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INTERVIEW | Chef du Parti mauritanien du renouveau (Pmr), ancien candidat à l’élection présidentielle de 2007, Rachid
Moustapha dénonce le silence et la complaisance de la communauté internationale à l’égard de la junte au pouvoir dans
son pays.
Depuis août dernier, le président mauritanien, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi
est assigné à résidence. Au cours de l’été, un coup d’Etat éclair a vu le retour au
pouvoir des militaires. Le général Mohamed Ould Abdel-Aziz a pris les commandes
du pays. La communauté internationale a protesté. Puis, rien!
C’est une mascarade! La junte contrôle l’appareil d’Etat et les banques. Elle prépare un scrutin taillé sur mesure pour se draper
d’une légitimité qu’elle n’a pas. Les militaires sont au pouvoir depuis vingt-cinq ans. Ils n’ont jamais rien réalisé en termes
d’infrastructure, de développement et de modernisation du pays. Ils ont fait main basse sur les richesses du pays. C’est tout!
Que réclamez-vous?
Nous voulons juste le retour à l’ordre institutionnel. Il y a un président élu et son mandat s’achève dans trois ans. Nous réclamons
son retour au pouvoir. La Mauritanie a besoin de stabilité et d’une gestion saine. Le pays a des ressources et des potentialités.
Nous regorgeons de matières premières, telles que pétrole, nickel, uranium, or, diamants… Nous avons aussi 750 km de côte. Ce
qui offre des perspectives de développement pour la pêche, mais aussi dans le domaine du tourisme.
Il y a trois millions d’habitants et les gens de mon âge sont exaspérés. Ils veulent que le pays avance. L’armée n’a jamais cessé de
tirer les ficelles. Même élu, le président se trouvait soumis au pouvoir des militaires. Ils ont fait capoter un projet de construction
d’un hôtel cinq étoiles qui aurait été un formidable atout pour l’économie du pays.
Pour attirer l’attention de la communauté internationale sur ce qui se passe en Mauritanie. Le silence de l’Europe et de l’ONU
atteste d’un certain relâchement. On a malheureusement le sentiment que de nombreux pays acceptent la situation comme un fait
accompli. Je m’efforce de rappeler au monde que ce n’est pas un régime démocratique, mais un régime militaire qui agit en
dehors du droit.
30 janvier 2009 - GENEVE - Rachid Moustapha, président d'un parti mauritanien d'opposition, appelle ses compatriotes à la
désobéissance civile pour ramener la démocratie en Mauritanie. Presque une première dans la région. Las des promesses de la
communauté internationale, les Mauritaniens oseront-ils se soulever pacifiquement ?
Marre des coups d'Etat. Marre des généraux qui se succèdent au pouvoir depuis 1978. En trente ans, la Mauritanie n'a connu
qu'une parenthèse démocratique d'un an et demi, sous la présidence de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, entre 2007 et 2008.
Renversé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz le 8 août 2008. Rachid Moustapha, le jeune président du Parti mauritanien
pour le renouveau, a choisi une méthode originale pour ramener la démocratie dans son pays : la désobéissance civile. En tournée
dans les capitales européennes, il était mardi à Genève pour appeler le Secrétaire général de l'ONU à ne pas laisser les
Mauritaniens seuls face au pouvoir militaire.
« Il y a six mois, la communauté internationale a condamné le putsch militaire et exigé le retour à l'ordre constitutionnel. Mais la
junte n'a pas donné suite à cet appel. Elle réprime arbitrairement les démocrates et use de légitimations fantoches, comme la
promesse d'élections – illégitimes – en juin prochain. Pour ramener au pouvoir le président démocratiquement élu et résister à
l'oppression, j'ai appelé mon peuple à la désobéissance civile » affirme Rachid Moustapha.
Ne pas se soumettre à la loi des putschistes, considérée comme inique et injuste. Organiser des grèves générales et des
manifestations dans les écoles et les universités, occuper les établissements publics. Même si la population n'avait pas réagi au
énième coup d'Etat, le jeune politicien affirme que son appel commence à être entendu : vingt-deux partis d'opposition se sont
associés dans un front démocratique, quelques villes se mobilisent, les conférences de presse se multiplient et les internautes
s'opposent à l'installation définitive de la junte au pouvoir. Le 22 janvier, des gens ont manifesté contre l'interdiction faite au
président déchu de se rendre dans la capitale, après la levée de son assignation à résidence surveillée par la junte militaire.
Si la désobéissance civile a eu un impact certain dans l'Inde de Gandhi et les Etats-Unis de Martin Luther King - et, plus
récemment, au Burkina Faso et au Mali – peut-elle avoir un écho en Mauritanie ?
« C'est un phénomène rare dans le monde arabe, reconnaît Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde
arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève. Mais c'est très intéressant, car c'est une forme de lutte pacifique qui ouvre de
nouvelles perspectives dans la région. » Un appel similaire avait été lancé par le Front islamique du salut (FIS) en Algérie, après
les élections municipales de 1991, pour exiger le départ du président Benjedid. Mais il était resté sans suite, car il ne concernait
qu'Alger et la base militante du FIS.
« Cet appel a une certaine légitimité car Rachid Mustapha est un ancien candidat aux élections présidentielles. Même s'il est un
peu déconnecté de la réalité : en tant qu'homme d'affaires prospère, il vit entre Paris et Nouakchott. Mais l'argument est porteur
parce que les Mauritaniens sont fatigués de subir coup d'Etat sur coup d'Etat » souligne Hasni Abidi.
A-t-il une chance d'être entendu ? « J'en doute, car la police est restée fidèle aux putschistes. Le problème est que la classe
politique est divisée entre pro-putschistes et pro-constitutionnalistes. Mais les Mauritaniens ont compris que les Etats-Unis et
l'Union européenne ont baissé la garde et que c'est à eux de chasser le général Abdel Aziz. »
Drôle de coup d'Etat que celui du 8 août 2008, en effet, où on renverse le président, mais on laisse fonctionner le parlement et le
gouvernement. « La junte a restreint les libertés et muselé la presse, mais l'espace démocratique n'est pas complètement mort,
continue Hasni Abidi : les partis politiques sont nombreux et certains appellent au départ du général Abdel Aziz. Le débat est vif
et la rue bouge. »
« La Mauritanie a besoin de stabilité politique pour asseoir son développement, renchérit Rachid Mustapha. Réduits à la misère
dans un pays potentiellement parmi les plus nantis de la région, les Mauritaniens en ont assez de voir les richesses nationales
dilapidées au profit de quelques uns. Notre peuple n'a pas peur de la répression. C'est un peuple modéré qui demande le départ des
militaires par des actions pacifiques. Mais il va devenir de plus en plus intransigeant. La communauté internationale est avertie : la
patience des Mauritaniens commence à atteindre ses limites