RFA (n°2)


- Le parlementarisme rationalisé dans les régions et les communautés (n°3 à 6)
- Le parlementarisme rationalisé au niveau fédéral (n°7 à 11)
- Efficacité des mécanismes de parlementarisme rationalisé (n°12 à 14)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Le rejet des motions de confiance contre Helmut Schmidt et Gerhard Schröder


- Appel du 17 juin 2017 de Benoît Lutgen

• Les questions de fondement

44. Le Roi peut demander à la Chambre de consentir à sa dissolution lorsque le


gouvernement est démissionnaire

Art. 46, al. 1 à 3, de la Constitution :

Le Roi n’a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la


majorité absolue de ses membres:

1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi,
dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d’un
successeur au Premier Ministre;

2° soit adopte une motion de méfiance à l’égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas
simultanément au Roi la nomination d’un successeur au Premier Ministre.

Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu’après un délai de


quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion.

En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la


Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité
absolue de ses membres.

45. Le gouvernement régional wallon qui n’obtient pas la confiance de son Parlement
est démissionnaire de plein droit

Article 72 de la loi spéciale du 8 août 1980 – Question de confiance :

« Le Gouvernement peut décider à tout moment de poser la question de confiance sous la


forme d’une motion. Le vote sur cette motion ne peut intervenir qu’après un délai de 48
heures. La motion n’est adoptée que si la majorité des membres y souscrit (attention :
signifie que si la majorité relative des membres du Parlement retire sa confiance, le
gouvernement démissionne). Si la confiance est refusée, le Gouvernement est
démissionnaire de plein droit. »

46. Un gouvernement divisé sur une question essentielle doit démissionner

Sorte de « coutume » constitutionnelle :

59
La motion de méfiance contraignant le gouvernement à la démission a quasiment disparu
dans la vie politique belge. Nous vivons aujourd’hui sous un régime de responsabilité
implicite du gouvernement devant le Parlement. En effet, il suffit qu’une dissension
apparaisse au sein de la coalition et que le gouvernement ait la conviction qu’il va être mis
en minorité pour qu’il démissionne spontanément

47. En cas de dissolution de la Chambre, le nouveau Parlement issu des élections


sera remplacé lors des élections européennes suivantes

Art. 46, dernier al., C. :

« En cas de dissolution anticipée, la nouvelle législature fédérale ne pourra courir au-delà du


jour des premières élections pour le Parlement européen suivant cette dissolution. »

48. Comment créer un droit de dissolution d’un parlement régional (plusieurs


fondements)

Jusqu’ici, il n’existe pas de droit de dissolution d’un parlement régional (ou communautaire)
dans le chef du gouvernement de l’entité concernée (cfr. art. 71 et 72 de la loi du 8 août
1980).

Art. 188, § 2, al. 4 et 5, C. :


L’article 118 de la Constitution prévoit que les parlements de région et de communauté
pourront régler la durée de leur législature ainsi que la date de l’élection de leur Parlement.
Cette réforme est, cependant, subordonnée au vote d’une loi spéciale qui ne pouvait être
adoptée qu’après les élections de 2014 et qui, à ce jour, n’a pas encore été prise.

Art. 117 C. :
L'article 117 de la Constitution, modifié en 2014, consacre le principe selon lequel, à terme et
moyennant le vote d'une loi spéciale, les parlements pourront modifier la durée de leur
législature et la date du jour de l'élection. Il s'agit là d'une modification qui pourrait permettre
d'instituer un droit de dissolution dans les régions et communautés concernées. En effet, il
serait ainsi concevable d'organiser des législatures abrégées et de déroger à la règle selon
laquelle toutes les élections régionales se tiennent le jour de l'élection du Parlement
européen.

Compte tenu de l'imbrication des institutions régionales et communautaires, ceci


impliquerait, du côté francophone, une action concertée entre les parlements de la
Communauté française, de la Région wallonne et de la Région de Bruxelles-Capitale, avec
la possibilité pour le groupe linguistique néerlandais du Parlement bruxellois d'exercer un
droit de veto sur cette formule.

• Les questions de fond

76. Quels sont les règles qui gouvernent le parlementarisme rationalisé en RFA ?

Le parlementarisme rationalisé en République fédérale allemande trouve sa source dans les


articles 67 et 68 de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne.

Art. 67 Loi fondamentale RFA – Motion de méfiance constructive :


Le Bundestag ne peut exprimer sa défiance envers le chancelier fédéral qu’en élisant un
successeur à la majorité absolue et en invitant le président de la République fédérale à le
relever de ses fonctions. Celui-ci doit faire droit à cette demande et nommer la personnalité
élue. Il est prévu que le vote sur la motion ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai
de 48 heures.

60
Art. 68 Loi fondamentale RFA – Motion de confiance :
Si une motion de confiance du chancelier fédéral n’est pas approuvée par le Bundestag à la
majorité de ses membres, le président de la République, peut, sur proposition du chancelier
fédéral, dissoudre le Bundestag dans les 21 jours. Le droit de dissolution s’éteint dès que
le Bundestag a élu un autre chancelier fédéral à la majorité absolue de ses membres
(endéans ce délai de 21 jours, donc).

Art. 81 Loi fondamentale RFA – Etat de nécessité législative :


Dans l’hypothèse où une motion de confiance a été rejetée par le Bundestag et que ce
dernier n’a pas été dissous dans les 21 jours, la procédure de l’état de nécessité législative
permet à un gouvernement minoritaire, avec l’appui du président fédéral et du Bundesrat,
d’adopter, pendant 6 mois, des textes jugés essentiels nonobstant l’opposition manifestée
par le Bundestag à l’égard de ceux-ci.

Le chancelier fédéral ne peut être tenu de démissionner que si le Bundestag élit son
successeur ? Lorsqu’une majorité absolue de l’assemblée lui refuse la confiance sur un
texte, il peut soit démissionner, soit demander au président de dissoudre le Bundestag, soit
encore solliciter le recours à l’état de nécessité législative

Art. 63 à 65 Loi fondamentale RFA – Investiture du chancelier :


Les articles 63 à 65 de la Loi fondamentale règlent l’investiture du chancelier et consacrent
la nette prééminence de celui-ci. Dans le système allemand, le chancelier est seul investi de
la confiance du Bundestag. Il constitue seul son gouvernement et il demeure seul
responsable de la politique menée. Ceci explique que la motion de méfiance constructive ne
peut être dirigée que contre lui et qu’il lui appartient de solliciter la confiance de l’assemblée.

Une motion de méfiance non constructive n’est pas recevable.

Toutes les dispositions précitées forment un ensemble cohérent ; elles établissent d’ailleurs
un lien étroit entre le pouvoir de dissolution et le rejet d’une motion de confiance.

77. Décrivez de manière critique la manière dont ont été effectivement mises en œuvre les
règles qui gouvernent le parlementarisme rationalisé en RFA.

Voir affaire du rejet des motions de confiance contre Helmut Schmidt et Gerhard
Schröder — P. 272 du précis

=> La « plus-value » du parlementarisme rationalisé en Allemagne est inexistante.

78. Quelles sont les caractéristiques du parlementarisme rationalisé dans les régions et les
communautés ?

Article 71 de la loi spéciale du 8 août 1980 – Motion de méfiance constructive :


« Le Parlement peut, à tout moment, adopter une motion de méfiance constructive à l’égard
du gouvernement ou d’un ou plusieurs de ses membres. Cette motion n’est recevable que si
elle présente un successeur au gouvernement, ou à un ou plusieurs de ses membres,
selon le cas. Le vote de la motion ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de 48 heures.
Elle ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres du Parlement. L’adoption de la
motion de méfiance emporte la démission du gouvernement, ou du ou des membres
contestés ainsi que l’installation du nouveau gouvernement ou du ou des nouveaux
membres ».

Double effet juridique " emporte ipso facto la démission des membres désavoués du
gouvernement et la désignation de leurs remplaçants.

Le Parlement ne peut impunément renverser tout ou partie du gouvernement.

61
Ce système permet également d’engager la responsabilité individuelle des membres du
Gouvernement .

Article 72 de la loi spéciale du 8 août 1980 – Question de confiance :


« Le Gouvernement peut décider à tout moment de poser la question de confiance sous la
forme d’une motion. Le vote sur cette motion ne peut intervenir qu’après un délai de 48
heures. La motion n’est adoptée que si la majorité des membres du Parlement y souscrit
(attention : signifie que si la majorité relative des membres du Parlement retire sa confiance,
le gouvernement démissionne). Si la confiance est refusée, le Gouvernement est
démissionnaire de plein droit. »

Contradiction entre les articles 71 et 72 de la loi spéciale :


71 : Pour que le gouvernement soit contraint de démissionner, il faut qu’une majorité absolue
des membres du Parlement lui ait retiré sa confiance.
72 : Pour que le gouvernement soit contraint de démissionner, il faut qu’une majorité relative
des membres du Parlement ne lui accorde pas sa confiance.
Dès lors, si certains parlementaires de la majorité sont absents lors du vote de la question de
confiance, le gouvernement peut être tenu de démissionner, et cela même s’il n’existe pas
au sein de l’assemblée une majorité absolue souhaitant sa chute.
Le gouvernement belge, à l’inverse de ce qui est prévu en Allemagne, ne dispose pas d’un
droit de dissolution réciproque à l’égard du Parlement ni de la possibilité de recourir à l’état
de nécessité législative, inconnu en droit belge.

79. Décrivez le cas à l’occasion duquel les règles du parlementarisme rationalisé ont été
effectivement mises en œuvre dans les régions et les communautés ?

Voir affaire de l’appel du 19 juin 2017 de Benoit Lutgen — P. 276 du précis.

Tout d’abord, le mécanisme du parlementarisme rationalisé a été utilisé et a permis


d’atteindre l’objectif qui est le sien, à savoir opérer en cours de la législature un changement
de majorité au sein du Parlement d’une entité fédérée.

Ensuite, le paysage politique issu de cette crise est peu lisible pour le citoyen.

Enfin, cette crise démontre qu’un régime parlementaire bien compris ne peut pas faire
l’économie d’un droit de dissolution.

80. Quelles sont les caractéristiques des motions de méfiance et de confiance au niveau
fédéral ?

La révision constitutionnelle du 5 mai 1993 consacre la mise en œuvre du parlementarisme


rationalisé dans l’organisation des institutions fédérales. Le nouveau système est fixé aux
articles 46 et 96 de la Constitution.

Article 46 de la Constitution :
« Le Roi n’a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la
majorité absolue de ses membres:
1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au
Roi, dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d’un
successeur au Premier Ministre;
2° soit adopte une motion de méfiance à l’égard du Gouvernement fédéral et ne propose
pas simultanément au Roi la nomination d’un successeur au Premier Ministre.
Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu’après un délai de
quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion.

En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre


des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses
membres.

62
L'acte de dissolution contient la convocation des électeurs dans les quarante jours et de la
Chambre des représentants dans les deux mois.
En cas de dissolution des deux Chambres, conformément à l'article 195, les Chambres sont
convoquées dans les trois mois.
En cas de dissolution anticipée, la nouvelle législature fédérale ne pourra courir au-delà du
jour des premières élections pour le Parlement européen suivant cette dissolution ».

Les 3 derniers alinéas ont été rajoutés à la suite de la 6e réforme de l’État.

La motion de méfiance se distingue du mécanisme mis en œuvre aux niveaux régional et


communautaire en ce qu’elle ne peut permettre d’engager la responsabilité individuelle des
ministres et en ce que la motion constructive ne désigne que le futur Premier ministre, à
l’exclusion des autres membres de son gouvernement.

Article 96 de la Constitution :
« Le Roi nomme et révoque ses ministres.
Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à
la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la
nomination d’un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d’un
successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d’une motion de
confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au
moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment. »

Il n’y a pas coexistence de deux Premiers ministres. En effet, le successeur du Premier


ministre désigné par la motion de méfiance constructive ne dispose pas, en vertu même du
texte constitutionnelle, des prérogatives d’un ministre. Par ce vote, il devient, en réalité, de
plein droit, le formateur du gouvernement.

Contrairement à ce qui est prévu au niveau des régions et des communautés, le dépôt des
motions de confiance et les questions de méfiance sont intimement liées au droit de
dissolution.

Au niveau fédéral, une motion de confiance ne peut être rejetée que par une majorité
absolue des membres de l’assemblée => facteur complémentaire de stabilité.

Un gouvernement qui verrait une question de confiance relative à un projet de loi repoussée
par une majorité relative de l’assemblée se trouverait dans la situation paradoxale où il
conserverait juridiquement la confiance de l’assemblée mais n’en serait pas moins désavoué
sur un projet de loi qu’il a lui-même jugé essentiel. Son autorité en serait gravement affectée
et il n’aurait d’autre solution que de démissionner et d’obtenir de l’assemblée qu’à la majorité
absolue de ses membres, elle consente à la dissolution.

Les articles 46 et 96 présentent un mécanisme de rejet constructif de la question de


confiance. Il en résulte qu’en cas de rejet non constructif d’une question de confiance, le
droit à la dissolution est ouvert et qu’en théorie du moins, le gouvernement n’est pas
contraint à la démission.

81. Pourquoi parle-t-on au niveau fédéral de parlementarisme semi-rationalisé ?

Le constituant a créé des mécanismes de parlementarisme rationalisé, tout en adoptant des


dispositions permettant, en toutes circonstances, au gouvernement de démissionner et au
Roi de dissoudre les chambres. On imagine mal que la Chambre des représentants
refuse la dissolution alors qu’elle s’avère incapable de dégager une nouvelle majorité.

De plus, la motion de méfiance simple ou non constructive n’est pas interdit ; si le


gouvernement a perdu la confiance d’une majorité absolue de l’assemblée, mais qu’aucune
solution alternative n’est proposée par cette dernière, le gouvernement n’est pas
juridiquement tenu de démissionner et peut en provoquer la dissolution.

63
82. Quel a été l’apport de la sixième réforme de l’Etat au parlementarisme rationalisé au
niveau fédéral et dans les régions et les communautés ?

Le constituant a, tout d’abord, décidé qu’en 2014, des élections fédérales, régionales et
européennes se tiendraient simultanément. Il a, ensuite, décidé qu’à terme, et moyennant le
vote d’une loi spéciale qui n’a toujours pas été adoptée, la Constitution imposerait la
simultanéité des élections fédérales et européennes. Dans ce système, s’il voit le jour, une
éventuelle dissolution anticipée de la Chambre des représentants conduirait à une législature
abrégée, laquelle ne pourrait excéder la date des futures élections européennes. Il a, enfin,
décidé que la simultanéité entre les élections européennes et régionales, qui est
actuellement d’application, restera d’actualité jusqu’à ce qu’une loi spéciale qui n’a toujours
pas été adoptée autorise les Parlements de région et de communauté à fixer
souverainement la date de leur élection et la durée de leur législature.

Il en résulte qu’en l’état, les seuls changements notables impliqués par la 6e réforme de
l’État consistent en un allongement de la législature fédérale de 4 à 5 ans et une simultanéité
momentanée et de fait des élections fédérales et européennes, laquelle cesserait si
intervient une dissolution anticipée de la Chambre des représentants.

• Les questions de réflexion (liens)

34. Réflexion sur le parlementarisme rationalisé en Allemagne – lien avec la situation en


Belgique avec le système en vigueur dans les entités fédérées et au niveau fédéral
(leçons 14 et 15)
35. Réflexion sur la mise en œuvre du parlementarisme rationalisé dans les régions et
communautés à la suite de l’appel du 17 juin 2017 de Benoît Lutgen – lien avec les
règles de composition des parlements de région et de communauté (leçon 25) et les
modes de cessation de fonction des membres des gouvernements de région et de
communauté (leçon 15)
36. Réflexion générale sur l’utilité des mécanismes de parlementarisme rationalisé au
niveau fédéral - lien avec la formation et la cessation de fonction des organes
gouvernementaux (leçons 14 et 15)
37. Réflexion générale sur l’existence d’une responsabilité politique du gouvernement
fédéral devant la Chambre dès lors que depuis la seconde guerre mondiale aucun
gouvernement n’a fait l’objet d’un vote de méfiance du Parlement – lien avec la
formation et la cessation de fonction des organes gouvernementaux (leçons 14 et 15)

64
Deuxième partie : Le pouvoir politique

Leçon 10 : Le statut du parlementaire


• La matière à étudier

- Les incompatibilité principe et entre diverses assemblées parlementaires (n°1 à 5)


- Les incompatibilités visant à préserver l’indépendance du parlementaire et visant à garantir
l’indépendance de certaines fonctions (n°6 à 7)
- Les incompatibilités visant à garantir la séparation des pouvoirs (n°9 à 10)
- La protection absolue des parlementaires (n°13 à 18)
- La prise d’effets du système d’immunité parlementaire relative et les trois cas de figure
(n°21 à 24)
- Problème de mise en œuvre de l’article 59 de la Constitution et flagrant délit (n°25 à 27)
- La suspension des poursuites (n°28 à 29)
- Un système imparfait et l’application dans les régions et les communautés (n°30 à 32).

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC n°130/2006 du 28 juillet 2006 – incompatibilité conseil provincial


- Avis de la section de législation du Conseil d’État sur le décret spécial wallon du 9
décembre 2010 limitant le cumul des mandats dans le chef des députés du Parlement
wallon et CC n°81/2012 du 28 juin 2012
- CEDH – Madame A, protection absolue
- CEDH Cordova 1 et 2 ainsi que CGIL et Coffetatti (n°2) contre Italie, protection absolue
- Tribunal de Première Instance de Namur du 19 juin 2019, protection absolue
- CC 101/2001 – 15 ter - Appel Bruxelles du 28 juin 2005 et Cass 1er juin 2006 – Eglise du
Royaume universel de Dieu, protection absolue
- Aff. Van Rossem – prestation de serment d’Albert II
- Aff Van Rossem – moment de prise de cours de la protection relative
- Aff Moriau – question de la durée de validité de l’autorisation de l’assemblée
- Aff Moriau – question du moment où l’autorisation de l’assemblée doit être sollicitée
- Aff Wesphael – flagrant délit

• Les questions de fondement

49 Un parlementaire wallon qui prête serment en allemand est remplacé par son
suppléant au Parlement de la Communauté française

Raison d’être :

Le Parlement de la Communauté française est composé des 75 membres du Parlement


wallon et de 19 membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Or siègent au
Parlement wallon, des élus qui ont prêté serment en allemand et qui peuvent parfois être
membres du Parlement de la Communauté germanophone dès lors qu’il n’existe aucune
incompatibilité interdisant d’être simultanément membre de ces deux assemblées. Le
législateur spécial a donc prévu que le parlementaire régional wallon qui prête serment en
premier lieu en allemand ne peut être membre du Parlement de la Communauté française et
est remplacé dans cette assemblée par son suppléant[1].

Art. 24bis, §4, al. 2 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :

« Le mandat de membre du Parlement de la Communauté française est incompatible avec


celui de membre du Parlement wallon lorsque le mandataire concerné a exclusivement ou
en premier lieu prêté serment en allemand ».

65
[1]Le 29 juin 2004, Charles Pire prête serment en allemand au Parlement wallon afin de permettre à son
suppléant Marc Levaux de siéger au Parlement de la Communauté française tandis que lui-même
continuerait à siéger au Parlement wallon et, avec voix consultative, au Parlement de la Communauté
germanophone de Belgique. La commission de vérification des pouvoirs de l'assemblée communautaire
francophone refuse la manœuvre et "propose que le parlement refuse la validation, tant de M. Pire que de
son suppléant", arguant qu'il a déménagé après les élections en région de langue allemande3,4. Le 8 juillet,
le FN signale que Charles Pire va démissionner et laisser sa place dans les deux assemblées à son
suppléant, l'avocat Marc Levaux. Ce dernier, déjà condamné en 2000 pour outrages et propos racistes
tenus au conseil communal de Verviers5, est à l'époque poursuivi dans un dossier de traite d'êtres humains
à Liège et dans le cadre d'un dossier de commerce et recel d'armes de guerre volées6. En fin de compte,
Charles Pire siège quand même au Parlement wallon jusqu'à la fin de la législature. À cause de cette
prestation en langue allemande le FN sera lourdement sanctionné en perdant la présence d'un groupe au
Parlement de la Communauté française. Une perte énorme avec privation d'une dotation importante et de
ressources humaines. C'est de ce moment que Charles Pire entre en conflit avec le président du FN.
Durant la mandature 2004-2009, l'avocat Marc Levaux a été son attaché parlementaire. Dans son
opposition au président du FN, Charles Pire crée un nouveau parti, "Force Nationale" avec l'ex-député
Juan Lemmens, dont l'existence sera éphémère. (voir le Moniteur Belge)

50 Un parlementaire régional ne peut se présenter aux élections provinciales

L’article L 4155-1, alinéa 2, 6 du Code wallon de la démocratie locale et de la


décentralisation prévoit que sont inéligibles au conseil provincial ceux qui sont membres de
la Chambre des représentants, du Sénat, du Parlement européen, d’un Parlement régional
ou communautaire.

Autrement dit, cette disposition instaure une condition d’éligibilité et non une incompatibilité.
La conséquence en est qu’un parlementaire fédéral, régional, communautaire ou européen
qui veut se présenter aux élections provinciales doit d’abord démissionner de son mandat
précédent.

Voir affaire CC n°130/2006 du 28 juillet 2006 – incompatibilité conseil provincial

Les autres dispositions instaurent quant à elles une incompatibilité, et non une condition
d’éligibilité : Voy. art. 25 de la loi du 19 octobre 1921 et art. 24bis, §2, 4° de la loi spéciale de
réformes institutionnelles du 8 août 1980.

51. Un parlementaire doit démissionner s’il est nommé dans une fonction rémunérée par
l’Etat

L’article 51 de la Constitution oblige les parlementaires qui sont nommés par le


gouvernement à une fonction rémunérée, à démissionner.

Art. 51 C. :

« Le membre de l’une des deux Chambres nommé par le Gouvernement fédéral à toute
autre fonction salariée que celle de ministre et qui l’accepte, cesse immédiatement de siéger
et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection. »

52 Un ancien parlementaire ne peut être nommé dans une fonction salariée par l’Etat
qu’un an après sa cessation de fonction

Art. 5 loi du 6 août 1931 établissant des incompatibilités et interdictions concernant les
ministres, anciens ministres et ministres d’État, ainsi que les membres et anciens membres
des Chambres législatives :

« Les membres des Chambres ne peuvent être nommées à des fonctions salariées par l’État
qu’une année au moins après la cessation de leur mandat. Sont exceptées les fonctions de

66
ministre, de membre de la Cour constitutionnelle, d’ agent diplomatique et de gouverneur ou
de greffier de province ».

53 Les trois quarts des membres d’un groupe politique au PW ne peuvent exercer un
mandat exécutif local

Le décret spécial wallon du 9 décembre 2010 limitant le cumul des mandats dans le
chef des députés du Parlement wallon crée une incompatibilité relative entre la fonction
de parlementaire wallon et de membre d’un exécutif local.

Il permet à 25% des membres de chaque groupe politique représenté au Parlement de


cumuler un mandat parlementaire et un mandat exécutif local.

Le critère retenu pour déterminer quels parlementaires peuvent bénéficier de ce cumul est le
taux de pénétration de ces derniers (% de voix de préférence obtenu par un candidat par
rapport à l’ensemble des suffrages exprimés en faveur de cette liste).

Art. 24bis, § 6, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :


« Pour les trois quarts des membres de chaque groupe politique, le mandat de membre du
Parlement est incompatible avec un mandat au sein d'un collège communal.
Au sens du présent paragraphe, par groupe politique, il faut entendre : le ou les membres du
Parlement élu(s) sur une même liste lors des élections régionales. Le membre du Parlement
qui, en cours de législature, démissionne ou est radié de son groupe politique, est considéré
pour l'application de la présente disposition comme appartenant toujours à son groupe
politique d'origine.

Pour l'application du plafond visé à l'alinéa 1er, tout nombre décimal est porté à l'unité
supérieure lorsque la décimale est supérieure à 5. Le nombre décimal est toutefois
automatiquement porté à l'unité supérieure pour le groupe politique démocratique le moins
nombreux au Parlement.

Lors du renouvellement du Parlement wallon, est définie la liste des membres du Parlement
auxquels ne s'applique pas l'incompatibilité visée à l'alinéa 1er. Il s'agit, dans chaque groupe,
du quart des membres qui exercent un mandat dans un collège communal et qui ont obtenu
le plus haut taux de pénétration lors des élections régionales.

Le taux de pénétration se calcule en divisant le nombre de votes nominatifs obtenus par l'élu
par le nombre de votes valables exprimés dans sa circonscription électorale.

Un élu appelé à prêter serment en cours de législature, ne peut cumuler son mandat de
membre du Parlement avec celui de membre d'un collège communal. »

54 Un parlementaire régional nommé ministre fédéral est remplacé par son suppléant au
Parlement régional

Art. 24bis, §2, de la loi de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :


« Sans préjudice du § 4[1], le mandat de membre du Parlement de la Communauté française,
du (Parlement wallon et du Parlement flamand est incompatible avec les fonctions ou
mandats suivants : (…)
3° : ministre ou secrétaire d’Etat fédéral (…) ».

Art. 24bis, §2bis, de la loi de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :


« Nonobstant le § 2, 3°, du présent article, le membre du (Parlement de la Communauté
française), du (Parlement wallon) ou du (Parlement flamand), nommé par le Roi en qualité
de ministre ou de secrétaire d'Etat fédéral et qui l'accepte, cesse immédiatement de siéger et
reprend son mandat lorsqu'il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre ou de

67
secrétaire d'Etat. Le décret prévoit les modalités de son remplacement au sein du
(Parlement) concerné ».
[1] Prévoyant que les mandats parlementaires aux communautés sont incompatibles entre eux

55 Un parlementaire fédéral nommé ministre régional est remplacé par son suppléant à la
Chambre des représentants

Art. 50 de la Constitution :
« Le membre de l’une des deux Chambres, nommé par le Roi en qualité de ministre et qui
l’accepte, cesse de siéger et reprend son mandat lorsqu’il a été mis fin par le Roi à ses
fonctions de ministre. La loi prévoit les modalités de son remplacement dans la Chambre
concernée. »

Art. 1bis de la loi du 6 août 1931 :


« Le membre de la Chambre des représentants qui cesse de siéger par suite de sa
nomination en qualité de ministre ou de secrétaire d’État du Gouvernement fédéral ou par
suite de son élection en qualité de ministre ou secrétaire d’État d’un Gouvernement
régional ou communautaire, est remplacé par le premier suppléant en ordre utile de la liste
sur laquelle il a été élu […] ».

56 La protection absolue des parlementaires ne concerne pas l’expression d’une opinion


dans le cadre d’un meeting ou d’un différend privé

Cour de cassation (24 novembre 2022) :


La Cour de cassation rejette le pourvoi introduit par Gilkinet, aux motifs que l’article 58 de la
Constitution ne couvrirait que « les opinions exprimées ou les discours prononcés par un
parlementaire dans l’exercice de ses fonctions » et que « si celui-ci réaffirme ces opinions ou
réitère ces discours dans les médias, sa responsabilité redevient entière »
Elle juge notamment que « le moyen, qui repose sur le soutènement que l’irresponsabilité
parlementaire prévue à l’article 58 de la Constitution s’étend aux opinions émises par un
membre de la Chambre dans les médias, manque en droit »

=> Arrêt Cordova I et II & CGIL & Coffetatti contre Italie.

57 L’autorisation de renvoi d’un parlementaire devant une juridiction de jugement se fait


avant que la juridiction d’instruction ne se prononce sur le renvoi du parlementaire

Voir Affaire Moriau – question du moment où l’autorisation de l’assemblée doit être


sollicitée

58. Lorsqu’un parlementaire fait partie de plusieurs assemblées, chacune d’entre elle doit
délivrer les autorisations requises par le régime de protection relative.

Art. 120 C :
« Tout membre d'un Parlement de communauté ou de région bénéficie des immunités
prévues aux articles 58 et 59 ».

La Constitution ne prévoit pas expressément le cas où un parlementaire serait membre de


plusieurs assemblées. Il semble dès lors que l’autorisation requise par 59 C. doive être
demandée à chaque assemblée de laquelle l’intéressé est membre.

68
• Les questions de fond

83. Définissez la notion d’incompatibilité et comparez-la avec la notion de condition


d’éligibilité.

• Incompatibilité :

L’incompatibilité ne crée pas forcément d’obstacle à l’élection du parlementaire, mais lui


interdit d’exercer son mandat tout en continuant l’activité avec laquelle l’exercice de son
mandat est incompatible.

Le parlementaire qui se trouve dans une situation d’incompatibilité doit choisir entre sa
fonction parlementaire et son autre activité.

L’intensité de l’incompatibilité peut varier. Dans certains cas, elle implique une renonciation
définitive au mandat incompatible avec celui que l’intéressé entend exercer. Dans d’autres
cas, elle rend simplement l’exercice de celui-ci impossible, ce qui permet à l’intéressé de se
déclarer simplement empêché dans l’exercice du mandat incompatible avec celui qu’il
exerce effectivement.

Le système des incompatibilités se fonde sur le principe de la double porte. Chaque


législateur peut établir des incompatibilités applicables aux organes qui relèvent de sa
compétence, et cela même si, en se faisant, il prend des mesures qui se répercutent sur des
organes étrangers à son ordre juridique => pour que deux fonctions puisse être exercées
simultanément, il faut que chacun des législateurs compétents pour les organiser ait décidé
de ne pas les rendre incompatible.

• Condition d’éligibilité :

Les conditions qu’il faut nécessairement remplir pour pouvoir être élu.

84. Déterminez les incompatibilités, existant ou n’existant pas, entre la qualité de membre
de plusieurs assemblées

Une incompatibilité existe entre :

Incompatibilité générale interdisant d’être simultanément membre de plusieurs assemblées


parlementaires (exceptions !) :

- Parlement wallon avec Parlement flamand ;


- Sénat avec Chambre des représentants ;
- Parlementaire flamand / Parlementaire wallon / Parlementaire de la Communauté française
/ Parlementaire de la Région de Bruxelles-Capitale / Parlementaire de la Communauté
germanophone avec Sénat / Chambre des représentants ;
- Parlement de la Communauté française et/ou Parlement de la Communauté flamande et/
ou Parlement de la Communauté germanophone.

Il n’y a pas d’incompatibilité entre :

Parlementaire wallon avec Parlementaire de la Communauté germanophone (cependant, il


existe une incompatibilité entre la fonction de parlementaire régional et de sénateur
germanophone ; le sénateur élu en son sein par le Parlement de la Communauté
germanophone ne peut être membre du Parlement wallon) => Pas une « vraie »
incompatibilité, mais un parlementaire régional wallon qui prête serment en premier lieu en
allemand ne peut être membre au Parlement de la Communauté française, il y est remplacé
par son suppléant. " Art. 24bis, § 4, al. 2 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles.

69
85. Comment la sixième réforme de l’Etat a-t-elle mis en œuvre le principe de l’effet utile
du vote ?

Il est désormais interdit de se présenter simultanément à des élections qui se tiennent le


même jour.

Le membre d’une assemblée parlementaire qui se présente à une élection dans une autre
assemblée, s’il est élu, est tenu d’abandonner son ancien mandat au bénéfice de celui qui
vient de lui être confié par les électeurs ( = il ne peut pas faire le choix de conserver son
ancien mandat).

86. Décrivez le système particulier d’incompatibilité applicable à la composition du


Parlement wallon.

Le décret spécial wallon du 9 décembre 2010 limitant le cumul des mandats dans le chef des
députés du Parlement wallon crée une incompatibilité relative entre la fonction du
parlementaire wallon et de membre d’un exécutif local. Il participe à l’idée de préserver
l’indépendance du parlementaire par rapports aux intérêts du pouvoir local dans lequel il
exerce des responsabilités et sa disponibilité dans l’exercice de son mandat régional.

Un système original permet à 25% des membres de chaque groupe politique représenté au
Parlement de cumuler un mandat parlementaire et un mandat exécutif local. Le critère retenu
pour déterminer quels parlementaires peuvent en bénéficier est le taux de pénétration, soit le
pourcentage de voix de préférence obtenu par un candidat par rapport à l’ensemble des
suffrages qui se sont portés sur la liste.

87. Quelles sont les positions respectives de la section de législation du Conseil d’État et
de la Cour constitutionnelle à propos du système d’incompatibilité applicable à la
composition du Parlement wallon ?

Voir affaire de l’avis de la section de législation du Conseil d’État sur le décret spécial
wallon du 9 décembre 2010 limitant le cumul des mandats dans le chef des députés du
Parlement wallon et CC n°81/2012 du 28 juin 2012 — P. 299 du précis

• Section de législation du Conseil d’État :

La SLCE estime que le législateur wallon ne peut l’instituer car il ne s’agit pas d’une
incompatibilité. À son estime, une incompatibilité doit concerner l’ensemble des membres du
Parlement. Ici, le législateur n’institue pas une incompatibilité mais établit irrégulièrement une
règle de composition du Parlement.

Elle estime que ce décret compromet l’effet utile du vote. Elle relève également une
rupture d’égalité entre les candidats selon la circonscription où ils se présentent. En effet, il
est plus aisé d’obtenir un haut taux de pénétration dans une petite circonscription où se
présentent peu de candidats.

• La Cour constitutionnelle :

La CC rejette le recours en annulation introduit cotre ce décret.

Elle considère, tout d’abord, que le législateur décrétal a bien institué une incompatibilité.
Elle affirme que rien ne permet de considérer que le législateur spécial, lorsqu’il a octroyé
aux Parlements wallon et flamand une autonomie constitutive leur permettant notamment
d’ajouter des incompatibilités à celles qui existaient déjà, a entendu limiter cette possibilité à
la création d’incompatibilités existant de la même manière tous les membres de l’assemblée
concernée.

70
Elle ajoute que la circonstance que cette incompatibilité influence la composition globale du
Parlement wallon ne la prive pas de sa qualification d’incompatibilité.

Elle estime également que le décret spécial respecte le principe de l’effet utile du vote car
l’électeur sait qu’il y a un risque que le candidat ne se trouve pas dans les conditions pour
pouvoir cumuler les deux mandats.

Elle constate que même lorsqu’il y a un nombre plus important de candidats qui se
présentent, les voix de préférence se portent systématiquement sur un nombre plus réduit
d’entre eux, de telle manière que le principe d’égalité n’est pas violé.

88. Quel est le système d’incompatibilité visant à garantir la séparation des pouvoirs dans
les différents organes gouvernementaux ?

Les fonctions de ministre et de parlementaire sont incompatibles.

Il est prévu, en vertu de l’article 50 de la Constitution, que le membre de la Chambre, nommé


par le Roi en qualité de ministre et qui l’accepte, cesse de siéger et reprend son mandat
lorsqu’il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre => aussi applicable dans les
régions et communautés.

Le suppléant exerce donc son mandat de manière précaire, à titre intérimaire (= il sait qu’il
sera remplacé lorsque le ministre qu’il remplace quittera ses fonctions).

Néanmoins, les ministres démissionnaires qui ont été réélus au Parlement continuent à
expédier les affaires courantes dans l’attente de leur remplacement (et peuvent siéger en
tant que parlementaire au même moment).

« Le ministre ou le secrétaire d’Etat d’un Gouvernement fédéral qui a présenté sa démission


au Roi, ou le ministre ou le secrétaire d’Etat d’un Gouvernement régional ou communautaire
démissionnaire peut, après renouvellement intégral des Chambres législatives, concilier sa
fonction de ministre ou de secrétaire d’Etat d’un Gouvernement fédéral, régional ou
communautaire avec le mandat de membre de l’une ou des deux Chambres jusqu’au
moment où le Roi a statué définitivement sur la démission du Gouvernement fédéral ou qu’il
a été procédé à une nouvelle élection du Gouvernement régional ou communautaire ».

Une autre incompatibilité interdit l’exercice simultané d’une fonction de parlementaire et


d’une fonction exercée au niveau provincial.

Cependant, sous réserve du système mis en place à la Région wallonne, le mandat


parlementaire est compatible avec le mandat exécutif communal. Par exception, les
sénateurs élus par les parlements communautaires et régionaux (= les sénateurs cooptés)
ne peuvent exercer un mandat exécutif communal.

89. Quels sont les limites de la protection absolue dont bénéficient les parlementaires ?

L’irresponsabilité (= l’immunité absolue = la liberté de tribune = freedom of speech) du


parlementaire l’exonère, de façon absolue, de toute forme de responsabilité (pénale, civile
ou disciplinaire) pour les attitudes prises et les opinions défendues dans le cadre de
l’exercice du mandat parlementaire.

Voir Arrêt A. c. Royaume-Uni - P. 305 du précis

La protection constitutionnelle ne vaut :

- Pas pour les opinions exprimées en dehors des fonctions parlementaires stricto sensu
(donc pas si exprimées en dehors d’une chambre législative) ;

71
- Que pour les opinions et votes (mais il faut y assimiler les prises de position politiques qui
font partie intégrante de l’activité normale du parlementaire) => => opinion émise dans une
proposition de loi, pour des propos tenus au cours d’une séance en commission, pour la
manière dont est exprimée une question orale ou écrite ou pour une position prise à
l’occasion d’une enquête parlementaire, propos tenus lors des réunions de groupes
politiques.

- Que pour les opinions et leur expression (pas les voies de fait / coups et blessures) ;

- Pas pour les propos tenus en d’autres circonstances (que dans le cadre de la fonction
parlementaire) tels les meetings, réunions ou congrès politiques, y compris la reproduction
par voie de presse ou de tracts de discours tenus au sein de l’assemblée !)[1]

- Pas pour les propos tenus lors d’une conférence de presse organisée dans l’enceinte du
Parlement ;

- Pas pour les allégations de fait à caractère pénal contre d’autres personnes qui sont sans
rapport avec des problèmes de portée générale ou qui ne relèvent pas du débat public
d’intérêt général.

Mais bien les jugements de valeur sur un sujet d’importance générale ou sur une institution
dans son ensemble, même si les propos ont été jugés offensants ou dérangeants par
certains.

Mais bien les déclarations orales, les écrits et les travaux parlementaires réalisés au cours
d’une commission d’enquête parlementaire.

[1]
Selon le professeur, l’esprit de l’art. 58 C. serait mieux respecté s’il était interprété comme
comprenant la reproduction ou la répétition par quelque moyen que ce soit des opinions exprimées
par un parlementaire dans l’exercice de son mandat

90. Les arrêts Cordova 1 et 2 ainsi que CGIL et Coffetatti (n°2)

Voir arrêts — P. 306 & 307 du précis

Cordova I et II c. Italie => La CEDH estime que les opinions exprimées ne l’ont pas été dans
le cadre des fonctions parlementaires stricto sensu et paraissaient plutôt s’inscrire dans le
cadre d’une querelle entre particuliers. Par conséquent, la CEDH estime qu’elles ne sont pas
couvertes par l’immunité parlementaire et que celui qui estime avoir subi un dommage du fait
de leur expression doit pouvoir faire valoir ses droits devant une juridiction.

CGIL et Coffetatti (n°2) => La CEDH observe que les déclarations litigieuses n’étaient pas
liées à l’exercice de fonctions parlementaires stricto sensu, celles-ci ayant été prononcées
dans le cadre d’interviews avec la presse, et donc en dehors d’une chambre législative.

91. Commentez et expliquez l’affaire Gilkinet

Ce jugement du TPI de Namur du 19 juin 2019 consacre cette conception plus extensive de
la liberté de tribune.

Voir Trib. Namur, 19 juin 2019 : rôle n°17/1063/A — p. 308 du précis

=> Il y a lieu d’entendre par « opinions émises dans l’exercice des fonctions
parlementaires », au sens de l’article 58 de la Constitution, les opinions formulées par un
parlementaire, sur des problèmes de l’intérêt général ou politique, qu’elles soient émises
dans l’enceinte du Parlement ou à l’extérieur de celui-ci, à l’exception des allégations de fait

72
concernant une personne ou dans le cadre de contentieux privés sans rapport avec des
questions de portée générale ou relevant du débat politique.

=> Alors qu’un parlementaire de la majorité peut compter sur le soutien de celle-ci pour faire
passer ses opinions et projets, un parlementaire de l’opposition devra quant à lui plus
régulièrement se tourner vers la société civile, de façon directe ou par la presse, afin
d’influencer le fonctionnement de l’assemblée.

92. Comparez les positions de la Cour constitutionnelle et de la Cour d’appel de Bruxelles


sur les limites de la protection absolue des parlementaires ?

Voir CC 101/2001 – 15 ter - Appel Bruxelles du 28 juin 2005 et Cass 1er juin 2006 –
Eglise du Royaume universel de Dieu, protection absolue — P. 309 du précis

Cour Constitutionnelle :

=> Arrêt relatif à l’art. 15ter de la loi du 4 juillet 1989 permettant de priver un parti politique
liberticide de sa dotation.

L’article 58 s’oppose à ce qu’une sanction soit prise à l’égard d’un parti politique à l’égard
des opinions et votes exprimés, dans l’exercice de ses fonctions, par un parlementaire de ce
parti " L’article 58 C. a un effet direct et un effet diffus :

1. Effet direct : il prémunit le parlementaire contre toute mise en œuvre de sa responsabilité


pour les opinions et votes qu’il exprime dans l’exercice de son mandat.
2. Effet diffus : il interdit que des tiers voient leur responsabilité engagée à la suite de tel
vote ou de tel propos émanant d’un membre d’une assemblée législative.

Cour d’appel de Bruxelles :

=> Arrêt du 28 juin 2005.

Estime que, si 58 C. exonère les parlementaires de toute mise en œuvre de leur


responsabilité personnelle, il n’institue pas une irresponsabilité de principe au bénéfice de
l’Etat belge qui pourrait ainsi être rendu responsable pour une faute commise par l’un de ces
organes (en l’occurrence une commission d’enquête parlementaire). Le parlementaire, à
l’unité, est irresponsable, mais une fois additionné à ses pairs, ils forment ensemble un
organe de l’État qui doit rendre compte judiciairement d’une faute commise.

=> Critiques : l’interprétation de la Cour d’appel :


- énerve l’indépendance du parlementaire ;
- méconnait l’indépendance du Parlement — le dissocie artificiellement de l’Etat.

93. Analysez sous l’angle de la protection absolue l’intervention du député Van Rossem
lors de la prestation de serment d’Albert II

Voir affaire Van Rossem – prestation de serment d’Albert II — P. 311 du précis.

=> Même si l’article 58 C; ne protège les parlementaires que contre les recherches et les
poursuites en raisons des votes et opinions qu’il peut exprimer, cette disposition vise, de
manière plus générale, à lui garantir une totale liberté d’expression dans l’exercice de son
mandat.

=> Le président de l’assemblée est investi, en vertu de son pouvoir de police, du droit de
prendre toutes les mesures utiles au déroulement normal des séances.
Or, en l’espèce, la séance a été trouvée par les propos du député anversois, lequel n’avait
pas la parole et, partant, était privé du droit de s’exprimer. Il pouvait donc être sanctionné
mais dans l’exacte mesure requise pour le déroulement d normal de la séance.

73
Une mise aux arrêts parait dès lors disproportionnée, en particulier parce que le pouvoir de
police des présidents de l’assemblée les autorise à faire régner le bon ordre au sein de
l’hémicycle, et non en dehors.

94. Déterminer le moment de prise d’effet de la protection relative des parlementaires ?

Voir affaire Van Rossem – prestation de serment d’Albert II — P. 311 du précis.

Comme par le passé, la protection ne trouve à s’applique que pendant la session


parlementaire.

Sur un plan strictement formel, l’élu ne devrait bénéficier du statut de parlementaire et,
partant, de la protection octroyée par 59 C., qu’à partir de sa prestation de serment. Cette
solution s’inspire des règles relatives aux incompatibilités.

Ce n’est, en effet, qu’au moment où il prête serment que celui qui exerce une fonction
incompatible avec celle de parlementaire est tenu de renoncer à celle-ci. Cependant, une
analyse à ce point formelle serait contraire à l’esprit de la Constitution qui vise à éviter toute
pression judiciaire à l’encontre d’un parlementaire. Dès lors que celui-ci est élu, il est
identifiable en tant que tel et doit bénéficier de la protection constitutionnelle. Ce principe n’a
pas été compromis par l’adoption du nouvel article 59.

95. Déterminez de manière exhaustive les actes que les autorités judiciaires ne peuvent
accomplir librement dans le cadre d’une procédure répressive à charge d’un
parlementaire en indiquant les contraintes auxquelles elles sont soumises.

Le système institué par l’article 59 C. comprend trois catégories d’actes :

1. Les actes pouvant être accomplis librement par les autorités judiciaires

Les autorités judiciaires peuvent librement procéder à des actes d’instruction ou


d’information : l’interrogatoire volontaire, la confrontation volontaire, la saisie ou la
perquisition consenties par le parlementaire.

L’inculpation d’un parlementaire n’est soumise à aucune formalité.

Cependant, seuls les officiers du ministère public et les agents compétentes peuvent
engager des poursuites, pendant la durée de la session, à l’égard d’un parlementaire (pas
les particuliers donc).

2. Les actes qui ne peuvent être accomplis par les autorités judiciaires que dans le
respect de formalités particulières

Un régime particulier est prévu pour les actes d’instruction qui impliquent une contrainte
requérant l’intervention d’un juge (sans autorisation préalable de l’assemblée ?).

Ces mesures sont ordonnées par le Premier président de la Cour d’appel, à la demande du
juge concerné.

Le président de l’assemblée en est informé.

Actes de contrainte = mesures pour lesquelles, sauf cas de flagrant délit, l’ordre du juge est
nécessaire en vertu de la loi et par lesquelles, sans l’autorisation de l’intéressé, il est porté
atteinte à ses droits et libertés personnels " mandat d’amener pour interrogatoire, mandat
de perquisition, saisie, prélèvement ADN, écoute et repérages téléphoniques, enquête sur la
personne.

74
Le président de l’assemblée ou un membre de celle-ci qu’il désigne doit être présent en cas
de saisie ou de perquisition.

Si ces formalités ne sont pas respectées, ces actes d’instruction ne peuvent pas être utilisés
dans une procédure pénale dirigée contre un parlementaire, par contre, la Cour de cassation
a eu l’occasion de préciser qu’ils conservaient leur pleine validité à l’égard des tiers.

3. Les actes qui requièrent une autorisation de l’assemblée pour que les autorités
judiciaires puissent y procéder

L’autorisation de l’assemblée est requise lorsqu’il s’agit d’arrêter un parlementaire ou encore


de le renvoyer ou de le citer directement devant une juridiction de jugement.

Par arrestation, on entend l’arrestation judiciaire et l’arrestation dans le cadre de la détention


préventive, et non l’arrestation administrative ou, de manière plus discutable,
l’arrestation à l’issue d’un procès pénal qui se clôturerait par une condamnation à une
peine de prison.

Pour le surplus, à l’inverse de ce qui est prévu pour les ministres, le parlementaire dispose
de la garantie absolue de ne pouvoir être renvoyé devant une juridiction de jugement – que
ce soit par le biais d’une citation directe ou d’une décision de renvoi émanant d’une
juridiction d’instruction – que moyennant une autorisation préalable de l’assemblée dont il est
membre.

Les raisonnements qui précédent sont exposés sous réserve du cas de flagrant délit, voir
59 C.

96. L’autorisation de renvoyer ou de citer un parlementaire devant une juridiction vaut-elle


ou non indéfiniment - motivez votre réponse ?

Voir affaire Moriau – la durée de validité de l’autorisation de l’assemblée — P. 319 du


précis.

Deux arguments militent en faveur de la thèse du renouvellement de l’autorisation en début


de législature:

• Premier argument :
Le retard mis à attraire le parlementaire devant une juridiction de jugement peut, en
certaines circonstances, amener l’assemblée à s’interroger sur les intentions véritables des
autorités judiciaires. Il paraît donc légitime que l’assemblée puisse s’interroger, lors de
chaque session, sur la question de savoir si l’inertie des autorités judiciaires, préjudiciable au
parlementaire en cause, ne constitue pas l’indice d’un comportement arbitraire la fondant à
refuser l’autorisation demandée. " Les autorités de jugement pourraient avoir pour intention
de mettre le parlementaire en difficulté en début de législature.

• Deuxième argument :
La raison d’être de la protection relative des parlementaires vise à protéger le bon
fonctionnement de l’assemblée pendant la session. Il est donc logique qu’elle soit amenée,
lors de chaque session, à reconsidérer la position qui était auparavant la sienne.

Il est donc communément admis que la demande d’autorisation doit être renouvelée lors de
chaque nouvelle législature, du moins si le parlementaire n’a pas encore comparu devant le
juge du fond. En effet, lorsque le procès devant le juge du fond a débuté, il n’y a plus lieu de
solliciter le renouvellement de l’autorisation.

75
Dans un arrêt du 4 décembre 2006, la Cour de cassation précise que « la poursuite des
débats, la mise en délibéré, le jugement de la cause ou l’excise des voies de recours ne
nécessitait pas une nouvelle autorisation des assemblées parlementaires puisque l’article 59
C. ne vise aucun de ces actes ».

97. Commentez l’exception de flagrant délit telle qu’il en a été fait application pour
ordonner la détention préventive de Bernard Wesphael ?

Cette exception se fonde sur le postulat selon lequel « nulle garantie exceptionnelle ne doit
couvrir un citoyen dont le méfait se présente avec tous les caractères de l’évidence ».

Pour qu’il y ait flagrant délit, affirme la Cour de cassation, « il faut que le délit soit encore
actuel et que le temps qui s’écoule entre la commission de l’infraction et les actes
d’instruction ne soit que le temps matériellement nécessaire pour permettre
l’accomplissement desdits actes ».

Il n’y a donc pas flagrant délit lorsque les poursuites n’ont pas été engagées immédiatement,
et sans interruption après la constatation de l’infraction ou lorsque l’instruction qui ne
nécessite pas des devoirs particulièrement difficiles se prolonge pendant un délai
anormalement long sans justification aucune.

Voir Aff Wesphael – flagrant délit — P. 320 du précis.

=> La définition que la Cour de cassation livre du flagrant délit est en totale contradiction
avec la manière dont la notion est présentée, notamment par ses anciens procureur
généraux. Pour qu’il y ait flagrant délit, affirme-t-elle, il suffit que des éléments précis
permettent de déduire objectivement qu’un crime est commis ou vient d’être commis. Il n’est
pas requis, à son estime, que le crime soit perçu par un témoin ou immédiatement constaté
par un agent de police judiciaire, ni qu’il soit évident et déterminé dans tous ses aspects
qu’aucune enquête plus approfondie n’est nécessaire.

98. Quelle est la portée de l’article 59, alinéa 5 de la Constitution qui autorise un Parlement
à la demande d’un parlementaire de suspendre les poursuites ?

Art. 59, al. 5, C. :


« Le membre concerné de l’une ou de l’autre Chambre peut, à tous les stades de
l’instruction, demander, pendant la durée de la session et en matière répressive, à la
Chambre dont il fait partie de suspendre les poursuites. La Chambre concernée doit se
prononcer à cet effet à la majorité des deux tiers des votes exprimés ».

Une telle demande se justifie si les poursuites sont intentées de manière inconsidérée,
irresponsable ou vexatoire + l’intéressé doit égayer sa demande d’arguments convaincants.

La décision doit être prise à la majorité de deux tiers des suffrages exprimés. L’objectif du
constituant est d’éviter qu’un parlementaire puisse bénéficier d’une large protection sans qu’il
existe à ce propos un très large consensus au sein de l’assemblée.

Cette disposition permet au parlementaire de solliciter la suspension des poursuites lorsque


les devoirs d’instructions dont il fait l’objet, accomplis librement par les autorités judiciaires
(voir question de fond n°95, pt. 1), sont de nature à compromettre le bon exercice de ses
fonctions, et cela sans préjudice de la faculté pour l’assemblée de solliciter spontanément en
tout temps la suspension des poursuites en vertu en vertu, cette fois, de l’article 59, alinéa 6,
de la Constitution.

76
99. Quelle est la portée de l’article 59, alinéa 6 de la Constitution qui autorise un
Parlement de suspendre les poursuites ou la détention – dans quels cas peut-il être fait
application de cette disposition ?

Art. 59, al. 6, C. :


« La détention d’un membre de l’une ou de l’autre Chambre ou sa poursuite devant une cour
ou un tribunal est suspendue pendant la session si la Chambre dont il fait partie le requiert. »

L’assemblée peut solliciter la suspension des poursuites ou de la détention lorsque celles-ci


ont pris cours pendant les vacances parlementaires, entre deux législatures, lorsque les
autorités judiciaires se sont prévalues d’un flagrant délit ou encore lorsque le
parlementaire informe le Parlement d’un élément nouveau qui est de nature, à son
estime, à justifier que le Parlement revienne sur une autorisation qu’il a déjà délivrée. Dans
ces cas, L’assemblée se prononce à la majorité ordinaire.

Au cours de l’affaire Wesphael – flagrant délit, la commission des poursuites du Parlement


wallon estime que, n’étant saisie d’aucune demande du ministère public ou de la défense (=
Bernard Wesphael), il ne lui appartient pas de prendre une quelconque initiative " erreur de
droit, contredit 59, al. 6, C.

L’article 59, al. 6, C. n’a de sens que s’il permet à l’assemblée parlementaire de faire échec à
des décisions du pouvoir judiciaire qu’il estime arbitraires. Cette disposition garantit la
séparation des pouvoirs et permet de faire obstacle au pouvoir judiciaire s’il a méconnu les
limites constitutionnelles de son action.

Autrement dit, sauf à vider de toute pertinence cette disposition constitutionnelle,


l’assemblée parlementaire a le devoir de solliciter la suspension de l’arrestation d’un
parlementaire si elle estime que le pouvoir judiciaire a outrepassé les limites des pouvoirs
que lui consent la Constitution, notamment en donnant une définition élargie ou inadéquate
de la notion de flagrant délit.

100. Quelles critiques peut-on apporter au système d’autorisation mis en œuvre par l’article
59 de la Constitution ?

Le nouvel article 59 de la Constitution est sujet à plusieurs critiques :

1. Il se concilie mal avec la finalité initiale de l’immunité, à savoir garantir le bon


fonctionnement de l’institution parlementaire

Une instruction peut durer plusieurs années, et le parlementaire peut ainsi être déstabilisé
pour une période assez longue, avec les conséquences que cela implique sur la manière
dont il exerce son mandat.

Il hésitera d’ailleurs à en solliciter la suspension, étant donné que la charge de la preuve du


caractère arbitraire des poursuites repose sur ses seules épaules.

2. La possibilité réservée aux autorités judiciaires et policières d’instruire le dossier


en toute quiétude sans le moindre contrôle parlementaire ne constitue pas une
garantie pour celui qui est poursuivi

Plus les autorités judiciaires auront le temps d’instruire leur dossier, plus il sera difficile de
démontrer le caractère arbitraire de leur attitude.

Une demande d’autorisation intervenant à la fin de l’instruction, et non au début de celle-ci[1],


est de nature à renforcer la présomption de culpabilité du parlementaire.

77
3. Les garanties instituées pendant la phase d’instruction sont inefficaces et
incohérentes

On comprend mal en quoi le pouvoir réservé au premier président de la cour d’appel[2]


(membre du pouvoir judiciaire) constitue une garantie alors que, précisément, l’immunité
parlementaire vise à protéger les parlementaires contre les attitudes arbitraires du pouvoir
judiciaire.

La distinction qui est faite entre actes contraignants et consentis est sans intérêt pratique ;
un parlementaire ne prendra pas le risque de refuser que certains actes d’instructions soient
posés à son encontre sans renforcer sa présomption de culpabilité.

En outre, les autorités compétentes ne prendront sans doute pas le risque de s’exposer à un
refus de l’intéressé et auront tendance à solliciter préalablement l’intervention du Premier
président de la Cour d’appel.

4. La mission de l’assemblée lorsqu’elle est saisie par les autorités judiciaires n’est
toujours pas clarifiée

Soit elle opère un contrôle marginal, et il est probable qu’elle délivre les autorisations
sollicitées.

Soit elle procède à un examen approfondi du dossier – qui sera d’autant plus difficile à
opérer qu’il porte sur un dossier d’instruction complet – et elle est appelée, même contre son
gré, à se comporter comme une juridiction.

[1] Voir Aff Moriau – question du moment où l’autorisation de l’assemblée doit être sollicitée
[2] Voir 59., al. 2, C.

101. Quel est le rôle de l’assemblée parlementaire lorsqu’elle est amenée à autoriser le
renvoi ou la citation d’un parlementaire devant une juridiction de jugement ?

Soit elle opère un contrôle marginal et il est infiniment probable qu’elle délivre les
autorisations sollicitées. Soit elle procède à un examen approfondi du dossier et elle est
appelée, même contre son gré, à se comporter comme une juridiction.

Dans la pratique, les assemblées affirment limiter leur contrôle à la question de savoir si
l’action n’est pas fondée sur des éléments arbitraires, fantaisistes, irréguliers, prescrits,
arbitraires ou ténus, si les faits ne sont pas la conséquence imprévue d’une action politique
ou s’il ne s’agit pas d’un délit dont les mobiles politiques sont manifestes.

• Les questions de réflexion (liens)

38. Réflexion sur la notion d’incompatibilité et les incompatibilités entre la qualité de


membres de plusieurs assemblées – lien avec l’effet utile du vote (leçon 7), avec la
vérification des pouvoirs (leçon 13) et avec la composition des assemblées régionales
et communautaires (leçon 25)
39. Réflexion sur l’incompatibilité spécifique entre un mandat au Parlement wallon et un
mandat dans un exécutif local – lien avec l’effet utile du vote et les conditions
d’éligibilité (leçon 7).
40. Réflexion sur l’incompatibilité liée à la séparation des pouvoirs – lien avec la situation
des membres démissionnaires d’un gouvernement (leçon 15)
41. Réflexion sur la protection absolue des parlements – liens avec l’interdiction des partis
liberticides (leçon 1), avec la responsabilité de l’Etat dans l’exercice des fonctions
parlementaires (leçon 21) et avec la situation du Roi (leçon 23)

78
42. Réflexion sur le système d’autorisation dans le cadre des poursuites à l’encontre d’un
parlementaire – lien avec la situation des ministres (leçon 16)
43. Réflexion sur la notion de flagrant délit et sur le rôle des assemblées parlementaires en
cas de suspension des poursuites – lien avec la situation des ministres (leçon 16)
44. Réflexion sur le rôle de l’assemblée lorsqu’il s’agit de refuser le renvoi d’un
parlementaire devant une juridiction de jugement - lien avec la situation des ministres
(leçon 16)

79
Leçon 11 : L’organisation des Parlements

• La matière à étudier

- Les groupes linguistiques au Parlement fédéral (n°1 à 3)


- Les groupes linguistiques au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (n°4 et 5)
- L’administration des parlements (n°17 à 20)
- L’organisation des parlements dans le temps (n°21 à 23).

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC 31/96, 15 mai 1996, Meester de Betzenbroeck


- CC 54/2002 du 13 mars 2002, Brouillard 1 et CC 89/2004 du 19 mai 2004, Brouillard 2
- CC 17/2004 du 26 janvier 2004 – Verheyden

• Les questions de fondement

59 La manière de composer les groupes linguistiques au parlement fédéral

Chambre des représentants :

Article 43, § 1er, de la Constitution :


« Pour les cas déterminés dans la Constitution, les membres élus de la Chambre des
représentants sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique
néerlandais, de la manière fixée par la loi ».

La loi du 13 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en
groupes linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux conseils culturels pour la
communauté culturelle française et pour la communauté culturelle néerlandaise :

Article 1er :
§ 1er. : « Pour les cas déterminés dans la Constitution, les membres de la Chambre des
représentants sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique
néerlandais conformément aux dispositions suivantes:
1° les députés élus par les collèges électoraux relevant de la Région de langue française et
les députés élus par le collège électoral de l’arrondissement de Verviers font partie du
groupe linguistique français de la Chambre des représentants; les députés élus par les
collèges électoraux relevant de la Région de langue néerlandaise font partie du groupe
linguistique néerlandais de la Chambre des représentants;
2° les députés élus par le collège électoral de la circonscription électorale de Bruxelles-
Capitale font partie soit du groupe linguistique français, soit du groupe linguistique
néerlandais de la Chambre des représentants selon qu’ils prêtent serment en français ou en
néerlandais. Si le serment est prêté en plusieurs langues, celle d’entre elles qui est utilisée
en premier lieu est déterminante. »
§ 2. (abrogé).

Article 2 :
« Les groupes linguistiques de la Chambre des représentants et du Sénat peuvent, chacun,
arrêter leur règlement d’ordre intérieur.
Les représentants élus dans les circonscriptions électorales de langue allemande au sein de
la Chambre sont rattachés au groupe francophone »

80
Sénat :

Article 43, § 2, de la Constitution : (règle à lui seul la question)


« Pour les cas déterminés dans la Constitution, les sénateurs, à l'exception du sénateur
désigné par le Parlement de la Communauté germanophone, sont répartis en un groupe
linguistique français et un groupe linguistique néerlandais.
Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 2° à 4° et 7°, forment le groupe linguistique français
du Sénat. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 6°, forment le groupe linguistique
néerlandais du Sénat ».

Le sénateur germanophone ne fait partie d’aucun des deux groupes linguistiques au Sénat.

60 La majorité d’un groupe linguistique peut demander l’avis de la SLCE sur une
proposition de loi

Art. 2, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat :

« Le Président du Sénat, de la Chambre des Représentants, du Parlement ou de


l'Assemblée réunie visés respectivement aux articles 1er et 60 de la loi spéciale du 12
janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, est tenu de demander l'avis sur les
propositions de loi ou d'ordonnance et sur les amendements à des projets ou propositions,
lorsque la majorité des membres d'un groupe linguistique de l'assemblée intéressée en font
la demande selon le mode déterminé par le règlement ».

61 L’existence de groupes linguistiques au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale

Article 136 de la Constitution :


« Il y a des groupes linguistiques au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, et des
Collèges, compétents pour les matières communautaires; leurs composition,
fonctionnement, compétences et, sans préjudice de l’article 175, leur financement, sont
réglés par une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa.
Les Collèges forment ensemble le Collège réuni, qui fait fonction d’organe de concertation et
de coordination entre les deux communautés. »

Art. 60 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises :


« Il existe, pour l'exercice des compétences visées aux articles 135, et 136, de la
Constitution, trois institutions dotées chacune de la personnalité juridique.

L'institution compétente pour les matières de la Communauté française de Bruxelles-


Capitale, ci-après dénommée " la Commission communautaire française ", a pour organes le
groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et un Collège
composé des membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et des
Secrétaires d'État régionaux appartenant au groupe linguistique français.

L'institution compétente pour les matières de la Communauté flamande de Bruxelles-


Capitale, ci-après dénommée " la Commission communautaire flamande ", a pour organes le
groupe linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et un
Collège composé des membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et des
Secrétaires d'État régionaux appartenant au groupe linguistique néerlandais.

L'institution compétente pour les matières communautaires communes aux deux


Communautés de Bruxelles-Capitale, ci-après dénommée " la Commission communautaire
commune ", a pour organes l'assemblée réunie composée des membres des groupes
linguistiques visés aux alinéas 2 et 3 et le Collège réuni, composé des membres du
Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale […] »;

81
62 Un fonctionnaire parlementaire peut obtenir l’annulation d’une sanction disciplinaire qui
lui a été infligée par son supérieur hiérarchique

Voir arrêt C.C. n°17/2004 du 29 janvier 2004 – Caroline Verheyden — P. 355 du précis.
La Cour Constitutionnelle dit qu’il faut interpréter les articles 1 et 2 de la loi du 29 juillet 1991
en ce qu’il octroie le même régime aux actes administratifs des assemblées législatives ou
de leurs organes que celui applicable aux actes des autorités administratives.

Article 2 de la loi du 19 juillet 1991 :


« Les actes administratifs des autorités visées à l’article 1er doivent faire l’objet d’une
motivation formelle ».

Bien que l’article 1er définit les autorités administratives par référence à l’article 14, § 1er, des
lois coordonnées sur le Conseil d’Etat (lequel distingue clairement les autorités
administratives des autres autorités dont certains actes peuvent être censurés par le Conseil
d’Etat), telle n’est pas la volonté du législateur, exprimée dans les travaux préparatoires de la
loi du 29 juillet 1991.

Le législateur y entendait de faire coïncider le champ d’application de la loi du 29 juillet 1991


avec l’interprétation de la notion d’autorité administrative donnée par le Conseil d’Etat,
laquelle comprend les assemblées législatives et leurs organes.

• Les questions de fond

48. Comment sont composés les groupes linguistiques à la Chambre et au Sénat ?

• Chambre des représentants - Art. 1, § 1er , de la loi du 3 juillet 1971

Groupe linguistique français : Tous les députés élus par les collèges électoraux relevant de
la région de langue française (=provinces wallonnes) + élus dans la circonscription de
Bruxelles-Capitale ayant prêté serment (en premier lieu) en langue française.

Cela signifie qu’un député germanophone élu dans une province wallonne appartiendra au
groupe linguistique français.

Groupe linguistique néerlandais : Tous les députés élus par les collèges électoraux relevant
de la région de langue néerlandaise (=provinces flamandes) + élus dans la circonscription de
Bruxelles-Capitale ayant prêté serment (en premier lieu) en langue néerlandaise.

• Sénat

Groupe linguistique néerlandais du Sénat : 29 sénateurs désignés par le Parlement flamand


en son sein ou au sein du groupe linguistique néerlandais de la Région de Bruxelles-Capitale
+ 6 sénateurs qu’ils cooptent.

Groupe linguistique français du Sénat : 10 sénateurs désignés par le Parlement de la


Communauté française en son sein + 8 sénateurs désignés par le Parlement de la Région
wallonne en son sein + 2 sénateurs désignés par le groupe linguistique français du
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale en son sein + 4 sénateurs qu’ils cooptent.

Le sénateur élu par le Parlement de la Communauté germanophone n’appartient à aucun


groupe linguistique.

82
49. Quelles sont les missions des groupes linguistiques à la Chambre et au Sénat ?

Les groupes linguistiques au niveau fédéral ne sont pris en considération que dans un
certain nombre de cas énumérés limitativement - offrent une base de calcul pour
déterminer :

- si la majorité requise est réunie pour le vote des lois exigeant la majorité spéciale ;

- s’il y a lieu à saisine de la section de législation du Conseil d’Etat lors de la discussion d’un
projet ou d’une proposition de loi (ou d’un amendement) ;

- si la procédure de la sonnette d’alarme trouve à s’appliquer.

Les groupes linguistiques fédéraux sont donc des structures essentiellement passives, ils ne
se réunissent pas comme tels.

(Selon le professeur ces institutions se fondent sur une logique dualiste de division de la
société belge en deux grandes communautés linguistiques, qui n’a plus de réelle raison
d’être au Sénat, qui est aujourd’hui présenté comme la chambre des entités fédérées).

50. Comment sont composés les groupes linguistiques au Parlement de la Région de


Bruxelles-Capitale ?

Commission communautaire flamande - V.G.C


Commission communautaire française - COCOF
Commission communautaire commune – COCOM

L’appartenance à un groupe linguistique est conditionnée par :

1) Critère subjectif, mais rigide : Chaque candidat doit, dans son acte d’acceptation de
candidature, indiquer le groupe linguistique auquel il appartient " il sera irrévocablement
lié par ce choix lors des élections ultérieures et ne pourra se présenter sur une liste
de l’autre rôle linguistique ;

2) Critère objectif : Une fois que le candidat a fait son choix, il se présente en conséquence
dans la liste unilingue correspondante. Dès lors, tous les élus des listes francophones
constituent le groupe linguistique français du Parlement et de l’assemblée réunie, et tous les
élus des listes néerlandophones constituent le groupe linguistique néerlandais de ces deux
assemblées.

51. Quelles sont les missions des groupes linguistiques au Parlement de la Région de
Bruxelles-Capitale ?

Les groupes linguistiques du Parlement régional et de l’assemblée réunie :

- Saisine de la section de législation du Conseil d’Etat ;

- Mise en œuvre de la procédure de la sonnette d’alarme ;

- Vérifier les pouvoirs de leurs membres ;

- Présenter les candidats à la fonction de membre du gouvernement (sauf Ministre-


président) ou à celle de Secrétaire d’Etat régional => À la majorité absolue.

Toutes les résolutions (votes) de l’assemblée réunie sont, en principe, prises à la majorité
absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique. Cependant, si une résolution
n’obtient pas la majorité absolue des suffrages lors du premier vote, il est procédé à un

83
second vote. Ce vote est opéré à la majorité absolue des suffrages de l’assemblée +
condition de 1/3 des suffrages dans chaque groupe linguistique.

Les groupes linguistiques au sein des institutions bruxelloises sont donc des structures plus
actives.

Le groupe linguistique néerlandais doit être représenté dans chaque commission et compter
un tiers des membres du bureau du Parlement (dans le but de protéger cette minorité à
Bruxelles).

52. Commentez et expliquez l’arrêt CC 31/96, 15 mai 1996, Meester de Betzenbroeck

Voir CC 31/96, 15 mai 1996, Meester de Betzenbroeck — P. 351 du précis.

=> La nécessité de sauvegarder l’indépendance des assemblées législatives ne justifie pas


que les fonctionnaires des assemblées législatives soient privés d’un recours en annulation
contre les actes administratifs des assemblées.

CC : la discrimination dont sont victimes les fonctionnaires parlementaires trouve son origine,
non pas dans la législation du CE, mais bien dans une lacune législative.

53. Commentez et expliquez l’arrêt CC 54/2002 du 13 mars 2002, Brouillard 1 et CC


89/2004 du 19 mai 2004, Brouillard 2

Voir CC 54/2002 du 13 mars 2002, Brouillard 1 — P. 353 du précis.

=> La CC estime que l’article 14, §1er, des lois sur le CE, viole les articles 10 et 11 de la
Constitution s’il est interprété en ce sens que le CE ne serait pas compétent pour connaitre,
en pareille circonstances, d’un recours en annulation au seul motif que le requérant serait
candidat à un emploi au sein d’une assemblée, et non encore membre du personnel de
celle-ci.

Voir CC 89/2004 du 19 mai 2004, Brouillard 2 — P. 353 du précis.

=> CC : la discrimination dont sont victimes les fonctionnaires parlementaires trouve son
origine, non pas dans l’article 14 des lois sur le CE, mais bien dans une lacune législative.

54. Commentez et expliquez l’arrêt CC 17/2004 du 29 janvier 2004 – Verheyden

Voir CC 17/2004 du 26 janvier 2004 – Verheyden — P. 355 du précis

=> Volonté du législateur : faire coïncider le champ d’application de la loi du 29 juillet 1991
(motivation formelle des actes administratifs) avec l’interprétation de la notion d’autorité
administrative donnée par le CE.

55. Qu’est-ce qu’une législature – comment s’achève-t-elle au niveau fédéral et dans les
régions et les communautés ?

La législature est la période pour laquelle les assemblées sont élues.

Assemblée régionales et communautaires :


Sa durée est de cinq ans et ne peut en aucun cas être abrégée, étant donné que le droit de
dissolution des chambres n’existe pas dans les entités fédérées.

Niveau fédéral :
La durée de la législature est en principe de cinq ans, les élections de la Chambre des
représentants se tenant le même jour que les élections européennes.

84
La législature fédérale peut cependant être abrégée en cas de dissolution anticipée de la
Chambre des représentants, dans les cas suivants :
- Dissolution de plein droit dans le cadre du processus de révision constitutionnelle, en vertu
de l’article 195 de la Constitution ;
- Dissolution anticipée, en vertu de l’article 46 de la Constitution[1] ;
- Vacance du trône, en vertu de l’article 95 de la Constitution.

[1] Voir leçon 9 sur le parlementarisme rationalisé

56. Qu’est-ce qu’une session — comment s’achève-t-elle au niveau fédéral et dans les
régions et les communautés ?

Les sessions sont les périodes d’activité des assemblées.

La session ordinaire s’étend tout au long de l’année de la rentrée parlementaire à la veille


de la rentrée suivante.

La session extraordinaire a lieu dans l’hypothèse où l’assemblée est convoquée entre


deux sessions ordinaires, comme c’est le cas au lendemain de son renouvellement.

Au niveau fédéral :
Le Parlement peut être ajourné[1] au cours d’une session, cette décision est prise par le Roi[2]
[3].

Au niveau des régions et des communautés :


Dans les régions et les communautés, le pouvoir exécutif ne peut ajourner le Parlement au
cours d’une session. L’ajournement est possible pendant les vacances d’été.
Durant la crise du coronavirus, le Parlement wallon a confié le pouvoir d’ajournement à la
Conférence des présidents en cas de crise sanitaire.

[1] = clôturer la session parlementaire annuelle, suspendre le Parlement


[2] Art. 45 C. :
« Le Roi peut ajourner les Chambres. Toutefois, l’ajournement ne peut excéder le terme d’un mois, ni être renouvelé dans la même session sans l’assentiment
des Chambres. »
[3] A ce sujet, voir https://www.lesoir.be/249975/article/2019-09-27/et-si-le-gouvernement-belge-decidait-de-suspendre-les-chambres

57. L’affaire Marcourt - (UV)

Voir Affaire Marcourt – responsabilité du Bureau du Parlement wallon

• Les questions de réflexion (liens)

45. Réflexion sur les groupes linguistiques au niveau fédéral – lien avec la consultation de
la section de législation du Conseil d’État (leçon 5), la sonnette d’alarme et les lois
spéciales (leçon 12) et la parité en conseil des ministres (leçon 14).
46. Réflexion sur les groupes linguistiques en Région de Bruxelles-Capitale – liens avec la
composition du gouvernement bruxellois, la mise en œuvre de sa responsabilité
(leçons 14, 15 et 26).
47. Réflexion sur les recours juridictionnels offerts aux fonctionnaires des assemblées
parlementaires - lien avec les compétences du Conseil d’État (leçon 20)
48. Réflexion sur l’organisation du Parlement dans le temps et sur la notion de législature
– lien avec la question de la dissolution (leçon 9), avec la protection des parlementaire
(leçon 10)

85
Leçon 12 : La fonction législative

• La matière à étudier

- La notion de norme législative et son champ d’application (n°1 à 5)


- La phase préparlementaire de l’adoption de la norme législative (n°6 à 9)
- La phase parlementaire de l’adoption de la norme législative (n°10 à 19)
- La phase postparlementaire de l’adoption de la norme législative (n°20 à 25)
- Les normes législatives interprétatives (n°26 à 29)
- Les normes législatives rétroactives (n°30 à 32)
- Les normes législatives attributives ou d'habilitation et de confirmation (n°33 à 38)
- Les lois spéciales, les décrets spéciaux et les ordonnances spéciales (n°41 à 43)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE n°217.199 du 12 janvier 2012, Hazette et consorts


- CC n°25/2005 du 2 février 2005 – interprétation authentique des normes législatives
- CC n°25/90 du 5 juillet 1990 – pilotage
- Avis SLCE – 15 ter
- Avis SLCE art 9 LSRI 8.8.80
- CC n°77/2002 du 8 mai 2002 – contentieux des étrangers
- CC n°195/2004 du 1er décembre 2004 – matières fiscales
- CC n°89/2007 du 20 juin 2007 – ratifications législatives

• Les questions de fondement

63 Le droit des ministres d’amender des propositions ou des projets de loi

Art. 76, al. 2, C. :


« Les Chambres ont le droit d’amender et de diviser les articles et les amendements
proposés ».

Art. 100 C. :
« Les ministres ont leur entrée dans chacune des Chambres et doivent être entendus quand
ils le demandent.

La Chambre des représentants peut requérir la présence des ministres.


Le Sénat peut requérir leur présence dans le cadre des matières visées aux articles 77 ou
78. Pour les autres matières, il peut demander leur présence ».

Art. 101, al. 1er, C. :


« Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants ».

" Le droit d’amendement des parlementaires trouve son fondement expressément dans 76
C.
" Le droit d’amendement des ministres trouve son fondement dans diverses dispositions
légales et constitutionnelles, leur réservant le droit d’entrer et d’être entendus par les
assemblées devant lesquelles ils engagent leur responsabilité.

64 La procédure de sonnette d’alarme à Bxl

Article 31 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises


« Sauf pour les budgets, une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des
membres d'un groupe linguistique du Parlement et introduite avant le vote final en séance

86
publique, peut déclarer que les dispositions qu'elle désigne dans un projet ou une
proposition d'ordonnance sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les
Communautés.

Dans ce cas, la procédure au sein du Parlement est suspendue et la motion est renvoyée au
Gouvernement qui, dans les trente jours, émet un avis motivé, et, le cas échéant, amende le
projet ou la proposition.

L'avis motivé du Gouvernement est transmis au Parlement, où il est procédé au vote sur les
amendements éventuellement proposés par le Gouvernement, puis sur l'ensemble du projet
ou de la proposition.

Cette procédure ne peut être appliquée qu'une fois par les membres d'un groupe linguistique
à l'égard d'un même projet ou d'une même proposition ».

Pas à la COCOM " article 72 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions
bruxelloises prévoit que les délibérations doivent être en principe prises à la majorité des
suffrages de chaque groupe linguistique, ou, de manière subsidiaire, à la majorité absolue
des suffrages du Conseil + 1/3 de chaque groupe linguistique[1]

La procédure prévue à la COCOM existe précisément pour empêcher une majorité du


groupe linguistique flamand de bloquer les institutions de la commission communautaire
commune " une procédure de sonnette d’alarme à la COCOM ne ferait pas de sens
[1] En vertu de la loi spéciale du 13 janvier 2001

65 La procédure de la sonnette d’alarme au niveau fédéral

Article 54 de la Constitution :
« Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une
motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d’un des groupes
linguistiques et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique,
peut déclarer que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi qu’elle désigne sont
de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés.

Dans ce cas, la procédure parlementaire est suspendue et la motion est déférée au Conseil
des ministres qui, dans les trente jours, donne son avis motivé sur la motion et invite la
Chambre saisie à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition
éventuellement amendés.

Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois par les membres d’un groupe
linguistique à l’égard d’un même projet ou d’une même proposition de loi ».

66 Le Roi sanctionne les lois

Article 109 de la Constitution :


« Le Roi sanctionne et promulgue les lois ».

67 Les gouvernements régionaux et communautaires sanctionnent les décrets et


ordonnances

Art. 21 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« Le Gouvernement sanctionne et promulgue les décrets »

Art. 8 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux institutions bruxelloises :

87
« Les articles 19, § 1er, alinéa 1er et 20 à 22, de la loi spéciale sont applicables à la Région
de Bruxelles-Capitale moyennant les adaptations nécessaires. Toutefois, pour cette
application, il y a lieu de lire ordonnance au lieu de décret ».

68 L’interprétation de la loi par voie d’autorité appartient à la loi

Art. 84 de la Constitution :
« L’interprétation des lois par voie d’autorité n’appartient qu’à la loi ».

69 L’interprétation du décret par voie d’autorité appartient au décret

Art. 133 de la Constitution :


« L’interprétation des décrets par voie d’autorité n’appartient qu’au décret ».

! vaut tant pour les régions que les communautés, malgré que cet article soit situé
dans un Titre de la Constitution relatif aux compétences de communautés " oubli du
Constituant

70 Le statut des agents de la RTBF doit être fixé par un décret

Art. 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« Dans les matières qui relèvent de leurs compétences, les Communautés et les Régions
peuvent créer des services décentralisés, des établissements et des entreprises, ou prendre
des participations en capital.

a. Le décret peut accorder aux organismes précités la personnalité juridique et leur


permettre de prendre des participations en capital. Le décret en règle la création, la
composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle ».

Force est de constater, cependant, que dans la pratique, cette exigence est loin d’être toujours respectée. Ainsi,
par exemple, nonobstant la position prise par la section de législation du Conseil d’État, l’article 28 du décret du
14 juillet 1997 portant statut de la R.T.B.F. prévoit que « Sur proposition de son administrateur général, le conseil
d’administration de la R.T.B.F. arrête le statut du personnel, le règlement de travail et le statut syndical ».

71 Le principe de la non-rétroactivité de la loi

Article 2 du Code civil : (ne s’impose pas en tant que tel au législateur)
« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Principe général de droit de non-rétroactivité de la loi

• Les questions de fond

58. Quel est le champ d’application de la norme législative et quels sont les motifs qui
conduisent le constituant à réserver des pouvoirs au législateur

Le champ d’application de la norme législative fait l’objet d’une délimitation positive et d’une
délimitation négative.

Délimitation positive " La Constitution et les lois de réformes institutionnelles réservent


expressément certaines matières au pouvoir législatif = matières réservées.

Délimitation négative " Le législateur est par ailleurs compétent dans le domaine résiduel,
ce qui lui permet de régler toutes les matières qui ne sont pas attribuées à d’autres pouvoirs.

Le monopole de l’intervention des législateurs est consacré afin de réaliser 4 objectifs


distincts :

88
1. Il s’agit d’un instrument permettant de garantir la séparation des pouvoirs.

Le législateur fédéral, régional et communautaire sont seuls compétents pour interpréter la


norme législative par voie d’autorité.

Le pouvoir législatif est seul compétent pour fixer les règles intéressant le pouvoir judiciaire,
notamment afin d’éviter que l’exécutif puisse faire pression sur les magistrats.

Volonté de prémunir la collectivité contre les éventuels abus du pouvoir exécutif " Le
pouvoir législatif est seul habilité à régler les mécanismes électoraux, les finances publiques
ou la force publique.

Les budgets sont également établis par voie législative fédérale, régionale ou
communautaire, selon le cas.

Une entité fédérée peut, par décret, accorder la qualité d’agent ou d’officier de police
judiciaire aux agents assermentés de son gouvernement ou d’organismes soumis à l’autorité
ou au contrôle de celui-ci.

2. Il s’agit d’un instrument permettant de consacrer la primauté d’un niveau de pouvoir sur un
autre.

L’article 162 de la Constitution fixe le soin au législateur (aujourd’hui régional) de fixer les
compétences des communes et des provinces. Le législateur régional peut donc définir lui-
même les limites de l’intérêt communal ou provincial.

Cette disposition prévoit l’intervention de l’autorité de tutelle ou du pouvoir législatif fédéral


« pour empêcher que la loi ne soit violée ou l’intérêt général blessé ».

3. Le législateur fédéral est appelé à édicter les règles intéressant l’Etat global qui ne figurent
pas dans la Constitution.

La Constitution confie au législateur le soin de fixer la plupart des règles qui régissent la
composition et le fonctionnement des organes des entités fédérées ainsi que les
compétences de ces dernières.

4. Le législateur, qu’il soit fédéral, régional ou communautaire, est appelé à déterminer les
bornes de la liberté des gouvernés et protéger ceux-ci contre l’arbitraire du pouvoir.

Il appartient notamment au législateur fédéral de déterminer les conditions nécessaires pour


l’exercice des droits politiques, de garantir les droits et libertés des minorités idéologiques ou
philosophiques, de prévoir les cas et la forme dans lesquels les individus peuvent être
poursuivis, d’établir ou d’appliquer les peines, de régler l’exercice du droit de s’assembler
paisiblement, etc.

59. Commentez et expliquez l’arrêt CE n°217.199 du 12 janvier 2012, Hazette et consorts

Voir arrêt CE n°217.199 du 12 janvier 2012, Hazette et consorts — P. 366 du précis.

=> Il résulte des articles 8, alinéa 2, et 162, alinéa 1er, de la Constitution qu’il appartient au
législateur seul de régler les conditions nécessaires pour exercer les droits politiques, et,
partant, les incompatibilités qui empêchent l’exercice d’un mandat électif communal,
notamment.

89
60. Qu’est-ce que la prise en considération ?

Au début de la phase parlementaire[1], les propositions de loi, de décret ou d’ordonnance


doivent être prises en considération. La prise en considération – votée à l’unanimité dans
la quasi-totalité des cas – ne préjuge en tous cas pas de l’opinion qui sera émise in fine sur
le texte.

Les membres de l’assemblée qui votent la prise en considération marquent simplement leur
accord pour que le texte fasse l’objet d’un débat.

Dans certains cas, le refus de prise en considération permet d’écarter des propositions qui
sont manifestement contraires à la Constitution, ou, exceptionnellement, qui sont relatives à
un sujet dont l’assemblée refuse de discuter.
[1] Il n’y a pas de phase préparlementaire pour les propositions de loi, de décret ou d’ordonnance

61. Quelle est la mission et les pouvoirs d’une commission dans le cadre du processus
d’élaboration de la norme législative ?

Les projets de loi, de décret ou d’ordonnance et les propositions prises en considération sont
renvoyés devant la commission compétente, où se fait l’essentiel du travail parlementaire.

Débat en commission => deux phases :


1. Discussion générale : sur principe et ensemble du projet/proposition ;
2. Discussion article par article.

Au cours de la discussion en commission, les parlementaires et le gouvernement disposent


du droit d’amender[1]. Les membres du gouvernement ont le droit d’entrer et d’être
entendus par les assemblées devant lesquelles ils engagent leur responsabilité. Les
membres de l’assemblée et le gouvernement ont également le droit de diviser, c’est-à-dire
de scinder les dispositions proposées, afin d’éviter que, sur certains points, des ensembles
« à prendre ou à laisser » ne leur soient présentés.

Afin d’éviter les abus, un amendement, pour être débattu, doit être appuyé, selon
l’assemblée, par 3 ou 5 membres de celle-ci.

Les débats en commission donnent lieu à un rapport relatant les discussions, qui est rédigé
par un membre de la commission, lequel est assisté par des fonctionnaires de l’assemblée.
Le rapport sera publié dans les documents parlementaires.

A la chambre des représentants, après le vote d’un projet ou d’une proposition de loi, la
commission procède à une deuxième lecture si l’un de ses membres le demande.

[1] Au fédéral, il en est disposé à 76 C.

62. Quelles sont les conditions d’application de la procédure de la sonnette d’alarme au


niveau fédéral ?

La procédure de sonnette d’alarme, au niveau fédéral, trouve son fondement dans l’article 54
de la Constitution :
« Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une
motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d’un des groupes
linguistiques et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique,
peut déclarer que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi qu’elle désigne sont
de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés.

Dans ce cas, la procédure parlementaire est suspendue et la motion est déférée au Conseil
des ministres qui, dans les trente jours, donne son avis motivé sur la motion et invite la

90
Chambre saisie à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition
éventuellement amendés. Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois par les
membres d’un groupe linguistique à l’égard d’un même projet ou d’une même proposition de
loi ».

La motion peut être soulevée à propos de tous les projets et propositions déposés devant la
Chambre des représentants, le Sénat ou le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à
l’exception des budgets, et, pour les assemblées fédérales, des lois spéciales[1].

Conditions de forme :

1. La procédure de la sonnette d’alarme doit être motivée et désigner expressément les


dispositions qui sont susceptibles de porter gravement atteinte aux relations entre les
communautés ;

2. Elle doit être signée par au moins ¾ des membres d’un groupe linguistique et déposée
entre le dépôt du rapport et le vote en séance publique ;

3. La motion ne peut être mise en œuvre qu’une seule fois par les membres d’un même
groupe linguistique à l’égard d’un même projet / proposition de loi, de décret ou
d’ordonnance.
Par contre, l’autre groupe linguistique pourrait, le cas échéant, soulever une motion
d’exception par rapport à la proposition ou au projet amendé.

Au niveau fédéral, dans les matières relevant du bicaméralisme strict[2], rien ne s’oppose à
ce que le même groupe linguistique de l’autre chambre fédérale use de cette procédure à
l’égard du même texte (puisque « la Chambre et le Sénat sont compétents sur un pied
d’égalité » pour les matières que 77 C. vise).

A l’inverse, un groupe linguistique n’est pas autorisé à actionner deux fois la procédure de la
sonnette d’alarme à l’égard d’un même projet / proposition, mais en visant des dispositions
différentes.

[1] Sur la raison d’être de ces exceptions, voy. p. 373 et s. du précis


[2] = Les matières visées à l’article 77 de la Constitution

63. Quelle est la portée respective et les effets de la sanction, de la promulgation et de la


publication des normes législatives ?

La sanction, la promulgation et la publication sont les 3 « étapes » de la phase


postparlementaire.

Sanction :

A l’issue de la phase parlementaire, le texte de loi, de décret ou d’ordonnance n’acquiert


valeur législative qu’après avoir été sanctionné par le Roi ou par le gouvernement régional
ou communautaire. Ce faisant, ceux-ci agissent en leur qualité de branche du pouvoir
législatif.

Au niveau fédéral, la sanction est un acte politique, couvert par la sanction ministérielle.

La date de la sanction constitue également la date de la loi, du décret ou de l’ordonnance.

Aucun délai n’est prévu pour la sanction des lois. Cependant, l’oubli de sanction
s’apparenterait à un véritable veto législatif contraire aux principes essentiels de notre
système institutionnel.

91
Promulgation :
La promulgation intervient au même moment que la sanction. C’est l’acte par lequel le Roi et
les gouvernements régionaux et communautaires attestent que la loi, le décret ou
l’ordonnance ont été régulièrement votés et les rendent exécutoires. Par la promulgation,
ils ordonnent aux autorités publiques de veiller à leur application et, au besoin, par la mise
en œuvre de la contrainte.

La promulgation est le premier acte d’exécution de la loi, du décret ou de l’ordonnance. Le


Roi et les gouvernements régionaux et communautaires n’agissent plus en tant que branche
du pouvoir législatif, mais bien en leur qualité de pouvoir exécutif.

La promulgation a, en principe, pour effet de couvrir les éventuelles irrégularités commises


dans la confection de la norme législative.

Cependant, la Cour Constitutionnelle est désormais compétente, en vertu de l’article 30bis


de la loi spéciale du 6 janvier 1989, pour annuler une norme législative s’il appert que les
procédures de collaboration ou de concertation entre autorité fédérale, régions et
communautés n’ont pas été respectées.

D’autre part, la Cour Constitutionnelle n’a pas hésité à vérifier si une loi avait été à bon droit
votée à la majorité ordinaire alors que certains soutenaient qu’elle aurait dû l’être à la
majorité spéciale. " Il semble que la Cour étende sa compétence non seulement à l’examen
du contenu normatif des normes législatives, mais également à la régularité de leur
procédure d’adoption.

Publication :

L’article 190 de la Constitution :

« Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale, provinciale ou


communale, n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi ».

La publication a lieu au Moniteur belge en français et en néerlandais, pour les lois et les
ordonnances.

La norme législative devient obligatoire dix jours après sa publication, sauf si le législateur
fixe un autre délai.

Cette publication emporte, dans le chef des citoyens, une présomption irréfragable de la
connaissance de la loi, du décret ou de l’ordonnance.

Le Roi et les gouvernements régionaux et communautaires ne sont astreints à aucun délai


pour faire publier la norme législative.

Entre la promulgation et la publication, il est considéré que la loi, le décret ou l’ordonnance a


déjà force exécutoire, autrement dit, ceux qui en ont connaissance[1] peuvent en faire
application, à condition que cela ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Autrement dit,
dans une certaine mesure et moyennant le respect des conditions précitées, une norme
législative peut déjà trouver à s’appliquer avant sa publication.

[1] Le plus souvent, les fonctionnaires ou les membres de cabinets ministériels qui ont participé à l’élaboration du texte

64. Dans quelles conditions une norme peut être interprétée par voie d’autorité et quels
sont les effets des normes interprétatives ?

Les juridictions belges, sous réserve du rôle particulier réservé à la Cour Constitutionnelle,
ne peuvent donner une interprétation d’une norme qui s’imposerait à tous. Le pouvoir
exécutif ne peut pas non plus être amené à préciser la portée d’une norme législative.

92
En vertu des articles 84 et 133 de la Constitution : « l’interprétation des lois par voie
d’autorité n’appartient qu’à la loi » et « l’interprétation des décrets par voie d’autorité
n’appartient qu’au décret ».

Ces dispositions consacrent le principe de l’interprétation authentique (= l’interprétation


par voie d’autorité) de la loi ou du décret.

Cela consiste à donner une interprétation par voie de disposition générale, obligatoire pour
toutes les juridictions et pour tous les justiciables.

La norme interprétative fait corps avec la loi interprétée. Cette dernière est réputée avec eu,
dès l’origine, le sens donné par la norme interprétative.

La CC indique que « des dispositions interprétatives portent sur la disposition même qui doit
être interprétée et ont, de par leur nature, sans qu’il soit besoin de l’exprimer, effet
rétroactif ».

Il a cependant été précisé que l’interprétation authentique est impossible pour une norme
claire. Il n’y a lieu à interpréter la loi par voie d’autorité que si le sens de la norme est
douteux, s’il est contredit par les travaux préparatoires ou si ceux-ci sont silencieux.

Il a été précisé, en outre, que, dans le doute, en raison du caractère rétroactif qui s’attache à
la loi interprétative, il est préférable de modifier la norme plutôt que de l’interpréter.

L’interprétation authentique implique qu’il y ait équivalence entre l’acte originaire et l’acte
interprété. Il est donc indispensable que l’interprétation émane de l’auteur de la norme
interprétée. Il en résulte que ni le pouvoir exécutif, ni les juridictions, ni les assemblées
régionales et communautaires, ni même les chambres fédérales sans intervention du Roi ne
peuvent avoir vocation à interpréter authentiquement une loi fédérale.

65. Qu’en-est-il du pouvoir des différents législateurs régionaux d’interpréter par voie
d’autorité les normes législatives régionales ?

L’article 133 de la Constitution est inséré dans une sous-section consacrée aux
compétences des communautés, on pourrait donc se demander si les législateurs régionaux
peuvent aussi interpréter leurs normes législatives par voie d’autorité.

Cependant, l’intention du constituant était bien de permettre tant aux législateurs


communautaires qu’aux législateurs régionaux, sous réserve de la situation particulière du
législateur bruxellois, d’interpréter les normes législatives par voie d’autorité.

C’est par la suite d’une inadvertance du constituant, au moment où, en 1994, il a procédé à
la renumérotation de la Loi fondamentale, que cette disposition a été inscrite dans une sous-
section qui ne concerne que les décrets communautaires, alors qu’à l’origine, cette
disposition était inscrite dans une autre section, prévoyant clairement que tant le législateur
régional que le législateur communautaire pouvaient interpréter leurs normes législatives par
voie d’autorité.

66. Quelle est la portée et le fondement du principe de non-rétroactivité de la loi ?

Le principe de non-rétroactivité de la loi est inscrit à l’article 2 du Code Civil : « la loi ne


dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Le Code civil est une loi. Il n’a donc pas valeur constitutionnelle et ne s’impose pas au
législateur, a fortiori s’il est régional ou communautaire. Cependant, le bon sens exige qu’il
ne soit pas possible de modifier le passé.

93
L’article 2 est une garantie pour les citoyens. En effet, les gouvernés qui posent des actes
juridiques en se conformant au droit existant ne peuvent être pénalisés pour n’avoir pas
observé une règle qui n’était pas encore formulée. L'article 2 crée également une obligation
dans le chef des juridictions comme dans celui du pouvoir exécutif. Il constitue, en outre,
un précepte pour le législateur, c’est-à-dire une obligation morale, et non juridique.

Le principe de la non-rétroactivité de la loi est également un principe général de droit


auquel le législateur peut déroger de manière expresse, et même de manière tacite, pour
autant que sa volonté soit certaine.

Si le fait de conférer à une norme une portée rétroactive n’est guère souhaitable, ceci n’est
pas forcément interdit.

67. Commentez et expliquez l’arrêt CC n°25/90 du 5 juillet 1990 – pilotage

Voir arrêt CC n°25/90 du 5 juillet 1990 – pilotage — P. 388 du précis.

=> La CC affirme la contradiction existant entre le principe de sécurité juridique et la


rétroactivité de la norme législative et le fait que, dans des circonstances très particulières,
une norme rétroactive peut être admissible.

Tout d’abord, le droit était incertain, notamment en raison ‘un revirement de jurisprudence de
la Cour de cassation, ce qui compromettait, déjà, dans une certaine mesure, la sécurité
juridique.

Ensuite, la loi, rétroagissant de 30 ans, frappait tous les cas d’indemnisation encore
pendants, ce qui évitait d’appliquer un droit différent à des affaires encore en cours.

Enfin, la Cour, à l’évidence, a été sensible à l’intérêt supérieur de l’État, lequel, en cas
d’annulation, aurait été amené à débourser des sommes considérables, et ce au bénéfice
d’importants armateurs, étrangers de surcroit.

68. Dans quelle mesure la Cour constitutionnelle admet-elle la rétroactivité d’une norme
législative (commentaire de l’arrêt sur le service de pilotage) ?

La Cour constitutionnelle adopte une position nuancée.

Tout d’abord, elle affirme que la rétroactivité du régime de responsabilité porte atteinte au
principe fondamental de la sécurité juridique selon lequel le contenu du droit doit être
prévisible et accessible.

Cependant, selon la Cour, cette atteinte au principe de la sécurité juridique n’est pas
disproportionnée en l’espèce par rapport à l’objectif général visé par la disposition
attaquée.

Dans cet arrêt, la Cour affirme simultanément :


- La contradiction entre le principe de la sécurité juridique et la rétroactivité ;
- Une norme rétroactive peut être admissible dans des circonstances particulières.

En l’espèce, ces circonstances exceptionnelles sont d’une triple nature :


1) Le droit était incertain, notamment en raison d’un revirement de jurisprudence de la Cour
de cassation donc la sécurité juridique était déjà compromise ;
2) La loi frappait tous les cas d’indemnisation encore pendants, ce qui évitait d’appliquer un
droit différent à des affaires encore en cours ;
3) La Cour privilégie l’intérêt supérieur de l’État. Celui-ci aurait dû débourser des sommes
considérables au bénéfice d’importants armateurs étrangers en cas d’annulation de cette
loi.

94
69. Le législateur peut-il confier au Roi le soin de régler des matières réservées à la loi par
la Constitution – décrivez en donnant chaque fois un exemple les positions contrastées
de la section de législation du Conseil d’État et de la Cour constitutionnelle sur cette
question.

Les normes législatives attributives ou d’habilitation visent les normes par lesquelles un
pouvoir législatif attribue à des autorités – généralement au pouvoir exécutif – le soin
d’exercer des compétences qui ne leur ont pas été conférées par la Constitution ou les lois
de réformes institutionnelles (ex : lois de pouvoirs spéciaux au niveau fédéral).

Principe = Le législateur ne peut se dépouiller de ses compétences dans les matières


réservées par la Constitution à la loi, au décret ou à l’ordonnance.

• Section de législation du Conseil d’État

1. Avis SLCE – art. 15ter

L’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 confiait au Roi le soin de fixer la procédure applicable
devant le CE afin de priver un parti liberticide de sa dotation publique.

Un projet d’arrêté royal est adressé pour avis de la SLCE. Celle-ci constate que l’habilitation
faite au Roi par le législateur méconnait l’article 160 de la Constitution.

Les critiques du CE sont de deux ordres :


1. L’arrêté en projet supprime, sans habilitation expresse du législateur, des procédures
instituées par les LCCE, tels les recours en opposition et en tierce opposition, ainsi que les
demandes en révision ;
2. Le législateur demeure muet sur un certain nombre de principes de procédure, de telle
sorte que c’est sans fondement légal que l’arrêté en projet règle des questions, comme le
délai d’introduction du recours, la récusation, le déni de justice ou la procédure à suivre en
cas de cassation de l’arrêt rendu par le CE.

DONC :

Un arrêté royal (un acte du pouvoir exécutif) ne peut supprimer des procédures instituées
par la loi sans une habilitation expresse du législateur en ce sens.

Le législateur doit disposer d’une base légale claire pour pouvoir régler certains principes.

3. Avis SLCE – art. 9 de la loi spéciale sur les réformes institutionnelles du 9 août 1980

L’article 9 de la loi spéciale précitée prévoit que le législateur régional au communautaire


règle « la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle » des établissements
et organismes qu’il crée.

La SLCE dénie dès lors au gouvernement régional ou communautaire le soin de fixer le


statut des agents qui y exercent leur activité.

Dans les matières qui relèvent de la compétence résiduelle du législateur, des délégations
sont concevables, mais elles ne peuvent être illimitées => Pour concilier les principes
constitutionnels régissant la répartition des compétences entre le législateur et le
gouvernement, les éléments essentiels de la réglementation doivent figurer dans le texte de
la norme législative. Les limites de la délégation consentie au Gouvernement doivent être
définies par la norme législative aussi précisément que possible.

95
• Cour constitutionnelle

CC n°77/2002 du 8 mai 2002 – contentieux des étrangers

La Cour considère que le législateur peut, à bon droit, confier au Roi le soin d’édicter des
règles appropriées en matière de contentieux des étrangers.

La Cour estime que même si l’article 160 C. entend habiliter uniquement le législateur à fixer
le statut du Conseil d’Etat, il ressort néanmoins des travaux préparatoires que le Constituant
a entendu maintenir l’équilibre qui existait entre les matières qui doivent être réglées par la
loi et celles qui doivent l’être par arrêté royal et qu’il a voulu permettre aux pouvoirs
législatifs et exécutifs de répondre plus facilement à l’évolution des besoins. Ils ne
peuvent toutefois méconnaitre le principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination.

Nécessité de proportionnalité de la délégation des compétences par rapport à l’objectif


poursuivi.

C.C. n° 90/2001 du 21 juin 2001 – forces armées

« En attribuant au pouvoir législatif la détermination du mode de recrutement de l’armée et


l’avancement, les droits et obligations des militaires, le Constituant a voulu éviter que le
pouvoir exécutif règle seul la force armée et garantir ainsi à tout militaire qu’il ne pourrait être
soumis à des obligations sans que celles-ci aient été décidées par une assemblée
délibérante démocratiquement élue, il n’en reste pas moins que cette disposition
constitutionnelle (art. 182) n’exclut pas que le législateur attribue au Roi un pouvoir
d’exécution limitée ».

La Cour admet que le pouvoir législatif opère des délégations au bénéfice de l’exécutif dans
les matières réservées par la Constitution à la loi lorsque des circonstances particulières ou
exceptionnelles le justifient ou lorsque le pouvoir délégué revêt un caractère limité.

C.C. n° 195/2004 du 1er décembre 2004 – matières fiscales

La Cour admet également le recours à un tel procédé dans les matières fiscales.

=> « La matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi, toute
délégation qui porte sur la détermination d’un des éléments essentiels de l’impôt est, en
principe, inconstitutionnel. Toutefois, lorsque le législateur se trouve dans l’impossibilité
d’établir lui-même tous les éléments essentiels d’un impôt parce que le respect de la
procédure parlementaire ne permettrait pas de réaliser un objectif d’intérêt général, il peut
être admis qu’il habilite le Roi à le faire, pourvu qu’il détermine explicitement et sans
équivoque l’objet de cette habilitation et que les mesures prises par le Roi soient examinées
par le pouvoir législatif dans un délai relativement court, fixé dans la loi d’habilitation, et
qu’en l’absence de confirmation, les arrêtés adoptés soient privés d’effets ».

70. Commentez et expliquez l’avis SLCE art 9 LSRI 8/8/80

Voir Avis SLCE sur l’art. 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles

La SLCE dénie au gouvernement régional et communautaire, et a fortiori, aux organes de


gestion de ces organismes, le soin de fixer le statut des agents qui y exercent leurs activités.

Dans les matières qui relèvent de la compétence résiduelle du législateur, des délégations
sont concevables, mais elles peuvent être illimitées.

96
La SLCE fixe en ce domaine les bornes de l’admissible : « pour concilier les principes
constitutionnels régissant la répartition des compétences entre le législateur et le
Gouvernement, les éléments essentiels de la règlementation doivent figurer dans le texte
même (de la norme législative). Les limites de la délégation consentie au Gouvernement
doivent être définies par (la norme législative) aussi précisément que possible, de préférence
en indiquant de manière concrète, les circonstances dans lesquelles il peut être fait usage de
cette délégation et en définissant à tout le moins dans leurs grandes lignes, les mesures à
prendre ».

71. Qu’est-ce qu’une validation législative et dans quelles conditions ce procédé est-il
admis par la Cour constitutionnelle ?

Les normes législatives de confirmation ou de ratification constituent le pendant de


certaines lois d’habilitation. La loi de confirmation constitue un correctif permettant au
législateur de s’approprier a posteriori l’œuvre de l’exécutif et, partant, de purger celle-ci de
son irrégularité (puisqu’en principe, le législateur ne peut habiliter le pouvoir exécutif à régler
des matières réservées à la loi).

Le pouvoir législatif ne s’est pas alors complètement dessaisi, puisqu’en vertu de la norme
d’habilitation elle-même, il intervient a posteriori par le biais d’une norme de confirmation ou
de validation les arrêtés pris dans les matières réservées au législateur.

Les lois d’habilitation prévoient généralement que s’ils ne sont pas confirmés dans un délai
déterminé, les arrêtés deviennent caducs (retroactif à leur adoption par le pouvoir exécutif).

A la différence de la norme de confirmation, la norme de validation n’était pas prévue à la


base.

La validation législative consiste pour le législateur à s’approprier un acte de l’exécutif pour


lui conférer rétroactivement la valeur d’une norme législative, et ce, souvent dans le but de
faire échec à une procédure judiciaire en cours. Ce procédé se distingue des normes de
confirmation en ce qu’il n’était pas initialement prévu (par la norme d’habilitation) que le
législateur s’approprierait l’œuvre de l’exécutif.

La Cour Constitutionnelle ne sanctionne le procédé que dans l’hypothèse où la rétroactivité


aurait pour objectif unique ou principal d’influencer dans un sens déterminé l’issue d’une ou
de plusieurs procédures judiciaires en cours ou d’empêcher les juridictions de se prononcer
sur une question de droit déterminée, sans que des circonstances exceptionnelles
puissent raisonnablement justifier cette intervention.

Selon elle, même si la rétroactivité est de nature à affecter la sécurité juridique, elle peut se
justifier par des circonstances exceptionnelles, notamment lorsqu’elle est indispensable au
bon fonctionnement ou à la continuité du service public.

72. Quelles sont les différents types de majorités qui doivent être réunies pour adopter des
ordonnances ?

Ordonnances prises par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale " normes


législatives adoptées à la majorité ordinaire.

Ordonnances prises par la COCOM " majorité ½ dans chaque groupe linguistique ou[1]
soutien d’une majorité absolue de l’assemblée + majorité 1/3 dans chaque groupe
linguistique.

Ordonnances prises par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale dans la matière


des pouvoirs subordonnés " mêmes conditions que la COCOM.

97
Ordonnances spéciales " majorité 2/3 des suffrages exprimés au sein du Parlement +
majorité des suffrages exprimés dans chaque groupe linguistique.

[1] Tous les résolutions de l’assemblée réunie sont, en principe, prises à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique. Cependant, si une
résolution n’obtient pas la majorité absolue des suffrages lors du premier vote, il est procédé à un second vote. Ce vote est opéré à la majorité absolue des
suffrages de l’assemblée + condition de 1/3 des suffrages dans chaque groupe linguistique

• Les questions de réflexion (liens)

49. Réflexion sur la notion et sur le champ d’application de la norme législative – lien avec
la notion de règlement (leçon 17), avec la responsabilité de l’État législateur (leçon 21)
et la notion de matière réservée (leçon 28)
50. Réflexion sur la sonnette d’alarme – lien avec la sonnette d’alarme culturelle (leçon 5),
avec la notion de conflits d’intérêts (leçon 30), avec les groupes linguistiques (leçon 11)
51. Réflexion sur la sanction, la promulgation et la publication des normes législatives –
lien avec l’impossibilité de régner (leçon 24), les compétences d’annulation de la Cour
constitutionnelle (leçon 18).
52. Réflexion sur les normes législatives interprétatives – lien avec les ordonnances
bruxelloises (leçon 26) et la notion de rétroactivité et de maintien des effets d’une
norme annulée (leçons 5, 12, 18 et 20)
53. Réflexion sur les normes législatives rétroactives – lien avec les normes de
confirmation et de validation (leçon 12), le maintien des effets d’une norme annulée
(leçon 18) et les pouvoirs spéciaux (leçon 17)

98
Leçon 13 : Les fonctions de contrôle du Parlement
• La matière à étudier

- La déclaration gouvernementale et les interpellations (n°1 et 2 – 5 et 6)


- La vérification des pouvoirs (n°7 à 12)
- Les enquêtes parlementaires – principes et publicité (n°13 à 15)
- Les pouvoirs des commissions d’enquête (n°17 à 20)
- Le secret professionnel (n°21 à 25)
- Le rapport (n°26)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Aff. Van Overstraeten - CE, n°27.619 du 4 mars 1987, Ylieff


- Cour eur. D.H., arrêt Grosaru c/ Roumanie du 2 mars 2010
- Cour eur DH, G.K. contre Belgique du 21 mai 2019
- Cour eur DH, Mugemangamgo du 10 juillet 2020
- Ref Bruxelles 30 janvier et 5 février 1997, Doutrewe
- Aff de Bonvoisin
- Anvers, 30 janvier 1992, Transnuklear
- Affaire Schlikker
- CE, n°86.728 du 7 avril 2000, Michaux
- Affaire Fortis

• Les questions de fondement

72 Une motion pure et simple a priorité sur une motion de méfiance constructive

Art. 134 du Règlement de la Chambre des représentants :


« La motion pure et simple est une motion qui vise uniquement à passer à l’ordre du jour. Il
ne peut être déposé de motion pure et simple en conclusion d’un débat sur une déclaration
ou une communication du gouvernement visées à l’article 133, alinéa premier.
La motion pure et simple a la priorité de droit sur toutes les autres motions, à l’exception de
la motion de confiance. L’adoption d’une motion pure et simple entraîne la caducité de toutes
les autres motions ».

73 La Chambre des représentants vérifie les pouvoirs de ses membres

Article 48 de la Constitution :
« Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui
s’élèvent à ce sujet ».

74 Le Président de la commission d’enquête parlementaire peut interdire que les débats


soient filmés

Art. 6 de la loi du 3 mai 1880 :


« Le président de la Chambre ou le président de la commission a la police de la séance.
Il l’exerce dans les limites des pouvoirs attribués aux présidents des cours et tribunaux ».

Art. 1er, al. 2, de la loi du 3 mai 1880 :


« Les enquêtes menées par la Chambre des représentants ne se substituent pas à celles du
pouvoir judiciaire, avec lesquelles elles peuvent entrer en concours, sans toutefois en
entraver le déroulement ».

99
75 Un député fédéral qui viole son obligation de secret dans le cadre des travaux d’une
commission d’enquête est exclu de cette commission et subit une pénalité financière :
règlement de la Chambre

Art. 67 du règlement de la Chambre :

« 1. Une obligation de secret existe en ce qui concerne les informations obtenues


dans le cadre des réunions à huis clos:

– des commissions d’enquête parlementaire,


– de la commission visée à l’article 21, alinéa 3,
– de la commission visée à l’article 121,
– de la commission visée à l’article 14,
– de la commission visée à l’article 151,
– et de la commission visée à l’article 160.

Si la loi ou une norme juridique supérieure fournit une base juridique pour ce faire, la
Chambre peut déclarer l’obligation de secret applicable à des informations autres que celles
visées à l’alinéa précédent. Dans ce cas, elle désigne explicitement les matières et/ou les
organes de la Chambre dans lesquels il faut observer le secret.

2. Si un membre viole le secret imposé conformément au n° 1:


1° il perd, pour le reste de la législature, le droit d’être membre et d’assister aux réunions de
tout organe de la Chambre auquel l’obligation de secret est applicable en vertu d’une
disposition du présent Règlement ou en vertu d’une décision explicite de la Chambre;

2° il se voit appliquer une retenue de 20 % sur son indemnité parlementaire pendant une
période de trois mois;

3° et il ne peut pas être remplacé au sein de l’organe de la Chambre dans lequel il s’est
rendu coupable de cette violation. L’organe concerné est supposé compter un membre de
moins à partir de ce moment […] ».

76 Un magistrat est tenu de témoigner devant une commission parlementaire d’enquête

« Ce n’est donc pas la déontologie qui interdit à l’avocat de l’Etat belge de témoigner devant
une commission d’enquête, mais la loi qui le lui impose, sous peine de se voir reprocher une
infraction. L’article 8 de la loi du 3 mai 1880 dispose que « Toute personne citée pour être
entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la citation sous peine
d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cinq cents francs à dix
mille francs ».

Libre à lui, cependant, après avoir prêté serment d’invoquer le secret professionnel pour
refuser de répondre à une question ou de refuser de répondre si, ce faisant, il témoignerait
contre lui-même et avouerait ainsi être l’auteur d’une infraction »[1].

Art. 458 du Code pénal :


« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sage-femmes et toutes autres
personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le
cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission
d'enquête parlementaire) et celui où la loi, le décret ou l'ordonnance les oblige ou les
autorise à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement
d'un an à trois ans et d'une amende de cent euros à mille euros ou d'une de ces peines
seulement ».

100
Art. 8 de la loi du 3 mai 1880 :
« […] Toute personne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et
de satisfaire à la citation sous peine d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une
amende de cinq cents [euros] à dix mille [euros]. Les dispositions du livre Ier du Code pénal,
sans exception du chapitre VII et de l’article 85, sont applicables.
Sans préjudice de l’invocation du secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, tout
témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s’exposer à des
poursuites pénales, peut refuser de témoigner ».
[1] https://justice-en-ligne.be/article72

77 Une personne entendue devant une commission parlementaire d’enquête doit se voir
rappeler qu’elle ne peut être tenue de témoigner contre elle-même

Art. 8, dernier al., de la loi du 3 mai 1880 :


« Sans préjudice de l’invocation du secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal,
tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s’exposer à des
poursuites pénales, peut refuser de témoigner ».

78 Une commission composée par le Premier président de la Cour de cassation, le


Premier président du Conseil d’Etat et le président en exercice de la Cour
constitutionnelle peut interdire qu’un dossier judiciaire soit communiqué à une
commission d’enquête parlementaire

Art. 4, § 5, de la loi du 3 mai 1880 :


« Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière criminelle, correctionnelle,
policière ou disciplinaire, la Commission adresse au procureur général près la Cour d'appel
[...] une demande écrite en vue de se faire délivrer une copie des devoirs d'instruction et
des actes de procédure dont elle estime avoir besoin;

Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la
Chambre, la Commission ou leurs présidents peuvent introduire un recours auprès du
collège constitué du premier président de la Cour de cassation, du président de la Cour
constitutionnelle et du premier président du Conseil d'État. Ce collège siège à huis clos et
règle la procédure. Il peut entendre, dans les délais les plus brefs, le président de la
Commission et le magistrat concerné. Il tranche le conflit de manière définitive et par
décision motivée rendue en séance publique, en tenant compte des intérêts en présence et,
en particulier, du respect des droits de la défense ».

• Les questions de fond

73. Qu’est-ce qu’une déclaration gouvernementale et à quelle formalité est-elle soumise ?

Lorsqu’un gouvernement entre en fonction, il se présente devant l’assemblée pour y lire une
déclaration gouvernementale (au niveau fédéral, conséquence de 101, al. 1, C. : les
ministres sont responsables devant la Chambre des représentants).

Elle est établie par le Premier ministre ou par le président du gouvernement régional ou
communautaire et fait préalablement l’objet d’une discussion au sein de l’organe exécutif.
La déclaration gouvernementale comprend les grandes lignes qu’entend mener le nouveau
gouvernement.

Après la lecture de ladite déclaration, il est organisé un vote afin de déterminer si une
majorité soutient la politique gouvernementale. Rien n’interdit qu’un gouvernement
minoritaire soit investi de la confiance de la Chambre des représentants, pour autant qu’il
bénéficie de l’abstention d’un nombre suffisant de députés de l’opposition, voire du soutien
extérieur de partis qui ne sont pas représentés au gouvernement.

101
Au fédéral, ce vote ne se fait que devant la Chambre des représentants, devant laquelle le
gouvernement est responsable. Un vote négatif intervenant devant la Chambre des
représentants qui ne serait pas suivi, dans les trois jours, de la proposition de nommer un
Premier ministre ne contraindrait pas, en théorie, le gouvernement à la démission.

Depuis 1995, au début de chaque législature, le gouvernement a sollicité et obtenu la


confiance de la Chambre après le débat sur la déclaration gouvernementale.

En revanche, si, à l’issue du débat sur la déclaration gouvernementale intervenant dans une
assemblée régionale et communautaire, le gouvernement pose une question de confiance
dans le respect de l’article 72 de la LSRI du 8 août 1980, un vote négatif impliquerait de plein
droit sa démission.

Au niveau fédéral, chaque année, le Premier ministre fait, le deuxième mardi d’octobre, lors
de la session parlementaire, une déclaration sur la politique générale du gouvernement.
Celle-ci est suivie d’un débat et s’accompagne d’une motion de confiance, laquelle est
systématiquement votée.

Il arrive aussi que le Premier ministre ou un président de gouvernement régional ou


communautaire lise une déclaration gouvernementale, indépendamment de la formation d’un
nouveau gouvernement. Il se présente alors devant l’assemblée afin de conforter la stabilité
de son équipe ou de faire part des nouvelles options envisagées par son cabinet.

74. Qu’est-ce qu’une interpellation et par quel type de motion peut se clôturer le débat qui
y est relatif à la Chambre des représentants – déterminez la portée de ces motions ?

L’interpellation est le moyen classique de contrôle de l’activité gouvernementale. Elle permet


aux membres de l’assemblée d’engager la responsabilité d’un ou de plusieurs membres du
gouvernement, voire de l’entièreté de celui-ci. L’interpellation ne peut porter que sur la
politique générale du gouvernement ou sur ses actes, et non sur les desseins du cabinet.
Sous cette réserve, elle peut concerner toutes les questions d’administration générale.

Les interpellations ont lieu soit en commission, soit en séance publique.

En conclusion des débats, les membres de l’assemblée peuvent déposer des motions,
lesquelles sont parfois qualifiées d’ordre du jour.

A la Chambre des représentants, le règlement de l’assemblée dénombre 5 types de motions,


triées ici par ordre d’importance (elles ont priorité les unes sur les autres) :

1. Motion de confiance déposée par le Premier ministre

Par son adoption, la Chambre accord ou confirme inconditionnellement sa confiance au


gouvernement ou à un membre de celui-ci.

2. Motion pure et simple

L’adoption de la motion pure et simple entraîne la caducité de toutes les autres motions. Elle
permet donc de passer au point suivant de l’ordre du jour, sans conséquence pour le
gouvernement ou ses membres.

La motion pure et simple peut donc clôturer le débat relatif à une interpellation, en ce
qu’elle permet de passer au point suivant de l’ordre du jour.

3. Motion de méfiance constructive

Permet la mise en œuvre des mécanismes de parlementarisme rationalisé.

102
4. Motion de méfiance « simple »

La Chambre retire sa confiance à un membre du gouvernement ou au gouvernement, sans


présenter de successeur au Premier ministre. L’adoption d’une motion de méfiance
concernant l’ensemble du gouvernement ne contraint pas ses membres à la démission. Il
peut rester en fonction ou démissionner et, dans ce cas, demander au Roi de dissoudre la
Chambre des représentants.

L’adoption d’une motion de méfiance contre certains membres du gouvernement entraîne la


démission de ceux-ci. Il appartient ensuite au gouvernement / au Premier ministre s’il décide
de faire jouer la solidarité gouvernementale. Dans cette hypothèse, le gouvernement
présente sa démission au Roi, lequel ne peut dissoudre la Chambre des représentants
qu’après avoir reçu l’assentiment d’une majorité absolue de celle-ci.

5. Motion de recommandation

La motion de recommandation est une motion motivée qui est déposée en conclusion d’un
débat sur une interpellation et par laquelle la Chambre ne se prononce ni sur la confiance ni
sur la méfiance à l’égard du gouvernement ou d’un des ses membres. Par une telle motion,
les parlementaires invitent le gouvernement à agir dans un sens ou à modifier sa politique.

Dans la pratique, aucune interpellation n’est adressée à un gouvernement démissionnaire.


Cependant, pendant une période de crise, a fortiori de longue durée, il est essentiel que se
tienne un dialogue entre le Parlement et le gouvernement. Or l’interpellation est le moyen
idéal pour l’organiser, et rien n’interdit qu’à l’issue du débat soit votée une motion pure et
simple ou de recommandation. Ainsi, le Parlement pourrait permettre au gouvernement de
prendre des mesures qui excèdent les limites des affaires courantes, sans craindre la
censure du CE.

75. Qu’est-ce que la vérification des pouvoirs dans les différentes assemblées – qu’est ce
qui fait concrètement l’objet de cette vérification ?

Au début de chaque législature, les assemblées procèdent à la vérification des pouvoirs de


leurs membres. Il s’agit de vérifier si ceux-ci remplissent bien les conditions d’éligibilité et si
les opérations électorales se sont déroulées régulièrement.

La vérification des pouvoirs est opérée par des membres d’assemblée, réunis au sein d’une
commission dont les pouvoirs n’ont pas encore été vérifiés. Il s’agit d’un acte de nature
juridictionnelle, étant donné que l’assemblée statue sur les contestations qui ont pour objet
un droit politique, à savoir le droit d’être élu.

Les assemblées composées de membres qui ne sont pas élus directement en cette qualité
procèdent également à la vérification des pouvoirs de leurs membres. En ce cas, elles
vérifient simplement si les conditions posées par la Constitution ou par la loi à propos de leur
propre composition sont bien réunies.

76. Commentez et expliquez l’arrêt dans Aff. Van Overstraeten - CE, n°27.619 du 4 mars
1987.

Voir Aff. Van Overstraeten - CE, n°27.619 du 4 mars 1987 — P. 411 du précis

=> Le CE rejette le recours en indiquant que « tous les moyens se donnent comme
fondement l’illégalité de refus de valider les pouvoir du sénateur Van Overstraeten et de
l’élection des membres de l’exécutif ; que ces actes, quoique ne procédant pas de la fonction
décrétale du conseil régional wallon, émanent d’une autorité qui n’est pas une autorité
administrative au sens de l’article 14 des LCCE, mais une autorité parlementaire élue et
souveraine dans la sphère de ses compétences et à laquelle il appartient exclusivement
d’émettre une appréciation sur la légalité de tels actes à défaut de contrôle juridictionnel

103
organisé par la Constitution ou par la loi ; que le CE n’est pas compétent pour connaitre de la
légalité de actes d’une telle autorité et, par conséquent, pour connaitre de moyens
d’annulation pris de leur illégalité ».

77. Quelle est la position de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans l’affaire Grosaru ?

voir Arrêt Grosaru c. Roumanie — P. 414 du précis

=> La CEDH estime que le contrôle des élections doit être réservé à un organe
juridictionnel indépendant et impartial et ne peut être laissé à la discrétion des élus de
la Nation.

78. Quelle est position de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans l’affaire Mugemangamgo ?

Voir affaire — P. 417 du précis

1. La CEDH constate une violation du principe d’impartialité. En effet, tous les membres
nouvellement élus du Parlement wallon, dont les pouvoirs n’avaient pas encore été
validés, ont participé au vote relatif à cette réclamation, y compris les membres élus dans
la circonscription électorale où le requérant se présentait et qui avaient donc intérêt au
rejet de la réclamation ;
2. Le vote à la majorité simple n’était pas de nature à protéger le réclamant contre une
décision partisane ;
3. La procédure suivie en matière de contestation électorale doit garantir une décision
équitable, objective et suffisamment motivée.

La cour en conclut une violation de l’article 3 du Premier Protocole de la CEDH (élections


libres) et de son article 13 (droit à un recours effectif).

79. Quelle est la position de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans deux affaires concernant la Belgique ?

Voir Cour eur DH, G.K. contre Belgique du 21 mai 2019 et Cour eur DH,
Mugemangango du 10 juillet 2020 — P. 415 du précis.

A ces deux occasions, la Cour européenne constate que les recours contre les décisions des
Parlements en Belgique (notamment à l’occasion de la vérification des pouvoirs) ne
présentent pas les garanties nécessaires contre l’arbitraire, en ce qu’ils sont examinés par
les membres du même Parlement. Elle exige que la Belgique organise a minima un recours
devant une juridiction impartiale et indépendante contre les décisions rendues par les
Parlements.

80. Qu’en est-il de la publicité des débats des commissions parlementaires d’enquête et
de l’obligation de secret ?

Publicité des débats :


Les séances des commissions d’enquête sont, en principe, publique (pas un droit absolu).

L’article 6 de la loi du 3 mai 1880 prévoit que le président de la Commission ou de


l’assemblée est investi d’un droit de régler la police de la séance, duquel il tire le droit
d’interdire toute prise d’image.
De plus, une commission, à la majorité de ses membres, peut toujours et à tout moment
décider de se réunir à huis clos[1]. En raison du principe de publicité des séances de la
commission, la décision de se réunir à huis clos doit être motivée. Aucun témoin n’a le droit
de revendiquer d’être entendu à huis clos.

104
Obligation de secret :
La décision de se réunir à huis clos dans le cadre d’une commission d’enquête
parlementaire entraîne une obligation de secret pour les participants à celle-ci.

Pour les non parlementaires :


La violation de l’obligation de secret constitue une violation du secret professionnel, ce qui
constitue une infraction pénale en vertu de l’article 458 du Code pénal.

Pour les parlementaires :


Une sanction politique est prévue et consacrée par le règlement de l’assemblée.

À la Chambre des représentants, le parlementaire qui a violé l’obligation de secret peut être
exclu de toutes les commissions d’enquête auxquelles il participe, sans être remplacé par un
membre de son groupe. Cette sanction s’accompagne également d’une pénalité financière.
Le parlementaire est, en effet, privé d’un cinquième de son indemnité parlementaire pendant
3 mois[2].

[1] Il est regrettable que le législateur n’ait pas expressément imposé le huit clos lorsque les dépositaires d’un secret professionnel sont appelés à témoigner à
ce propos devant la commission. Une telle règle aurait notamment constitué un complément utile à l’art. 1, al. 2 de la loi du 3 mai 1880 qui oblige la
commission à « ne pas entraver le déroulement des enquêtes du pouvoir judiciaire »
[2] Il aurait été trop complexe de prévoir une infraction pénale pour les parlementaires, en raison de leur immunité consacrée par 58 C. et du fait que
l’infraction aurait été qualifié d’infraction de presse ou d’infraction politique, rendant la Cour d’assises compétente pour connaître de celui-ci

81. Quels sont les pouvoirs d’une commission parlementaire d’enquête ?

La chambre ou la commission peuvent prendre toutes les mesure d’instructions prévues par
le Code d’instruction criminelle (comme le juge d’instruction pourrait les prendre au cours
d’une instruction classique).

Pour l’accomplissement de devoirs d’instruction qui doivent être déterminés préalablement,


une requête est adressée au premier président de la Cour d’appel, lequel désigne un ou
plusieurs conseillers à la Cour d’appel ou un ou plusieurs juges au tribunal de première
instance du ressort dans lequel les devoirs d’instructions doivent être accomplis.

Le magistrat désigné est alors placé sous l’autorité du président de la commission d’enquête.
L’intervention de ce magistrat est requise pour les mesures d’instructions de contrainte
(limitation de la liberté d’aller et venir, saisie de matériel, prélèvement ADN, perquisition ou
écoute, prise de connaissance ou enregistrement de communications ou de
télécommunications privées).

L’essentiel du travail des commissions d’enquête consiste dans l’audition d’experts et de


témoins.

82. Commenter et apprécier la validité juridique des mesures prises à l’égard de la juge
DOUTREWE par la commission parlementaire d’enquête devant laquelle elle a été
entendue en qualité de témoin ?

Voir Réf. Bruxelles du 30 janvier et du 5 février 1997 – Doutrewe — P. 423 du précis.

Le fait de contraindre deux témoins (dont Martine Doutrewe) appelés à témoigner devant la
commission à remettre leurs notes personnelles s’apparente à une saisie et, partant, requiert
l’autorisation du magistrat placé sous l’autorité du président de la commission, ce qui n’avait
pas été le cas en l’espèce. De ce fait, la saisie était irrégulière.

L’interdiction faite par la même commission aux témoins de quitter l’enceinte du Parlement et
même d’y circuler librement revêt un caractère irrégulier, toute privation de liberté supposant
l’intervention d’un magistrat.

105
83. Dans quelle conditions un témoin peut, d’une part, refuser de se présenter devant une
commission parlementaire d’enquête, d’autre part, refuser de témoigner devant celle-
ci ?

Voir affaire Transnuklear " Le témoignage sous serment fait par des témoins
auditionnés lors d’une commission d’enquête parlementaire ne peut être utilisé contre
eux dans le cadre d’une procédure judiciaire — art. 14, § 3, g, PIDCP : « nul ne peut
être tenu de témoigner contre soi-même ».

Art. 8 de la loi du 3 mai 1880 : « tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la
vérité, pourrait s’exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner ».

Permet d’éviter les interactions entre une commission d’enquête parlementaire et une
procédure judiciaire en cours au même moment.

Les personnes entendues par la commission d’enquête le sont à titre de témoins et, si une
infraction est relevée, un procès-verbal est dressé et communiqué aux autorités judiciaires
compétentes. La commission parlementaire, dont les pouvoirs sont quasi illimités lorsqu’il
s’agit de procéder à des investigations, ne peut, en aucun cas, se substituer, sans
méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, aux organes du pouvoir judiciaire
dans la mise en œuvre des poursuites. Le procès-verbal qui est rédigé par ses soins doit
avoir pour seule conséquence de permettre au parquet d’entamer des poursuites.

L’adoption de la loi du 30 juin 1996 vient clarifier les choses. Celle-ci met fin à la controverse
en assimilant explicitement le témoignage devant une commission d’enquête parlementaire
au témoignage en justice.

L’article 458 du Code pénal prévoit désormais que « Les médecins, chirurgiens, officiers de
santé, pharmaciens, sage-femmes, et toutes autres personnes dépositaires, par l’état ou la
profession, de secrets qu’on leur confie, qui hors les cas où ils sont appelés à rendre
témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi
les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un
emprisonnement de 8 jours à 6 mois et d’une amende de 100 à 500 francs ».

La notion de secret d’instruction est consacrée par ailleurs dans l’article 28quinquies du
Code d’instruction criminelle :
§ 1er. « Sauf les exceptions prévues par la loi, l'information est secrète. Toute personne qui
est appelée à prêter son concours professionnel à l'information est tenue au secret. Celui qui
viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal ».

Cette disposition ne revêt pas un caractère absolu puisque le ministère public, lorsque
l’intérêt public l’exige, peut communiquer des informations à la presse et l’avocat peut en
faire de même lorsque l’intérêt de son client l’exige.

Il serait déraisonnable de considérer que la presse pourrait être informée de certains


éléments couverts par le secret de l’instruction alors que tel ne serait pas le cas dans le cas
d’une commission d’enquête parlementaire.

Le secret de l’instruction est une forme de secret professionnel et, partant, les règles fixées
par cette disposition du Code pénal sont applicables aux magistrats qui entrent dans la
catégorie de « toute autre personne dépositaire » de l’article 458.

Il est donc loisible à un magistrat – comme à n’importe quel dépositaire du secret


professionnel – d’invoquer le secret de l’instruction pour refuser de répondre à une question
qui lui serait posée par une commission d’enquête parlementaire, mais jamais il ne pourra
être poursuivi s’il décide de témoigner.

106
En refusant de se présenter à une commission d’enquête parlementaire, un témoin
commettrait une infraction pénale. Tout au plus, pourrait-il se présenter et refuser de
témoigner, invoquant le secret professionnel ou le refus de témoigner contre lui-
même.

84. Déterminez si ou dans quelles conditions une commission d’enquête parlementaire


peut analyser un dossier judiciaire en cours et ce au regard de l’affaire Fortis et quelle
attitude devait adopter l’avocat de l’Etat belge qui avait été convoqué comme témoin
par la commission d’enquête ?

Voir Affaire Fortis — P. 430 du précis.

Tout d’abord, l’article 1er de la loi du 3 mai 1880 prévoit que « les enquêtes menées par les
Chambres ne se substituent pas à celles du pouvoir judiciaire, avec lesquelles elles peuvent
entrer en concours, sans toutefois en entraver le déroulement ».

Ensuite, il est loisible aux magistrats entendus par ses soins de refuser de témoigner, soit en
se fondant sur le secret professionnel, soit en refusant de témoigner contre eux-mêmes.

Cette affaire a été l’occasion pour le Bâtonnier de l’Ordre flamand des avocats du barreau de
Bruxelles de faire interdiction à l’avocat de l’Etat belge, Christian Van Buggenhout, de
témoigner devant la commission. En respectant cette injonction et en ne donnant pas suite à
la convocation qui lui avait été adressée, celui-ci a commis une infraction pénale sur ordre de
sont autorité disciplinaire. Il aurait, en effet, à tout le moins, dû se présenter devant la
commission, quitte à refuser de répondre aux questions invoquant le secret professionnel. Il
est même permis de se demander s’il disposait d’une telle latitude.

La finalité du secret professionnel, dont le bâtonnier a une conception dévoyée, est de


protéger les clients de l’avocat, et non de constituer un moyen permettant de leur dissimuler
des informations qui les concernent.

85. Dans quelle mesure une procédure disciplinaire ou pénale peut être affectée par les
travaux d’une commission parlementaire d’enquête ?

La commission d’enquête parlementaire ne peut se substituer à l’autorité administrative ou


judiciaire, elle doit limiter son action à établir des faits.

Une procédure disciplinaire peut être affectée par une commission d’enquête
parlementaire, dans le cas où une surmédiatisation de l’enquête affecterait l’impartialité de
l’administration devant prendre la sanction.

En imputant personnellement des fautes à des témoins entendus au cours de ses travaux,
la commission prend le risque de compromettre la validité d’une sanction disciplinaire
prononcée ultérieurement, la personne mise en cause n’ayant pas bénéficié des droits
impliqués par l’adage audi alteram patem.

Une procédure pénale peut être affectée par les travaux d’une commission d’enquête
parlementaire dans la mesure où un témoin, contraint de témoigner sous serment devant
celle-ci, aboutirait à témoigner contre lui-même " problème règle par l’article 3 de la loi du 3
mai 1880.

Cela pourrait également être le cas si un membre d’une commission d’enquête


parlementaire se voyait contraint d’auditionner des témoins présents au sein de la
commission, ou de transmettre des informations concernant celle-ci au Parquet " problème
réglé par l’article 10 de la loi du 3 mai 1880.

La commission, par contre, est parfaitement libre d’incriminer les ministres, parce que, dans
ce cas, il n’est pas question d’engager à leur égard une éventuelle procédure disciplinaire et

107
que l’enquête parlementaire est précisément un moyen permettant de mettre en œuvre leur
responsabilité politique.

86. Quelles sont les règles applicables à l’éventuelle transmission d’un dossier judiciaire à
une commission parlementaire d’enquête ?

Art. 4, § 5, de la loi du 3 mai 1880 :


« Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière criminelle,
correctionnelle, policière ou disciplinaire, la Commission adresse au procureur général près
la Cour d'appel [...] une demande écrite en vue de se faire délivrer une copie des devoirs
d'instruction et des actes de procédure dont elle estime avoir besoin;

Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la
Chambre, la Commission ou leurs présidents peuvent introduire un recours auprès du
collège constitué du premier président de la Cour de cassation, du président de la Cour
constitutionnelle et du premier président du Conseil d'État. Ce collège siège à huis clos et
règle la procédure. Il peut entendre, dans les délais les plus brefs, le président de la
Commission et le magistrat concerné. Il tranche le conflit de manière définitive et par
décision motivée rendue en séance publique, en tenant compte des intérêts en présence et,
en particulier, du respect des droits de la défense ».

Le collège ainsi constitué est donc une juridiction dont les décisions ne peuvent faire l'objet
de recours dans l'ordre juridique interne.

La question se pose dès lors de savoir si un magistrat, entendu en qualité de témoin, peut
faire état du contenu d'un dossier si la procédure prévue par l'article 4, § 5, nouveau de la loi
du 3 mai 1880 n'a pas été respectée.

S'il est acquis qu'un magistrat ne pourrait, sans méconnaître cette disposition légale,
déposer devant la commission des pièces puisées dans son dossier, il ne pourrait pas lui
être reproché, dans son audition, d'en relater le contenu.

• Les questions de réflexion (liens)

54. Réflexion sur la notion de déclaration gouvernementale et d’interpellations – liens avec


la responsabilité des gouvernements et des ministres, motions de confiance et de
méfiance (leçons 9 et 15)
55. Réflexion sur la vérification des pouvoirs – lien avec les incompatibilités entre la qualité
de membre de plusieurs assemblées (leçon 10), les juridictions autorisées à poser une
question préjudicielle à la Cour constitutionnelle (leçon 18), la ratification royale de
l’élection du président d’un gouvernement régional ou communautaire (leçon 25) et
l’impartialité des juges (leçons 18, 19 et 20)
56. Réflexion sur les pouvoirs d’une commission d’enquête parlementaire et son mode de
fonctionnement (publicité des débats, obligation de secret) – lien avec la séparation
des pouvoirs et l’indépendance des magistrats (leçons 2 et 19)
57. Réflexion sur le pouvoir des magistrats de se soustraire à un témoignage devant une
commission d’enquête parlementaire et sur la possibilité réservée à des détenteurs de
secret professionnel de se soustraire à un témoignage devant une commission
d’enquête parlementaire – lien avec la responsabilité pénale des magistrats (leçon 19)
58. Réflexion sur la possibilité réservée à une commission d’enquête d’intervenir
concurremment sur l’établissement de responsabilités pénales ou disciplinaires – lien
avec la séparation des pouvoirs et les compétences des juridictions (leçons 2 19 et 20)

108
Leçon 14 : Naissance et vie des gouvernements

• La matière à étudier

- La nomination des ministres fédéraux (n°1 à 6)


- Nomination proprement dite et cabinets ministériels (n°7 à 9)
- L'élection des membres des gouvernements régionaux et communautaires (n°10 à 12)
- Les principes transposés à Bruxelles (n°13)
- La ratification royale de l'élection du Président du gouvernement (n°14 à 15)
- La parité linguistique au conseil des ministres (n°16 à 19)
- La parité linguistique au gouvernement bruxellois (n°20 à 21)
- Le mode de délibération des organes gouvernementaux (n°22 à 24).

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE n°217.984 du 14 février 2012 et CE n°222.198 du 13 janvier 2013, Youlal (cabinets


ministériels)
- Avis CE – parité en conseil des ministres
- Cass., 10 avril 1987 - affaire Happart

• Les questions de fondement

79 Le gouvernement fédéral doit comprendre des ministres de chaque sexe :

Art. 11 bis C. (al. 2) : « Le Conseil des ministres et les Gouvernements de Communauté et


de de Région comptent des personnes de sexe différent ».

80 Le gouvernement wallon doit comprendre un tiers de ministres de chaque sexe

Les lois spéciale et ordinaire du 5 mai 2003 ont prévu que l’ensemble des gouvernements
des régions et des communautés doivent compter des personnes de sexe différents.

Art. 64 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :


§ 1er. « Si le Gouvernement wallon est constitué ou modifié conformément à l'article 60, § 3,
le scrutin pour la désignation du ou des derniers membres est limité aux candidats
appartenant à l'un ou l'autre sexe si cela est nécessaire pour assurer la présence d'au moins
un tiers de femmes et un tiers d'hommes en son sein ».

81 Le conseil des ministres ne peut comprendre que 15 ministres au plus

Art. 99, al. 1, C. :


« Le Conseil des ministres compte quinze membres au plus ».

L’article 99 de la Constitution ne limite que le nombre des ministres et ne concerne donc pas
les secrétaires d’État. Le Roi conserve donc une entière liberté en ce qui les concerne.

82 Le conseil de gouvernement peut comprendre un nombre illimité de membres

Le conseil de gouvernement, par contre, est ignoré de la Constitution. Il trouve son


fondement dans la coutume. Il réunit, de droit, tous les ministres et tous les secrétaires
d’État, et est convoqué pour discuter et adopter les options politiques importantes.

109
83 Le gouvernement au moment de son entrée en fonction doit avoir la confiance de la
Chambre

La coutume constitutionnelle exige encore que le gouvernement au moment de son entrée


en fonction, jouisse de la confiance de la Chambre des représentants, voire du Sénat. Celui-
ci intervient, en effet, à égalité avec la Chambre, dans un certain nombre de matières
importantes. On imagine mal, par exemple, qu’un gouvernement qui entend réaliser un
programme institutionnel – impliquant le vote de nouvelles dispositions constitutionnelles ou
l’adoption de lois spéciales – ne soit pas appuyé par une large majorité au sein des deux
chambres fédérales.

D’autre part, à la suite de la mise en œuvre de mécanismes de parlementarisme rationalisé,


le gouvernement ne doit plus disposer, en permanence, de l’appui d’une majorité de la
Chambre des représentants. Il ne peut, en effet, être contraint à la démission que si une
majorité des députés parvenait à s’entendre, non seulement pour le renverser, mais
également pour proposer la désignation d’un successeur au Premier ministre.

84 Le Roi désigne un informateur

Simple pratique, pas une coutume constitutionnelle juridiquement contraignante.

L’informateur a pour mission d’établir un bilan de la situation politique et économique. Il reçoit


évidemment les responsables politiques les plus importants, mais généralement aussi des
représentants du monde socio-économique et de la société civile.

85 Le Roi désigne un formateur

Lorsque la situation politique a suffisamment décanté le Roi désigne un formateur lequel est
généralement appelé à devenir le futur Premier ministre.

À la différence des consultations royales et de la désignation de l’informateur, le Roi est tenu,


juridiquement, de désigner un formateur. S’il devait lui-même établir un programme et
négocier la composition de l’équipe gouvernementale avec les différents partis, il prendrait le
risque d’être au cœur de diverses controverses et par là même de découvrir la Couronne, ce
qui est incompatible avec l’esprit de notre régime parlementaire.

Coutume constitutionnelle juridiquement contraignante

86 Le consensus au sein du conseil des ministres

La procédure du consensus est mise en œuvre par la coutume constitutionnelle dans le


cadre des institutions de l’État fédéral.

87 Le consensus au sein des gouvernements des régions et des communautés

L’existence de la procédure du consensus a été consacrée par les lois de réformes


institutionnelles pour les institutions régionales et communautaires.

En effet, en vertu de l’article 69 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août


1980, « sans préjudice des délégations qu’il accorde, chaque gouvernement délibère
collégialement dans le respect de la procédure du consensus suivie en conseil des ministres,
de toutes les affaires de sa compétence ».

88 Un gouvernement minoritaire est possible au niveau fédéral

Rien n’interdit qu’un gouvernement minoritaire soit investi de la confiance de la Chambre des
représentants[1], voire du soutien extérieur de partis qui ne sont pas représentés au
gouvernement.

110
20 juillet 2020 – gouvernement minoritaire

À la suite des élections du 26 mai 2020, il a été impossible de constituer un nouveau


gouvernement. Afin de faire face à la crise sanitaire, le gouvernement en affaires courantes,
quoique minoritaire, a reçu le soutien externe de diverses formations de l'opposition.
[1] Pour autant qu’il bénéficie de l’abstention d’un nombre suffisant de députés de l’opposition

89 Un gouvernement minoritaire est possible au niveau régional

L’article 60 de la loi spéciale du 8 août 1980 institue deux procédures de formation du


gouvernement : une procédure normale et une procédure subsidiaire.

Elles s’appliquent à l’élection des gouvernements flamand, de la Région wallonne, de la


Communauté française et de la Communauté germanophone.

L’article 60, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, institue une procédure subsidiaire.
Celle-ci ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où, le jour de l’élection, une majorité
politique ne s’est pas dégagée au sein du Parlement. Il est alors prévu que l’assemblée
procède à l’élection séparée des membres du gouvernement. Celle-ci se déroule au scrutin
secret et à la majorité absolue des membres du Parlement.

En 2019, le PS et Ecolo ont songé, un temps, former un gouvernement minoritaire, en


Région wallonne et en Communauté française, dans le cadre d'une coalition qualifiée de
«coquelicot».

L'élection d'un gouvernement minoritaire aurait été rendue possible grâce au mécanisme de
l'élection séparée des membres du gouvernement.

Il aurait fallu, en effet, que toutes les autres formations politiques représentées au sein des
parlements concernés s'accordent, au moment de chaque vote, sur un candidat pour
empêcher l'élection de celui qui était proposé par les socialistes et les écologistes " Il est
donc extrêmement complexe pour des formations politiques, pourtant en majorité au
Parlement, de contrer la formation d’un gouvernement minoritaire en vertu de la procédure
subsidiaire.

Annexe : la procédure subsidiaire à Bruxelles

La procédure d’élection des membres du gouvernement du Parlement de la Région de


Bruxelles-Capitale s’inspire mutatis mutandis[1] de l’article 60 de la loi spéciale du 8 août
1980 de réformes institutionnelles " Art. 35 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux
institutions bruxelloises.
[1] = moyennant les adaptations nécessaires

• Les questions de fond

87. Quelles sont les limites constitutionnelles et coutumières qui s’imposent au Roi lorsqu’il
procède à la nomination des ministres ?

Les articles 96 C. et 104 C. confèrent au Roi le soin de nommer les membres du


gouvernement fédéral, soit, depuis la révision constitutionnelle du 24 décembre 1970, les
ministres et les secrétaires d’Etat. Dans cette mission, les pouvoirs du Roi sont limités par
divers principes constitutionnels :

97 et 98 C :
Interdit de nommer, en qualité de ministres ou de Secrétaires d’Etat, des étrangers ou des
membres de la famille royale.

111
99 C :
Le Conseil des ministres doit être paritaire et ne pas comporter plus de 15 membres.

11bis C :
Présence de personnes de sexe différent au sein du Conseil des ministres.

Coutume constitutionnelle :
Le gouvernement, au moment de son entrée en fonction, doit jouir de la confiance de la
Chambre des représentants.

Le gouvernement ne peut être soutenu par une simple majorité de députés, sans avoir égard
à leur origine communautaire. Il est concevable que le gouvernement ne soit pas (de peu)
soutenu par une majorité de députés flamands, étant donné qu’il suffirait que l’ensemble des
partis flamands s’oppose à une initiative législative, prise en marge de l’action
gouvernementale, pour que celle-ci ne voit pas le jour. Ce n’est pas le cas des députés
francophones.

La Constitution n’exige pas, contrairement à ce qui est prévu pour les parlementaires et pour
les ministres régionaux et communautaires, que les ministres fédéraux jouissent de leurs
droits civils et politiques.

88. Quelles sont classiquement les différentes étapes de la procédure de formation du


gouvernement fédéral ?

La formation du gouvernement fédéral s’opère en plusieurs temps, selon une procédure non
formalisée trouvant son fondement dans la coutume constitutionnelle et dans un certain
nombre de pratiques qui ne sont pas juridiquement contraignantes.

Le Roi joue un rôle central (à l’exception du cas où le successeur du Premier ministre est
désigné par un vote à la Chambre des représentants). Il choisit les personnes chargées de
mener les négociations relatives à la formation du gouvernement. Ces désignations sont
annoncées par un communiqué du palais, qui bien qu’il ne fasse pas l’objet d’un contreseing
ministériel, est pris sous la responsabilité politique des ministres démissionnaires.

1. Le chef de l’Etat procède tout d’abord à des consultations.

Il reçoit au minium les présidents de la Chambre et du Sénat, le Premier ministre sortant et


les présidents de partis. La question de si le principe du cordon sanitaire implique pour le Roi
de ne pas recevoir les présidents de partis d’extrême droite est controversée.

2. A la suite de ces consultations, si la situation politique n’est pas claire, il désigne, le plus
souvent, un informateur.

Le Roi n’opère pas ce choix en toute liberté. Au mieux, il doit s’enquérir de ce que son choix
ne conduira pas à une impasse. Au pire, il doit tenir compte des desiderata exprimés par les
représentants des formations politiques les plus puissantes. Le Roi doit opérer un choix qui
recueille un certain consensus au sein du monde politique. Il doit également veiller à ne pas
nommer une personnalité contre la volonté du parti auquel il appartient.

L’informateur a pour mission d’établir un bilan de la situation politique et économique. Il reçoit


les responsables politiques les plus importants, mais généralement aussi des représentants
du monde socio-économique et de la société civile.

L’objectif de sa mission d’information est d’examiner que type de coalition peut voir le jour.

112
3. (facultatif) Lorsque l’informateur a achevé sa mission, le Roi examine, avec les
responsables politiques les plus importants, s’il est déjà possible de désigner un
formateur. A défaut, il confie une mission intermédiaire et taillée sur mesure à une ou
plusieurs personnalités politiques.

Il arrive d’ailleurs que le Roi prenne des initiatives personnelles afin de donner du temps au
temps et laisser les acteurs politiques de dégager des solutions en coulisses.

4. Lorsque la situation politique a suffisamment décanté le Roi est tenu juridiquement de


désigner un formateur, lequel est le plus souvent amené à devenir le futur Premier
ministre.

Sa mission consiste, tout d’abord, à négocier directement, avec les partenaires de la future
coalition, un programme gouvernemental.

Lorsque ce programme est élaboré, il lui appartient ensuite de former son équipe, soit
d’identifier les ministres et secrétaires d’Etat. Ceci consiste à négocier, avec les différents
présidents de partis, la répartition des portefeuilles.

L’identification des futurs membres du gouvernement se fait, en réalité, au sein de chaque


formation politique, et le plus souvent à l’initiative du président de parti.

À la différence des consultations royales et de la désignation de l’informateur, le Roi est tenu,


juridiquement, de désigner un formateur.

Théoriquement, le Roi tient du pouvoir de nommer et de révoquer les ministres et secrétaires


d’Etat, celui de déterminer leur nombre (max. 15), leurs attributions et la répartition des
compétences entre les différents ministères. Cependant, le pouvoir réservé au Roi est
purement formel. La répartition des portefeuilles fait l’objet de la négociation politique qui
précède la formation du gouvernement.

5. La nomination proprement dite des ministres et des secrétaires d’Etat peut alors avoir
lieu.

Le Premier ministre est désigné par arrêté royal contresigné par son prédécesseur. Ce
contreseing est appelé contreseing de courtoisie, étant donné qu’il a pour seul objet
d’assurer la régularité juridique de l’acte du Roi.

On admet qu’en cas de refus du Premier ministre démissionnaire de contresigner l’arrêté de


nomination de son successeur, ou en cas de force majeure, le nouveau Premier ministre est
habilité à contresigner sa propre nomination. Preuve s’il en est qu’un gouvernement
démissionnaire n’engage pas sa responsabilité politique par le contreseing ministériel pour
les actes posés par le Roi en période de crise ou dans le processus de formation du
nouveau gouvernement[1].

Avant d’entrer en fonction, les ministres prêtent serment entre les mains du Roi.

6. Les ministres et secrétaires d’Etat, une fois nommés, constituent leur cabinet.

Celui-ci comprend leurs collaborateurs directs. Ces derniers jouent un rôle très important
dans la préparation de l'activité politique du ministre, examinant les dossiers sous l'angle
politique et technique. Ils ne peuvent se substituer aux ministres dans l'exercice de leur
pouvoir de décision. Les membres des cabinets sont nommés en fonction de la confiance
personnelle qui doit exister entre eux et le ministre. Il peut, en principe, à tout moment être
mis fin à leurs fonctions sans justification.

113
[1] Il est singulier d’affirmer, à des fins purement formelles, que le Premier ministre démissionnaire assume la responsabilité politique des actes posés par le
Roi pendant la période de crise. Il serait plus conforme à la réalité institutionnelle d’affirmer que, pendant de telles périodes, les actes du Roi ne doivent pas
être contresignés ou de prévoir qu’ils le soient a posteriori par le nouveau Premier ministre.

89. Qu’en est-il de la responsabilité du gouvernement encore en fonction dans le


processus de formation du nouveau gouvernement (avec mention de deux
précédents) ?

L’on affirme parfois que le contreseing de courtoisie permet de couvrir la procédure qui a
permis la formation du nouveau gouvernement. Ce n’est pourtant qu’une pure fiction
juridique ; le Premier ministre démissionnaire n’exerce, en principe, aucune influence sur les
initiatives prises par le Roi pour dénouer la crise. Le gouvernement démissionnaire se
contente, en effet, d’expédier les affaires courantes sans s’immiscer dans la procédure de
formation du nouveau cabinet.

Il est donc singulier d’affirmer, à des fins purement formelles, que le Premier ministre
démissionnaire assume la responsabilité politique des actes posés par le Roi pendant la
période de crise.

Il serait plus conforme à la réalité institutionnelle d’affirmer que, pendant de telles périodes,
les actes du Roi ne doivent pas être contresignés ou de prévoir qu’ils le soient a posteriori
par le nouveau Premier ministre.

1. 25 mai 1940 – Henri de Man

Le 25 mai 1940, quand se produit la rupture entre le gouvernement et le Roi, ce dernier


souhaite désigner un nouveau cabinet présidé par Henri De Man, un homme imprégné des
idées de l'ordre nouveau. Léopold III entend, cependant, agir dans la légalité et consulte le
futur procureur général à la Cour de cassation, Raoul Hayoit de Termicourt.
Ce dernier, qui ignore une doctrine consacrée pourtant depuis longtemps, indique au Roi
qu'il ne peut imposer au gouvernement de démissionner que pour autant que l'un de ses
membres accepte d'en assumer la responsabilité. Le Roi renonce alors à son projet[1].

2. 20 juillet 2020 – gouvernement minoritaire

Le 20 juillet 2020, en pleine crise du coronavirus, le Roi charge le Président du P.S.


Paul Magnette et le Président de la N-VA, Bart De Wever « de prendre les initiatives
nécessaires permettant la mise en place d'un gouvernement qui s'appuie sur une
large majorité au parlement ».

À la suite des élections du 26 mai 2020, il a été impossible de constituer un nouveau


gouvernement. Afin de faire face à la crise sanitaire, le gouvernement en affaires courantes,
quoique minoritaire, a reçu le soutien externe de diverses formations de l'opposition. La
Première ministre a par ailleurs annoncé qu'elle solliciterait à nouveau la confiance de la
Chambre en septembre 2020, et il semble peu probable qu'elle l'obtienne.

Afin d'anticiper cette situation, les présidents des partis socialistes du nord et du sud du
pays, d'abord, les présidents du MR et du CD&V, ensuite, sans être mandatés par
quiconque, mènent, sans succès, des consultations en vue de dessiner les contours d'une
nouvelle coalition.

Il est malaisé d’en identifier le fondement juridique :


La capacité d'intervention du Roi trouve son fondement dans son pouvoir de nommer les
ministres. Or pour exercer celui-ci, il est requis que les membres du gouvernement soient
démissionnaires, ce qui n'est pas le cas en l’espèce.

114
Il est probable que l'intervention du Roi ait été sollicitée par ceux-là même qu'il a désignés
afin de renforcer la légitimité de leur mission et que le Roi a estimé que l'initiative qui lui était
demandée contribuerait à renforcer son autorité.

Cette étrange intervention semble motivée bien plus par des choix d'opportunité et des
arrière-pensées des protagonistes que par le respect des principes de droit constitutionnel.
La question se pose également de savoir si le Roi, comme il le devait, a bien veillé avant de
publier son communiqué à obtenir le contreseing de la Première ministre (Sophie Wilmès),
sans quoi cette initiative serait plus inconstitutionnelle encore.

Dès lors que le Roi a ainsi été amené à intervenir dans un processus qui n'exigeait pas
son intervention, il a continué à assumer cette mission à l'issue de l'échec de la
mission Magnette - Dewever, notamment en chargeant, le 18 août 2020, le président de
l'Open VLD, Egbert Lachaert de prendre les initiatives nécessaires permettant la mise en
place d'un gouvernement qui s'appuie sur une large majorité au Parlement et …

Le 4 septembre 2020, le Roi charge Egbert Lachaert et Conner Rousseau, le président de


SP.A., d'une mission de préformation du gouvernement.

[1] Il est piquant de constater qu'une erreur de droit émanant d'un des magistrats les plus chevronnés de l'époque a épargné à la Belgique un gouvernement de
collaboration, comme en a connu la France

90. Analysez le processus de nomination d’Alexia Bertrand et les questions juridiques


qu’elle soulève (cours oral) ?

De l’étonnement, de la confusion et même de l’indignation : voilà les sentiments qu’a


suscités, de part et d’autre de la frontière linguistique, la toute récente nomination, au poste
de secrétaire d’État au Budget, d’Alexia Bertrand, passée du MR à l’Open Vld. Une
francophone désignée secrétaire d’État pour un parti flamand : on aura tout vu !

Cela étant, on peut tout aussi bien considérer Alexia Bertrand comme une Flamande d’abord
élue députée pour un parti francophone. Pour la fille du président d’une holding anversoise,
née à Wilrijk, ce choix était, à l’époque, peut-être plus surprenant que le basculement qu’elle
a opéré ce week-end.

Mais si l’on arrête de regarder la situation à travers un prisme linguistique binaire, on se


retrouve face à une responsable politique qui ne rentre pas simplement dans l’une ou l’autre
des cases. Les institutions belges continueront pourtant inéluctablement à l’y enfermer,
créant de ce fait des situations éminemment surréalistes.

Ainsi, l’identité linguistique d’Alexia Bertrand mute en fonction du niveau qu’elle occupe.
Supposons, par exemple, qu’elle doive démissionner de son poste de secrétaire d’État : elle
passerait alors, comme par enchantement, du statut de membre néerlandophone du
gouvernement fédéral à celui de membre francophone de l’opposition bruxelloise. Au
Parlement bruxellois, elle ne peut en effet pas changer de groupe linguistique. Et comme
l’Open Vld y siège dans la majorité, mais pas le MR, Bertrand devrait, sur le plan formel,
s’opposer à ses camarades de parti.

Mieux encore : jamais au grand jamais ne pourra-t-elle jouer le moindre rôle pour les libéraux
flamands au sein du parlement régional. C’est que ses membres peuvent changer de
couleur politique autant qu’ils le souhaitent, mais ils sont obligés de rester attachés à vie au
même groupe linguistique. Quadrilingue et membre d’une richissime famille d’entrepreneurs
anversois, Alexia Bertrand est donc autorisée à rejoindre les rangs des marxistes du PTB,
mais pas de ses coreligionnaires libéraux de l’Open Vld.

Au niveau fédéral, le système est moins rigide, mais il n’est pas pensé pour les nomades
linguistiques non plus. En fait, Alexia Bertrand peut s’estimer heureuse de n’avoir été
nommée « que » secrétaire d’État, et non ministre, car elle aurait alors été confrontée aux

115
problèmes liés à l’obligation de parité linguistique au sein du gouvernement fédéral. Même si
sa nomination ne pourrait pas être annulée sur le plan juridique, il est difficile, du point de
vue politique, d’expliquer qu’une personne issue du groupe francophone de Bruxelles puisse
compter sans problème comme ministre néerlandophone. En tant que secrétaire d’État,
Alexia Bertrand évolue actuellement dans un no man’s land linguistique.

Mais un peu de patience : à l’issue des prochaines élections, elle sera aussi marquée d’une
estampille linguistique indélébile au niveau fédéral. Si elle serait élue par exemple dans la
circonscription d’Anvers ou du Brabant flamand, elle sera automatiquement rattachée au
groupe néerlandophone — même dans le scénario fictif où elle figurerait sur une liste
exclusivement francophone. Et de fait, un Limbourgeois du PVDA siège actuellement dans le
groupe francophone parce qu’il s’est présenté sur une liste liégeoise.

Il est cependant plus probable qu’Alexia Bertrand se présente dans la circonscription


bruxelloise pour la Chambre. Ces députés peuvent choisir leur groupe linguistique. Mais
pour parvenir à être élue en tant que « néerlandophone » dans la capitale, elle devra figurer
sur… une liste francophone.

Lorsqu’ils font cavalier seul, les partis flamands restent immanquablement sous le seuil
électoral dans la circonscription de Bruxelles. En 2019, l’Open Vld n’y a recueilli que 2,3 %
des voix. La seule façon de se faire élire, pour les candidats flamands, consiste à se
présenter sur une liste commune, aux côtés de leurs homologues francophones. Ce
rapprochement entre flamands et francophones à Bruexlles est la conséquence paradoxale
de la scission de BHV, pourtant voulue par les nationalistes flamands. C’était la seule facon
pour Tinne Van der Straeten de se faire élire en 2019. En 2024, Alexia Bertrand peut donc
briguer les suffrages sous la bannière de l’Open Vld, en figurant sur la même liste que le MR
— pour ensuite intégrer le groupe néerlandophone afin de redevenir ministre Open Vld. Mais
quand bien même, elle resterait toujours cataloguée comme francophone dans la sphère
politique de la région bruxelloise.

J’espère que vous pouvez encore suivre. Il en faudrait moins que ça pour provoquer une
crise identitaire chez certains responsables politiques. Ou est-ce plutôt notre système
politique qui s’emmêle les pinceaux en étant bâti sur le fondement inébranlable d’une
catégorisation linguistique binaire, alors que l’époque est à la fluidité des identités ?

Qu’ils s’y sentent à l’aise ou non, les responsables politiques fédéraux et bruxellois sont
systématiquement contraints de se ranger dans une des deux cases.

Et à la région Bruxelloise, ils n’en ressortent même plus jamais. Historiquement pensé pour
permettre de protéger la présence des Flamands à Bruxelles, ce système rigide cadre de
moins en moins avec la sociologie d’une ville-région marquée par son multilinguisme et sa
diversité. Si un Bruxellois polyglotte se présente, à vingt ans, aux élections du Parlement
régional sur une certaine liste, ce choix l’empêchera, même à quatre-vingts ans, de
s’engager activement pour des partis relevant de l’autre groupe linguistique, peu importe la
manière dont la société et sa vision là-dessus auront évolué.

En 2019, la Cour constitutionnelle stipulait qu’on ne pouvait plus forcer les citoyens à choisir
entre « homme » et « femme ». Il faut respecter les personnes avec une identité de genre
non-binaires.
Peut-être faudrait-il également, pour les politiques sans identité linguistique binaire, prévoir
une case « X », en plus de « N » et « F ».

91. Dans quelles conditions, un ministre peut-il mettre fin aux fonctions de l’un des
membres de son cabinet ?

Il peut, en principe, à tout moment être mis fin à leurs fonctions sans justification avec, pour
conséquence, que la motivation formelle de cette décision peut se réduire à une formule

116
stéréotypée, une simple incompatibilité d'humeur pouvant par ailleurs justifier qu'il soit mis fin
aux fonctions d'un membre de cabinet.

Le Conseil d'Etat a précisé, dans un arrêt Verbraeken (C.E., n° 39.820 du 24 juin 1992), les
principes applicables au recrutement des membres des cabinets ministériels :
« Considérant que le cabinet ministériel est l'instrument de travail personnel du ministre; que
ses membres sont les collaborateurs personnels de celui-ci; qu'ils sont nommés par lui, en
toute liberté, sans qu'aucune condition ne soit mise à leur nomination; que les ministres
[...] qui disposent ainsi du plus large pouvoir d'appréciation pour choisir leurs
collaborateurs disposent du même pouvoir pour mettre fin à leurs fonctions ; qu'une
relation de confiance personnelle entre le ministre […] et ses collaborateurs doit exister en
permanence ».

Le Conseil d’Etat exige cependant que le membre du cabinet puisse être entendu et exercer
ses droits de la défense avant qu’il soit mis fin à ses fonctions. " Voir arrêts CE n°217.984
du 14 février 2012 et CE n°222.198 du 13 janvier 2013, Youlal (cabinets ministériels).
Une motivation de la décision de licenciement est nécessaire, fût-elle succincte ou
stéréotypée, étant donné que la rupture du lien de confiance n’est pas nécessairement
fondée sur des faits précis.

En vertu du principe audi alteram partem, le membre du cabinet doit être informé au
préalable de la décision de le licencier, et il faut : lui indiquer les griefs qui lui sont faits, lui
donner connaissance des éléments sur lesquels elle se fonde et lui permettre de s'expliquer.
Le respect du principe audi alteram partem implique également que l'agent ait accès au
dossier rassemblant toutes les pièces sur lesquelles l'autorité administrative entend se
fonder.

92. Quelle est la procédure ordinaire d’élection des membres des gouvernements
régionaux et communautaires avec analyse de la question de la date à laquelle
intervient cette élection ?

L’article 60 de la loi spéciale du 8 août 1980 institue deux procédures de formation du


gouvernement : une procédure normale et une procédure subsidiaire.

Elles s’appliquent à l’élection des gouvernements flamand, de la Région wallonne, de la


Communauté française et de la Communauté germanophone.

En application de la procédure normale, les candidats repris dans une liste signée par la
majorité des membres du Parlement sont élus. Les gouvernements flamands et de la
Communauté française doivent comprendre au moins un membre qui soit domicilié dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale.

« Le jour de l’élection » (jour où devra être transmise la liste signée), au sens de l’article 60,
§ 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles correspond au jour de la
première séance du Parlement suivant la démission de leurs prédécesseurs, que cette
démission soit intervenue en cours de législature ou soit le résultat du renouvellement du
Parlement en fin de législature.

Si l’élection doit intervenir à la suite du renouvellement du Parlement en fin de législature,


pour le Parlement wallon et le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, les chambres
se réunissent de plein droit le troisième mardi suivant leur renouvellement (= jour de
l’élection).

Pour le Parlement de la Communauté française et le Parlement flamand, cela correspond au


quatrième mardi suivant leur renouvellement.

117
Donc, en principe, si une liste signée par la majorité des membres de l’assemblée n’a pas
été déposée entre les mains du président à cette date, il convient de procéder à l’élection
séparée des membres du gouvernement, en application de la procédure subsidiaire.

À l’inverse de la situation qui prévaut au niveau fédéral, il n'existe pas, dans les régions et
les communautés, une autorité neutre appelé à intervenir dans le processus de formation
des gouvernements. Le plus souvent, c’est le parti qui a obtenu le plus de sièges au
Parlement qui prend l’initiative de constituer une majorité. Il s’agit là d’une simple pratique
qui n’est pas juridiquement contraignante et à laquelle il peut à l’occasion être dérogé.

93. Quelle est la procédure subsidiaire d’élection des membres des gouvernements
régionaux et communautaires et quelles sont les conséquences de ce mode d’élection
sur la majorité qui pourra soutenir ultérieurement ce gouvernement et sur la capacité
de celui-ci de demeurer en fonction (lien avec la leçon 9) ?

L’article 60, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, institue une procédure subsidiaire.
Celle-ci ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où, le jour de l’élection, une majorité
politique ne s’est pas dégagée au sein du Parlement. Il est alors prévu que l’assemblée
procède à l’élection séparée des membres du gouvernement. Celle-ci se déroule au scrutin
secret et à la majorité absolue des membres du Parlement.

Il est prévu, cependant, que si « au cours d’un scrutin, aucun candidat ne recueille la
majorité absolue au premier vote, il est procédé à un second vote pour départager les deux
candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages, après désistement éventuel d’un
candidat mieux placé » et qu’en « cas de parité de suffrages, la préférence est donnée au
candidat le plus jeune ».

Autrement dit, des membres du gouvernement peuvent être élus au second tour sans avoir
le soutien d’une majorité absolue des membres du Parlement.

« Le jour de l’élection » (jour où aurait dû être transmise la liste signée en application de la


procédure normale), au sens de l’article 60, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de
réformes institutionnelles correspond au jour de la première séance du Parlement suivant
la démission de leurs prédécesseurs, que cette démission soit intervenue en cours de
législature ou soit le résultat du renouvellement du Parlement en fin de législature.

Si l’élection doit intervenir à la suite du renouvellement du Parlement en fin de législature,


pour le Parlement wallon et le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, les chambres
se réunissent de plein droit le troisième mardi suivant leur renouvellement (= jour de
l’élection).

Pour le Parlement de la Communauté française et le Parlement flamand, cela correspond au


quatrième mardi suivant leur renouvellement.

Donc, si une liste signée par la majorité des membres de l’assemblée n’a pas été déposée
entre les mains du président à cette date, il convient de procéder à l’élection séparée des
membres du gouvernement, en application de la procédure subsidiaire.

Dans la pratique, un gouvernement n’est jamais installé lors de la première séance du


Parlement et, comme le plus souvent, le gouvernement a démissionné en cette occasion, il
se charge, dans le respect du principe de continuité des services publics, mais en
violation de la loi spéciale du 8 août 1980, d’expédier les affaires courantes jusqu’à son
remplacement quelques semaines plus tard.

118
Critique :

Un gouvernement qui serait constitué en application de la procédure subsidiaire serait


presque obligatoirement composé de membres qui n’ont pas manifesté la volonté de
gouverner ensemble, qui ne disposent d’aucune majorité stable et qui s’avèreront, plus que
probablement, incapables d’élaborer un programme d’action gouvernementale. Il ne peut
avoir d’autre vocation que d’assurer une transition.

Or, le rôle de transition est déjà assuré par le gouvernement démissionnaire, qui, en vertu de
l’article 73, al. 2, expédie les affaires courantes en attendant son remplacement. Il serait mal
aisé de constituer un gouvernement « de transition » de plus, qui serait facteur d’instabilité et
inutile.

Voilà qui explique que dans la pratique, avec le risque que ça implique quant aux décisions
prises, il arrive que le gouvernement démissionnaire demeure « irrégulièrement » en
fonction, afin de ne pas avoir à activer la procédure subsidiaire le temps du remplacement du
gouvernement.

Le plus souvent, c’est le parti qui a obtenu le plus de suffrages au Parlement qui prend
l’initiative de constituer une majorité (simple pratique à laquelle on peut déroger).
En 2019, le PS et Ecolo ont songé, un temps, former un gouvernement minoritaire, en
Région wallonne et en Communauté française, dans le cadre d'une coalition qualifiée de
«coquelicot».

Il aurait fallu, en effet, que toutes les autres formations politiques représentées au sein des
parlements concernés s'accordent, au moment de chaque vote, sur un candidat pour
empêcher l'élection de celui qui était proposé par les socialistes et les écologistes " Il est
donc extrêmement complexe pour des formations politiques, pourtant en majorité au
Parlement, de contrer la formation d’un gouvernement minoritaire en vertu de la procédure
subsidiaire.

Quelles sont les conséquences de ce mode d’élection sur la majorité qui pourra
soutenir ultérieurement ce gouvernement et sur la capacité de celui-ci de demeurer en
fonction (lien avec la leçon 9) ?

L'élection d'un gouvernement minoritaire aurait été rendue possible grâce au mécanisme de
l'élection séparée des membres du gouvernement.

Annexe : adaptation des procédures normale et subsidiaire à Bruxelles :


La procédure d’élection des membres du gouvernement du Parlement de la Région de
Bruxelles-Capitale s’inspire mutatis mutandis[1] de l’article 60 de la loi spéciale du 8 août
1980 de réformes institutionnelles.

Procédure normale :
La présentation d’une liste de candidats contresignée par la majorité absolue des membres
du Parlement et la majorité absolue des membres de chaque groupe linguistique de
l’assemblée emporte isipo facto l’élection des membres du gouvernement, en application de
l’article 35 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

Si une telle liste n’est pas déposée au jour de l’élection, l’élection est ajournée à 15 jours.
Pendant ce délai, les négociations peuvent se poursuivre et, si elles échouent, il est recouru
à la procédure subsidiaire = l’élection séparée des membres du gouvernement.

Procédure subsidiaire :
Les membres du gouvernement sont élus séparément, par 5 scrutins secrets, à la majorité
absolue des membres du Parlement.

119
La candidature du Ministre-Président doit être présentée par 5 membres de l’assemblée au
moins.

Quant aux 4 autres membres, deux francophones et deux flamands, ils doivent être
présentés par une majorité absolue des membres de leur groupe linguistique.
Critique :
Le délai d’attente de 15 jours ne fait pas disparaître les critiques quant à la procédure
subsidiaire, mais permet néanmoins d’éviter qu’il en soit fait usage dans un certain nombre
de circonstances.

Il résulte également de ces règles un certain déséquilibre linguistique ; les membres


francophones du Parlement wallon, ont (pour autant qu’ils soient min. 45 à se mettre
d’accord[2]), un droit de véto sur la désignation des membres néerlandophones du
gouvernement, alors que le groupe linguistique néerlandais est impuissant à empêcher
l’action du Ministre-président et des membres francophones du gouvernement.

Pour les secrétaires d’Etat :


Sur proposition du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Parlement élit
également 3 secrétaires d’Etat régionaux, dont l’un au moins appartient au groupe
linguistique néerlandais.

A défaut, le Parlement détermine, à la majorité absolue des suffrages, la répartition de ces 3


postes entre les groupes linguistiques (au moins 1 nl.). Chaque groupe linguistique élit alors
à la majorité absolue des de ses membres des secrétaires d’Etat, selon une procédure
identique à celle prévue pour les membres du gouvernement.

[1] = moyennant les adaptations nécessaires


[2] Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale = 89 élus directs = 72 francophones + 17 néerlandophones

94. Qu’est-ce que la ratification royale de l’élection du Président d’un gouvernement


régional et communautaire et dans quelles conditions une telle ratification pourrait-elle
être refusée ?

Une fois élus, les membres du gouvernement élisent en leur sein leur président. Cette
élection est ratifiée par le Roi, entre les mains duquel le nouveau président prête serment.

Cette intervention royale est surprenante :


- Des amendements visant à conférer au Roi le pouvoir exécutif dans les régions et les
communautés – impliquant la prérogative de nommer et révoquer les membres du
gouvernement – ont été rejetés ;
- L’acte exigé du chef de l’Etat doit être contresigné par un membre du gouvernement
fédéral, lequel n’a, en principe, aucun droit de regard sur l’activité des institutions
régionales et communautaires ;
- Il aurait peut-être été plus raisonnable de prévoir que, comme les autres membres du
gouvernement, le président prête serment entre les mains du président du Parlement,
lequel, le cas échéant, aurait également été habilité à ratifier son élection.

Cette ratification royale est un ultime garde-fou d’ordre psychologique, destiné à faire
obstacle aux excès que pourrait engendrer l’autonomie régionale ou communautaire. Il
subsiste entre les présidents des gouvernements régionaux et communautaires un lien
formel, qui, bien que symbolique, affirme solennellement l’unité fondamentale de l’Etat belge.

En pratique, on imagine mal que le Roi refuse d’accorder sa ratification. La question s’est
posé, en 1985, lorsque le Conseil régional wallon n’a pu élire son exécutif que grâce à
l’éviction illégale du sénateur Volksunie Toon Van Der Overstraeten (la coalition libérale/
sociale-chrétienne disposait d’une seule voix de majorité au Parlement et elle l’aurait perdue
si Van Overstraeten avait pu faire partie de l’assemblée)[1].

120
D’aucuns estiment que le Roi, couvert par l’un de ses ministres, peut opérer un contrôle de
légalité sur l’élection du président, et par voie de conséquence sur l’élection de l’ensemble
de l’exécutif. Le Premier ministre de l’époque refuse de s’engager dans cette voie.

Il affirme que le président du parlement régional porte la pleine responsabilité de la


composition de l’exécutif et que l’intervention de l’autorité fédérale, se limite à sanctionner
l’éventuelle indignité personnelle du président désigné.

Néanmoins, en effectuant, en l’espèce, un contrôle minimal à la régularité de la seule


désignation du président de l’exécutif (pas sur la manière dont les pouvoirs des membres de
l’exécutif ont été vérifiés par le Parlement), le gouvernement fédéral opère bel et bien le
contrôle impliqué par le Roi en matière de ratification.

Ce faisant, le gouvernement fédéral engage sa responsabilité politique et interfère, quoique


dans l’exacte mesure prévue par la loi spéciale du 8 août 1980[2], dans le processus de
formation de l’organe exécutif d’une entité fédérée.

Dans son arrêt Ylieff, le Conseil d’Etat refuse de connaître de la légalité de la ratification
royale, car cela aurait impliqué qu’il contrôle la manière dont l’assemblée procède à la
vérification des pouvoirs, matière qui échappe à ses compétences.

Est-il concevable que le Roi refuse de ratifier l’élection du président d’un gouvernement
régional et communautaire ? En 1985, le Premier ministre a indiqué que seule l’indignité
personnelle de l’intéressé justifiait pareille décision. Il faut entendre par indignité personnelle
le cas où l’intéressé serait déchu de ses droits civils et politiques.

Or, en vertu des lois de réformes institutionnelles, le membre d’un gouvernement régional ou
communautaire doit jouir de ses droits civils et politiques.

Il semble dès lors que la ratification ne pourrait être refusée que si un membre du
gouvernement perdait la jouissance de ses droits civils et politiques entre le moment où il est
élu en cette qualité et celui de la ratification de son élection en qualité de président du
gouvernement (ou alors s’il a été élu en tant que membre du gouvernement alors qu’il ne
jouissait pas de ces droits, en violation du prescrit légal).

Conclusion : La ratification royale de la désignation du président du gouvernement constitue


une brèche purement symbolique – elle ne pourrait, par exemple, déborder dans le champ
de l’opportunité – dans l’autonomie de fonctionnement des institutions régionales et
communautaires.

[1] Voir Aff. Van Overstraeten - CE, n°27.619 du 4 mars 1987, Ylieff

[2] Art. 60, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, prévoyant que la désignation du président est ratifiée par le Roi

95. Quel est le champ d’application de la parité linguistique dans l’organisation du


gouvernement fédéral ?

En vertu de l’article 99 de la Constitution, le Conseil des ministres compte, le Premier


ministre étant éventuellement excepté, autant de ministres d’expression française que de
ministres d’expression néerlandaise.

Cette disposition procède de la considération que le Conseil des ministres est l’arbitre des
conflits communautaires et constitue le pendant[1] des principes applicables dans
l’organisation du Parlement, comme les groupes linguistiques, la majorité spéciale et la
procédure de la sonnette d’alarme.

121
Il est fait exception du Premier ministre – qualifié à l’occasion d’asexué linguistique – pour 2
raisons :

- Etant chef du gouvernement fédéral, il doit être impartial et se dégager des préoccupations
particulières de la communauté à laquelle il appartient ;

- Il peut sembler opportun, dans certains cas, de constituer un gouvernement dont le nombre
de membres est impair.

Le nombre de membres du Conseil des ministres étant constitutionnellement limité à 15, il


est rare que des équipes réduites soit constituées et, partant, qu’il soit tenu compte du
Premier ministre dans la composition paritaire de cet organe.

Les garanties entourant la composition du Conseil des ministres, telles que la parité
linguistique ou la présence d’au moins un ministre de chaque genre, ne trouvent pas à
s’appliquer au kern (= cabinet restreint de politique générale : Premier ministre et vice-
Premiers ministres, chefs de file des partis à la majorité), cette institution étant une coutume
constitutionnelle. Le Conseil des ministres ratifie les décisions prises en kern.

La parité linguistique ne trouve pas à s’appliquer à l’égard des secrétaires d’Etat.

L’absence fortuite d'un ministre « n'a pas de répercussion sur la composition paritaire du
conseil des ministres et est étrangère à la règle de droit inscrite à l'article [99] »[2]. Autrement
dit, si un ministre n’est pas présent à un moment donné à une réunion du Conseil des
ministres, le principe de la parité linguistique consacré par 99 C. n’en est pas affecté.

En cas de décès ou de démission d'un ministre, « la parité doit être rétablie le plus
rapidement possible ». Tant que celle-ci n’est pas rétablie, le Conseil des ministres peut
valablement délibérer conformément aux principes généraux régissant le fonctionnement
des assemblées et de collèges administratifs, mais la minorité du Conseil des ministres et le
Parlement peuvent juger de « l’admissibilité des décisions prises par le Conseil des ministres
non paritairement composé en rapport avec des matières engageant des intérêts auxquels le
groupe minoritaire est spécialement chargé de veiller ».

La parité linguistique s’impose également à un gouvernement démissionnaire. Dès lors, le


Roi peut être conduit, afin de garantir et d’assurer la continuité du service public, à
désigner de nouveaux ministres alors que le gouvernement est démissionnaire.

La parité linguistique constitue, en apparence, une garantie pour la minorité francophone.


Cependant, son importance est nuancée par le fait que les décisions du Conseil des
ministres doivent de toutes façons être prises dans le respect de la procédure du
consensus.

Cependant, si en tant que telle, la parité linguistique ne présente qu’un intérêt marginal dans
le processus de délibération du Conseil des ministres, il ne faut pas en sous-estimer la
portée symbolique. Elle consacre le droit des francophones – minoritaires en Belgique – à
bénéficier d’une protection particulière.

[1] La corollaire, la conséquence, la suite naturelle


[2] Voir avis CE – parité en Conseil des ministres — p. 457 du précis

96. Quelle est la portée de la notion de consensus dans les délibérations du conseil des
ministres – donnez la position de la Cour de cassation et donnez un exemple
d’application de mise en œuvre de cette procédure ?

Le Conseil des ministres délibère collégialement dans le respect de la procédure du


consensus. Il s’agit d’une coutume constitutionnelle.

122
Voir Cass., 10 avril 1987 – affaire Happart — P. 460 du précis.

À l’estime de la Cour de cassation, la délibération en Conseil des ministres de toute question


politique importante, de nature à engager la responsabilité politique du gouvernement, n’est
pas une coutume. Cette position n’échappe pas à la critique sur le plan juridique :

La délibération en Conseil des ministres de toute question politique importante revêt un


caractère juridiquement obligatoire et s’analyse comme une coutume constitutionnelle.

La procédure du consensus constitue le corollaire des principes qui régissent l’action du


gouvernement :
- La collégialité des décisions ;
- La solidarité gouvernementale ;
- Le principe du secret des délibérations ;
- La responsabilité politique du gouvernement devant la Chambre.

Toute décision importante doit donc être le fruit d’une délibération collégiale au sein de
l’organe exécutif.

La logique institutionnelle implique que les ministres n’expriment pas uniquement leur
opinion personnelle, mais que leurs prises de position reflètent celles de leur formation
politique. A supposer que l’un des ministres soit en désaccord avec ses collègues, il faut
donc présumer qu’une partie de la majorité gouvernementale – celle à laquelle il appartient –
ne se range pas aux vues des autres composantes.

Partant, lorsqu’un ministre est en désaccord avec ses collègues, il lui incombe d’apprécier si
le motif de ce désaccord est suffisamment grave pour provoquer une crise politique.

Le consensus est un mode de délibération dans lequel la décision naît d’un débat sans que
formellement chacun doive se situer par rapport à la décision majoritaire.
Une fois la décision exprimée, chaque ministre, en conscience, examine s’il peut y souscrire.
Si tel est le cas, il se soumet et perd le droit de critiquer, du moins publiquement, la décision
ainsi prise. Si tel n’est pas le cas, il se démet.

Autrement dit, la décision prise au consensus n’est pas forcément unanime, mais, à tout le
moins, ne suscite pas d’objection majeure de la part de chacun des membres de l’organe
gouvernemental.

Lorsqu’un ministre agit seul dans le cadre d’une délégation qui lui a été accordée par
l’organe exécutif, les autres membres de celui-ci disposent d’un droit d’évocation lorsque la
décision de leur collègue soulève des objections de leur part.

En principe, le conseil des ministres n’est donc pas le théâtre de votes, étant donné qu’une
décision n’est prise que si tout le monde y adhère, fût-ce à contrecœur.

Cependant, le principe du vote ne devrait pas être interdit au sein du Conseil des ministres.
Le caractère collégial des décisions, la solidarité gouvernementale et le principe du secret
des délibérations requièrent simplement que les résultats d’un vote éventuel ne soient pas
portés à la connaissance du public.

La procédure du consensus constitue une garantie essentielle pour la minorité francophone.


Il suffit, dès lors, que la majeure partie des ministres francophones refuse de souscrire à une
décision pour provoquer la crise et l’empêcher de sortir ses effets.

Les débats du Conseil des ministres sont secrets, ce qui constitue, à l’instar du principe de
solidarité gouvernementale, un corollaire indispensable de la procédure du consensus.

123
Annexe – Les institutions régionales et communautaires
En vertu de l’article 69 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, « sans
préjudice des délégations qu’il accorde, chaque gouvernement délibère collégialement dans
le respect de la procédure du consensus suivie en Conseil des ministres, de toutes les
affaires de sa compétence ».

Il existe donc, sur ce point, un parallélisme parfait entre le mode de délibération des organes
exécutifs régionaux et communautaires et celui qui est utilisé au sein du Conseil des
ministres.

Appliquée au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, cette procédure permet, de


fait, à ses membres néerlandophones de bloquer toute décision. Compte tenu du nombre
restreint de membres de cet organe (5) et de son caractère mixte sur le plan communautaire,
le consensus peut quasiment s’y analyser comme une exigence d’unanimité.

97. Idées pour abréger les crises – gouvernement de transition

La procédure subsidiaire appelle un certain nombre d’observations. À première vue, elle


apparait comme un facteur de stabilité gouvernementale. Cette stabilité, cependant, est
fictive. En effet, le gouvernement ainsi constitué est composé de membres qui n’ont pas
manifesté la volonté de gouverner ensemble, qui ne dispose d’aucune majorité stable et qui
s’avéreront, plus que probablement, incapables d’élaborer un programme d’action
gouvernementale. Il ne peut avoir d’autre vocation que d’assurer une transition. Or, il s’agit
précisément là du rôle dévolu au gouvernement démissionnaire tenu d’expédier les affaires
courantes. Il est donc inutile de procéder à l’élection de ce nouveau gouvernement qui n’aura
rien fait de plus que ce que peut faire le gouvernement démissionnaire.

98. Idées pour abréger les crises – dissolution de plein droit

L’idée serait de concilier le système appliqué dans les régions et communautés avec le
système appliquée au fédéral. En effet, le fait d’appliquer la dissolution de plein droit de la
chambre dans les régions et les communautés lorsque la chambre remet une motion de
méfiance ou rejette une question de confiance sans présenter de successeur, permettrait
d’abréger les crises ou, à tout le moins, d’éviter qu’une assemblée reste en fonction alors
que celle-ci a désavoué le gouvernement.

• Les questions de réflexion (liens)

59. Réflexion sur la réalité des pouvoirs du Roi dans le processus de formation du
gouvernement fédéral – lien avec les pouvoirs du Roi (leçon 23), avec la formation des
gouvernements régionaux et communautaires (leçon 14)
60. Réflexion sur la constitution d’un gouvernement minoritaire au niveau fédéral et dans
les régions et les communautés - lien avec le parlementarisme rationalisé (leçon 9) et
les contrôles politiques sur les gouvernements (leçon 13)
61. Réflexion sur formation des gouvernements régionaux et communautaires la
ratification royale de l’élection des présidents des gouvernements de région et de
communauté – lien avec le parlementarisme rationalisé (leçon 9), les contrôles
politiques sur les gouvernements (leçon 13) et la vérification des pouvoirs (leçon 13)
62. Réflexion sur la composition du conseil des ministres fédéral – respect de la parité
linguistique et de la représentation de chaque genre – examen des mesures de
discrimination positive dans chaque gouvernement – lien avec les groupes
linguistiques (leçon 10) et la sonnette d’alarme (leçon 12)
63. Réflexion sur la notion de délibération collégiale et de respect de la procédure du
consensus au sein de l’ensemble des organes exécutifs (lien avec le mode de
délibération du comité de concertation – leçon 30)

124
Leçon 15 : Cessation de fonction des gouvernements et de
leurs membres

• La matière à étudier

- La mise en œuvre de la responsabilité collective d'un gouvernement (n°1 à 7)


- La démission spontanée et les révocations (n°10 à 15).
- La responsabilité politique individuelle des membres du gouvernement fédéral devant le
Parlement (n°16 à 20)
- La responsabilité politique individuelle des membres des gouvernements régionaux et
communautaires (n°21 à 22)
- Les modalités de la démission d'un gouvernement ou d'un membre de celui-ci (n°23 à 29)
- Les affaires courantes (30 à 32)
- Les conséquences de la démission du gouvernement sur le fonctionnement du Parlement
(n°33 à 35)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- La démission avortée du Gouvernement Eyskens – 1960


- La « démission » des ministres RW – 1977
- La « démission » des ministres FDF – 1980
- La démission d’Yves LETERME et de Jo VANDEURZEN
- La non démission des ministres JAMBON et GEENS
- CE 14 juillet 1975, ASBL du personnel wallon et francophone des services publics
- CE n°141.188 du 24 février 2005 – C n°166.925 du 17 janvier 2007, Meulemeester et Ville
de Charleroi
- CE, n°224.298 du 8 juillet 2013, Besix
- CE n° 47.689 du 31 mai 1994, Leclercq + Avis SLCE, ARPG
- CE, n°197.522 du 30 octobre 2009, Ligue des droits de l’homme
- CE, n°211.590 du 28 février 2011, SPRL Transervices

• Les questions de fondement

92. Le gouvernement fédéral démissionne au lendemain des élections.

Lorsqu’il n’a pas démissionné plus tôt, la coutume constitutionnelle exige que le
gouvernement fédéral démissionne au lendemain des élections.

93. Le gouvernement démissionne en cas de désaccord avec le Roi.

On affirmait jadis qu’en cas de désaccord avec le Roi et s’il ne parvient pas à rallier celui-ci à
ses vues, le gouvernement doit offrir sa démission.

94. Le Roi révoque les ministres

Article 96 de la Constitution :
« Le Roi nomme et révoque ses ministres.

Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la


majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la
nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un
successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le
Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le
nouveau Gouvernement fédéral prête serment ».

125
95. Le gouvernement régional démissionnaire expédie les affaires courantes.

L’article 73, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 prévoit, quant à lui, que «Tant qu’il
n’est pas remplacé, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes».

96. Le gouvernement fédéral démissionnaire expédie les affaires courantes.

Coutume constitutionnelle :
Lorsque le gouvernement fédéral démissionne spontanément ou à la suite du rejet non
constructif d’une question de confiance, trois phases doivent être distinguées.

Tout d’abord, le gouvernement, par la voix du Premier ministre, offre au Roi sa démission.
Ensuite, soit immédiatement, soit après un certain délai, le chef de l’État refuse cette
démission ou l’accepte officieusement. Cette acceptation est annoncée par communiqué du
palais, et ne fait pas l’objet d’un acte contresigné par un ministre. Dans ce communiqué, le
Roi charge le gouvernement démissionnaire d’expédier les affaires courantes.

Lorsqu’une nouvelle équipe a pu être constituée, le Roi nomme un nouveau Premier


ministre, sous le contreseing duquel il accepte officiellement, par arrêté royal, la démission
de l’ancien gouvernement. Cet arrêté met définitivement fin aux fonctions du gouvernement
démissionnaire.

97. Le gouvernement fédéral qui n’est pas démissionnaire expédie les affaires
courantes en période de dissolution des chambres.

Le Conseil d’État assimile implicitement la situation d’un gouvernement démissionnaire à


celle d’un cabinet qui n’a pas démissionné alors que les chambres sont dissoutes.

Dans un arrêt du 31 mai 1994, la section du contentieux administratif du Conseil d’État a


annulé l’arrêté litigieux en réaffirmant que dans une période où un gouvernement «est, du
fait de la dissolution, privé de sa base parlementaire et échappe au contrôle des assemblées
élues, il ne dispose plus de la plénitude de ses attributions » " Voir CE n° 47.689 du 31 mai
1994, Leclercq + Avis SLCE, ARPG.

98. Un ministre fédéral contre qui est voté une motion de méfiance individuelle doit
démissionner.

Coutume constitutionnelle (pas de motion de méfiance individuelle à proprement parler au


fédéral)
Une fois qu’un membre du gouvernement est politiquement et personnellement mis en cause
devant l’assemblée, il se trouve devant une alternative.

Soit, il anticipe la décision de l’assemblée et démissionne. Soit, comme l’a fait le ministre
Nothomb en 1985, il refuse de s’effacer, contraignant tant l’assemblée que le gouvernement
à prendre position à son égard. Il appartient alors au Premier ministre de faire savoir si son
gouvernement est, ou non, solidaire du ministre mis en cause. Si la solidarité est affirmée et
que le ministre est désavoué, le gouvernement entier remet sa démission au chef de l’État.
Par contre, si le cabinet n’est pas solidaire, il est contraint de démissionner seul. Si, par
impossible, il refuse de se plier au verdict de l’assemblée, le Premier ministre n’a d’autre
possibilité que de demander au Roi de le révoquer.

126
• Les questions de fond

99. Quels sont les cas où le gouvernement fédéral est tenu de démissionner ?

- Adoption d’une motion de méfiance constructive ;

- (Adoption d’une motion de méfiance non constructive) ;

- Rejet constructif d’une motion de confiance ;

En pratique, le gouvernement démissionne avant de faire l’objet d’une motion de méfiance


de la Chambre.

- Responsabilité politique engagée implicitement : Le gouvernement qui n’est plus guère


soutenu par une majorité de l’assemblée est, sinon en droit, du moins en fait, contraint à la
démission

- Le gouvernement présente sa démission au lendemain des élections ;

Le respect de l’expression du suffrage universel justifie qu’un gouvernement démissionne au


lendemain des élections.

- (Le gouvernement n’est tenu de démissionner en cas de désaccord avec le Roi que si la
démission du gouvernement proposée « par le Roi » est contresignée par un ministre. Cela
s’analyse plus comme un différend entre plusieurs ministres) => Cette option doit être
considérée comme obsolète.

- La démission spontanée d’un gouvernement, généralement provoquée par des


dissensions au sein de la coalition gouvernementale ;

- Adoption d’une déclaration de révision de la Constitution, en application de l’article 195 (va


probablement être de + en + courant).

100. Quels sont les cas où un gouvernement communautaire est tenu de démissionner ?

- Adoption d’une motion de méfiance constructive ;

- Rejet (constructif ou) simple d’une motion de confiance ;

- Responsabilité politique engagée implicitement ;

- Le gouvernement présente sa démission au lendemain des élections, mais celle-ci n’est


effective qu’à la première réunion (suivant les élections) du parlement devant lequel il est
responsable (= jour de l’élection). Jusque-là, n’étant plus contrôlé par l’assemblée, il est
néanmoins tenu de limiter son action à l’expédition des affaires courantes.

101. Quels sont les cas où le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale est tenu de
démissionner ?

- Adoption d’une motion de méfiance constructive[1]

Une motion de méfiance dirigée contre l’ensemble du gouvernement doit recueillir une
majorité au sein des membres du Parlement ainsi qu’une majorité dans chaque groupe
linguistique (flamands peuvent donc en bloquer l’adoption, même si elle est voulue par une
écrasante majorité des parlementaires).

- Rejet (constructif ou) simple d’une motion de confiance[2]

127
Par contre, la motion de confiance est adoptée si une majorité des membres du Parlement y
souscrit, sans tenir compte de la répartition de ses membres en groupes linguistiques.

- Responsabilité politique engagée implicitement ;

- Le gouvernement présente sa démission au lendemain des élections, mais celle-ci n’est


effective qu’à la première réunion (suivant les élections) du parlement devant lequel il est
responsable (= jour de l’élection).

Jusque-là, n’étant plus contrôlé par l’assemblée, il est néanmoins tenu de limiter son action à
l’expédition des affaires courantes.
[1] Art. 36, § 1er, al. 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux institutions bruxelloises
[2] Art. 36, § 1er, al. 1, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux institutions bruxelloises, qui renvoie à l’art. 72 de la loi spéciale du 8 août 1980 de
réformes institutionnelles

102. Dans quelle conditions le Roi peut-il révoquer un ministre et donnez un exemple pour
illustrer le propos ?

En vertu des articles 96 et 104 de la Constitution, le Roi peut révoquer les ministres et les
secrétaires d’Etat. Le chef de l’Etat a rarement fait usage de ce pouvoir qu’il doit exercer
avec le contreseing d’un ministre.

Les révocations ne sont plus prises à l’initiative de Roi de nos jours, il n’exerce plus qu’un
rôle symbolique dans la mise en œuvre de ce mécanisme. Ceci témoigne de l’évolution de
notre régime institutionnel vers le parlementarisme moniste et du rôle prépondérant réservé
au chef du gouvernement, le Premier ministre, qui a été à l’initiative des révocations de 1977
et de 1980.

(Au 19e et durant le 1er tiers du 20e, les membres du cabinet qui avaient perdu la confiance
du chef de l’Etat étaient tenus de s’effacer)

(Pas prévu au niveau des entités fédérées mais la démission d’un ministre régional ou
communautaire peut se faire à la suite du vote d’une motion de méfiance constructive à
l’égard d’un ou de membres du gouvernement)

Les révocations sont donc extrêmement rares dans notre vie institutionnelle. Cependant elle
permet de pallier les effet négatifs d’une méconnaissance par un ministre de son obligation
de démissionner lorsqu’il exprime publiquement un désaccord avec une politique menée par
le gouvernement. La révocation d’un ministre est, en effet, une procédure d’exception qui
n’a de raison d’être que lorsqu’un ministre méconnaît les exigences de la procédure du
consensus et de la solidarité gouvernementale[1].

Exemple : voir affaire de la « démission » des ministres FDF – 1980

=> Le 16 janvier 1980, deux ministres et un secrétaire d’État appartenant au F.D.F sont
révoqués après avoir marqué leur désaccord avec un projet de déclaration politique que
devait faire le Premier ministre, Wilfried Martens, et qui était approuvé par tous les autres
membres du gouvernement.
[1]
En toute logique, cette procédure aurait dû être mise en œuvre en décembre 2018 à l’égard des
ministres N-VA, qui pendant plusieurs semaines, se sont désolidarisés de la politique du gouvernement,
en matière de migration, sans démissionner pour autant. Ils ne présentent, en effet, leur démission
qu’après l’annonce par le Premier ministre de la constitution imminente d’un gouvernement minoritaire et
de la manière dont il serait procédé à leur remplacement.

128
103. Dans quelles conditions un ministre est-il appelé à démissionner lorsqu’une faute
grave a été commise sous son égide ministre et donnez un exemple pour illustrer le
propos ?

Une assemblée parlementaire peut, sans mettre en cause la politique générale du


gouvernement, manifester sa méfiance à l’égard d’un seul ministre (pas par une motion de
méfiance !).

Dans ce cas, même avant l’instauration des mécanismes de parlementarisme rationalisé, le


vote de méfiance n’entraînait pas ipso facto la démission de l’ensemble du cabinet. Il
convient d’apprécier si la solidarité gouvernementale doit jouer.

Il appartient aux membres de l’assemblée qui mettent en cause la responsabilité d’un


ministre de préciser si celui-ci est seul concerné par leur interpellation ou si, à travers lui,
c’est la politique générale du gouvernement qui est visée.

Ensuite, une fois qu’un membre du gouvernement est politiquement et personnellement mis
en cause devant l’assemblée il se trouve devant une alternative :
- Soit il anticipe la décision de l’assemblée et démissionne ;
- Soit il refuse de s’effacer, contraignant tant l’assemblée et le gouvernement à prendre
position à son égard ;

Il appartient alors au Premier ministre de faire savoir si son gouvernement est, ou non,
solidaire du ministre mis en cause.

- Si la solidarité est affirmée et que le ministre est désavoué, le gouvernement entier remet
sa démission au chef de l’Etat ;
- Si le cabinet n’est pas solidaire, il est contraint de démissionner seul ;

• Si, par impossible, il refuse de se plier au verdict de l’assemblée, le Premier ministre n’a
pas d’autre possibilité que de demander au Roi de le révoquer ;

En réalité, il appartient au Premier ministre de faire connaître la position de son


gouvernement à ce propos, mais il s’exprime alors en tant que primus inter pares[1]. La
solidarité gouvernementale ne peut être proclamée qu’après une délibération collégiale de
l’ensemble du cabinet ou à tout le moins du kern.

La responsabilité politique des ministres et des secrétaires d’Etat s’exerce devant la seule
Chambre des représentants. Lorsqu’un membre du gouvernement fédéral voit sa
responsabilité engagée devant cette assemblée, il est contraint, en vertu de la coutume
constitutionnelle, à la démission.

(La responsabilité politique d’un peut se concevoir même en l’absence de faute personnelle,
il peut assumer « tout ce qui se fait ou ne se fait pas sous son égide »)

La question de savoir quand un ministre doit démissionner et quand il doit s’y refuser est
complexe.

Pour qu’un ministre demeure en fonction il faut :


- Qu’il n’ait personnellement commis aucune faute et qu’il n’ait accompli aucun acte ou ne se
soit rendu coupable d’aucune abstention qui soit à l’origine du fait grave qui s’est produit ;
- Qu’il ait conservé toute l’autorité requise pour tirer toutes les conséquences des fautes
commises sous son égide.

Si aucun reproche ne peut lui être adressé sur son attitude passée et qu’il garde une marge
de manœuvre intacte pour mener à l’avenir sa politique une démission ne s’impose pas, et
pire, peut apparaître comme un refus d’assumer sa responsabilité.

129
Dans le domaine de la responsabilité individuelle des ministres comme dans celui de la
responsabilité collégiale du gouvernement, le Parlement n’est plus appelé à jouer un rôle
actif et déterminant. Le gouvernement ou le ministre concerné anticipe la position supposée
de l’assemblée et démissionne avant même de s’expliquer devant celle-ci.

Exemple :

En 1946, le sénateur Henri Rolin met en cause le ministre de la Justice Adolphe Van
Glabbeke pour les graves ingérences qu’il a commises dans le libre exercice de la justice en
matière de collaboration économique. Il accuse le ministre d’avoir mis en péril « l’impartialité
et l’indépendance de la justice, qui ne peut, à aucun moment et sous aucune forme, subir ni
les objections, ni les suggestions, ni les sollicitations du pouvoir exécutif ».

Le sénateur Rolin précise également que seul le ministre Van Glabbeke est en cause et
qu’en aucun cas l’ensemble du gouvernement n’est visé.

Quelques jours plus tard, le Premier ministre, dans l’espoir d’éviter un vote de méfiance à
l’encontre du ministre de la Justice, affirme la solidarité de l’ensemble du gouvernement et
propose l’adoption d’un ordre du jour de confiance du gouvernement. Celui-ci est rejeté par
79 voix contre 78 et 3 abstentions. Le Premier ministre, Achille Van Acker, offre alors la
démission de son gouvernement au Régent.
[1] Personne présidant une assemblée sans avoir de pouvoir propre

104. Expliquez et commentez la démission d’Yves LETERME et de Jo VANDEURZEN

Voir La démission d’Yves LETERME et de Jo VANDEURZEN — P. 485 du précis.

=> Les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Fortis ont simplement
révélé un contact entre un magistrat détaché au cabinet du Premier ministre et le
représentant du ministère public chargé de donner un avis à l’audience. Il n’y avait là rien de
choquant dès lors que le ministère public est censé exprimer la position de l’exécutif dans le
débat judiciaire, qu’en l’espèce, il ne s’agissait d’ailleurs que de délivrer un simple avis et
que l’enquête parlementaire n’a révélé aucune pression sur le parquet, mais simplement une
divergence de vues sur une question juridique. Par contre, sont particulièrement choquantes
les accusations sans preuve portée par le Premier président de la Cour de cassation, lequel
a de toute évidence lourdement violé la séparation des pouvoirs.

105. Expliquez et commentez la non démission des ministres JAMBON et GEENS

Voir la non démission des ministres JAMBON et GEENS — P. 486 du précis.

=> Les ministres annoncent tout à la fois leur intention de démissionner et le fait qu’à la
demande du Premier ministre, ils renoncent à s’engager dans cette voie. Chacun appréciera
la sincérité de ce processus et d’aucuns pourront se demander s’il ne s’agit pas dans le chef
des intéressés d’une mise en scène concertée visant précisément, après la survenance d’un
fait d’une extreme gravité, à éviter de devoir abandonner leurs fonctions.

106. Analysez la question de la responsabilité individuelle d’un ministre régional en se


référant à l’affaire Furlan ?

Un membre d’un gouvernement régional ou communautaire n’est tenu de démissionner que


si sa responsabilité est engagée à la suite d’un vote d’une motion de méfiance
constructive (recevable que si elle présente un successeur + vote sur la motion après 48h +
majorité absolue des membres de l’assemblée).

L’adoption d’une telle motion entraîne la démission du membre contesté et l’élection de son
successeur.

130
Légalement, même si des fautes graves ont été commises sous son égide de ministre mais
que le Parlement est incapable de voter une motion de méfiance constructive, l’intéressé
n’est pas contraint à la démission.

Il peut, cependant, en conscience, démissionner spontanément et calquer son attitude sur


celle qui devrait être celle d’un membre du gouvernement fédéral placé dans les mêmes
conditions.

Janvier 2017 – Affaire Paul Furlan :

En janvier 2017, l’opposition libérale et écologiste entend engager la responsabilité


individuelle du ministre des Affaires intérieures de la Région wallonne, Paul Furlan. Il lui est
reproché un contrôle insuffisant de l’intercommunale Publifin et de sa filiale Nethys.

Les auteurs de la motion sont conscients qu’il ne leur appartient pas, à partir des bancs de
l’opposition, de choisir le ministre qui le remplacerait. Ains, la motion de méfiance déposée
ne vise pas à remplacer le ministre mis en cause, mais à ce que ses attributions soient
réparties entre les autres membres du gouvernement. A juste titre, les services du Parlement
wallon constatent qu’une telle motion est irrecevable.

Les signataires décident donc de lui substituer une motion de méfiance dirigée contre
l’ensemble du gouvernement en proposant de remplacer les membres de celui-ci par eux-
mêmes, à l’exception de Paul Furlan.

Celui-ci démissionne avant que le Parlement ait à se prononcer sur la motion. Ce précédent
démontre l’inadéquation du régime de responsabilité individuelle des ministres régionaux et
communautaires mis en œuvre par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles.

- Il n’est pas cohérent d’appliquer un mécanisme « constructif » concernant la responsabilité


individuelle d’un ministre, dès lors que les parlementaires de l’opposition n’ont pas vocation
à lui désigner un remplaçant ;

- L’incapacité de pouvoir déposer une motion de méfiance non constructive d’un ministre
régional ou communautaire a pour conséquence que les initiateurs de cette motion sont
contraints à engager la responsabilité de l’ensemble du gouvernement alors que leurs
griefs ne concernaient que l’un de ses membres ;

- Des parlementaires de l’opposition sont contraints de manifester expressément leur


confiance aux autres membres du gouvernement en proposant qu’ils soient à nouveau
réélus en cette qualité, alors même que, le plus souvent, ils désapprouvent et critiquent
leur politique.

Le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale :


Les membres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, à l’exception de son
président, engagent leur responsabilité individuelle non devant le Parlement dans son
ensemble, mais devant les membres du groupe linguistique auquel ils appartiennent. Il en
est de même en ce qui concerne les secrétaires d’Etat régionaux.

Le président du gouvernement, par contre, ne peut être renversé que par un vote de
méfiance du Parlement, considéré dans son ensemble.

Cela implique notamment que si la majorité du Parlement entend engager la responsabilité


d’un membre néerlandophone du gouvernement et que celui-ci conserve la confiance dans
son groupe linguistique, elle ne peut le contraindre à la démission.

Il lui est même impossible d’engager la responsabilité de l’ensemble du gouvernement


régional, puisque celui-ci ne peut être renversé que moyennant le vote d’une motion de

131
méfiance constructive par l’ensemble du Parlement, d’une part, et par chacun des groupes
linguistiques qui le composent, d’autre part.

107. Comparez les modalités de démission des ministres au niveau fédéral et au niveau
régional et communautaire ?

Gouvernement fédéral Gouvernement régional ou


communautaire
Démission du • Méfiance constructive • Rejet d’une question de confiance /
gouvernement Perte de cohésion de la majorité au
L’adoption d’une motion de méfiance Parlement / Démission d’un ou plusieurs
constructive emporte l’élection du de ses membres rendant impossible les
formateur du gouvernement. délibérations

Le gouvernement remet sa démission au Remplacé « sans délai » (= dans le délai le


Roi, il est démissionnaire mais non encore plus court possible - LSRI 8/08/1980)
remplacé —> affaires courantes jusqu’à
l’entrée en fonction du nouveau Tant qu’il n’est pas remplacé, le
gouvernement. gouvernement démissionnaire expédie les
affaires courantes (art. 73, al. 2, LSRI
Si le formateur élu par la Chambre 8/08/1980).
échoue dans sa mission de formation du
nouveau gouvernement, le Roi peut
refuser la démission du gouvernement.

• Démission spontanée / Rejet non


constructif d’une question de
confiance

=> 3 phases :
- Le gouvernement, par la voix du
Premier ministre, remet sa démission au
Roi ;
- Le Roi la refuse ou l’accepte
officieusement (+ les charge des affaires
courantes) ;
- Lorsqu’un nouveau gouvernement est
constitué, le Roi nomme un nouveau
Premier ministre, sous le contreseing
duquel il accepte officiellement la
démission de l’ancien gouvernement.

Démission de Suppose l’existence de deux actes • Démission spontanée / Survenance


membre(s) du juridiques : d’une incompatibilité / Perte de la
gouvernement qualité de membre du Parlement /
- l’intéressé présente sa démission (pas Décès / Motion de méfiance constructive
de procédure formalisée : écrire
directement au Roi, profiter d’une Remplacé « sans délai » (= dans le délai le
audience que celui-ci lui accorde ou plus court possible - LSRI 8/08/1980)
écrire au Premier ministre pour l’inviter
à présenter sa démission au Roi ; Un seul acte suffit pour consacrer la
démission du ministre, il annonce sa
- la démission doit être acceptée par le démission soit :
Roi (s’il refuse celle-ci, c’est en fait que - à une assemblée ;
le ministre accepte de rester en - par une lettre au président du Parlement,
fonction). lequel en informe l’assemblée ;
- en en informant le Ministre-Président qui, à
son tour, fait part de cette décision au
président du Parlement.

132
108. Quand un gouvernement doit-il expédier les affaires courantes, quelle est la limite des
actes qu’il est en droit de poser et quels sont les différents types d’affaires courantes ?

Gouvernement fédéral démissionnaire :

Le Conseil d’Etat se réfère à la dynamique des rapports qui se nouent entre les pouvoirs.
Pour déterminer si le gouvernement fédéral doit limiter son action à l’expédition des affaires
courantes, il suffit d’avoir égard à l’existence du contrôle parlementaire. Si celui-ci est
rendu impossible du fait de la démission du gouvernement ou de la dissolution de
l’assemblée, le gouvernement limite son action à l’expédition des affaires courantes (donc
pas de ≠ entre le gouvernement démissionnaire confronté à une assemblée en activité et
celui qui, sans être démissionnaire, ne peut plus être contrôlé du fait de la dissolution de
l’assemblée).

Selon la logique du CE, le gouvernement fédéral est également tenu d’expédier les affaires
courantes si le pouvoir exécutif clôture la session parlementaire après 40 jours d’activité de
la Chambre[1], étant donné qu’il échapperait au contrôle de celle-ci. Il en va de même en cas
d’ajournement des Chambres décidé par le Roi en vertu de l’article 45 de la Constitution.

- Affaires courantes :
Un gouvernement démissionnaire doit limiter son action à l’expédition des affaires
courantes ; il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires destinées à assurer la
continuité du fonctionnement des institutions.

Le Conseil d’Etat se déclare, depuis son arrêt du 14 juillet 1975, compétent pour sanctionner
un gouvernement qui a pris un acte administratif qui excède le cadre des affaires courantes :
« La règle qui limite les compétences du Gouvernement fédéral en période d’affaire
courantes n’est inscrite comme telle dans aucune disposition de la Constitution ni dans
aucune disposition légale mais constitue une coutume constitutionnelle liée au principe de la
continuité du service public et au principe de la responsabilité ministérielle dans un système
parlementaire ».

Le CE distingue les affaires courantes et les affaires de gouvernement :

Lorsqu’un gouvernement ne dispose plus de la plénitude de ses pouvoirs pendant la période


où il échappe au contrôle des assemblées élues, il peut uniquement expédier les affaires
courantes. Cette notion s’oppose à celle d’ « affaires de gouvernement » qui concerne des
affaires impliquant des options dont l’importance sur le plan de la politique générale est par
essence telle que ces affaires ne pourraient être décidées que par un gouvernement qui a
l’appui du parlement et qui risque de perdre cet appui en raison de la décision qu’il a prise.

3 types d’affaires courantes :

• Affaires relevant de la gestion quotidienne des affaires publiques


Celles dont l’intérêt politique est à ce point ténu qu’elles ne sont pas susceptibles de
mettre sous pression la relation de confiance entre le gouvernement et le parlement.

• Affaires en cours
Celles qui constituent l’aboutissement normal de procédures entamées avant la démission
du gouvernement, et ce « pour autant que le résultat de cette procédure n’ait pas, sur le
plan de la politique générale, une importance telle qu’elle ne puisse être décidée que par un
gouvernement jouissant de la confiance du Parlement ».

• Affaires urgentes
Celles qui, si elles n’étaient pas réglées sur-le-champ, risqueraient de causer un préjudice
irréparable à la collectivité[2].

133
Il arrive que certaines affaires participent à plusieurs catégories d’affaires courantes, ex.
défense des intérêts de l’État dans des procédures juridictionnelles.
Crise politique d’avril 2010 à décembre 2011 : plus la crise dure, plus des questions qui ne
l'étaient pas deviennent urgentes et peuvent être réglées par un gouvernement
démissionnaire.

Autrement dit, une décision qui, en temps normal, aurait été considérée comme une affaire
de gouvernement peut, en raison de l'urgence et d'une conjoncture politique hautement
incertaine, basculer dans la catégorie des affaires courantes.

Gouvernement régional ou communautaire démissionnaire :

L’article 73, alinéa 2, de la LSRI du 8 aout 1980 prévoit, quant à lui, que, « Tant qu’il n’est
pas remplacé, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes ».

Cette disposition ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’ensemble du


gouvernement est démissionnaire => parallélisme avec les principes applicables au
gouvernement fédéral.

La gestion des affaires courantes par le gouvernement démissionnaire est donc appliquée
lorsque :
- une question des confiance est rejetée ;
- la majorité sur laquelle s’appuyait l’organe exécutif a perdu sa cohésion (la démission
spontanée n’a pas été envisagée par le législateur spécial) ;
- à la suite de la démission de plusieurs de ses membres, il n’est plus en mesure de
délibérer valablement.

Si le gouvernement régional ou communautaire a démissionné avant les élections, la


question ne se pose pas : il doit expédier les affaires courantes.

Si le gouvernement prononce la clôture de la session parlementaire avant la veille du jour où


le Parlement se réunit de plein droit, il doit limiter son action à l’expédition des affaires
courantes.

Si le Parlement s’ajourne, le gouvernement dispose de la plénitude de ses attributions - CE :


« l’ajournement des travaux, qui n’équivaut pas à une clôture de la session, n’empêche pas
le Parlement de se réunir et de censurer l’action du Gouvernement, en dépit de la proximité
du jour des élections ».

Si le gouvernement régional ou communautaire démissionne en raison de la fin de la


législature :

Pour des raisons techniques, les gouvernements des régions et des communautés peuvent
difficilement démissionner effectivement au lendemain des élections. En effet, les organes
qui les ont élus et qui seuls sont habilités à recevoir leur démission – à savoir les
assemblées, ou à tout le moins le président de celles-ci – ne sont pas en mesure de se
réunir immédiatement.

La démission du gouvernement régional ou communautaire ne devient effective que lors de


la 1ère réunion de l’assemblée devant laquelle il est responsable. Jusque-là, n’étant plus
contrôlé par l’assemblée, il est néanmoins tenu de limiter son action à l’expédition des
affaires courantes.

Pendant la période qui s’écoule entre le jour des élections du Parlement – moment où la
démission du gouvernement devient inéluctable – et le jour des élections effectives du
nouveau gouvernement[3], les membres du gouvernement régional ou communautaire
doivent limiter leur action à l’expédition des affaires courantes, puisqu’ils ne sont plus soumis
au contrôle effectif de l’assemblée.

134
[1] 44 C.
[2] Par exemple, les arrêtés ministériels pris par le gouvernement démissionnaire pendant la crise du
coronavirus
[3] Attention : pas « le jour de l’élection » au sens de 60, § 2 (cf. schéma)

109. Quels actes peut poser un Parlement lorsque le gouvernement qui est responsable
devant lui est démissionnaire ?

Cette question est particulièrement importante quand les crises politiques précédant la
formation du gouvernement durent très longtemps.
Elles peuvent :

- Expédier « leurs propres affaires courantes » ;

- Voter les projets de lois nécessaires au fonctionnement normal du service public, tels
ceux qui concernent les contingents de l’armée ou les douzièmes provisoires.

- Exercer leurs propres attributions exclusives : pourvoir à leurs organisation interne, user
du droit d’enquête, intervenir dans le processus de mise en œuvre de la responsabilité
pénale des ministres, procéder aux nominations et présentations qui relèvent de leurs
attributions, etc ;

- Exercer un contrôle sur la manière dont le gouvernement expédie les affaires courantes ;

Les membres des assemblées peuvent poser des questions parlementaires et interpeller le
gouvernement. Ce contrôle est cependant amputé de sa sanction ultime dès lors qu’il est
impossible de renverser un gouvernement démissionnaire ou de contraindre un ministre
démissionnaire à se démettre. Cependant, il permet une publicité de l’action des
gouvernants à un moment où elle se caractérise souvent par son opacité.

Ce contrôle est un contrôle négatif visant à empêcher le gouvernement de poser certains


actes ou de contester certaines décisions déjà prises.

- Une délibération claire de l’assemblée pourrait fonder une décision gouvernementale qui,
sinon, n’aurait pu être prise en raison même du principe selon lequel le gouvernement
démissionnaire limite son action à l’expédition des affaires courantes ;

- Si le gouvernement dépose un projet de loi qui est voté à l’assemblée, celle-ci a, de fait,
effectué un contrôle sur son action et légitimé son initiative.

Pour tous les actes accomplis en commun entre le gouvernement et l’assemblée –


notamment ceux qui concourent à l’exercice de la fonction législative – le gouvernement ne
peut agir effectivement que si il est soutenu par une majorité parlementaire.

Si une norme législative a été votée avant les élections et que l’autorité exécutive est
appelée à la sanctionner après celle-ci, le gouvernement n’a pas la garantie que le nouveau
Parlement partage les vues de l’ancienne assemblée et que sa responsabilité politique ne
puisse pas être engagée s’il sanctionne cette norme. Il s’indique donc qu’il s’abstienne d’user
de son pouvoir de sanction. Il n’en irait autrement que si l’urgence exige que cette norme
produise directement ses effets ou si le Parlement, par exemple, par le vote d’une résolution,
l’invite à la sanctionner.

Enfin, l’exercice de la fonction législative est paralysé, au niveau fédéral et dans le cadres
des institutions régionales bruxelloises, lorsque la procédure de la sonnette d’alarme a été
mise en œuvre. Le gouvernement étant démissionnaire et appelé à jouer un rôle régulateur
essentiel dans cette procédure, celle-ci est, de fait, vidée de son sens. Il est, dès lors,
inévitable que, dans ce cas, la procédure législative soit suspendue et ne reprenne qu’après
la formation du nouveau gouvernement.

135
Le gouvernement a d’ailleurs le droit de déposer des amendements lors de l’examen de
propositions de loi en commission ou en séance plénière. Le contrôle à l’égard du
gouvernement démissionnaire est en effet suffisamment garanti par le vote sur les
amendements que celui-ci a déposés.

• Les questions de réflexion (liens)

64. Réflexion sur les cas où un gouvernement est tenu de démissionner – lien avec le
parlementarisme rationalisé (leçon 9) et les gouvernements minoritaires (leçon 14).
65. Réflexion sur les pouvoirs de révocation des ministres – lien avec les pouvoirs du Roi
(leçon 23).
66. Réflexion sur la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement de la
Région de Bruxelles-Capitale et de ses membres - liens avec les groupes linguistiques
(leçon 12), la formation des gouvernements (leçon 14) et les institutions bruxelloises
(leçon 26).
67. Réflexion sur les affaires courantes et prudentes – lien avec le pouvoir d‘un
gouvernement démissionnaire de contresigner une déclaration de révision de la
Constitution (leçon 3) et sur les pouvoirs du Parlement en temps de crise (leçon 15).

136
Leçon 16 : La responsabilité pénale des ministres

• La matière à étudier

- La protection absolue des membres des organes gouvernementaux – L’irresponsabilité


- pénale et civile des ministres (n°1)
- Le régime originaire (n°2 à 9)
- Le régime actuel – les poursuites (n°10 à 17)
- Le régime actuel – rôle de l’assemblée, jugement, cumul et responsabilité civile (n°18 à 24)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Cass. 12 juin 1985, Vanden Boeynants


- Cass 7 mai 2014, Vancauwenberghe
- Cass, 12 février 1996, INUSOP
- CC n°60/96 du 7 novembre 1996 –privilège de juridiction
- CEDH, 22 juin 2000, Inusop
- Affaire Di Rupo

• Les questions de fondement

99. Un ministre fédéral pris en flagrant délit peut être mis en détention préventive sans
autorisation de l’assemblée

Art. 17 de la loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des ministres :


« Hormis le cas de flagrant délit, l'arrestation et la mise en détention préventive d'un
ministre ne sont possibles qu'en vertu de l'autorisation de la Chambre des représentants ».

100. Un parlementaire fédéral pris en flagrant délit peut être mis en détention préventive
sans autorisation de l’assemblée

Article 59 de la Constitution :
« Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut,
pendant la durée de la session, en matière répressive, être renvoyé ou cité directement
devant une cour ou un tribunal, ni être arrêté, qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait
partie.

Sauf le cas de flagrant délit, les mesures contraignantes requérant l'intervention d'un juge ne
peuvent être ordonnées à l'égard d'un membre de l'une ou l'autre Chambre, pendant la
durée de la session, en matière répressive, que par le premier président de la cour d'appel
sur demande du juge compétent. Cette décision est communiquée au président de la
Chambre concernée. »

101. Un ministre régional pris en flagrant délit ne peut être renvoyé devant une juridiction
sans autorisation de l’assemblée

Art. 17 de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des membres des
gouvernements de communauté ou de région :
« § 1er. Hormis le cas de flagrant délit, l'arrestation et la mise en détention préventive d'un
membre d'un gouvernement de communauté ou de région ne sont possibles dans les cas
visés à l'article 2, § 2, qu'en vertu de l'autorisation du conseil devant lequel le membre est ou
était responsable.

137
Si le membre fait partie de plusieurs gouvernements, l'autorisation est requise du conseil
devant lequel il est ou était responsable, compte tenu de la qualité en laquelle il a commis
les faits.

§ 2. Hormis le cas de flagrant délit, l'arrestation et la détention préventive d'un membre d'un
gouvernement de communauté ou de région pendant l'exercice de ses fonctions ne sont
possibles dans les cas visés à l'article 2, § 3, qu'en vertu de l'autorisation du conseil devant
lequel le membre est responsable au moment de la demande d'autorisation.

Si le membre fait à ce moment-là partie de plusieurs gouvernements, l'autorisation du


conseil de région est requise ».

• Les questions de fond

110. Quand et dans quelles limites un ministre ou un ancien ministre bénéficie-t-il du régime
de protection institué par l’article 103 de la Constitution ?

Régime transitoire de l’article 103 de la Constitution appliqué jusqu’en 1998 : la Chambre des représentants aura
un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre, et la Cour de cassation pour en juger, dans les cas et
moyennant application des peines prévues par les lois pénales.

• 1982 : Si les poursuites ont lieu pendant le temps des fonctions ministérielles, la Cour de cassation est
compétente même si le fait a été commis en dehors de leur exercice. Si les poursuites sont exercées après la
cessation des fonctions, le ministre est jugé par la Cour de cassation ou par les juridictions de droit commun,
selon que l’infraction se rattache ou non à l’exercice des fonctions ministérielles => voir affaire Vanden
Boeynants.

• Avril 1995 : avant la dissolution des chambres, le législateur adopte une loi portant exécution temporaire et
provisoire de l’article 103 ancien de la Constitution. Il était prévu que, sur proposition motivée du Procureur
général près la Cour de cassation, la Chambre peut ordonner que les actes d’instruction qu’elle indique, à
l’exception de l’arrestation, soient accomplis à l’égard d’un ministre.

*****
• Régime actuel (réforme de 1998) : le système mis en œuvre s’applique aux infractions
commises par des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi qu’à celles commises
en dehors de l’exercice de celles-ci, mais pour lesquelles ils sont jugés pendant leur
mandat ministériel.

Les ministres sont désormais jugés par la cour d’appel.

Les ministres peuvent être poursuivis pour toutes les infractions contenues dans le droit
commun, mais uniquement pour celles-ci => plus infractions spécifiques à l’exercice de la
fonction ministérielle.

Le régime mis en œuvre s’applique à toutes les infractions commises par les ministres, en ce
compris les contraventions.

Désormais, l’autorisation de l’assemblée n’est plus requise que dans trois cas :
1. La réquisition en vue du règlement de la procédure ;
2. La citation directe devant la cour d’appel ;
3. L’arrestation hormis le cas de flagrant délit.

En dehors de ces trois hypothèses, les poursuites peuvent être intentées librement par le
ministère public. Cette liberté fait, cependant, l’objet de quelques limitations visant à protéger
les ministres :
• Les poursuites ne peuvent être intentées et dirigées que par le parquet près la cour
d’appel compétente ;
• Les actes d’instruction qui impliquent une contrainte requièrent l’intervention d’un collège
de trois conseillers parmi lesquels siège le conseiller instructeur.

138
À Bruxelles, les membres du collège de la commission communautaire flamande et française
ne bénéficient du régime d’exception que lorsqu’ils agissent dans une matière transférée en
vertu de l’article 138.

Le régime dérogatoire s’applique non seulement à la responsabilité pénale, mais également


à la responsabilité civile consécutive à la commission d’une infraction.

111. Commentez la position de la Cour de cassation dans l’affaire INUSOP à propos du


ministre COËME ?

Voir Cass, 12 février 1996, INUSOP — P. 514 du précis.

La Cour de cassation est appelée à se prononcer sur la manière dont la Chambre a mis en
accusation le ministre Coëme. Il lui est fait grief ne pas avoir respecté les droits de la
défense.

La Cour de cassation rappelle que la Chambre des représentants disposait d’un pouvoir
discrétionnaire d’accuser les ministres et de les traduire devant elle. À son estime, la
séparation des pouvoirs s’oppose à ce qu’elle s’érige en juge de la régularité du mode de
procéder de la Chambre des représentants. Après avoir posé ce principe, la Cour y apporte
un démenti en constatant qu’à supposer les griefs invoqués par Guy Coëme fondés, « ils ne
vicieraient pas la procédure de manière irréparable entrainant l’irrecevabilité des
poursuites ».

Cette argumentation n’échappe pas à la critique :

• Le pouvoir discrétionnaire de la Chambre ne la dispense pas de respecter les droits de la


défense consacré par des dispositions internationale ;

• La Cour de cassation refuse d’interroger la Cour constitutionnelle à titre préjudiciel sur la


compatibilité de certaines dispositions du CIC relatives à la connexité avec les articles 10
et 11 de la Constitution (violation art. 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989). En effet, les
règles applicables à la connexité ont fait que toutes les personnalités impliquées dans
l’affaire INUSOP ont « bénéficié » du privilège de juridiction applicable au ministre Coëme
et ont ainsi perdu leur droit à un double degré de juridiction.

=> La Cour de cassation entendait probablement éviter qu’un détour préjudiciel par la Cour
constitutionnelle ait pour conséquence de provoquer la prescription d’un certain nombre
d’infractions. Il n’est pas inconcevable non plus qu’elle ait souhaité conserver seule la
mainmise sur la procédure de mise en accusation des ministres. Ceci est d’autant plus
regrettable que la CC aurait probablement rendu une décision favorable à la Cour de
cassation.

112. Quelle position adopte la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans les affaires INUSOP et AGUSTA ?

Affaire INUSOP :

Voir Cass, 12 février 1996, INUSOP — P. 514 du précis.

La CEDH a sévèrement sanctionné la Belgique pour la manière dont a été mené le procès
INUSOP — 2 griefs sont retenus par la Cour :

• 1er grief : La CEDH estime qu’il y a eu violation de l’article 6.1 de la Convention


européenne (droit à un procès équitable) en raison de l’absence de loi d’application
régissant la procédure d’examen du bien-fondé des poursuites dirigées contre les ministres
en application de l’article 103 de la Constitution => les parties n’ont pas pu connaitre à
l’avance toutes les modalités de la procédure qui seraient suivies.

139
• 2e grief : Concernant les autres personnalités poursuivies, la CEDH estime qu’il y a
violation de l’article 6, §1 dans la mesure ou la Cour de cassation n’est pas un tribunal
« établi par la loi » au sens de l’article 6 pour examiner les poursuites mues à leur encontre
=> la CEDH estime qu’aucune disposition ne prévoyait la possibilité d’étendre la
juridiction de la Cour de cassation à des inculpés autres que des ministres pour des
infractions connexes à celles pour lesquelles les ministres étaient poursuivies.

Affaire Agusta-Dassault :

La CEDH confirme que la Cour de cassation n’a pas pu valablement faire application de la
connexité pour attraire devant elle les prévenus qui n’étaient pas ministres.

En revanche, elle constate que les ministres Coëme et Claes ne peuvent pas se prévaloir de
l’absence de normes de droit suffisamment accessibles et prévisibles quant à la procédure,
dès lors que l’arrêt rendu dans l’affaire Inusop constituait un précédent judiciaire et qu’ils
avaient donc pu profiter des clarifications jurisprudentielles.

113. Comparez la procédure en matière de poursuites applicable aux ministres et aux


parlementaires.

Si le régime protectionnel dont bénéficient les ministres s’est sensiblement rapproché de


celui des parlementaires, il subsiste quelques différences.
1ère différence :

Pour les parlementaires : le parquet ne doit solliciter l’autorisation de l’assemblée que


lorsqu’il s’agit de renvoyer l’intéressé devant une juridiction de jugement.

Pour les ministres : L’autorisation doit être sollicitée par le procureur général avant toute
réquisition devant la chambre des mises en accusation (renvoi mais aussi un non-lieu). Dès
lors que la juridiction n’est pas liée par les réquisitions de non-lieu du parquet, un ministre
peut être renvoyé devant une juridiction de jugement alors que le parquet souhaite un non-
lieu.

=> Protection plus forte et plus cohérente des parlementaires.

2e différence :

Le ministre ne peut pas, contrairement à un parlementaire, solliciter de l’assemblée qu’elle


suspende les poursuites. Elle ne peut d’ailleurs pas non plus prendre pareille initiative.

3e différence :

Les parlementaires peuvent être arrêtés ou renvoyés devant une juridiction de jugement
sans intervention de l’assemblée pour autant qu’il y ait flagrant délit.

Pour les ministres, cette exception ne joue qu’en ce qui concerne l’arrestation. Même en
cas de flagrant délit, le procureur général doit requérir l’autorisation de l’assemblée avant de
solliciter le renvoi d’un ministre devant une juridiction de jugement ou de le citer directement
devant celle-ci.

=> Système applicable aux ministres plus cohérent.

4e différence :

Le ministre en exercice est protégé pendant toute la durée de sa fonction, alors que le
parlementaire cesse de l’être entre deux sessions et entre deux législatures.

140
Un ancien parlementaire perd toute protection alors qu’un ancien ministre bénéficie
toujours du régime d’exception pour les faits qui relevaient de l’exercice de ses fonctions
ministérielles.

Point commun : Les règles applicables concernant l’arrestation :

- Autorisation requise pour l’arrestation judiciaire (Max. 24 heures) ;


- Autorisation requise pour la délivrance d’un mandat d’arrêt par un juge d’instruction (à la
suite duquel la détention préventive prend cours) ;
- Autorisation non requise en cas d’arrestation administrative opérée par la police dans le
cadre de ses missions de police administrative ou en cas de mandat d’amener délivré par
un juge d’instruction.

=> En cas de concurrence entre le régime de protection des parlementaires et celui des
ministres, c’est ce dernier qui prévaut.

114. Quel est le rôle de l’assemblée dans la mise en œuvre de la responsabilité des
ministres ?

En vertu de l'article 12, alinéa 1et des lois ordinaires et spéciales du 25 juin 1998 :
« Sans se prononcer sur le fond du dossier, {l’assemblée} vérifie si la demande est sérieuse.

Elle peut refuser son autorisation lorsqu'il s’avère:


- que tant l'action publique que les faits sont manifestement fondés essentiellement sur des
motifs politiques ;
- que les éléments fournis sont irréguliers, arbitraires ou insignifiants ».

L’assemblée constitue un filtre entre la phase d’information ou d’instruction et la phase de


jugement.

L'assemblée est confrontée à une alternative impossible :


- soit elle fait naturellement confiance aux autorités judiciaires et se contente d’effectuer un
contrôle marginal => dans ce cas, rôle de filtre privé d’effet utile ;
- soit elle estime qu’elle doit vérifier in concreto les intentions du ministère public => doit
effectuer un examen approfondi, ce que le législateur veut éviter.

• Les questions de réflexion (liens)

68. Réflexion et comparaison du régime de protection absolue et relative des ministres et


de celui des parlementaires en recensant toutes les différences et en déterminant quel
est le régime le plus avantageux ? (lien avec la leçon 10).
69. Réflexion sur la situation d’un particulier qui est poursuivi aux côtés d’un ministre pour
s’être rendu coupable d’un délit politique ou d’un délit de presse (liens avec les leçons
1 et 19).

141
Leçon 17 : Les fonctions des gouvernements

• La matière à étudier

- Généralités (n°1 et 2)
- Distinction entre règlement et décision individuelle (n°3 à 4)
- Le pouvoir règlementaire d’exécution (n°5 à 10)
- Le pouvoir règlementaire d’attribution (n°11 à 15)
- Le pouvoir règlementaire direct (n°16)
- Le pouvoir du Roi en matière judiciaire (n°23)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE. n°198.186 du 24 novembre 2009, Soors - CE, n°160.544 du 24 juin 2006, Vantomme
et cs – motivation formelle
- CE, n° 82.791 du 8 octobre 1999, Ceder – pouvoir règlementaire d’exécution
- CE, n°211.502 du 24 février 2011, ASBL Théâtre Jacques Gueux et CE, n°242.124 du 16
juillet 2018, Al Shankety
- Cass Gérardrie Immo c/ Ville de Liège
- Jurisprudence CE – Cour d’appel de Mons sur les circulaires Peeters, Martens et
Vandenbrande
- Cass, 3 mai 1974, Le Compte – pouvoirs spéciaux

• Les questions de fondement

102. Le Roi peut exercer seul le pouvoir législatif pendant les guerres

Jurisprudence :
- Cass., 11 février 1919 ;
- Cass., 17 octobre 1949 ;
- Cass., 18 octobre 1949 ;
- Cass., 19 décembre 1949 ;
- Cass., 4 septembre 1961.

103. Le Roi exerce le pouvoir exécutif

Article 37 de la Constitution :
« Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution ».

104. Le Roi n’a d’autre pouvoir que celui qui lui est réservé par la Constitution et les lois
prises en vertu de celle-ci

Article 105 de la Constitution :


« Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les
lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».

105 Le Roi exécute les lois

Article 108 de la Constitution :


« Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir
jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution ».

142
106. Le législateur fédéral ne peut confier directement un pouvoir d’exécution de la loi à un
ministre

Article 108 et 33, al. 2, de la Constitution

107. Tout acte administratif doit faire l’objet d’une motivation formelle

Article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs :
« Les actes administratifs des autorités administratives visées à l'article premier doivent faire
l'objet d'une motivation formelle ».

108. Les ministres régionaux peuvent se voir déléguer des compétences règlementaires

Article 69 de la LSRI du 8 août 1980 :


« Sans préjudice des délégations qu'il accorde, chaque (Gouvernement) délibère
collégialement, selon la procédure du consensus suivie en Conseil des Ministres, de toutes
affaires de sa compétence ».

109. Le législateur peut confier des pouvoirs spéciaux au Roi

Article 105 de la Constitution :


« Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les
lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».

110. Le Roi fixe le statut des agents de l’Etat fédéral


Article 107 de la Constitution :
« Le Roi confère les grades dans l'armée.

Il nomme aux emplois d'administration générale et de relation extérieure, sauf les exceptions
établies par les lois.

Il ne nomme à d'autres emplois qu'en vertu de la disposition expresse d'une loi ».

111 Les gouvernements régionaux fixent le statut des fonctionnaires régionaux

Article 87 de la LSRI du 8 août 1980 :


« §1. Sans préjudice de l'article 88, chaque Gouvernement dispose en propre d'une
administration, d'institutions et d'un personnel.
§2. Chaque Gouvernement fixe le cadre du personnel de son administration et procède aux
nominations, (...). Ce personnel est recruté par l'intermédiaire du Secrétariat permanent de
recrutement du personnel de l’Etat.

Il prête serment, conformément aux dispositions légales, entre les mains de l'autorité que le
Gouvernement désigne à cet effet.

§3. Les Communautés et les Régions fixent les règles relatives au statut administratif et
pécuniaire de leur personnel définitif, temporaire et auxiliaire, à l'exception des règles
relatives aux pensions. En matière de pensions, leur personnel est soumis aux règles
légales et statutaires applicables au personnel définitif, temporaire et auxiliaire de l’Etat.

(…) ».

112 Le Roi fixe le statut des membres des cabinets ministériels

Article 37, 107, alinéa 2, de la Constitution et article 87 de la LSRI du 8 août 1980.

143
• Les questions de fond

115. Qu’est-ce qu’un arrêté-loi, sa nature et sa validité juridique ?

Lors de circonstances exceptionnelles, et plus particulièrement lors des deux conflits


mondiaux, certaines branches du pouvoir législatif ont été paralysées au point de ne pouvoir
exercer leurs fonctions normales.

Dans un tel cas de force majeure, il est admis que le pouvoir législatif soit exercé au moyen
d'arrêtés-lois, pris par le seul organe ayant conservé sa liberté d'action, à savoir le Roi ou les
ministres réunis en conseil.

Ainsi, en 1914-1918, le Roi et les ministres, de même que les ministres réunis en conseil, en
1940-1944, ont exercé, seuls, le pouvoir législatif.

Dans un arrêt du 11 février 1919, la Cour de cassation décide que les arrêtés-lois pris
pendant la guerre sont des lois et que « c'est par application des principes constitutionnels
que le Roi, resté seul organe du pouvoir législatif ayant conservé sa liberté d'action a, sous
la responsabilité de ses ministres, pris par des arrêtés-lois les dispositions que commandent
impérieusement la défense du territoire et les intérêts vitaux de la Nation ».

Elle se prononce dans un sens identique à propos des arrêtés lois pris pendant la guerre de
1940-1944, alors que le roi Léopold III a refusé d'accompagner ses ministres dans leur exil
londonien.

Les ministres en exil ont constaté l'impossibilité dans laquelle le Roi se trouvait de régner et,
face à l'impossibilité de respecter la procédure prévue par l'article 93, ont fait une application
par analogie des dispositions relatives à l'interrègne. Les « ministres réunis en conseil » ont
donc exercé - « nom du Peuple belge » - tous les pouvoirs du Roi, en ce compris le pouvoir
législatif qu'il exerce seul lorsque les chambres sont paralysées.

116. Quels sont les critères permettant de distinguer un règlement d’une décision
individuelle ?

Un règlement est un acte non législatif, qui énonce une règle de droit. Il revêt, tout comme
la norme législative un caractère général, normatif et impératif.

L’arrêté règlementaire se caractérise par son caractère objectif et impersonnel. Sa vocation


est d’être opérant à l’égard de toutes les situations présentes ou à venir répondant à ses
prescriptions.
Le Conseil d’Etat précise que « l’acte règlementaire est celui qui a pour objet de pourvoir, par
des dispositions générales et abstraites, à l’établissement de normes de conduites pour le
présent et pour l’avenir ».

Les décisions individuelles, à l’inverse des règlements , ne contiennent aucune règle de


droit et n’ont pour destinataire que le nombre déterminé de personnes et de situations
qu’elles identifient. Elles ne produisent leurs effets qu’une seule fois, même si elles peuvent
avoir des conséquences juridiques ultérieures.

Le degré de généralité d’un acte administratif peut varier entre ces deux extrêmes que sont
les règles de droit applicables à l’ensemble de la population et l’acte qui n’a d’effet qu’à
l’égard d’une personne. Il existe une zone floue où il est difficile de déterminer si un acte a
une vocation règlementaire ou individuelle.

Intérêt de la distinction :
- L’acte règlementaire, pour autant qu’il s’agisse d’un arrêté émanant d’un organe exécutif
fédéral, régional ou communautaire, doit être soumis à l’avis préalable de la SLCE. Ce
n’est pas le cas des décisions individuelles ;

144
- Les juridiction peuvent, en tous temps, écarter l’application d’un acte règlementaire s’il
est contraire à une norme de droit supérieure, en vertu de l’article 159 de la Constitution.
Cette question est controversée pour ce qui est des décisions individuelles ;

- À l’inverse des actes règlementaires, les décisions individuelles doivent faire l’objet
d’une motivation adéquate formelle, en vertu de la loi du 29 juillet 1991.

117. Qu’elle est la portée du pouvoir règlementaire d’exécution – illustration par un cas de
jurisprudence ?

L’exécutif fédéral tire son pouvoir règlementaire d’exécution de l’article 108 de la


Constitution, énoncé comme suit « le Roi fait les règlements nécessaires pour l’exécution
des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur
exécution ».

En vertu des lois de réformes institutionnelles, les mêmes principes s’appliquent, mutatis
mutandis, aux gouvernements régionaux et communautaires.

La Cour de cassation en trace ainsi les contours : « Si le pouvoir exécutif, dans


l’accomplissement de a mission que lui confère l’article 108 de la Constitution, ne peut
étendre pas plus qu’il ne peut restreindre la portée de la loi, il lui appartient de dégager du
principe de celle-ci et de son économie générale les conséquences qui en dérivent
naturellement d’après l’esprit qui a présidé à sa conception et les fins qu’elle poursuit ».

Les règles figurant dans un arrêté d’exécution doivent donc se trouver au moins en germe
dans la norme législative. Les juridictions disposent d’une marge d’appréciation assez large
pour déterminer si le germe figurant dans la norme législative est suffisant pour fonder
l’exercice du pouvoir règlementaire de l’organe exécutif.

Voir CE, n° 82.791 du 8 octobre 1999, Ceder – pouvoir règlementaire d’exécution : une
chambre flamande du CE suspend l’arrêté au motif qu’il n’exécute pas l’article 9 de la loi du
15 décembre 1980, mais qu’il en modifie la portée. Le gouvernement est, dès lors, contraint
de renoncer à l’adoption d’un arrêté d’exécution, et fait voter une loi pour donner un
fondement à l’opération de régularisation des sans-papiers.

Souvent, le législateur détermine lui-même, de manière plus ou moins précise, les questions
qu’il entend voir régler par l’exécutif. Dans ce cas, le fondement du pouvoir règlementaire de
l’organe exécutif se trouve expressément précisé dans une norme législative.

Le pouvoir règlementaire d’exécution connaît une certaine extension dans la pratique des
lois-cadres ou des décrets et ordonnances du même type. Ces normes législatives posent
simplement certains principes et confèrent à l’exécutif le soin d’en assurer l’application. Le
pouvoir de celui-ci est, en ce cas, plus large qu’à l’ordinaire, sans qu’il soit pour autant
autorisé à déroger aux normes législatives en vigueur.

118. Qu’en est-il de la possibilité pour un gouvernement de déléguer un pouvoir


règlementaire ?

Les ministres et les secrétaires d’Etat fédéraux peuvent prendre des arrêtés et règlements.

La section de législation du Conseil d’Etat indique à ce propos que « si la Constitution,


notamment par ses articles 37, 105 et 108 ne reconnaît expressément un pouvoir
règlementaire qu’au Roi, une délégation de ce pouvoir à un ministre est admissible, en
raison notamment de la responsabilité politique assumée par celui-ci devant la Chambre des
représentants ».

145
Encore faut-il qu’elle « ne porte pas sur l’essence elle-même du pouvoir attribué ou reconnu
au Roi et qu’elle ne concerne que des aspects accessoires ou secondaires ou encore des
mesures d’exécution de principes fixés par le Roi ». Cette habilitation doit, de surcroît, être
expresse.

Par contre, un pouvoir règlementaire ne peut, en principe, être confié à un agent de


l’administration, lequel, par définition, n’engage pas sa responsabilité devant le Parlement.
Tout au plus peut-on concevoir qu’il se voie reconnaître le pouvoir de prendre des décisions
individuelles pour autant que le ministre dont il est le subordonné conserve le pouvoir de les
réformer. Dans le même ordre d’idées, aucune délégation ne peut être accordée à un
membre d’un cabinet ministériel.

Il en va a fortiori de même d'un pouvoir réglementaire qui serait délégué à une autorité
étrangère au pouvoir exécutif fédéral, régional ou communautaire.

Voir CE, n°211.502 du 24 février 2011, ASBL Théâtre Jacques Gueux et CE, n°242.124
du 16 juillet 2018, Al Shankety

Le juge judiciaire ou administratif dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer,
dans chaque cas, si la délégation porte sur l’essence du pouvoir règlementaire, ou sur
des questions d’importance secondaire.

De plus, le principe de la délégation ne peut avoir pour effet de remettre en question le


principe de la solidarité gouvernementale. En cas de différend avec l’un de ses collègues, un
ministre ne peut se prévaloir d’une délégation pour imposer ses vues. S’il y a dissension, on
en revient à la procédure normale du consensus, et ce par la mise en œuvre éventuelle d’un
processus d’évocation.

119. Quelle est la validité juridique d’une attribution par la loi d’un pouvoir de décision à un
ministre déterminé – quel type de contrôle juridictionnel peut s’opérer sur l’intervention
du ministre ?

Selon la thèse de Marc Uyttendaele, celle-ci serait inconstitutionnelle (p. 542) :

Il arrive aussi que le législateur fédéral confie directement des compétences d’exécution de
la loi à un ministre déterminé. Dans ce cas, l’article 105 de la Constitution est respecté dès
lors qu’il prévoit que le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux qui lui sont attribués par la
Constitution ou par des lois prises en vertu de celle-ci. Cependant, l’article 108 qui réserve
au Roi seul le pouvoir d’exécuter les lois est méconnu, et cela d’autant plus que l’article 33,
alinéa 2, prévoit que les pouvoirs « sont exercés de la manière établie par la Constitution ».

Autrement dit, le législateur ne peut investir directement un ministre d’une compétence


d’exécution de la loi, qu’il s’agisse de prendre un règlement ou une décision individuelle.

De plus, l'article 33 de la Constitution étant dans le titre III de la Constitution, la Cour


constitutionnelle n’a aucun pouvoir de contrôle sur ces dispositions. Elle ne pourra pas
annuler une norme législative conférant directement un pouvoir à un ministre.

120. Quelle est la validité juridique d’une attribution par un décret d’un pouvoir de décision à
un ministre régional déterminé – quel type de contrôle juridictionnel peut s’opérer sur
l’intervention du ministre selon la région où cette règle s’applique ?

La loi spéciale du 8 août 1980 attribue le pouvoir règlementaire aux gouvernements des
entités fédérées, mais, contrairement à la Constitution, les autorise à déléguer leurs pouvoirs
à leurs membres (art. 69 LSRI). Il en résulte que cette délégation doit être décidée par les
organes exécutifs eux-mêmes et que les décrets ou les ordonnances qui attribuent
directement des compétences à un ministre sont contraires à la loi spéciale.

146
Le droit positif ne garantit, cependant, pas le respect de l’interdiction faite au législateur de
confier directement des pouvoirs à un ministre, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau
des entités fédérées.

En effet, cette interdiction trouve son fondement dans l’article 33 de la Constitution - lequel
figure dans son Titre III - et dans une disposition de la loi spéciale du 8 août 1980 qui n’opère
pas une répartition des compétences entre l’autorité fédérale, les régions et les
communautés. Il s’en déduit que la Cour Constitutionnelle, sous réserve d’une définition
extensive de ses compétences, ce qui est toujours imaginable, n’a pas vocation à annuler
une norme législative qui conférerait directement un pouvoir à un ministre.

Il n’est dérogé à ce principe que pour les ordonnances de la Région de Bruxelles-Capitale et


de la Commission communautaire commune (= COCOM). En effet, les juridictions peuvent
en écarter l’application si elles méconnaissent la Constitution ou la loi spéciale du 12 janvier
1989 relative aux institutions bruxelloises. Par conséquent, une juridiction pourrait refuser
d’appliquer un règlement pris par un membre du gouvernement bruxellois qui se serait vu
confier directement ce pouvoir par le législateur régional.

Voir cependant la position de la Cour de cassation, en son arrêt Gérardrie Immo c/ Ville de
Liège, dont le raisonnement est à contre-courant des principes précités : « En vertu du
principe général du droit de valeur constitutionnelle de la légalité et de la hiérarchie des
normes, dont l’article 159 de la Constitution constitue une expression particulière, les cours
et tribunaux sont tenus d’écarter l’application des articles 471 à 474 du Code wallon de
l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine en tant qu’ils confient, en
violation des articles 68 et 69 de la LSRI du 8 août 1980, la compétence en matière de
revitalisation urbaine au ministre de la Région wallon qui a l’aménagement du territoire dans
ses attributions ».

121. Qu’est-ce qu’une circulaire et quelle est sa force contraignante ?

Les membres des différents exécutifs peuvent également prendre des circulaires. Le
professeur en relève trois sortes :

1. Certaines d’entre elles n’ont aucun contenu normatif et visent à simplement à donner
un commentaire averti de certaines dispositions législatives (ex : circulaires publiées au
MB avant les élections afin de rappeler les règles du droit électoral) ;

2. D’autres circulaires, par contre, contiennent des prescriptions données, par un membre
d’un gouvernement, aux fonctionnaires placés sous son autorité hiérarchique. Ce pouvoir
hiérarchique leur confère une valeur obligatoire à l’égard de ceux qui y sont soumis. Ils ne
peuvent y contrevenir sans commettre de faute disciplinaire. Toutefois, elles ne sont pas,
en principe, opposable aux administrés, et, partant, ne sont pas attaquables devant le
Conseil d’Etat. Il en va autrement si elles sont de nature à blesser l’intérêt des agents
auxquels elles s’adressent ;

3. Enfin, il arrive que des ministres adoptent des circulaires qui ont pour effet, sous prétexte
de donner une interprétation du droit existant, d’en dénaturer ou d’en modifier la portée.
Il a été jugé que « Quel que soit leur intitulé, sont des actes de portée règlementaire, et,
partant, sont de nature à faire grief, les circulaires signées par un ministre qui ajoutent des
règles nouvelles à celles qui sont en vigueur, qui sont rédigées en des termes impératifs,
que leur auteur a entendu rendre obligatoires et au respect desquelles il peut contraindre
les destinataires.

Dans ce cas, il s’agit d’un règlement attaquable devant le Conseil d’Etat qui, s’il émane du
pouvoir exécutif de l’autorité fédérale ou d’une entité fédérée, peut être censuré s’il n’a pas
été soumis à l’avis préalable de la section de législation du Conseil d’Etat " sous couvert de
l’appellation « circulaire », le pouvoir exécutif cache en réalité une sorte d’« arrêté
règlementaire ».

147
122. Quelle est la portée et la validité des circulaires Peeters et Martens ?

Voir Jurisprudence CE – Cour d’appel de Mons sur les circulaires Peeters, Martens et
Vandenbrande — P. 544 du précis.

Les circulaires Peeters et Martens adoptées par les ministres du gouvernement flamand font,
a priori, parti de la troisième catégorie de circulaires, c’est-à-dire des circulaires qui dénature
ou modifie la portée du droit existant.

L’objectif poursuivi par celles-ci est de contraindre les francophones établis dans les
communes à statut linguistique spécial à solliciter, pour chaque document administratif
émanant de la commune ou du CPAS, qu’il leur soit adressé en français alors qu’auparavant,
la législation linguistique était interprétée de telle manière qu’une demande unique suffisait
pour qu’ils reçoivent l’ensemble des documents administratifs dans leur langue.

Ces circulaires paraissaient manifestement irrégulières :

1. La législation sur l’emploi des langues en matière administrative relève de la compétence


exclusive de l’autorité fédéral et les institutions flamandes ne peuvent la régler en se
prévalant de leur compétence dans le domaine de la tutelle sur les communes et les
CPAS ;

2. Elles ont pour effet de modifier la portée du droit existant et de restreindre une liberté dont
bénéficient des citoyens. Elles ont donc une portée règlementaire, ce qui implique
notamment qu’il fallait les soumettre à l’avis préalable de la SLCE ;

3. S’agissant d’une restriction à une liberté publique qui ne trouve aucun fondement dans
une norme législative, cette question ne pouvait être réglée par un organe exécutif.

123. Comment une chambre néerlandophone du Conseil d’État a tranché la question de la


validité des circulaires Peeters et Martens ?

Le militantisme des chambres flamandes du CE est apparu au grand jour dans la manière
dont le recours en annulation concernant la circulaire Peeters été traité.

L’opération qui tient du crime judiciaire parfait s’est déroulée en deux temps :

1. Les chambres bilingues du CE ont rejeté le recours en ce qu’il était mis en œuvre par la
Communauté française et la Région wallonne. Elles ont estimé que celles-ci n’avaient pas
intérêt à poursuivre l’annulation d’une règle qui s’applique sur un territoire où elles
n’exercent aucune compétence et qu’elles n’ont pas plus un intérêt direct à défendre
l’intérêt de tiers. Comme la troisième requérante, bien que francophone, était domiciliée
dans la région de langue néerlandaise, l’affaire a été renvoyée devant une chambre
flamande du CE ;
2. Le 23 décembre 2004, contre l’avis de l’auditeur général néerlandophone du CE, cette
chambre rejette les recours en annulation dirigés contre la circulaire Peeters.

Après avoir invalidé la pratique administrative qui prévalait jusqu’à l’adoption de la circulaire,
le CE conclut à l’illégitimité de l’intérêt de la requérante en ce que celui-ci s’appuie, en
réalité, sur une interprétation de la législation linguistique incompatible avec la Constitution.

Le CE, constatant que la requérante ne disposait pas d’un intérêt légitime à agir, peut, dès
lors, rejeter son recours et éluder les questions fondamentales du caractère règlementaire
de la circulaire et de la compétence du gouvernement flamand pour interpréter les lois
linguistiques fédérales.

148
Cour de cassation : « l’arrêt par lequel le CE rejette un recours en annulation contre un
arrêté règlementaire n’a pas autorité de chose jugée erga omnes et ne saurait porter atteinte
ni au devoir de contrôle de légalité des tribunaux, ni à celui de la Cour de cassation de
contrôler la légalité du même arrêté lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi, celui-ci fût-il fondé sur
le grief d’illégalité rejeté par le CE ».

Les arrêts précités du CE n’ont pas autorité de chose jugée et n’ont donc pas pu délivrer un
certificat de validité juridique aux circulaires Peeters et Martens.

124. Quelle position a adopté l’assemblée générale du Conseil sur la validité des circulaires
Peeters et Martens ?

L’assemblée générale de la section du contentieux administratif du CE est appelée à


déterminer s’il peut être reproché à des bourgmestres d’avoir refusé de faire application de la
circulaire Peeters.

Elle constate, d’une part, que l’interprétation de la loi sur l’emploi des langues, selon laquelle
il suffirait que, dans les communes périphériques, les particuliers qui ont, en une occasion,
exprimé le souhait que le français soit utilisé dans leur relations avec l’autorité communale
reçoivent automatiquement à nouveau les documents en français par la suite jusqu’à la fin
de leurs jours, n’est pas conciliable avec la primauté du néerlandais dans la région de langue
néerlandaise.

D’autre part, elle observe que l’interprétation qui consiste à exiger du particulier une
démarche spécifique chaque fois qu’il souhaite bénéficier de l’usage du français restreint de
manière disproportionnée les droits garantis par la loi sur l’emploi des langues en matière
administrative.

L’assemblée générale estime que celui qui souhaite être servi en français par l’administration
communale, doit exprimer son souhait auprès de celle-ci au moyen d’une lettre qu’il envoie
ou dépose à l'administration communale. Ce choix vaut pour une période raisonnable, à
savoir de 4 ans, et est renouvelable. En outre, le particulier peut, lors d’un contact verbal
ponctuel ou relativement à un document déterminé, toujours solliciter l’usage du français.

En ce faisant, l’assemblée générale du CE, certes dans le souci de restaurer la paix


communautaire, fait plus qu’interpréter la norme de droit, elle en définit les contours et
empiète ainsi sur les attributions du législateur.

125. Commentez et expliquez l’arrêt Cass Gérardrie Immo c/ Ville de Liège

Voir Cass. Gérardrie Immo c/ Ville de Liège — P. 542 du précis

=> Cass : « Il ressort des articles 68 et 69 de la LSRI du 8 aout 1980 qu’il n’appartient pas au
législateur décrétal d’attribuer directement une délégation de compétence du gouvernement
à l’un de ses membres ».

126. Qu’est-ce qu’un arrêté de pouvoirs spéciaux, quel est leur fondement et comment le
situer dans la hiérarchie des normes ?

Il arrive, dans des circonstances exceptionnelles, que le législateur confère à l’exécutif


certaines compétences règlementaires dans des domaines où il doit normalement agir de
concert avec les assemblées législatives. Tel est le cas lorsque le Roi est autorisé à abroger,
compléter, modifier ou remplacer sur certains points la législation existante. Cela implique un
pouvoir réglementaire d’attribution.

Les lois de pouvoirs spéciaux énumèrent les matières dans lesquelles le Roi peut abroger,
compléter, modifier ou remplacer la législation existante. Le degré de précision de cette
énumération peut varier.

149
Les arrêtés pris en vertu des lois de pouvoirs spéciaux sont des arrêtés royaux numérotés,
ce qui permet de les distinguer immédiatement des arrêtés royaux ordinaires.

Un décret ou une ordonnance peut, dans le respect des principes applicables au niveau
fédéral, habiliter le gouvernement régional ou communautaire à prendre, dans les limites des
compétences de l’entité fédérée concernée, des arrêtés de pouvoirs spéciaux.

Fondement :

Le pouvoir règlementaire d’attribution trouve sa source dans l’article 105 de la Constitution,


aux termes duquel « Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la
Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».

Une loi d’habilitation n’est, toutefois, conforme à la Constitution que si elle n’attribue au Roi
que des pouvoirs résiduels (non réservés au législateur par la loi fondamentale).

Les arrêtés de pouvoirs spéciaux doivent être délibérés en Conseil des ministres et soumis à l’avis préalable de
la SLCE. Cette consultation revêt un caractère obligatoire et l’urgence ne peut être invoquée pour s’y soustraire.

De plus, les arrêtés, le rapport au Roi, l’avis de la SLCE et les projets d’arrêtés soumis à l’avis de la SLCE sont
communiqués au président de la Chambre et au président du Sénat avant leur publication au MB.

De nombreuse lois d’habilitation prévoient, en outre, l’intervention a posteriori du pouvoir législatif (lorsque
ratification / confirmation nécessaire). Ils entrent alors en vigueur et acquièrent force obligatoire selon les règles
usuelles et deviennent de véritables normes législatives lors de la ratification. S’ils ne sont pas ratifiés dans le
délai prévu, ils cessent de sortir leurs effets.

Il est de l’essence des lois de pouvoirs spéciaux d’être limitées dans le temps => période
pendant laquelle les arrêtés peuvent être pris, et non leur durée de validité.

Ils restent en vigueur tant qu’ils n’ont pas été abrogés ou modifiés par une loi ou par un autre
arrêté pris en vertu de pouvoirs spéciaux.

Position hiérarchique :

Les arrêtés de pouvoirs spéciaux ont une force supérieure à celle des arrêtés ordinaires,
puisqu’ils peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer une norme législative.

Ils n’en sont pas moins des actes du pouvoir exécutif soumis comme tels au contrôle du CE
et du pouvoir judiciaire.

Toutes les juridictions peuvent en écarter l’application - pour autant qu’ils ne fassent pas
l’objet d’une ratification législative - s’ils sont contraires à la loi d’habilitation, aux normes
prises au titre de l’État global, à la Constitution et aux normes de droit international ayant
effet direct dans l'ordre juridique interne.

127. Qu’est-ce que le pouvoir règlementaire direct et quelles sont ses conséquences pour
l’organisation des cabinets ministériels ?

L’exécutif dispose également d’un pouvoir règlementaire direct.

Le pouvoir réservé par l’article 107 de la Constitution au Roi de « nommer aux emplois
d’administration générale et de relation extérieure », l’autorise non seulement à prendre des
actes de nature individuelle concernant les agents de l’État, mais également de pourvoir à
l’organisation administrative de l’État et de fixer le statut des agents.

En vertu de l’article 87 de la LSRI du 8 août 1980, les gouvernements des régions et des
communautés disposent d’un pouvoir identique. Il leur appartient d’organiser leurs services,
de fixer le cadre du personnel et de procéder aux nominations. Ils peuvent également fixer le
statut administratif et pécuniaire de leurs agents.

150
Les articles 37, 107, alinéa 2, de la Constitution et l'article 87 de la LSRI du 8 août 1980
créent donc une compétence réservée au bénéfice du pouvoir exécutif (sans immixtion du
législateur).

Conséquences pour l’organisation des cabinets ministériels :

Le cabinet ministériel étant intimement lié au fonctionnement des organes gouvernementaux,


il appartient à ceux-ci, à l’exclusion du législateur, d’en régler le fonctionnement.

Décembre 2004 : mise en cause de Maria Arena, Ministre-Présidente du gouvernement de la


Communauté française à la suite des dépenses d’aménagement effectuées au sein de son
cabinet => des parlementaires de l’opposition proposent l’adoption d’un décret visant à
opérer un contrôle plus strict des cabinets ministériels MAIS initiative vouée à l’échec.

La SLCE : « les cabinets ministériels sont des institutions dont, en vertu de l’article 87 de la
LSRI du 8 août 1980, le Gouvernement dispose en propre et a ainsi le pouvoir exclusif de
régler l’organisation, les missions et le fonctionnement. Contrairement à ce que prévoient les
dispositions à l’examen, il n’est donc pas au pouvoir du législateur décrétal de prendre des
règles en ce domaine ».

• Les questions de réflexion (liens)

70. Réflexion sur la distinction entre un règlement et une décision individuelle – lien avec
l’application de l’article 159 de la Constitution (leçon 5) et avec le contentieux
d’annulation devant le Conseil d’Etat (leçon 20)
71. Réflexion sur le pouvoir règlementaire d’exécution et sur son exercice éventuel par un
ministre fédéral ou régional – lien avec le contentieux de l’annulation devant la Cour
constitutionnel (leçon 18) et devant le Conseil d’État (leçon 20)
72. Réflexion sur les circulaires Peeters et Martens – liens avec la notion de juge
législateur (leçon 18), avec les compétences territoriales des communautés (leçon 29)
et avec les matières réservées (leçon 28).
73. Réflexion sur les pouvoirs spéciaux – lien avec les matières réservées au législateur et
les lois d’habilitation (leçon 2) et avec les compétences la section de législation du
Conseil d’État (leçon 5).

151
Troisième partie : Le pouvoir juridictionnel

Leçon 18 : La Cour constitutionnelle

• La matière à étudier

- La composition de la Cour constitutionnelle (n°2 à 9)


- Le fonctionnement de la Cour constitutionnelle (n°10 et 11)
- Les normes contrôlées (n°13 à 22)
- Les normes de contrôle (n°23 à 27)
- Le contrôle abstrait (n°28 à 37)
- Le contrôle concret (n°38 à 13).

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC, n°3/2001 du 25 janvier 2001, CSJ


- CC 35/36 du 10 mai 2004 – Cerexhe
- CC 157/2009 du 13 octobre 2009, ASBL Vrijheidsfonds et Vlaamse Concentratie
- CC n°65 du 15 juin 1986 – expropriations
- CC n°8/90 du 7 février 1990 – lois spéciales
- CC n°124/2010 du 28 octobre 2010 et CC n°7/2012 du 18 janvier 2012 – arrêts Inspection
et Écoles flamandes- loyauté fédérale
- CC n° 116/2002 du 26 juin 2002 – suspension
- CC n°143/2013 du 30 octobre 2013 – procédure en suspension – fouille au corps
- CC n°184/2011 du 8 décembre 2011 – effets des arrêts (budgets bruxellois)
- CC, n°68/2005 et Cass 29 juin 2005 – Affaire Total
- CC n°56/93 du 8 juillet 1993 et CC n°125/2011 du 7 juillet 2011 – Maintien des effets des
arrêts préjudiciels – statut ouvrier-employé

• Les questions de fondement

113. Les juges de la Cour constitutionnelle sont soumis au respect du principe d’impartialité
(double fondement)

Article 6 de la CEDH :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-
fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle (…) ».

Article 101, alinéa 2, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« Le fait qu'un juge de la Cour a participé à l'élaboration de la loi, du décret ou de la règle
visée à l'article 134 de la Constitution qui fait l'objet du recours en annulation ou de la
décision de renvoi, ne constitue pas en soi une cause de récusation ».

114. La Cour constitutionnelle contrôle la constitutionnalité des arrêtés lois

Jurisprudence : CC, n°101/2000 du 11 octobre 2000


115. La Cour constitutionnelle contrôle la constitutionnalité des ordonnances COCOM

Jurisprudence : CC, n°190/2005 du 14 décembre 2005


116. La cour constitutionnelle sanctionne les lacunes législatives et peut indiquer dans un
arrêt préjudiciel comment y pallier

152
Jurisprudence : CC, n°31/96 du 15 mai 1996

117. La cour constitutionnelle contrôle si une loi fédérale doit être votée à la majorité
ordinaire ou à la majorité spéciale

Jurisprudence : CC, n°18/90 du 23 mai 1990

118. Une condamnation correctionnelle peut être rétractée si elle a été prononcée en vertu
d’une loi ultérieurement annulée par la Cour constitutionnelle

Article 10 de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :


« Dans la mesure où elles sont fondées sur une disposition d'une loi, d'un décret ou d'une
règle visée à l'article 134 de la Constitution, qui a ensuite été annulée par la Cour
constitutionnelle, ou d'un règlement pris en exécution d'une telle loi, d'un tel décret ou d'une
telle règle visée à l'article 134 de la Constitution, les décisions rendues par les juridictions
répressives et passées en force de chose jugée peuvent être rétractées en tout ou en
partie par la juridiction qui les a prononcée ».

119. La cour constitutionnelle contrôle le respect par un législateur des procédures de


concertation et de coopération

Article 30bis de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :


« Pour l'application des articles 1er et 26, § 1er, sont considérées comme règles visées au 1°
de ces deux dispositions, la concertation, l'association, la transmission d'informations, les
avis, les avis conformes, les accords, les accords communs et les propositions prévus par la
loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, à l'exception des accords de
coopération visés à l'article 92bis de ladite loi, ainsi que par la loi spéciale du 16 janvier 1989
sur le financement des Communautés et Régions ou par toute autre loi prise en exécution
des articles 39, 127, § 1er, 128, § 1er, 129, § 1er, 130, § 1er, 135, 136, 137, 140, 166, 175,
176 et 177 de la Constitution ».

120. Un tiers intéressé peut intervenir dans une procédure préjudicielle devant la Cour
constitutionnelle

Article 87, §1, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« § 1er. Lorsque la Cour constitutionnelle statue, à titre préjudiciel, sur les questions visées
à l'article 26, toute personne justifiant d'un intérêt, peut adresser un mémoire à la Cour
dans les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle est, de ce fait, réputée
partie au litige ».

121. La cour de cassation n’est pas tenue d’interroger la Cour constitutionnel à titre
préjudiciel dans le cadre d’une procédure en référé

Article 26, §3, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« § 3. Sauf s'il existe un doute sérieux quant à la compatibilité d'une loi, d'un décret ou d'une
règle visée à l'article 134 de la Constitution avec une des règles ou un des articles de la
Constitution visés au § 1er et qu'il n'y a pas de demande ou de recours ayant le même objet
qui soit pendant devant la Cour, une juridiction n'est pas tenue de poser une question
préjudicielle ni lorsque la demande est urgente et que le prononcé au sujet de cette
demande n'a qu'un caractère provisoire, ni au cours d'une procédure d'appréciation du
maintien de la détention préventive ».

122. Une juridiction d’instruction n’est pas tenue d’interroger la Cour constitutionnelle à titre
préjudiciel dans le cadre d’un débat sur la détention préventive

153
Article 26, §3, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« § 3. Sauf s'il existe un doute sérieux quant à la compatibilité d'une loi, d'un décret ou d'une
règle visée à l'article 134 de la Constitution avec une des règles ou un des articles de la
Constitution visés au § 1er et qu'il n'y a pas de demande ou de recours ayant le même objet
qui soit pendant devant la Cour, une juridiction n'est pas tenue de poser une question
préjudicielle ni lorsque la demande est urgente et que le prononcé au sujet de cette
demande n'a qu'un caractère provisoire, ni au cours d'une procédure d'appréciation du
maintien de la détention préventive ».

123. Quand une norme est susceptible de violer la Constitution et un Traité international, il
faut d’abord interroger la Cour constitutionnel à titre préjudiciel

Article 26, §4, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« § 4. Lorsqu'est invoquée devant une juridiction la violation, par une loi, un décret ou une
règle visée à l'article 134 de la Constitution, d'un droit fondamental garanti de manière
totalement ou partiellement analogue par une disposition du titre II de la Constitution
ainsi que par une disposition de droit européen ou de droit international, la juridiction est
tenue de poser d'abord à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle sur la
compatibilité avec la disposition du titre II de la Constitution. Lorsqu'est uniquement invoquée
devant la juridicition la violation de la disposition de droit européen ou de droit international,
la juridiction est tenue de vérifier, même d'office, si le titre II de la Constitution contient une
disposition totalement ou partiellement analogue. Ces obligations ne portent pas atteinte à la
possibilité, pour la juridiction, de poser aussi, simultanément ou ultérieurement, une question
préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

Par dérogation à l’alinéa 1er, l’obligation de poser une question préjudicielle à la Cour
constitutionnelle ne s’applique pas :
1° dans les cas visés aux paragraphes 2 et 3;
2° lorsque la juridiction estime que la disposition du titre II de la Constitution n’est
manifestement pas violée;
3° lorsque la juridiction estime qu’un arrêt d’une juridiction internationale fait apparaître que
la disposition de droit européen ou de droit international est manifestement violée;
4° lorsque la juridiction estime qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle fait apparaître que la
disposition du titre II de la Constitution est manifestement violée ».

124. La Cour constitutionnelle peut moduler les effets de ses arrêts rendus à titre préjudiciel

Article 28, al. 2, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle du 6 janvier 1989 :
« Si la Cour l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des
effets des dispositions ayant fait l'objet d'un constat d'inconstitutionnalité qui doivent être
considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle
détermine ».

• Les questions de fond

128. Quelles sont les règles de composition de la Cour constitutionnelle ?

La Cour constitutionnelle est composée de 12 juges, âgés d’au moins 40 ans, nommés à
vie par le Roi sur une liste double présentée alternativement par le Sénat et la Chambre
des représentants, adoptée à la majorité des 2/3 des suffrages des membres présents.

La composition de la Cour est fondée sur une double parité :


1. Juges répartis en deux groupes linguistiques ET

2.
- choisis pour moitié parmi d’anciens parlementaires qui ont, pendant 5 ans au moins, fait
partie de la Chambre des représentants ;

154
- choisis pour moitié parmi des personnalités qui ont exercé, pendant 5 ans au moins, des
fonctions qui témoignent de leurs qualifications juridiques (l’un d’eux doit avoir une
connaissance suffisante de l’allemand).

La Cour doit comprendre au moins :

- Un ancien magistrat au CE ;

- Un ancien magistrat à la Cour de cassation ;

- Un ancien professeur d’université ;

- Un ancien référendaire à la Cour.

L’appartenance à un groupe linguistique est déterminée, selon la catégorie à laquelle les


juges appartiennent, par la langue de leur diplôme ou par le groupe linguistique
parlementaire dont ils faisaient partie en dernier lieu.

La Cour doit comprendre au moins un tiers de juges de chaque sexe.

Les juges sont assistés de 24 référendaires au maximum répartis paritairement en 2


groupes linguistiques, étant entendu qu’un référendaire de chaque groupe doit avoir de
l’allemand une connaissance suffisante.

129. Commentez et expliquez CC, n°3/2001 du 25 juin 2001, CSJ ?

Voir CC, n°3/2001 du 25 juin 2001, CSJ — P. 570 du précis

=> « Le législateur a pu raisonnablement considérer qu’il convenait de prendre, à l’égard du


Conseil supérieur, une disposition comparable à celles qui s’appliquent aux trois juridictions
supérieures dont la compétence territoriale s’étend à toute la Belgique ».

130. La parité linguistique dans la composition de la Cour constitutionnelle est-elle une


mesure adéquate et juridiquement admissible et contribue-t-elle à garantir son
caractère fédéral ?

En instituant une juridiction paritaire sur le plan linguistique, le législateur a assurément eu la


conviction d’adopter une solution équilibrée qui assurait à la Cour l’impartialité indispensable
à l’exercice de sa mission.

Est ainsi mise en œuvre la logique selon laquelle l’État belge se divise sociologiquement en
2 grandes communautés culturelles et linguistiques, sans avoir égard à la fédéralisation du
pays fondée sur une double division en régions et en communautés.

La solution retenue n’est pas pleinement compatible avec la philosophie générale d’un
système fondé sur l’existence simultanée de régions et de communautés.

Par rapport à la logique fédérale, la parité linguistique a un effet simplificateur et réducteur.


Elle ne permet pas une reconnaissance, en tant que telles, de la Région wallonne et de la
Région de Bruxelles-Capitale, et surtout, compromet toute représentation des
germanophones au sein des structures qu’elle régit.

155
131. Quelles sont les conditions dans lesquelles un juge à la Cour constitutionnelle est
appelé à se récuser – répondez à cette question en vous référant à la loi spéciale et à
la jurisprudence de la Cour ?

La présence d’anciens parlementaires au sein de la Cour Constitutionnelle pourrait sembler


être de nature à compromettre l’impartialité de celle-ci, notamment dans le cas où la Cour
est appelée à statuer sur une norme à l’adoption de laquelle ont participé un ou plusieurs de
ses membres.

Autrement dit, les juges concernés doivent-ils se récuser et, partant, la Cour est-elle soumise
à l’application de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, aux
termes duquel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil,
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ?

Le législateur spécial introduit, dans la loi spéciale du 6 janvier 1989, un article 101, alinéa 2,
précisant que « le fait qu’un juge de la Cour a participé à l’élaboration de la loi, du décret ou
de la règle visée à l’article 134 de la Constitution qui fait l’objet du recours en annulation ou
de la décision de renvoi ne constitue pas en soi une cause de récusation ».

En insérant cette disposition, il consacre une application souple de l’article 6 de la CEDH.

Cette formulation implique que l’impartialité des juges doit être examinée in specie en
fonction des particularités de chaque cause. On peut supposer, par exemple, qu’un
parlementaire qui a pris l’initiative de déposer une proposition de loi, de décret ou
d’ordonnance ou qui a contribué activement à son adoption doit se récuser s’il a
ultérieurement à en connaitre en sa qualité de juge de la CC. Il en est de même pour le juge
qui, en tant que parlementaire, a violemment combattu un projet ou une proposition de loi, de
décret ou d’ordonnance.

Voir CC 35/36 du 10 mai 2004 – Cerexhe — P. 572 du précis

=> Rejet de la demande en récusation : la participation à l’élaboration d’une loi par un


membre du Parlement ne suffit pas à remettre en cause son impartialité en tant que juge de
la Cour appelé à connaitre de la constitutionnalité de cette loi.

Voir CC 157/2009 du 13 octobre 2009, ASBL Vrijheidsfonds et Vlaamse Concentratie —


P. 573 du précis

=> Rejet de la demande en récusation : les particularités d’une Cour constitutionnelle


impliquent, dans sa composition, un équilibre sur les plans linguistique, politique et
professionnel.

L’application des causes de récusation ne peut avoir pour effet que la Cour ne puisse plus
délibérer.

Une sympathie politique dans le chef du magistrat ne suffit pas en soi pour susciter des
appréhensions justifiées de partialité.

La simple circonstance qu’un juge soit franc-maçon ne donne pas lieu à récusation.

Arrêt du 14 février 2013 : la Cour indique qu’une récusation se justifierait à l’égard d’un juge
qui « aurait, à quelque moment que ce soit, ouvertement et d’une manière qui témoignerait
d’un parti pris négatif répréhensible à l’égard d’une partie au procès, adopté une position au
sujet des recours en annulation de la loi attaquée qui ont été introduits devant la Cour ».

156
132. Quelles sont les règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle et les variantes
dans la manière dont son siège est composé ?

La parité linguistique qui caractérise la composition de la Cour influe directement sur les
règles relatives à la désignation de son président et à la composition du siège.
1. Chaque groupe linguistique procède à la désignation, en son sein, d’un président. La
présidence de la Cour est exercée à tour de rôle par chacun des présidents pour la
période d’un an, prenant cours le 1er septembre ;

2. La Cour siège, selon les cas, dans sa composition ordinaire (7 juges), en séance
plénière (10 ou 12 juges) ou en chambre restreinte (Président et 2 rapporteurs) ;

3. La Cour est présidée par le président en exercice. Cependant, lorsque l’affaire doit être
traitée dans la langue qui n’est pas celle du groupe linguistique auquel il appartient, il doit
déléguer ses compétences à l’autre président ou, à défaut, au membre le plus âgé de
l’autre groupe linguistique ;

4. La Cour pose le principe de l’immutabilité de son siège : une fois que les membres de
celui-ci ont été désignés pour une affaire, ils traitent celle-ci, quelle que soit la durée de la
procédure ;

5. Le législateur n’a pas entendu permettre l’expression publique des opinions dissidentes
des juges minoritaires => incitation pour les juges de la CC à rechercher un consensus.

133. La Cour contrôle-t-elle dans le cadre du contentieux de la répartition des compétences


des normes antérieures à la réforme de l’État – A quel moment apprécie-t-elle la
validité d’une norme et quelles en sont les conséquences ?

La Cour n’hésite pas à affirmer sa compétence pour contrôler, sous l’angle de la répartition
des compétences, la validité des lois adoptées avant l’amorce du processus de réforme de
l’État dans la mesure où, à la suite des transferts de compétences, elles ont acquis force de
décrets.

La Cour s’autorise à donner une interprétation conciliante d’une norme adoptée avant
l’amorce du processus de réforme de l’État.

Il faut voir, dans le choix ainsi opéré, la volonté de la CC de s’ériger en garante de l’ordre
constitutionnel, quitte pour ce faire, à interpréter excessivement ses propres compétences.

La CC apprécie la conformité d’une norme soumise à son contrôle au regard des règles de
répartition des compétences en vigueur au moment où cette norme a été adoptée.

Autrement dit, elle annule une norme entachée d’excès de compétences, et cela même si,
entre l’adoption de cette dernière et le moment où elle rend son arrêt, le législateur concerné
s’est vu attribuer la compétence pour prendre la norme en cause. Dans la même logique,
elle annule les dispositions qui ont déjà été abrogées ou qui, à la suite d’une modification de
l’ordonnancement juridique, ont cessé d’être inconstitutionnelles. Dans ce cas, cependant,
elle limite l’annulation à la période pendant laquelle ces normes revêtaient un caractère
irrégulier.

134. Commentez et expliquez CC n°65 du 15 juin 1988 – expropriations

Voir CC n°65 du 15 juin 1988 – expropriations — P. 578 du précis

=> La CC, saisie à titre préjudiciel, affirme sa compétence pour connaitre de la conformité
d’une loi antérieure à la réforme de l’État à la LSRI du 8 août 1980 et réinterprète, plutôt que
sanctionne, la loi de 1962, en affirmant que les pouvoirs attribués au Roi relèvent désormais

157
exclusivement des gouvernements régionaux et communautaires dans les matières
transférées aux entités fédérées.

135. Qu’est-ce que le mythe de constitutionnalité et quel sort lui est réservé par la Cour
constitutionnelle et par la Cour de cassation ?

Le mythe du bloc de constitutionnalité est un principe selon lequel les normes de


contrôles de la Cour constitutionnelle seraient la Constitution et les lois spéciales, et que ces
normes formeraient, par conséquent, un bloc de constitutionnalité.

On entend par « bloc de constitutionnalité » l’ensemble des normes de référence utilisées


par la juridiction constitutionnelle comme instruments de son contrôle. Les dispositions
législatives englobées dans le bloc de constitutionnalité sont celles par lesquelles le
législateur – il s’agit surtout du législateur spécial – répartit les compétences entre la
collectivité fédérale et les collectivités fédérées.

L’article 142 de la Constitution est la consécration de ce mythe du bloc de


constitutionnalité, en ce qu’il énumère toutes les normes consacrant la répartition des
compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées dont la Cour Constitutionnelle
est gardienne du respect = les normes de contrôle.

En vertu de 142 C., les normes de contrôle ne pourraient donc être contrôlées, étant toutes
situées sur un même pied d’égalité. En effet, dans la configuration actuelle du pouvoir
constituant et du pouvoir législatif, il est plus difficile d’adopter une loi spéciale que de
modifier une disposition constitutionnelle.

CC 7 février 1990 – lois spéciales :


La Cour se déclare aussi compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois spéciales.

Toutefois, la Cour passe outre ce bloc de constitutionnalité afin d’affirmer que le texte
constitutionnel prévaut sur les lois spéciales en faisant une application stricte de la hiérarchie
des normes, et que par conséquent, la Cour peut contrôler la constitutionnalité des lois
spéciales.

Cass. 21 avril 2011 Gérardrie Immo c/ Ville de Liège :


La Cour de cassation a suivi ce courant en écartant l’application d’une loi spéciale donnant
un pouvoir à un ministre en matière d’urbanisme. A l’instar de la Cour constitutionnelle, elle
fait une application stricte du principe de la hiérarchie des normes, n’ayant aucun égard au
mythe du bloc de constitutionnalité.

La Cour constitutionnelle et la Cour de cassation mettent fin, ce faisant, au mythe du bloc


de constitutionnalité. La Cour constitutionnelle n’a pas hésité à contrôler des normes de
contrôle, soit des normes intéressant l’État global. Elle estime que le principe de la
hiérarchie des normes lui permet de faire prévaloir le texte constitutionnel sur des
dispositions législatives adoptées à la majorité spéciale.

136. Donnez quatre exemples démontrant que la Cour constitutionnelle livre une conception
extensive de ses compétences dans la définition des normes contrôlées.

1. La CC se reconnait également compétence pour connaitre d’une norme interprétative. Il


a déjà été relevé plus haut qu’elle n’admet une interprétation par voie d’autorité que
lorsque le texte de la norme interprétée n’est pas clair. De même, elle interdit le recours
par un législateur à une norme interprétative dans le but de porter atteinte à l’autorité de
ses arrêts, soit à redonner effet à une norme qu’elle a censurée ;

158
2. La CC affirme également sa compétence pour contrôler des arrêtés royaux de pouvoirs
spéciaux qui ont bénéficié d’une confirmation législative, et de manière générale, tout
arrêté qui fait l’objet d’une confirmation par une loi, un décret ou une ordonnance. Son
contrôle s’étend alors au contenu de l’arrêté ainsi confirmé ;

3. La CC se reconnait également compétente pour connaitre de la constitutionnalité des


arrêtés-lois pris pendant les guerres, et cela nonobstant le fait qu’ils ne sont pas
expressément visés par l’article 142 de la Constitution ;

4. La CC étend son contrôle à une ordonnance de la COCOM sans même s’interroger sur
la recevabilité du recours, et cela alors que l’article 142 ne lui confie pas la compétence de
connaitre des normes prises en vertu de l’article 136 de la Constitution.

5. La CC se reconnait aussi compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois spéciales.

137. Décrivez la jurisprudence de Cour constitutionnelle en matière de lacunes législatives ?

Dans le cadre du contentieux préjudiciel, la CC étend le champ de son contrôle à l’absence


de norme législative. Elle ne sanctionne donc pas une norme, mais une lacune législative.
Elle se dote ainsi d’une compétence qui ne lui a pas été consentie par le constituant.

La jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière de lacune législative est abondante.

Dans ses arrêts, elle établit une distinction entre les lacunes législatives autoréparatrices et
celles qui ne le sont pas.

Lacunes législatives autoréparatrices : la CC se contente de relever que « le constat de


lacune est exprimé en des termes suffisamment complets et précis qui permettent
l’application des dispositions en cause dans le respect du principe d’égalité et de non-
discrimination, il appartient au juge a quo, dans l’attente d’une intervention du législateur, de
mettre fin à la violation de ce principe ».

Lacunes législatives non autoréparatrices : le constat de la CC s’accompagne de


l’indication faite au juge du fond appelé à trancher le litige de la solution concrète qu’il doit
adopter dans l’attente de l’intervention du législateur. En précisant expressément la règle de
droit qui s’applique pour pallier la lacune législative, la Cour se substitue au législateur dans
l’attente de son intervention.

En d’autres termes, pour les lacunes législatives autoréparatrices, l’arrêt de la Cour permet
au juge de combler la lacune, alors que pour les autres cas, la Cour indique au juge la règle
de droit qu’il faut appliquer en attendant l’intervention du législateur.

138. Quelles sont les normes de contrôle dont la Cour constitutionnelle assure le respect ?

Initialement, la CC ne pouvait utiliser comme normes de contrôle que les dispositions


constitutionnelles relatives à la répartition des compétences et les normes législatives
prises, en vertu de la Constitution, pour assurer cette répartition.

Réforme de 1988-1989 : contrôle étendu aux articles 10,11 et 24 de la Constitution.

Désormais : contrôle étendu au Titre II de la Constitution et aux articles 143, §1er (loyauté
fédérale), 170 et 172 (impôt) et 191 (fixe le statut constitutionnel de l’étranger).

Depuis l’adoption de la loi spéciale du 16 janvier 1989 sur le financement des communautés
et des régions, la Cour est compétente pour vérifier si, dans le processus d’adoption des
normes législatives, les procédures de collaboration ou de coopération entre autorité
fédérale, régions et communautés instituées par les lois des réformes institutionnelles ont
été respectées.

159
Il s’agit des procédures de concertation, d’association, de transmissions d’informations,
d’avis, d’avis conformes et celles qui impliquent des accords ou des accords communs. Par
contre, la Cour est incompétente pour contrôler les procédures de coopérations prévues
par l’art. 92bis LSRI.

La Cour constitutionnelle est donc habilitée à contrôler la procédure d’élaboration des


normes législatives dont l’adoption est subordonnée au respect de mécanismes de
collaboration.

La CC peut donc déterminer les contours du fédéralisme coopératif que le législateur a


entendu promouvoir en inscrivant un certain nombre de règles de coopération dans les lois
de réformes institutionnelles.

La CC intègre finalement l’article 92bis LSRI parmi les dispositions dont elle assure le
contrôle et s’estime compétente pour annuler une norme qui aurait été prise unilatéralement
dans un domaine où un accord de coopération obligatoire aurait dû être conclu.

139. Donnez quatre exemples démontrant que la Cour constitutionnelle livre une conception
extensive de ses compétences dans la définition des normes de contrôle.

1. La Cour contrôle le recours par le législateur fédéral à des majorités spéciales. Elle
précise, en effet, que « la condition de majorité spéciale fait partie intégrante du système
de répartition des compétences » et qu’en vertu de l’article 1er, 1°, de la loi spéciale, elle
peut « connaitre d’une violation des conditions spéciales de majorité exigées par la
Constitution pour l’exercice, par le législateur spécial, de sa compétence relative à l’emploi
des langues en matière administrative ». En ce faisant, elle contrôle la conformité
intrinsèque de la loi ;

2. Lors de la sixième réforme de l’État, le législateur spécial a incorporé l’article 143,


§1er, de la Constitution dans les normes de contrôle afin de permettre à la Cour de veiller
au respect de la loyauté fédérale. Il lui appartient donc de « vérifier si un législateur a, par
son intervention, rendu l’exercice des compétences des autres législateurs impossible ou
exagérément difficile ». En ce faisant, le législateur spécial confère à la juridiction
constitutionnelle une faculté dont elle usait déjà ;

3. Par l’interprétation que la Cour constitutionnelle donne de l’article 11 de la Constitution


dans son premier arrêt rendu au contentieux de l’égalité, elle se reconnait le pouvoir de
contrôler indirectement la conformité des normes de droit interne à des dispositions
de droit international ayant effet direct dans l’ordre juridique interne (établi une
parenté entre l'article 11 C. et l’article 14 CEDH) ;

4. Le principe d’égalité & de non-discrimination doit être respecté dans l’exercice de


toutes les libertés, peu importe la norme qui la consacre. La Cour n’hésite pas à annuler
une norme législative qui viole une disposition constitutionnelle dont elle n’assure pas le
contrôle, pour autant que cette violation puisse être combinée avec les art. 10 et 11 de la
Constitution ;

5. La Cour constitutionnelle estime que, lorsqu’est alléguée une violation d’une disposition du
Titre II ou des articles 143, §1er, 170,172 et 191 C., il lui appartient de tenir compte,
dans son examen, des dispositions de droit international qui garantissent des droits ou des
libertés analogues ;

6. La CC n’hésite pas à examiner si des PGD sont méconnus pour autant que leur violation
puisse être combinée avec une méconnaissance des dispositions dont elle assure le
contrôle.

En conclusion, malgré la portée incontestable de l’article 142 de la Constitution, la Cour intègre dans les normes
de contrôle non seulement d’autres dispositions constitutionnelles, mais aussi des dispositions de droit

160
international ou des principes généraux de droit pour autant qu’ils soient mis en rapport avec une disposition dont
elle assure le contrôle.

140. Qu’est-ce que la loyauté fédérale et quelle interprétation en donne la Cour


constitutionnelle – donnez-en un exemple jurisprudentiel d’application.

La loyauté fédérale - inspirée par la notion de Bundestreue (jurisprudence constitutionnelle


allemande) - est un concept proche de l’abus de droit.

Originellement, le constituant avait interdit toute intervention de la Cour constitutionnelle en


la matière. Il appartenait exclusivement au Sénat de veiller au respect de ce principe.
Cependant, dans un premier temps, notamment par référence au principe de
proportionnalité, la CC n’a pas hésité à sanctionner les abus de droit dont se rendrait
coupable un législateur.

Lors de la sixième réforme de l’État, le législateur spécial a incorporé l’article 143, §1er, de la
Constitution dans les normes de contrôle afin de permettre à la Cour de veiller au respect
de la loyauté fédérale. Il lui appartient donc de « vérifier si un législateur a, par son
intervention, rendu l’exercice des compétences des autres législateurs impossible ou
exagérément difficile ». En ce faisant, le législateur spécial confère à la juridiction
constitutionnelle une faculté dont elle usait déjà.

Voir CC 28 octobre 2010 – Écoles flamandes

=> La CC se réfère expressément au principe de loyauté fédérale, à propos d’un décret de la


Communauté flamande qui visait à confier aux services d’inspection de la Communauté
flamande, et non plus à ceux de la Communauté française, le soin de contrôler les écoles
francophones situées dans les communes à statut linguistique spécial de la périphérie
bruxelloise.

« Aux termes de l’article 143, § 1er, de la Constitution, dans l’exercice de leurs compétences
respectives, l’Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire
commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale.

Le principe de loyauté fédérale, selon les travaux préparatoires de cet article de la


Constitution, implique, pour l’autorité fédérale et pour les entités fédérées, l’obligation de ne
pas perturber l’équilibre de la construction fédérale dans son ensemble, lorsqu’elles exercent
leurs compétences ;

Ce principe concerne plus que le simple exercice des compétences : il indique dans quel
esprit cela doit se faire ».

Affaire concernant un droit de priorité des enfants néerlandophones dans les écoles
néerlandophones : « le législateur décrétal ne manque pas à la loyauté fédérale en
cherchant à résoudre, à défaut de concertation entre les autorités concernées, les difficultés
auxquelles se heurtent les établissements qui relèvent de sa compétence ».

141. Quelles sont les parties qui peuvent introduire un recours en annulation devant la Cour
constitutionnelle et quelles sont les conditions qu’elles doivent respecter ?

Loi du 28 juin 1983 : seuls le Conseil des ministres et les différents gouvernements
régionaux et communautaires étaient habilités à saisir la CC d’un recours en annulation
contre une loi et un décret sans devoir se prévaloir d’un intérêt particulier (toujours la cas), ni
pour saisir la Cour d’un recours en annulation, ni pour faire valoir leur position dans n’importe
quelle cause portée à sa connaissance. Cela s’applique même si le recours porte sur un
litige qui ne concerne pas la répartition des compétences, sauf lorsqu’il s’agit de contentieux
des dépenses électorales ainsi que de contentieux relatifs aux consultations populaires
régionales.

161
Depuis 1988 : le président d’une assemblée législative doit introduire un recours en
annulation devant la CC contre une loi, décret ou ordonnance lorsque la demande lui en est
faite par au moins 2/3 des membres de son assemblée. Il dispose d’un intérêt présumé à
agir. Il en résulte que les minorités parlementaires n’ont pas vocation à saisir la CC.

Article 2 LSCC du 6 janvier 1989 : le président de l’assemblée de la COCOF est autorisé à


introduire un recours en annulation étant donné que cette assemblée s’analyse comme une
assemblée législative en vertu de sa compétence de prendre des décrets dans les
compétences dont l’exercice lui est transféré en vertu de l’article 138 C.

Depuis 1988 : les particuliers peuvent également introduire directement des recours en
annulation devant la CC => exposé des motifs : toute personne physique ou morale justifiant
d’un intérêt.

L’expression « toute personne » vise aussi bien toutes les personnes physiques et morales
de droit privé que les personnes de droit public. Sont donc admis à faire des recours : les
communes, ordres professionnels, unions professionnelles, associations sans but lucratifs
personnes morales de droit étranger, parti politique, établissement d’utilité publique,
organisations syndicales.

La CC affirme l’exclusion de toute forme de recours populaire (contradictoire avec l’exigence


due intérêt à agir) et rappelle que l'intérêt fonctionnel intérêt qui résulte exclusivement de
l’exercice d’une fonction) d’un parlementaire est effacé par la possibilité réservée au
président d’une assemblée législative d’introduire un recours en annulation à la demande de
2/3 de ses membres.

Le droit de vote étant un droit politique fondamental de toute démocratie représentative, tout
candidat ou tout électeur a intérêt à demander l’annulation d’une disposition d’une loi
électorale. Il en est de même chaque fois qu’une norme législative pose un problème au
regard du droit de na pas être emprisonné sans jugement.

142. Quels sont les différents délais prévus pour introduire un recours en annulation devant
la Cour constitutionnelle ?

• Recours en annulation contre loi, décret ou ordonnance : 6 mois à partir de la publication


au MB (Art. 3 §1 LSCC) ;

• Recours en annulation contre une norme portant assentiment à un traité : 60 jours après la
publication au MB (art. 3§2 LSCC) ;

• Un nouveau délai de 6 mois est ouvert aux gouvernements lorsqu’un recours est exercé
contre une norme législative qui a le même objet et a été prise par un autre législateur ou
lorsque la Cour a annulé en tout ou en partie une norme législative qui a le même objet
(art. 4 §1 LSCC) ;

• Un autre délai de 6 mois est ouvert aux gouvernements, aux présidents d’assemblée et
aux particuliers lorsque, statuant sur une question préjudicielle, la Cour a déclaré qu’une
norme viole une disposition dont elle assure le contrôle (art. 4 §2 LSCC).

143. Quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour que la Cour constitutionnelle
suspende une norme législative et quels sont les effets d’un arrêt de suspension –
donnez trois exemples de motifs justifiant qu’une norme législative soit suspendue.

Conditions :

En principe, le recours en annulation n’est pas suspensif. Toutefois, la partie qui saisit la CC
d’un recours en annulation peut solliciter la suspension de la norme incriminée dans les trois

162
mois de sa publication. La CC est tenue de statuer sans délai sur la demande en
suspension.

La CC peut ordonner la suspension d’une norme si le recours se fonde sur des moyens
sérieux (≠ moyens fondés) et que la norme querellée crée, dans le chef du requérant, un
risque de préjudice grave et difficilement réparable.

Ces deux conditions revêtent un caractère cumulatif.

Même quand ces deux conditions sont réunies, la CC se réserve la faculté de ne pas user de
son pouvoir de suspension => peut faire la balance des avantages qu’une suspension
procurerait aux parties requérantes et des inconvénients qu’une telle suspension entraînerait
pour l'intérêt général — application du principe de la balance des intérêts.

Lorsqu’un recours est fondé sur les articles 16bis de la LSRI du 8/8/1980 ou 5bis de la LS du
12/01/1989 qui créent une règle de standstill dans la protection consentie aux francophones
de la périphérie bruxellois et aux néerlandophones de Bruxelles, la Cour peut user de son
pouvoir de suspension sans qu’il soit nécessaire de prouver un risque de préjudice grave
difficilement réparable.

Effets d’un arrêt de suspension :

La décision de suspension implique la suspension de la norme non seulement dans ses


effets positifs, mais aussi dans ses effets abrogatoires. La suspension de la norme
incriminée a donc pour effet de remettre en vigueur la législation abrogée, complétée,
modifiée ou remplacée par la norme suspendue. Dans la mesure où la suspension est
ordonnée, elle ne peut produire ses effets que pendant trois mois. Si l’arrêt d’annulation
n’intervient pas dans ce délai, la suspension cesse de produire ses effets (art. 25 LSCC).

Exemples de motifs justifiant la suspension d’une norme législative :

- La condition du préjudice est remplie lorsque le requérant est privé d’une garantie
juridictionnelle essentielle et que, compte tenu de son âge, il ne pourrait plus, à l’issue de
la procédure devant la CC, utilement faire valoir ses droits devant le Conseil d’État ;
- La condition du préjudice est remplie lorsque le requérant subit un préjudice moral lié à une
mise à la retraite anticipée ;
- La condition du préjudice est remplie lorsque, compte tenu de son âge, le requérant
perdrait, à défaut de suspension de la norme en cause, la dernière possibilité de
nomination à la fin de sa carrière et après avoir déjà mené de nombreuses procédures ;
- La condition du préjudice est remplie lorsqu’il consiste en la perte d’une année scolaire ou
dans l’exclusion de l’accès à des études de dentisterie ou de médecine.

144. Commentez et expliquez CC n°143/2013 du 30 octobre 2013 – procédure en


suspension – fouille au corps

Voir CC n°143/2013 du 30 octobre 2013 — P. 600 du précis

=> La CC estime que la condition de préjudice est remplie parce que « les fouilles
corporelles portent une atteinte sérieuse à l’intégrité physique » et que « la nature de la
mesure a en outre pour effet que cette atteinte ne peut être réparée ».

De plus, la Cour fait pleinement application de la notion de risque de préjudice, car le


requérant était libéré au moment où elle a rendu son arrêt mais n’ayant pas purgé
l’intégralité de sa peine, il pouvait « à tout moment être convoqué pour purger le reste de sa
peine privative de liberté ».

163
145. Quels sont les effets possibles des arrêts d’annulation et de rejet de la Cour
constitutionnelle ?

• Les arrêts d’annulation :

L’annulation d’une norme peut être soit pure et simple, soit atténuée.

Les arrêts dans lesquels la Cour prononce l’annulation totale ou partielle d’une loi, décret ou
ordonnance ont « autorité absolue de la chose jugée à partir de leur publication au MB ».
Une telle formulation est inadéquate car l’annulation est un effet de droit qui dépasse celui
de l’autorité de la chose jugée.

En réalité, l’annulation opère, en principe, de manière absolue. Les disposions annulées


sont censées n’avoir jamais existé.

Cependant, la Cour peut indiquer, par voie de disposition générale, ceux des effets de l’acte
annulé qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le
délai qu’elle détermine. La Cour est donc habilitée soit à limiter la portée rétroactive de ses
arrêts, soit à prévoir le moment auquel son arrêt commencera à produire ses effets. Il s’agit
d’éviter qu’une annulation ait pour effet de compromettre gravement la sécurité juridique.

La Cour, en certaines circonstances, use de cette faculté pour laisser le temps au législateur
de remédier au vice qu’il a détecté => CEDH : « au regard du principe de la sécurité
juridique, une cour constitutionnelle peut laisser un délai au législateur pour légiférer à
nouveau, ce qui a pour conséquence qu’une norme inconstitutionnelle reste applicable
pendant une période transitoire ».

En outre, le législateur règle les effets des arrêts d’annulation sur les décisions
juridictionnelles qui ont été prises en exécution d’une norme ultérieurement annulée. Les art.
9 à 18 LSCC consacrent l’existence d’une voie de recours spécifique – la rétraction – et la
réouverture des délais de recours administratifs et juridictionnels ouverts à l’encontre des
actes administratifs.

L’annulation d’un décret conjoint par la CC étend son annulation aux autres décrets conjoints
ayant le même contenu, et cela même si leur annulation n’a pas été sollicitée devant elle.

• Les arrêts de rejet :

Les arrêts de rejet sont obligatoires pour les juridictions en ce qui concerne les points de
droit tranchés par ces arrêts (art. 9 §2 LSCC).

Cependant, la Cour constitutionnelle ne s’estime pas liée par ses propres précédents. Il est
donc toujours loisible à une juridiction de l’interroger à titre préjudiciel sur un point qui aurait
été antérieurement tranché.

Si question préjudicielle qui ne présente aucun élément nouveau par rapport à l’arrêt de
rejet : la CC rend arrêt sur procédure préliminaire (art. 72, LS 6/1/1989).

Si élément nouveau par rapport à la décision antérieure de la CC : traitement de l’affaire


sans invocation de l’autorité de l’arrêt précédent.

146. Qui peut poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ?

La Cour constitutionnelle peut être interrogée à titre préjudiciel lorsque, à l’occasion d’un
litige pendant devant une juridiction, se pose la question de l’interprétation d’une norme
dont elle assure le contrôle.

164
Toute juridiction est habilitée à saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle :
cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, juridictions administratives, Conseil d’État ou
juridiction de coopération.

La Cour donne une interprétation large de la notion de juridiction. La CC se réfère à la


notion d’« acte juridictionnel » pour déterminer si l’auteur de celui-ci est « une juridiction »
qui peut la saisir à titre préjudiciel. Par exemple, elle considère que la commission
permanente de recours des réfugiés est une juridiction, de même pour un collège communal
qui intervient de manière juridictionnelle dans les contestations relatives aux registres des
électeurs.

Les parties au litige sont habilitées à faire valoir leurs observations dans le cadre de la
procédure préjudicielle : Il suffit que celui qui entend intervenir dans la procédure
préjudicielle fasse la preuve suffisante de l’effet direct que peut avoir la décision de la Cour
statuant en question préjudicielle sur sa situation personnelle.

147. Dans quels cas une juridiction qui ne statue pas en dernier ressort refuser de poser
une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle alors qu’une partie en a fait la
demande ?

1. Toutes les juridictions peuvent s’abstenir de poser une question préjudicielle à la Cour
lorsque l’action portée devant elle est irrecevable pour des motifs de procédure tirés de
normes ne faisant pas elles même l’objet de la demande de question préjudicielle. De
même, si la Cour a déjà répondu à une question ayant un objet identique ;

2. Toutes les juridictions peuvent s’en abstenir également lorsque la question est posée dans
le cadre d’une procédure d’urgence, à savoir une procédure en référé et en référé
administratif ou qui porte sur une détention préventive (art. 26 §3 LSCC).

Cependant, ceci n’est possible qu’à deux conditions :


- il faut qu’il n’existe pas de doute sérieux quant à la compatibilité de la norme en cause
avec les dispositions constitutionnelles dont la Cour constitutionnelle assure le contrôle ;
- et pour autant que la Cour ne soit pas déjà saisie d’un recours en annulation ou
interrogée à titre préjudiciel à propos de la norme en cause.

3. Toutes les juridictions peuvent s’abstenir de poser une question préjudicielle à la Cour si
est invoquée la violation d’un droit fondamental garanti de manière totalement ou
partiellement analogue par le titre II de la Constitution ainsi que par une disposition de
droit européen ou de droit international, lorsque la juridiction estime qu’un arrêt d’une
juridiction internationale fait apparaitre que la disposition de droit européen ou de droit
international est manifestement violée ou lorsqu’un arrêt de la Cour constitutionnelle fait
apparaître que la disposition du titre II de la Constitution est manifestement violée ;

4. Les autres juridictions dont la décision est susceptible d’appel, d’opposition, de pourvoi
en cassation, ou de recours en annulation au Conseil d’État, peuvent encore renoncer à
interroger la Cour à titre préjudiciel lorsqu’elles estiment que la réponse n’est pas
indispensable pour rendre leur décision ;

5. Elles disposent également du droit de ne pas poser une question préjudicielle « si la loi, le
décret ou la règle visée à l’article 134 de la Constitution ne viole manifestement pas une
règle ou un article de la Constitution » dont la Cour assure le contrôle (théorie de l’acte
clair).

La décision par laquelle une juridiction refuse de poser une question préjudicielle doit
indiquer les motifs du refus et, en tant qu’elle refuse de poser une telle question, cette
décision n’est pas susceptible d’un recours distinct.

165
148. Commentez et expliquez CC, n°68/2005 et Cass 29 juin 2005 – Affaire Total

Voir CC, n°68/2005 — P. 611 du précis

=> Un réfugié politique Birman dépose plainte sur base de la loi du 5 août 2003 relative aux
violations grave du droit international humanitaire (loi de compétence universelle) contre
Total. Cependant selon cette loi, les juridictions belges doivent se dessaisir si la plainte n’a
pas été déposé par un ressortissant belge.

La Cour de cassation interroge donc la Cour constitutionnelle à titre préjudiciel et cette


dernière constate que ladite loi est entachée d’inconstitutionnalité en ce qu’elle ne traite pas
également les plaignants belges et les réfugiés politiques établis en Belgique.

Voir Cass 29 juin 2005 — P. 611 du précis

=> La Cour de cassation ne suit pas la Cour constitutionnelle, et prononce le


dessaisissement des juridictions belges, et dit que, même inconstitutionnelle sur ce point,
la loi sur la compétence universelle ne permet pas de connaitre d’une plainte d’un
réfugié politique et qu’il ne lui appartient pas de pallier une carence législative.

149. Quels sont les effets des arrêts rendus à titre préjudiciel par la Cour constitutionnelle ?

L’arrêt de suspension de la Cour constitutionnelle lie le juge qui l’a interrogé, ainsi que
toutes les autres juridictions qui par la suite connaîtrons de la même affaire. En revanche,
elle ne s’impose pas aux autres juridictions, ni à la juridiction qui a posé la question dans le
cadre d’autres d’affaires.

Les arrêts rendus à titre préjudiciel ont une autorité relative renforcée. Ce système aboutit
à conférer à la Cour constitutionnelle une primauté sur les autres juridictions suprêmes, et à
garantir que les interprétations qui sont les siennes s’imposent à l’ensemble des juridictions
nationales.

Il existe cependant des cas où la juridiction qui a posé la question préjudicielle se refuse à
admettre la primauté de la Cour constitutionnelle (cf. affaire total).

150. Expliquez de manière motivée si la Cour constitutionnelle peut moduler les effets de
ses arrêts rendus à titre préjudiciel ?

La Cour constitutionnelle peut maintenir les effets d’une norme dont elle a constaté
l’inconstitutionnalité dans le cadre d’un contentieux préjudiciel.

En ce qui concerne le contentieux préjudiciel, l’article 28 §2 LSCC dispose à cet égard que
« Si la Cour l’estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des
effets des dispositions ayant fait l’objet d’un constat d’inconstitutionnalité qui doivent être
considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu’elle détermine ».

La Cour constitutionnelle peut moduler les effets de ses arrêts rendus à titre préjudiciel. Se
fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour estime
que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime justifient qu’elle déroge
ainsi, de manière prétorienne, au caractère déclaratoire de l’arrêt rendu au contentieux
préjudiciel. Elle doit, en effet, vérifier si « l’avantage tiré de l’effet du constat
d’inconstitutionnalité non modulé [n’est pas] disproportionné par rapport à la perturbation
qu’il impliquerait pour l’ordre juridique ».

Voir CC n°56/93 du 8 juillet 1993 et CC n°125/2011 du 7 juillet 2011 — P. 612 du précis

166
=> En l’espèce, « le constat, non modulé, d’inconstitutionnalité entrainerait dans de
nombreuses affaires pendantes et futures une insécurité juridique considérable et pourrait
engendrer des difficultés financières grave pour un grand nombre d’employeurs ». C’est
pourquoi, elle décide de maintenir les effets de la norme inconstitutionnelle jusqu’à ce que le
législateur adopte de nouvelles dispositions et au plus tard, jusqu’au 8 juillet 2013, soit
pendant un délai de deux ans.

• Les questions de réflexion (liens)

74. Réflexion sur la composition de la Cour constitutionnelle – liens avec la composition du


Conseil d’Etat (leçon 20), avec les autres mécanismes dualistes (leçons 11, 12 et 14),
avec la théorie du fédéralisme (leçon 22)
75. Réflexion sur l’impartialité des juges - liens avec la Conseil d’Etat (leçon 20) et avec la
vérification des pouvoirs (leçon 13)
76. Réflexion sur la définition des normes contrôlées par la Cour constitutionnelle – lien
avec l’Etat de droit (leçon 2)
77. Réflexion sur les parties qui peuvent introduire un recours en annulation – liens avec le
Conseil d’Etat (leçon 20) et la problématique des mécanismes de concertation (leçons
20 et 30).
78. Réflexion sur les effets d’arrêts d’annulation et rendus sur question préjudicielle – lien
avec les effets des arrêts d’annulation du Conseil d’Etat (leçons 5 et 20) et sur le
principe de non-rétroactivité de la loi (leçon 12)
79. Réflexion sur les raisons pour lesquelles une juridiction peut refuser de poser une
question préjudicielle à la Cour constitutionnelle lien avec la hiérarchisation des
juridictions suprêmes (leçons 5, 19 et 20), sur le statut particulier de celles-ci sur le
plan de la responsabilité civile (leçon 21) et sur le monopole de la Cour
constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité des normes législatives (leçon 5).

167
Leçon 19 : Les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire

• La matière à étudier

- Généralités (n°1)
- L’indépendance des magistrats (n°2, n°6, n° 9 à 15)
- La compétence constitutionnelle des cours et tribunaux (n°16 à 20)
- Les conflits d’attribution (n°22 à 23)
- Les compétences de la Cour d’assises (n°24 à 27)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Civ Bruxelles, 7 novembre 2000, Nihoul

• Les questions de fondement

125. Les magistrats sont inamovibles

Article 152 de la Constitution :


« Les juges sont nommés à vie. Ils sont mis à la retraite à un âge déterminé par la loi et
bénéficient de la pension prévue par la loi.

Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement.

Le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de
son consentement ».

126. Un juge ne peut suspendre l’exécution d’une loi

Article 237 du Code pénal :


« Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, d'une amende de cinquante
[euros] à cinq cents [euros], et pourront être condamnés à l'interdiction, pendant cinq ans à
dix ans, des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31, alinéa 1er.

Les membres et membres assesseurs des cours et tribunaux, les officiers de la police
judiciaire qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, soit par des
règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou suspendant
l'exécution d'une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si ces
lois seront exécutées;

Les membres et membres assesseurs des cours et tribunaux, les officiers de la police
judiciaire, qui auront excédé leur pouvoir en s'immisçant dans les matières attribuées aux
autorités administratives, soit en faisant des règlements sur ces matières, soit en défendant
d'exécuter les ordres émanés de l’administration ».

127. Les régions et les communautés, dans les matières qui relèvent de leurs compétences,
à l’élaboration des directives de politique criminelle

Article 151, §1, de la Constitution :


« § 1er. Les juges sont indépendants dans l'exercice de leurs compétences juridictionnelles.
Le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et poursuites
individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et
d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de
politique de recherche et de poursuite.

168
Par la voie du ministre visé à l'alinéa 1er, les gouvernements de communauté et de région
disposent, en outre, chacun en ce qui le concerne du droit d'ordonner des poursuites dans
les matières qui relèvent de leurs compétences. Une loi adoptée à la majorité prévue à
l'article 4, dernier alinéa, fixe les modalités d'exercice de ce droit.

Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, prévoit la participation
des communautés et des régions, dans les matières qui relèvent de leurs
compétences, à l'élaboration des directives visées à l'alinéa 1er et à la planification de
la politique de sécurité, ainsi que la participation, pour ce qui concerne ces mêmes
matières, de leurs représentants aux réunions du Collège des procureurs généraux ».

128. Le ministre de la justice a un pouvoir d’injonction positive mais s’applique néanmoins le


principe « la plume est serve mais la parole est libre »

Coutume constitutionnelle — adage : « la plume est serve mais la parole est libre ».

129. Le législateur peut confier à une juridiction administrative le soin de statuer sur le droit
à l’aide sociale

Article 145 de la Constitution :


« Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux,
sauf les exceptions établies par la loi ».

Cass., 21 décembre 1956 : la Cour de cassation considère que le droit aux allocations de
chômage est compris parmi les droits prévus à l’article 145.

130. Le juge judicaire peut décider de paralyser les effets d’un acte administratif, telle la
délibération d’un jury d’examen ajournant un étudiant.

Article 159 de la Constitution :


« Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et
locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ».

Théorie de l’objet véritable du recours

131. La théorie de l’objet véritable du recours permet d’établir les compétences respectives
des juridictions judiciaires et du Conseil d’Etat

Jurisprudence : Cass. 27 novembre 1952

132. Le Tribunal correctionnel juge des délits de presse à caractère raciste

Article 150 de la Constitution :


« Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à
l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie ».

• Les questions de fond

152. En quoi le vocable « pouvoir judiciaire » est-il périmé ?

L’expression « pouvoir judiciaire » revêt une double signification : organique et fonctionnelle.

Au sens organique, elle caractérise l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire,


communément appelé cours et tribunaux, soit les juges de paix et tribunaux de police, les
tribunaux d’arrondissement, de première instance, de travail et de l’entreprise, les cours
d’appel et du travail, les cours d’assises et la Cour de cassation.

169
Au sens fonctionnel, elle désigne la branche de l’activité publique qui consiste à trancher
des contestations, elle est synonyme de fonction juridictionnelle.

La Cour constitutionnelle et la section du contentieux administratif du Conseil d’État, qui sur


le plan organique n’appartiennent pas au pouvoir judiciaire, exercent une mission qui relève
du pouvoir judiciaire au sens fonctionnel. Elles constituent des juridictions contentieuses.

L’ambiguïté qui caractérise la notion de « pouvoir judiciaire » nous conduit à privilégier la


notion de pouvoir juridictionnel pour viser le pouvoir judiciaire au sens fonctionnel, et à
identifier le pouvoir judiciaire au sens organique sous le vocable d’autorités judiciaires ou
d’ordre judiciaire.

153. En quoi les magistrats assis sont-ils irresponsables et quelles limites sont apportées à
leur irresponsabilité personnelle ?

L’indépendance de la magistrature assise est garantie, notamment, par les règles relatives à
l’irresponsabilité personnelle des magistrats.

Le principe de l’irresponsabilité personnelle des magistrats n’est pas proclamé comme tel
dans la Constitution. Son existence est toutefois communément admise et puise ses racines
dans l’Ancien Régime.

Dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, les juges sont irresponsables, tant sur
le plan civil que pénal. Ils n’ont à rendre de compte de leurs décisions à personnes et ne
peuvent être recherchés pour les jugements qu’ils ont prononcés. Les voies de recours sont
dirigées non pas contre le juge lui-même, mais contre les décisions qu’il rend.

Toutefois, en cas de fraude, de dol, ou de déni de justice commis par un juge, la procédure
de la prise à partie permet d’obtenir devant la Cour de cassation sa condamnation à réparer
le préjudice occasionné ou l’annulation du jugement et le renvoi de la cause devant une
autre juridiction.

Un juge peut également faire l’objet de poursuites pénales. La loi pénale lui interdit
l’accomplissement de certains actes qui constituent des abus d’autorité — exemples : peines
d’emprisonnement, amende et interdiction de certains droits pour le juge qui s’immisce dans
l’exercice du pouvoir législatif ou dans les matières attribuées aux autorités
administratives.

Le jugement au pénal des magistrats (pour infractions commises dans ou en dehors de


l’exercice de leurs fonctions) fait l’objet d’une procédure spéciale : le juge est cité devant la
cour d’appel (=privilège de juridiction) à la requête du procureur général près cette cour.
Celle-ci se prononce sans qu’il puisse avoir appel.

La Cour constitutionnelle a, cependant, indiqué que les magistrats devaient bénéficier, avant
leur renvoi, d’un règlement de procédure à l’occasion duquel on vérifie si les charges sont
suffisantes et si la procédure est régulière.

L’irresponsabilité personnelle des juges ne fait pas obstacle à l’instauration d’un régime
disciplinaire (article 152, al. 2) : aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que
par un jugement.

154. Énumérez les trois principes qui gouvernent l’action du ministère public

Le ministère public est le représentant de l’intérêt général auprès des cours et tribunaux.

Trois principes le caractérisent :

170
1. L’unité du ministère public : corps hiérarchisé sous l’autorité du ministre de la justice ;

2. L’indivisibilité du ministère public : aucune distinction entre les différents magistrats de


ce corps => chaque acte est posé au nom de l’ensemble du ministère public ;

3. L’indépendance du ministère public : article 151 C => indépendant « dans l’exercice des
recherches et poursuites individuelles ».

155. Déterminez la portée du principe d’indépendance du ministère public ?

L’indépendance du ministère public est consacrée par l’article 151 de la Constitution. En


vertu de l’article 153, le Roi nomme et révoque les officiers du ministère public près les cours
et tribunaux (pouvoir de révocation du Roi, qui implique que les magistrats du parquet ne
bénéficient pas de la garantie de l’irrévocabilité dont jouit la magistrature assise). Cet article
laisse supposer une dépendance hiérarchique stricte du ministère public à l’égard de
l’exécutif.

La coutume constitutionnelle a nuancé cette règle.

Une distinction doit être faite entre :


a) les actes écrits : dans ses actes écrits, le ministère public est l’agent du gouvernement
auprès des juridictions ;

b) les actes de poursuites : le pouvoir exécutif possède un pouvoir hiérarchique (d’injonction


positive) à l’égard du parquet uniquement pour ordonner des poursuites, non pour les
interdire ;

c) les réquisitions (pénal) et avis (civil) donnés oralement : le ministère public agit comme
conseiller du juge et, dans cette fonction, est organe du pouvoir judiciaire => plus lié par
les prescriptions de ses supérieurs hiérarchiques. Même les réquisitions écrites qu’il a
prises ne l’obligent pas.

Le ministère public est également indépendant vis-à-vis de la magistrature assise. Celle-ci


n’a pas à lui donner d’injonctions dans les domaines qui relèvent de sa sphère de
compétence souveraine. Il est investi du monopole de l’intentement des poursuites
répressives. Cependant, ni en droit ni dans sa pratique habituelle, il n’est tenu ou ne s’estime
tenu par le respect du principe d’impartialité.

Les membres du parquet ne jouissent pas de la garantie d’inamovibilité. Le procureur


général peut, même sans le consentement de l’intéressé et sans devoir recourir à une
nomination nouvelle, le détacher afin qu’il exerce ses fonctions auprès d’une autre juridiction
du ressort de la même cour d’appel.

156. Comment la sixième réforme de l’État a-t-elle consacré le fait fédéral dans
l’organisation du ministère public ?

L’article 151 de la Constitution prévoit désormais la participation des communauté et des


régions dans les matières qui relèvent de leurs compétences, à l’élaboration des
directives de politique criminelle et à la planification de la politique de sécurité, ainsi
que la participation, pour ce qui concerne ces mêmes matières, de leurs représentants aux
réunions du Collège des procureurs généraux.

L’article 151 prévoit désormais que, par l’entremise du ministre de la justice, les
gouvernements de communauté et de région disposent, chacun en ce qui le concerne, du
droit d’ordonner des poursuites dans les matières qui relèvent de leurs compétences.

171
157. Comment la Constitution définit-elle la compétence des cours et tribunaux de l’ordre
judiciaire ?

Les articles 144 et 145 de la Constitution traitent du contentieux des droits subjectifs.

L’article 144 réserve aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, de manière exclusive, la
connaissance des contestations qui ont pour objet des droits civils.

L’article 145 attribue en principe aux cours et tribunaux la connaissance des contestations
qui ont pour objets des droits politiques, le législateur étant habilité, par exception, à confier
la connaissance de certains de ces litiges à des juridictions administratives.

La distinction entre les droits civils et les droits politiques gouverne le régime constitutionnel
de la compétence juridictionnelle. Cependant, ni la Constitution ni ses travaux préparatoires
ne définissent ces notions.

La modification de l’article 144 de la Constitution a pour objet de permettre au Conseil d’État


ou aux juridictions administratives fédérales de statuer sur les effets civils de leurs décisions
(ex : indemnisation consécutive aux arrêts d’annulation du CE).

158. Définissez ce que sont les droits politiques.

Traditionnellement, la jurisprudence et la doctrine avaient défini les droits politiques comme


l’ensemble des droits qui comportent une participation, fût-elle minime, à l’exercice de la
puissance publique. La jurisprudence a reconnu l’existence de quatre types de droit
politiques : ius suffragii, ius honorum, ius tributi et le ius militiae.

Arrête Trine (21/12/1956) : la Cour de cassation livre une conception plus large de la notion
de droit politique : outre les droits de participation active à l’exercice du pouvoir
expressément visés par le constituant en 1831, les droits politiques visés à l’article 145 C.
comprennent donc les droits reconnus par la loi au citoyen dans ses rapports avec la
puissance publique comme membre passif de la communauté politique, soit encore les
droits de bénéficier en tant que citoyen ou d’administré de la distribution des services et
avantages que la puissance publique procure.

Les droits politiques trouvent leur source dans le droit public. Le droit politique permet à
une personne d’exiger quelque chose d’une autorité politique, en vertu d’une obligation
instituée ou validée par le droit public, dans le but de procurer satisfaction à des intérêts
individuels. Par droit public, il faut entendre ici l’ensemble des règles qui imposent des
obligations aux autorités publiques afin de réaliser l’intérêt général.
159. Comment résumer la ligne de partage entre les compétences respectives des
juridictions judiciaires et du Conseil d’Etat ? Illustrez le propos avec un litige ayant pour
objet une somme d’argent.

En vertu de l’article 158 C, la Cour de cassation se prononce sur les conflits d’attributions,
d’après le mode réglé par la loi.

Les dispositions des LCCE qui confient à la Cour de cassation le soin de connaitre des
conflits de compétences entre le CE et les tribunaux de l’ordre judiciaire constituent une mise
en œuvre de l'article 158 C.

Dans l’exercice de cette mission, la Cour de cassation fait application de la théorie de


l’objet véritable du recours. La juridiction administrative est donc incompétente non
seulement lorsque le recours a pour objet véritable une contestation portant sur un droit civil,
mais de manière plus générale lorsqu’elle porte sur la reconnaissance d’un droit subjectif,
qu’il soit civil ou politique.

172
1. Par conséquent, le Conseil d’État n’est pas compétent lorsqu’un litige porte sur un
droit subjectif et que le juge judiciaire peut donner pleinement satisfaction au
requérant dans des conditions identiques à celles qui résulteraient de l’intervention
du juge administratif.

Ce critère permet de comprendre la jurisprudence du CE dans des litiges relatifs à des


sommes d’argent : il est communément admis, sous réserve des articles 11 et 11bis des
LCCE, que la juridiction administrative est incompétente pour en connaitre lorsque le
requérant aurait pu obtenir satisfaction en citant l’autorité administrative en cause devant le
juge judiciaire. Cependant, celui-ci se refuse encore aujourd’hui de donner des injonctions à
l’administration lorsque celle-ci dispose d’un pouvoir d’appréciation. Il refuse donc de
condamner une autorité publique à verser une somme d’argent à un requérant lorsque sa
compétence n’est pas liée à la fois sur le principe du versement et sur le montant. Le CE
retrouve, dans ce cas, sa vocation à intervenir. Il s’est, par exemple, déclaré compétent pour
connaitre d’un recours dirigé contre un refus d’accorder un avantage salarial facultatif à un
agent.

CE : pas compétent pour connaitre d’une décision d’une commune qui refuse d’inscrire un
étranger dans les registres de la population.

2. Le Conseil d’État est compétent exclusivement lorsque le juge judiciaire ne peut


donner pleinement satisfaction au requérant dans des conditions identiques à
celles qui résulteraient de son intervention.

Domaine disciplinaire : Juge judiciaire incompétent > < CE compétent pour annuler une
révocation ou une démission d’office, restituer son emploi au requérant et reconstituer sa
carrière, et cela même si cela emporte des conséquences sur les droits subjectifs de
l’intéressé.

Annulation d’un règlement irrégulier : Juge judiciaire incompétent (pour faire disparaitre
totalement l’acte) > < CE est compétent pour connaitre d’un tel recours en annulation, même
si cela a une incidence sur un droit subjectif du requérant.

3. Le Conseil d’État et le juge judiciaire sont compétents concurremment dans


certains domaines, selon la manière dont le justiciable présente ses intérêts.

Accent sur violation d’un droit subjectif : saisie du juge judiciaire > < contentieux objectif
(procès fait à un acte) : saisie de la juridiction administrative.

Ainsi, le juge judiciaire et le CE sont compétents lorsqu’une université refuse d’inscrire un


étudiant. De même le CE peut annuler un refus d’inscription et le juge judiciaire peut en
constater l’irrégularité et enjoindre à l’autorité de se prononcer à nouveau.

160. Quels sont les trois types de délits politiques ?

On distingue trois catégories de délits politique :

1. Les infractions dont le caractère politique résulte de la loi : attentats et complots


contre le Roi, contre la famille royale et contre la forme du gouvernement, les délits et
crimes contre la sûreté extérieure de l’État, les crimes contre la sûreté intérieure de l’État,
offenses envers le Roi et les membres de la famille royale,… ;

2. Les infractions politiques par nature : consistent à attaquer exclusivement les


institutions politiques du pays — ex : le fait d’attaquer méchamment et publiquement la
force obligatoire des lois ;

173
3. Les infractions de droit commun devenant politiques en raison des circonstances :
infraction directement inspirée par le mobile de porter atteinte aux institutions politique et a
pour effet de porter directement atteinte à ces institutions.

Exemples de délits politiques : faux en écriture commis dans l’établissement des listes
électorales, participation au scrutin d’une personne déchue du droit de vote.

161. Quelles sont les conditions requises pour qu’une infraction soit considérée comme un
délit de presse ?

Les délits de presse ne constituent pas des infractions spécifiques. Il s’agit de délits de
droit commun commis par la voie de la presse.

L’existence d’un délit de presse suppose la réunion de trois conditions :

1. Infraction ;

2. Écrit reproduit mécaniquement et publié :

Il suppose un élément matériel : l’infraction doit avoir été commise au moyen d’un écrit, qui
est nécessairement un texte.

Le texte doit recevoir une certaine publicité : publié dans des journaux, édité sous la forme
d’un livre offert à la vente, distribué sous forme de tracts sur la voie publique,…

! Des images ne peuvent pas constituer un délit de presse !

3. Elément intellectuel :

Le délit de presse indique l’expression d’une pensée (ou une idée) délictueuse
indépendamment du fait qu’elle est reproduite pas le canal de la presse : injure, calomnie,
diffamation, incite à la révolte,…

! Un écrit qui ne contient pas d’opinion, telle la publicité pour une maison de jeux
prohibée, ne constitue pas un délit de presse !

• Les questions de réflexion (liens)

80 Réflexion sur la notion de « pouvoir judiciaire » - lien avec la séparation des pouvoirs
(leçon 2), avec le champ d’application de l’article 159 de la Constitution (leçon 5) et
avec la possibilité de refuser de poser une question préjudicielle à la Cour
constitutionnelle (leçon 18)
81 Réflexion sur l’irresponsabilité des magistrats – comparaison et lien avec les autres
régimes d’irresponsabilité : Roi (leçon 23), parlementaires (leçon 10) et ministres
(leçon 16)
82. Réflexion sur l’indépendance du ministère public – lien avec la séparation des pouvoirs
(leçon 2) et l’affaire Fortis (leçon 15)
83. Réflexion sur les conflits d’attributions – compétences respectives des juridictions
judiciaires et du Conseil d’Etat ? Illustrez le propos avec un litige ayant pour objet une
somme d’argent – lien avec la compétence du Conseil d’Etat de prendre arrêt qui se
substitue à la décision annulée (leçon 20).
84. réflexion sur les délits de presse – liens avec la notion de souveraineté (leçon 1) et
avec la démocratie participative (leçon 6).

174
Leçon 20 : Le Conseil d’État

• La matière à étudier

- Le contentieux de l’indemnité (n°4 à 6)


- Le contentieux de l’annulation (n°7 à 21)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE, n°175.208 du 2 octobre 2007, Bosseaux – motivation formelle

• Les questions de fondement

133. Un particulier qui subit un dommage exceptionnel à la suite d’un acte non fautif d’une
autorité administratif peut être indemnisé

Art. 11 lois cordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État (« LCCE ») :


« Dans le cas où il n'existe pas d'autre juridiction compétente, la section du contentieux
administratif se prononce en équité par voie d'arrêt, en tenant compte de toutes les
circonstances d'intérêt public et privé, sur les demandes d'indemnité relatives à la réparation
d'un dommage exceptionnel, moral ou matériel, causé par une autorité administrative.

La demande d'indemnité ne sera recevable qu'après que l'autorité administrative aura


rejeté totalement ou partiellement une requête en indemnité, ou négligé pendant soixante
jours de statuer à son égard ».

134. La décision d’une autorité publique de conclure un contrat peut être attaquée devant le
CE - la théorie de l’acte détachable

Théorie de l’acte détachable : Théorie d’origine française, qui consiste à détacher d’un
contrat conclu par l’administration (et spécialement des marchés publics, mais pas
exclusivement) certains actes qui concourent à la formation du contrat, afin de permettre aux
tiers au contrat de les attaquer par l’introduction d’un recours en annulation au Conseil
d’État.

Jurisprudence — ex : CE 3 juillet 2002, Ville de Ciney

135. Un recours au Conseil d’Etat peut être introduit contre certaines décisions du Conseil
supérieur de la Justice

Art. 14, §1er, lois cordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État (« LCCE ») :
« § 1er. Si le contentieux n'est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section statue
par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles,
soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes
et règlements :
1° des diverses autorités administratives ;
2° des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce compris les médiateurs institués
auprès de ces assemblées, de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, du
Conseil d'Etat et des juridictions administratives ainsi que des organes du pouvoir judiciaire
et du Conseil supérieur de la Justice, relatifs aux marchés publics, aux membres de
leur personnel, ainsi qu'au recrutement, à la désignation, à la nomination dans une
fonction publique ou aux mesures ayant un caractère disciplinaire.

Les irrégularités visées à l'alinéa 1er ne donnent lieu à une annulation que si elles ont été
susceptibles d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ont privé

175
les intéressés d'une garantie ou ont pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de
l’acte. »

136. Un acte administratif peut être suspendu s’il y a urgence et que les moyens invoqués
sont sérieux.

Art. 17, §1er, lois cordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État (« LCCE ») :
« § 1er. La section du contentieux administratif est seule compétente pour ordonner par
arrêt, les parties entendues ou dûment appelées, la suspension de l'exécution d'un acte ou
d'un règlement susceptible d'être annulé en vertu de l'article 14, §§ 1er et 3, et pour
ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des
personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire.
Cette suspension ou ces mesures provisoires peuvent être ordonnées à tout moment :
1° s'il existe une urgence incompatible avec le traitement de l'affaire en annulation ;
2° et si au moins un moyen sérieux susceptible prima facie de justifier l'annulation de
l'acte ou du règlement est invoqué »

137. Une action en responsabilité devant le juge judiciaire ne peut être engagée si une
indemnité réparatrice a été sollicitée devant le Conseil d’Etat.

Art. 11bis lois cordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État (« LCCE ») :
« Toute partie requérante ou intervenante qui poursuit l'annulation d'un acte, d'un règlement
ou d'une décision implicite de rejet en application de l'article 14, § 1er ou § 3, peut demander
à la section du contentieux administratif de lui allouer par voie d'arrêt une indemnité
réparatrice à charge de l'auteur de l'acte si elle a subi un préjudice du fait de l'illégalité de
l'acte, du règlement ou de la décision implicite de rejet, en tenant compte des intérêts publics
et privés en présence.

La demande d'indemnité est introduite au plus tard dans les soixante jours qui suivent la
notification de l'arrêt ayant constaté l'illégalité. Il est statué sur la demande d'indemnité dans
les douze mois qui suivent la notification de l'arrêt ayant constaté l'illégalité.
En cas d'application de l'article 38, la demande d'indemnité doit être introduite au plus tard
soixante jours après la notification de l'arrêt qui clôt la procédure de recours. Il est statué sur
la demande d'indemnité dans les douze mois qui suivent la notification de l'arrêt qui clôt la
procédure de recours.

La partie qui a introduit la demande d'indemnité ne peut plus intenter une action en
responsabilité civile pour obtenir une réparation du même préjudice.
Toute partie qui intente ou a intenté une action en responsabilité civile ne peut plus
demander à la section du contentieux administratif une indemnité pour le même préjudice ».

138. Tout acte administratif doit être fondé sur une motivation pertinente, adéquate et
légalement admissible

Article 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 :

- Art. 2 :« Les actes administratifs des autorités administratives visées à l'article premier
doivent faire l'objet d'une motivation formelle ».

- Art. 3 : « La motivation exigée consiste en l'indication, dans l'acte, des considérations de


droit et de fait servant de fondement à la décision.

Elle doit être adéquate »

Jurisprudence :
- CE 24 novembre 2009, Soors ;
- CE 24 juin 2006, Vantomme et crs.

176
• Les questions de fond

162. Quelles sont les conditions pour obtenir la réparation d’un dommage exceptionnel à la
suite d’un acte non-fautif d’une autorité administrative ?

Le contentieux de l’indemnité (article 11 LCCE) a été créé pour ouvrir la voie à l’indemnisation
des préjudices non couverts par le juge judiciaire. Il permet l’indemnisation des préjudices
important, en l’absence de faute de l’administration et alors que la collectivité retirait un
avantage des mesures à l’origine de ces préjudices.

Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu’un requérant ait vocation à
obtenir une indemnité pour préjudice exceptionnel :

1. La compétence du CE est résiduelle : le requérant ne peut le saisir que s’il ne dispose


pas d’un recours en indemnisation devant une autre juridiction, que celle-ci relève de
l’ordre judiciaire ou administratif. L’acte dommageable ne peut donc être un acte illégal de
l’autorité, car celui-ci engage sa responsabilité pour faute ;

2. Le dommage doit avoir été causé par une autorité administrative : le dommage causé
directement par la loi ou par le pouvoir judiciaire échappe à la compétence du CE ;

3. Le dommage doit être exceptionnel : il doit être grave, rare et spécial. Il doit toucher
directement le requérant et, par essence, ne concerner qu’un faible nombre de personnes.
Il peut être moral ou matériel ;

4. Le CE statue en équité, tant pour apprécier si les conditions constitutives d’un


dommage exceptionnel sont remplies que pour fixer le montant de l’indemnité à
accorder. Il en résulte que celle-ci ne devrait pas forcément équivaloir à une réparation
intégrale du dommage subi. Telle n’est pas l’option retenue par le CE selon qui « il
s’indique de prendre en considération le montant qui serait octroyé, pour un dommage
identique, par les juridictions judiciaires ».

163. Quels sont les actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation du Conseil
d’Etat en ayant égard à leur auteur, d’une part et à leur nature, d’autre part ?

Le contentieux de l’annulation (article 14 LCCE) implique et sanctionne la soumission de


l’administration au droit. Les arrêts d’annulation ont une grande influence sur l’administration,
car ils entravent son action.

Le recours vise à l’annulation de l’acte attaqué pour excès de pouvoir. Les seuls moyens qui
peuvent être invoqués à l’appui de ce recours sont ceux qui sont fondés sur une illégalité.
Le CE est donc incompétente pour connaitre d’un recours qui se bornerait à invoquer
l’équité.

Actes concernés ayant égard à leur auteur :

• Jusqu’en 1999 : seulement actes et règlements pris par des autorités administratives =>
critère organique ;

• Loi du 25 mai 1999 : tous les recours introduits contre actes et règlements pris par des
autorités administratives mais aussi par d’autres autorités, notamment législatives et
judiciaires => substitution du critère organique en critère matériel ;

• Jurisprudence CC (2011) : actes et règlements des assemblées législatives ou de leurs


organes, y compris les médiateurs de ces assemblées ainsi que des organes du pouvoir
judiciaire et du CSJ relatifs au marché public, au recrutement, à la désignation, à la
nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant un caractère
disciplinaire.

177
Actes concernés ayant égard à leur nature :

• L’acte attaqué doit être une décision => le CE ne peut annuler que des actes juridiques :
pas admissible actes matériels et actes sans portée juridique (renseignements, actes
préparatoires, actes confirmatifs) ;

La décision est un acte unilatéral qui se distingue, par exemple, d’un contrat. Cependant,
lorsqu’une administration a conclu irrégulièrement un contrat, le requérant peut saisir la SCA
d’un recours en annulation non contre la convention mais contre la décision de conclure
celle-ci => Théorie de l’acte détachable.

• La SCA est également compétente pour connaitre du recours contre une décision
implicite de rejet : se déduit du silence de l’autorité, lorsque celle-ci s’abstient de donner
suite à la mise en demeure de statuer qui lui a été adressée ;

• L’acte attaqué doit avoir été pris en dernier ressort : lorsque les recours administratifs
organisés ont été épuisés ;

• Le requérant doit avoir un intérêt à l’annulation : personnel, légitime, direct, actuel et


certain (exclut l’action populaire).

164. Quels sont les règles de délai pour poursuivre l’annulation d’un acte administratif
devant le Conseil d’Etat ?

La requête en annulation doit être introduite dans un délai de 60 jours à compter de la


publication, de la notification ou, à défaut, de la prise de connaissance de l’acte attaqué. Ce
délai est d’ordre public.

• Exception (art. 19, al. 2, LCCE) :

Si un document par lequel une décision ou un acte administratif à portée individuelle


émanant d’une autorité administrative ne contient pas les éventuelles voies de recours ainsi
que les formes et délais à respecter, alors le délai de 60 jours ne débute que 4 mois après
que l’intéressé a pris connaissance de l’acte qui lui fait grief.

Le délai de recours est également suspendu pendant 4 mois lorsqu’une réclamation est
introduite auprès d’une personne investie de la fonction de médiateur par une loi, un décret
ou une ordonnance.

165. Quels sont les moyens qui peuvent être invoqués pour obtenir l’annulation d’un acte
devant le Conseil d’Etat ?

L’article 14 LCCE énumères les causes d’annulation :


1. violation des formes soit substantielles :

2. soit prescrites à peine de nullité ;

3. excès ou détournement de pouvoir.

=> De manière plus générale : toute illégalité constitue une cause d’annulation. Il faut
plutôt distinguer les moyens tenant à la légalité externe de l’acte et les moyens qui ont trait à
sa légalité interne :

178
A. Légalité externe

= tout ce qui concerne la compétence et les formes.

- Un acte est illégal lorsque son auteur n’est pas compétent pour le prendre, que ce soit
ratione materiae, ratione temporis ou ratione loci.

- Formes prescrites à peine de nullité = celles qui sont désignées comme telles par loi ou
le règlement.

- Formes substantielles = celles que le CE estime suffisamment importantes pour que leur
méconnaissance justifie l’annulation de l’acte.

=> Exemples (article 14bis LCCE) : concertations, associations, transmissions


d’informations, avis, avis conformes, accords, accords communs (sauf accords de
coopération article 92bis LSRI 8/8/80) et propositions qui concernent les relations entre
l’État, les communautés et les régions.

B. Légalité interne

= contrôle de la légalité des motifs de l’acte administratif.

- Un acte est entaché d’une illégalité interne lorsque l’administration, intervenant dans une
matière dans laquelle elle est a priori compétente et dans le respect des formes qui
régissent son action, viole une norme de droit supérieur ou fait une fausse application
de celle-ci1 . Une erreur dans l’appréciation matérielle des faits à la base d’un acte
administratif peut fonder son annulation.

- Le CE accepte aujourd’hui d’exercer un contrôle marginal de l’opportunité des actes


administratifs en sanctionnant les erreurs manifestes d’appréciation commises par
l’administration.

- Le détournement de pouvoir est la forme extrême de l’excès de pouvoir. Il consiste, pour


une autorité administrative, à utiliser volontairement ses pouvoirs à des fins autres que
celles en vue desquelles ils lui ont été confiés. Tel est le cas lorsque l’administration
poursuit un but totalement étranger à l’intérêt public.

166. Quelle est la portée de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des
actes administratifs et son incidence sur la nature du contrôle qu’opère le Conseil
d’Etat sur les actes de l’administration ?

En vertu de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs,
tout acte administratif doit faire l’objet d’une motivation formelle, laquelle consiste en
l’indication, dans l’acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la
décision.

Depuis l’adoption de cette loi, sous le couvert d’un examen tatillon de la forme de motivation,
le Conseil d’État effectue un contrôle invasif de l’action de l’administration qui aboutit à la
sanctionner bien au-delà de l’erreur manifeste d’appréciation.

1 Par norme de droit supérieur, il faut entendre les traités internationaux directement applicable en droit belge, la Constitution,
les lois, les décrets et ordonnances, ainsi que les normes réglementaires prises par le pouvoir exécutif au sens large.

179
167. Quelles sont les conditions pour obtenir la suspension d’un acte administratif devant le
Conseil d’État ?

L’art. 17 LCCE consacre le contentieux de la suspension (référé administratif), qui permet au


Conseil d’État de suspendre l’exécution d’un acte ou règlement administratif susceptible
d’être annulé par la section du contentieux administratif.

Deux conditions cumulatives :


1. Existence d’une urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation ;
2. Invocation, par le requérant, de moyens sérieux de nature à fonder l’annulation de l’acte
ou du règlement querellé.
Une demande de suspension peut s’accompagner d’une demande de mesures provisoires
visant à préserver l’effet utile de l’arrêt de suspension.

La demande en suspension est l’accessoire de la requête en annulation et peut être


introduite à tout moment de la procédure, soit en même temps que la requête en annulation,
soit postérieurement à celle-ci.

Lorsqu’un recours est fondé sur les articles 16bis de la LSR du 8/8/80 ou 5bis de la LS du
12/1/89 (règle de standstill dans la protection consentie aux francophones de la périphérie
bruxelloise et aux néerlandophones de Bruxelles), le CE peut user de son pouvoir de
suspension sans qu’il soit nécessaire de prouver l’urgence.

Une procédure d’extrême urgence permet l’examen de la demande de la suspension dans


un délai extrêmement bref.

168. Dans quelles conditions le Conseil d’Etat peut condamner une autorité administrative à
payer une indemnité réparatrice à un requérant – quelles sont les conséquences de la
mise en œuvre de cette procédure ?

La modification de l’article 144 de la Constitution permet au Conseil d’État ainsi qu’aux


juridictions administratives fédérales de statuer sur les effets civils de leurs décisions.

En vertu de l’article 11bis, al. 1, des LCCE : « Toute partie requérante ou intervenante qui
poursuit l'annulation d'un acte, d'un règlement ou d'une décision implicite de rejet en
application de l'article 14, § 1er ou § 3, peut demander à la section du contentieux
administratif de lui allouer par voie d'arrêt une indemnité réparatrice à charge de l'auteur de
l'acte si elle a subi un préjudice du fait de l'illégalité de l'acte, du règlement ou de la décision
implicite de rejet, en tenant compte des intérêts publics et privés en présence ».

Conditions :

- Cette indemnité peut donc être sollicitée chaque fois que le CE constate une illégalité, et
non uniquement dans le cas de l’annulation ;

- L’indemnité peut être réclamée lorsque l’acte attaqué fait l’objet d’un retrait en cours de
procédure ;

- La requête en indemnité doit être introduite dans les 60 jours de l’arrêt d’annulation, l’arrêt
devant intervenir dans les 12 mois de la demande ;

- Le CE se doit de tenir compte de toutes les circonstances d’intérêt public et privé ;

Conséquences :

- En engageant cette procédure, le requérant se prive irrévocablement de la possibilité de


saisir le juge civil en application de l’article 1382 du Code civil ;

180
- De même, s’il a engagé une action devant un juge judiciaire en application de l’art. 1382, il
ne lui est plus possible de solliciter une indemnité réparatrice auprès du Conseil d’État ;

- Si le requérant engage cette procédure devant le CE, laquelle implique une économie de
temps et un gain procédural, il ne pourra, contrairement à la situation qui est la sienne
devant le juge civil, bénéficier d’une voie de recours s’il n’est pas satisfait de la décision
obtenue.

169. Quelles sont les règles qui permettent de garantir la bonne exécution d’un arrêt
d’annulation du Conseil d’Etat ?

La loi du 20 janvier 2014 offre au Conseil d’État des moyens de garantir le respect de ses
arrêts d’annulation :

1. Le requérant peut anticiper les difficultés qui pourraient être engendrées par l’annulation
de l’acte querellé. Il peut, en effet, demander au CE de préciser « dans les motifs de son
arrêt d’annulation, les mesures à prendre pour remédier à l’illégalité ayant conduit à cette
annulation » ;

2. Lorsque l’arrêt implique que l’autorité concernée prenne une nouvelle décision et pour
autant que le requérant l’ait sollicité, le CE peut fixer le délai dans lequel celle-ci doit être
prise (éventuellement par un arrêt ultérieur : mise en demeure du requérant par lettre
recommandée et 3 mois après arrêt d’annulation) ;

3. Lorsque la « nouvelle décision à prendre résulte d’une compétence liée de la partie


adverse, l’arrêt se substitue à celle-ci ».

Si l’autorité n'exécute pas l’arrêt dans le sens indiqué par le CE, le requérant peut demander
à la section du contentieux administratif d’imposer une astreinte à cette autorité ou de lui
ordonner, sous peine d’une astreinte, de retirer la décision qu’elle aurait prise en violation de
l’obligation d’abstention découlant de l’arrêt d’annulation.

• Les questions de réflexion (liens)

85. Réflexion sur la désignation des conseillers d’Etat – lien avec la désignation des juges
à la Cour constitutionnelle (leçon 18)
86. Réflexion sur le contentieux de l’indemnité - lien avec la responsabilité dans l’exercice
des missions exécutive et législative (leçon 21)
87. Réflexion sur l’intérêt à agir devant le Conseil d’Etat – lien avec l’intérêt à agir devant la
Cour constitutionnelle et la mise en œuvre de ces principes dans le contentieux sur les
circulaires Peeters et Martens (leçons 18 et 17).
88. Réflexion sur l’extension des compétences du Conseil d’Etat au contentieux de
l’annulation pour des actes n’émanant pas d’autorités législatives – lien avec la
situation des fonctionnaires parlementaires et avec les lacunes législatives (leçon 11 et
18)

181
Leçon 21 : La responsabilité des pouvoirs publics

• La matière à étudier

- La responsabilité dans la fonction exécutive (n°2 à 12)


- La responsabilité dans la fonction juridictionnelle (n°13 à 15)
- La responsabilité dans la fonction législative (n°16 à 21)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Cass, 23 avril 1971 – carence règlementaire


- Cass, 25 octobre 2004 et Cass 8 février 2008 – illégalité = faute
- Cass, 5 mai 2011, réparation en nature
- Tribunal de Première instance de Bruxelles, 4 octobre 2013 – réparation en cas de
carence règlementaire
- Cass ,19 décembre 1991, Anca 1 et Cass 8 décembre 1994 – Anca
- CC n°99/2014 du 30 juin 2014 – responsabilité de l’Etat pouvoir judicaire
- Appel Bruxelles, 28 juin 2005 et Cass, 1er juin 2006, Eglise du Royaume universel
de Dieu
- Affaire Ferrara Jung – Civil Bruxelles et Appel Bruxelles et Cass 28 septembre 2006

• Les questions de fondement

139. Sur le plan de la responsabilité civile des pouvoirs public, la Constitution n'a égard ni à
la qualité des parties, ni à la nature des actes qui auraient causé une lésion de droit
mais uniquement à la nature du droit lésé.

Article 144 de la Constitution :


« Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des
tribunaux.

Toutefois, la loi peut, selon les modalités qu'elle détermine, habiliter le Conseil d'état ou les
juridictions administratives fédérales à statuer sur les effets civils de leurs décisions ».

Arrêt la Flandria - Cass. 15 novembre 1920

140. L’Etat n’engage pas sa responsabilité civile pour une faute légère commise par une
juridiction de dernier ressort, il peut être contraint à indemniser la victime d’une
violation suffisamment caractérisée du droit commise par une telle juridiction

CC n° 99/2014 du 30 juin 2014 — responsabilité de l’État pouvoir judiciaire

141. L’Etat ne peut voir sa responsabilité civile engagée pour des propos figurant dans les
conclusions d’une commission parlementaire d’enquête approuvée par la Chambre
des représentants.

Article 58 de la Constitution :
« Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché à
l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ».

Cass, 1er juin 2006 — Eglise du Royaume universel de Dieu

182
• Les questions de fond

170. Commentez et expliquez Cass, 23 avril 1971 – carence règlementaire

Voir Arrêt Cass, 23 avril 1971 – carence règlementaire — P. 708 du précis

=> Il a été jugé que lorsque le législateur autorise le Roi à déterminer la date d’entrée en
vigueur d’une loi, et lorsqu’aucun délai n’a été fixé à cet effet, le pouvoir exécutif est
néanmoins tenu de fixer cette date dans un délai raisonnable. Cette exigence résulte
précisément de l’interdiction constitutionnelle de dispenser de l’exécution des lois. Il en va de
même pour ce qui concerne l’adoption des arrêtés d’exécution d’une loi.

171. Commentez et expliquez Cass, 25 octobre 2004 et Cass 8 février 2008 – illégalité =
faute

(a)Cass, 25 octobre 2004 (voir P. 711 du précis)

Une autorité ne commet pas forcément une faute, lorsqu'elle fait une application du droit,
dans un domaine controversé, et qu’in fine, la solution qu’elle a retenue n’a pas été validée
par les tribunaux.

(b) Cass 8 février 2008 (voir P. 711 du précis)

La Cour de cassation précise que l’erreur de droit peut, en raison de certaines circonstances,
être considérée par un juge comme étant invincible à la condition que, de ces
circonstances, il puisse se déduire que l’autorité administrative a agi comme l’aurait fait toute
personne raisonnable et prudente.

172. Commentez et expliquez Tribunal de Première instance de Bruxelles, 4 octobre 2013 –


réparation en cas de carence règlementaire

En l’état actuel de la jurisprudence, la réparation en nature n’est pas admise lorsque le


pouvoir exécutif engage sa responsabilité pour carence règlementaire.

Voir Arrêt Civ. Bruxelles, 4 octobre 2013 — P. 714 du précis

Le TPI estime que compte tenu de la marge de manœuvre laissée par le législateur au
pouvoir exécutif, la condamnation sous astreinte de l’État belge à mettre en vigueur les
dispositions litigieuses porterait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

=> Cette jurisprudence n’est pas pleinement convaincante. En effet, en condamnant l’Etat
belge à exécuter une loi après 8 ans d’inertie, le juge ordonnerait la réparation en nature du
dommage subi, mais ne déterminerait en rien la manière dont cette exécution doit être
opérée. Il ne violerait donc pas le principe de séparation des pouvoirs mais permettrait à
l’œuvre législative d’avoir un effet utile.

173. Commentez et expliquez Cass ,19 décembre 1991, Anca 1 et Cass 8 décembre 1994
– Anca

Voir Cass., 19 décembre 1991, Anca 1 — P. 716 du précis

=> Il n’importe pas d’avoir égard à la qualité des parties, ni à la nature des actes qui ont
causé une lésion de droit, mais uniquement à la nature du droit lésé (arrêt Flandria).

L’Etat peut être rendu responsable du dommage résultant d’une faute commise par un
magistrat dans l’exercice de ses fonctions.

183
La responsabilité de l’État n’est pas nécessairement exclue par le fait que celle de son
organe ne peut être engagée à la suite de l’acte dommageable que celui-ci a commis. Elle
n’est pas non plus exclue lorsque un dommage résulte d’une faute commise par un juge ou
un officier du ministère public qui a agi dans les limites de ses attributions légales ou qui doit
être considéré comme ayant agi dans ces limites, par tout homme raisonnable et prudent.

Voir Cass., 8 décembre 1994, Anca 2 — P. 717 du précis

=> La faute du magistrat doit s’apprécier suivant le critère du magistrat, normalement


soigneux et prudent, placé dans les mêmes conditions.

Lorsque l’acte dommageable « constitue l’objet direct de la fonction juridictionnelle, la


demande tendant à la réparation du dommage ne peut, en règle, être reçue que si l’acte
litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose
jugée en raison de la violation d’une norme juridique établie et n’est plus, dès lors,
revêtue de l’autorité de la chose jugée ».

174. Commentez et expliquez CC n°99/2014 du 30 juin 2014 – responsabilité de l’Etat


pouvoir judiciaire

Voir CC n°99/2014 du 30 juin 2014 — P. 719 du précis

=> La CC remet en cause le fait que {Lorsque l’acte dommageable « constitue l’objet direct
de la fonction juridictionnelle, la demande tendant à la réparation du dommage ne peut, en
règle, être reçue que si l’acte litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une
décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d’une norme juridique
établie et n’est plus, dès lors, revêtue de l’autorité de la chose jugée »}.

Elle estime que la responsabilité de l’État doit pouvoir être engagée pour une faute commise
par une juridiction statuant en dernier ressort.

La nécessité de préserver un équilibre entre le principe de sécurité juridique, d’une part, et le


droit d’accès au juge, d’autre part, exige cependant que la responsabilité de l’État ne puisse
être engagée que si la juridiction de dernier ressort commet, dans l’exercice de sa fonction
juridictionnelle, une violation suffisamment caractérisée des règles de droit applicables.

175. Commentez et expliquez Appel Bruxelles, 28 juin 2005 et Cass, 1er juin 2006, Eglise du
Royaume universel de Dieu

(a)Appel Bruxelles, 28 juin 2005

Voir Appel Bruxelles, 28 juin 2005 — P. 721 du précis

=> La Cour d’appel justifie sa position en reprenant quasi mot pour mot les termes des arrêts
Anca et La Flandria en les appliquant aux organes parlementaires (importance de la nature
du droit lésé). Elle opère, cependant, un subtil glissement qui la conduit non plus à affirmer la
responsabilité de l’Etat dans l’exercice de sa fonction législative, mais bien pour les actes
accomplis par le Parlement dans l’exercice de sa mission de contrôle.

(b)Cass, 1er juin 2006

Voir Cass, 1er juin 2006 — P. 722 du précis

=> Le noyau dur de l’action parlementaire est préservé de toute immixtion du pouvoir
judiciaire, mais les principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir
législatif et des parlementaires n’impliquent pas une exonération générale de responsabilité
de l’État pour les fautes commises par le Parlement.

184
176. Commentez et expliquez Affaire Ferrara Jung

Voir Affaire Ferrara Jung — P. 723 & s. du précis

Cass 28 septembre 2006 :


=> Ni le principe de la séparation des pouvoirs, ni les articles 33, 36 et 42 de la Constitution
ne s’opposent à ce qu’un tribunal de l’ordre judiciaire constate pareille faute pour condamner
l’État à réparer les conséquences dommageables qui en résultent.

Un tribunal de l’ordre judiciaire a le pouvoir de contrôler si le pouvoir législatif a légiféré de


manière adéquate ou suffisante pour permettre à l’État de respecter une norme supérieure
lui imposant une obligation.

La responsabilité de l’État belge (pouvoir législatif) peut être engagée devant les cours et
tribunaux de l’ordre judiciaire.

Critiques :
- Les juridictions bruxelloises et la Cour de cassation n’étaient pas les mieux placés pour
apprécier avec impartialité les causes de l’arriéré judiciaire dans les juridictions
bruxelloises ;
- La Cour de cassation s’autorise à opérer un contrôle d’opportunité sur l’action (ou
l’abstention) du législateur. En ce faisant, elle empire dans le champ d’action réservé à ce
dernier et s’érige en authentique juge législateur ;
- La démarche de la Cour de cassation est d’autant plus contestable que l’état du droit positif
est établi en la matière par une norme législative jugée valide par la Cour constitutionnelle.

• Les questions de réflexion (liens)

89. Réflexion sur la responsabilité des pouvoirs publics en cas de carence règlementaire
ou législative – lien avec la séparation des pouvoirs (leçon 2), avec l’exercice de la
fonction exécutive (leçon 17), avec la responsabilité personnelle des magistrats (leçon
19)
90. Réflexion sur la réparation du dommage liée à la faute d’une autorité publique – lien
avec la séparation des pouvoirs et l’immunité d’exécution (leçon 2).
91. Réflexion sur la responsabilité de l’Etat dans l’exercice de la fonction juridictionnelle –
lien avec l’indépendance de la magistrature, la responsabilité personnelle des
magistrats (leçon 19), avec la séparation des pouvoirs (leçon 2), avec l’audition des
magistrats devant une commission d’enquête (leçon 13) et avec le principe
d’impartialité dans la composition des juridictions (leçons 18 et 20).
92. Réflexion sur la responsabilité dans l’exercice des fonctions des parlements – liens
avec la protection absolue des parlementaires (leçon 10) et avec le contentieux de
l’indemnité (leçon 20).

185
Quatrième partie : La Belgique fédérale —
Institutions et organisation de leurs relations

Leçon 22 : Le fédéralisme belge

• La matière à étudier

- La théorie du fédéralisme (n°1 à 10)


- Le fédéralisme belge (n°14, n°24 à 27)
- Le standstill et la protection des minorités (n°34 à 36)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- « Renvoi relatif à la sécession du Québec » de la Cour suprême du Canada du 20 août


1998

• Les questions de fondement

142. Un Etat fédéral issu d’une agrégation d’Etat indépendants (double fondement)

Fédéralisme par intégration

- Institutions suisses ;
- Institutions américaines.

143. Dans la Constitution américaine, chaque Etat est représenté au Sénat par deux
membres.

Article 1er, section 3, de la Constitution américaine :


« Le Sénat des Etats-Unis sera composé de deux sénateurs pour chaque Etat, choisis pour
six ans [par la Législature de chacun], et chaque sénateur disposera d’une voix ».

144. L’appellation « Fédération Wallonie-Bruxelles »

Communiqué du gouvernement 26 juin 2011

145. Le législateur régional bruxellois ne peut porter atteinte au caractère bilingue des
communes bruxelloises

Art. 5bis loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions Bruxelloise (LSIB) :
« Les ordonnances, règlements et actes administratifs des institutions visées aux articles 1er
et 60 et les actes, règlements et ordonnances des institutions visées à l'article 48 et des
autres pouvoirs locaux ne peuvent porter préjudice au caractère bilingue et aux garanties
dont bénéficient les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise dans
les communes de la Région de Bruxelles-Capitale, existantes au 14 octobre 2012 ».

146. Le législateur flamand ne peut diminuer le niveau des facilités linguistiques accordées
aux francophones des communes à statut linguistique spécial de la périphérie
bruxelloise.

Art. 16bis loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (LSRI) :


« Les décrets, règlements et actes administratifs des communautés et des régions et les
actes, règlements et ordonnances des pouvoirs locaux ne peuvent porter préjudice aux

186
garanties existantes au 14 octobre 2012 dont bénéficient les francophones dans les
communes citées à l'article 7 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative,
coordonnées le 18 juillet 1966, ainsi que celles dont bénéficient les néerlandophones, les
francophones et germanophones dans les communes citées à l'article 8 des mêmes lois ».

• Les questions de fond

177. Quelle est la différence entre les notions de déconcentration et de décentralisation ?

La centralisation de l’État unitaire est modalisée soit par des techniques de


déconcentration, soit par des techniques de décentralisation.

La déconcentration

La déconcentration2 n’est rien d’autre qu’une modalité de la centralisation, destinée à


traduire sur l’ensemble du territoire étatique les politiques élaborées par les organes
supérieurs de la nation. La déconcentration, comme la décentralisation ou le fédéralisme,
suppose la décomposition du territoire étatique en plusieurs entités territoriales. Mais, dans
un système déconcentré, ces entités ne disposent d’aucune autonomie. Dans ces
circonscriptions territoriales, les compétences étatiques sont exercées par des agents du
pouvoir central qui, s’ils sont investis d’un pouvoir de décision, agissent néanmoins sous
l’autorité hiérarchique des organes supérieurs de la nation, localisés dans la capitale de
l’État. Les autorités centrales font prévaloir leurs vues par l’exercice d’un pouvoir
hiérarchique. Celui-ci peut être mis en œuvre soit par le pouvoir discrétionnaire
d’instruction, soit par le pouvoir discrétionnaire de correction qui se matérialise tantôt par
un pouvoir d’annulation, tantôt par un pouvoir de substitution d’action.

La décentralisation

Le lien hiérarchique qui caractérise la déconcentration disparait dans la décentralisation. La


décentralisation territoriale se distingue de la centralisation avec déconcentration par le
fait qu’il existe, au sein d’un État unitaire, diverses collectivités, dotées d’une personnalité
juridique propre, dont tout ou partie de leurs organes sont élus directement par les citoyens
et qui bénéficient d’une autonomie, inconnue dans un régime centralisé.

Cette autonomie résulte de la légitimité conférée aux entités décentralisés par l’élection de
leurs représentants, mais aussi de leur vocation à régler des matières, non pas en fonction
d’un seul intérêt national, mais en prenant également en compte un intérêt local qui leur
est propre.

Dans la décentralisation, il y a interférence de 2 facteurs :

- Facteur organique : élection des représentants justifiant la reconnaissance d’une


personnalité juridique propre ;

- Facteur d’intégration : les membres d’une collectivité locale doivent se reconnaitre en


celle-ci.

Toutefois, le caractère souverain de l’État n’est en aucun cas remis en cause. En effet, ces
entités, malgré leur autonomie, n’ont ni gouvernement propre, ni législation propre - qui ne
soit pas subordonnée à la législation centrale -, ni a fortiori de juridictions propres.

2La déconcentration est une forme plus atténuée de la centralisation et consiste dans le transfert d’un pouvoir de décision à
des organes locaux qui restent toujours dans la hiérarchie des administrations centrales. Plus importants sont ces pouvoirs
délégués, plus accrue est la déconcentration.

187
Cette absence de souveraineté se manifeste par un contrôle de la part du pouvoir central, à
savoir la tutelle administrative.

Dans un système décentralisé, toute décision suppose la conjugaison d’une double


volonté :

- la volonté de l’autorité décentralisée de prendre un acte ;

- la volonté de l’autorité centrale de ne pas s’y opposer.

=> Une décision n’acquiert sa validité qu’une fois réunis ces deux consentements, chacun
d’entre eux constituant en fait une semi-décision.

178. Quelles sont les manières dont naissent un Etat fédéral et quelles en sont les
conséquences sur les normes qui sont adoptées ?

Un État fédéral peut naitre soit par dissociation, soit par intégration.

L’État fédéral belge est le produit d’un fédéralisme par dissociation.

Le fédéralisme par dissociation

Dans le fédéralisme par dissociation, le caractère fédéral de l’État est le résultat d’un acte
de volonté unilatérale de l’État unitaire, matérialisée par une révision de la Constitution.

Il n’y a pas création d’un nouvel État, mais simplement la continuation de l’État unitaire sous
une nouvelle forme.

Le fédéralisme par intégration

Dans le fédéralisme par intégration, il ne peut être question d’une révision de la


Constitution, puisque, par hypothèse, celle-ci n’existe pas encore.

Il convient, dès lors, de distinguer deux phases :

- une phase contractuelle ;

- une phase constitutionnelle.

Les États contractants concluent un traité d’union par lequel ils s’engagent à créer des
organes communs dont ils déterminent la compétence. Ceux-ci constitueront la puissance
supérieure de l’État fédéral et auront pour première tache d’élaborer une Constitution.

La formation de l’État fédéral est donc le résultat de l’exécution du Traité. Il conduit à


l’affirmation simultanée de l’existence d’un peuple.

179. Qu’est-ce qu’est dans la théorie du fédéralisme, le principe de participation et comment


se traduit-il ?

Dans un régime fédéral, en vertu du principe de participation, les entités fédérées sont, du
moins partiellement, soumises au droit forgé au niveau fédéral. Leur autonomie implique
qu’elles soient mises en demeure de participer à l’élaboration de celui-ci.

Le bicaméralisme répond aux exigences inconnues dans les États unitaires et ,dans
certains cas, la structure des organes fédéraux peut être influencée par le caractère
composé de l’État.

188
En effet, la composition et les attributions de la seconde chambre sont conditionnés par le
caractère composé de l’État :

- Première chambre : l’assemblée qui incarne les citoyens envisagés dans leur ensemble,
premiers sujets de droit de l’État fédéral ;

- Seconde chambre : chambre d’une démocratie d’entités fédérées; seconds sujets de


droit de l’État fédéral.

Les compétences des chambres hautes fédérales apparaissent également comme le


corollaire du principe de participation. Il est conforme à l’esprit du fédéralisme que la
chambre qui représente les entités fédérées ait un rôle particulier à jouer lorsqu’il s’agit, par
exemple, de réviser le texte constitutionnel, de répartir les compétences entre l’autorité
fédérale et les entités fédérées, d’approuver des actes internationaux qui auront une
influence sur les politiques menées par les composantes, voire pour garantir la loyauté
fédérale. En effet, les fondements de l’État fédéral pourraient être menacés si la Constitution
pouvait être modifiée contre la volonté d’un nombre significatif de composantes de l’État.

Au-delà de la seconde chambre, le principe de participation peut également trouver à


s’appliquer dans le cadre des autres organes étatiques. Toutefois, le plus souvent, il s’agit
d’une application indirecte supposant l’entremise de la chambre haute.
=> Exemple : membres d’une juridiction supreme désignés à l’intervention de la seconde
chambre.

180. Qu’est-ce qu’est dans la théorie du fédéralisme, le principe d’autonomie et comment se


traduit-il ?

Le principe d’autonomie des entités fédérées suppose que chaque entité fédérée ait son
propre ordre juridique, qu’elle dispose de compétences propres et les exerce sans
ingérence des autorités fédérales.

Les collectivités fédérées exercent donc des compétences qui leur sont attribuées, non pas
par la volonté révocable des organes fédéraux, mais par l’application de la Constitution.
Conséquences du principe d’autonomie :

1. Les entités exercent une fonction constituante propre : faculté d’auto-organisation


offerte par le constituant fédéral => forme de mimétisme constitutionnel 3 ;

2. Les entités fédérées exercent une fonction législative : normes non subordonnées aux
lois fédérales, mais directement à la Constitution (> < normes des entités décentralisées
d’un État unitaire) ;

3. Nécessité de garantir cette autonomie : existence d’une juridiction constitutionnelle


charger de trancher les litiges entre l’autorité fédérale et les entités fédérées, et plus
particulièrement de veiller à ce que les différents législateurs n’excèdent pas les limites de
leurs compétences.

181. Qu’est-ce qu’une confédération d’État et quels sont les principes qui la caractérisent ?

L’État confédéral n’existe pas. Il y a contrairement à une idée largement répandue, une
antinomie de principe entre les termes État au singulier et confédération.

3Les différences existant entre leurs institutions respectives ne portent que sur des points de détail, et non sur la configuration
générale de leur système institutionnel.

189
La confédération suppose une pluralité d’États qui, de leur propre initiative, abandonnent
une partie de leur souveraineté au profit d’organes communs. Les règles qui président à
l’organisation de la confédération trouvent leur origine non pas dans une Constitution
étatique, mais bien dans un Traité.

Les relations entre États confédérés sont de nature diplomatique. Ceci emporte un certain
nombre de conséquences :

1. Chaque partie a le droit de sécession : la perte de souveraineté que suppose l’adhésion


à un pacte confédéral ne peut jamais être irrévocable ;

2. La perte de souveraineté ne peut, en aucun cas, être totale : seul un certain nombre
de compétences est confié aux organes communs ;

3. Règle de médiateté : il n’y a pas de liens directs entre le citoyen et les organes de la
confédération. Ceux-ci n’entretiennent de relations qu’avec les États membres, à
l’exclusion de leurs habitants ;
4. Toutes les décisions sont prises à l’unanimité.

182. Analysez l’Union européenne au regard des principes qui gouvernent le fédéralisme et
la confédération d’États ?

Les confédérations au sens classique du terme ont été remplacées par des structures
supranationales, dont l’Union européenne fournit le meilleur exemple.

Cependant, si l’Union européenne présente quelques traits essentiels de la confédération


d’États - fondation par Traité, application en certaines circonstances de la règle de
l’unanimité, droit de sécession (Brexit), perte partielle de souveraineté des États membres -,
elle s’en distingue néanmoins.

En effet, l’intégration européenne aboutit à créer un lien direct entre les institutions
communautaires et les citoyens des États membres => les citoyens :

- procèdent à l’élection directe du Parlement européen ;


- peuvent saisir la CJUE ;
- peuvent se prévaloir directement, devant leurs juridictions internes, de dispositions du
droit communautaire, tels les règlements pris en vertu de l’article 288 TFUE.

L’Union européenne s’analyse comme une structure hybride qui se situe à l’intersection de la
fédération et de la confédération.

=> Eléments de nature à rapprocher les institutions européennes du modèle fédéral :


- Création d’une monnaie unique ;
- Processus (avorté) d’adoption d’une Constitution ;
- Perspectives de renforcement de l’union politique ;
- Remise en cause de la règle de l’unanimité.

183. Comment chiffrer le nombre d’entités fédérées en Belgique ?

Il devient presque impossible de dénombrer les entités fédérées en Belgique. En fonction


des critères retenus, le nombre d’entités fédérées variera :

• Premier critère = Dispositions constitutionnelles fondatrices de la réforme de l’État


(article 2, 3, etc) : 3 régions et 3 communautés

MAIS ≠ 6 entités fédérées : quand on sait que, en 1980, les institutions de la Région
flamande ont été absorbées par celle de la Communauté flamande et que, à la suite des
techniques mises en œuvre en 1993, une cogestion de la Communauté française par la

190
Région wallonne et la COCOF a été mise en œuvre, on mesure qu’il pourrait à terme
n’exister plus que 2 régions et 2 communautés, voire 2 communautés et demie. Selon le
point de focalisation retenu (formel ou réel), on pourra affirmer, sous cet angle, qu’il existe 4
ou 6 entités fédérées.

• Deuxième critère = l’élection directe des membres des parlements : 4 entités


fédérées

=> Région wallonne, Communauté flamande, Région de Bruxelles-Capitale, Communauté


germanophone.

• Troisième critère = Pouvoir de prendre des normes de valeur législative : 7 entités


fédérées

=> Parlement flamand, Parlement wallon, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,


Parlement de la Communauté française et Parlement de la Communauté germanophone,
auxquels il convient d’ajouter les assemblées de la COCOM, et de la COCOF à Bruxelles.
• Quatrième critère = l’autonomie constitutive : 5 entités fédérées

=> Les 3 communautés ainsi que la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale.

184. Pourquoi la Communauté française apparaît-elle comme une entité particulièrement


faible dans le paysage institutionnel belge ?

La Communauté française subsiste en tant qu’entité fédérée, mais elle pourrait bien à terme
rejoindre la Région flamande dans le cimetière des illusions institutionnelles.

En effet, les mécanismes mis en œuvre en 1993, et utilisés à nouveau en 2014, permettent
tout à la fois de réduire à néant les compétences qui sont les siennes et ne garantissent en
rien qu’elle puisse disposer d’institutions fortes et autonomes. Celles-ci peuvent aisément se
réduire à des organes cogérés par les mandataires de la Région wallonne et du groupe
linguistique français de la Région de Bruxelles-Capitale.

La situation ambiguë de la Communauté française est révélée par la volonté de son


Parlement et son gouvernement de modifier sa dénomination et de lui substituer l’appellation
Fédération Wallonie-Bruxelles.

185. Déterminez de manière motivée la valeur juridique de l’appellation « Fédération


Wallonie-Bruxelles » ?

La modification de la dénomination de la Communauté française en « Fédération Wallonie-


Bruxelles » est sans effet de droit.

En effet, à défaut d’une modification constitutionnelle, l’appellation Communauté française


est seule susceptible d’être utilisée dans des actes officiels.

186. Pourquoi peut-on, au regard de l’évolution des institutions à travers les réformes de
l’Etat, qualifier le fédéralisme belge de « panaché » ?

Les institutions belges sont d’une rare complexité. De post-unitaires en 1970, elles sont
devenues préfédérales en 1980 et 1988. En 1993, le fédéralisme s’est réellement imposé
(suppression du double mandat conçu en 1980, réforme du Sénat,…).

Ce fédéralisme, cependant, ne ressemble à aucun autre. Il est profondément enraciné dans


les exigences d’un inconscient collectif national, complexe et divisé.

Dans les entités fédérées, le système actuel se caractérise par le panachage des deux
logiques antagonistes de 1970 : le fédéralisme, en Belgique, est communautaire au nord

191
et régional au sud. À la logique de la superposition des années 1970, les auteurs de la
réforme de l’État ont progressivement substitué la logique de la juxtaposition.

L’étanchéité des compétences régionales et communautaires toujours consacrée par l’article


39 de la Constitution a volé en éclats « à cause », entre autres des articles 138,139 et
135bis.

La sixième réforme de l’État s’est inscrite dans la continuité des tendances décelées en
1993, soit une longue marche vers un fédéralisme à quatre, une disqualification de
l’étanchéité entre compétences régionales et communautaires et un manque de lisibilité des
institutions bruxelloises.

187. Qu’est-ce que le standstill en droit constitutionnel belge ?

À l’occasion des accords du Lambermont de 2001, la matière des pouvoirs locaux est
transférée aux régions, de telle sorte que la nomination des bourgmestres - notamment dans
les 6 communes à facilité - relève désormais de la compétence du gouvernement flamand.
Les francophones, cependant, obtiennent un certain nombre de garanties afin que cette
régionalisation ne remette pas en cause l’accord de pacification linguistique de 1988 et ne
porte pas atteinte aux facilités reconnue aux citoyens.

Ainsi, notamment, est imposée une règle de standstill pour les communes bruxelloises et
les communes à statut linguistique spécial qui trouve son siège dans l’art 5bis LSIB et 16bis
LSRI.

Il en résulte que les législateurs et les gouvernements régionaux ne peuvent porter atteinte
au caractère bilingue des communes bruxelloises, ni aux garanties offertes aux
francophones, aux néerlandophones et aux germanophones établis dans les communes à
statut linguistique spécial.

Le législateur spécial s’est abstenu de définir la consistance des garanties ainsi protégées
mais il est permis de considérer, après analyse des travaux préparatoires, que sont visées
les garanties existant dans le domaine de l’emploi des langues et de l’enseignement.
L’entité fédérée ne peut, par conséquent, régler une matière pour laquelle elle est
compétente que dans la mesure où elle n’empiète pas sur les garanties établies au bénéfice
de certaines minorités.

Une diminution des garanties ne pourrait trouver son siège que dans une loi spéciale, dès
que leur existence a été consacrée dans une norme votée à cette majorité.

Les dispositions constitutionnelles et légales garantissant la protection des minorités


linguistiques sont donc érigées en règles de répartition des compétences.

• Les questions de réflexion (liens)

93. Réflexion sur la mise en œuvre du principe de participation en droit belge – liens avec
la composition du conseil des ministres (leçon 14), les mécanismes dualistes (leçon 11,
12 et 18) et la composition du Sénat (leçon 24).
94. Réflexion sur la mise en œuvre du principe d’autonomie en droit belge – lien avec
l’autonomie constitutive (leçon 25) et les compétences des entités fédérées (leçons 27
et 28).
95. Réflexion sur le fédéralisme panaché et l’évolution de la réforme de l’État – lien avec
l’autonomie constitutive (leçon 25), la situation de Bruxelles (leçon 26) et les
compétences territoriales (leçon 29).
96. Réflexion sur le standstill – liens avec la protection des minorités (leçon 1), les régions
linguistiques (leçon 2) et les circulaires Peeters et Martens (leçon 17).

192
Leçon 23 : Les institutions fédérales — Le chef de l’État

• La matière à étudier

- Généralités (n°1 à 3)
- Le Roi (n°4 à 15)
- L’exercice par le Roi de ses attributions (n°16 à 24)
- La monarchie aujourd’hui (n°25)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- L’impossibilité de régner de Léopold III


- L’impossibilité de régner de Baudouin Ier
- La privation de dotation du Prince Laurent
- CE, n°225.602 du 26 novembre 2013, Berquin, pouvoirs du Roi

• Les questions de fondement

147. Le mariage de l’héritier présomptif nécessite le consentement du Roi

Article 85 de la Constitution :
« Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe,
naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par
ordre de primogéniture.

Sera déchu de ses droits à la couronne, le descendant visé à l'alinéa 1er, qui se serait
marié sans le consentement du Roi ou de ceux qui, à son défaut, exercent ses
pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution.

Toutefois il pourra être relevé de cette déchéance par le Roi ou par ceux qui, à son défaut,
exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution, et ce moyennant
l'assentiment des deux Chambres ».

148. Les enfants adoptés n’ont pas vocation au trône

Article 85 de la Constitution :
« Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe,
naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par
ordre de primogéniture.

Sera déchu de ses droits à la couronne, le descendant visé à l'alinéa 1er, qui se serait marié
sans le consentement du Roi ou de ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les
cas prévus par la Constitution.

Toutefois il pourra être relevé de cette déchéance par le Roi ou par ceux qui, à son défaut,
exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution, et ce moyennant
l'assentiment des deux Chambres ».

149. Le colloque constitutionnel est secret

Coutume constitutionnelle : règle d’ordre public

150. Le conseil des ministres remplace le Roi s’il est sous anesthésie totale

Article 90 de la Constitution :

193
« A la mort du Roi, les Chambres s'assemblent sans convocation, au plus tard le dixième
jour après celui du décès. Si les Chambres ont été dissoutes antérieurement, et que la
convocation ait été faite, dans l'acte de dissolution, pour une époque postérieure au dixième
jour, les anciennes Chambres reprennent leurs fonctions, jusqu'à la réunion de celles qui
doivent les remplacer.

A dater de la mort du Roi et jusqu'à la prestation du serment de son successeur au trône ou


du Régent, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge,
par les ministres réunis en conseil, et sous leur responsabilité ».

151. Les chambres réunies décident de la fin de l’impossibilité de régner

Loi du 19 juillet 1945 tendant à pourvoir à l’exécution de l’article 93 de la Constitution :


« Article 1. Article unique. Lorsqu'il a été fait application de l'article 93 de la Constitution, le
Roi ne reprend l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels qu'après une délibération des
Chambres réunies constatant que l'impossibilité de régner a pris fin ».

152. L’abdication

Coutume constitutionnelle

153. Le Roi ne vote pas lors des élections législatives

Tradition / Simple pratique => Pas une coutume car pas une conséquence nécessaire des
principes figurant dans la Constitution.

154. Tout acte écrit du Roi implique le contreseing d’un ministre :

Article 106 de la Constitution :


« Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un ministre, qui, par cela
seul, s'en rend responsable ».

155. Un ministre couvre par sa présence les discours publics du Roi

Article 88 de la Constitution :
« La personne du Roi est inviolable ; ses ministres sont responsables ».

Article 106 de la Constitution :


« Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un ministre, qui, par cela
seul, s'en rend responsable ».

• Les questions de fond

188. Quels sont les titulaires possibles du pouvoir royal en Belgique et dans quelles
conditions sont-ils appelés à exercer cette fonction ?

Le pouvoir en Belgique peut avoir 3 types de titulaire :

1. Un Roi ou une Reine : en période normale ;

2. Un Régent ou une Régente : désigné(e) :

- si, à la mort du Roi, son successeur est mineur ;

- lorsque le trône est vacant ;

- lorsque le Roi est dans l’impossibilité de régner.

194
Article 94 C. : la régence ne peut être conférée qu’à une seule personne. Il ne peut donc y
avoir de conseil de régence. Le Régent n’entre en fonction qu’après avoir prêté le serment
constitutionnel.

Les pouvoirs du Régent et ceux du Roi sont identiques => exception : l’article 197 C.
interdit, pendant une régence, toute révision constitutionnelle des articles relatifs au statut ou
aux pouvoirs du Roi.

3. Les ministres réunis en conseil : fonction royale exercée pendant la période de


l’interrègne qui s’écoule entre le décès du Roi et l’entrée en fonction de son successeur.

L’article 197 C. interdit, pendant une période d’interrègne, toute révision constitutionnelle des
articles relatifs au statut ou aux pouvoirs du Roi.

189. Quelles sont les conditions de dévolution pour accéder au trône ?

Les règles de dévolution du pouvoir royal sont fixées par l’article 85 de la Constitution.
Pour avoir vocation au trône, il faut être descendant en ligne directe de Léopold 1er. Cette
disposition exclut les collatéraux du premier Roi mais n’exclut pas, ultérieurement, une
succession en ligne collatérale.

• La descendance doit être naturelle : exclut les éventuels enfants adoptés et leur
descendance => primauté des liens de filiation par le sang.

• La descendance doit être légitime : les enfants naturels ne peuvent accéder au trône.

• La succession a lieu par ordre de primogéniture : priorité à l’ainé des enfants d’une
même génération.

• Jusqu’à une époque récente, il fallait être descendant masculin : cependant, la


modification constitutionnelle du 21 juin 1991 consacre une égalité parfaite entre
hommes et femmes dans l’accès au trône.

Lors de la révision constitutionnelle de 1893, l’article 60 - devenu l’article 85 de la


Constitution - a été complété par les deux derniers alinéas prévoyant la déchéance de toute
vocation au trône pour le prince qui se serait marié sans le consentement du Roi. Le
dernier alinéa permet toutefois au prince déchu de ses droits à la couronne d’être relevé de
sa déchéance par le Roi, moyennant assentiment des deux chambres.

190. Pourquoi Delphine de Saxe Cobourg n’a pas vocation au trône ?

Delphine Boël est la fille du roi émérite Albert II de Belgique et de la baronne Sybille de Sélys Longchamps. En
2013, Delphine Boël intente une action en reconnaissance de paternité à l'ancien roi des Belges qui refuse de la
reconnaître. Après de longues années de batailles judiciaires, Delphine est reconnue comme la fille d’Albert II en
octobre 2020. La Cour de Bruxelles lui accorde le titre de princesse de Belgique. Celle qui s’appelle désormais
Delphine de Saxe-Cobourg participe aux grands événements de la famille royale.

*****

La question de savoir si Delphine, fille d’Albert II, entre dans l’ordre de dévolution est
délicate.

N’étant pas mariée, elle n’est frappée d’aucune déchéance. Par contre, la question de savoir
si la descendance est « légitime » est plus délicate. Si l’intention du constituant était
assurément de réserver l’accès au trône à des enfants nés dans les liens du mariage, le
critère d’enfant légitime n’apparait plus dans le Code civil et, dans le droit actuel, il n’est plus
fait aucune distinction entre enfants nés au sein ou en dehors du mariage. Il y a donc là
assurément matière à interprétation et à controverse.

195
191. Comment pallier l’absence d’un héritier présomptif ?

La Constitution prévoit deux manières de pallier l’absence d’héritier présomptif :

1. En vertu de l’article 86 de la Constitution, le Roi peut, avec l’assentiment des chambres,


et évidemment le contreseing ministériel, nommer son successeur. L’assentiment est
donné à la double majorité des 2/3 (2/3 présents et majorité des 2/3 des suffrages
exprimés). Si le Roi s’est abstenu de prendre cette initiative, il y a vacance du trône.

2. La procédure organisée par l’article 95 de la Constitution comprend la désignation d’un


Régent par les chambres réunies, un renouvellement intégral des chambres afin de
permettre un débat devant le corps électoral sur le choix d’une nouvelle dynastie et un
vote des chambres réunies visant à pourvoir à la vacance.

En cas de vacance du trône, le Parlement statue chambre réunies, car la procédure normale
de délibération risque, en cas de divergences entre les assemblées, de provoquer une
navette qui nuirait au prestige de la future dynastie.

192. Comment dégager une alternative au modèle monarchique (UV) ?

L’article 176 de la Constitution suisse ainsi que les articles 33 et 54, alinéa 1er, de la
loi du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle démontrent que la présidence d’une
institution ou d’un État pout être soumis à un régime de tournante et que cette formule se
concilie avec le caractère fédéral des institutions et peut, par conséquent, parfaitement
s’inscrire dans le dualisme communautaire à la belge.

Rien n’empêche donc d’imaginer la suppression pure et simple de la monarchie, et son


remplacement par un régime dans lequel le Premier ministre en fonction serait le chef de
l’État.

Depuis 1970, l’organisation constitutionnelle des institution fédérales se fonde sur un


dualisme communautaire.

Nous pouvons donc imaginer possible le fait de doter la Belgique, à l’instar de la Cour
constitutionnelle, de deux premiers ministres, appartenant chacun à l’une des deux
grandes communautés du pays qui exerceraient, à tour de rôle, la fonction de chef de l’État.

Le premier ministre en fonction, la première année, serait néerlandophone, ce qui permettrait


de consacrer la prédominance arithmétique de la population flamande puisqu’il
assumerait la fonction pendant 3 ans sur les 5.

Il pourrait également être exigé que chaque premier ministre appartienne à un genre
différent (article 11bis C.).

Le conseil des ministres serait, en vertu des articles 36 et 37 C., le titulaire du pouvoir
exécutif et l’une des branches du pouvoir législatif. Le Premier ministre serait appelé à signer
les arrêtés et actes, aujourd’hui signés par le Roi.

Dans ce système, les ministres seraient élus par la Chambre des représentants.

193. Comment démocratiser l’accès au trône ? (UV)

Dans la proposition faite ci-dessus, la fonction du chef de l’État serait exercée de manière
limitée dans le temps et celui qui l’exercerait fonderait sa légitimité sur le soutien d’une
majorité parlementaire, et partant, sur le soutien d’une majorité de citoyens.

196
L’élection des ministres par l’assemblée devant laquelle ils sont responsables rappelle qu’en
démocratie, l’exécutif tient sa légitimité exclusive de la confiance qui lui est accordée par une
majorité des élus du peuple.

Une autre proposition permettrait que celui qui est appelé à exercer la fonction de Roi, sur
la base des critères de filiation en ligne directe de Léopold Ier, prêterait serment pour autant
que les chambres réunies aient préalablement donné leur assentiment à son accession au
trône.

Si cet assentiment n’est pas donné, deux solutions peuvent être envisagées :

1. Faire appel à l’ordre de dévolution, étant entendu que deviendrait chef de l’État le
premier ou la première qui recevrait l’assentiment requis ;

2. Laisser les chambres réunies désigner parmi les membres de la famille royale, sur
proposition du gouvernement, celui qui est appelé à devenir chef de l’État.

Si pour une raison quelconque, il existe un consensus suffisamment large pour estimer que
le Roi doit cesser ses fonctions, il n’est pas sain de devoir faire appel, comme aujourd’hui, au
subterfuge et partant à la fonction juridique de l’impossibilité de régner.
Il conviendrait donc de prévoir, dans la Constitution, que les chambres réunies peuvent, à la
majorité absolue de leurs membres et sur proposition du gouvernement, mettre fin aux
pouvoirs du Roi.

Une telle réforme se fonderait sur le parallélisme des formes : le Roi pourrait entre en
fonction qu’avec l’assentiment des chambres réunies, lesquelles disposeraient également du
pouvoir de mettre fin à ses fonctions. Une telle formule offrirait au chef de l’État une autorité
renforcée et une légitimité démocratique que ne lui confère pas aujourd’hui la
Constitution.

194. Qu’est-ce que l’impossibilité de régner, comment prend-t-elle cours, quels sont ses
effets et comment prend-t-elle fin ?

En organisant le régime de l’impossibilité de régner du Roi, le constituant belge avait à


l’esprit le cas du Roi d’Angleterre George III, qui avait définitivement sombré dans la folie dix
ans avant son décès. Le congrès national estima alors qu’il fallait que des mesures puissent
être prises pour prévenir les effets d’un délabrement physique ou mental du Roi. Telle est la
raison pour laquelle les ministres doivent faire constater l’impossibilité de régner, cette
constatation étant opérée par les autorités médicales compétences.

L’article 93 C. relatif à l’impossibilité de régner n’a trouvé à s’appliquer qu’à deux reprises et
dans des circonstances très différentes de celles qui avaient été envisagées par le
constituant

Article 93 C : « Si le Roi se trouve dans l'impossibilité de régner, les ministres, après avoir
fait constater cette impossibilité, convoquent immédiatement les Chambres. Il est pourvu à la
tutelle et à la régence par les Chambres réunies ».

L’article 93 n’indique pas quelle autorité est appelée à constater la fin de l’impossibilité
de régner. Le constituant imaginait sans doute que la maladie physique ou mentale à son
origine, ne pouvait être qu’irréversible.

La loi du 19 juillet 1945 impose une solution (un seul article) : « Lorsqu’il a été fait
application de l’article 93 C., le Roi ne reprend l’exercice de ses pouvoirs qu’après une
délibération des chambres réunies constatant que l’impossibilité de régner a pris fin ».

197
195. Décrivez de manière critique l’impossibilité de régner de Léopold III.

En 1940, Léopold III décidant, contre l’avis du gouvernement, de rester en Belgique, les
ministres réunis en conseil, par un arrêté du 28 mai 1940, constatent l’impossibilité dans
laquelle se trouve le Roi de régner. Celle-ci étant politique, ils la constatent eux-mêmes.
L’article 93 C. exige que les ministres convoquent immédiatement les chambres pour
qu’elles pourvoient à la régence, cependant, les circonstances de l’époque rendent
impossible la réunion du Parlement, et, dès lors, la désignation du Régent.

Les ministres assimilent l’impossibilité de régner du Roi à son décès et combinent l’article
90 relatif à l’interrègne avec l’article 93. Les pouvoirs constitutionnels sont, par conséquent,
exercés par les ministres réunis en conseil du 28 mai 1940 au 20 septembre 1944.

Dès la libération du territoire, le Parlement est convoqué et les chambres réunies désignent
par décret, le 20 septembre 1944, le prince Charles, frère du Roi, en qualité de Régent,
considérant que Léopold III est dans l’impossibilité de régner.

La constatation de la fin de l’impossibilité de régner de Léopold III a provoqué de vives


controverses quant à ses modalités. La solution la plus simple aurait été l’application du
principe du parallélisme des formes ou de la « règle de l’acte ou du fait contraire ». Les
ministres auraient également pu la faire constater eux-mêmes.

La loi du 19 juillet 1945 a finalement été appliquée. L’adoption de cette loi s’expliquait par la
volonté de la gauche de faire échec au retour du Roi, en subordonnant celui-ci au vote d’une
norme législative. Cependant, le 20 juillet 1950, les chambres réunies ont voté la loi
constatant la fin de l’impossibilité de régner de Léopold III et permettant son retour sur le sol
national deux jours plus tard.

196. Décrivez de manière critique l’impossibilité de régner de Baudouin Ier.

Le 30 mars 1999, Baudouin Ier adresse une lettre au Premier ministre l’informant que, pour
des raisons de conscience, il lui est impossible de signer le projet de loi relative à la
dépénalisation partielle de l’interruption volontaire de grossesse. Il invite, en outre, mais à la
demande expresse du Premier ministre, le gouvernement et le Parlement « à trouver une
solution juridique qui concilie le droit du Roi ne pas être forcé d’agir contre sa conscience et
la nécessité du bon fonctionnement de la démocratie parlementaire ».

Le Premier ministre, après concertation avec les vice-Premiers ministres, propose une
solution calquée sur celle retenue en 1940 : constatation de l’impossibilité de régner par les
ministres (article 93 C.) et exercice des pouvoirs constitutionnels par les ministre réunis en
conseil (article 90 C.) et fin de l’impossibilité de régner en application de la loi du 19 juillet
1945 => 3 avril : Baudouin Ier marque son accord.

Les ministres convoquent, par arrêté du 4 avril, les chambres réunies, lesquelles constatent,
après le 5 avril, par 254 oui et 94 abstentions, la fin de l’impossibilité de régner.

=> Critique : il n’y avait pas matière à application analogique de l’article 90 C. puisque rien
n’interdisait aux ministres réunis en conseil de convoquer immédiatement les chambres
réunies. Cependant, cette solution a permis de sauvegarder la paix institutionnelle. Nous
pouvons nous demander si la solution mise en œuvre ne s’apparent pas à l’état de
nécessité, susceptible de légitimer la méconnaissance formelle du prescrit constitutionnel.

197. Qu’est-ce que l’interrègne et quelles règles s’appliquent en de telles circonstances ?

Les pouvoirs royaux prennent fin avec le décès du Roi.

Le décès du chef de l’État ouvre une période d’interrègne, organisée par l’article 90, de la
Constitution : « A la mort du Roi, les Chambres s'assemblent sans convocation, au plus tard

198
le dixième jour après celui du décès. Si les Chambres ont été dissoutes antérieurement, et
que la convocation ait été faite, dans l'acte de dissolution, pour une époque postérieure au
dixième jour, les anciennes Chambres reprennent leurs fonctions, jusqu'à la réunion de
celles qui doivent les remplacer.

A dater de la mort du Roi et jusqu'à la prestation du serment de son successeur au trône ou


du Régent, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge, par
les ministres réunis en conseil, et sous leur responsabilité ».

Cette disposition vise à assurer la continuité de l’État. Les ministres sont, par cette
disposition, en état de dédoublement fonctionnel : à la fois ministres et, collectivement,
chef de l’État.

L’article 90, alinéa 3, n’a pas d’incidence pratique sur le fait que les actes pris par le chef de
l’État, en temps normal, sont contresignés par ministre.

DONC : en période d’interrègne, le système institutionnel peut fonctionner presque


normalement. Les ministres en conseil peuvent prendre toutes les mesures nécessaires
au gouvernement de l’État (décisions relatives à la succession, au trône, au deuil national, à
l’organisation des funérailles, mesures qui s’imposent malgré limites assignées à leurs
pouvoirs).

L’article 90 ne concerne formellement que l’hypothèse du décès du Roi, cependant, il trouve


à s’appliquer à toute période ou le Roi est effectivement dans l’incapacité d’exercer ses
fonctions ou lorsque l’article 93 est difficilement ou pas applicable.

L’objet de la délibération des chambres, même dissoutes, dans les 10 jours du décès,
dépend des dispositions constitutionnelles applicables à la situation concrète (ex : si art. 95,
elles désignent un Régent).

198. Qu’est-ce que l’abdication et réflexion critique sur la question de savoir si cet acte est
soumis à contreseing ?

L’abdication n’est pas prévue par la Constitution. Toutefois, si le Roi refuse de poursuivre
l’exercice de ses fonctions, il ne peut y être contraint. L’abdication est même, dans certains
cas, une condition nécessaire pour restaurer le calme dans le pays. Il convient donc de
considérer que l’abdication s’analyse comme une coutume constitutionnelle.

Il s’agit, à notre sens, du seul acte juridique à portée politique qui ne requiert pas forcément
de contreseing ministériel. En effet, en cas de différend entre le Roi et ses ministres, il
appartient au Roi de s’effacer, et il serait malvenu d’autoriser les ministres, avec l’arme du
contreseing, de le contraindre à rester en fonction. Il serait contraire au principe de
proportionnalité que les ministres puissent le contraindre, plus ou moins longtemps ou même
indéfiniment, à exercer une fonction à laquelle il entend expressément renoncer.

De prime abord, l’abdication est un acte politique du Roi et, en vertu de l’article 106 C.,
devrait faire l’objet d’un contreseing. Cependant, sa volonté de recouvrer l’exercice des
droits dont il est privé en vertu de son titre (et du principe de neutralité objective), tels que la
liberté d'expression et la liberté de réunion et d’association, ne peut être entravée.

Il se déduit de ces principes que l’abdication est un acte réceptice, soit un acte juridique
qui sort ses enfers effets dès lors qu’il est porté à la connaissance du Premier ministre, voire
du président de la Chambre.

En cas d’abdication du chef de l’État, il y a lieu de faire application des principes contenus
dans l’article 90 de la Constitution et relatifs à l’interrègne.

199
199. Quelle est la portée de l’irresponsabilité du Roi ?

Étant inviolable, le Roi est irresponsable. Seuls les ministres sont responsables en vertu de
l’article 88 C.

L’irresponsabilité du Roi est également consacrée dans les articles 102 et 106 de la
Constitution :

• Art. 102 : « En aucun cas, l'ordre verbal ou écrit du Roi ne peut soustraire un ministre à la
responsabilité ».

• Art. 106 : « Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un ministre,
qui, par cela seul, s'en rend responsable ».

L’irresponsabilité du Roi s’applique au domaine de la responsabilité politique, de la


responsabilité pénale et, dans une moindre mesure, de la responsabilité civile :

- Sur le plan politique : il appartient aux ministres seuls de répondre des actes du Roi qui
ne peut être mêlé aux discussions parlementaires ;

- Sur le plan pénal : le Roi est à l’abri de toute poursuite répressive, quels eu soit l’acte
délictueux ou criminel qu’il ait pu commettre, que cela soit dans son activité publique ou
dans sa vie privée ;
- Sur le plan civil : la portée de l’irresponsabilité est moins absolue. Le Roi ne peut être cité
personnellement, mais les justiciables ayant un doit à faire valoir à son encontre peuvent,
en vertu de l’article 41 du Code judiciaire, assigner en justice l’intendant - ou administrateur
- de la Liste civile.

Le Roi ne vote pas (principe de l’absolue neutralité4 ). Il reçoit une convocation électorale,
mais dû égard à son irresponsabilité, il ne peut évidemment être poursuivi s’il s’abstient d’y
déférer.

Lorsque les ministres ont constaté l’impossibilité de régner du Roi et que les chambres
n’ont pas encore pourvu à la régence, ils exercent les fonctions du Roi sous leur
responsabilité. La fonction royale n’est donc plus exercée par son titulaire naturel. Or
l’irresponsabilité est le corollaire de l’exercice de celle-ci. Le Roi ne peut donc plus en
bénéficier. Il en va a fortiori ainsi lorsqu’un Régent est désigné. Il est lui-même
irresponsable, et il ne se conçoit pas que ce privilège exorbitant qui vise à protéger la
fonction, et non son titulaire, profite simultanément au Roi et à celui qui le remplace. Le
régime d’irresponsabilité ne profite alors qu’au seul Régent.

200. Quel est le statut juridique des membres de la famille royale ?

Les membres de sa famille et l’entourage du Roi ne sont ni irresponsables ni inviolables.

Avant l’adoption de la loi du 27 novembre 2013 (concernant les dotations et les indemnités
octroyées à des membres de la famille royale ainsi que la transparence du financement de la
monarchie), les membres de la famille royale n’étaient soumis à aucune règle de conduite et
disposaient donc d’une totale liberté d’expression.

La loi du 27 novembre 2013 impose, désormais, un code de bonne conduite aux


membres de la famille royale :

- Art. 16 : Devoir de neutralité ;

4 Le principe de l’absolue neutralité concerne l’expression publique des opinions du Roi, cependant, bien que le vote soit secret,
le fait que le Roi vote voudrait dire qu’il a marqué une préférence. Par extension, la Reine ne prend pas part au vote non plus,
c’est la tradition.

200
- Art. 17 : Avertir le ministre des Affaires étrangères de tout projet de déplacement en
dehors de l’Espace économique européen. Ce déplacement ne peut avoir lieu que de son
avis conforme (rendu dans les 8 jours) ;
- Art. 19 : Devoir de veiller à ne pas compromettre, par leurs propos, attitudes ou
comportements, la dignité et la respectabilité qui s’attachent aux fonctions qu’ils exercent ;

- Art. 20 : Faire preuve de réserve dans l’expression publique de leurs opinions, et ce,
quels que soient la matière et les médias concernés ET témoigner de respect pour les
conceptions politiques, philosophiques, idéologiques ou religieuses exprimées dans une
société démocratique.

=> Les membres de la famille peuvent assumer des fonctions de représentation (encadrées).

Tous les membres de la famille royale, à l’exception du Chef de l’État, sont amenés à
engager, comme n’importe quel citoyen, leurs responsabilités pénale, civile, voire
disciplinaire.

201. Comment se matérialise concrètement l’incapacité du Roi d’agir seul, et ce pour tous
les actes qu’il est amené à poser ?

Tous les actes du Roi qui ont, même indirectement, une incidence politique doivent
être couverts par un ministre. Le Roi seul n’a aucun pouvoir. Le champ d’application de ce
principe couvre tous les pouvoirs du Roi. Le droit de grâce, par exemple, n’échappe pas à
son application. Il en est de même en ce qui concerne le commandement des forces armées
en temps de guerre.

Les pouvoirs du Roi sont donc conditionnés par l’existence d’un contreseing ministériel,
soit une intervention active d’un ministre, à l’exception de son droit d’abdiquer.

L’incapacité du Roi d’agir seul, ainsi que son irresponsabilité, l’astreignent à une neutralité
absolue.

Le contreseing peut, en principe, être donné par un seul ministre, quelles que soient ses
attributions. Toutefois, lorsque, pour certaines matières, la loi ou un arrêté imposent le
contreseing de certains ministres, l’acte du Roi n’est valable que si chacun ‘eux a apposé
son contreseing. L’article 106 n’impose pas au ministre de contresigner les actes du Roi.

Les ministres doivent également assumer la responsabilité des actes non écrits du
Roi. Les discours du Roi ne peuvent être prononcés qu’après qu’un ministre ait donné son
assentiment. Le projet de texte est préalablement soumis à l’approbation d’un ministre qui, le
cas échéant, suggère des amendements de fond ou de forme et en assume la responsabilité
politique.

202. Quelles sont les prérogatives royales et comment se concilient-elle avec l’absolue
neutralité à laquelle est astreint le Roi ?

Le Roi joue un rôle central dans la formation des gouvernements fédéraux. Sa situation
est délicate dès lors qu’il agit sans que chacune de ses initiatives ne soit, en temps réel,
couverte par un ministre. Telle est la raison pour laquelle il doit entretenir un dialogue continu
avec les responsables politiques qui sont en mesure de dénouer la crise.

De manière générale, dans l’exercice de ses pouvoirs, le Roi nous un dialogue constant -
qualifié de colloque constitutionnel - avec ses ministres, et en période de crise politique,
avec le formateur et les femmes et hommes politiques qu’il consulte en vue de constituer un
gouvernement.

201
Au sein de ce colloque, le Roi a les prérogatives d’être consulté, de stimuler et d’avertir. Il
s’agit, en droit public belge, des prérogatives royales.

1. Être consulté et être informé = de tout ce qui concerne la vie de l’État ;

2. Stimuler = recommander l’adoption de telle ou telle mesure ;

3. Droit d’avertir = mettre en garde les ministres et leur signaler son désaccord sur un point.

Le fait que le Roi dispose de prérogatives ne signifie pas qu’il dispose d’un pouvoir propre.

Le colloque constitutionnel est secret (règle d’ordre public). Il est interdit de découvrir la
couronne, c’est-à-dire révéler la part respective que le Roi et ses ministres ont prise dans
l’élaboration d’une décision. La raison du secret du colloque constitutionnel réside dans la
stricte neutralité que doit observer le Roi.
Le secret du colloque constitutionnel n’en est pas mois un concept à géométrie variable.

Si les propos prêtés au Roi par ses interlocuteurs sont inexacts, personne n’est en mesure
de les rectifier. Le Roi est donc dans l’impossibilité juridique de rétablir la vérité lorsque sont
colportés des rumeurs de nature à affecter son crédit, et les citoyens, quant à eux, ne
disposent pas du droit de prendre connaissance de certains facteurs d’explication de
l’évolution de la situation politique. Le caractère secret du colloque rend donc opaque le
fonctionnement de l’État à son niveau supérieur, ce qui ne correspond pas aux exigences
d’une démocratie moderne.
Les prérogatives royales permettent au Roi d’essayer d’infléchir les positions prises par ses
ministres ou de les amener à prendre des décisions dans le sens qu’il estime approprié.
Cependant, ce pouvoir est d’anticipation puisqu’il intervient en amont de la décision politique.

• Les questions de réflexion (liens)

97. Réflexion sur les conditions d’accès au trône – lien avec le principe d’égalité et les
conditions d’exercice des droits politiques (leçon 2, 4 et 7), avec les recours
juridictionnels (leçons 18, 19 et 20).
98. Réflexion sur l’impossibilité de régner – lien avec le principe de continuité (leçon 2),
avec les arrêtés-lois (leçons 12 et 18), avec la sanction royale (leçon 12).
99. Réflexion sur le régime d’irresponsabilité – liens avec la hiérarchie des normes (leçon
4), avec la situation des parlementaires (leçon 10), celle des ministres (leçon 16) et des
magistrats (leçon 19).

202
Leçon 24 : Les institutions fédérales — Le bicaméralisme

• La matière à étudier

- Généralités sur le bicaméralisme et compositions des assemblées (1 à 5)


- Les attributions des assemblées (n°12 à 19 et n°22 à 23)
- Une réforme échouée (n°25 à 27)

• Les questions de fondement

156. La procédure législative de droit commun se fonde sur le monocaméralisme.

Article 74 de la Constitution :
« Par dérogation à l'article 36, le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le
Roi et la Chambre des représentants pour les matières autres que celles visées aux
articles 77 et 78 ».

157. Les projets de lois peuvent faire l’objet d’une double lecture par la Chambre des
représentants (2 fondements).

Article 76, al.3, de la Constitution :


« Le règlement de la Chambre des représentants prévoit une procédure de seconde
lecture ».

Article 94, al. 1er, du règlement de la Chambre des représentants :


« Après le vote sur les articles d’un projet ou d’une proposition de loi, la séance plénière
procède à une deuxième lecture si le président ou un tiers des membres le demande. Cette
demande doit être formulée au plus tard avant le vote sur l’ensemble du projet ou de la
proposition de loi ».

158. La Chambre engage seule la responsabilité du gouvernement

Article 46 de la Constitution :
« Le Roi n'a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la majorité
absolue de ses membres :
1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi,
dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d'un
successeur au Premier Ministre
2° soit adopte une motion de méfiance à l'égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas
simultanément au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre.
Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu'après un délai de
quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion.
En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre
des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses
membres.
L'acte de dissolution contient la convocation des électeurs dans les quarante jours et de la
Chambre des représentants dans les deux mois.
En cas de dissolution des deux Chambres, conformément à l'article 195, les Chambres sont
convoquées dans les trois mois.
En cas de dissolution anticipée, la nouvelle législature fédérale ne pourra courir au-delà du
jour des premières élections pour le Parlement européen suivant cette dissolution ».

203
Article 96 de la Constitution :
« Le Roi nomme et révoque ses ministres.

Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la


majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la
nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un
successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le
Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le
nouveau Gouvernement fédéral prête serment ».

• Les questions de fond

203. Comment est composé actuellement le Sénat ?

L’article 67 de la Constitution prévoit que le Sénat compte 60 membres. 50 sont désignés


par les parlements des entités fédérées et 10 sont cooptés.

• Côté néerlandophone

- 29 sénateurs désignés par le Parlement flamand en son sein ou au sein du groupe


linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale ;

- 6 sénateurs complémentaires cooptés.


• Côté francophone

- 10 sénateurs désignés par le Parlement de la Communauté française ;

- 8 sénateurs désignés par le Parlement wallon ;

- 2 sénateurs désignés par le groupe linguistique français du Parlement de la Région


de Bruxelles-Capitale ;

- 4 sénateurs complémentaires cooptés par les 20 sénateurs.

• Côté germanophone

- 1 sénateur désigné par le Parlement de la Communauté germanophone.

Règles :

- Au moins 1 des 29 sénateurs désignés par le Parlement flamand doit être domicilié, le
jour de son élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale ;

- Au moins 3 des 10 sénateurs désignés par le Parlement de la Communauté française


doivent être membres du groupe linguistique français du Parlement de la Région de
Bruxelles-Capitale. L’un de ces 3 sénateurs ne doit, toutefois, pas être choisi par le
Parlement de la Communauté française en son sein ;

- Le Sénat ne peut compter plus de 2/3 de sénateurs du même genre ;

- Le Sénat est intégralement renouvelé à la suite des élections législatives et régionales


lorsque celles-ci se tiennent le même jour. Si elles sont dissociées dans le temps, sa
composition est modifiée pour ce qui concerne les sénateurs des entités fédérées, à la
suite des élections régionales et, pour ce qui concerne les sénateurs cooptés, à la suite
des élections fédérales.

204
204. Quelles sont les compétences exclusives de la Chambre des représentants ?

1. Fonction législative

Contrairement au prescrit de l’article 36 de la Constitution, la Chambre des représentants


assume, le plus souvent, seule avec le Roi, la fonction législative5.

Ainsi l’article 74 C. exprime : « Par dérogation à l'article 36, le pouvoir législatif fédéral
s'exerce collectivement par le Roi et la Chambre des représentants pour les matières autres
que celles visées aux articles 77 et 78 » => révision implicite de l’article 36 C.

Par conséquent, la procédure actuelle de droit commun de la fonction législative est le


monocaméralisme.

L’article 76, alinéa 3, C. prévoit que « Le règlement de la Chambre des représentants


prévoir une procédure de seconde lecture ». Lors de cette deuxième lecture, la Chambre
peut adopter des amendements par rapport au texte initial et la Chambre peut alors décider
d’une troisième lecture.

2. Fonction de contrôle politique du gouvernement

En vertu des articles 46 et 96 C., la Chambre des représentants peut, seule, engager la
responsabilité politique du gouvernement ou de l’un de ses membres. Elle dispose du
monopole dans le pouvoir d’adopter et de rejeter des motions de méfiance, de confiance,
qu’elles soient simples ou constructives.

Le Sénat ne peut plus engager la responsabilité politique du gouvernement, cependant, il lui


est toujours loisible de poser aux ministres des questions écrites, mais uniquement dans
les matières relevant de ses attributions et il dispose du droit de requérir la présence des
ministres pour les projets et propositions de loi portant sur des matières pour lesquelles
il reste compétence à égalité avec la Chambre ou pour lesquelles il peut faire jouer le droit
d’évocation.

En vertu des articles 45 et 46 de la LSIB du 12 janvier 1989, la Chambre peut, dans le


domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire ou dans celui des travaux publics
ou du transport, et lorsqu’il s’agit d’assurer la fonction de capitale ou le rôle international de
Bruxelles, soit annuler un arrêté ou une ordonnance, soit adopter certaines mesures
que les organes de la Région refusent de prendre.

205. Donnez quatre exemples de matière relevant du bicaméralisme intégral ?

Dans un nombre limité de matière, le constituant a maintenu la procédure bicamérale classique. Le


projet ou la proposition de loi doit être voté en termes identiques par la Chambre et le Sénat, et peut
faire l’objet d’une navette parlementaire.

*****
L’énumération des matières soumises au bicaméralisme intégrale est réalisée par l’article
77 de la Constitution. Sont visés :

1. La déclaration de révision de la Constitution ainsi que la révision et la coordination de la


constitution ;

2. les matières qui doivent être réglées par les deux chambres législatives en vertu de la
Constitution ;

3. Les lois à adopter à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa ;

5 Article 36 C. : « Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat ».

205
4. Les lois qui ont trait aux institutions de la Communauté germanophone et à son
financement ;

5. Les lois concernant le financement des partis politiques et le contrôle des dépenses
électorales ;

6. Les lois concernant l’organisation du Sénat et le statut de sénateur.

206. Qu’est-ce que le bicaméralisme optionnel et donnez deux exemples de matières qui en
relèvent ?

Le bicaméralisme optionnel – ou aménagé – est un mode particulier d’organisation du travail


parlementaire dans lequel la Chambre des représentants exerce un rôle prédominant et a le
pouvoir du dernier mot dans le processus d’élaboration de la loi. Ce système s’applique
uniquement aux matières strictement énumérées par la Constitution, pour lesquelles le
Sénat dispose d’un droit d’évocation, sans avoir de droit d’initiative.

L’article 78 énumère les matières soumises au bicaméralisme optionnel - exemples :

- Les lois prises en exécutions des lois à adopter à la majorité spéciale ;

- La loi qui divise le territoire en un plus grand nombre de provinces ;

- La loi qui arrête les mesures en vue de prévenir toute discrimination pour des raisons
idéologiques ou philosophiques ;

- La loi qui organise la procédure tendant à prévenir les conflits de compétences ;

- La loi créant des agglomérations et des fédérations de communes ;

- Les lois qui garantissent le respect des obligations internationales de la Belgique ;

(pour plus d’exemples : voir P. 827)

Le droit d’évocation du Sénat est mis en œuvre lorsque les sénateurs souhaitent examiner un projet de loi adopté
à la Chambre. Le droit d’évocation est exercé par une majorité absolue de sénateurs, avec au moins un tiers de
sénateurs de chaque groupe linguistique.

207. Quelles sont les compétences exclusives du Sénat ?

1. Le rapport d’information

Le Sénat a perdu son droit d’organiser des enquêtes parlementaires. En compensation,


l’article 56 de la Constitution lui reconnait le pouvoir d’établir des rapports d’information
sur des questions, « ayant également des conséquences sur les compétences des
communautés ou des régions »6 . Ce rapport peut, entre autres, contribuer à une meilleure
coopération entre les entités fédérées ainsi qu’avec l’État fédéral.

Le Sénat exerce cette compétence à la demande de 15 de ses membres, de la Chambre


des représentants, d’un Parlement de communauté ou de région ou du Roi et pour autant
qu’une décision d’établir ce rapport soit prise par ses soins à la majorité absolue des
suffrages exprimés, avec au moins un tiers des suffrages exprimés dans chaque groupe
linguistique. Le rapport est lui-même approuvé à la même majorité.

Le règlement du rapport d’information ne requiert pas l’intervention du législateur.

6 Un rapport d’information concerne un sujet transversal ayant également des conséquences pour des matières pour lesquelles
les communautés ou les régions sont compétences.

206
2. Les conflits d’intérêt
Les Sénat est investi de la mission exclusive d’émettre des avis motivés dans le cadre de
conflits d’intérêts intervenant entre les assemblées législatives, qu’elles soient fédérales,
communautaires ou régionales.

Le Sénat est érigé, aux côtés de la Cour constitutionnelle, en gardien de la loyauté


fédérale. En effet, en vertu de l’article 143 de la Constitution, l’autorité fédérale, les régions,
les communautés, ainsi que la commission communautaire commune, sont tenues, dans
l’exercice de leurs compétences respectives, au respect de la loyauté fédérale afin
d’éviter des conflits d’intérêts.

3. La dotation de fonctionnement du Sénat

208. Pourquoi la réforme du sénat est-elle insatisfaisante ?

Les nouvelles règles de composition de l’assemblée peuvent être saluées sur un point. En
supprimant les élus directs et en prévoyant une assemblée composée exclusivement de
parlementaires régionaux et communautaires ou de membres cooptés par leurs soins, le
constituant semble créer enfin une authentique chambres des entités fédérées.

Cependant, ce constat appelle un certain nombre de tempéraments :

1. La configuration de la seconde chambre se fonde toujours sur un dualisme


communautaire

La Région de Bruxelles-Capitale n’est pas directement associée à la désignation des


sénateurs et ne bénéficie pas de la surreprésentation habituellement reconnue aux entités
les plus petites dans la composition de la seconde chambre.

La sixième réforme de l’État constitue donc l’abandon définitif du Sénat paritaire appelé
de leurs vœux par les francophones avant 1993. La composition du Sénat est, comme celle
de la Chambre, une représentation proportionnelle de la population nationale.

La composition du Sénat traduit donc le caractère asymétrique du fédéralisme belge. les


sénateurs communautaires flamands sont désignés par le seul Parlement flamand. Du
côté francophone, le Parlement wallon et, dans une moindre mesure, le groupe linguistique
français du parlement de la Région de Bruxelles-Capitale sont appelés à intervenir au
Parlement de la Communauté française.

2. La manière dont sont désignés les sénateurs cooptés est en totale contradiction
avec la logique fédérale

Leur répartition entre les différentes formations politiques se fonde non pas sur les résultats
des élections régionales, mais sur celui des élections fédérales. Cette règle constitue la
négation même du principe de participation dans l’organisation qui implique que la
première chambre soit l'émanation de la population considérée dans son ensemble et que la
seconde chambre assure une représentation affective des entités fédérées en tant que
telles.

3. Le Sénat apparait comme une institution désinvestie, pas loin de constituer une
coquille vide

Tout d’abord, il n’est plus une assemblée permanente et est privé de certaines
compétences reconnues à tout Parlement, comme le droit d’enquête.

Ensuite, il perd, en dehors des matières visées à l’article 77 de la Constitution, tout droit
d’initiative.

207
Enfin, il perd tout pouvoir d’intervention dans des domaines aussi essentiels que les
relations internationales ou l’organisation des juridictions judiciaires. Tout au plus, il
conserve ses attributions antérieures dans la désignation des juges à la CC, des conseillers
d’État et des membres non-magistrats du Conseil supérieur de la justice.

• Les questions de réflexion (liens)

100. Réflexion sur le rôle du Sénat dans le passé et à l’heure actuelle – adéquation de sa
composition et de ses compétences – lien avec le principe de participation (leçon 22).
101. Réflexion sur les compétences exclusives du Sénat – lien avec es enquêtes
parlementaires (leçon 13) et les conflits d’intérêts (leçon 30)

208
Leçon 25 : Les institutions des régions et des communautés

• La matière à étudier

- La composition des parlements (n° 1 à 3)


- La composition des gouvernements (n°4 à 5)
- La préfiguration d’un fédéralisme à quatre (n°6)
- L’autonomie constitutive (7 à 11, 17)
- L’autonomie constitutive relative aux compétences (n°19 à 24)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CE, n°22.690 du 26 novembre 1982, Schiltz


- Avis SLCE – 138 C – compétences régionales

• Les questions de fondement

159. Le parlement de la Communauté française ne comprend que des élus indirects

Art. 24, §3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §3. Le Parlement de la Communauté française se compose :
1° de 75 membres du Parlement wallon ;
2° de 19 membres élus par le groupe linguistique français du Parlement de la Région de
Bruxelles-Capitale en son sein, visé à l'article 23 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative
aux institutions bruxelloises ».

160. Le gouvernement de la Communauté française compte au maximum 8 membres.

Art. 63 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §2. Le Gouvernement de la Communauté française compte quatre membres au plus, en ce
compris le président. Un membre au moins a son domicile dans la région bilingue de
Bruxelles-Capitale. (…)

§4. Les Parlements peuvent, chacun pour ce qui le concerne, modifier par décret le nombre
maximum des membres de leur Gouvernement ».

Article 2 du décret spécial du 13 juillet 1999 :


« Le Gouvernement de la Communauté française compte huit membres au plus, en ce
compris le président ».

161. Le gouvernement wallon doit comprendre en son sein au moins un tiers d’hommes.

Art. 64, §1, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1er. Si, lors de la constitution du Gouvernement wallon ou de toute modification ultérieure
dans la composition de celui-ci, après désignation de l'avant-dernier membre du
gouvernement conformément à l'article 60, §3, tous les membres sont du même sexe, le
scrutin pour la désignation du dernier membre est limité aux candidats appartenant à l'autre
sexe ».

Art. 2 du décret spécial du 2 mai 2019 :


« Dans l'article 60, § 1 er, de la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'alinéa 2 est
remplacé par ce qui suit :

« La liste visée à l'alinéa 1 er présente un tiers minimum de membres du même sexe. Tout
nombre décimal est porté à l'unité supérieure lorsque la décimale est supérieure à 5, tout

209
nombre décimal est porté à l'unité inférieure lorsque que la décimale est égale ou inférieure
à 5. » ».

162. La Communauté germanophone est compétente en matière de monuments et sites


(plusieurs fondements)

Article 139 de la Constitution :


« Sur proposition de leurs Gouvernements respectifs, le Parlement de la Communauté
germanophone et le Parlement de la Région wallonne peuvent, chacun par décret, décider
d'un commun accord que le Parlement et le Gouvernement de la Communauté
germanophone exercent, dans la région de langue allemande, en tout ou en partie, des
compétences de la Région wallonne ».

Art. 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1. Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont :
I. En ce qui concerne l'aménagement du territoire : (…) 7° Les monuments et les sites
(…) ».

Article 39 de la Constitution :
« La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de
régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et
selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

163. Le Parlement flamand peut créer de nouvelles incompatibilités relatives à ses


membres

Art. 24bis, §3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §3. Parlement wallon et le Parlement flamand peuvent, chacun pour ce qui le concerne,
déterminer par décret des incompatibilités supplémentaires ».

Art. 49 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §2. Le Parlement de la Communauté française, le Parlement wallon et le Parlement
flamand peuvent, chacun en ce qui le concerne, décider par décret qu'un membre du
Parlement, élu en qualité de membre de leur Gouvernement, cesse immédiatement de
siéger et reprend ses fonctions après avoir démissionné de ses fonctions de membre du
Gouvernement. Le décret prévoit son remplacement au Parlement ».

164. La Région wallonne est compétente pour la politique des handicapés (plusieurs
fondements)

Article 128, §1, de la Constitution :


« § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent
par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces
matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la
conclusion de traités.

Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête ces matières
personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de
traités ».

Art. 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1. Les matières personnalisables visées à l'article 128, §1er, de la Constitution, sont : (…)
II. En matière d'aide aux personnes : (…) 4° La politique des handicapés (…) ».

Article 138, §1, de la Constitution :


« Le Parlement de la Communauté française, d'une part, et le Parlement de la Région
wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,
d'autre part, peuvent décider d'un commun accord et chacun par décret que le Parlement et
le Gouvernement de la Région wallonne dans la région de langue française et le groupe

210
linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et son Collège dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale exercent, en tout ou en partie, des compétences de la
Communauté française ».

• Les questions de fond

209. Quels sont les principes constitutionnels applicables à la composition des assemblées
régionales et communautaires ?

1. Article 116, §2, de la Constitution (réforme de 1993) :


Chaque parlement de communauté est composé de membres élus directement en qualité
de membre du parlement de communauté concerné ou en qualité de membres d’un
parlement régional et, hormis l’hypothèse de l’absorption des institutions régionales par les
institutions communautaires, chaque parlement régional est composé de membres élus
directement en qualité de membre du parlement régional concerné ou en qualité de
membre d’un parlement de communauté.

2. Article 117 de la Constitution :


Ces parlements sont élus tous les cinq ans et intégralement renouvelés tous les 5 ans. Ces
élections ont lieu le même jour et coïncident avec les élection pour le Parlement européen.
Une loi spéciale, pas encore adoptée, peut autoriser les entités fédérées à modifier la durée
de la législature, comme la date de l’élection.

3. Option interdite par le constituant :


La seule option interdite par le constituant est précisément celle qui avait été retenue par le
législateur spécial du 8 aout 1980, à savoir constituer les parlements régionaux et
communautaires à partir d’élus fédéraux.

4. Double mandat :
Le double mandat entre la fonction de parlementaire régional et celle de parlementaire
communautaire n’est pas prohibé. Il semble même implicitement préconisé par le
constituant.

5. Triple mandat :
Le triple mandat de parlementaire régional, de parlementaire communautaire et de sénateur
est possible. Cependant, dans ce cas, à l’inverse du système antérieur, la primauté est
donnée au mandat régional et communautaire, et c’est celui de sénateur qui est exercé à
titre dérivé.

210. Qu’est-ce qui permet de réaliser un fédéralisme à la carte (communautaire au nord,


régional au sud) ?

Les principes énoncés ci-dessus s’inscrivent dans la philosophie qui caractérise les réformes
de 1993, à savoir l’émergence d’un fédéralisme à la carte, visant à satisfaire les
revendications contradictoires des différentes composantes de l’État. Dans la logique
inaugurée en 1980, ils permettent d’effacer le fait régional au nord du pays et d’en
consacrer la primauté au sud. Ainsi, ils traduisent l’abandon de la logique d’uniformité qui
avait inspiré le constituant en 1970, 1980 voire encore en 1988.

211. Quelles sont les assemblées composées d’élus directs ?

Quatre assemblées sont composées exclusivement d’élus directs :

1. Chambre des représentants : 150 membres (art. 61 et 63 C.) ;


2. Parlement de la Communauté germanophone (depuis 1983) : 25 membres (art. 8 LRICG) ;
3. Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (depuis 1989) : 89 membres (art. 10 LSIB) ;
4. Parlement wallon : 75 membres (art. 24 LSRI) ;

211
5. Parlement flamand : 124 membres — 118 élus dans la région de langue néerlandaise et 6
élus dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale (art. 24 LSRI).

212. Quelles sont les assemblées composées exclusivement d’élus indirects (soit qui
impliquent la présence de parlementaire qui disposent de plus d’un mandat
parlementaire) ?

1. Sénat : 60 membres (art. 67 C.) ;


2. Parlement de la Communauté française : 94 élus indirects — Les 75 membres du
Parlement wallon et 19 membres élus par le groupe français du Parlement de la Région
de Bruxelles-Capitale (art. 24, §3, LSRI) ;
3. Assemblées de dédoublement : Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale divisé en 2
groupes linguistiques (COCOF et VGC) réunis pour constituer l’assemblée réunie,
organe législatif de la COCOM. Un parlementaire régional bruxellois fait donc, de droit,
partie de trois assemblées et peut, s’il est, en outre, parlementaire communautaire, voire
sénateur, participer aux travaux de 4, voire 5 assemblées.

213. Quels sont les conditions requises pour être membre d’un gouvernement de la
Communauté française ?

Article 59 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« Pour être élu en qualité de membre du Gouvernement de la Communauté française, il
faut :

1. être Belge ;

2. jouir des droits civils et politiques ;

3. avoir atteint l'âge de 18 ans accomplis ;

4. avoir son domicile dans une commune du territoire de la Région wallonne ou de la région
bilingue de Bruxelles-Capitale et, en conséquence, être inscrit au registre de la population
de cette commune ;

5. ne pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion ou de suspension visés aux articles 6 à 9
bis du Code électoral.

Il n’existe pas d’incompatibilité entre la qualité de membre d’un gouvernement régional et


celle de membre d’un gouvernement communautaire. Il est donc possible que le
gouvernement de la Communauté française soit pour partie composé de membres du
gouvernement wallon et pour partie de membres du gouvernement bruxellois. Il convient
cependant qu’un membre du gouvernement de la Communauté française soit domicilié au
jour de son élection dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale ».

214. En quoi les règles de composition des parlements et des gouvernements des régions
et des communautés préfigurent-elles un fédéralisme à quatre ?

Avant 1993, le double mandat s’analysait comme un véritable cordon ombilical permettant de
maintenir les entités fédérées les plus importantes sous l’étroit contrôle de l'autorité fédérale.

L’élection directe du Parlement wallon et du Parlement flamand a permis de garantir


l’indépendance de ces entités. Les auteurs de la réforme de l’État ont conféré au principe de
l’élection indirecte - à savoir de l’exercice de mandats dérivés - la cohérence qui doit être la
sienne.

En ce faisant, le constituant et le législateur spécial ont dû opérer des choix et établir une
hiérarchie au sein des entités fédérées. Ainsi ont-ils garanti le plus haut degré d’autonomie à
la Communauté flamande, à la Région wallonne et à la Communauté germanophone. La

212
région BX-Capitale ne subit un déficit d’autonomie qu’en raison de sa structure
bicommunautaire, mais est traitée réellement comme un partenaire à part entière de la
Belgique fédérale.

Sous réserve de la capacité d’action de la Communauté flamande sur le territoire de la


région bilingue de Bruxelles-Capitale, les choix opérés par le constituant et le législateur
spécial quant à la composition des parlements et des gouvernements régionaux et
communautaires préfigurent un fédéralisme à quatre.

215. Quelles sont les conditions de mise en œuvre de l’article 139 de la Constitution ?

En vertu de l’article 139 de la Constitution, pour autant qu’un accord ait été passé avec la
Région wallonne, la Communauté germanophone peut exercer des compétences
régionales.

« Sur proposition de leurs Gouvernements respectifs, le Parlement de la Communauté


germanophone et le Parlement de la Région wallonne peuvent, chacun par décret, décider
d'un commun accord que le Parlement et le Gouvernement de la Communauté
germanophone exercent, dans la région de langue allemande, en tout ou en partie, des
compétences de la Région wallonne.

Ces compétences sont exercées, selon le cas, par voie de décrets, d'arrêtés ou de
règlements ».

Deux décrets sont donc requis pour permettre l’exercice de cette autonomie constitutive.
Cette circonstance est, cependant, indifférente en l’espèce. En effet, il y a bien autonomie
constitutive dès lors que le transfert de compétences n’est pas réalisé par le vote d’une loi
spéciale, mais est laissé à la discrétion des deux assemblées concernées.

216. Quelles sont les conditions de mise en œuvre de l’article 138 de la Constitution ?

Article 138 de la Constitution :


« Le Parlement de la Communauté française, d'une part, et le Parlement de la Région
wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,
d'autre part, peuvent décider d'un commun accord et chacun par décret que le Parlement et
le Gouvernement de la Région wallonne dans la région de langue française et le groupe
linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et son Collège dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale exercent, en tout ou en partie, des compétences de la
Communauté française ».

Ces décrets sont adoptés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés au sein du
Parlement de la Communauté française et à la majorité absolue des suffrages exprimés
au sein du Parlement de la Région wallonne et du groupe linguistique français du
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à condition que la majorité des membres du
Parlement ou du groupe linguistique concerné soit présente. Ils peuvent régler le
financement des compétences qu'ils désignent, ainsi que le transfert du personnel, des
biens, droits et obligations qui les concernent.

217. En quoi l’article 138 de la Constitution offre-t-il un exemple de révision implicite ?

L’article 138 n’est pas compatible avec les dispositions constitutionnelles, non soumises à
révision, qui énumèrent les matières relevant des compétences des communautés et qui
confient expressément à leurs parlements le soin de les régler.

De même, il ne semble guère compatible avec l’article 39 de la Constitution qui exclut du


champ des compétences régionales les matières relevant des communautés.

213
En effet, la combinaison des différentes dispositions constitutionnelles applicables aux
compétences des entités fédérées qui n’étaient pas soumises à révision en 1993 impliquait
une étanchéité entre les compétences régionales et communautaires qui, précisément, est
mise à mal par l’article 138.

218. En quoi l’article 138 de la Constitution s’analyse-t-il comme une forme d’autonomie
constitutive ?

A. Tout d’abord, il y autonomie constitutive dès lors que trois entités fédérées, en adoptant
un décret, peuvent, selon les cas, accroitre ou réduire leur champ d’intervention.
Cependant, elle est partiellement limitée par le fait qu’un accord trilatéral est exigé
(mesure de protection de la minorité bruxelloise par rapport à la majorité wallonne).

B. Pour les surplus, la marge de manœuvre consentie aux trois législateurs concernés est
extrêmement large :
• Pas forcément de symétrie dans les compétences transférées ;
• Aucune limite fixée concernant l’ampleur des transferts réalisables ;
• Article 138 muet mais modification possible de l’accord trilatéral à la condition expresse de
l’adoption d’un nouveau décret ayant le même contenu par les trois législateurs concernés.

C. De même, même si le texte constitutionnel ne le prévoit pas expressément, il existe un


droit au retour par un accord trilatéral : restitution à la Communauté française de
l’exercice des compétences que celle-ci leur aurait transféré => application du principe
général du parallélisme des formes et appui dans l’article 137 de la Constitution qui
prévoit transfert de compétences de la Région wallonne à la Communauté française.

D. Enfin, le fait que l’article 138 ne concerne que les institutions francophones révèle que les
auteurs de la réforme de l’État semblent avoir renoncé à toute exigence d’uniformité
entre les différentes entités, et notamment entre les deux grandes communautés.

219. Est-il possible pour les institutions wallonnes de régler dans un même acte (arrêté ou
décret) des matières régionales et communautaires – analyse critique de la position la
section de législation du Conseil d’État ?

Arrêt Schiltz — CE, n°22.690 du 26 novembre 1982 :


Le Conseil d’Etat a, de manière constante, interdit aux institutions flamandes de régler dans
un seul acte des matières régionales et communautaires.

La séparation institutionnelle entre la Communauté et la Région est la règle et la liaison


institutionnelle, dans les limites autorisées par la Constitution, apparait comme une
dérogation à celle-ci.

Avis SLCE - 138 C - compétences régionales :


La SLCE adopte une position similaire en ce qui concerne les compétences
communautaires transférées en application de l’article 138 de la Constitution à la Région
wallonne.

=> Arguments :

1. Nette distinction entre les matières communautaires et régionales établie par la


Constitution et autres dispositions de réformes institutionnelles — matières dévolues à des
personnes morales distinctes. Elle estime : pas d’atteinte à cette distinction par le transfert
de compétences de l’article 138 ;

2. Champ d’application territorial des dispositions différent selon que la Région wallonne
règle une matière communautaire (uniquement territoire de langue française) ou une
matière régionale (tout le territoire) ;

214
3. Composition du Parlement wallon différent selon que la Région wallonne règle une
matière communautaire ou une matière régionale (membre ayant prêté serment en
premier lieu en allemand ne peuvent participer aux votes sur les matières relevant de la
Communauté française).

=> Nuance de la thèse de la SLCE :

1. Argument fondé sur l’étanchéité des compétences régionales et communautaires ne


résiste pas CAR transfert de compétences prévu par le constituant lui-même ;

2. Argument fondé sur l’existence de personnalités juridiques distinctes pas conforme au


prescrit constitutionnel CAR aucune affirmation de la possession par la Région wallonne
de deux personnalités juridiques distinctes selon les compétences qu’elle exerce ;

3. Concernant le champ d’application territorial : solution pratique = possibilité de prévoir


dans le décret ou dans l’arrêté, les modalités de sa mise en œuvre sur le plan territorial ;

4. Seul argument qui semble résister (ne valant que pour l’exercice du pouvoir décrétal) =
composition différente du Parlement en fonction des compétences exercées => pourrait
être réglé par la prise de deux décrets identiques votés l’un par le Parlement dans sa
composition régionale et l’autre dans sa composition communautaire OU par la
soumission de chacune des dispositions du décret à une procédure de vote conditionnée
par son contenu régional ou communautaire OU vote de décrets conjoints.

• Les questions de réflexion (liens)

102. Réflexion sur la composition des assemblées parlementaires des entités fédérées –
lien avec la théorie du fédéralisme et l’évolution générale de la réforme de l’Etat (leçon
22) et avec le statut des membres d’assemblées (leçon 10).
103. Réflexion sur l’autonomie constitutive fédérées – lien avec la théorie du fédéralisme et
l’évolution générale de la réforme de l’Etat (leçon 22).

215
Leçon 26 : Bruxelles et la Communauté germanophone

• La matière à étudier

- Bruxelles (n°1 à12, n°13 à 22)


- La Communauté germanophone (n°26 à 28).

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC, 35/2003 – élections régionales (accords du Lombard)


- CE, n°°51.585 du 8 février 1995, Goethals – ordonnances
- CC, 35/2003 – VGC (accords du Lombard)
- CC, 35/2003 – COCOM (accords du Lombard)

• Les questions de fondement

165. Les Flamands disposent d’une représentation garantie au Parlement régional

Article 20, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 :


« Avant de procéder à la dévolution des sièges à conférer, les sièges sont répartis à
concurrence de 72 entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du groupe
linguistique français et de 17 entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du
groupe linguistique néerlandais ».

166. Le Roi peut suspendre certaines ordonnances bruxelloises

Article 45 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises :


« En vue de préserver le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles, le Roi peut,
par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, suspendre les ordonnances du Parlement et les
arrêtés du Gouvernement réglant les matières visées à l'article 6, § 1er, I, 1°, et X, de la loi
spéciale.

L'arrêté de suspension doit être pris dans les soixante jours à compter de la publication de
l'ordonnance ou de l’arrêté.

En pareil cas, dès que l'arrêté de suspension est pris, le Conseil des Ministres saisit le
comité de coopération qui se prononce dans les soixante jours.

A défaut d'accord dans ce délai, la suspension peut être prorogée de soixante jours.

Le Sénat et, après la révision des articles 53 et 54 de la Constitution, la Chambre des


Représentants peut, dans le délai ainsi prorogé, annuler l'ordonnance du Parlement ou
l'arrêté du Gouvernement à la majorité dans les deux groupes linguistiques. A défaut
d'annulation, la suspension est définitivement levée.

La résolution par laquelle la Chambre compétente annule l'ordonnance du Conseil ou l'arrêté


du Gouvernement est rédigée en français et en néerlandais et publiée au Moniteur belge, le
texte français et le texte néerlandais l'un en regard de l'autre. »

Donc, en vertu de l’article 45 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, le Roi peut, dans les
limites imposées par les 2 conditions cumulatives évoquées supra, suspendre une
ordonnance ou un arrêté dans les 60 jours de sa publication.

L’arrêté de suspension, qui doit être délibéré en Conseil des ministres, emporte isipo facto
la saisine du comité de coopération, qui dispose d’un délai de 60 jours pour se prononcer.

216
A défaut d’accord à l’issue de ce délai de 60 jours, par un nouvel arrêté délibéré en
Conseil des ministres, l’arrêté prorogé[1] peut être suspendu pour une nouvelle période de
60 jours.

Au cours de cet ultime délai, la Chambre des représentants peut, par une résolution votée à
la majorité absolue au sein de chaque groupe linguistique, annuler l’ordonnance ou l’arrêté
incriminé. En l’absence d’une telle annulation, la suspension est définitivement levée.
[1] = Dont la validité a été repoussée à une date ultérieure

167. Le Roi peut se substituer au gouvernement bruxellois pour prendre certaines


initiatives

Article 46 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises :


« Le Conseil des Ministres soumet au comité de coopération pour concertation, les mesures
relatives aux matières visées à l'article 45, alinéa 1er, de la présente loi, que la Région de
Bruxelles-Capitale devrait prendre, selon lui, en vue de développer le rôle international ou la
fonction de capitale de Bruxelles.

Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale prend les mesures décidées par le


comité de coopération; leur financement peut être à charge du budget de l'Etat et du budget
de la Région.

Si la concertation au sein du comité de coopération n'aboutit pas à un accord, le Conseil des


Ministres peut demander à la Chambre compétente d'approuver lesdites mesures à la
majorité dans les deux groupes linguistiques. En ce cas, elles sont intégralement financées
par le budget de l’Etat.

La résolution par laquelle la Chambre compétente approuve lesdites mesures est rédigée en
français et en néerlandais et publiée au Moniteur belge, le texte français et le texte
néerlandais l'un en regard de l'autre. »

Une autre procédure[1] est instituée par l’article 46 de la loi spéciale du 12 janvier 1989.
Cette disposition autorise le Conseil des ministres à soumettre au comité de coopération les
mesures que devraient, à son sens, prendre les organes de la Région en vue « de
développer le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles ».
Si la procédure de concertation échoue, le Conseil des ministres peut s’adresser à la
Chambre des représentants afin que l’assemblée approuve les mesures envisagées, et ce, à
la majorité absolue des deux groupes linguistiques de la Chambre.

[1]
Soumises aux deux mêmes conditions cumulatives évoquées supra, quant à ses objectifs et quant aux
matières dans lesquelles elle peut trouver à s’exercer

168. La communauté germanophone n’a aucune compétence en matière d’emploi des


langues

Art. 129 de la Constitution :


« § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande,
chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret, à l’exclusion du législateur fédéral,
l’emploi des langues pour:
1° les matières administratives ;
2° l’enseignement dans les établissements créés, subventionnés ou reconnus par les
pouvoirs publics ;
3° les relations sociales entre les employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et
documents des entreprises imposés par la loi et les règlements.

217
§ 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans
la région de langue néerlandaise, excepté en ce qui concerne:
- les communes ou groupes de communes contigus à une autre région linguistique et
où la loi prescrit ou permet l’emploi d’une autre langue que celle de la région dans
laquelle ils sont situés. Pour ces communes, une modification aux règles sur l’emploi des
langues dans les matières visées au § 1er ne peut être apportée que par une loi adoptée à
la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa ;
- les services dont l’activité s’étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont
établis ;
- les institutions fédérales et internationales désignées par la loi dont l’activité est commune
à plus d’une communauté ».

• Les questions de fond

220. Quels sont les principes constitutionnels applicables à la Région de Bruxelles-


Capitale?

L’article 194 de la Constitution dispose que « La ville de Bruxelles est la capitale et le siège
du gouvernement fédéral ».

L’article 3 de la Constitution (anciennement l’article 107quater), quant à lui, que la Belgique


comprend trois régions, dont la Région bruxelloise. L’existence de cette dernière est
consacrée depuis 1970 par cet article.

L’article 108ter constitue les complément indissociable des principes contenus dans les
autres dispositions constitutionnelles relatives aux institutions régionales et communautaires.
Les principes contenus dans cet articles figurent aujourd’hui dans les articles 136 et 166 de
la Constitution qui peuvent se résumer ainsi :

• Les compétences de l’agglomération à laquelle appartient la capitale du Royaume (=


territoire regroupant l’ensemble des communes Bruxelloises) sont, de la manière
déterminée par une loi spéciale, exercées par les organes de la Région de Bruxelles-
Capitale, créés en vertu de l’article 39 de la Constitution " existence d’organe
régionaux

• Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale comprend des groupes linguistiques et


des collèges, compétents pour les matières communautaires, dont une loi spéciale règle la
composition, le fonctionnement, les compétences et le financement, sans préjudice de
l’article 175 de la Constitution[1] " existence de deux groupes linguistiques

• Ces organes ont chacun pour leur communauté les mêmes compétences que les
pouvoirs organisateurs pour les matières culturelles, d’enseignement et
personnalisables :
- Ils règlent conjointement les mêmes matières qui sont d’intérêt commun. " assemblée
réunie
- Ils exercent, chacun pour leur communauté, les compétences qui leur sont déléguées par
les parlements communautaires " assemblées respectives

• Les collèges forment ensemble le collège réuni qui fait fonction d’organe de concertation
et de coordination entre les deux communautés " COCOM

[1] Relatif au financement et à l’affectation des recettes des Communautés française et flamande

218
221. Quels commentaires peut-on faire à propos de la réforme de 1988 sur les institutions
bruxelloises ?

[…] Le statut de Bruxelles a toujours été au cœur du conflit entre les tenants d’un
fédéralisme communautaire (= les flamands) et ceux qui défendent un fédéralisme régional
(= les francophones).

En 1988, à l’occasion de la 3ème réforme de l’Etat, enfin, les conditions sont réunies pour
organiser les institutions bruxelloises. Encore fallait-il traduire ces intentions dans la
Constitution alors que l’article 107quater ancien n’était pas soumis à révision.

Le constituant contourna cette difficulté en procédant à la révision de l’article 108ter ancien.


En 1970, cette disposition avait été insérée dans la Constitution afin de fixer les règles
relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’agglomération bruxelloise. La portée de
l’article 108ter fut dès lors considérablement modifiée du fait de sa révision en 1988, puisque
cette disposition constitue désormais le complément indissociable des principes contenus
dans les autres dispositions constitutionnelles régionales et communautaires.
Les principes contenus dans l’article 108ter ancien figurent désormais aux articles 136 et
166 de la Constitution (voir infra, question juste au-dessus).

La révision constitutionnelle opérée en 1988 appelle un certain nombre de


commentaires :

• La révision de 1988 a consacré l’existence des organes de la Région de Bruxelles-


Capitale.

En apparence, il s’agissait d’une répétition par rapport au contenu de l’article 107quater, dont
les dispositions sont contenues actuellement dans les articles 3 et 9 de la Constitution. Cette
redondance a cependant permis d’intégrer dans le texte constitutionnel la nouvelle
appellation de Région de Bruxelles-Capitale, laquelle remplace les termes de Région
Bruxelloise, utilisés antérieurement.
Il s’agissait là, à l’évidence, d’une révision implicite de l’article 107quater ancien de la
Constitution[1], lequel n’était pas soumis à révision (et utilisait les termes de Région
Bruxelloise), à l’inverse de l’article 108ter, qui fut donc révisé en 1988 pour intégrer la
nouvelle appellation susmentionnée.

• La révision de 1988 a permis de confier aux organes de la Région de Bruxelles-


Capitale l’exercice des compétences qui relevaient antérieurement des organes de
l’agglomération bruxelloise, soit des matières relevant des pouvoirs locaux.

L’agglomération bruxelloise, à l’instar de la Région flamande, conserve donc une


personnalité juridique distincte, mais ne dispose pas d’institutions propres.

• Par ailleurs, l’article 136 de la Constitution consacre la création de deux nouvelles


collectivités politiques, à savoir les commissions communautaires française et
flamande.

Ces appellations ne figurent pas telles quelles dans la Constitution et sont apparues dans la
loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

Elles étaient, à l’origine, investies de deux types d’attributions :


- D’une compétence en tant que pouvoir organisateur dans les matières communautaires
(notamment enseignement) ;
- Pouvaient se voir déléguer des compétences par le parlement de communauté dont elles
dépendent.

L’article 138 C. permet, en outre, à la seule COCOF d’être investie d’un pouvoir décrétal
dans les matières dont l’exercice est transféré à la Communauté française.

219
• Enfin, la réforme de 1988 a permis la création de la Commission communautaire
commune.

Elle a pour organe une assemblée réunie – réunion des deux groupes linguistiques du
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale – et un collège réuni – dont la composition
correspond à celle du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale – et est compétente
pour régler les matières bipersonnalisables.
[1] Ceci est apparu notamment lors des travaux de renumérotation de la Constitution. Dans le projet initial, les termes Région
bruxelloise n'apparaissaient plus et étaient systématiquement remplacés par les termes Région de Bruxelles-Capitale. Les
francophones se sont opposés à cette deuxième modification implicite de l'article 107quater qui aurait permis de faire disparaître
toute trace de la première révision implicite opérée en 1988. Si, sur le plan strictement juridique, cette opinion peut être admise, il
est permis de regretter que le travail d'uniformisation terminologique n'ait pu être poursuivi jusqu'à son terme. La disparition des
termes symboliques de Région bruxelloise du texte constitutionnel n'aurait pas eu pour effet d'altérer l'autonomie de la
région centrale, ni de remettre en cause les termes du compromis qui ont permis sa création en 1988-1989.

222. En quoi une ordonnance se distingue-t-elle d’une autre norme législative

La Région de Bruxelles-Capitale a « les mêmes compétences que la Région wallonne et la


Région flamande », en vertu de l’article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux
institutions bruxelloises.

Cependant, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, contrairement aux autres


parlements régionaux, ne prend pas des décrets, mais des ordonnances.
Celles-ci peuvent, comme le décret, « abroger, compléter, modifier ou remplacer les
dispositions législatives en vigueur », mais elles sont soumises à un contrôle de
constitutionnalité auxquels échappent les décrets.

Nonobstant son statut particulier, l’ordonnance est un acte de nature législative. Comme
telle, elle est soumise au contrôle de la Cour constitutionnelle, et, partant, le Conseil d’Etat
est incompétent pour en connaître au contentieux de l’annulation.

[1] « A la présente loi » dans le texte de l’article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux
institutions bruxelloises
[2] = les articles de la Constitution desquels la Cour constitutionnelle assure le contrôle

223. Expliquez la portée du contrôle de constitutionnalité qui s’exerce sur les ordonnances
bruxelloises

En effet, « les juridictions ne peuvent contrôler les ordonnances qu’en ce qui concerne leur
conformité [à la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises][1] et à la
Constitution, à l’exception des articles visés par l’article 142 de celle-ci [2] et des règles qui
sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences
respectives de l’Etat, des Communautés et des Régions.

En cas de non-conformité, elles refusent l’application de l’ordonnance ».

Autrement dit, l’ordonnance est soumise à un contrôle de constitutionnalité et de conformité


à la loi spéciale, analogue à celui qu’exercent les cours et tribunaux, en vertu de l’article 159
de la Constitution, à l’égard des règlements.

Le contrôle de constitutionnalité se limite aux dispositions constitutionnelles dont la Cour


constitutionnelle n’assure pas le contrôle.

Le Conseil d’Etat n’hésite pas à opérer un contrôle par voie d’exception d’une
ordonnance bruxelloise, refusant d’avoir égard à celle-ci étant donné sa contradiction avec
la loi spéciale du 12 janvier 1989 " Voir CE, n°51.585 du 8 février 1995, Goethals –
ordonnances.

220
Le Conseil d’Etat n’hésite pas non plus à contrôler directement la conformité
d’ordonnance à des dispositions constitutionnelles dont la Cour n’assure pas le
contrôle.

Nonobstant son statut particulier, l’ordonnance est un acte de nature législative. Comme
telle, elle est soumise au contrôle de la Cour constitutionnelle, et, partant, le Conseil d’Etat
est incompétent pour en connaître au contentieux de l’annulation.
[1] « A la présente loi » dans le texte de l’article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux
institutions bruxelloises
[2] = les articles de la Constitution desquels la Cour constitutionnelle assure le contrôle

224. Que penser de l’affirmation selon laquelle une ordonnance ne peut pas être interprétée
par voie d’autorité ?

Il est communément affirmé que le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale n'a pas


compétence pour interpréter les ordonnances par voie d'autorité[1]. Ceci se justifie par le fait
que le constituant n'a pas expressément reconnu ce pouvoir au législateur ordonnantiel alors
qu'il l'a accordé au législateur fédéral et aux législateurs décrétaux et que des amendements
visant à lui reconnaître ce pouvoir n'ont pas été votés.

Il est permis, cependant, de soutenir que le législateur ordonnantiel doit également disposer
de pareil pouvoir.

En effet, nul ne conteste plus aujourd'hui que l'ordonnance est une norme législative à
part entière. Or le pouvoir d'interprétation authentique est, en droit belge, inhérent à
l'exercice de la fonction législative et exige que tous les législateurs bénéficient d'un
traitement identique.

Il en va d'autant plus ainsi qu'à la suite d'une maladresse de plume, les autres législateurs
régionaux, nonobstant l'intention claire du constituant, ne disposent plus formellement[2]
de ce pouvoir (pourtant, il leur est bel et bien reconnu).

Il serait de surcroît déraisonnable de priver les législateurs de la Région de Bruxelles-


Capitale et de la Commission communautaire commune de cette faculté alors qu'elle est
constitutionnellement reconnue au législateur de la Commission communautaire française.
Enfin, nul ne conteste que le législateur ordonnantiel peut, à l'instar des autres législateurs,
adopter des normes rétroactives dans les conditions admises par la Cour constitutionnelle[3].
Or ceci, implicitement, revient à l'autoriser à adopter une ordonnance interprétative.

[1] Le Conseil d’Etat a considéré que « la Constitution n’a pas accordé à l’ordonnance le pouvoir
d’interprétation des ordonnances par voie d’autorité, au contraire de ce qu’elle a expressément prévu à
l’article 84 pour les lois et à l’article 133 pour les décrets.
[2] En effet, l'article 133 de la Constitution est inséré dans une sous-section de la Constitution

consacrée aux compétences des communautés. Par contre, la sous-section suivante consacrée aux
compétences régionales ne comprend pas pareille disposition. Faut-il en déduire qu'une habilitation
constitutionnelle est requise pour user d'une telle technique législative? Assurément non. Il n'y a guère
de raison de priver les législateurs régionaux d'une faculté reconnue aux législateurs
communautaires.
Par ailleurs, l'intention du constituant était bien de permettre tant aux législateurs communautaires qu'aux
législateurs régionaux, sous réserve de la situation particulière du législateur bruxellois, d'interpréter leurs
normes législatives par voie d'autorité.
[3] En effet, la Cour constitutionnelle, a déjà admis qu’une ordonnance régionale peut rétroagir si cette

rétroactivité est justifiée par le fait qu’elle soit « indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt
général ». Il s’en déduit qu’une ordonnance interprétative, et par essence rétroactive, devrait voir sa
validité reconnue pour autant qu’elle soit indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt
général.

221
225. Quels sont les contrôles politiques qui peuvent s’exercer sur les ordonnances
bruxelloises ?

Contrairement aux autres entités régionales et communautaires, la Région de Bruxelles-


Capitale est soumise à un contrôle politique émanant des autorités fédérales.

Toutefois, ces procédures de contrôle et de censure des normes régionales ne peuvent être
utilisées que de façon limitée. Deux conditions cumulatives sont requises pour la mise en
œuvre de celles-ci :

- L’intervention des autorités fédérales doit être motivée par la volonté de préserver le rôle
international de Bruxelles ou sa fonction de capitale ;

- L’intervention des autorités fédérales doit concerner l’une des matières expressément
énumérées, à savoir l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les travaux publics et
le transport.

Ces procédures impliquent l’intervention d’un comité de coopération. Ce dernier constitue


le pendant, pour les institutions bruxelloises, du comité de concertation institué pour
l’ensemble de l’Etat.

Le comité de coopération, créé par les articles 43 et 44 de la loi spéciale du 12 janvier


1989, se caractérise par une composition en carré. Il comprend autant de ministres
fédéraux que de membres du gouvernement régional et chaque délégation est paritaire
sur le plan linguistique.

Il délibère dans le respect de la procédure du consensus « des initiatives que peuvent


prendre en commun l’Etat et la Région de Bruxelles-Capitale en vue de favoriser et de
promouvoir le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles ».

• Premier contrôle politique – tutelle d’annulation :

En vertu de l’article 45 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, le Roi peut, dans les limites
imposées par les 2 conditions cumulatives évoquées supra, suspendre une ordonnance
ou un arrêté dans les 60 jours de sa publication.

L’arrêté de suspension, qui doit être délibéré en Conseil des ministres, emporte ipso facto
la saisine du comité de coopération, qui dispose d’un délai de 60 jours pour se prononcer.
A défaut d’accord à l’issue de ce délai de 60 jours, par un nouvel arrêté délibéré en
Conseil des ministres, l’arrêté prorogé[1] peut être suspendu pour une nouvelle période de
60 jours.
Au cours de cet ultime délai, la Chambre des représentants peut, par une résolution votée à
la majorité absolue au sein de chaque groupe linguistique, annuler l’ordonnance ou l’arrêté
incriminé. En l’absence d’une telle annulation, la suspension est définitivement levée.

• Second contrôle politique – tutelle de substitution :

Une autre procédure[2] est instituée par l’article 46 de la loi spéciale du 12 janvier 1989.
Cette disposition autorise le Conseil des ministres à soumettre au comité de coopération les
mesures que devraient, à son sens, prendre les organes de la Région en vue « de
développer le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles ».
Si la procédure de concertation échoue, le Conseil des ministres peut s’adresser à la
Chambre des représentants afin que l’assemblée approuve les mesures envisagées, et ce, à
la majorité absolue des deux groupes linguistiques de la Chambre.

222
• Critique :

Les articles 45 et 46 ont incontestablement pour effet de limiter l’autonomie de la Région


de Bruxelles-Capitale, dans les matières de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire,
des travaux publics et du transport.

Il s’agit d’une exception au principe de l’égalité entre les diverses entités régionales et
communautaires, d’une part, et l’autorité fédérale, d’autre part.

Il n’y a quasiment pas d’autres exemples dans notre droit public où une entité régionale ou
communautaire est aussi manifestement placée sous le contrôle des autorités fédérales
(voy. pour comparaison les mécanismes de la sonnette d’alarme culturelle et le pouvoir de
substitution en matière de relations internationales).

De plus, l’intervention des autorités fédérales, et en particulier les résolutions parlementaires


prises en vertu des articles 45 et 46, échappent à tout contrôle de légalité.

La section de législation du Conseil d’Etat peut, tout au plus, par avis motivé, s’il est saisie
par le comité de coopération, mettre fin aux procédures prévues par les articles 45 et 46 si
les exigences de ces dispositions sont méconnues.

Cependant, étant donné que le comité de coopération doit agir dans le respect du principe
du consensus, celui-ci pourrait se retrouver paralysé par les représentants de l’autorité
fédérale.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle n’est pas compétente pour connaître de la résolution
d’une assemblée annulant une ordonnance.

Quant à l’intervention du Conseil des ministres, celle-ci s’analyse comme un acte


préparatoire et, partant, ne pourrait pas être annulée par le Conseil d’Etat au contentieux de
l’annulation.

Cependant, de nombreuses limites sont posées à la mise en œuvre de ces procédures. En


effet, outre le fait que ces procédures ne concernent que des matières limitées et ne peuvent
être utilisées qu’en vue de réaliser un objectif clairement déterminé, elles sont organisées de
telle manière que leur efficacité doit être subordonnée à un large consensus national. Dès
lors que les résolutions visées aux articles 45 et 46 doivent recueillir une majorité dans
chaque groupe linguistique, il suffirait à la Région de Bruxelles-Capitale de pouvoir
s’appuyer sur une majorité au sein de l’un de ces groupes pour échapper à toute
sanction.

A l’instar de la sonnette d’alarme, ces procédures ne devraient être utilisées


qu’exceptionnellement, il n’en a d’ailleurs jamais été fait usage jusqu’ici.

[1]
= Dont la validité a été repoussée à une date ultérieure
[2]
Soumises aux deux mêmes conditions cumulatives évoquées supra, quant à ses objectifs et quant aux
matières dans lesquelles elle peut trouver à s’exercer

226. Quel est le mode financement de la COCOF et quelles en sont les conséquences ?

Les problèmes de financement de la Communauté française et, partant, la nécessité pour


celle-ci d’abandonner un certain nombre de ses compétences ont permis de transformer
sensiblement le statut de la Commission communautaire française.

En effet, il était impossible de transférer à la Région wallonne (ni à la Région de Bruxelles-


Capitale) l’exercice de compétences dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

223
La Commission communautaire française, la COCOF, présente le double avantage d’être
bruxelloise, mais homogène sur le plan linguistique, et d’avoir déjà une sensibilité
communautaire.

Telle est la raison pour laquelle ses organes peuvent aujourd’hui exercer, en vertu de l’article
138 de la Constitution, par décret et par arrêté, des compétences qui, jusqu’en 1993,
relevaient des seuls Parlement et Gouvernement de la Communauté française.

La mise en œuvre de l’article 138 de la Constitution exigeait que des moyens financiers
soient mis à disposition de la Commission communautaire française qui, à l’inverse de la
Région wallonne, n’aurait pu supporter, sur ses fonds initiaux, le coût de nouvelles
compétences, d’autant qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir fiscal.

En vertu de l’article 178 de la Constitution, le législateur spécial a organisé un droit de


tirage des commissions communautaires sur le budget de la Région de Bruxelles-Capitale.
Chaque fois que l’une de ces commission use de son droit de tirage, les sommes ainsi
prélevées se répartissent à 80% en faveur de la Commission communautaire française et à
20% en faveur de la Commission communautaire flamande, la VGC[1]. La VGC dispose donc
de moyens financiers disproportionnés par rapport à ses compétences sur le territoire de la
Région bilingue de Bruxelles.

Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale inscrit annuellement à son budget un


montant spécial sur lequel les commission communautaires française et flamande peut
exercer leur droit de tirage.

Enfin, ces montants spéciaux peuvent être augmentés par le Parlement sur proposition de
son gouvernement. Il appert donc que la minorité néerlandophone peut empêcher le
gouvernement bruxellois de venir au secours de la Commission communautaire française si,
par hypothèse, elle ne pouvait faire face à ses obligations financières.

En outre, en vertu des décrets de transfert, la Communauté française octroie une dotation à
la Région wallonne et à la Commission communautaire française. Cependant, son montant
est, par essence, inférieur au coût des compétences transférées[2].

[1] Cela semble incohérent dès lors que la VGC ne peut se voir transférer des compétences, à l’inverse de
ce qui est prévu pour la COCOF. Pourquoi devrait-elle donc bénéficier d’un droit de tirage ?
[2] En effet, le but de l’opération était de participer au financement de la Communauté française

227. Comment est composé le collège de la VGC – réflexion sur la régularité de ses
décisions ?

La Commission communautaire flamande (Vlaamse gemeenschapscommissie ou VGC)


est un pouvoir subordonné qui a profité de la croissance et de la mutation de la COCOF.

Il s’agit d’un des pouvoirs les plus riches du pays. En effet, tel que cela a déjà été relevé
supra, elle est investie de compétences mineures, et reçoit des moyens budgétaires
importants (cf. clé 80/20), en compensation de ceux qui sont attribués par la Région de
Bruxelles-Capitale à la Commission communautaire française.

Les auteurs de la réforme de l’État se sont efforcés de maintenir une uniformité entre les
deux commissions communautaires sur des points mineurs (composition, financement) mais
ont omis, sur l’essentiel, d’aligner leurs situations respectives. En effet, la Commission
communautaire flamande, même en germe, ne s’analyse pas comme une entité fédérée[1].
Dans l’état actuel du droit positif, aucun pouvoir décrétal ne lui est consenti.

Les accords du Lombard, en 2001, avaient consacré une modification des règles de
composition de son assemblée. En effet, en vertu de l’article 60, al. 5, de la loi spéciale du

224
12 janvier 1989, celle-ci comprend les 17 membres du groupe linguistique néerlandais
du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et 5 membres non élus au sein de
cette assemblée[2], désignés, à la proportionnelle, en fonction des résultats des élections du
Parlement flamand. L’objectif poursuivi était d’éviter qu’un parti non démocratique ne puisse,
en devenant majoritaire, au sein du groupe linguistique néerlandais du Parlement régional,
paralyser irrémédiablement les institutions bruxelloises.

Voir CC, 35/2003 – VGC (accords du Lombard)

La Cour constitutionnelle considère qu’il n’est pas disproportionné par rapport à l’objectif
poursuivi que l’assemblée de la Commission communautaire flamande comprenne 5
membres de plus que le groupe linguistique néerlandais du Parlement régional.

Elle sanctionne simplement le mode de désignation de ceux-ci, basés sur les élections du
Parlement flamand. Le législateur spécial s’étant abstenu de tirer les conséquences de cet
arrêt de la Cour, l’assemblée de la VGC est, depuis 2003, irrégulièrement composée.

[1] A l’inversela COCOF qui reprend les traits d’une véritable entité fédérée à part entière, disposant d’un
pouvoir décrétal, qui n’est qui plus est pas soumis à un contrôle de constitutionnalité, prévu en ce qui
concerne les ordonnances de la Région de Bruxelles-Capitale
[2] Ajoutés pour éviter tout majorité du Vlaams Blok au sein de la VGC

228. Quel est le mode de délibération de l’assemblée réunie de la COCOM?

La Commission communautaire commune dispose d’organes propres qui sont issues


d’un dédoublement fonctionnel des organes régionaux, adapté à ses spécificités.

Son organe législatif, l’assemblée réunie adopte, en principe, toutes ses résolutions à la
majorité absolue de ses membres, et à la majorité de chaque groupe linguistique.
Cette formule peut paralyser des institutions de la Commission communautaire commune.

Telle est la raison pour laquelle les accords du Lombard ont consacré un nouveau mode de
délibération de cette assemblée. Il est prévu, en effet, que si une résolution n’est pas votée à
la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique, un deuxième vote est
organisé.

La résolution est alors adoptée à la majorité absolue des suffrages de l’assemblée réunie et
par au moins un tiers des suffrages dans chaque groupe linguistique. S’il s’agit du vote
d’une ordonnance, ce vote alternatif ne peut intervenir qu’un mois au plus tôt après le
premier vote.

Voir CC, 35/2003 – COCOM (accords du Lombard)

229. Quelle est la composition du collège de la COCOM ?

L’organe exécutif de la COCOM, le collège réuni, comprend les 2 membres francophones


du gouvernement régional et les 2 membres néerlandophones de celui-ci. Il est présidé par
le Ministre-Président bruxellois qui ne dispose cependant que d’une voix consultative. De
plus, les membres bruxellois des gouvernements communautaires qui sont associés aux
travaux des collèges des deux autres commissions communautaires y siègent également
avec voix consultative.

225
230. Quelle est la composition des organes de la Communauté germanophone ?

Les institutions et les compétences de la Communauté germanophone sont réglées par la loi ordinaire, et non
pour une loi votée à la majorité spéciale. Les dispositions légales relatives à la Communauté germanophone,
contrairement à celles qui régissent toutes les autres entités fédérées, ne font l’objet d’aucune protection
particulière, ce qui peut s’analyser comme une anomalie par rapport à l’économie générale de la réforme de l’État
et, dès lors, comme un déficit d’autonomie.

La Communauté germanophone fut la première entité à être dotée d’une assemblée donc
les membres étaient élus directement au suffrage universel et qui, par la même, échappaient
à l’application de la règle du double mandat.

• Parlement de la Communauté germanophone :

Le Parlement est composé de 25 membres élus directement dans la région de langue


allemande.

Les membres de la Chambre des représentants, les membres du Parlement wallon et les
membres du Conseil provincial élus dans la circonscription électorale de Verviers siègent
avec voix consultative au sein de son Parlement s’ils sont domiciliés dans la région de
langue allemande et s’ils ont prêté serment, exclusivement ou en premier lieu, en allemand.
Il en est de même du membre du Parlement européen élu dans la circonscription électorale
germanophone.

• Gouvernement de la Communauté germanophone :

Le gouvernement de la Communauté germanophone comprenait initialement trois membres.

La loi du 7 janvier 2002 a modifié cette règle en établissant que le nombre de membres du
gouvernement de la Communauté germanophone est au minimum de 3 et au maximum de
5.

Cette modification législative a été justifiée par le fait que les tâches du gouvernement sont
susceptibles d’être augmentées à la suite d’un décret de transfert de la compétence de la
Région wallonne vers la Communauté germanophone, en application de l’article 139 de la
Constitution. Il est plus que probable, cependant, qu’en ce faisant, le législateur ait entendu
anticiper les difficultés pouvant survenir de l’exigence de mixité qui s’imposerait à tous les
organes gouvernementaux.

231. Quelles sont les compétences de la Communauté germanophone ?

Les institutions et les compétences de la Communauté germanophone sont réglées par la loi
ordinaire, et non pour une loi votée à la majorité spéciale. Cela peut s’analyser comme un
déficit d’autonomie.

La Communauté germanophone est investie des mêmes compétences que les deux
autres communautés, à l’exception de l’emploi des langues.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une exception, étant donné que les législateurs
communautaires ne sont pas compétents pour établir les règles relatives aux
communes linguistiques à statut spécial. Or toutes les communes de la Communauté
germanophone sont dotées d’un tel statut. Elle dispose donc, au même titre que les due
d'autres communautés, d’un pouvoir décrétal dans les matières relevant de ses
compétences.

Le Parlement de la Communauté germanophone, est, par voie de conséquence, habilité à


régler toutes les matières que la loi spéciale du 8 août 1980 attribue aux communautés.

226
Lors des débats qui ont précédé l’adoption de la loi du 31 décembre 1983 de réformes
institutionnelles pour la Communauté germanophone, il a été précisé que toute modification
ultérieure attribuée aux compétences des deux autres communautés impliquerait ipso facto
une modification des compétences de la Communauté germanophone.

La 6ème réforme de l’État lui a conféré le bénéfice de l’autonomie constitutive, sans restriction
aucune.

L’article 139 C. autorise la Communauté germanophone, pour autant qu’un accord a été
conclu avec la Région wallonne, à exercer, par décret ou par d’autres voies, des
compétences régionales. D’importants transferts de compétence ont été réalisés en
application de l’article 139 C. Ils concernent les compétences dans le domaines des
modulent et sites, en matière d’emploi et de fouilles, en matières de pouvoirs subordonnés,
en matière de tourisme, en matière de logement, d’aménagement du territoire et en matière
d’énergie.

La Communauté germanophone peut, en outre, conclure des accords de coopération ou


d’association avec les autres communautés, et son Parlement doit être consulté sur les
avant-projets de loi et les projets d’arrêtés réglementaires relatifs à l’emploi des langues qui
la concernent, et peut se voir confier un pouvoir règlementaire par l’autorité fédérale.

• Les questions de réflexion (liens)

104. Réflexion sur la question de savoir si l’on peut considérer la Région de Bruxelles-
Capitale comme une entité fédérée à part entière ? – lien avec la théorie du
fédéralisme et l’évolution des réformes de l’État (leçon 22) ?
105. Réflexion sur la question de savoir si l’on peut considérer la Région de Bruxelles-
Capitale comme une entité fédérée à part entière ? – lien avec la théorie du
fédéralisme et l’évolution des réformes de l’État (leçon 22) et avec les compétences
territoriales des communautés (leçon 29) ?
106 Réflexion sur la question de savoir si l’on peut considérer la Communauté
germanophone comme une entité fédérée à part entière ? – lien avec la théorie du
fédéralisme et l’évolution des réformes de l’État (leçon 22), avec les compétences
territoriales des communautés (leçon 29) et avec les lois spéciales (leçon 12) ?

227
Leçon 27 : Les compétences matérielles dans les textes

• La matière à étudier

- Théorie générale et esprit de la répartition des compétences en Belgique (n°1 à 3)


- Les compétences accessoires (n°8)
- Analyse critique du système de répartition des compétences (n°9 à 19)

• Les questions de fondement

169. L’Etat fédéral est compétent pour fixer l’âge de l’obligation scolaire

Article 127 de la Constitution :


« § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande,
chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret :
1° les matières culturelles;
2° l'enseignement, à l'exception :
a) de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire;
b) des conditions minimales pour la délivrance des diplômes;
c) du régime des pensions;
3° la coopération entre les communautés, ainsi que la coopération internationale, y compris
la conclusion de traités, pour les matières visées aux 1° et 2° (…) ».

170. La Région wallonne est compétente en matière d’urbanisme (deux fondements)

Article 39 de la Constitution :
« La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires
élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées
aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit
être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

Art. 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1. Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont :
I. En ce qui concerne l'aménagement du territoire : 1° L’urbanisme et l’aménagement du
territoire ; (…) ».

171. Une révision constitutionnelle est nécessaire pour confier aux régions et aux
communautés les compétences résiduelles

Article 35 de la Constitution :
« L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent
formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.

Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour
les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit
être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

172. La sécurité sociale est une matière réservée de l’autorité fédérale

Art. 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1. Les matières personnalisables visées à l'article 128, §1er, de la Constitution, sont :
I. En ce qui concerne la politique de santé : (…) l’autorité fédérale reste toutefois
compétente pour : (…) 2° (…) sécurité sociale. (…) ».

228
173. Les communautés peuvent disposer de pouvoirs implicites

Art. 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour
lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont
nécessaires à l'exercice de leur compétence ».

174. Le législateur fédéral peut bénéficier de la théorie des pouvoirs implicites

Coutume constitutionnelle :
« en vertu du principe d’égalité et sur la base d’une coutume constitutionnelle,
l’autorité fédérale devrait pouvoir se prévaloir de l’application de la théorie des pouvoirs
implicites dans les mêmes conditions que les entités fédérées ».

• Les questions de fond

232. Quels sont en théorie les différents systèmes possibles de répartition des
compétences ?

Il existe trois techniques de répartition des compétences :


- L’attribution spécifique de compétences à la Fédération ;
- L’attribution spécifique des compétences aux entités fédérées ;
- L’attribution spécifique de compétences à la Fédération, d’une part, et aux entités fédérées,
d’autre part.

233. Qu’est-ce qu’une compétence résiduelle ?

Une compétence résiduelle est une compétence qui n’a pas été attribuée a priori soit à
l’autorité fédérale, soit aux entités fédérées.

L’extension constante des matières dans lesquelles il peut être légiféré ne permet pas
d’énumérer de façon exhaustive les compétences qui appartiennent à l’État central et aux
entités fédérées.

Le partage de compétences entre compétences énumérées et compétences résiduelles peut


également s’opérer à des niveaux inférieurs, et ce, par exemple, au sein d’un bloc de
compétences. Il est alors question de compétences résiduelles de second degré.

234. Qu’est-ce qu’une compétence concurrente et à quoi s’oppose-t-elle ?

Les zones de compétences concurrentes s’opposent aux zones de compétences


exclusives.

Par zone de compétences concurrentes, il faut entendre un ensemble de matières qui peut
être simultanément réglé par l’autorité fédérale et par les entités fédérées. Cette
coexistence de compétences implique que l’on soit dans un système ouvert de répartition
des compétences et qu’il existe une règle de conflit déterminant quelle norme doit primer
lorsque les deux législateurs ont fait usage de leur compétence.

Par zone de compétences exclusives, il faut entendre un ensemble de matières qui ne peut
être réglé que par un seul législateur, à l’exclusion de tous les autres. Dans ce cas, la règle
de conflit n’est pas distincte de la clause attributive de compétences. Il s’agit d’un système
fermé de répartition des compétences.

229
235. Quels sont en théorie les principes qui gouvernent en droit belge la répartition des
compétences matérielles ?

Le système de répartition des compétences en Belgique obéit, en apparence, à un certain


nombre de principes pouvant être résumés comme suit :

1. Les communautés et les régions disposent de compétences énumérées. L’autorité


fédérale, par voie de conséquence, règle les compétences résiduelles. À terme,
cependant, ce système pourrait faire l’objet d’une inversion ;

2. Dans l’exercice de leurs compétences, les communautés et les régions disposent d’une
véritable autonomie, puisque leurs normes peuvent abroger, compléter, modifier ou
remplacer la législation existante ;

3. Dans la logique de ce système, les compétences sont exclusives tant sur le plan matériel
que territorial. Il n’existe donc pas de compétences concurrentes ;

4. Il n’existe qu’un seul tempérament à ces règles, à savoir la théorie des pouvoirs
implicites, consacrée au profit des communautés et des régions par l’article 10 de la loi
spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

236. Qu’est-ce qu’une compétence accessoire en droit belge – donnez trois exemples ?

La compétence accessoire (ou parallèle) est une compétence qui n’existe que par
référence à une compétence principale qui relève soit de l’autorité fédérale, soit d’une
communauté, soit encore d’une région, et qui, dès lors, peut faire l’objet d’un exercice
simultané par ces différentes autorités.

=> Exemples :
• La recherche scientifique ;
• La tutelle spécifique et l’infrastructure ;
• La coopération interne et la coopération internationale.

237. Comment se présente les compétences pénales des entités fédérées en droit belge ?

Les régions et les communautés disposent de compétences pénales, compétences


accessoires par excellence.

Article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 :


« Dans les limites des compétences des Communautés et des Régions, les décrets peuvent
ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces
manquements; les dispositions du livre Ier du Code pénal s'y appliquent, sauf les exceptions
qui peuvent être prévues par décret pour des infractions particulières.

L'avis conforme du Conseil des ministres est requis pour toute délibération au sein du
Gouvernement de Communauté ou de Région sur un avant-projet de décret reprenant une
peine ou une pénalisation non prévue au livre Ier du Code pénal.

Dans les limites visées à l'alinéa 1er, les décrets peuvent :


1° accorder la qualité d'agent ou d'officier de police judiciaire aux agents assermentés du
Gouvernement de Communauté ou de Région ou d'organismes ressortissant à l'autorité ou
au contrôle du Gouvernement de Communauté ou de Région;
2° régler la force probante des procès-verbaux;
3° fixer les cas pouvant donner lieu à une perquisition ».

230
Il en résulte :
• Droit pénal propre peut être élaboré par les entités fédérés ;

• Règles propres en matière de récidive peuvent être élaborées ;

• Les législateurs régionaux et communautaires peuvent instituer des peines prévues au


Livre Ier du Code Pénal et des peines qui n’y figurent pas (dans ce cas, avis conforme
du Conseil des ministres requis) ;

• Les législateurs régionaux et communautaires peuvent régler la constatation des


infractions et les formes de poursuites ainsi que fixer les cas qui peuvent donner lieu à
perquisition ;

• Gouvernements régionaux associés à l’élaboration des directives de politique criminelle


et disposent d’un droit d’injonction positive.

238. Quels sont les critères retenus pour opérer la répartition des compétences en droit
belge ?

Les critères retenus pour définir les matières qui sont in fine attribuées, selon les cas, à
l’État, aux régions et aux communautés sont d’une extraordinaire variété. Ils sont tantôt très
généraux, tantôt tout à fait spécifiques. Ils se présentent, selon les cas, comme des
objectifs à atteindre, des institutions, des instruments juridiques, des activités, des
zones territoriales, des catégories de citoyens,…

Ainsi, constate-t-on, par exemple, que les régions sont compétentes pour la protection de
l’environnement (objectif à atteindre, pour les forêts (lieu), pour la pêche fluviale (activité),
pour la politique foncière (instrument), pour les organismes de crédits (personnes juridiques),
pour les groupes cibles (catégories de citoyens),etc.

239. Quelles sont les conséquences de la répartition des compétences opérées par
référence à une législation existante ?

Le constituant et le législateur spécial n’ont pas hésité à définir certaines compétences par
référence à des législations existantes, le plus souvent adoptées à la majorité ordinaire.

Ainsi, par exemple, les compétences des communautés en matière d’aide sociale sont établies par référence à la
loi organique du 8 juillet 1976 relative au CPAS et à la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours
accordés par les commissions d’assistance publique.

Faut-il considérer que les matières transférées à l’entité ou réservées à l’autorité fédérale
sont celles qui sont contenues dans les législations de référence au moment de l’entrée en
vigueur de la norme de transfert ou, au contraire, que les compétences des régions et des
communautés varient en fonction des modifications qui sont apportées aux lois auxquelles il
est faire référence ?

Deuxième hypothèse énerverait le principe selon lequel les transferts de compétences


doivent être consacrés dans des lois spéciales et pourrait mettre en péril l’autonomie des
entités dans la mesure où le législateur fédéral aurait l’occasion, en modifiant les lois
ordinaires, de réduire les zones de compétence exclusives de ces entités.

Il faut donc en déduire que toute norme prise par un législateur ordinaire qui sert à tracer une
frontière entre les compétences respectives des partenaires de la Belgique fédérale a force
spéciale.

231
240. Quelles sont les techniques utilisées en droit belge pour opérer effectivement la
répartition des compétences matérielles ?

Les techniques utilisées, dans chaque bloc de compétences, pour opérer le départ entre les
compétences de l’autorité fédérale et des régions et communautés sont particulièrement
diversifiées et influent sur le sort réservé aux compétences résiduelles de second degré :

• Technique n° 1 (politique de l’enseignement) : énumération limitative dans l’article 127


des compétences de l’autorité fédérale (obligation scolaire, équivalence des diplômes et
pension) et pas de spécification des compétences des communautés => compétences
résiduelles de second degré appartiennent aux communautés ;

• Technique n° 2 (matières culturelles au sens strict, allocations familiales, autres


politiques d’aide aux personnes, aménagement du territoire, logement) : énumération
des matières relevant des entités fédérées sans prévoir d’exception au profit de l’autorité
fédérale => sort des compétences résiduelles de second degré : distinction doit être
opérée entre matières étrangères aux matières expressément transférées aux entités et
matières présentant un lien avec celles-ci — 1er cas : autorité fédérale & 2e cas : entité ;

• Technique n° 3 (politique de la santé, aide aux personnes, agricole et pêche


maritime, pouvoirs subordonnés, emploi, travaux publics et transport et sécurité
routière) : énumération des matières relevant des régions ou communautés en les
assortissant d’exceptions au profit de l’autorité fédérale => sort des compétences
résiduelles de second degré : même que dans la technique n°2 ;

• Technique n° 4 (politique de l’énergie, environnement et eau) : établissement de deux


listes de compétences (autorité fédérale et régions) placées sur le même pied => sort des
compétences résiduelles : implique la détermination, en matière d’énergie, par exemple, si
la matière résiduelle relève des aspects régionaux de l’énergie ou si elle se caractérise par
une indivisibilité technique ou économique. Premier cas : région — Deuxième cas : autorité
fédérale ;

• Technique n° 5 (économie) : Etablissement de deux listes de compétences et


compétences résiduelles de second degré réservées aux régions. Le législateur spécial a
parallèlement habilité le législateur fédéral à fixer le contexte général dans lequel
s’exercent les compétences régionales, d’une part, et a favorisé une véritable cogestion
des compétences en la matière, d’autre part.

241. Analyse critique de l’article 35 de la Constitution

L’article 35 de la Constitution vise à inverser purement et simplement le système actuel de


répartition des compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées. Autrement dit, il
vise à transférer les compétences résiduelles aux entités fédérées :

« L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent
formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.

Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour
les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit
être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.

En édictant cette disposition, pour des raisons de pure opportunité politique, le constituant a
introduit une contradiction dans la loi fondamentale, y faisant coexister, en apparence, du
moins, deux systèmes antagonistes de répartition des compétences. L’article 35 apparait
comme un échappé solitaire ».

En soi, le fait de confier les compétences résiduelles aux entités fédérées n’est pas contraire
à l’esprit du fédéralisme. Encore faut-il que l’affirmation d’un tel principe soit compatible avec

232
les autres règles de répartition de compétences. Il n’est ni élégant ni sain de faire figurer
dans la Constitution un principe inopérant qui, de surcroit, est en contradiction totale avec
tout l’appareil normatif. Cette démarche est d’autant plus critiquable que, parallèlement, les
auteurs de la réforme de l’État n’ont en rien modifié la méthode de répartition des
compétences utilisée en 1970.

La réforme de 1993, à l’occasion de laquelle cet article a été adopté, a pleinement participé
de cette méthode, puisque, simultanément à l’adoption de l’article 35, a été opéré un
accroissement des compétences attribuées aux régions et que le concept de matière
réservée a été redéfini.

Le transfert des compétences résiduelles aux entités fédérées ainsi postulé par la
Constitution ne permet même pas de déterminer qui pourra les exercer.

La réforme n’implique pas non plus un accroissement de l’autonomie des entités fédérées.

La méthode des compétences « confettis », où les matières sont découpées et redécoupées


pour être confiées à plusieurs partenaires de la Belgique fédérale, est la seule ayant permis
d’éviter la mise en œuvre de l’article 35 de la Constitution, lequel, dans la configuration
politique issue des élections de 2010, aurai été de nature à casser le modèle fédéral belge.

242. Qu’est-ce que le découpage en dentelle des compétences matérielles – donnez en


deux exemples ?

En procédant à un découpage en dentelle du pouvoir normatif, le législateur spécial a


créé les conditions d’une superposition de compétences au sein même des blocs de
compétences apparemment attribuées aux entités fédérées. Il en résulte inévitablement que
plusieurs politiques font l’objet d’une cogestion entre l’autorité fédérale et les régions et
communautés, dans lesquelles les entités fédérées ne disposent donc pas d’une véritable
autonomie.

=> Exemples :
- Les attributions réservées au pouvoir fédéral au titre de l’union économique et de l’unité
monétaire ont pour effet de restreindre les compétences des entités fédérées non
seulement en matière économique mais également dans d’autres domaines ;
- Les compétences fédérales en matière de sécurité sociale ont pour effet de priver les
compétences communautaires en matière de politique familiale ou d’aide aux
personnes d’une part de leur contenu.

243. Donnez quatre exemples de compétences concurrentes dans les dispositions


normatives organisant la répartition des compétences matérielles en droit belge.

1. Dans le champ des compétences pénales des régions et des communautés, l’absence
d’avis conforme donné par le Conseil des ministres avant la délibération au sein du
gouvernement de l’entité fédérée sur un avant-projet de décret ou d’ordonnance
comprenant une peine ou une pénalisation non prévue au Livre Ier du Code pénal a pour
effet de paralyser l’action de l’entité fédérée => champ de compétences concurrentes
avec identification par le législateur spécial de la règle de conflit (une intervention du
Conseil des ministres) ;

2. En matière de financement des régions et des communautés, en vertu de l’article 170


de la Constitution, les entités fédérées ne peuvent lever des impôts que dans les matières
où il n’existe pas d’impôts fédéraux ou pour lesquelles l’autorité fédérale n’a pas interdit le
recours à une telle fiscalité => Compétence concurrente : primauté du droit fédéral ;

233
3. Capacité d’emprunt des entités fédérées : le Roi peut, par arrêté pris sur proposition du
ministre des Finances, limiter pour une durée maximale de deux ans la capacité d’emprunt
d’une Communauté ou Région. Aussi longtemps que cet arrêté n’a pas cessé ses effets,
tous les emprunts de la communauté ou région concernée sont soumis à l’approbation du
ministre fédéral des Finances (art. 46,§7, loi spéciale du 16/01 relative au financement des
communautés et régions) ;

4. Les législateurs régionaux ne peuvent régler une matière pour laquelle ils sont compétents
que dans la mesure où elle n’empiète pas sur des garanties établies au bénéfice de
certaines minorités (art. 16bis LSRI 8/08/1980 ou art. 5bis LSIB 12/01/1989).

244. Quelles autorités (exécutives ou législatives) bénéficient de l’application de la théorie


des pouvoirs implicites ?

L’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 permet aux législateurs régionaux et


communautaires, et non à leurs organes exécutifs, d’empiéter dans le champ des
compétences fédérales. Il ne se conçoit donc pas que cette théorie puisse fonder un
débordement de compétence trouvant son fondement dans un acte règlementaire.

Cependant, en vertu du principe d’égalité et sur la base d’une coutume constitutionnelle,


l’autorité fédérale devrait pouvoir se prévaloir de l’application de la théorie des pouvoirs
implicites dans les mêmes conditions que les entités fédérées.

• Les questions de réflexion (liens)

107. Réflexion sur la théorie générale et esprit de la répartition des compétences en droit
belge – lien avec sa mise en œuvre concrète pour les compétences matérielles (leçon
28) et territoriales (leçon 30) ainsi qu’avec le principe d’autonomie en droit fédéral
(leçon 22).
108. Réflexion sur l’absence de compétences concurrentes - lien avec sa mise en œuvre
concrète pour les compétences matérielles (leçon 28)
109. Réflexion sur les pouvoirs implicites lien avec sa mise en œuvre concrète pour les
compétences matérielles (leçon 28)

234
Leçon 28 : Les compétences matérielles dans la jurisprudence
de la Cour constitutionnelle

• La matière à étudier

- Le premier axe – l’autonomie (n°2 à 7)


- Le deuxième axe – les restrictions à l’autonomie (n°8 à 25)
- Sur une conception renouvelée du système de répartition des compétences (n°26 et 27)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC, 26/6/1986 - théorie de la répartition des compétences


- CC, n°110/99 – Décret Suykerbuyk
- CC n°33/2001 du 13 mars 2001, compétences en matière de sécurité sociale – assurance
soins
- CC n°119/2004 du 30 juin 2004 – égalité des belges et répartition des compétences
- CC n°40 et CC n°41 du 15 octobre 1987 et CC n°49 du 10 mars 1988 –pouvoirs impliqués
politique de sécurité
- CC, n°101/2008 du 10 juillet 2008 – pouvoirs impliqués – Wooncode
- CC, n°35/2003 du 25 mars 2003 – 162 Constitution
- CC, n°25 du 26 juin 1986-CC n°36 du 10 juin1987 – accès à la profession
- CC, 145/2004 du 15 décembre 2004 – conventions collectives de travail
- CC, 20-12-1985 – arrêt de principe en matière de pouvoirs implicites
- CC, 65 et 66 – 30 juin 88 – en matière de protection de la jeunesse
- CC 2020 – Nethys
- CC n°8/2011 du 27 janvier 2011 – juridiction administrative flamande

• Les questions de fondement

175. Une région peut empiéter sur les compétences fédérales à condition de ne pas rendre
impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences de la Fédération.

Théorie des pouvoirs impliqués :


CC du 15 octobre 1987 & CC du 10 mars 1988 — pouvoirs impliqués politique de sécurité.

176. Lorsqu’une disposition constitutionnelle adoptée entre 1970 et 1980 confère des
pouvoirs à la loi, l’autorité fédérale est compétente

CC arrêt du 25 mars 2003 – concerne art. 162 Constitution

177. Lorsqu’une disposition constitutionnelle adoptée après 1980 confère des pouvoirs à la
loi, l’autorité fédérale est compétente

Art. 19 loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :


« §1. Sauf application de l'article 10, le décret règle les matières visées aux articles 4 à 9,
sans préjudice des compétences que la Constitution a réservées à la loi après l'entrée en
vigueur de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Les décrets du Parlement flamand (...) mentionnent s'ils règlent des matières visées aux
articles 127 à 129 de la Constitution ou à l’article 39de la Constitution.

§2. Le décret a force de loi. Il peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions
légales en vigueur.

235
§3. Les décrets portant sur les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont
d'application dans la Région wallonne ou dans la Région flamande, selon le cas ».

178. Pour pouvoir se prévaloir de la théorie des pouvoirs implicites, le législateur doit
apporter la preuve de deux conditions d’application : impact marginal et traitement
différencié.

CC 20 décembre 1985 – arrêt de principe en matière de pouvoirs implicites

179. Pour pouvoir se prévaloir de la théorie des pouvoirs implicites, le législateur doit
apporter la preuve que son initiative est nécessaire à l’exercice de ses compétences.

Jurisprudence CC 30 juin 1988 arrêt n°65 et 66 – en matière de protection de la jeunesse

180. Une exception à la compétence d’une région prévue dans un bloc de compétence a un
effet transversal.

CC 26 juin 1986 - théorie de la répartition des compétences

CC 10 juin 1987 – accès à la profession

• Les questions de fond

245. Quelle est la conception générale de la Cour constitutionnelle quant au régime de


répartition des compétences matérielles ?

• CC, 26/6/1986 - théorie de la répartition des compétences


La CC donne une interprétation large des compétences régionales et communautaires
et, par voie de conséquence, une interprétation stricte des compétences fédérales =>
s’efforce de donner un effet utile aux compétences dévolues aux communautés et aux
régions.

• CC, n°110/99 - Décret Suykerbuyk


LA SLCE avait estimé que les communautés « peuvent, en ce qui concerne l’aide aux
personnes, soit mener une politique d’aide sociale « catégorielle », mais alors exclusivement
pour les familles, immigrés, handicapés, personnes âgées, jeunes et détenus, mentionnées
expressément dans la loi du 8 août 1980, soit mener une politique d’aide « générale », mais
alors nécessairement pour tous les nécessiteux sans distinction.

La Cour constitutionnelle développe, au contraire, une conception extensive des


compétences communautaires en matière d’aide sociale.

Cet arrêt confirme que la sécurité sociale est une matière réservée à l’autorité fédérale et
non une compétence résiduelle de celle-ci.

246. Quelle est l’influence du principe d’égalité des belges devant la loi dans la répartition
des compétences matérielles ?

Dans plusieurs arrêts, la CC affirme que l’autonomie des entités fédérées les autorise à
adopter des politiques qui leur sont propres et qui, par essence, se distinguent de celles
retenues par d’autres législateurs dans le même domaine.

Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu’il existe des différences de
traitement entre les destinataires de règles s’appliquant à une même matière dans les
diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

236
=> affirmation du fait fédéral : les citoyens belges ne peuvent se plaindre d’une différence
de traitement qui trouverait sa source exclusive dans le fait que des règles de droit diffèrent
dans les ordres juridiques de chacune des entités fédérées.

247. Commentez et expliquez CC, n°110/99 – Décret Suykerbuyk

Voir CC, n°110/99 – Décret Suykerbuyk — P. 932 du précis

LA SLCE avait estimé que les communautés « peuvent, en ce qui concerne l’aide aux
personnes, soit mener une politique d’aide sociale « catégorielle », mais alors exclusivement
pour les familles, immigrés, handicapés, personnes âgées, jeunes et détenus, mentionnées
expressément dans la loi du 8 août 1980, soit mener une politique d’aide « générale », mais
alors nécessairement pour tous les nécessiteux sans distinction.

La Cour constitutionnelle développe, au contraire, une conception extensive des


compétences communautaires en matière d’aide sociale.

Cet arrêt confirme que la sécurité sociale est une matière réservée à l’autorité fédérale et
non une compétence résiduelle de celle-ci.

248. Commentez et expliquez CC n°40 et CC n°41 du 15 octobre 1987 et CC n°49 du 10


mars 1988 –pouvoirs impliqués - politique de sécurité

Voir CC n°40 et CC n°41 du 15 octobre 1987 et CC n°49 du 10 mars 1988 – pouvoirs


impliqués - politique de sécurité — P. 936 du précis

CC n°40 et CC n°41 du 15 octobre 1987 :


Si l’autorité fédérale est compétente pour fixer les normes de base, les communautés sont
compétentes pour régler les aspects de sécurité qui sont spécifiques aux établissements
destinés aux personnes âgées, c-à-d pour adapter et compléter les normes nationales de
base, sans les mettre en péril.

CC n°49 du 10 mars 1988 :


Argumentation identique pour fonder la compétence des régions, sur la base de leurs
compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire et de logement, « pour
régler les aspects de la protection contre l’incendie qui sont spécifiques aux immeubles
destinés en ordre principal à l’habitation ».

=> La CC admet qu’il existe, dans le domaine de la sécurité (compétence résiduelle de


l’État), une zone de compétence concurrentes — règle de conflit : distinction entre
normes de base et normes spécifiques qui ne mettent pas en péril les normes de base.

249. Commentez et expliquez CC, n°101/2008 du 10 juillet 2008 – pouvoirs impliqués –


Wooncode

Voir CC, n°101/2008 — P. 939 du précis

=> La circonstance qu’une norme décrétale, adoptée par le législateur régional dans
l’exercice de ses compétences, peut avoir pour effet de contribuer à la réalisation d’un
objectif par ailleurs poursuivi par le législateur communautaire dans l’exercice de ses
compétences propres ne peut entrainer, à elle seule, une violation des règles répartitrices
de compétences par le législateur régional.

Il en irait toutefois autrement si, en adoptant une telle mesure, le législateur régional rendait
impossible ou exagérément difficile l’exercice, par le législateur communautaire, de ses
compétences.

237
250. Commentez et expliquez CC, n°35/2003 du 25 mars 2003 – 162 Constitution

Voir CC, n°35/2003 — P. 945 du précis

=> Le contenu de l’article 162, alinéa 1er de la Constitution est demeuré inchangé depuis
1831. L’utilisation des termes « par la loi » dans cette disposition ne permet pas de déduire
que le Constituant ait voulu ainsi réserver une matière au législateur fédéral puisque ce n’est
que par la modification constitutionnelle du 24/12/1970 qu’il a procédé à la création des
communautés et régions.

=> Pour la CC, la date de basculement concernant les matières réservées est bien
1970 et non 1980 (législateur spécial).

251. Que signifie le caractère transversal des exceptions au bénéfice de l’autorité fédérale
aux compétences des entités fédérées – donnez deux exemples ?

Le caractère transversal des exceptions au bénéfice de l’autorité fédérale consiste à faire


une application dans une politique donnée d’une exception à la compétence de la
communauté ou de la région, consacrée expressément à propos d’une autre politique.

=> Exemples :
- La Cour interdit au législateur régional, dans l’exercice de ses compétences en matière
d’environnement, de soumettre une centrale nucléaire à une étude d’incidence sur
l’environnement, et ce, au titre d’une exception aux compétences des régions en matière
d’énergie ;
- La Cour interdit au législateur wallon, compétent en matière de droit de successions, de
fixer des taux qui seraient inconsidérément élevés => susceptible de conduire à des
distorsions du marché et à des entraves à la libre circulation des personnes, en incitant de
rien nombreux résidents wallon à s’établir dans une autre région.

252. Quelles sont les conditions d’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980
de réformes institutionnelles sur les pouvoirs implicites ? Donnez un exemple
jurisprudentiel

L’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 est assorties de deux


exigences :
1. L’article 10 ne peut être isolé du système de répartition des compétences exclusives. Pour
être compatible avec celui-ci, le recours à l’article 10 n’est, à l’estime de la Cour,
admissible qu’à la double condition que la matière réservée se prête à un règlement
différencié et que l’impact sur la matière réservée ne soit que marginal ;
2. Un lien très étroit doit exister entre la compétence principale et la compétence
accessoire. En d’autres termes, le recours à l’article 10 doit être indispensable (depuis
1988, critère de nécessité suffisant) à l’exercice d’une compétence principale.

=> Exemple jurisprudentiel :


Arrêt n° 65 du 30 juin 1988 : la CC constate que l'article 24 du décret de la Communauté
flamande du 27 juin 1985 qui impose aux juges de la jeunesse de rédiger un rapport pour
toute demande d’agrément d’institutions accueillant ou assistant des mineurs touche à une
matière relevant du droit judiciaire qui appartient à la compétence du législateur fédéral.
— Conditions de l’article 10 réunies : règlement différencié de la matière réservée, incidence
marginale de l’intervention de la communauté sur cette matière et disposition décrétal en
cause indispensable à la mise en œuvre de la compétence communautaire.

238
253. Qu’est-ce que la conception renouvelée du système de répartition des compétences
matérielles ?

Départ entre 3 catégories de compétences :


1. Compétences expressément attribuées aux communautés et régions, lesquelles
doivent recevoir une interprétation extensive — intervention de l’autorité fédérale
possible : principe de proportionnalité ;
2. Compétences réservées par le constituant, après 1970, et par le législateur spécial à
l’autorité fédérale => interprétation stricte mais caractère transversal — Dérogation des
communautés et régions possible en vertu de l’art. 10 LSRI si intervention requise pour
donner un effet utile à leurs compétences (traitement différencié, impact marginal) MAIS
dérogation aussi possible si intervention impliquée par l’exercice de l’une de leurs
compétences et ne rend pas impossible ou exagérément difficile l’exercice des
compétences fédérales ;
3. Compétences résiduelles relevant, en principe, de l’autorité fédérale => empiètent
possible des communautés et régions si intervention impliquée par l’exercice de l’une de
leurs compétences et ne rend pas impossible ou exagérément difficile l’exercice des
compétences fédérales.

• Les questions de réflexion (liens)

110. Réflexion sur le principe d’exclusivité dans la répartition des compétences – lien avec
la théorie des compétences (leçon 27) et avec les compétences territoriales (leçon 29).
111. Réflexion sur la théorie des matières réservées – lien avec le champ d’application de la
norme législative (leçon 12).
112. Réflexion sur la configuration générale du système de répartition des compétences –
lien avec l’article 35 de la Constitution (leçon 27) et avec le principe d’autonomie en
droit fédéral (leçon 22).

239
Leçon 29 : Les compétences territoriales

• La matière à étudier

- Les compétences territoriales des Communautés (n°1 à 8)


- Les compétences territoriales des Régions (n°9)
- Les facteurs de rattachement à une aire de compétence (n°10 à 19)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- CC n°33/2001 du 13 mars 2001 – Assurance soins – compétence territoriale


- CC n°184/2011 du 8 décembre 2011 CC n°67/2012 du 24 mai 2012 – budgets bruxellois
- Cass, 11 juin 1979, aff. Vandenplas
- CC, 30 janvier 1986 - emploi des langues dans les relations sociales
- CC, n°72/95 du 9 novembre 1995 – annonces d’emploi
- CC, n°54/96 du 3 octobre 1996 – budget CF et CC, n°50/99-56/2000-145/2001 – budgets
CF
- CC, n°124/2010 du 28 octobre 2010 – Inspection scolaire
- CC, n°56/96 – location voiture avec chauffeur

• Les questions de fondement

181. La région de Bruxelles-Capitale peut être investie de compétences communautaires

Article 135bis de la Constitution :


« Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, peut attribuer, pour la
région bilingue de Bruxelles-Capitale, à la Région de Bruxelles-Capitale, des compétences
non dévolues aux communautés dans les matières visées à l'article 127, § 1er, alinéa 1er,
1°, et, pour ce qui concerne ces matières, le 3° ».

182. Les matières biculturelles relèvent en principe de l’autorité fédérale

Article 127 de la Constitution :


« § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande,
chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret :
1° les matières culturelles;
2° l'enseignement, à l'exception :
a) de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire;
b) des conditions minimales pour la délivrance des diplômes;
c) du régime des pensions;
3° la coopération entre les communautés, ainsi que la coopération internationale, y compris
la conclusion de traités, pour les matières visées aux 1° et 2°.
Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête les matières
culturelles visées au 1°, les formes de coopération visées au 3°, ainsi que les modalités de
conclusion de traités, visée au 3°.
§ 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans
la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région
bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées
comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».

240
183. La Communauté germanophone n’a pas de compétence en matière d’emploi des
langues (double fondement)

Article 129 de la Constitution :


« § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande,
chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret, à l'exclusion du législateur fédéral,
l'emploi des langues pour :
1° les matières administratives;
2° l'enseignement dans les établissements créés, subventionnés ou reconnus par les
pouvoirs publics;
3° les relations sociales entre les employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et
documents des entreprises imposés par la loi et les règlements.
§ 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans
la région de langue néerlandaise, excepté en ce qui concerne :
- les communes ou groupes de communes contigus à une autre région linguistique et où la
loi prescrit ou permet l'emploi d'une autre langue que celle de la région dans laquelle ils sont
situés. Pour ces communes, une modification aux règles sur l'emploi des langues dans les
matières visées au § 1er ne peut être apportée que par une loi adoptée à la majorité prévue
à l'article 4, dernier alinéa;
- les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont
établis;
- les institutions fédérales et internationales désignées par la loi dont l'activité est commune
à plus d'une communauté ».

Art. 69 loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté


Germanophone :
« § 1. Les services mentionnés à l'article 68 sont soumis au régime linguistique imposé par
les lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative aux services locaux
des communes de la région de langue allemande.
Toutefois les avis, communications et formulaires destinés au public sont rédigés en
allemand. Néanmoins à la demande de l'intéressé, il lui est délivré un formulaire en français.
§ 2. Dans les services mentionnés à l'article 68, nul ne peut être nommé ou promu à un
emploi s'il n'a une connaissance de l'allemand constatée conformément à l'article 15, § 1er,
des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative.
§ 3. Les services sont organisés de manière telle qu'ils puissent respecter, sans la moindre
difficulté, les dispositions du § 1er ».

184. Les limites des régions sont réalisées à partir du territoire des provinces.

Article 5 de la Constitution :
« La Région wallonne comprend les provinces suivantes : le Brabant wallon, le Hainaut,
Liège, le Luxembourg et Namur. La Région flamande comprend les provinces suivantes:
Anvers, le Brabant flamand, la Flandre occidentale, la Flandre orientale et le Limbourg.

Une loi peut soustraire certains territoires dont elle fixe les limites, à la division en provinces,
les faire relever directement du pouvoir exécutif fédéral et les soumettre à un statut propre.
Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

185. La Cour constitutionnelle peut connaître de conflits normes sans excès de compétence
pour autant que ces normes émanent de législateurs distincts et que le conflit résulte
de leur champ d’application respectif

Art. 26, §1 loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle :


« § 1er. La Cour constitutionnelle statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions
relatives à :
1° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des
règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les
compétences respectives de l'État, des Communautés et des Régions;

241
2° sans préjudice du 1°, tout conflit entre décrets ou entre règles visées à l'article 134 de la
Constitution émanant de législateurs distincts et pour autant que le conflit résulte de leur
champ d'application respectif (…) ».

186. Il n’y a pas de conflits de normes sans excès de compétence en droit belge

CC 30 janvier 1986 - emploi des langues dans les relations sociales

• Les questions de fond

254. Qu’est-ce que le concept de communauté dans le système de répartition des


compétences territoriales en droit belge ?

La définition des compétences territoriales des communautés ne peut être dissociée de la


définition même du concept de communauté. Il s’agit d’un concept complexe qui puise ses
racines dans l’histoire politique belge.

La communauté comprend tout à la fois un territoire étanche et un territoire poreux :


- Territoire étanche : portion du territoire unilingue ;
- Territoire poreux (Communauté française et flamande) : portion de territoire bilingue (Bx-
Capitale);

255. Quel est le champ de compétence territoriale de la Communauté française ?

• Domaine culturel (dont enseignement) :

Parlement de la Communauté française compétent pour prendre des décrets dans toute la
région de langue française (art. 4 C.), et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale,
mais ce, uniquement, à l’égard des institutions qui, en raison de leurs activités, doivent être
considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté française.

• Matières personnalisables :

Régime identique que pour le domaine culturel pour les régions de langue française et de
langue néerlandaise.

Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, la Communauté française ou la COCOF,


selon les cas, et la Communauté flamande sont compétentes, non, comme dans les
matières culturelles, à l’égard des institutions qui, par leurs activités, relèvent exclusivement
d’une communauté, mais à l’égard des institutions qui, du point de vue organisation,
doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l’une ou l’autre communauté.

256. Commentez et expliquez CC n°33/2001 du 13 mars 2001 – Assurance soins –


compétence territorial

Les législateurs communautaires doivent s’abstenir d’imposer directement des obligations


aux citoyens. Une norme communautaire ne sera admissible que pour autant qu’elle ait pour
destinataire une institution et que les citoyens bruxellois ne soient pas soumis
directement à son application.

Voir CC n°33/2001 — P. 961 du précis.


=> La Cour relève qu’il « s’ensuit que les dispositions du décret s’appliquent obligatoirement
aux caisses établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui répondent à la
définition donnée à l’article 128, §2, de la Constitution, mais que les obligations qui
incombent aux personnes domiciliées dans cette région auront pour cause leur décision libre
de s’affilier à une telle caisse et qu’elles ne seront tenues de les respecter qu’aussi
longtemps qu’elles resteront affiliées ».

242
257. Comment s’opère la répartition des compétences entre entités fédérées sur le territoire
de la Région de Bruxelles-Capitale ?

Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, la Communauté française ou la COCOF (138


C.), selon les cas, et la Communauté flamande sont compétentes, dans les matières
culturelles, à l’égard des institutions qui, par leurs activités, relèvent exclusivement d’une
seule communauté.

L’autorité fédérale exerce, quant à elle, sa compétence en ce qui concerne les institutions
biculturelles comme la Bibliothèque royale, les musées royaux, le Théâtre royal de la
Monnaie, etc. Il en va également ainsi de toutes les structures culturelles dont l’activité ne se
réalise pas à titre exclusif en français ou en néerlandais (centre culturel étranger ou
infrastructure sportive).

Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, la Communauté française ou la COCOF,


selon les cas, et la Communauté flamande sont compétentes, non, comme dans les
matières culturelles, à l’égard des institutions qui, par leurs activités, relèvent exclusivement
d’une communauté, mais à l’égard des institutions qui, du point de vue organisation,
doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l’une ou l’autre communauté.
Il en résulte que les matières bipersonnalisables ne relèvent pas de la compétences des
communautés mais de la Commission communautaire commune (LSIB 12/01/1989).

258. Quelle est la position du législateur spécial sur l’existence des conflits de normes sans
excès de compétence ?

Le législateur opte pour une voie médiane :

La Cour constitutionnelle ne peut annuler d’autres normes que celles qui sont entachées
d’excès de compétence. Toutefois, lorsqu’elle doit simplement répondre à une question
préjudicielle, elle peut non seulement statuer sur des excès de compétence, mais également
sur tout conflit entre décrets communautaires ou entre décrets régionaux émanant de
législateurs distincts et pour autant que le conflit résulte de leur champ d’application
respectif.

En d’autres termes, il admet l’existence de conflits de normes sans excès de compétence.


La Cour ne peut annuler une de ces normes, mais doit indiquer à la juridiction qui l’a saisie la
manière de trancher la contradiction.

259. Quelle est la position de la Cour constitutionnelle sur le caractère exclusif ou non de la
répartition des compétences territoriales ?

Voir arrêts n°9 et 10 du 30 janvier 1986 — P. 968 du précis

La Cour affirme le principe selon lequel les dispositions constitutionnelles relatives à l’emploi
des langues opèrent une répartition exclusive de compétences territoriales ayant pour
conséquence que « toute norme adoptée par un législateur communautaire puisse être
localisée dans le territoire de sa compétence ».

Toutes relations ou situations concrètes sont donc réglées par un seul législateur et chaque
législateur est libre de choisir les critères qui permettent de rattacher les normes qu’il édicte
à son aire de compétence.

La Cour constitutionnelle doit veiller à ce qu’aucun législateur n’excède ses compétences


matérielles ou territoriales.

La validité de ces critères doit être appréciée au regard de la nature, de l’objet et


éventuellement du but de la compétence matérielle, sur la base de laquelle la norme
incriminée a été prise.

243
Le seul facteur de rattachement qui a grâce aux yeux de la Cour est le siège d’exploitation.

=> Position de la Cour constitutionnelle :


- Affirmation de l’existence d’un territoire communautaire ;
- Toute contradiction entre des normes adoptées par des législateurs distincts implique
forcément un excès de compétence par l’un d’eux ;
- Si le siège d’exploitation a été retenu comme seul facteur de rattachement valide, c’est
parce qu’il offrait une solution pratique conforme au principe selon lequel tout conflit de
normes traduit un excès de compétences.

260. Quelle est la position de la Cour constitutionnelle sur l’exercice par la Communauté
française de compétences culturelles dans les communes à facilités de la périphérie
bruxelloise ?

Voir CC, n°54/96 du 3 octobre 1996 — P. 972 du précis.

=> Dans l’exercice de leurs compétences, les communautés peuvent prendre toute initiative
pour la promotion de la culture et pour concrétiser le droit de chacun à l’épanouissement
culturel mais elles doivent avoir égard à la répartition exclusive de compétences territoriales
établie par la Constitution en matière culturelle.

Cette restriction ne signifie pas que la compétence communautaire cesse d’exister au seul
motif que les initiatives prises peuvent produire des effets en dehors de la région qui a été
confiée aux soins de la communauté concernée. Ces effets extraterritoriaux ne peuvent,
cependant, en aucun cas, contrarier la politique culturelle de l’autre communauté.

La disposition querellée concerne des communes dans lesquelles l’article 129, §2 C.


reconnait l’existence de minorités et pour laquelle le législateur contient des mesures de
protection de ces minorités. La disposition ne peut donc s’analyser comme visant la
promotion de la culture par la Communauté française mais comme une mesure de
protection de la minorité francophone établie dans ces communes.

DONC le financement culturel à l’étranger relève de la promotion culturelle alors que, dans
une autre communauté, il s’analyse comme une mesure de protection des minorités, et,
partant, est interdit.

261. Quelle est la position de la Cour constitutionnelle sur la possibilité pour l’administration
de la Communauté française de procéder à l’inspection dans les écoles situées dans
les communes à facilités de la périphérie bruxelloise ?

La CC admet que les services d’inspection de la Communauté française exercent des


compétences de manière extraterritoriale, mais au seul motif qu’il s’agit d’une garantie
accordée antérieurement à la réforme de l’État et délibérément maintenue par les auteurs de
celle-ci. Cette garantie est d’ailleurs limitée puisque les inspecteurs doivent transmettre leurs
rapports et une traduction de ceux-ci à l’administration flamande. Pour le reste, la
Communauté française n’a aucune vocation à exercer ses compétences à l’égard d’écoles
situées en dehors de son territoire.

DONC affirmation du caractère exclusif des compétences territoriales et de l’étanchéité


du territoire communautaire en ce qu’il concerne les régions linguistiques unilingues.

262. Commentez et expliquez CC, n°56/96 – location voiture avec chauffeur

Voir CC, n°56/96 du 15 octobre 1996 — P. 976 du précis.

=> Même si le critère de rattachement choisi n’est pas en soi déraisonnable, le fait qu’il ait
été validé par la Cour constitutionnelle a pour effet de contraindre les autres législateurs
régionaux à s’aligner sur la position prise par la Région de Bruxelles-Capitale en la matière.

244
• Les questions de réflexion (liens)

113. Réflexion sur le concept de communauté en droit belge – impact sur la configuration
générale de l’Etat et les institutions respectives de la Communauté flamande et de la
Communauté française (liens avec leçons 22 et 25).
114. réflexion sur le principe d’exclusivité - liens avec les compétences matérielles (leçons
27 et 28)

245
Leçon 30 : Conflits, coopération et relations internationales

• La matière à étudier

- Les relations défensives entre les partenaires de l’État fédéral (n°1 et n°3 à 6)
- Les relations constructives entre les partenaires de l’État fédéral (n°9 à 16 et n°20 et 21)
- Le respect des obligations internationales de la Belgique (n°31)

=> Ceci implique notamment la connaissance des cas suivants :

- Confits d’intérêts – normes de bruit – sanctions applicables aux compagnies aériennes


- CE, n°133.797 du 12 juillet 2004-concertation
- CC, n°17/94 du 3 mars 1994 – Établissement

• Les questions de fondement

187. Le comité de concertation comprend douze membres dans le cadre d’une composition
en carré.

Article 31 de la loi ordinaire du 9 août 1980 :


« § 1. Il est créé un Comité de concertation, composé dans le respect de la parité
linguistique :

1) du Gouvernement représenté par le Premier Ministre et cinq de ses membres désignés


par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres;

2) du gouvernement flamand représenté par son Président et un de ses membres;

3) du gouvernement de la Communauté française représenté par son Président;

4) du gouvernement de la région wallonne représenté par son Président;

5) du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale représenté par son Président et un


de ses membres appartenant à l'autre groupe linguistique.

§ 2. Toutefois, si en application de l'article 1er, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de


réformes institutionnelles, les compétences de l'Exécutif régional wallon sont exercées par
l'Exécutif de la Communauté française, celui-ci est représenté au Comité de concertation par
son Président et par un de ses membres.

§ 3. Nonobstant la composition prévue au § 1er, le Président du Gouvernement de la


Communauté germanophone siège avec voix délibérative au Comité de concertation pour la
prévention et le règlement des conflits d'intérêts visés aux articles 32 et 33 qui impliquent
soit le Parlement, soit le Gouvernement de la Communauté germanophone ».

188. Le comité de concertation délibère dans le respect de la procédure du consensus.

Article 32 de la loi ordinaire du 9 août 1980

Article 33 de la loi ordinaire du 9 août 1980 :

« Le Comité de concertation visé à l'article 31 est saisi par le Premier Ministre, par le
Président d'un Gouvernement ou, dans les cas et selon les modalités prévus à l'article 32, §
4, par le Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, de tout projet de
décision ou de décision d'un Ministre, d'un Gouvernement du Collège réuni, ou de l'un de

246
leurs membres, en raison du fait qu'une des parties intéressées n'a pas observé les
procédures de concertation, d'association, de transmission d'information, d'avis, d'avis
conforme, d'accord, d'accord commun, à l'exception des accords de coopération visés à
l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et de
propositions qui concernent les relations entre l'Etat, les Communautés et les Régions et qui
sont prévues par ou en vertu des lois prises en exécution des articles 59bis, 59ter,
107quater, 108ter et 115 de la Constitution.

Dans ce cas, et par dérogation à l'article 32, § 6, la décision litigieuse ou son exécution est
suspendue jusqu'à ce que le Comité de concertation constate selon la procédure du
consensus que les règles de procédure prescrites ont été observées, la suspension ne
pouvant cependant excéder un délai de 120 jours ».

Malgré les termes exprimés par la loi, le comité de concertation délibère en réalité
dans le respect de la règle de l’unanimité.

189. Le gouvernement fédéral délibère dans le respect de la procédure du consensus.

Coutume constitutionnelle

190. Le gouvernement régional délibère dans le respect de la procédure du consensus.

Article 69 de la LSRI du 8 août 1980:


« Sans préjudice des délégations qu'il accorde, chaque Gouvernement délibère
collégialement, selon la procédure du consensus suivie en Conseil des Ministres, de
toutes affaires de sa compétence ».

191. La notion de conflits d’intérêt.

Article 143 de la Constitution :


« § 1er. Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'état fédéral, les communautés,
les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la
loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts.
§ 2. Le Sénat se prononce, par voie d'avis motivé, sur les conflits d'intérêts entre les
assemblées qui légifèrent par voie de loi, de décret ou de règle visée à l'article 134, dans les
conditions et suivant les modalités qu'une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4,
dernier alinéa, détermine.
§ 3. Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, organise la procédure
tendant à prévenir et à régler les conflits d'intérêts entre le Gouvernement fédéral, les
Gouvernements de communauté et de région et le Collège réuni de la Commission
communautaire commune.
§ 4. Les procédures visées aux § 2 et 3 ne sont pas applicables aux lois, arrêtés,
règlements, actes et décisions de l'état fédéral relatifs à la base imposable
aux tarifs d'imposition, aux exonérations ou à tout autre élément intervenant dans le calcul
de l'impôt des personnes physiques ».

192. La procédure de règlement des conflits d’intérêts.

Article 32 de la loi ordinaire du 9 août 1980

193. Les accords de coopération doivent faire l’objet d’un assentiment législatif

Article 92bis, § 1er, de la LSRI du 8 août 1980:


« § 1. L'Etat, les Communautés et les Régions peuvent conclure des accords de
coopération qui portent notamment sur la création et la gestion conjointes de services et
institutions communs, sur l'exercice conjoint de compétences propres, ou sur le
développement d'initiatives en commun.

247
Les accords de coopération sont négociés et conclus par l'autorité compétente. (Les accords
qui portent sur les matières réglées par décret, ainsi que les accords qui pourraient grever la
Communauté ou la Région ou lier des Belges individuellement, n'ont d'effet qu'après avoir
reçu l'assentiment par décret. Les accords qui portent sur les matières réglées par la loi,
ainsi que les accords qui pourraient grever l'Etat ou lier des Belges individuellement,
n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment par la loi.

L'accord de coopération, qui a reçu l'assentiment par la loi ou le décret conformément à


l'alinéa 2, peut toutefois prévoir que sa mise en oeuvre sera assurée par des accords de
coopération d'exécution ayant effet sans que l'assentiment par la loi ou le décret ne soit
requis ».

194. Les décrets conjoints peuvent être dénoncés dans certaines conditions par un
législateur

Article 92bis/1, § 4, de la LSRI du 8 août 1980:


« § 4. Un décret conjoint peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions
légales ou décrétales en vigueur. Il ne peut être modifié, complété ou remplacé que par un
décret conjoint adopté par les mêmes Parlements.

Il ne peut être abrogé que par un décret conjoint adopté par les mêmes Parlements
ou par un décret adopté par un des Parlements concernés après une concertation.
Cette concertation a lieu au sein de la commission interparlementaire, visée au
paragraphe 2, alinéa 2.

Un décret conjoint peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions d'un
accord de coopération conclu entre des communautés et des régions pour autant que le
décret conjoint soit adopté par l'ensemble des communautés et des régions qui sont parties
à l'accord de coopération. Un accord de coopération qui est conclu par des communautés et
des régions, peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions d'un décret
conjoint lorsque ce décret conjoint a été adopté par les mêmes communautés et régions.

Dans les cas où, selon la présente loi, un accord de coopération doit être conclu entre des
communautés et des régions, cette coopération peut aussi avoir lieu au moyen d'un décret
conjoint ».

• Les questions de fond

263. Comment est composé le comité de concertation et comment délibère-t-il ?

• Composition :

En vertu de l’article 31, 2°, de la loi ordinaire du 9 août 1980, le comité de concertation
compte 12 membres.

6 d’entre eux représentent le gouvernement fédéral et 6 autres, les gouvernements


régionaux et communautaires, dont le président du gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale et un membre de ce gouvernement appartenant à l’autre rôle linguistique.

Cet organe se caractérise donc par une composition en carré matérialisée par une double
parité, linguistique et institutionnelle. Celle-ci, toutefois, est tempérée par le fait que le
président du Gouvernement de la communauté germanophone participe également à ses
réunions avec voix délibérative, mais uniquement dans les cas où un conflit d’intérêts
implique la Communauté germanophone. Cette demi-mesure témoigne de l’inadéquation du
principe de parité linguistique dans un Etat éclaté constitutionnellement en plusieurs régions
et communautés.

248
• Mode de délibération :

Le comité du concertation délibère, en principe, dans le respect de la procédure du


consensus. Toutefois, celle-ci ne peut être comparée à celle qui régit les différents organes
exécutifs du pays. En effet, le consensus apparaît comme le corollaire de la solidarité
gouvernementale. Chaque membre du collège apprécie, au moment de la décision, s’il peut
se rallier à celle-ci. Si tel n’est pas le cas, il se démet. La procédure du consensus n’a donc
pas de sens dans un organe dont la composition est immuable et dont les membres ne
sont pas animés d’une volonté commune de gouverner ensemble.

Dès lors, malgré les termes utilisés par la loi, le comité de concertation délibère en réalité
dans le respect de la règle de l’unanimité. Chaque membre du comité dispose d’un droit de
veto sur les décisions de cet organe. Cette appréciation doit cependant être nuancée en ce
qui concerne les deux représentants de la Région de Bruxelles-Capitale[1]. Ceux-ci doivent
adopter une position commune pour faire obstacle à une décision qui aurait recueilli
l’assentiment de tous les autres membres du comité.

Ce système de veto institutionnalisé est d’autant plus remarquable qu’il est applicable à
toutes les délibérations du comité de concertation et qu’il permet donc à un partenaire
étranger à un conflit de rendre impossible l’adoption de l’une de ses décisions, quand bien
même les parties en conflit seraient en mesure de s’accorder.

[1]
Le président du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et un membre de ce gouvernement
appartenant à l’autre rôle linguistique

264. Définissez un conflit d’intérêt ?

La notion de conflit d’intérêt trouve son fondement dans l’article 143, § 1er, de la Constitution,
qui prévoit que, « dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’Etat fédéral, les
régions et la commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté
fédérale, en vue d’éviter les conflits d’intérêts ».

Il s’agit d’un des concepts les plus flous du droit constitutionnel belge. Il est apparu dans la
loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles, sans que le législateur n’en donne
de définition précise.

L’article 32 de cette loi ordinaire stipule que le conflit d’intérêts suppose soit qu’une
assemblée législative fédérale, régionale ou communautaire estime qu’elle peut être
gravement lésée par un projet de loi, de décret ou d’ordonnance, soit que le gouvernent
fédéral, régional ou communautaire estime qu’il peut être gravement lésé par un projet de
décision, une décision ou une absence de décision.

Il s’agit d’une tautologie. Un conflit d’intérêts est présenté comme un conflit naissant de la
lésion d’un intérêt. Ce qu’il aurait fallu expliquer, c’est la notion d’intérêt.

On affirme généralement que le conflit d’intérêts se distingue du conflit de compétences par


le fait qu’il appelle une solution politique fondée sur des critères d’opportunité, et non
une solution juridique. Il s’agit d’une distinction artificielle. En effet, dans un État fédéral, les
controverses politiques sont le plus souvent sous-tendues par la question de la délimitation
des compétences des différents partenaires.

La définition de conflit d’intérêts paraît plus aisée par un raisonnement a contrario. Un conflit
d’intérêts est celui qui ne se traduit pas ou pas encore par un conflit de normes législatives
ou de normes règlementaires et qui ne peut être traité, sur le plan du contrôle préventif, par
la section de législation du Conseil d’Etat ou réglé, sur le plan curatif, par la section du
contentieux administratif du Conseil d’Etat, par la Cour constitutionnelle ou par une juridiction
judiciaire.

249
Le conflit d’intérêts est donc un conflit dans lequel la question de compétence est soit
absente, soit posées en des termes tels qu’il n’y a pas lieu ou pas encore lieu à
l’intervention d’une juridiction.

265. Comment le législateur a-t-il expurgé la procédure en conflits d’intérêts de questions


relatives à des conflits de compétence ?

On trouve la confirmation de ce qui précède (phrase en gras) dans la volonté du législateur


d’expurger la procédure du règlement des conflits d’intérêts de toute question relative à la
répartition des compétences.

En effet, l’article 32, § 5, de la loi ordinaire du 9 août 1980 prévoit que toute procédure
relative à un conflit de compétences qui a été ou est engagée soit devant le comité de
concertation, soit devant une juridiction, suspend les procédures de règlement des conflits
d’intérêts relatives à la même matière.

En vertu de l’article 32, § 6, le comité de concertation lui-même, les gouvernements fédéral,


régional ou communautaires ou encore le collège réuni peuvent demandeur aux chambres
réunies de la section de législation du Conseil d’Etat – qui siègent dans le respect de la
parité linguistique – de leur donner, dans les 8 jours, un avis motivé sur le point de savoir si
le conflit soumis au comité de concertation est ou non exempt de conflits de compétences.

Lorsqu’il est avéré que le conflit d’intérêts peut s’analyser comme un conflit de compétences,
la procédure devant le comité de concertation est définitivement clôturée. Il est prévu,
toutefois, que la section de législation du Conseil d’Etat ne peut être interrogée de la sorte
lorsqu’elle a déjà été amenée à donner un avis motivé sur le conflit de compétences allégué
devant le comité de concertation.

Ces dispositions offrent l’avantage de soustraire à la seule[1] compétence du comité de


concertation des questions exclusivement ou partiellement juridiques qu’il ne serait pas en
mesure de traiter valablement.

[1]Dans le cas d’un conflit de compétences, « si elle est d'avis qu'un avant-projet de loi, de décret ou
d'ordonnance ou une proposition de loi, de décret ou d'ordonnance (ou un amendement ou un projet
d'amendement) qui lui est soumis excède la compétence de la composante de l'État fédéral dont il émane,
la section de législation du Conseil d'État renvoie ce texte au Comité de concertation » - le comité de
concertation n’est donc pas amené à statuer seul sur la question juridique d’un conflit de
compétences, à l’inverse de ce qui est prévu dans le cadre d’un conflit d’intérêts

266. Comment s’organise une procédure en conflits d’intérêts entre assemblées


législatives ?

Lorsqu’une assemblée législative estime qu’elle peut être lésée par le dépôt d’un projet ou
d’une proposition de loi, de décret ou d’ordonnance devant une autre assemblée, elle peut
demander que la procédure soit suspendue pour un certain délai en vue d’une concertation
(négociations officieuses). Si une solution ne peut être trouvée pendant ce premier délai, le
conflit est renvoyé au Sénat qui est appelé à donner un avis au comité de concertation.

Le comité de concertation est alors appelé à prendre une décision dans le respect de la
procédure du consensus. S’il en est incapable, la procédure normale d’élaboration de la
norme reprend son cours.

Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois par une même assemblée à l’égard
d’un même projet ou d’une même proposition. Si ce texte a fait l’objet d’un amendement, une
nouvelle procédure en conflits d’intérêts ne peut concerner que les amendements.

250
267. Quelle est la différence majeure en conflits d’intérêts entre assemblées législatives et
entre organes exécutifs – quelles conséquences sur la possibilité pour le
gouvernement flamand de mettre en œuvre cette procédure ?

Une distinction doit être opérée entre les conflits d’intérêts entre assemblées législatives et
les conflits d’intérêts entre organes exécutifs.

• Conflits d’intérêts entre assemblées législatives :

Lorsqu’une assemblée législative estime qu’elle peut être lésée par le dépôt d’un projet ou
d’une proposition de loi, de décret ou d’ordonnance devant une autre assemblée, elle peut
demander que :

- La procédure soit suspendue pour un certain délai en vue d’une concertation (négociations
officieuses)
- A défaut, le conflit est renvoyé au Sénat qui est appelé à donner un avis au comité de
concertation
• Le comité de concertation est alors appelé à prendre une décision dans le respect de
la procédure du consensus. S’il en est incapable, la procédure normale d’élaboration
de la norme reprend son cours.

Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois par une même assemblée à l’égard
d’un même projet ou d’une même proposition. Si ce texte a fait l’objet d’un amendement, une
nouvelle procédure en conflits d’intérêts ne peut concerner que les amendements.

• Conflits d’intérêts entre organes exécutifs :

Lorsque la procédure trouve à s’appliquer à des conflits d’intérêts entre autorités


gouvernementales, le comité de concertation est saisi directement par l’organe exécutif ou
l’un de ses membres qui s’estime lésé par une décision ou un absence de décision d’un
autre organe exécutif.

Le comité de concertation est aussi appelé à prendre une décision dans le respect de la
procédure du consensus et, à défaut, l’autorité exécutive mise en cause retrouve sa pleine
liberté pour agir ou ne pas agir.

Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois à l’égard d’une même décision ou
d’une même absence de décision.

************

Voir Confits d’intérêts – normes de bruit – sanctions applicables aux compagnies


aériennes — P. 987 du précis.

Conflits d’intérêts entre assemblées législatives " la procédure ne peut être engagée qu'une
seule fois par chaque assemblée.

Conflits d’intérêts entre organes gouvernementaux " la procédure ne peut l'être qu'une
seule fois, peu importe l'organe gouvernemental qui la met en œuvre[1].

Il en résulte que le gouvernement flamand, bien qu’il puisse agir soit dans l’exercice de ses
compétences régionales, soit dans l’exercice de ses compétences communautaires, ne sera
pas admis à engager deux fois la procédure à l’égard d’une même décision ou d’une même
absence de décision.

251
[1]En effet, l’article 32, § 1er, de la loi ordinaire du 9 août 1980 est clair: « Cette procédure ne peut
être appliquée qu'une seule fois à l'égard d'une même décision ou d'un même projet de décision », et cela
sans qu'il soit fait référence à l'organe gouvernemental qui met la procédure en œuvre.

268. Qu’est-ce qu’un accord de coopération et quels sont les différents types d’accord de
coopération ?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi spéciale du 8 août 1988, l’article 92bis, § 1er, de la loi
spéciale du 8 août 1980 pose le principe selon lequel les communautés et les régions sont
habilitées à conclure « des accords de coopération qui portent notamment sur la création et
la gestion conjointes de services et institutions communs, sur l’exercice conjoint de
compétences propres, ou sur le développement d’initiatives en commun ».

Le paragraphe 2 prévoit que « les accords qui portent sur les matières réglées par décret,
ainsi que les accords qui pourraient grever la Communauté ou la Région ou lier des Belges
individuellement, n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment par décret. Les accords
qui portent sur les matières réglées par la loi, ainsi que les accords qui pourraient grever
l’Etat ou lier des belges individuellement, n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment
par la loi ».

Dans la réalité, la plupart des accords de coopération sont donc soumis à la formalité de
l’assentiment législatif, ce qui a pour effet d’alourdir leur processus de conclusion, voire
d’inciter les différents gouvernements à ne pas s’engager dans la voie de la collaboration.

La 6ème réforme de l’Etat apporte une réponse à cette problématique en calquant la mise en
œuvre des accords de coopération sur celle des normes législatives ordinaires. Ainsi est-il
possible désormais d’exécuter un accord de coopération par un accord de coopération
d’exécution ayant effet sans que l’assentiment par la loi ou le décret ne soit requis.

Le législateur spécial a entendu encourager toute forme de coopération. Le texte de l’article


92bis, § 1er, se fonde sur le consensualisme[1] tant en ce qui concerne l’opportunité de la
coopération que sur les moyens à mettre en œuvre pour la réaliser.

Les diverses composantes de l’Etat peuvent, en effet, passer des accords de coopération
dans n’importe quelle matière relevant de leurs compétences, et sont libres de fixer les
modalités de la coopération " des accords de coopération facultatifs sont donc possibles
Le Conseil d’Etat pose, toutefois, une limite à l’autonomie de la volonté des parties à un
accord de coopération, en précisant que « les accords de coopération ne peuvent impliquer
un échange, un abandon ou une restitution de compétences telles qu’elles sont déterminées
par la Constitution et en vertu de celle-ci ».

Outre les accords de coopération facultatifs, il existe, en vertu de l’article 92bis, § 2 à §


4undecies, des accords de coopération obligatoires.

La coopération forcée constitue la conséquence indissociable de l’accroissement des


compétences des entités fédérées et surtout de leur éclatement excessif entre les différents
partenaires de l’Etat.

La nature juridique des accords de coopération obligatoires ne diffère pas de celle des
accords de coopération facultatifs. Ils s’en distinguent néanmoins par le fait que les conflits
qui surgissent dans leur interprétation ou dans leur exécution doivent être tranchés par des
juridictions de coopération, alors que le recours à celles-ci n’est pas obligatoire pour les
litiges relatifs aux accords de coopération facultatifs.

252
La Cour constitutionnelle, par une définition extensive de ses propres compétences,
s’autorise à examiner si un législateur, en légiférant unilatéralement dans un domaine
particulier, n’a pas omis de conclure un accord de coopération alors qu’il y aurait été
contraint par le législateur spécial[2].

De même, dans l’exercice des compétences partagées entre plusieurs législateurs, la Cour
accepte qu’un législateur décide qu’une norme qu’il a adoptée cesse de produire ses effets
si un accord de coopération n’a pas été conclu[3].

[1] Autrement dit, le simple consentement des autorités amener à collaborer est le principe de base des
accords de coopération.
[2] Voir notamment CC, n°56/96 – location voiture avec chauffeur
[3] Notamment par une disposition de la norme en question qui prévoirait qu’elle cesserait de produire ses

effets si un accord de coopération avec d’autres entités ne serait pas conclu à une date précise.

269. Commentez et expliquez CC, n°17/94 du 3 mars 1994 – Etablissement

Voir CC, n°17/94 du 3 mars 1994 – Établissement — P. 996 du précis.

La Cour admet que, bien que la matière relève des communautés, la Communauté française
accepte d’associer la Région wallonne à la tutelle sur les C.P.A.S, puisque cette tutelle
s’exerce sur des actes qui ont une influence sur les finances des communes, soit une
matière relevant des compétences régionales. Vu l’interdépendance de ces matières, elle a
estimé que l’accord en cause était conforme aux exigences de l’article 92bis de la LSRI du 8
août 1980. Autrement dit, c’est en raison de l’imbrication des compétences qu’il n’y aurait
pas eu ici abandon de compétences dans le chef de la Communauté.

270. A quelles formalités sont soumises un accord de coopération et quelles sont les limites
assignées à son contenu ?

Les accords de coopération sont des normes contrôlées. Ils sont soumis, à l’instar de
toutes les autres normes, au contrôle de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat ou des
juridictions ordinaires selon qu’ils ont fait l’objet d’un assentiment législatif ou qu’ils
trouvent leur fondement dans une décision de l’exécutif. La section de législation du
Conseil d’Etat comme la Cour constitutionnelle n’hésitent d’ailleurs pas à en contrôler le
contenu.

La Cour constitutionnelle considère qu’un accord de coopération peut prévoir qu’une autorité
délègue exclusivement le financement de l’une de ses compétences à une autre, à la
condition que les compétences des deux autorités qui concluent l’accord soient à ce point
imbriquées, que, selon elle, il n’y aurait pas abandon de compétences d’une autorité au profit
d’une autre en réalité[1].

La section de législation du Conseil d’Etat, examinant les accords en amont par le biais de
l’examen de projets de normes d’assentiment, critique régulièrement la manière originale par
laquelle les partenaires articulent l’exercice de leurs compétences respectives. Cette attitude
méticuleuse offre un contraste frappant avec l’approche plus pragmatique de la Cour
constitutionnelle qui, agissant en aval, une fois la procédure de coopération bien en place,
fait preuve de tolérance face aux arrangements interfédéraux.

[1] A défaut,
ledit accord s’analyserait en réalité comme un transfert de compétences, ne pouvant être
conclu qu’en vertu de la Constitution ou d’une norme prise en vertu de celle-ci.

253
271. Comment situer un accord de coopération législatif ou exécutif dans la hiérarchie des
normes ?

Les accords de coopération sont des normes contrôlées (voir supra, question juste au-
dessus).

• Accords de coopération ayant reçu l’assentiment législatif :

Il est nécessaire d’examiner la situation des accords de coopération qui ont reçu un
assentiment législatif dans la hiérarchie des norme et sur la manière dont ils peuvent être
modifiés.

Il paraît difficile d’admettre la thèse selon laquelle lesdits accords auraient une valeur
inférieure ou égale, selon les cas, à la loi, aux décrets ou aux ordonnances. En effet, ceci
permettrait à un partenaire de se délier unilatéralement d’obligations qu’il a souscrites dans
un cadre contractuel, par exemple en prenant a posteriori une norme contraire à l’accord
conclu.

Mutatis mutandis, les difficultés engendrées par une telle situation s’apparentent à celles
auxquelles a donné lieu, avant l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1971[1], l’intégration
de dispositions du droit international conventionnel dans l’ordre juridique interne.
Cette parenté permet d’accréditer la thèse selon laquelle un accord de coopération
législatif interétatique[2] doit primer le droit interne des diverses collectivités, au même titre
que les dispositions de droit international qui ont un effet direct dans l’ordre juridique interne
priment les dispositions de droit interne. Une telle interprétation aboutit à situer les accords
de coopération ayant reçu un assentiment législatif en dessous de la loi spéciale et au-
dessus des lois ordinaires, des décrets et des ordonnances.
Dans cette perspective, on peut raisonnablement transposer dans les rapports
intraétatiques[3] les règles appliquées dans le cadre des rapports juridiques internationaux.
La supériorité de l’accord de coopération sur la norme interne à la collectivité pourra
notamment se fonder sur le parallélisme des formes : en aucun cas, une seule collectivité ne
pourrait implicitement défaire ce qui est dû à un accord de volonté entre elle et une ou
plusieurs autres autorités. Cette thèse a d’ailleurs été consacrée par la section de législation
du Conseil d’Etat.

• Accords de coopération n’ayant pas reçu l’assentiment législatif :

En ce qui concerne les accords de coopération qui n’ont pas reçu l’assentiment législatif,
compte tenu des principes exprimés plus haut, une entité ne pourrait se délier
unilatéralement, par un acte de nature règlementaire, des obligations qu’ils portent. La
situation est différente s’ils sont contredits par une norme législative adoptée ultérieurement
par l’une des parties cocontractantes. Dans ce cas, il serait peu admissible qu’un accord
exécutif puisse primer une valeur législative, fût-elle adoptée ultérieurement. L’entité se
sentant lésée, n’aurait d’autre choix que de saisir le comité de concertation au titre de la
prévention ou du règlement des conflits d’intérêts. Il est permis aussi, en théorie du moins,
d’imaginer que l’entité qui s’estime lésée, engage la responsabilité civile de son
cocontractant, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, pour faute ayant manqué à ses
obligations contractuelles.

[1] Voir Cass, 27 mai 1971, Le Ski


[2] Conclu entre différents Etats
[3] Conclu au sein de l’Etat même, entre différentes autorités de celui-ci

254
272. Quelles sont les caractéristiques des décrets conjoints ?

La sixième réforme de l’État institue un nouvel instrument de coopération : les décrets


conjoints.

Il s’agit de normes législatives adoptées conjointement par les pouvoirs législatifs de


plusieurs entités fédérées. Ces décrets constituent une alternative aux accords de
coopération qui sont conclus entre les communautés et les régions au point d’en apparaitre
comme un succédané (= substitut).

1. Ce sont des normes adoptées séparément par les assemblées parlementaires de


plusieurs entités fédérées, dont le contenu est identique et déterminé conjointement ;

2. Ils peuvent régler l’ensemble des compétences de chaque parlementaire concerné. Ils
peuvent donc abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales ou
décrétales en vigueur et ne peuvent être complétés, modifiés ou remplacés que par
d’autres décrets conjoints ;

3. Ils peuvent également faire l’objet d’arrêtés d’exécution conjoints ;

4. Ils doivent, avant leur adoption par leur Parlement respectif, être soumis à une
commission interparlementaire constituée de délégations de chaque parlement
comprenant un nombre identique de membres. Chaque délégation est en outre composé
en respectant l’importance respective des groupes politiques. Si un Parlement amende le
texte adopté par cette commission, cette dernière en est à nouveau saisie ;

5. Ils ne peuvent être abrogés que par d’autres décrets conjoints ou l’être par un seul
législateur après une concertation qui s’est tenue au sein de la commission
interparlementaire.

273. Comment est assuré le respect des obligations internationales de la Belgique ?

La manière dont les obligations interactions sont exécutées dans l’ordre national relève du
droit interne des États. La règle de base en droit international est le principe de l’unité de
l’État : celui-ci ne peut exciper de son organisation interne pour justifier la non-exécution des
obligations internationales. Dans la mesure où les entités fédérées se voient reconnaitre une
compétence dans l’élaboration du droit international, elles se voient aussi confier la mise en
œuvre de celui-ci dès lors que la matière relève de leur compétence.

Afin de garantir le respect du principe de la responsabilité internationale de l’État, un


pouvoir de substitution de l’autorité fédérale en cas de défaillance d’une entité fédérée
dans l’exécution d’une obligation internationale a été instauré par l’article 169 de la
Constitution et par la loi spéciale du 5 mai 1993.

En vertu de ces dispositions, afin de garantir le respect du droit international, l’autorité


fédérale peut, après avoir avoir été condamnée par une juridiction internationale pour
manquement d’une entité fédérée, se substituer à elle pour l’exécution de la décision
moyennant le respect de certains conditions :
1. L’autorité fédérale doit adresser une mise en demeure à la communauté ou à la région de
s’exécuter dans les 3 mois ;

2. L’entité fédérée doit avoir été associée à l’ensemble de la procédure du règlement du


différend, y compris devant la juridiction internationale, et ce, dès le début du différend ;

3. Les mesures de substitution prises par l’autorité fédérale sont provisoires, et cessent
dès que l’entité concernée s’est conformée à la décision internationale.

255
La sixième réforme de l’État a également été l’occasion d’organiser un mécanisme de
substitution de l’autorité fédérale à l’égard des entités fédérées pour garantir le respect des
obligations européennes et internationales de la Belgique en matière de changement
climatique.

• Les questions de réflexion (liens)

115. Réflexion sur l’efficacité des mécanismes de prévention et de règlement des conflits
d’intérêt comme mesure de protection des minorité – liens avec la sonnette d’alarme
(leçon 12), le mode de délibération du gouvernement fédéral et du gouvernement
bruxellois (leçon 14) et des recours juridictionnels devant la Cour constitutionnelle
(leçon 18) et le Conseil d’Etat (leçon 20).
115. Réflexion sur le fédéralisme coopératif – lien avec la hiérarchie des normes (leçon 4) et
la manière dont s’est construit le système fédéral (leçons 22 et 25).

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