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Le bail de

“courte durée”
en tant que
régime
dérogatoire
Fiche juridique

Droit du bail

Référence légale :
Article 3, § 6, des dispositions particulières du Code civil
réglant les baux relatifs à la résidence principale du preneur
(Cf. Loi du 20 février 1991, Moniteur belge du 22 février 1991)

Parmi les points à discuter lors de l’établissement d’un contrat de bail, la détermination de la
durée de location est sans nul doute l’un des plus importants. Ceci d’autant plus qu’il ne
s’agit pas seulement de négocier la durée du bail (durée indéterminée ou durée
déterminée), mais aussi de s’entendre sur d’éventuelles conditions pratiques permettant à
l’une ou l’autre des parties de résilier le bail avant son échéance.

Or, en ce qui concerne les baux relatifs à la résidence principale du preneur (c’est-à-dire le
locataire), depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 février 1991, les parties ne peuvent plus
déterminer librement la durée de la location, ni les modalités de résiliation anticipée. Notons
que nous trouvons des dispositions presque similaires pour les baux commerciaux (loi du 30
avril 1951) et les baux à ferme (loi du 4 novembre 1969 et loi du 7 novembre 1988).
Aujourd’hui, lorsque les parties concluent un bail relatif à la résidence principale du preneur,
elles sont soumises à un régime général dans lequel il est stipulé que la durée de location est
réputée conclue pour neuf années. Néanmoins, une fois ces dispositions générales
énoncées, il faut savoir que la loi du 20 février 1991 permet également de conclure un bail
d’une durée autre que neuf années. Ainsi donc, en ce qui concerne la durée d’un bail relatif
à la résidence principale du preneur, la loi du 20 février 1991 a organisé un régime général
(neuf années) et une série de régimes dérogatoires.

Parmi ces régimes dérogatoires, il existe des dispositions permettant aux parties de conclure
un bail d’une durée inférieure ou égale à trois ans. Étant donné que ces baux peuvent être
conclus pour une durée inférieure à neuf années, on parle plus généralement de baux de
“courte durée”. Quant aux conditions encadrant ce type de baux, elles ont été fixées par
l’article 3, § 6, de la loi sur le bail de résidence principale.

Dans cette fiche juridique, nous allons présenter les conditions dans lesquelles un bail de
“courte durée” peut être conclu et nous pencher sur le fonctionnement de ce régime
dérogatoire.

1.- La loi du 20 février 1991 dans son contexte

Pour comprendre les contours de la loi sur le bail de résidence principale, il faut se replonger
dans le contexte de son élaboration. En effet, lorsque ces dispositions particulières furent
insérées dans le Code civil par la loi du 20 février 1991, la Belgique — et surtout Bruxelles —
connaissait une grave crise du logement. Celle-ci avait commencé à la fin des années 1980 et
se caractérisait par une flambée générale des loyers.

En effet, comme la législation était relativement peu favorable aux locataires et que la
résiliation d’un bail était assez aisée, certains bailleurs profitaient de cette opportunité
légale pour imposer des augmentations de loyer. À l’époque, notre association était assaillie
de locataires désespérés ne sachant pas comment gérer cette situation. La panique était
telle qu’il n’était pas toujours nécessaire de résilier le bail pour obtenir une hausse du loyer
par mutation de locataire. Il suffisait simplement que le bailleur menace le locataire pour
que celui-ci accepte des conditions abusives. Lorsque l’angoisse et la peur tenaillent les
ventres, la dignité baisse la tête et les résistances cèdent aux ententes forcées.

C’est donc pour mettre un terme à cette situation critique que la loi du 20 février 1991
inséra dans le Code civil une série de nouvelles dispositions censées empêcher les bailleurs
de faire pression sur les locataires en utilisant l’arme du renon. Voila pourquoi l’une des
principales dispositions de la loi sur le bail de résidence principale est d’imposer aux parties
une durée de location fixée à neuf années.

Certes, le législateur aurait pu faire d’autres choix et notamment reprendre ses vieilles
habitudes consistant à imposer des mesures de blocage des loyers. Mais, entre-temps, la
révolution néolibérale s’était mise en marche. L’époque était déjà acquise aux dérégulations,
aux privatisations, au moins-disant social. La religion dominante du marché libre faisait de
l’État et des droits sociaux le principal ennemi de l’efficience économique.

Dans ce contexte, la fixation d’une durée de bail à neuf années était la limite supérieure de
ce qu’il était possible d’obtenir pour tenter de protéger les locataires. Une protection bien
mince lorsque nous envisageons la situation actuelle. À bien des égards, la crise du logement
que nous connaissons aujourd’hui est d’une gravité sans commune mesure avec celle de la
fin des années 1980. Malheureusement aujourd’hui, l’heure n’est pas — loin s’en faut ! — à
la construction d’un droit permettant aux personnes de vivre dans des conditions de
logement décentes et dignes.

2.- Les grandes lignes du régime général

Pour comprendre les particularités du bail de “courte durée” en tant que régime
dérogatoire, il faut commencer par expliquer les grandes lignes du régime général. Ceci, non
seulement parce qu’il importe de savoir identifier ce à quoi déroge le bail de “courte durée”,
mais aussi parce que le régime dérogatoire a une durée de vie limitée et que tôt ou tard —
sauf si le bail a été résilié — les parties seront soumises aux dispositions du régime général.

Concrètement, le régime général fixant les conditions de durée et de résiliation d’un bail, est
er
organisé par l’article 3, §§ 1 à 5, des dispositions particulières du Code civil réglant les baux
relatifs à la résidence principale du preneur. Les §§ 6 à 8 de l’article 3 de cette même loi,
sont consacrés à la réglementation des régimes dérogatoires.

Il existe trois régimes dérogatoires : le bail de “courte durée” (durée inférieure ou égale à
trois ans), le bail de “longue durée” (durée supérieure à neuf années) et le bail à vie. Notons
au passage que le bail de “longue durée” et le bail à vie doivent être faits par acte notarié.
er
Quant au régime général, c’est l’article 3, § 1 , qui en fixe la durée. Selon cet article, tout
bail relatif à la résidence principale du preneur est réputé conclu pour une durée de neuf
années. Ce bail prendra fin à son échéance moyennant un préavis (donné par l’une ou l’autre
des parties) d’une durée de six mois. Si aucune des parties ne renonce au bail à son
échéance et si le locataire continue à occuper le bien loué, le bail est reconduit aux mêmes
conditions, mais par période de trois ans.

Bien entendu, si la durée d’un bail de résidence principale est réputée conclue pour neuf
années, cela ne signifie pas que les parties ne peuvent pas résilier le bail avant son échéance.
Des possibilités de résiliation anticipée ont été prévues par la loi et c’est d’ailleurs l’objet des
§§ 2 à 5 de l’article 3 de la loi sur le bail de résidence principale.

Ainsi, l’article 3, § 2, stipule que le bailleur peut mettre fin au bail avant son échéance, s’il
souhaite occuper le bien personnellement ou le faire occuper par une personne de sa famille
ou de la famille du conjoint. Sans entrer dans les détails, signalons que cette possibilité de
résiliation anticipée implique des conditions préalables et que des sanctions sont également
stipulées si le bailleur ne respecte pas ces conditions.

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L’article 3, § 3, autorise le bailleur à résilier le bail de manière anticipée s’il doit effectuer
certains travaux de réparation, de rénovation ou de reconstruction dans le bien loué. Ici
aussi, le législateur a organisé des conditions impératives et des sanctions en cas d’abus par
le bailleur.

Quant au § 4 de l’article 3 de la loi sur le bail de résidence principale, il permet au bailleur de


résilier le bail anticipativement à l’échéance de chaque période de trois ans (triennat), mais
moyennant le paiement d’indemnités assez importantes. Cette condition d’indemnisation
étant plutôt contraignante, il faut reconnaître que cette possibilité de résiliation anticipée
est relativement peu usitée.

Dans ces trois situations, le bailleur est tenu de respecter un délai de préavis d’au moins six
mois.

Enfin, l’article 3, § 5, permet au locataire de résilier le bail de manière anticipée sans motif
particulier et pour autant qu’il respecte un délai de préavis d’au moins trois mois. À ce
préavis de trois mois, il faut encore ajouter des indemnités équivalentes à trois mois, deux
mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin durant la première, la deuxième ou la
troisième année de location.

C’est également à l’article 3, § 5, que nous trouvons, en son alinéa 3, une disposition
concernant les baux non-enregistrés et, dans ce cas, permettant au locataire de résilier le
bail sans délai de préavis et sans payer les indemnités normalement dues si le locataire
renonce au bail durant les trois premières années de location.

Un dernier alinéa de l’article 3, § 5, stipule que lorsque le locataire a reçu un renon en


application des §§ 2 à 4 de l’article 3 de la loi sur le bail de résidence principale, celui-ci peut
mettre fin au bail avant l’expiration des six mois de préavis pour autant qu’il signifie un
renon d’un mois au moins.

À cela, il faut encore ajouter les stipulations de l’article 9 de la loi sur le bail de résidence
principale. En effet, celui-ci énonce que si le bail n’a pas reçu de ”date certaine” (Cf. art.
1328 du Code civil) et que le bien a été acquis (à titre onéreux ou à titre gratuit) par un
nouveau propriétaire, le bail réputé conclu pour neuf années pourra être résilié avec un
préavis réduit à trois mois. Ce préavis de trois mois devra répondre à l’une ou l’autre des
conditions fixées par les §§ 2 à 4 de l’article 3 pour autant que ce renon soit signifié dans les
trois mois qui suivent la passation de l’acte authentique.

Cette description succincte du bail réputé conclu pour neuf années nous montre que celui-ci
est déjà truffé de petites dérogations qui fragilisent sa propre prescription générale. Ainsi
donc, aussi curieux que cela puisse paraître, il est faux de dire qu’un bail réputé conclu pour
neuf années lie irrémédiablement les parties pour neuf années.

Bien entendu, certains bailleurs estiment que ce régime général favorise beaucoup trop les
locataires et qu’il est devenu difficile de se défaire d’un locataire indélicat. C’est oublier que
si le locataire ne respecte pas ses obligations (payer le loyer et occuper le bien loué en bon

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père de famille), le bailleur peut saisir le juge de paix et éventuellement obtenir la résolution
du bail. Bien sûr, la justice est une œuvre humaine et la recherche d’une décision équitable
n’est pas toujours favorable au bailleur. Mais rappelons quand même cette interrogation
fondatrice de tout état de droit : n’est-il pas normal que si une des parties au contrat est
accusée d’avoir manqué à ses obligations, celle-ci puisse contester ces accusations auprès
d’un juge neutre et indépendant ? Cette réflexion est également valable pour les locataires
qui souhaitent sanctionner un bailleur indélicat.

3.- Le bail de “courte durée” : les principes de base

Ainsi donc, par la loi du 20 février 1991, le législateur instaura un régime général fixant la
durée d’un bail de résidence principale à neuf années. Comme cette loi a un caractère
impératif, les parties ne peuvent déroger à cette règle générale. Sauf que la loi elle-même a
organisé des modalités de dérogations. Parmi celles-ci, le droit de conclure un bail d’une
durée inférieure ou égale à trois ans.

Comme nous l’avons brièvement signalé, le bail de “courte durée” est organisé par l’article
3, § 6, des dispositions particulières du Code civil réglant les baux relatifs à la résidence
principale du preneur.

En son principe, cet article 3, § 6, stipule que les parties peuvent s’entendre pour déroger à
la règle générale (bail réputé conclu pour neuf années) pour conclure un bail d’une durée
inférieure ou égale à trois ans. Ce régime dérogatoire établit donc une durée maximum fixée
à trois ans. Dès lors, si les parties concluent un bail d’une durée supérieure à trois ans mais
inférieure à neuf années, la durée de ce contrat sera soumise au régime général et sera donc
réputée conclue pour neuf années.

Par contre, ce régime dérogatoire ne dit rien concernant la durée minimale d’un bail. Il n’est
donc pas interdit que des parties s’entendent pour conclure un bail d’une durée déterminée
d’un mois, d’une semaine ou d’un seul jour. Évidemment, la question sera de savoir si une
durée très courte est cohérente et permet au locataire d’affecter le bien loué à sa résidence
principale.

Quant à la forme sous laquelle doit être fait le bail de “courte durée”, il importe qu’il soit fait
par écrit. Cette disposition implique donc que le choix d’un régime dérogatoire soit certain
et qu’en l’absence d’un accord certain entre les parties, le bail soit réputé conclu pour neuf
années. Par voie de conséquence, un bail verbal ne pourra pas être considéré comme un bail
de “courte durée”.

Autre condition majeure, si l’une ou l’autre des parties ne souhaite pas poursuivre le bail
au-delà de la durée convenue, celle-ci devra signifier à l’autre partie un renon d’une durée
de trois mois au moins. Autrement dit, pour mettre fin au bail à son terme, il faut envoyer un
préavis au moins trois mois avant cette échéance. En l’absence de renon et si l’occupation
du bien se poursuit sans opposition du bailleur, le bail est prorogé. Quant à savoir pour
quelle durée le bail est reconduit, nous envisagerons cette question plus loin et plus en
détail.

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Étant donné que la loi sur le bail de résidence principale impose un préavis d’une durée d’au
moins trois mois, cela signifie qu’un bail de “courte durée” ne se termine pas de plein droit à
son échéance. Cette réflexion s’applique également au bail réputé conclu pour neuf années,
puisque celui-ci ne prend fin à son échéance que moyennant un préavis d’une durée de six
mois au moins.

Enfin, si le bail de “courte durée” ne peut prendre fin que moyennant un préavis d’une
durée de trois mois, cela complique sensiblement les possibilités de conclure un bail pour
une très courte durée. Ainsi, si les parties concluent un bail d’une durée de trois mois et que
l’une ou l’autre des parties ne souhaite pas poursuivre la location au-delà de cette échéance,
il est nécessaire qu’elle signifie un renon de trois mois à la partie adverse avant même que le
bail ne prenne cours (pour qu’un renon puisse prendre effet, il doit être parvenu dans les
mains de la partie adverse au plus tard au moment de la prise de cours du préavis). Nous
n’osons imaginer comment les parties devraient gérer la renonciation à un bail conclu pour
une durée de deux mois, d’un mois ou de quinze jours !

4.- La résiliation anticipée d’un bail de “courte durée”

En évoquant le bail réputé conclu pour neuf années, nous avons assez sobrement présenté
les différentes modalités de résiliation anticipée. Nous avons vu que le bailleur disposait
d’un éventail assez large de moyens lui permettant de rompre le bail avant son échéance
(pour raison d’occupation personnelle, pour effectuer certains travaux ou éventuellement
sans motif). Le locataire lui aussi dispose de différents moyens de quitter le bien loué avant
le terme des neuf années.

Ceci étant rappelé, qu’en est-il du bail de “courte durée” ? Pouvons-nous reprendre les
conditions permettant la résiliation anticipée d’un bail réputé conclu pour neuf années ou
sommes-nous obligés d’envisager d’autres modalités ?

En fait, dans un premier temps, la réponse à cette question est relativement simple :
l’alinéa 3 de l’article 3, § 6, stipule sans ambiguïté que les §§ 2 à 5 de l’article 3 ne
s’appliquent pas aux baux conclus pour une durée inférieure ou égale à trois ans. Autrement
dit, la résiliation anticipée d’un bail de “courte durée” ne peut pas se faire de la même
manière que pour un bail réputé conclu pour neuf années. Il faut envisager d’autres
modalités.

Malheureusement, et c’est une problématique souvent douloureuse, le régime dérogatoire


organisant le bail de “courte durée” ne prévoit aucune modalité particulière permettant la
résiliation anticipée. En principe, il n’est donc pas permis aux parties de résilier
anticipativement un bail conclu pour une durée inférieure ou égale à trois ans.

Au cours des premières années d’application de la loi du 20 février 1991, l’interprétation de


ce principe était assez stricte. Les juristes étaient quasiment unanimes à reconnaître que la
résiliation anticipée et unilatérale d’un bail de “courte durée” était strictement interdite.

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Bien entendu, cette interprétation ne concerne pas les possibilités de résiliation à l’amiable.
Pour autant que cette forme de résiliation repose sur l’accord certain entre les parties,
celle-ci est toujours permise. D’ailleurs, la résiliation amiable d’un bail est un principe de
base applicable à tous les types de baux et quelle que soit la durée du bail.

Par contre, en ce qui concerne la résiliation anticipée unilatérale, celle-ci doit être autorisée
par la loi ou par le consentement des parties.

Heureusement, avec le temps, l’interprétation de l’article 3, § 6, de la loi sur le bail de


résidence principale, s’est quelque peu assouplie et désormais, il est très largement admis
que les parties puissent définir elles-mêmes les conditions de résiliation anticipée. Cette
interprétation part du principe que, si la loi sur le bail de résidence stipule que les §§ 2 à 5 de
l’article 3 ne sont pas applicables au bail de “courte durée”, elle n’interdit pas explicitement
aux parties d’en convenir différemment. Des clauses de résiliation anticipée peuvent être
prévues au contrat.

C’est sur la base de cette interprétation que le tribunal civil de Liège valida en degré d’appel
e
un renon anticipé donné par le bailleur (Tribunal Civil de Liège, 4 chambre, 27 juin 2003,
J.J.P., 2005, p. 128). Ce congé avait été notifié en application d’une clause du bail qui
permettait aux parties de mettre fin unilatéralement au bail à l’échéance de la première et
de la deuxième année, moyennant un préavis de trois mois. Nous retrouvons la même
décision dans un jugement rendu par le Juge de Paix de Verviers (I) daté du 18 octobre 2005
(Les Échos du logement, mars 2006, pp. 21-22).

Bref, pour la résiliation anticipée d’un bail de “courte durée”, les parties sont renvoyées au
principe de la liberté de négociation telle qu’énoncée à l’article 1134 du Code civil.

Dans la pratique, cela signifie que, lors de la formation du contrat de “courte durée”, les
parties sont libres de définir les clauses permettant la résiliation anticipée du bail (mais elles
ne sont pas contraintes d’en définir une). Ainsi, elles peuvent déterminer les échéances
d’une résiliation anticipée (tous les six mois, à chaque anniversaire du bail, à tout moment),
elles peuvent déterminer la durée du préavis (un mois, trois mois, six mois, aucun), elles
peuvent aussi prévoir le paiement d’une indemnité forfaitaire (un mois, trois mois, six mois,
aucun), elles peuvent désigner la partie (le bailleur ou le preneur) qui est autorisée à résilier
le bail, elles peuvent fixer des motifs spécifiques et des conditions particulières, etc. D’une
certaine manière, la liberté contractuelle autorise des déclinaisons à l’infini. Mais une fois
fixées dans le bail et une fois signées par les parties, ces modalités librement négociées
deviennent la loi. Les parties sont donc tenues d’en respecter les termes.

Bien entendu, cela signifie que, pour la résolution de cette question, les parties sont
renvoyées à l’intimité de la négociation sous seing privé. Or, nous savons d’expérience que le
pouvoir de négociation d’un locataire face à un bailleur est proche de zéro. Ceci tout
simplement parce que le rapport de force entre ces deux parties est profondément
inégalitaire. Dès lors, même si la loi n’admet pas ce fait sociologique indéniable, il faut
reconnaître que le bail est clairement un contrat de subordination. D’ailleurs, certains
juristes et certaines décisions de justice n’hésitent plus à envisager le bail sous la forme d’un
contrat d’adhésion.

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5.- La prorogation d’un bail de “courte durée”

Abordons maintenant la délicate question des conditions de prorogation d’un bail conclu
pour une durée inférieure ou égale à trois ans. Posé autrement : que devient un bail de
“courte durée” lorsque cette durée est expirée et que le locataire reste dans le bien loué
sans opposition du bailleur ?

Pour répondre à cette question, nous devons partir de l’énoncé de l’article 5, § 6, de la loi
sur le bail de résidence principale qui n’envisage que deux modalités de prorogation : soit
reconduire le bail aux mêmes conditions et pour une “courte durée”, soit considérer que le
bail après expiration de son échéance est désormais réputé conclu pour une durée de neuf
années.

Commençons par envisager la première option, c’est-à-dire la prorogation du bail de “courte


durée” aux mêmes conditions et pour une “courte durée”.

5.1.- La prorogation pour une “courte durée”

D’abord, selon la loi, cette prorogation pour une “courte durée” nécessite l’accord explicite
des parties. Autrement dit, cette prorogation pour une nouvelle “courte période” ne se
présume pas, elle doit être formalisée dans un écrit. Toutefois, la forme de cet écrit suscite
la polémique.

En effet, cet écrit doit-il prendre la forme d’un nouveau bail ? Consiste-t-il en une mention
figurant dans le bail initial ? Doit-il prendre la forme d’un avenant ? Autant de questions qui
ont donné lieu à des interprétations aussi diverses que variées. Ainsi, le juge de paix de
Grâce-Hollogne a estimé qu’une clause dans le bail initial ne constituait pas l’écrit requis par
la loi et que la prorogation d’un bail de “courte durée” pour une nouvelle “courte durée”
exigeait la conclusion d’un nouveau bail (Juge de paix de Grâce-Hollogne, 12 septembre
2000, J.L.M.B., p. 1268).

C’est également l’avis du juge de paix de Dendermonde-Hamme selon lequel lorsqu’un bail
de “courte durée” n’est pas résilié et que le locataire se maintient dans les lieux, le bail
devient un contrat de neuf années depuis la date d’entrée en vigueur du bail originaire (Juge
de paix de Dendermonde-Hamme, 23 avril 2002, Huurdersblad, 2003, n°156, p. 3 ; J.J.P.,
2004, p.35).

Par contre, le juge de paix de Oudenaerde-Kruishoutem a estimé que la prorogation d’un


bail de “courte durée” pour une nouvelle “courte durée” pouvait se faire sous la forme d’une
clause de tacite reconduction insérée dans le contrat de bail initial (Juge de paix
d’Oudenaerde-Kruishoutem, 7 novembre 2002, J.J.P., 2004, p. 39).

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Bref, il s’agit d’une question controversée et ce d’autant plus qu’une lecture de l’alinéa 5 de
l’article 3, § 6, laisse entendre que la prorogation d’un bail de “courte durée” pour une
seconde “courte durée” ne peut pas se faire sous la forme d’un nouveau contrat de bail.

Autre condition fixée par la loi, la prorogation d’un bail de “courte durée” pour une nouvelle
“courte durée” n’est permise que si les durées cumulées du bail initial et de sa prorogation
ne dépassent pas trois ans. Concrètement, cela signifie, par exemple, qu’un bail d’une durée
d’un an peut être prorogé pour une durée inférieure ou égale à deux ans, qu’un bail d’une
durée initiale de deux ans ne pourra être prorogé que pour une durée inférieure ou égale à
une année, qu’un bail de six mois pourra être prorogé pour une durée inférieure ou égale à
30 mois, etc.

Comme nous pouvons le constater, la durée de la prorogation ne doit pas nécessairement


être identique à la durée du bail initial de “courte durée”. Par contre, l’alinéa 3 de l’article 3,
§ 6, précise clairement que cette prorogation pour une “courte durée” doit se faire sous les
mêmes conditions. Il n’est donc pas question de profiter de la prorogation d’un bail de
courte durée pour modifier l’une ou l’autre condition contractuelle. Dès lors, le loyer reste
inchangé (hormis son indexation, si elle n’a pas été explicitement rejetée), les charges
restent identiques (hormis l’adaptation des provisions, si cette faculté a été prévue dans le
bail), la garantie locative ne change pas et les autres conditions généralement quelconques
sont maintenues.

Ensuite, l’article 3, § 6, de la loi sur le bail de résidence principale, stipule qu’un bail initial de
“courte durée” ne peut être prorogé qu’une seule fois. Il n’est pas question de proroger un
bail de “courte durée” à l’infini. Par cette disposition, le législateur souhaite souligner le
caractère exceptionnel du régime dérogatoire. C’est d’ailleurs dans le même esprit qu’il faut
interpréter la limitation de la durée cumulée d’un bail de “courte durée” et de sa
prorogation à trois ans maximum. Il s’agit donc d’empêcher que l’exception ne devienne la
règle.

Enfin, quand le législateur stipule que la prorogation pour une “courte durée” doit être faite
aux mêmes conditions que le bail initial, cela implique aussi que si l’une ou l’autre des
parties souhaite renoncer au bail à l’échéance de cette prorogation, elle devra notifier un
congé au moins trois mois avant l’expiration de la durée convenue.

De même, en ce qui concerne les conditions permettant la résiliation anticipée de cette


prorogation pour une “courte durée”, elles sont identiques à celles applicables au bail initial
de “courte durée”. Dès lors, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à la partie de notre
exposé consacrée à cette question.

5.2.- Le bail réputé conclu pour neuf années

Puisque l’exception a pour vocation de rester exceptionnelle, lorsque le bail de “courte


durée” prend fin ou que son éventuelle prorogation prend fin, le bail entre dans une
nouvelle ère et il devient réputé conclu pour une durée de neuf années. Bien entendu, le

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régime dérogatoire ne laisse place au régime général que si le locataire continue à occuper
les lieux sans opposition du bailleur.

Pour que les choses soient bien claires, insistons pour dire que la “transformation” d’un bail
de “courte durée” en bail réputé conclu pour neuf années, peut intervenir soit à l’échéance
du bail conclu pour une “courte durée”, soit à l’échéance d’une prorogation de “courte
durée”.

Dès lors, quand un bail conclu pour une durée inférieure ou égale à trois ans arrive à
échéance et que personne ne s’oppose à sa continuation, il importe de savoir si une
prorogation de “courte durée” a été convenue entre les parties (soit dans le bail initial, soit
dans un écrit spécifique). En l’absence d’accord certain sur la volonté des parties de proroger
le bail pour une “courte durée”, le bail est réputé conclu pour neuf années. Par contre, si
une prorogation de “courte durée” a été convenue, il faudra attendre que cette prorogation
prenne fin pour que le bail devienne réputé conclu pour neuf années.

Ces précisions étant faites, il faut savoir que lorsque le bail est réputé conclu pour neuf
années, cette période de neuf années est calculée à compter de la date à laquelle le bail
initial de “courte durée” est entré en vigueur.
er
Ainsi, par exemple, prenons un bail de trois ans signé le 7 juin 2008 et entré en vigueur le 1
er
juillet 2008. Dans ce cas, en date du 1 juillet 2011, à défaut d’un congé notifié dans les
délais et si le locataire continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, le bail de
trois ans devient un bail réputé conclu pour neuf années et celui-ci est censé avoir pris cours
er
le 1 juillet 2008. Les neuf années de bail se terminent donc le 30 juin 2017.

Enfin, lorsque la location pour une “courte durée” se transforme en bail réputé conclu pour
er
neuf années, ce bail est régi par les §§ 1 à 5 de l’article 3. Autrement dit, conformément
er
aux dispositions de l’article 3, § 1 , ce bail ne prendra fin que moyennant un préavis d’une
durée de six mois. À défaut d’un congé notifié dans les délais et si le locataire continue à
occuper les lieux sans opposition du bailleur, le bail sera prorogé par périodes de trois ans.

Quant aux possibilités de résiliation anticipée, elles sont réglées par les §§ 2 à 5 de l’article 3
telles que nous les avons brièvement exposées plus haut dans cette fiche juridique.
Autrement dit, le bailleur peut renoncer au bail pour “occupation personnelle” dans les
conditions fixées par l’article 3, § 2, il peut mettre fin au bail pour effectuer des travaux de
réparation, de rénovation ou de reconstruction dans les conditions arrêtées par l’article 3,
§ 3, et il peut également renoncer au bail sans motif dans les conditions d’échéance et
d’indemnisation établie par l’article 3, § 4. De son côté, le locataire peut faire valoir toutes
les possibilités de résiliation anticipée fixées par l’article 3, § 5. Tout ceci, bien évidemment,
ne deviendra applicable que du jour où le bail de “courte durée” est réputé conclu pour neuf
années. Mais pas avant !

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6.- Lorsque le bien loué est acquis par un nouveau propriétaire ?

Pour finir, envisageons le sort d’un bail de “courte durée” lorsque le bien est acquis par un
nouveau propriétaire (que cette acquisition soit faite à titre onéreux ou à titre gratuit).

Comme nous l’avons déjà évoqué au début de cette fiche juridique, cette question est réglée
par l’article 9 de la loi sur le bail de résidence principale.

Cet article fait la distinction entre deux situations possibles : soit le bail a acquis “date
certaine” avant la date de la passation de l’acte authentique d’acquisition, soit il n’a pas de
“date certaine”.

Au passage, rappelons que la notion de “date certaine” est définie par l’article 1328 du Code
civil. Selon celui-ci, un contrat fait sous “seing privé” acquiert “date certaine” contre les tiers
qu’à partir du jour où il est enregistré, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui l’ont
souscrit, ou du jour où sa substance est constatée dans des actes dressés par des officiers
publics, tels des procès-verbaux de scellé ou d’inventaire.

Quant à l’article 9 de la loi sur le bail de résidence principale, celui-ci précise que si le bail a
“date certaine”, alors l’acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé aux droits et
obligations du bailleur. Ceci pour autant que le bail ait acquis “date certaine” avant la
passation de l’acte authentique d’acquisition. Autrement dit, dans ce cas d’espèce,
l’acquéreur est tenu de respecter les mêmes conditions de résiliation que celles qui
existaient avant la mutation de propriété. En clair, pour un bail qui a “date certaine”,
l’acquisition du bien par un nouveau propriétaire n’a aucun impact nouveau.

Bien entendu, les choses se compliquent si le bail n’a pas “date certaine” avant l’aliénation
de la propriété. Dans ce cas, deux hypothèses ont été posées par l’article 9 de la loi sur le
bail de résidence principale : soit l’occupation du bien loué a moins de six mois, soit elle a au
moins six mois.

Si le bail n’a pas “date certaine” et que l’occupation du bien loué est inférieure à six mois,
l’acquéreur pourra renoncer au bail sans devoir respecter de délai de préavis. En effet, le bail
est dit « non-opposable au tiers » (ne pas oublier que par rapport au bail signé avec le
bailleur initial, l’acquéreur est considéré comme étant une tierce personne). Toutefois, dans
pareille situation, il est de coutume que l’acquéreur notifie un délai de grâce. Ce délai devra
être suffisamment raisonnable que pour permettre au locataire de trouver un nouveau
logement.

Par contre, si le locataire occupe le bien loué depuis au moins six mois, alors l’acquéreur à
titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé aux droits et obligations du bailleur. Aussi curieux
que cela puisse paraître, les parties se trouvent dans la même configuration que si le bail
avait été enregistré.

Sauf qu’il existe quand même une petite différence. En effet, si le locataire occupe le bien
loué depuis au moins six mois et que le bail n’a pas “date certaine” avant l’aliénation, alors
l’acquéreur pourra renoncer au bail moyennant un préavis d’une durée de trois mois (au lieu

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de six mois). De plus, ce renon doit être notifié au locataire dans les trois mois qui suivent la
passation de l’acte authentique d’acquisition. Enfin, ce renon doit répondre aux conditions
fixées aux §§ 2 à 4 de l’article 3 (préavis pour “occupation personnelle”, ou préavis pour
travaux, ou préavis sans motif mais avec indemnités).

Mais qu’en est-il du bail de “courte durée” ? Est-il soumis aux mêmes conditions ?

En principe, le bail de “courte durée” est soumis au prescrit de l’article 9 puisque celui-ci
s’applique à tous les baux relatifs à la résidence principale du locataire. Cet article 9 ne fait
aucune distinction entre un bail réputé conclu pour neuf ans, un bail de “courte durée”, un
bail de “longue durée” et un bail à vie.

Pourtant, l’article 9 ne s’applique pas au bail de “courte durée” de la même manière que
pour un bail réputé conclu pour neuf années. En effet, étant donné que les §§ 2 à 4 de
l’article 3 ne s’appliquent pas aux baux de “courte durée”, les dispositions permettant de
renoncer au bail qui n’a pas “date certaine” et dont la durée est d’au moins six mois, ne sont
pas d’application.

En clair, lorsque les parties sont liées par un bail de “courte durée” ou que ce bail initial a été
prorogé pour une “courte durée”, l’acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est soumis
aux mêmes dispositions que le bailleur, même si le bail n’a pas “date certaine” avant
l’aliénation du bien. Il ne peut pas donner un préavis réduit (puisque celui-ci doit répondre
aux conditions fixés par les §§ 2 à 4 de l’article 3). Dans ce cas, durant la durée du bail de
“courte durée” ou sa prorogation pour une “courte durée”, le locataire est mieux protégé
que si le bail était réputé conclu pour neuf années.

Une seule exception : si la durée d’occupation du bien est inférieure à six mois et que le bail
n’a pas “date certaine”. Dans ce cas, le bail n’est pas opposable au tiers.

Enfin, pour terminer ce point, signalons qu’en principe, une clause de bail stipulant qu’en cas
de vente ou de donation l’acquéreur se réserve la faculté d’expulsion, n’est pas
d’application. Cette restriction se trouve énoncée à l’article 9 et elle s’applique autant au bail
ayant “date certaine” qu’au bail n’ayant pas “date certaine”. Toutefois, il importe de signaler
qu’il s’agit d’une question controversée.

En conclusion

L’une des idées forces de la loi sur le bail de résidence principale était de contenir la flambée
des loyers qui s’était déclarée à la fin des années 1980. Pour remplir cet objectif, le
législateur a choisi d’imposer un régime général de durée du bail. De plus, il a décidé
d’intégrer ce régime général dans le cadre d’une solution structurelle. C’est ainsi qu’il a
inséré dans le Code civil une nouvelle section exclusivement destinée à réglementer le bail
relatif à la résidence principale du preneur. Par ce biais, les promoteurs de la loi du 20 février
1991 entendaient rompre avec la politique des petites lois conjoncturelles qui se
succédaient à un rythme effréné depuis les lendemains de la première guerre mondiale.

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Mais, dans le même temps qu’il imposait un régime général, le législateur organisait une
échappatoire sous la forme d’un régime dérogatoire. Plus tard, par la loi du 13 avril 1997, les
contours du régime dérogatoire furent légèrement amendés pour tenter d’endiguer la
prolifération des baux de “courte durée”. Désormais, il n’était plus possible de multiplier les
petits baux et le délai de préavis à l’échéance de la “courte durée” passa d’un mois à trois
mois.

Aujourd’hui, le régime dérogatoire est devenu un passage obligé pour les personnes qui sont
contraintes de se tourner vers le secteur privé pour se loger. Pour la plupart des bailleurs,
frileux à l’idée de s’engager pour neuf années, le bail de “courte durée” est devenu une sorte
de bail à l’essai.

Didier Joly
Juin 2013

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