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Prénom : Fernando
Introduction.
Dans un premier moment on est choqués par l’intitulé qui accompagne cette exposition
sur le peintre de Cordoue (1874-1930), vu qu’il s’agit d’un ensemble de tableaux où
l’élément constant est la présence de la femme, élément qui n’est pas signalé dans
l’intitulé de l’exposition et qui est à peine suggéré dans les textes qui accompagnent
celle-ci, dans le Catalogue et dans le dossier de presse où le peintre est présenté comme
« maître absolu du symbolisme andalou » et comme l’évocateur « de l’image de
l’Andalousie et d’un prototype singulier de femme »1.
Les textes nous indiquent la persistance de plusieurs éléments qui hantent les tableaux
de Romero de Torres et qui ont une particulière et presque paradoxale relation avec le
traditionalisme, qui est constatable dans la différente réception que son œuvre a reçu,
surtout après le Franquisme, selon les interprétations que de son travail se faisaient, soit
en privilégiant l’aspect symboliste et allégorique qui le situerait dans une courante
proche à la peinture dite « Métaphysique », soit en considérant que la vision
« traditionnelle » de l’univers andalou qu’il présentait, était le signe d’une idéologie
conservatrice, une interprétation qui a été favorisée par Ramón María del Valle-Inclán,
littéraire de l’époque qui a pris en charge l’écriture du catalogue d’une exposition que
Romero de Torres réalisât en Argentine, et auteur des quelques titres des tableaux du
peintre andalou.
La place de la femme dans son œuvre, peut-être dû à son omniprésence, n’est pas trop
interrogée: qu’est-ce que veut dire peindre une femme ? Les études s’intéressent au
processus de création d’une femme andalouse prototypique créée comme un idéal de
beauté à partir des membres des différents corps de femmes que le peintre sélectionnait
1
Luciano Alonso Alonso, dans la présentation du Catalogue de l’exposition.
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pour construire cette femme « parfaite » à ses yeux. Mais les études s’arrêtent là, dans le
silence qui suit l’évidence d’un constat : que la femme présentée dans les tableaux n’est
pas réelle mais imaginée et reconstruite par le peintre, projection d’un certain idéal de
beauté. On pourrait se demander, sans doute, s’il existe pour nous, autant dans l’art que
dans la vie quotidienne, la possibilité de faire autrement, la possibilité de voir l’autre (la
femme ou l’homme) « tel qu’il est » sans ajouter ni enlever quoique ce soit, sans
l’imaginer.
La femme est donc présentée dans ce silence de la question ni ne se pose pas, qui
n’arrive pas à se poser, presque absente du fait d’être « trop présente » dans les
tableaux, invisible entre le mythe et la tradition : qu’est-ce que veut dire peindre une
femme « entre le mythe et la tradition » ? On essayera de répondre à cette question qui
nous semble, au même temps, déjà répondue, pour éclairer la complexité d’un geste
simple, celui de peindre une femme dans un tableau.
Dans la composition de Carmen, on pourrait voir une forme de cet exercice dans une
sorte d’extirpation de l’intériorité, qui serait représentée par la scène qui fait partie du
fond de la toile, et qui refléterait l’état animique de la femme, déjà visible dans
l’expression dure de son visage, et dans son regard fixé dans un point hors du cadre du
tableau. On pourrait dire que le fond du tableau où une femme, mise de dos, est appuyée
sur le linteau de la porte face à un paysage de couleurs plats qui évoquent une
atmosphère aride , est la projection de la pensée ou des émotions de Carmen, mais on
pourrait penser aussi le contraire : que c’est le dehors qui commande le dedans, que
c’est cette scène-là de vide et de solitude qui colore l’expression du visage du
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Gilles Deleuze. Foucault. « Le dedans ou le plissement de la pensée », page 106.
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personnage, et que, dans un jeux de regards c’est la scène qui est montrée derrière
Carmen ce qu’elle a en face, hors du tableau, et que le spectateur n’arrive pas à voir.
Le paysage aride serait peut-être, donc, du côté de celui qui est en face de Carmen : le
spectateur, oui, mais aussi et surtout dans un premier moment, le peintre. Peut-être c’est
ici où on peut trouver l’exercice de projection de soi-même par rapport à autrui : ce que
Carmen regarde n’est rien d’autre que l’intériorité du peintre, qui a fait de sa tristesse la
tristesse du personnage féminin peint dans ce tableau, visible dans le rictus sombre du
visage, les mains entrelacées dans une certaine attitude de fermeture, les vêtements noirs
et une sorte d’écharpe qui semble la protéger du froid.
Une autre manière selon laquelle la femme apparait peinte dans les tableaux de Romero
de Torres est dans un environnement domestique, dans ce qu’on pourrait interpréter
comme son endroit propre, ou suivant la terminologie de la Physique aristotélicienne,
son « lieu naturel ». C’est précisément la substantialisation de la catégorie du « lieu »
comme propriété naturelle d’un être, ce qui devient problématique à l’égard d’une
lecture sociale et politique. « Localiser » la femme, même si on est dans le cadre d’une
représentation picturale, toujours dans la même ambiance domestique, fait de celle-ci
une sorte de « deuxième nature » de la femme qu’on peut avoir du mal à arracher. La
force de la répétition, aussi la force de « l’habitus » si on veut encore suivre la
terminologie aristotélicienne, est celle d’un encrage ou sédimentation des propriétés qui
accompagnent toujours « de fait » à la femme, c’est-à-dire « coextensives », pour
devenir des propriétés « de droit », c’est-à-dire, « consubstantielles ».
Il y a, par contre, des variations très nuancées dans la manière de présenter la femme
« réelle » (qu’on opposera plus tard à la femme « symbolique ») , et on peut constater
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un spectre qui va d’une passivité presque totale, comme c’est le cas de Pereza andaluza
(« la paresse andalouse ») [2], où une jeune femme apparait moitié endormie dans une
cour typique de Cordoue, jusqu’à une passivité en attente, presque menaçante, qui
précède l’action, comme dans La nieta de la Trini (« La petite-fille de Trini ») [3], où
on trouve deux femmes : l’une de dos, appuyée sur une guitare, en train de regarder
l’autre femme, nue sur des mantones de Manilla, portant un couteau dans sa main
droite.
Le jeux de clair-obscur dans le visage des deux femmes, ainsi que dans le dessin de la
musculature, autant du corps nu comme du dos et du bras de l’autre femme, nous
laissent imaginer la force d’un corps musclé et, derrière ça, la possibilité de la violence
qui s’annonce avec la présence tue du couteau, fermement tenu. Ce n’est pas la
violence mais la possibilité de la violence qui se laisse voir : le danger d’une femme qui,
en accord avec certains mythes de la femme espagnole, est « de armas tomar », c’est-à-
dire, fortement caractérielle et prête à la lutte.
On s’arrête très brièvement sur le tableau Mal de amores (« Maladie d’amour ») [4]
pour proposer une interprétation qui donnerait à voir un deuxième type de localisation
qui ne serait pas de l’ordre de l’espace mais de celui du temps.
On trouve dans ce tableau une petite fille, une jeune fille et une vielle femme. Toujours
dans l’ambiance de la cour de la maison, la jeune fille, peinte dans des couleurs très
obscurs –notamment le visage- regarde le spectateur avec une expression de tristesse ou
d’ennui, tandis que la vielle femme, assise derrière elle et avec la tête appuyée sur la
main, regarde la jeune fille en souriant. Finalement, la petite fille, aussi assise, dort
allongée sur le ventre de la vielle dame.
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Jusqu’ici on peut dire qu’il n’y aurait rien à dire, sauf si on trace un parallélisme entre la
ligne temporelle et le rapport à l’amour, comme si la vie de la femme, et ses étapes dans
le déroulement des années, pourrait se mesurer « exclusivement » (et c’est cette
« exclusivité » qui reste un présupposé, car on ne parle pas ici de la façon dont le
rapport des femmes au temps de sa propre vie est traité dans d’autres œuvres) par
rapport aux relations amoureuses qu’on peut soupçonner, vu le cadre « traditionnel »
dans lequel elles sont dessinées, comme des relations avec des hommes. C’est-à-dire,
que la vie et ses temporalités chez la femme seraient mesurées en rapport avec un des
facteurs biographiques (parmi d’autres) qui est celui des relations amoureuses avec les
hommes.
Dans Poema de Córdoba (« Poème de Cordoue ») [5] l’artiste réalise une opération de
personnification de la ville à différents niveaux dans plusieurs scènes où chacune des
femmes vient représenter, condenser ou être l’image d’un concept où se cristallisent a)
des parties de la ville, b) des époques de l’Histoire de la ville, c) des idiosyncrasies
religieuses qui ont dominé dans la ville pendant une époque ou autre et d) des
personnages insignes de la ville.
Il y a, donc, une identification des différentes époques passées avec différentes parties
de la ville et différents personnages célèbres qui ont beau apparaitre sous la forme d’un
monument en arrière-plan, ils dignifient la ville. Le traitement est pareil pour les scènes
qui ne témoignent pas d’une époque passé concrète, comme c’est le cas de l’époque
romaine, juive ou chrétienne, mais qui présentent quelques traits identitaires de la ville
comme peuvent être le caractère guerrier, la dévotion religieuse et la traditionnelle fête
des corridas.
Dans tous les cas, la femme apparait comme une sorte de témoin de ce qu’il y a derrière
elle (les Grands Hommes) et/ou des valeurs qu’elle est censée incarner : qu’elle présente
comme figure ou emblème mais avec lesquelles elle ne garde qu’une relation de
conformité. La femme n’apparait pas comme celle qui peut créer des valeurs et acquérir
une certaine notoriété publique dans une certaine époque, mais comme celle qui se
laisse porter par ce que les hommes ont fait, pensé et créé. Elle reste une sorte de
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« signifiant » dont le « signifié » viendrait donné par la Grande Histoire construite par
les hommes, et sans laquelle, elle serait vide.
Un rôle bien différent joue la femme dans une autre série de tableaux où le personnage
mélange, en lui-même, une face « réelle » et une face symbolique, suivant l’opération
métonymique selon laquelle la partie est prise comme symbole du tout. C’est le cas des
tableaux comme Saeta [6], Seguiriya gitana [7] et La consagración de la copla (« Le
sacre de la copla ») [8] qui sont, tous les trois, des genres stylistiques de chant
appartenant au flamenco (les deux premières) et à la chanson populaire du XXème
siècle (le troisième).
La « saeta », chant flamenco religieux qui est exécuté pendant les processions de
« Semana Santa » en Espagne devant les images religieuses, depuis le balcon ou la
fenêtre d’une maison ou d’un bâtiment publique, est représentée habillée en noir, avec
la mantilla et la peineta typiques, en train de chanter ou de prier, avec les mains jointes
et le regard tourné vers le ciel. Elle est entourée par un aveugle qui lève les mains vers
elle en signe de demande, par un inculpé qui porte des menottes, par une jeune fille et
par une vielle mendiante. La chanteuse, qui personnalise le chant même de la « saeta »
demande à Dieu, devant le Christ et la Vierge, qui sont derrière elle, la salvation des
âmes condamnées. Elle a, ici, une fonction représentative du chant, mais aussi une
fonction de medium entre les défavorisés et le Dieu, à qui elle dirige leurs demandes à
travers ce chant a capella.
Le cas de Seguiriya gitana est un peu différent : on trouve la « même » femme qu’on
avait vu dans La nieta de la Trini, appuyée sur une guitare, mais cette fois-ci elle ne
regarde pas l’autre femme (qui du coup est habillée et regarde en face), mais a les yeux
fermés, la tête tournée vers le fond du tableau et la bouche entrouverte, comme si elle
chantait.
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Le fond du tableau est assez révélateur : il y une église et un cyprès (l’arbre qu’on
plante dans les cimetières en Espagne) au lointain, et plus proches des figures qui sont
dans le premier plan, on trouve un homme de genoux, qui porte une cape et qui semble
prier ou pleurer devant un cercueil blanc, un autre homme qui porte aussi une cape et un
chapeau typique de Cordoue, appuyé sur une fenêtre, et une femme qui regarde la scène,
en peu plus loin, à moitié cachée derrière une maison blanche.
La « seguiriya » est une des dernières grandes créations du cante jondo, née à la fin du
XIXème siècle. C’est un des chants le plus profond et amer dans son caractère, en
tonalité mineure et de très difficile exécution. Son caractère tragique est visible ici dans
la scène du deuil qui est derrière la chanteuse, qui incarne aussi, comme on l’a dit, le
chant lui-même.
Ce qui nous semble intéressant de constater dans le groupe de personnes qui assistent au
rituel, c’est la forte présence féminine par rapport aux quatre hommes qui sont là, dans
le premier rang.
Sans pouvoir trop développer cette idée, qui reste dans le niveau d’une intuition
justifiée, on peut mettre en relation cette présence féminine « massive » dans le rituel de
la copla, avec le fait que ce style musical a toujours été de goût plutôt féminin, dû, peut-
être, au caractère narratif de ses paroles qui racontent, la plupart des fois, des histories
de chagrins d’amour, très souvent vécues par des femmes tragiques.
Le « combat » esthétique qui a eu lieu, surtout dans les années cinquante et soixante du
XXème siècle entre la copla (comme genre populaire et de qualité musicale inférieure)
7
et le flamenco (comme genre de minorités, et d’une profondeur esthétique plus grande)
pourrait nous donner des pistes pour considérer que le fait que le public amateur de la
copla soit éminemment féminin, dans ce tableau, puisse être vu comme un signe de
« faiblesse » du style musical, surtout dû à son caractère plus spectaculaire et plus de
surface.
Cette idée de l’opposition de genre entre le flamenco, comme style qui porte des traits
plus masculins (la profondeur, le sérieux, le sens existentiel de la vie, etc.) et l’art
folklorique ou populaire (plus banal et superficielle) serait l’objet d’une étude qui
devrait mettre en parallèle des ordres axiologiques : l’un esthétique et l’autre psycho-
sociale, pour voir en quoi on peut faire coïncider un certain style artistique avec les
valeurs portées par une certaine idée de la masculinité, dans le cas du flamenco, ou de la
féminité, dans le cas de la copla.3
C’est le cas d’Amor sagrado, amor profano (« Amour sacré, amour profane ») [9] et
Las dos sendas (« Les deux sentiers ») [10]. Dans le premier, sur le fond d’un cimetière
où on voit une femme habillée en blanc, de genoux devant un cercueil blanc (comme
dans Seguiriya gitana), on trouve, à gauche, une femme habillée en noir, portant
mantilla et avec la main gauche à la hauteur du cœur, et à droite une femme habillée en
couleurs roses et bleues, souriante, et posant une de ces mains sur la main de la femme
en noir, et l’autre touchant son écharpe rose.
Dans le deuxième, on trouve une femme nue sur un canapé, portant par contre une
mantilla qui couvre ses cheveux, et derrière elle, aussi, deux plans très bien distingués :
à gauche, une religieuse avec une petite Bible ouverte entre les mains, et la scène de
deux autres religieuses qui prient de genoux devant une croix, dans la cour d’un
couvent.
A droite, une femme qui montre des bracelets et des colliers sur un plateau en argent, et
derrière elle, la scène d’une sorte d’un banquet publique, où on voit des amoureux, un
monsieur qui offre une fleure à une dame, etc.
3
Cette idée a commencé à être développée par José Francisco Balbuena Pantoja dans son intervention sur
« Le fandango de Casares » (Congrès INFLA à l’Université de Séville, le 30 octobre 2013) en relation
avec l’opposition entre le flamenco et le folklore populaire.
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Dans ce deuxième tableau on pourrait se demander si la femme nue portant la mantilla
est une sorte de synthèse symbolique des deux sentiers, ou plutôt une femme réelle qui
se débat entre la vertu et le vice.
A partir de ces deux tableaux, on se demande comment la dualité est pensée et peinte
chez Romero de Torres, car elle semble être présentée à travers deux personnages qui
ont beau être l’un à côté de l’autre, ils ne se touchent pas, ils ne se contaminent pas l’un
à l’autre, ils n’entrent même pas en dialogue : comme chez Parménide, il y a deux voies
et un choix à faire, mais la position de celui qui choisit est déjà celle du pêcheur, car les
deux chemins sont présentés comme le « bon » et le « mauvais », sans nuances, et
l’indécision ne peut pas venir que de la faiblesse morale de l’être humain. L’acte du
choix, qui est l’acte de la liberté, est toujours déjà celui de pêché, car il implique la
reconnaissance de la voie de l’immoralité comme une possibilité.
Mais, d’où vient cette présentation duelle, sans nuances, de la dualité, sinon de
l’application d’une rationalité binaire avec laquelle on n’arrive pas à comprendre que les
deux extrêmes se mélangent et de donnent toujours ensemble, et qu’il n’y a jamais de
coupure pure4 entre les deux mais grâce à la scission faite par la rationalité qui coupe en
deux ?
On sait que le bouddhisme déjoue la voie fatale de toute assertion (ou de toute
négation) en recommandant de n’être jamais pris dans les quatre propositions
suivantes : cela est A- cela n’est pas A- c’est à la fois A et non A- ce n’est ni A ni
non-A. Or cette quadruple possibilité correspond au paradigme parfait, tel que l’a
construit la linguistique structurale (A-non-A –ni A, ni non-A (degré zéro)-A et
non-A (degré complexe) ; autrement dit, la voie bouddhiste est celle du sens
4
En utilisant l’expression de Jacques Derrida dans La verité en peinture.
5
Sur l’identification entre le « masculin » et l’abstraction, pour le dire en bref, on pensé aux textes
platoniciens, notamment à l’a métaphore de l’âme et à ses différents éléments, présentée dans le Phèdre.
Dans un deuxième niveau de lecture, on pense aussi à la problématisation que Frédéric Pagès fait dans
son petit livre « Philosopher ou l’art de clouer le bec aux femmes » de la absence presque totale de
femmes dans l’Histoire de la Philosophie, en relation avec ce « partage » de facultés qui laisserait la
pensée abstractive (et les éléments du sérieux et d’universalité qui vont avec) du côté du masculin, et
l’intérêt pour l’émotive et les questions « psy » (et les éléments du mondain et du particulier qui vont
avec) du côté du féminin.
9
obstrué : l’arcane même de la signification, à savoir le paradigme, est rendu
impossible.6
Après avoir fait une petite promenade entre les vingt-huit tableaux de cette exposition
sur l’œuvre de Julio Romero de Torres, en posant quelques questions qui allaient du
tableau à son « dehors » (aux textes et aux contextes qui l’entourent), on revient au titre
de l’exposition et à la question qu’on s’était posé en lien avec le rapport ou le non-
rapport que celui-ci pouvait garder avec « la femme » en tant que protagoniste picturale
de toute la série de tableaux, et même de l’œuvre entière du peintre.
On serait tentés de dire que ce rapport est celui d’un double effacement, ou de
l’éloignement de l’autre en profit d’une reconstruction depuis le soi-même : la femme,
ou plutôt les femmes, sont absentes dans l’œuvre de Romero de Torres parce qu’elles
sont trop présentes, mais présentes en tant que « fond » non plus picturale mais
symbolique d’une idée qui se projette sur elles. La femme n’est pas prise comme motif
mais comme écran où vient passer toute une gallérie de fantasmes : elles ne sont jamais
les femmes en présent ou du présent ; elles ne sont jamais les femmes « réelles » mais
celles que le peintre imagine comme porteuses des valeurs traditionnelles, ou celles qui
sont imaginées comme étant l’idéal de la femme « parfaite » : entre le mythe et la
tradition la femme ne peut que disparaitre. Ce qui apparait, dans son absence par
omniprésence, c’est le dispositif imaginaire du peintre à l’œuvre dans la construction du
passé à partir de ses propres valeurs contemporaines : la femme est la « toile » de ce jeu
symbolique.
6
Roland Barthes. L’empire des signes. « L’excemption du sens ». Page 99.
10
BIBLIOGRAPHIE
Marc Augé. Qui est l’autre ? Un itinéraire anthropologique. Apparu dans L'Homme,
1987, tome 27 n°103. pp. 7-26.
Gérard Lenclud. La tradition n'est plus ce qu'elle était... Sur les notions de tradition et
de société traditionnelle en ethnologie. Revue Terrain, Numéro 9. 1987.
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