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Créer une station-service n’est pas une affaire simple.

Elle est certes ouverte à tout citoyen


lambda mais répond à des critères précis, que ce soit en termes de respect des normes de
construction et de sécurité que de superficie et de capacité de stockage. De plus, les marges
dégagées de la vente des carburants sont fixées d’une manière réglementaire pour les deux
types (essence et gasoil) commercialisés. Ainsi, la rentabilité devrait être assurée par le
volume plutôt que par le prix.
Il faut savoir au préalable qu’un particulier ne peut ouvrir une station-service sur l’axe
autoroutier qui relève du domaine réservé de la Société des autoroutes du Maroc (voir
encadré). Il peut en revanche opter pour un emplacement à l’intérieur de la ville ou à la
périphérie. Vu le caractère dangereux de l’activité ainsi que le manque de terrain, on trouve
de moins en moins de nouvelles stations de service dans les centres de la ville. Reste alors les
zones périurbaines. D’ailleurs, les commerçants de carburants contactés assurent que ce type
d’emplacements est le plus prisé actuellement compte tenu de l’urbanisation, qui entraîne
l’augmentation du trafic routier.
Une fois le terrain acquis, l’homme d’affaires doit contacter l’ensemble des sociétés de
distribution de carburants afin d’obtenir les meilleures offres, car, notons-le, les distributeurs
prennent en charge une grande partie de l’investissement en infrastructures et peuvent même
aller bien au-delà. Dans ce cadre, la Fédération nationale des commerçants du carburant au
Maroc (FNCCM) propose des services de conseil et d’accompagnement aux investisseurs
(voir encadré). Zakaria Rebbaa, secrétaire général du bureau régional unifié des commerçants
des stations du Grand Casablanca, recommande à cet effet de ne pas se contenter de l’offre
d’une seule société pétrolière et de faire jouer la concurrence pour pouvoir obtenir la
meilleure offre possible. Il va sans dire que la société de distribution peut même proposer une
solution «clés en main» si le terrain est bien situé et bénéficie d’un taux de passage des
véhicules élevé. Notons que ce dernier est mesuré par un appareil que la compagnie installe
pour évaluer le trafic des voitures pendant une semaine normale (hors période de vacances et
de fêtes). C’est justement à travers le niveau de passage qu’elle décide de miser gros ou de se
limiter au minimum légal.
Quoi qu’il en soit, toutes les sociétés de distribution offrent la construction de cuves de
stockage du carburant – elles ne doivent pas dépasser 90 000 litres, tous types confondus-, les
équipement (pompes, citernes, compteurs…) et les outils techniques pour les espaces de
lavage, de vidange, de pneumatique… La signalétique et tout le design qu’il y a derrière est
également à la charge de la société.
L’investisseur, lui, doit se charger de l’aménagement du terrain et de sa répartition selon les
prestations proposées, de la construction des latrines, de l’équipement du shop… Ainsi, en
prenant comme exemple une station-service d’une superficie de 3 000 m2 qui commercialise
les carburants et lubrifiants, propose d’autres prestations (lavage, vidange…) et dispose
également d’un shop, il faut compter une enveloppe budgétaire d’au moins 2,5 MDH, hors
foncier, pour un bénéfice net de 1,2 MDH. A côté de cet investissement de départ, il faut
constituer un fonds de roulement de pas moins de 500 000 DH pour faire face surtout à
l’achat du carburant durant les premiers mois d’activité. Ce qui fait monter l’investissement à
3 MDH. Signalons que ce montant peut passer du simple au double ou même au triple au cas
où l’investisseur décide d’installer d’autres types de prestations (pharmacie, lieu de contrôle
technique, salle de fêtes…)
90% des charges annuelles vont à l’achat du carburant
Une fois que la machine commence à tourner, l’investisseur doit faire face à ses charges
annuelles dont l’approvisionnement en carburants, la masse salariale, les frais de service,
l’achat de marchandises pour le shop, les frais de réparation et d’entretien…
L’achat des hydrocarbures est le poste le plus lourd des charges mensuelles, puisqu’une
station-service doit continuellement s’approvisionner pour satisfaire la demande des clients et
constituer un stock. Les professionnels rapportent qu’il faut verser en moyenne 300 000 DH
par semaine pour l’achat du carburant, soit l’équivalent de 1,2 MDH mensuellement et 14,4
MDH annuellement. Une partie de ces achats est destinée à la commercialisation et une autre
à la constitution de stock. «Il faut dire qu’après la mesure prise par l’Etat visant la
décompensation des prix des produits pétroliers, les stations-service ne constituent plus un
stock conséquent vu que les prix suivent la tendance internationale», explique M.Rebbaa. Les
commerçants scrutent ainsi la variation du prix du baril de pétrole dans les bourses mondiales
et achètent en fonction de son évolution. Cependant, une société de distribution de la place
conseille de garder un stock de 3 jours au minimum dans ses cuves. Vu l’importance de la
facture surtout en début d’activité, les sociétés de distribution accordent généralement des
facilités à leurs commerçants. En attendant de générer les premières recettes, les sociétés
proposent un paiement différé des premières livraisons de carburant à hauteur de la capacité
de stockage des cuves, à savoir 90 000 litres. Autrement, le paiement de la marchandise
s’effectue immédiatement après la livraison de la marchandise par la société pétrolière, en
cash et en one shot.
Parallèlement, le propriétaire doit décaisser environ 50 000 DH pour l’achat des lubrifiants,
soit une charge de 600 000 DH par an, en plus du salaire des employés. Avec une station
disposant de 2 îlots avec 2 pompes chacune, il faut recruter 6 pompistes, 2 lavagistes et un
chef de piste chargé de la supervision, du contrôle et de la coordination. Tout cela pour une
masse salariale de 360000 DH par an. Pour leur part, les frais de service dont l’eau,
l’électricité et le téléphone totalisent 72 000 DH annuellement. S’y ajoute l’achat des autres
fournitures annexes de 120000 DH à raison de 10 000 DH par mois. En ajoutant à cela les
dépenses relatives à l’entretien régulier de la station de 12 000 DH et les impôts et taxes (taxe
professionnelle, TVA sur carburants…) de 13 000 DH, les charges annuelles se montent à
16,2 MDH.
M.Rebbaa met en garde les commerçants : «Les réparations que peuvent nécessiter le
matériel et l’infrastructure de base mis en place par la société de distribution au début
d’activité doivent obligatoirement être effectuées par elle-même. Elles doivent être stipulées
clairement dans le contrat et à aucun moment ne doivent être à la charge du commerçant».
La vente des carburants et lubrifiants génère 33% des recettes de la station-service
Du côté de la rentabilité, il ne faut pas espérer tirer un bénéfice intéressant à travers la seule
commercialisation des carburants du fait de la réglementation des prix. En ce sens, la marge
du commerçant appliquée sur le prix de vente au public est fixée à 398,30 DH/1000 litres
pour l’essence et à 321,60 DH/1000 litres pour le diesel. Compte tenu de la moyenne
nationale des ventes qui s’établit, selon les professionnels du secteur, à 200 000 litres et en
supposant que la station-service a réalisé des ventes des deux combustibles à raison de 80%
pour le diesel et 20% pour l’essence, la marge du commerçant sur la vente des carburants
ressort à 67 000 DH mensuellement, soit un peu plus de 808 000 DH par an. Pour sa part, la
marge dégagée de la vente des lubrifiants ressort, aux dires des professionnels, en moyenne à
1500 DH par tonne mensuellement, soit une marge totale de 36 000 DH par année pour des
ventes mensuelles de 2 tonnes. Du coup, les recettes produites par la commercialisation de
ces deux marchandises (carburants et lubrifiants) totalisent environ 845 000 DH
annuellement.
Par ailleurs, les prestations annexes, à savoir le lavage et autres, génèrent un revenu de 324
000 DH à raison d’un prix de lavage de 30 DH pour 20 voitures quotidiennement et d’un prix
de 300 DH par jour pour les autres prestations (graissage, pneumatique..). En outre, l’activité
du shop peut produire un revenu de 120000 DH par mois, soit 1,4 MDH annuellement. Par
conséquent, le chiffre d’affaires global peut atteindre 2,6 MDH. En déduisant les charges
récurrentes (hors achat de carburant et lubrifiants), le propriétaire de la station-service peut
dégager un bénéfice net de 1,4 MDH. Comme la plupart des stations-service du secteur sont
constituées sous forme de SARL et soumises au régime de l’IS, elles sont assujetties à un
impôt sur les sociétés de 30% surtout que leur bénéfice net dépasse 300 000 DH. Au final, le
bénéfice net se monte à 1,2 MDH chaque année.
Une distance à respecter de 500 m entre deux stations
L’affaire est certes intéressante mais il n’en demeure pas moins qu’elle reste soumise à des
conditions d’usage et à des contraintes réglementaires. En effet, le terrain, objet d’une station
type doit, tout d’abord s’étendre sur au moins 3000 m2, surtout que les professionnels
recommandent vivement d’y installer un shop et idéalement un café. Ensuite, le terrain doit
disposer d’une façade de 70 mètres linéaire selon la réglementation en vigueur. Enfin, la
création d’une station-service doit obéir à une politique de chaînage édictée par la loi. Ainsi,
pour le milieu urbain, il faut respecter une distance de 500 mètres entre deux stations et ce,
quelle que soit la marque. La loi fixe pour le périmètre rural une distance de 30 km par voie
communicante entre deux stations de la même couleur. Si toutefois deux stations existent
déjà, la 3e doit être installée à 2,5 km de celles-ci. Cela dit, aucune distance n’est précisée
pour deux stations de marques différentes.
En tout cas, avant de commencer les travaux de construction, l’investisseur doit entamer les
démarches administratives pour avoir les autorisations nécessaires aussi bien pour la
construction que pour l’exploitation.
En effet, comme pour toute nouvelle construction, une autorisation de construire est
indispensable. Elle est délivrée par la commune en concertation avec l’agence urbaine, sur
présentation d’un plan établi par un architecte et soumis à l’accord de la société de génie
civil. Il n’est pas exclu que la commune demande à l’investisseur l’accord de principe de la
société pétrolière avant de délivrer l’autorisation de construire. L’étape suivante est du ressort
de la société de distribution choisie. Elle se charge de s’adresser au service régional du
ministère de l’énergie et des mines en vue de demander une autorisation de mise en place
d’une station-service. A ce stade, l’autorité publique élabore une enquête sur le respect des
règles concernant la superficie, le chaînage… Ensuite, dès que la station est mise en place,
une dernière autorisation est indispensable. Elle concerne la mise en service de la station et
est remise par le même ministère après vérification de la conformité des constructions, des
normes de sécurité avec le plan présenté. Consécutivement à cela, un contrat est cosigné entre
la société de distribution et le commerçant en vertu duquel ce dernier s’engage à porter la
couleur de la société, à s’approvisionner auprès d’elle et à commercialiser ses produits,
surtout pour ce qui est du carburant et des lubrifiants. Sa durée peut aller de 10 à 20 ans en
fonction des compagnies. En revanche, l’investisseur a le droit de porter une autre marque du
shop ou des services liés à la restauration.
D’un tout autre côté, vu la cherté et la rareté des terrains et face à la volonté des investisseurs
de se lancer dans ce commerce, les sociétés de distribution proposent une autre option que
celle de créer sa propre station-service. Elle consiste en la seule exploitation d’une station-
service mise en place au préalable par la société de distribution. Autrement dit, cette dernière
s’approprie le terrain, construit une station-service et y apporte les équipements nécessaires.
Une fois la station mise en place, la société pétrolière lance un appel d’offres pour la mettre à
la disposition d’autrui et ce, à travers un contrat de location-gérance. Cependant, quelle que
soit la nature du contrat, la société de distribution réalise un suivi de près de la station-
service. En effet, elle effectue des visites et des contrôles réguliers des équipements et de
l’entretien de la station et n’hésite pas à adresser les remarques nécessaires aux gérants, ou
dans des cas extrêmes (absence d’entretien, non-respect continu des clauses du contrat…), le
pousser à arrêter son activité.

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