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Romanisches Seminar

Hélène Carles / Seraina Montigel

Introduction à l'ancien français

Semestre de printemps 2021


Romanisches Seminar

La fragmentation de la Romania

Introduction à l'ancien francais, Hélène Carles


Romanisches Seminar

0. Périodisation de l’étude diachronique

langues
langues
latin romanes langues langues romanes
romanes
médié- romanes contemporaines
médiévales
vales modernes
écrites
orales

-700 J.-C. 700 1100 1500 ca 1880

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La fragmentation de la Romania

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1. L'expansion du latin
« Au VIIe s. av. J.-C., le latin n'était parlé que dans une zone très
restreinte de l'Italie centrale, correspondant approximativement à la
moitié de la région moderne du Lazio, au sud du Tibre. » (Glessgen
2012 : 338)
« Ensuite, le latin s'imposa, parallèlement à l'expansion romaine,
comme langue de colonisation dans une grande partie du monde
méditerranéen et européen. Les grandes conquêtes s'échelonnent
pendant un demi-millénaire. » (Glessgen 2012 : 338)

la base latine

-700 J.-C. 700

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1. L'expansion du latin
La fragmentation de la Romania

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2.1 Les variétés écrites du latin ap. J.C.

latin latin latin tardif latin


classique impérial médiéval

J.-C. I II III IV V VII XVI

VII J.-C. VII


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2.2 Les variétés orales du latin ap. JC


Ø Une variété normative issue du latin classique: le Latin normatif
Variété orale de haut prestige, standardisée sur la base du latin classique,
pratiquée par l’élite; gardera son prestige jusqu’au 16e s., langue de
distance linguistique. A pu connaître une évolution diachronique
et parallèlement,
Ø Une variété non normative qui est la base des langues romanes: le
protoroman (‘latin vulgaire' chez Coseriu) différent selon les endroits

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2.3 Définition du protoroman


Ø Une variété non normative qui est la base des langues romanes
ü Seulement une partie de ce latin oral est attestée à l'écrit (via le latin
classique, impérial ou tardif). On emploie souvent ‘protoroman’ par
métonymie pour désigner le latin oral non attesté à l’écrit et non pas
l’ensemble.
ü Il n'est pas limité chronologiquement à une période étroite. Il s'arrête
après 700, quand les langues romanes sont formées.
ü Il peut être régionalisé (= diatopiquement marqué) ou marqué
socialement (= diastratiquement marqué), en particulier le
protoroman non attesté (jugé indigne d’être mis à l’écrit).

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2.4 Comment observer le protoroman?


Puisqu'il a été essentiellement oral (que très partiellement écrit), comment
les linguistes peuvent-ils l’appréhender?

Si l’on se réfère à l’inventaire de Dell Hymes (1927-2009), linguiste américain:


1. les données issues des enquêtes de terrain auprès des locuteurs; NON
2. les données écrites primaires; PEU car prédominance lat. normatif
3. les données écrites métalinguistiques; TRES PEU (Appendix Probi)
4. les données tirées de l’introspection; NON
5. les données tirées de la reconstruction; OUI!

à caractère indispensable de la grammaire-comparée reconstruction


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La fragmentation de la Romania

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3. Les facteurs déterminants de la variation du


protoroman
Trois facteurs qui déterminent la variation du protoroman:

1. La diatopie (= la variation dans l'espace)


2. La diastratie (= la variation selon les groupes sociaux)
3. La diaphasie (= la variation selon la situation communicative)

latin tardif

J.-C. I II III IV V VI VII

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3.1 La diastratie
+

latin normatif
(standardisé)
langue de communication de référent stable
prestige/standardisation

l‘élite écrite et orale, pendant longtemps


caractère officiel
grande différence!

protoroman (latin oral)


langue de communication des
colons, soldats, marchands, descendants
etc. qui ont apporté leur immédiats,
langue dans la Romania; les langues romanes
emploi quotidien
-
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3.1 Un exemple concret: les Appendix Probi


q On peut appréhender la variation diastratique du latin de manière
directe, notamment par les témoignages métalinguistiques ou les
graffitis
à Ex. les Appendix Probi: Liste d'observations linguistiques réunies au
5e s. dans un ms de grammaire entendant corriger les fautes de l‘oral

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3.1 les Appendix Probi
speculum « miroir »
masculus « mâle »
articulus « articulation »
calida « eau chaude »
= syncope (chute) de la voyelle
posttonique
vetulus « quelque peu vieux »
= hypercorrection de <i>
syncope suivie d’une palatalisation /t’l/
> /k’l/

nurus « belle-fille », socrus « belle-


mère », acer « pointu » ,pauper mulier
« pauvre femme » changement de
déclinaison par analogie
fax « torche », catulus « petit chien », anus (approchement morphologique)
« anneau », neptis « petite fille », iuvencus « jeune auris « oreille » > auricula > oricla > fr.
(animal) » = ajout ou substitution de suffixe avec ou oreille= ajout de suffixe pour expressivité
sans recatégorisation morphologique

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Hélène Carles Méthodologies en histoire de la langue
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3.2 Un autre facteur de la variation: la diatopie


Ø Phénomène de régionalisation dès le début
«variation dans l'espace qui préparait la future différenciation territoriale des
langues romanes» (Glessgen 2012, 344)
à peu de traces (phonétiques, lexicales) mais réelles cf. Adams 2007
– Ex. 1: divergence des systèmes vocaliques (différents pour le sarde,
roumain, sicilien entre autres)

Lat. Ī Ĭ Ē Ĕ Ā Ă Ŏ Ō Ŭ Ū
fr. i e ɛ a ɔ o u
sic. i ɛ a ɔ u

– Ex. 2: choix différents pour le futur périphrastique: cantare habeo (fr.


chanterai, it. canterò, esp. cantaré) ; voleo cantare (roum. voi cânta), debeo
cantare/habe (ad) cantare (sard.logoud. apo a cantare)
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3.3. Pourquoi une régionalisation?


Les facteurs externes: les contacts linguistiques
Ø Situation de diglossie: c'est-à-dire que les anciennes langues
maternelles (substrats) coexistent à présent avec le latin. Par ex.:
en Gaule, avant l'arrivée des Romains, on parle seulement gaulois;
après, on parle le gaulois ET le latin.
NB: Répartition des langues selon le contexte de communication: pour le
commerce à courte distance: vernaculaire local (gaulois); pour le commerce à
longue distance: latin).

=> Théorie des substrats:


Ø la fragmentation de la Romania serait due à la différence entre les
langues substrats, à cause de différences de prononciation et de
prosodie notamment. Mais très peu de preuves tangibles: très
faible connaissance de ces langues substrats.
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4. Les substrats
• Sud-ouest: langue de l’Aquitaine
(ibérique, ancêtre du basque ?)

• Centre: celtique (nombreux


dialectes mal connus)

• Nord-est: celtique (Belgae)

• Sud-est: ligure (très peu


d’informations), celtique, grec
(colonies installées)

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4. Les substrats

ue protoroman
iq
lt
ce

ibérique, ligure, grec


basque

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4. Les substrats: leur impact

Ø Les substrats ne sont probablement pas le facteur principal de la


fragmentation de la Romania.
Ø Mais ils ont entraîné des changements dans le lexique et dans la
toponymie

ü Lexique (v. exemplier sur Olat)


ü Toponymie: noms des rivières, d'habitats, de montagnes
maintiennent les noms gaulois) Cf. Exemplier LV-Celtismes
Ex.: fr. NL Riom < lat. NL *Rigomago
< gaul. NL *Rigomago
< gaul. rico+ò+mago ‛roi+marché’

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Exemplier celtimes, extraits de Kesselring 1973

Seite 19
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5. Les superstrats

Ø 5e s.: chute de l'Empire Romain → invasions d'autres nations

Ø Superstrat = langue d'une population qui vient s'ajouter à celle des


autochtones: invasions, migrations
– Peuples germaniques (5-6e) :
- Francs (N-E)
- Wisigoths (S-O)
- Burgondes (E)

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5. Les superstrats

Francs

protoroman Burgondes
régionalisé

Wisigoths

http://miltiade.pagesperso-orange.fr/rome-gaule.htm
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3.2 Les superstrats: leur impact

L influence du francique devait être limitée:

En principe, le domaine ou les Francs étaient le plus présents aurait dû


se caractériser par une langue différente des régions ou la
concentration était moindre (cf. le cas du nord-est de la France).

Or la ligne linguistique au Moyen-âge entre le Nord et le Sud de la


France ne correspond pas à la limite du domaine atteint pas les Francs
(à peu près la Loire).

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5. Les superstrats: leur impact

Ø Néanmoins, influence germanique réelle (plus forte que celle du


substrat) sur le lexique

ü ex. sur l'exemplier ‘Germanismes’: baron, marquis, fief


ü Lexique de la hiérarchie, de la guerre et de la vie rurale: bouclier,
heaume, la haie, jardin, le hêtre etc.

Ø NB: Influence moindre au niveau phonétique, morphologique ou


syntaxique
cf. fr. on, pronom indéfini générique en parallèle avec all. man

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Exemplier germanismes, extraits de Kesselring


1973

Seite 26
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5. Les superstrats: leur impact

Ø Anthroponymie:
ü Abandon du système latin pour un système plus simple a
un nom, ensuite deux à partir du 12-15e s.
ü ‘Mode’ des noms germaniques : Albert, Gérard, Richard,
etc.
ü Au 10e s.: 90% des noms de personne sont d'origine
germanique

Ø Toponymie:
ü Ex. noms de lieu en -anges (< germ. -ingas), -court, -ville, -
villier.

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