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Caractéristiques du thème
💡 Est-ce un thème original ?
En Prépa ECG/HEC, le thème « la violence » n’est jamais tombé depuis les années
1990. Le seul thème passé qui s’en rapproche est « le mal » (2001).
Alors que la violence est une obsession de l’être humain — elle est avec la sexualité,
un des deux stimuli les plus puissants pour capter son attention — on ne peut
cependant pas dire qu’elle soit un thème classique en culture générale :
● les grandes œuvres de la littérature et de la philosophie occidentales ne traitent
pas spécifiquement de la violence (si ce n’est de manière adjacente,
lorsqu’elles traitent de la guerre notamment) ;
● ce n’est pas une notion du programme de philosophie de terminale ;
● ce n’est pas un axe du programme de culture générale de 1 ère année.
En conclusion, le thème de la violence est plutôt original.
Définitions essentielles
💡 Comment définir la violence ?
Sur le plan de l’étymologie, le nom commun « violence » vient du latin violentia, qui
signifie essentiellement « force », et qui sert notamment à qualifier la capacité de
certains phénomènes naturels à faire subir une contrainte physique à l’homme (la
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force du vent, par exemple). Le mot latin violentia vient lui-même du latin vis, qui
signifie également « force », mais au sens de « force vitale », d’« énergie en action »,
c’est-à-dire ce qui fait mouvoir les êtres vivants. Dans cette perspective, la violence
est liée à la vie elle-même.
L’idée que suggère l’étymologie latine est donc qu’il y a violence lorsque l’énergie qui
anime la vie se fait sentir physiquement (au point d’engendrer un dommage).
En français, le sens le plus courant du nom commun « violence » concerne en effet
les actions physiques et les comportements.
Pour faire simple, il faut distinguer deux usages du mot « violence » :
1. La force elle-même — C’est le fait d'agir sur quelqu'un ou de le faire agir contre
sa volonté en employant la force ou l'intimidation. Les dommages sont en
général physiques, mais ils peuvent être, et ils sont de plus en plus
psychologiques (comme dans le harcèlement). On parle par exemple de la
violence révolutionnaire, des violences policières, ou de la violence conjugale.
Dans cet usage, la violence s’oppose à la paix et à l’ordre.
2. La manière d’être de la force — C’est essentiellement le fait que la force n’est
pas contenue (et l’homme estime qu’elle devrait l’être parce qu’elle risque
d’engendrer un dommage). On parle par exemple de la violence du vent, de la
violence d’un coup (le coup constituant en lui-même une violence), ou de la
violence d’une accusation. Dans cet usage, la violence s’oppose à la mesure.
La langue ordinaire distingue certaines formes de violence, dont notamment la
violence physique, la violence verbale, la violence psychologique, la violence
sexuelle, ou encore la violence structurelle (lorsque l’organisation de la société, la
configuration hiérarchique de ses éléments est source de violence) et la violence
symbolique (idée issue de la sociologie de Bourdieu).
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Gardez donc bien à l’esprit, lorsque vous lisez ou écoutez ma synthèse, que l’intérêt
est d’avoir une bonne perspective d’ensemble du thème. Ainsi, vous vous repérerez
mieux dans le champ intellectuel sur lequel vous devrez disserter cette année.
Mais l’instinct déraille dans les grands groupes (dits « artificiels »). La distance
entre les individus les empêche de se connaître intimement et de communiquer
efficacement, d’où l’échec de la ritualisation. De surcroît, les armes et l’inventivité
technique humaines démultiplient les ravages.
Le zoologiste autrichien du XXe siècle Konrad Lorenz met par exemple en évidence le
fait que les armes modernes engendrent un aléa moral : l’homme qui appuie sur un
bouton n’a pas à en subir les conséquences.
L’homme serait donc un animal agressif qui pratique à vaste échelle ce qui passe
chez les autres animaux pour une défaillance de l’instinct.
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La primatologue britannique Jane Goodall rétablit la vérité dans les années 1960.
Observant des chimpanzés dans leur milieu naturel sur de longues périodes (ce
qu’elle est la première à faire), elle montre que l’agression mortelle fait partie du
répertoire normal du comportement des chimpanzés. En particulier, un groupe de
chimpanzés mâles peuvent faire preuve d’une sauvagerie meurtrière lorsqu’ils
rencontrent un plus petit groupe d’une autre communauté ou un individu isolé (si
c’est une femelle, ils peuvent la violer, voire tuer et même manger son petit).
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nourriture seuls, car les arbres à fruit sont distribués de manière irrégulière sur le
territoire.
Les bonobos sont d’autres primates (dont les hommes sont proches) apparemment
peu portés à la violence. Ils ont même été surnommés les « chimpanzés hippies » (le
bonobo est un chimpanzé nain) parce que cette espèce serait à la fois pacifique,
matriarcale, voluptueuse (ils dissocient la sexualité de la reproduction) et herbivore
(ils ont donné leur nom à un restaurant végétarien de New York). Cette vision est
cependant à nuancer, car les groupes de bonobos qui l’ont inspirée sont privilégiés.
On a constaté que les groupes moins privilégiés sont plus agressifs (quoique plus
pacifiques que les chimpanzés communs).
On peut également éclairer la propension à la violence des ancêtres de l’homme en
s’intéressant aux tribus de chasseurs-cueilleurs.
On a cru jusqu’à la fin du XXe siècle que leur violence était très limitée (notamment
en comparaison des carnages dont sont capables les sociétés plus avancées). On
pensait que les affrontements tribaux étaient essentiellement rituels et symboliques.
À quoi ressemblaient-ils ? Concrètement, deux camps se menacent et s’insultent à
distance ; ils se visent avec des flèches et des lances ; puis ils arrêtent les frais dès
les premiers blessés ou tués. L’historien américain William Eckhardt, qui a écrit une
histoire quantitative de la guerre en 1992, estime que les tribus étaient trop petites et
qu’elles avaient trop peu d’armes pour mener une guerre d’envergure.
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Cet anthropologue américain estime même que la guerre préhistorique était plus
meurtrière (en proportion de la population) que la guerre moderne, et que ce que
nous appelons des « génocides » étaient monnaie courante.
Voici quelques autres faits révélateurs :
● selon les enquêtes ethnographiques, environ les deux tiers des groupes de
chasseurs-cueilleurs sont en guerre au moins une fois tous les deux ans ;
● ces groupes se battent souvent pour se venger, et c’est ce motif qui les incite à
massacrer leurs ennemis jusqu’au dernier, afin d’éviter un match retour ;
● les guerriers sont capables d’atrocités (par exemple, ils imbibent les pointes
des flèches de poison, ils les conçoivent de manière à ce qu’elles se brisent au
moment de l’impact, ou encore ils torturent leurs prisonniers) ;
● le cannibalisme est largement répandu dans la préhistoire humaine, au point
que nous posséderions des gènes qui protègent des maladies transmises par
les pratiques cannibales.
Pour faire simple, les deux positions clés sont, d’une part, la vision pessimiste
développée par Thomas Hobbes, un philosophe anglais du XVIIe siècle, dans le
Léviathan ; et d’autre part la vision optimiste développée par Jean-Jacques
Rousseau, un philosophe genevois du XVIIIe siècle, dans son Discours sur l’origine
de l’inégalité. Leur désaccord fondamental découle de leurs conceptions différentes
de l’état de nature, c’est-à-dire la condition (hypothétique) des êtres humains avant
l'établissement de la société et des lois.
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Ces types de violence peuvent exister aussi bien dans une tribu d’une centaine
de chasseurs-cueilleurs que dans une nation de 70 millions de citoyens.
● L’économie met en lumière la rentabilité de la paix. Le commerce est un jeu à
somme positive, c’est-à-dire que toutes les parties gagnent à coopérer. Or, le
commerçant a intérêt à ce que ses clients et ses partenaires soient animés par
des sentiments favorables à son égard. C’est la fameuse idée du « doux
commerce », selon laquelle les interactions économiques pacifient les rapports
humains. Les choses semblent toutefois plus compliquées dans les faits.
« Nous sommes des hommes à qui Zeus, je le vois, inflige le destin de dévider
le fil des guerres douloureuses, de nos plus jeunes ans jusqu’à notre vieillesse,
jusqu’à l’heure où chacun de nous doit succomber. »
Ulysse dans l’Odyssée d’Homère
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L’Ancien Testament (qui est la première partie de la Bible chrétienne, composée d'un
ensemble de textes religieux et historiques du peuple juif) offre un aperçu des vies et
des valeurs des civilisations proche-orientales au milieu du I er millénaire avant J.-C.
Or, la violence est un thème majeur de l’Ancien Testament.
Parmi les épisodes de violence les plus célèbres, on peut citer :
● le meurtre d'Abel par son frère aîné Caïn, ce qui fait de Caïn le premier meurtrier
de l’humanité (Abel et Caïn sont les fils d’Adam et Ève) ;
● le massacre des habitants Sodome et Gomorrhe (qui sont des villes voisines) :
Dieu décide de les engloutir dans un déluge de soufre et de feu pour punir leurs
péchés (que les théologiens réduiront à la sexualité non reproductive) ;
● le sacrifice d'Isaac : les valeurs morales d’Abraham, le père du peuple hébreu,
sont mises à l’épreuve lorsque Dieu lui ordonne d’emmener son fils Isaac au
sommet d’une montagne, de lui lier les mains, de l’égorger et de brûler son
corps en guise de sacrifice — Isaac n’est épargné que parce qu’au dernier
moment, un ange vient arrêter la main du père.
Les récits de l’Ancien Testament incluent les violences les plus graves : l’esclavage,
le viol, la torture, la mutilation, le sacrifice, et même le génocide de tribus voisines. Ils
banalisent la peine de mort, prescrite pour l’adultère, l’homosexualité, le manque de
respect envers les parents, ou encore le blasphème. Comme l’illustre l’épisode de
Sodome et Gomorrhe, la justice divine est d’une sévérité extrême : elle autorise le
génocide de peuples entiers (Hittites, Amorrites, Cananéens, etc.). La vengeance
humaine est légitimée par la loi du talion, qui apparaît à plusieurs reprises avec la
même image de l’œil et de la dent. Enfin, les pauvres animaux prennent cher. Ils sont
régulièrement sacrifiés pour honorer Dieu, célébrer des fêtes religieuses, expier les
péchés, ou encore sceller des alliances.
« Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour
dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour
blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »
Ancien Testament, Exode 21,23-25
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Seulement, d’un autre côté, la violence est très répandue dans la Rome antique. Elle
se manifeste notamment dans les guerres d'expansion et de conquête, les combats
de gladiateurs dans les arènes, les exécutions publiques de criminels et d'esclaves,
les persécutions de certains groupes religieux comme les chrétiens, la concurrence
féroce pour le pouvoir, ou encore les conflits politiques internes qui conduisaient
souvent à des assassinats (le plus célèbre étant celui de César).
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Il ressort de cet aperçu que l’Europe moderne s’est développée dans un contexte de
guerres fréquentes mais peu étendues. D’un côté, les conflits sont devenus moins
nombreux à mesure que les entités politiques se consolident en États plus grands.
Mais de l’autre côté, les conflits se firent de plus en plus meurtriers à cause d’une
révolution militaire. Les guerres modernes mobilisent plus de participants et
impliquent plus de civils. Les armées sont plus grandes et plus efficaces.
Dans le détail, les États européens mettent sur place des armées professionnelles
permanentes aux XVIe et XVIIe siècles (c’est la raison pour laquelle l’impôt devient
permanent). Ils enrôlent un grand nombre d’hommes venant de toutes les couches
de la société, et non plus uniquement de sa partie la plus misérable. Ils les préparent
au combat organisé en les entraînant, en les endoctrinant, et en leur infligeant des
punitions sévères. Ils leur inculquent un code de discipline et de bravoure. Du coup,
lorsque deux armées professionnelles s’affrontent, les cadavres s’entassent
désormais à une vitesse ahurissante.
Les caractéristiques de la guerre moderne apparaissent au XIX e siècle :
● la conscription (inaugurée sous la Révolution française par un décret de 1793),
qui est l’enrôlement des citoyens dans l’armée par voie de tirage au sort
(l’Ukraine et la Russie y ont recours actuellement) ;
● des armes ainsi que des moyens de communication et de transport efficaces
issus de la révolution industrielle ;
● le développement de la logistique militaire ;
● les engins mécanisés (la révolution du tank [impulsée par le générale de Gaulle
en France] et celle de l'avion datent de la fin de la Première Guerre mondiale) ;
● une course à l’innovation dans l’armement.
Ainsi, la guerre est la forme de violence collective la plus emblématique parce qu’elle
est une constante de l’histoire de l’Europe du deuxième millénaire. Pour les classes
dirigeantes, elle fait partie de l’ordre des choses. Les élites considèrent donc la paix
comme un bref intervalle entre deux guerres.
Pour autant, la guerre n’est pas l’unique forme de violence collective.
On distingue encore :
● des violences diffuses comme des rixes, des bagarres entre groupes, entre
communautés villageoises ou religieuses, des émeutes populaires contre la vie
chère, le brigandage, le banditisme (de telles violences surgissaient souvent en
Europe jusqu’au XVIIIe siècle lors d’explosions de misère ou de révoltes contre
l’impôt, et les émeutes de banlieues sont un exemple moderne) ;
● les soulèvements et révolutions (les révolutions anglaises de 1642 et 1688, la
Révolution française de 1789, les journées révolutionnaires européennes tout
au long du XIXe siècle, la révolution russe de 1917 sont les exemples les plus
connus) : il s’agit d’une violence collective « moderne » (les violences diffuses
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« La cause la plus vraie [et] aussi la moins avouée [de la guerre] : c’est à mon
sens que les Athéniens, en s’accroissant, donnèrent de l’appréhension aux
Lacédémoniens, les contraignant ainsi à la guerre. »
Thucydide, La Guerre du Péloponnèse
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● En Europe, le taux d’homicide est passé de 100 par an pour 100 000 habitants
au XIVe siècle, à 10 au XVIIe siècle, et à 1 de nos jours. En France, il y a deux fois
moins de meurtres dans les années 2010 que dans les années 1990.
● Les guerres du passé ont causé des effets bien plus ravageurs (rapportés à la
population totale) qu’il ne le paraît si on prend en compte leurs effets indirects,
tels que les famines et les maladies.
● Du Moyen Âge à l’époque classique, les populations faisaient les frais des
rivalités entre pouvoirs locaux. Les chevaliers, comtes, ducs et princes ne
cessaient de s’attaquer et de se venger des agressions passées en s’efforçant
de ruiner leurs adversaires, en tuant et mutilant les paysans, en brûlant les
villages et en détruisant les récoltes.
● Jusqu’au XVIIIe siècle, la torture était pratiquée ouvertement. La pendaison, le
supplice de la roue, l’empalement, l’écartèlement par des chevaux et le supplice
du bûcher étaient monnaie courante.
● L’histoire européenne comprend également des phénomènes de violence de
grande ampleur comme l’esclavage, l’Inquisition, ou la chasse aux sorcières.
● La violence domestique, qui est une des formes de violence les plus répandues
dans le monde, a baissé de manière spectaculaire au cours du II e millénaire.
En définitive, l’Europe occidentale du tournant du XXIe siècle est le lieu le plus sûr de
l’histoire de l’humanité. Son taux d'homicide avoisinant une victime pour 100 000
habitants est le plancher qu’il est possible d’atteindre, car même la plus paisible des
sociétés ne peut pas éradiquer la violence. De plus, une violence modérée sera
toujours nécessaire sous la forme de forces de police et d’armées, afin de
dissuader la prédation ou de mettre hors d’état de nuire ceux qui ne se laissent pas
dissuader.
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