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Bonjour tout le monde.

Bonjour aux Elèves de l’école Externa La Providence


Bonjour aux Elèves de Georges Marc
Bonjour aux filles de Sainte Rose de Lima
Bonjour aux Centristes

Avant de commencer, je voudrais que nous partagions ensemble une pensée spéciale pour
la jeune Mitchada Favil, élève en 9e AF à Sainte Rose De Lima qui s’est éteinte ce mardi 23 janvier
2023.
Face à ce départ prématuré, nous présentons nos sincères condoléances à la communauté de Sainte
de Lima.
Une pensée aussi pour nos élèves haïtiens, spécialement ceux de Port-au-Prince, et en
particulier les nouveaux bacheliers, qui ont vu leur journée de travail perturbée et toute leur
programmation autour de Saint Thomas d’Aquin contrariée suite aux troubles survenues après la
mort tragique et regrettable de plusieurs jeunes policiers de la P.N.H.
Nous sommes affligés par la mort de ces jeunes policiers et c’est avec un cœur lourd que nous
regardons l’avenir de cette jeunesse.
Il est question d’analyser avec vous, le Regard de Saint Thomas d’Aquin sur les
mathématiques.
Lorsque le professeur Lemaine m’a sollicité pour cette intervention, à l’occasion de la date
consacrée à St Thomas d’Aquin, philosophe et théologien médiéval, date considérée depuis un
certain temps comme étant la fête des bacheliers, voire la fête des philosophes, j’ai tout de suite
dit oui. J’ai dit Oui, parce que pour moi c’est une occasion de plus pour tenter de sortir St Thomas
d’Aquin, l’esprit de St Thomas d’Aquin précisément de cette tendance de vouloir réduire St
Thomas d’Aquin, l’idéal de Saint Thomas, à la grande mondanité. Il faut donner une autre couleur
à Saint Thomas, une moins mondaine.
Permettez-moi cette parenthèse pour vous féliciter : Vous êtes beaux, vous êtes belles, vous
êtes tous bien habillés. Bravo à vous. Bravo aux parents.
Saint Thomas D’Aquin, chers Elèves, est avant tout un esprit exceptionnel, considéré
comme l'un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique. Il a
construit une démarche philosophique, [le « thomisme »], qui est en fait une philosophie, rattachée
à la religion chrétienne, et qui tente d'harmoniser la raison et la foi, en accordant une grande
importance à la mise en forme des raisonnements et au respect des auteurs anciens.
Saint Thomas D’Aquin en effet est un philosophe italien qui a produit, en autres, une œuvre
majeure La Somme Théologique, sorte de tentative de synthèse de la philosophie d'Aristote et des
écrits de la Révélation. Le thomisme est donc avant tout un syncrétisme philosophique entre ces
deux traditions.
Mais ce matin mon intervention ne vise pas à cerner le « Thomisme » à proprement parler.
Il s’agira, plutôt, de vous introduire à cette balade guidée dans la Somme Théologique où Thomas
d’Aquin expose ses points de vue sur la connaissance, sur la métaphysique, sur le fonctionnement
de l’intellect, sur les différentes formes et degrés d’abstraction, et aussi sur les mathématiques. [Il
y affirme évidemment et également des idées sur la nature humaine, sur l’acte humain ect…].
Pour répondre à vos attentes, nous tenterons précisément d’étudier le regard de Thomas d’Aquin
sur le développement des mathématiques.
Essayons de fixer le cadre :
Nous sommes dans un moment [entre le Vème et le XVème siècle] où la pensée médiévale fait face
à une urgence :
• Quel outil doit-on considérer comme support pour répondre à un ensemble de
questions troublantes de la vie ?
• La foi (religieuse) est -elle suffisante pour répondre à la construction de la raison et
je précise au processus de raisonnement ?
• Peut-on toujours considérer les mathématiques comme la méthode, le modèle et
surtout comme le moyen de travail de la pensée discursive ?
Il faut aussi insister qu’au moyen âge le mode d’appropriation de la pensée grecque n’est pas
sans lien avec le mystère de l’incarnation, et je dirais même qu’elle était dominée par ce principe.
Sans ignorer pour autant l’existence des mathématiques vers quoi on tournait comme lieu commun
à toutes les sciences, à cause de leur simplicité. Nous y reviendrons.
Comprenez, dès lors, chers amis, que ce débat sur le regard de St Thomas sur les mathématiques
ne peut pas échapper à cette vieille querelle entre les deux écoles : celle de Platon et celle
d’Aristote. Il ne pourra pas non plus fuir un autre débat, cette fois-ci entre la mathématique et la
philosophie. Entre ces deux disciplines, laquelle jouit alors de la préséance ?

Précisons tout de suite que :


Dans ce débat entre les deux écoles, Thomas d’Aquin prend position. Pour lui : Le platonisme a
échoué ; cette école n’a pas réussi à donner une expression technique à l’idée de mathématiser
l’univers et l’existence. Fidèle à Aristote, il croit fermement que la logique aristotélicienne
représente l’instrument capable de rationnaliser l’expérience humaine.
Pour St Thomas, l’Organon ( à expliquer : est le nom scolastique utilisé pour désigner un ensemble de
traités, principalement de logique, attribués à Aristote) d’Aristote représente la clé pour matérialiser
cette rupture avec la pensée platonicienne, on n’est plus astreint à représenter la pensée
mathématique dans la perspective du nombre. Quoique reconnait-il, avec cette ouverture sur le
monde indo- arabe au XIIème siècle, les mathématiques continueront d’évoluer sur des intuitions,
elles aussi basées sur des manipulations de nombres. Une évolution toujours placée sous
l’influence, sous l’inspiration de la pensée d’Aristote.

En effet : Jusqu’au XIIème siècle le Stagyrite (à expliquer : Nom sous lequel on a désigné parfois Aristote,
appelé aussi le philosophe de Stagire, parce qu'il était né dans cette ville de Thrace. Il s’agit d’une région
historique et géographique située en Europe du sud-est, dans la péninsule balkanique, comprise, du
nord au sud, entre le Danube et la mer Egée et limitée à l'est par la mer Noire, à l'ouest par les monts
Rhodope, à l'exclusion de la Macédoine. Elle s'étend essentiellement sur le territoire actuel de la Bulgarie)
était surtout connu pour ses travaux de logique ; mais à partir de cette époque, ses ouvrages seront
traduits et disponibles et placés à la portée de tous les érudits, grâce aux efforts de traduction, et
par le règlement de 1255, la Sorbonne (à expliquer : En 1253, le théologien Robert de Sorbon crée un
collège qui deviendra la Sorbonne, en 1257. Durant le Moyen Âge, l'université de Paris devient le plus
grand centre culturel et scientifique européen, attirant 20 000 étudiants.) prescrivit toutes les œuvres
d’Aristote comme textes obligatoires pour les candidats à la maitrise.
Je voudrais attirer votre attention sur deux points, importants, à mon avis, pour la suite de nos
échanges :
A- Premièrement, il faut noter qu’Aristote n’est pas à proprement parler un mathématicien
mais par sa vision philosophique des sciences, il a participé au développement des
mathématiques. Né en 384 avant Jésus-Christ à Stagire, en Grèce, Aristote reçoit
l’enseignement de Platon pendant vingt ans, à l’Académie, à Athènes. Platon ayant été lui-
même disciple de Socrate,

L’œuvre d’Aristote se déploie dans cinq grandes directions :

• La logique, qui se fonde sur l’étude du langage pour connaître le mode humain de la pensée et
dont Aristote est considéré comme le "père" ;
• La philosophie de la nature, qui se penche aussi bien sur l’étude de la marche des animaux
que sur l’existence d’un "premier moteur immobile" ;
• La métaphysique ou "philosophie première", selon l’expression qu’Aristote utilisait pour
dénommer la "science de ce qui est en tant qu’il est" qui débouche sur la découverte de l’Être
premier, Acte pur, Pensée de la Pensée (Dieu) ;
• L’éthique et la politique qui étudient l’homme attiré par le bien, dans l’amitié et la
contemplation, et coopérant avec ses semblables dans la cité ;
• La poétique et la rhétorique qui regardent l’homme s’exprimant dans la création littéraire et
les discours persuasifs.
Alors, il est important de retenir, toujours, pour la suite des échanges : qu’Aristote est avant tout,
et précisément, un biologiste. Et là je vais citer Armand Marie Leroi1, dans « La lagune. Et
Aristote inventa la science… Trad. de l’anglais par Catherine Dalimier. Publié aux éditions
Flammarion, en octobre 2017 ». Il nous dit :

La démarche aristotélicienne est guidée par la fin, la finalité ; la question « c’est en vue
de quoi ? » est reine. Il s’agit donc de comprendre une partie par sa finalité dans le tout
d’un être vivant, mais aussi de voir comment l’environnement et la matière (qui ne se
soumet jamais complètement au principe formel) orientent et contraignent la partie
finalisée, qui doit, d’une certaine manière, s’adapter ; « la nature de chacun choisit la
meilleure des possibilités à sa disposition ». En ce sens, la biologie d’Aristote présente une
véritable « gestion économique du corps ». Et plus loin, dans ses conclusions, Armand nous
dit : « la science moderne s’est bâtie sur les ruines de l’aristotélisme »

B- L’autre point à retenir pour mieux cerner le regard de Saint Thomas c’est la réalité de
l’enseignement des mathématiques à cette époque (à expliquer : quand je dis cette époque,
il faut voir le premier moyen âge. Après la chute de Rome au Ve siècle, le savoir classique
qui servait de fondement à l’instruction romaine fut en grande partie perdu pour l’Europe
occidentale. De nombreux génies illustres de l’Antiquité classique – parmi lesquels
Aristote, Platon et Euclide – écrivaient en grec, or la langue grecque tomba rapidement en
désuétude. Alors que certains traités étaient traduits en latin et circulaient en Europe
occidentale, la majeure partie du patrimoine classique savant demeura dans les régions
orientales de l’ancien empire romain et au Proche Orient.

Le contenu médiéval de cet enseignement ne correspondait pas, à ses débuts surtout, à l’Idéal
platonicien, le haut clergé avait fait choix d’une orientation beaucoup plus pragmatique. Des textes
gréco-romains sur les quatre sciences du quadrivium : l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie
et la musique ne seront disponibles que vers (470-524), L’enseignement du quadrivium faisait
suite à celui du trivium qui regroupait les trois disciplines de la grammaire, la logique et la
rhétorique. Et l’enseignement de l’arithmétique par exemple n’allait pas plus loin que les besoins
de comput ecclésiastique [Le comput ecclésiastique est un ensemble d'opérations permettant
de calculer chaque année les dates des fêtes religieuses mobiles et particulièrement celle
de Pâques. Ses éléments sont : le nombre d'or, l'épacte (nombre qui exprime l’âge de la lune et qui
indique le nombre de jours à ajouter à l’année lunaire pour qu’elle soit égale à l’année solaire), la lettre
dominicale (méthode utilisée pour déterminer le jour de la semaine à des dates particulières selon le
calendrier utilisé et l'année dans ce calendrier) le cycle solaire( est une période pendant laquelle
l'activité du Soleil varie en reproduisant les mêmes phénomènes que pendant la période de même
durée précédente. Cette activité solaire se caractérise par l'intensité du champ magnétique du Soleil
et par le nombre de taches à sa surface.) et l'indiction romaine (du latin indictio, « annonce » –,

1
Armand Marie Leroi est un biologiste et auteur. Il a passé sa jeunesse en Nouvelle-Zélande, en Afrique
du Sud et au Canada où il a obtenu son baccalauréat universitaire en sciences à l'Université Dalhousie à
Halifax en 1989. Il obtient son doctorat (Ph. D.) Il est16 juillet 1964 (Âge: 58 ans), en Wellington,
Nouvelle-Zélande
correspond à une imposition en nature, puis sous le Bas-Empire à une période d'actualisation des
bases fiscales, fixée à 15 ans. Sous la République romaine, le terme d'indiction n'apparaît que
rarement). Quant à la géométrie, elle ne comportait pas plus que des règles pour l’arpentage,
l’’architecture , et le tracé des cartes , auxquelles- nous dit Thomas d’Aquin, allait s’ajouter
quelques énoncés sans preuves des Éléments d’Euclide,.

Après le VIe siècle, l’enseignement du quadrivium fut principalement confiné aux monastères et
aux écoles cathédrales, et les préoccupations théologiques prirent le pas sur l’intérêt pour les
questions scientifiques – de l’étude des phénomènes naturels aux équations mathématiques)

En d’autres termes, l’emprise de la théologie était forte et puissante dans la construction de la


pensée scientifique, précisément la pensée des mathématiques.

Et ça évoluera. On devra attendre les traductions des anciens en arabes au XIIème et au XIIIème
siècle et l’introduction des chiffres et des méthodes indo – arabes en occident pour assister à un
certain essor des mathématiques. A partir de ces traductions, deviennent accessibles : les Eléments
d’Euclide, les Sphériques de Théodose, l’Almageste de Ptolémée, les ouvrages d’arithmétique et
d’algèbre d’Alkhowarizmi et d’autres traités scientifiques importants.

À noter qu’en dépit de ces traductions, le moyen-âge s’est intéressé bien peu à la géométrie grecque
et à ses possibilités de développement. Il a montré bien plus de curiosité pour les procédés de
numération, pour les règles et les artifices de calcul venus des orientaux et enfin pour ce qu’on
pourrait appeler l’interprétation numérique ou algébrique du mouvement.
Alors nous arrivons à une phase vraiment décisive dans l’histoire de la pensée mathématique
[l’interprétation numérique ou algébrique du mouvement]. Même si Platon avait bien vu la
nécessité d’élargir le concept du nombre entier fourni par les Pythagoriciens, et de donner droit de
cité au nombre irrationnel, il n’avait ni les moyens matériels (symbolisme numérique) ni les
moyens formels (principes et artifices de manipulations) de nous donner la loi de formation des
nombres réels.
Ce nouvel élan fournira enfin suffisamment d’outils à la critique décisive d’Aristote et
offrira à ce dernier les matériaux pour la constitution d’une logique qui devait remplacer désormais
les mathématiques comme instrument indispensable du raisonnement en même temps de
l’interprétation du monde. Ayant à leur disposition un Organon dès lors bien constitué, les savants
de la période alexandrine vont porter la géométrie grecque à son apogée, en subordonnant en
quelque sorte le nombre à la grandeur.
Il est entendu que ces conceptions dans le développement des mathématiques seront agitées en
fonction de la philosophie, plutôt qu’à la lumière d’une axiomatique. Mais il n’en reste pas moins
vrai que ces agitations s’inscriront dans la perspective historique du calcul infinitésimal et des
controverses sur le continu.
Il ne faut pas donc croire que le moyen-âge n’a fait preuve d’aucune originalité en
mathématiques. L’erreur de certains historiens des mathématiques dans leurs appréciations sur le
moyen-âge consiste à tirer des conclusions de simples comparaisons entre les mathématiques
médiévales et celles des anciens ou des modernes, du point de vue technique exclusivement. Or, il
convient de signaler que les mathématiques ne consistent pas uniquement dans l’élaboration de
méthodes et de procédés bien définis, mais encore dans la discussion des concepts et des caractères
de ces méthodes. L’histoire des sciences, et des mathématiques récentes en particulier, nous prouve
que le moyen âge a une large contribution dans le développement de la pensée mathématique
Saint Thomas d’Aquin n’a pas trop insisté sur toutes les implications conceptuelles et
méthodologiques de son époque. Mais ce qu’il nous a donné est d’une importance capitale pour
nous permettre d’étudier sa pensée mathématique
Ainsi nous pouvons signaler :
1- la place de l’abstraction dans sa doctrinée – tirée, en autres, dans les Sommes
théologiques. Où il écrit : « Comme tout savoir, les mathématiques dérivent aussi de
l’expérience en dernière analyse ; car l’âme n’a pas d’abord la connaissance en acte, mais
seulement en puissance : par rapport à la connaissance même, elle est une table rase sur
laquelle rien n’est gravé. Il n’y a donc pas de raison d’attribuer aux notions mathématiques
une position privilégiée, par exemple, en les considérant comme des idées innées ».
Ce qu’il faut comprendre dans cet énoncé : pour Thomas c’est l’intellect qui a la triple mission
d’abstraire la matière de l’objet de la connaissance, d’en concevoir l’essence, et de réfléchir enfin
sur les idées primitives qu’il a conçues directement des hoses sensibles. Nous, nous disons de
l’expérience. Mais c’est l’objet dans le monde des mathématiques ?
D’une façon, générale, il nous répond que c’est la quantité qui constitue l’objet propre des
mathématiques : « Quantitas quam comsiderat mathematicus » ; et encore, précise-t-il
« Mathematica quae considerat quantitaes, e ea quae quantitates consequuntur, ut
figuram » La quantité sous toutes ses formes, figure ou nombre, continue ou discrète, doit donc
déterminer le caractère spécial de cette connaissance.
Et Thomas d’ajouter que dans la modalité de l’abstraction mathématique, il faut rappeler que la
matière peut être décomposée sous un double aspect ; soit comme matière commune, soit comme
matière indivisible ; et suivant une division superposée, soit comme matière sensible, soit comme
matière intelligible. Materia intelligibilis dicitur substantia quod subjacet quantitati :
La matière sensible est celle qui tombe sous les sens ; tandis que la matière intelligible se rapporte
à une substance en tant qu’elle est soumise à la quantité).
En d’autres termes, Thomas nous dit clairement qu’en ce qui concerne les concepts
mathématiques, on ne saurait les considérer en dehors d’une substance sujette à la quantité ; car ce
serait alors faire abstraction de la matière intelligible commune sans laquelle il n’y a point de
concept. Une fois de plus, Thomas confirme son choix dans du réalisme d’Aristote qui avait déjà
affirmé : Les objets mathématiques caractérisent les choses naturelles dont ils ont été séparés par
abstraction simple.
Autre élément marquant dans la doctrine de Saint Thomas sur les mathématiques c’est la certitude
mathématique. Et là encore nous le trouvons dans la veine de la pensée aristotélicienne. Il
comprend que : Ce n’est pas uniquement en raison du caractère particulier de la démonstration
de ses propositions, que la science des nombres et de l’étendue possède un plus grand degré de
certitude ; mais bien en raison du monde d’appréhension des notions et des principes de cette
science.
La certitude de la connaissance mathématique affecte aussi bien son objet que son mode de
développement. En ce qui concerne la vérité des concepts mathématiques, elle résulte du fait qu’ils
sont abstraits et en quelque sorte séparés des objets individuels qui nous ont fourni les éléments.
En vertu de leur nature propre comme êtres de raison et de la perfection de leurs définitions, les
objets mathématiques permettent de développer leurs implications et leurs relations avec une
grande certitude. En raison des termes mêmes qu’elles utilisent, les notions mathématiques sont
en un certain sens, décisives et ne permettent pas de contradiction. Ainsi l’idée du cercle implique
nécessairement la rotondité, tandis que cette qualité n’est pas indispensable à d’autres concepts.
Ainsi les concepts mathématiques possèdent ce qu’on pourrait appeler une antitypie rationnelle
qui les empêche de recevoir des attributs ou des postulats incompatibles avec leur supposition et
leur signification propre.
De plus, la certitude de la preuve en mathématique se trouve renforcée par le procédé même de la
discipline de cette science, qui la rend plus certaine et plus facile en un sens que la physique , la
métaphysique, et toutes les sciences pratiques. C’est pourquoi les mathématiques servent dans la
démonstration d’autres sciences plus complexes, mais non conversement : De manière converse,
dans un rapport de dépendance ou de réciprocité.

Les mathématiques symbolisent cette discipline qui suit les étapes de la méthode démonstrative si
bien décrite dans l’Organon aristotélicien. Elles comportent des principes premiers se rapportant
directement aux objets mathématiques, et des règles d’inférence en conformité avec les lois
logiques de la pensée.
Quant aux principes spécifiques mathématiques, ils sont également saisis par une intuition
rationnelle ou encore par induction. Mais ils n’ont pas besoin de preuve, et ils doivent être postulés
comme tels, selon le principe : Nulla scientia probat principia sua, sed probat alia ex
eis.
Soulignons que : Seule la métaphysique peut soulever la question de la valeur de ces principes et
en proposer la solution.
Je m’arrête ici. Mais vraiment avec douleur, il y aurait lieu d’insister sur un tas de questions plus
spécifiques susceptibles de nous aider à découvrir toute la profondeur de la pensée de Thomas
d’Aquin. Mais hélas, le temps nous fait la guerre !
En attendant, essayons de tirer quelques conclusions d’ensemble sur la valeur intrinsèque de la
connaissance mathématique d’après Saint Thomas.
En premier lieu : Les idées de Thomas sur les mathématiques s’intègrent parfaitement dans son
épistémologie générale, et celles-ci y occupent la place qui leur revient en propre dans la hiérarchie
de nos connaissances ;
En second lieu, il apparait que ces idées suivent de près la pensée d’Aristote sur ces mêmes
questions ; elles divergent des intuitions platoniciennes que certains historiens modernes tiennent
à tort pour être justes plus justes que l’enseignement du Stagyrite.
En troisième lieu, il semble que Saint Thomas affine et perfectionne le réalisme mathématique
d’Aristote en introduisant des distinctions plus précises sur la nature des objets mathématiques.
Je terminerai en vous rappelant, chers élèves, que le regard de Saint Thomas d’Aquin sur les
mathématiques est aussi un lieu idéal pour nous rappeler un fait, un qui n’est pas des moindres :

« Il y a 2 400 ans, sous le soleil de la Méditerranée, Platon et Aristote se croisent pour ce qui sera
une des plus importantes rencontres de l'histoire. Leur controverse philosophique nous est encore
utile pour penser notre monde actuel ».

Bibliographie :
1- La connaissance mathématique (d’après Saint Thomas D’Aquin). Thomas GREENWOOD
2- L’INCARNATION, LES MATHEMATIQUES ET LA PHILOSOPHIE. Emmanuel Brochier
3- Le Fondement Philosophique des Mathématiques. Jean BEAUFRET
4- Eloge des mathématiques. ALAIN BADIOU avec GILLES HAÉRI
La lagune. Et Aristote inventa la science… Armand Marie Leroi

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