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L
’achat impulsif est un comportement de plus en plus saillant
dans la vie du consommateur. Son importance était à l’origine
d’une multitude de recherches qui ont essayé d’examiner le
concept selon diverses approches. Deux courants de recherche
ont contribué à l’alimentation des fondements théoriques de
l’étude de ce phénomène. Le premier, fortement imprégné par les
théories cognitivistes, a conceptualisé l’achat impulsif comme un
simple achat non planifié. Le deuxième courant s’est inscrit dans
une approche expérientielle. Au sein de cette approche, l’achat
impulsif est envisagé comme une expérience complexe au niveau
hédonique et donnant lieu à des réactions affectives et cognitives
Mustapha ZGHAL bien spécifiques (D. Rook, 1987). Hormis l’aspect définitionnel,
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Article disponible sur le site http://www.larsg-revue.com ou http://dx.doi.org/10.1051/larsg/2010016 Dossier
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1. Le cadre conceptuel des émotions positives intenses et traduisant une réaction par
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H. Stern, 1962 ; S. Eroglu et K. Machleit, 1993 ; D. Mitchell, quent des achats impulsifs (M. Giraud, 2002). Ainsi, le fait d’être
1994 ; R. Donovan et al. 1994 ; P. Underhill, 1999). De même, accompagné donne une autre vision au magasinage, lui attribuant
l’ambiance du point de vente est en mesure de donner du plaisir des aspects plus ludiques dépassant le simple cadre utilitaire
et de stimuler le visiteur de l’enseigne (R. Donovan et J. Rossiter, des achats. Le chaland peut être amené à passer plus de temps,
1982 ; S. Dawson et al., 1990 ; M. Hui et G. Bateson, 1991). à visiter plus de magasins et même à dépenser plus d’argent.
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(Figure 1) suppose l’existence de trois variables psychologiques L’objectif de cette recherche est de montrer l’influence des
intermédiaires endogènes au comportement à savoir, le plaisir, variables situationnelles et personnelles sur la réalisation d’un
l’activation et la dominance. Le plaisir traduit le degré de bien-être achat impulsif. L’intérêt se porte, à ce niveau, sur les émotions
et de satisfaction d’une personne. L’activation indique le degré expérimentées sur le lieu de vente, expliquées en grande partie par
jusqu’auquel la personne se sent excitée, stimulée, alertée ou les variables situationnelles et personnelles. Selon C. Derbaix et I.
active par rapport à la situation. Enfin la dominance correspond Poncin, (2005), il est essentiel de mesurer les réactions affectives
à la sensation de pouvoir, de contrôle ou d’influence par rapport en temps réel. Ainsi, afin de vérifier empiriquement le modèle
à un environnement. conceptuel proposé, une enquête est menée sur l’hypermarché
De hauts niveaux de plaisir et d’activation sont positivement reliés « Géant », auprès de 473 chalands. Cet environnement présente
à l’argent dépensé dans le magasin (B.J. Babin et R. Darden., un vaste assortiment de produits avec une variété de marques. Il
1995 ; S. Dawson et al., 1990 ; R. Donovan et J. Rossiter, 1982 ; s’agit d’un lieu propice à la réalisation d’achats de type impulsif.
M. Hui et G. Bateson, 1991 ; J. Baker et al., 1994 ; M. Holbrook
et M. Gardner, 1993 ; B.J. Babin et S. Attaway, 2000).
2.2. Mesure des variables
La dimension dominance est la plus sujette aux discussions et
aux critiques quant à son évidence en tant qu’état émotionnel L’achat impulsif est avancé comme un achat non planifié, accom-
expérimenté dans un environnement (J. Russell et G. Pratt, pagné par des émotions positives assez intenses et traduisant
1980 ; R. Donovan et J. Rossiter, 1982 ; R. Donovan et al. 1994 ; une réaction rapide de l’acheteur à un stimulus interne ou externe.
E. Sherman et al. 1997). Des recherches récentes ne cessent Ainsi, pour qu’un achat soit considéré comme impulsif, nous avons
de plaider pour la réintégration de la dominance dans la mesure émis un ensemble de conditions. La première est relative au fait
des états affectifs (A. Groppel-Klein, 1998 ; M. Brengman et M. que l’achat doit être non planifié. Si cette condition est remplie,
Geuens, 2004 ; M. Yani-de-Soriano et R. Foxall, 2006). Au regard de l’enquêté est invité à répondre à une échelle mesurant le degré de
ces constats, nous optons pour la considération de la dominance l’impulsivité de l’achat en fonction de deux composantes affective
comme dimension descriptive de l’état affectif du chaland dans et réactive. Cette échelle qui est de type likert à cinq points a été
un environnement de vente. Dans ce sens, l’influence directe sur inspirée de l’échelle mesurant le degré d’impulsivité d’un achat
la réalisation d’un achat impulsif ainsi que le rôle médiateur des de J.O. Jeon (1990) et de l’échelle de mesure de l’impulsivité du
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3. Résultats et discussion réalisation d’un achat impulsif sont expliqués par les variables
retenues. De son côté, le R-deux de Cox & Snell indique que 43 %
de la variance sont expliqué par le modèle. Une confrontation des
3.1. La validation des échelles de mesure valeurs prédites aux vraies valeurs montre que dans 82 % des
cas, le modèle permet de prédire correctement la réalisation d’un
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temps sur les deux dimensions est non significative. Enfin, une L’impression positive formée sur une enseigne peut faire de ce
relation positive entre les motivations hédoniques, d’un côté, visiteur un consommateur fidèle. Désormais, garder ce client est
et le plaisir et l’activation, d’un autre côté, a été, également, tributaire de la capacité de l’enseigne à l’étonner et à le surprendre
constatée. Concernant la dimension dominance, les résultats de en continu. Les éléments de design doivent renforcer la proximité
la régression n’ont soulevé qu’un seul lien significatif. Il s’agit physique avec le produit et ce, à travers un bon emplacement,
Les choix dans la consommation courante
d’un effet positif significatif du design sur le niveau de contrôle une exposition proéminente, la possibilité de toucher le produit
perçu sur le lieu de magasinage (annexe 4). et de le tester. La réalisation de cette étude sur un hypermarché,
Hormis les effets directs, les hypothèses émises proposent le n’a pas empêché de souligner l’effet du personnel en contact. Le
test du rôle médiateur que peuvent jouer les états affectifs. A besoin d’interaction dans l’épisode d’achat reste important. La
cette fin, la méthode de régressions successives de R. Baron et qualité d’accueil, la disponibilité et la sympathie des vendeurs
D. Kenny (1986) a été adoptée. L’application de cette démarche sont déterminantes au niveau de l’achat impulsif. Il convient de
a permis de constater que les sentiments de plaisir et d’activa- noter que la formation du personnel de vente doit s’inscrire dans
tion médiatisent l’influence des dimensions design et personnel une stratégie globale, touchant les différents niveaux de l’entre-
de vente sur la réalisation d’un achat impulsif (annexe 5). Un prise. En effet, le personnel de vente reflète l’état d’esprit de
environnement de vente bien agencé, où les produits sont bien l’enseigne dans son ensemble. Le caractère situationnel de l’achat
exposés et faciles à trouver, aide à mettre le chaland dans un état impulsif est, également, à prendre en considération au niveau des
affectif positif. Dans un tel état, la personne manifeste une forte annonces publicitaires. L’utilisation de la situation d’achat dans
disposition à réaliser des achats. De même, l’interaction avec la conception de l’annonce peut aboutir à des achats impulsifs.
un personnel de vente sympathique, disponible et serviable agit Un message publicitaire axé sur l’idée d’offrir ou sur une mise
directement sur l’humeur de l’acheteur. Cette humeur favorise en scène des bénéfices émotionnelles liés à la consommation
le passage à l’acte d’achat. d’un produit, peut avoir un effet sur le consommateur pendant
l’expérience de magasinage.
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