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access to Revue de Métaphysique et de Morale
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7. « Or, bien que Brentano ne soit pas tombé dans Terreur de tout réduire, à la
manière du sensualisme, à de simples contenus primaires, bien qu'il ait même
reconnu le premier la séparation radicale des contenus primaires et des caractères
d'actes, sa théorie du temps montre pourtant qu'il n'a précisément pas pris en
considération les caractères d'actes décisifs en la matière. » (Leçons, op. cit., p. 30).
« La conscience rétentionnelle contient réellement une conscience du passé du
son, un souvenir primaire du son ; elle n'est pas à décomposer en son senti et en
appréhension comme souvenir. » (Leçons, op. cit., p. 47).
8. Volume X des Husserliana , p. 319.
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lisierung von Raum und Zeit und die wesentlichen Disanalogien » 12. Husserl
y souligne dès le départ la particularité de leurs relations réciproques :
« Aucune modification dans l'espace n'est possible sans modification dans
le temps. Mais pas la réciproque » 13.
Utilisé sans précaution, ce parallèle suggère inévitablement, surtout si le
schéma noético-noématique est sous-entendu, l'origine du temps dans la
perception du changement. Cette explication est peut-être vraie, mais elle
n'est pas évidente. Il suggère par ailleurs toute une métaphorique visuelle
pour décrire la conscience intime du temps et dont le point culminant est
< le diagramme du temps ».
Husserl lui-même n'utilise pas le terme, lourd de sens et qui présuppose,
entre autres choses, le caractère linéaire du temps. Le dessin présenté par
E. Stein au paragraphe 10 des Leçons comme le « diagramme du temps »,
est l'un des modèles présents dans les manuscrits. Husserl appelle ceux-ci les
« figures du temps ». Par ces figures, Husserl essaie, au moyen de lignes et
de lettres ou, parfois, de lettres seulement, de formaliser certaines structures
fonctionnelles du temps.
L'idée d'Edith Stein de présenter un diagramme du temps détourne, à
mon sens, la discussion sur la conscience intime du temps de sa probléma-
tique essentielle, à savoir, d'après les termes de Husserl lui-même, « l'a priori
du temps » 14. Prenant en compte la complexité de la problématique, un
seul modèle formel ne pourra jamais représenter suffisamment d'aspects de
la conscience du temps pour traiter de ces a priori. Edith Stein a choisi,
parmi les « figures du temps », celle qui lui a semblé la plus universelle et,
en la modifiant légèrement, l'a présentée comme « le diagramme du temps » 15.
En interprétant ce diagramme, relativement transparent pour notre ima-
gination, on est tenté d'y trouver une représentation de la conscience du temps
comme surface et de voir même cette surface comme une métaphore du
«flux». Or une ligne n'est pas une représentation adéquate et suffisante
de la succession des phases d'écoulement du temps. En effet, soit elle
nécessiterait alors l'introduction au sein du diagramme d'un paramètre expri-
mant le mouvement de la succession, paramètre qui représenterait à lui seul
l'essentiel du temps, soit le diagramme devrait être conçu d'un point de
vue temporellement neutre, hors temps, où la représentation de toutes les
phases « à la fois » serait possible. De même, lorsque nous parlons d'une
surface, on sous-entend son caractère homogène et on néglige les particula-
rités des relations entretenues entre les éléments de chacune des trois direc-
tions : horizontale, oblique et verticale16.
La métaphore du flux relève, par ailleurs, de ces concepts qui font défaut
à notre imaginaire (principalement visuel) ; comme le souligne Husserl :
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« les noms nous font défaut ». Elle ne peut certainement pas, surtout nantie
des propriétés données par Husserl à ce flux de la conscience 17, être repré-
sentée comme une surface bidimensionnelle. La difficulté de saisir ce flux
est plus grande encore que celle d'imaginer la continuité à partir d'une
suite discrète de points ou les relations entre les infinis. Bolzano, pour
Husserl éprouvait un grand respect (au point d'etre l'un des seuls à prendre
connaissance de la totalité des quatre lourds volumes de sa Wissenschafts-
lehre), disait, à propos des difficultés de ce type, qu'il y a des choses
« difficiles à imaginer, mais qu'il suffit que la raison les saisisse » 18, par
exemple par des moyens mathématiques. L'élaboration des concepts et d'un
langage permettant de parler de ce « dernier absolu », qui apparaît dans les
analyses du temps, est une tâche phénoménologique 19.
L'édition préparée par Edith Stein n'est, finalement, suffisante ni pour
saisir les idées de Husserl sur le temps dans toute leur complexité, ni pour
comprendre la particularité de la manière dont Husserl approche les pro-
blèmes de la constitution de la conscience intime du temps. Cette manière
dévoile pourtant l'essentiel de l'attitude phénoménologique. Je pense ici à
l'attitude phénoménologique de Husserl, qui n'est peut-être pas l'attitude la
plus courante parmi les phénoménologues. La phénoménologie husserlienne
du temps ne doit pas (et ne peut pas) servir à la phénoménologie dans ses
aspirations à être un système. Le « dernier absolu » recherché ne doit pas
garantir la synthèse phénoménologique radicale, celle qui garantit l'unité de
l'intentionnel et du sensoriel en dehors de leur unité de fait dans l'acte
de la perception 2° (la « Rédaction de Stein » va dans ce sens). L'attitude de
Husserl est une attitude descriptive. Il part de la connaissance intuitive des
phénomènes qu'il analyse, avec, comme seul critère (alors rigoureux), l'évi-
dence apodictique, pour découvrir ce qui, dans la multiplicité des appari-
° - p
OE : suite de
OE' : descent
EE' : continu
17. « (...) nous
dégradés. Mai
en une succes
s'écouler exac
" plus lentem
flux du temp
conscience n'e
18. Cf. Bolzano, Die Paradoxen des Unendlichen.
19. Ct., par exemple, « La presentihcation du passe et la question dune méta-
physique de la présence. Notes sur la temporalité chez Husserl », Sur la Tempo-
ralité, Vintentionnalité, l'imaginaire, Cabay, Louvain-la-Neuve, 1982.
20. G. Granel, Le Sens du temps et de ta perception chez Husserl, Gallimard,
1968.
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