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Prenons le cas d'un déficit public qui provient d'une baisse des impôts.
Dans le modèle keynésien, le multiplicateur fiscal montre que le revenu est
stimulé. Que se passe-t-il si l'on introduit les anticipations rationnelles ? C'est
ce qu'a cherché à analyser Barro en 1974 avec son théorème de l'équivalence
ricardienne. Il faut tout d'abord considérer que cette mesure doit être
financée. Elle peut l'être soit par création monétaire soit par endettement. Si
le financement est monétaire les individus vont anticiper une hausse future
des prix. De la sorte la quantité réelle de monnaie sera inchangée. Les
individus ne modifieront par leur consommation. Si le financement s'effectue
par endettement (emprunt), les individus vont anticiper le remboursement de
cet emprunt à terme. Celui-ci se fera soit par création monétaire (on revient
en cas précédent) soit par l'augmentation d'impôts. Les individus vont donc
anticiper une cause future de l'impôt. En conséquence ils vont augmenter leur
épargne.
Précisons le raisonnement. Il est extrêmement simple. Dans la période
initiale la réduction d'impôt fournit par exemple une unité monétaire
supplémentaire aux individus. Si on considère que le taux d'intérêt est r, les
individus en anticiperont une hausse des impôts à la période suivante, qui est
la période de remboursement, égales à (1+r) unités monétaires. Ainsi la
baisse des impôts de la période initiale procure à l'individu une somme juste
suffisante pour payer l'impôt à la période suivante. En conséquence les
ménages qui ont anticipé de manière rationnelle l'évolution des impôts
épargnent la somme gagnée par la réduction initiale. La demande n'augmente
donc pas et la baisse des impôts ne peut pas stimuler l'offre de travail. En fait
l'épargne des ménages leur sert à acheter les titres émis par le gouvernement
pour financer la réduction d'impôt.
On voit la conséquence de cette analyse : le mode de financement des
mesures gouvernementales n'a pas d'effet réel. Les emprunts ne sont que des
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En fait l'analyse repose sur trois types d'hypothèse qui vont constituer
autant d'angles d'attaque contre la position de Barro. Premièrement les
impôts sont tout d'abord considérés comme forfaitaires, c'est-à-dire qui ne
modifient pas les incitations qui pèsent avant impôt sur les individus. Si les
impôts ne sont pas forfaitaires, c'est-à-dire que s'ils sont liés à des
caractéristiques spécifiques des individus (revenu, la richesse,
consommation etc.), les impôts anticipés dépendent donc de la législation
fiscale et des anticipations faites sur ces caractéristiques. Ceci peut être
susceptible de redonner un effet à la baisse des impôts. L'analyse de
l'équivalence ricardienne ne conduit cependant pas Barro à nier que la baisse
des impôts a un effet sur l'économie. Elle peut être utilisée a contrario : si la
baisse des impôts accroît l'activité économique comme cela a été le cas dans
les années 60 avec Kennedy ou dans les années 81 avec Reagan, c'est que les
impôts ne sont pas forfaitaires. Les impôts modifient les incitations qui
pèsent sur les individus. Une baisse des impôts réduit ainsi la distorsion des
incitations. En conséquence, si la baisse des impôts agit sur économie ce n'est
pas parce qu'elle modifie la demande comme le soutiennent les keynésiens,
mais parce qu'elle stimule l'offre.
La seconde hypothèse soutient que les marchés financiers sont
parfaitement efficients. Cela signifie que les individus et les Etats
empruntent au même taux d'intérêt. Or cette hypothèse a un caractère
discutable. Il y a en effet une différence importante entre l'Etat et les
individus : le risque d'insolvabilité. Celui est supérieur pour les individus que
pour les Etats. Le taux d'intérêt devrait donc être supérieur pour les individus
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que pour les Etats. Si tel est le cas la baisse des impôts accroît la richesse des
individus. Si, par exemple, l'Etat réduit des impôts d'un agent de 100 francs
celui-ci, conformément à l'analyse de Barro, va placer ces 100 francs.
Supposons que le taux d'intérêt soit pour les individus de 15% et pour l'Etat
de 10%. Au bout d'un an un individu disposera d'une somme de 115. Si l'on
suppose qu'il s'agit de la date de remboursement la dette publique se montera
à 110 et les impôts correspondront à cette somme. Il y a donc une différence
de 5 francs au bénéfice des individus. Cette différence est d'autant plus
importante que l'écart de taux est grand et que la date de remboursement est
éloignée. Puisque les individus sont rationnels ils vont prévoir ce gain et ils
pourront donc accroître leur demande.
La troisième hypothèse enfin et celle de l’altruisme intergénérationnel.
Elle signifie que des ménages prennent en compte les générations futures et
ne souhaitent pas réduire la consommation future de ces générations. Ainsi,
les individus ont un horizon infini dans leur arbitrage entre consommation et
épargne. Il s'agit d'un comportement dynastique : chaque individu envisage
la situation économique de ses descendants.
On peut envisager la nécessité de cette hypothèse en considérant une
hypothèse alternative celle, classique, Modigliani (1954). Celui-ci considère
que les individus prennent en compte le revenu anticipé sur l'ensemble de
leur vie. Cet argument repris par Tobin qui ajoute l'hypothèse d'une
indifférence des agents à la situation de leurs descendants. Dans ce cas,
l'augmentation des impôts à la génération future conduite à une
augmentation de la consommation à la génération actuelle. Cette
argumentation peut d'ailleurs être renforcée par un argument de Barro lui-
même. Dans le cas d'une économie en progrès, si des agents anticipent une
amélioration de la situation économique de leurs descendants,
l'augmentation de la consommation présente pourra être effective. Ainsi, si
l'on introduit une différence entre les horizons temporels de l'Etat et des
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A) Présentation du modèle.
Yt = (c/(1-c)) (E(Gt) + Gt + t