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Hypothyroïdie de l’adulte
M. Ladsous, J.-L. Wémeau

L’hypofonctionnement thyroïdien détermine un ralentissement des activités tissulaires, expose à


l’hypercholestérolémie et à l’athéromatose. L’hypothyroïdie est prouvée biologiquement par la baisse
de la thyroxine (T4 ) et l’augmentation de thyroid stimulating hormone (TSH). L’auto-immunité repré-
sente la cause la plus fréquente. L’hormonothérapie supplétive en assure une parfaite correction, au prix
de règles de prescription et de surveillance qu’il convient de bien connaître.
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Mots-clés : Hypothyroïdie ; TSH ; Myxœdème ; Anticorps antithyroïdiens ; Hypercholestérolémie

Plan  Quand rechercher


■ Introduction 1 une hypothyroïdie ?
■ Quand rechercher une hypothyroïdie ? 1
Devant des signes cliniques évocateurs 1 Devant des signes cliniques évocateurs
Devant des signes biologiques évocateurs 3 Forme typique
Devant une situation à risque 3
Le cortège de signes cliniques classiques d’hypothyroïdie est
■ Comment confirmer le diagnostic d’hypothyroïdie ? 3
actuellement rarement observé, du fait de la précocité du diag-
■ Quelle enquête étiologique devant une hypothyroïdie ? 3 nostic apportée par la large prescription en routine des dosages de
■ Quelles sont les causes d’hypothyroïdie ? 4 TSH. Les conséquences de l’hypothyroïdie peuvent être classées en
Hypothyroïdie primitivement thyroïdienne 4 deux catégories de symptômes : le syndrome d’hypométabolisme
Hypothyroïdie d’origine centrale (déficit thyréotrope) 5 et l’infiltration myxœdémateuse.
États de résistance à la « thyroid stimulating hormone » 6 Le syndrome d’hypométabolisme est la conséquence de la
■ Quels sont les risques de l’hypothyroïdie ? 6 réduction de la consommation énergétique liée à la moindre
Complications cardiovasculaires 6 disponibilité en hormones thyroïdiennes. Il se caractérise par
Coma myxœdémateux 6 des signes généraux : asthénie, à la fois physique et psychique
avec ralentissement idéomoteur, frilosité, bradycardie, prise de
■ Comment conduire la thérapeutique de l’hypothyroïdie ? 6 poids discrète contrastant avec une réduction de l’appétit. La ten-
Moyens thérapeutiques 6 sion artérielle est peu modifiée, parfois élevée par élévation des
Indications 6 résistances périphériques, ou abaissée par diminution du débit
Adaptation de la posologie 6 cardiaque. Le ralentissement du transit intestinal entraîne une
Surveillance du traitement 7 constipation.
Cas particulier de l’hypothyroïdie d’origine médicamenteuse 7 Le myxœdème (Fig. 1) résulte de l’infiltration de la peau et des
■ Conclusion 7 tissus sous-cutanés par une substance mucoïde, riche en poly-
saccharides acides. Il s’agit d’un faux œdème ferme, ne prenant
pas le godet. Il affecte le visage qui s’arrondit, les traits sont
épaissis, les lèvres soufflées, les paupières bouffies. Le tronc est
 Introduction infiltré avec un comblement des creux sus-claviculaires, les jambes
sont élargies en « poteaux », les extrémités (mains et pieds)
L’hypothyroïdie constitue la dysthyroïdie la plus fréquente de sont boudinées. La peau est froide et sèche, d’une pâleur cireuse
l’adulte. Sa prévalence augmente avec l’âge, elle est évaluée entre hormis au niveau des lèvres et des pommettes volontiers érythro-
4 et 8 %, avec une nette prédominance féminine (sex ratio = 1/10). cyanosiques. L’infiltration muqueuse et musculaire explique la
L’affirmation diagnostique est facile grâce à la disponibilité et à la macroglossie, la voix rauque et grave, l’hypoacousie, le ronfle-
sensibilité du dosage de la thyroid stimulating hormone (TSH), sou- ment et les apnées lors du sommeil. Au niveau des phanères, les
vent posée à un stade précoce de la maladie, avant l’apparition de cheveux sont secs et cassants, tombant facilement, on note une
symptômes cliniques. Les étiologies les plus fréquentes des hypo- raréfaction de la pilosité axillaire, pubienne et de la queue des
thyroïdies acquises sont d’origine auto-immune. Le traitement est sourcils. Les ongles sont striés et fragiles. Le myxœdème explique
symptomatique, remarquablement efficace et simple à mettre en à lui seul la prise de poids, modérée, l’hypothyroïdie n’est pas
œuvre pourvu que l’on respecte quelques règles de prescription. cause d’obésité [1] .

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Volume 13 > n◦ 2 > avril 2018
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(17)81623-9
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3-0480  Hypothyroïdie de l’adulte

“ Point fort
Hypothyroïdie fruste ou subclinique
Elle est définie par la coexistence d’une TSH élevée et
de valeurs normales de thyroxine (T4 ) libre (T4 L). Dans
ces circonstances, les données de l’examen clinique ne
sont pas telles que l’on puisse cliniquement affirmer
l’hypothyroïdie. Il est possible mais non certain que les
symptômes qui ont justifié le dosage de la TSH (asthénie,
crampes, frilosité, etc.) aient un rapport avec la discrète
diminution de la production hormonale. Il a été montré
que c’est au-delà de 10 mU/l que les sujets, authentique-
ment, perçoivent les signes de la carence hormonale.
Une augmentation du taux de la TSH doit systématique-
ment être contrôlée par un nouveau dosage après deux
ou trois mois, et un minimum d’enquête étiologique est à
envisager.
La question de l’indication de traitement substitutif dans
cette situation est controversée. En effet, le traitement
substitutif est particulièrement simple et relativement peu
coûteux. L’enjeu est de savoir si l’hypothyroïdie fruste peut
avoir des effets délétères et si l’instauration d’un traitement
peut être efficace pour améliorer ou supprimer ces effets.
Il a été montré que l’hypothyroïdie fruste était respon-
sable d’une élévation significative de la cholestérolémie.
Des modifications des performances myocardiques ont été
décrites, ainsi qu’une augmentation du risque de maladie
cardiovasculaire et plus particulièrement d’accident coro-
narien. Néanmoins, il n’y a pas à l’heure actuelle de grande
Figure 1. Aspect de grand myxœdème.
étude randomisée prouvant l’amélioration des paramètres
cardiovasculaires sous substitution en hormones thyroï-
diennes dans ces situations qui apparaît surtout évident
Formes cliniques chez les sujets de moins de 60 ans, de bénéfice plus
L’hypothyroïdie fruste ou infraclinique est par définition pauci- douteux au-delà de 70 ans. Chez la femme enceinte,
ou asymptomatique, révélée parfois à l’occasion de discrets signes l’hypothyroïdie fruste semble s’associer à un risque de
généraux aspécifiques. Il s’agit à présent de la forme la plus fré- fausse couche et d’accouchement prématuré ; elle serait
quemment reconnue. susceptible d’altérer le développement psychomoteur des
Les formes sévères ou trompeuses orientant à tort vers une enfants. Il faut considérer aussi le risque d’évolution de
pathologie d’organe ou d’appareil sont l’apanage des hypothy- ces formes frustes d’hypothyroïdie vers des hypothyroï-
roïdies profondes et prolongées et sont devenues beaucoup plus dies avérées, particulièrement élevé en cas de positivité
rares. des anticorps antithyroïdiens (avec un risque annuel de
Formes cardiaques 4 % d’après l’enquête de Wickham) ou de TSH supérieure à
L’hypothyroïdie chronique sévère favorise l’athéromatose (qui 10 ␮UI/ml. Enfin, il ne faut pas négliger le rôle stimulant de
est secondaire aux modifications des lipoprotéines), la cardiomé- la TSH sur la croissance et la nodulogenèse thyroïdiennes
galie, l’insuffisance cardiaque. C’est surtout lors de l’instauration chez les patients porteurs de goitre. La Figure 2 résume
de la substitution hormonale que des signes d’ischémie myocar- les recommandations de prise en charge dans ces circons-
dique, antérieurement silencieuse du fait de l’hypométabolisme, tances.
peuvent apparaître. La cardiomégalie résulte de l’infiltration
myocardique et de la présence d’un épanchement péricardique,
habituellement de faible abondance, conférant un aspect en
« cœur de bœuf » lors de la radiographie de thorax. Des épan- recherche des réflexes ostéotendineux, notamment achilléens.
chements pleuraux, péritonéaux, articulaires sont possibles. Les On peut observer des troubles de l’humeur, un état dépressif ou
manifestations cliniques d’insuffisance cardiaque liées à la dimi- mélancolique, un état confusionnel, voire une pseudodémence,
nution du débit cardiaque sont rares, favorisées par la bradycardie, réversibles sous traitement.
la diminution de la force contractile myocardique et l’altération
de la fonction diastolique. L’électrocardiogramme révèle des ano- Formes digestives
malies diffuses : bradycardie sinusale, bas voltage, aplatissement Un ralentissement prononcé du transit peut déterminer des
ou inversion de l’onde T dans toutes les dérivations [1] . manifestations occlusives avec iléus paralytique et mégacôlon,
notamment chez le sujet âgé.
Formes neuromusculaires et psychiatriques
Les crampes et la diminution de la force musculaire peuvent être Formes endocriniennes
au premier plan, avec une amyotrophie des masses musculaires La fonction gonadotrope est affectée par la carence en hor-
volontiers masquée par l’infiltration myxœdémateuse. L’atteinte mones thyroïdiennes, ce qui peut entraîner une infertilité aussi
neurologique est responsable d’une neuropathie sensitivomotrice bien chez l’homme que chez la femme, des troubles du cycle
à prédominance sensitive, qui se manifeste par des paresthésies et de la libido, des dysfonctions érectiles. Les hypothyroï-
des extrémités, une fréquence accrue du syndrome du canal car- dies profondes modifient le tonus dopaminergique entraînant
pien (favorisé par l’infiltration périnerveuse de la gaine) souvent chez la femme jeune une hyperprolactinémie avec syndrome
bilatéral, une lenteur à la décontraction musculaire lors de la aménorrhée-galactorrhée. L’hypertrophie hypophysaire résultant

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de l’hypertrophie des secteurs thyréotrope et prolactinique ne doit Tableau 1.


pas conduire à évoquer à tort un prolactinome. Principales causes d’abaissement isolé de thyroxine libre (T4 L) ou de tri-
iodo-thyronine libre (T3 L).
Coma myxœdémateux
Cause Hormone abaissée
Le coma myxœdémateux est devenu rare en raison de l’efficacité
du diagnostic biologique et du traitement de l’hypothyroïdie. Il Grossesse aux deuxième et troisième trimestres T4 L et T3 L
se manifeste par une hypothermie, une bradycardie, une hypoxé- Maladies non thyroïdiennes sévères T3 L ou T3 L et T4 L
mie, une hypotension artérielle avec risque de collapsus et sur le
Hypothyroïdie centrale T4 L et/ou T3 L
plan biologique une hyponatrémie de dilution.
Surdosage en antithyroïdiens T4 L
Traitement par T3 T4 L
Devant des signes biologiques évocateurs Médicaments inducteurs enzymatiques : T4 L ou T3 L et T4 L
phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital
Ce sont les suivants.
• Perturbations lipidiques : le profil lipidique est athérogène, en Inhibiteurs de conversion de T4 en T3 : T3 L (T4 L normale ou
amiodarone, propranolol, dexaméthasone, augmentée)
raison de l’apparition de lipoprotéines de densité intermédiaire
produits de contraste iodés
(iDL), réalisant une dyslipoprotéinémie de type III. Le bilan
lipidique révèle ainsi une hypercholestérolémie avec élévation Dénutrition T3 L
préférentielle des LDL, parfois hypertriglycéridémie.
• Anomalies hématologiques : l’anémie est fréquente, souvent
macrocytaire, voire mégalocytaire en cas de maladie de Bier-
mer associée dans un contexte auto-immun. Elle peut aussi
 Comment confirmer
être microcytaire (liée à une carence martiale favorisée par le diagnostic d’hypothyroïdie ?
l’achlorhydrie gastrique ou les ménorragies) ou normocytaire.
• Élévation des enzymes musculaires (créatine phosphokinase L’examen de première intention est un dosage de la TSH, et
[CPK], aspartate aminotransférase [ASAT], lacticodéshydrogé- uniquement de la TSH. Il constitue en effet un indicateur extrê-
nase [LDH]), et dans les formes sévères de la myoglobine, de mement sensible des petites dysfonctions thyroïdiennes. Le taux
la créatinine. de TSH s’accroît précocement dans les hypothyroïdies discrètes,
• Troubles électrolytiques : hyponatrémie de dilution (par réduc- débutantes. C’est seulement lorsque la TSH est accrue que se
tion de la filtration glomérulaire). justifie la mesure de la T4 L pour évaluer le degré de la carence hor-
• Hyperuricémie, en particulier chez les hommes. monale. Le dosage de la tri-iodo-thyronine libre (T3 L) est inutile
• Tendance à l’hypoglycémie, surtout marquée dans les formes chez l’hypothyroïdien. On distingue l’hypothyroïdie fruste et
centrales avec déficits antéhypophysaires associés. l’hypothyroïdie patente. L’hypothyroïdie fruste ou subclinique,
• Hyperprolactinémie, seulement avant la ménopause. est définie par la coexistence d’une TSH élevée et de valeurs nor-
males de T4 L (cf. supra).
Dans cette situation, le rapport d’éventuels signes cliniques avec
Devant une situation à risque l’hypothyroïdie est peu probable tant que la TSH n’excède pas
10 mU/l. De façon générale, la mise en évidence d’une valeur de
Le dépistage systématique de l’hypothyroïdie dans une popu- TSH faiblement augmentée doit systématiquement être contrôlée
lation en bonne santé n’est pas recommandé. Un dépistage ciblé par un nouveau dosage 1 à 2 mois plus tard.
peut en revanche être préconisé au sein de populations définies Le dosage de T4 L n’a d’intérêt en première intention dans la
comme étant à risque de développer une hypothyroïdie, même détection des hypothyroïdies seulement lorsqu’est suspectée une
en l’absence de signes cliniques francs, et tout particulièrement hypothyroïdie centrale. En effet, dans cette situation, la TSH est le
lorsqu’il existe un projet de grossesse. plus souvent normale, rarement basse, parfois discrètement aug-
C’est le cas des sujets aux antécédents personnels ou familiaux mentée (en raison de la réduction de sa bioactivité), avec en regard
de thyropathie auto-immune : maladie de Basedow, thyroïdite une T4 L abaissée ou dans les valeurs basses de la normale. Mais
de Hashimoto, thyroïdite du post-partum, autre maladie auto- l’hypothyroïdie centrale est rare, infiniment moins fréquente que
immune (vitiligo, syndrome de Goujerot-Sjögren, polyarthrite l’hypothyroïdie périphérique (rapport d’environ 1/1000). Elle est
rhumatoïde, diabète de type 1, sclérose en plaques, hypertension de présentation différente, doit être évoquée en cas de pathologie
artérielle pulmonaire primitive, etc.). Les sujets porteurs de goitre, connue de la région hypothalamohypophysaire, d’autres déficits
aux antécédents de thyroïdite subaiguë, atteints de syndrome de antéhypophysaires identifiés, après traumatisme crânien, radio-
Turner ou de trisomie 21, sont aussi à risque d’hypothyroïdie. thérapie cérébrale, hémorragie méningée, etc.
Certaines thérapeutiques peuvent être à l’origine Il faut connaître l’absence de spécificité des dosages de T4 L et
d’hypothyroïdies. C’est le cas des thyroïdectomies chirurgi- de T3 L. Leur utilisation en première intention peut conduire à des
cales, même partielles. Les traitements radio-isotopiques des erreurs diagnostiques coûteuses et dangereuses (Tableau 1).
hyperthyroïdies et des goitres peuvent entraîner un hypofonc-
tionnement thyroïdien, transitoire ou définitif. Le traitement
radio-isotopique des maladies de Basedow tend notamment  Quelle enquête
à être administré à visée ablative, afin d’éviter tout risque de
récidive ultérieure de l’hyperthyroïdie. L’hypothyroïdie définitive étiologique devant
post-thérapeutique est donc souhaitée et fréquente dans cette une hypothyroïdie ?
indication, touchant près de 80 % des patients à un an. Le risque
est plus faible et retardé dans le cas des nodules toxiques et Un diagnostic étiologique précis est nécessaire devant toute
des goitres multinodulaires toxiques du fait de leur caractère hypothyroïdie. L’interrogatoire permet d’identifier les causes
extinctif vis-à-vis du reste du parenchyme thyroïdien, qui ne évidentes (en particulier iatrogènes), les situations à risque
capte pas l’iode 131 et se trouve ainsi protégé de l’irradiation. (notamment dans un contexte prédisposant aux atteintes auto-
De la même façon, la radiothérapie externe pour cancer oto- immunes). La palpation cervicale est effectuée à la recherche d’un
rhino-laryngologique ou hémopathie maligne peut induire des goitre, à l’inverse d’une loge thyroïdienne vide en cas de thyroïde
hypothyroïdies apparaissant parfois plusieurs années ou décen- atrophique [2] .
nies après l’irradiation. Plusieurs médicaments peuvent altérer Sur le plan biologique, la recherche d’anticorps antithyrope-
la fonction thyroïdienne : amiodarone, carbonate de lithium, roxydase (anti-TPO) est en règle positive en cas de thyroïdite
interféron alpha, inhibiteur de la tyrosine kinase, bexarotène, auto-immune. C’est seulement lorsque la recherche des anticorps
immunothérapie, etc. anti-TPO est négative que se justifie la mesure des anticorps anti-
Enfin, le post-partum est une période au cours de laquelle il faut thyroglobuline (anti-Tg) (présents isolément dans 3 % à 10 % des
être particulièrement vigilant, en raison du risque de thyroïdite. cas).

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3-0480  Hypothyroïdie de l’adulte

Tableau 2. et l’enfant. Elle s’accompagne d’une atrophie progressive de


Principales causes d’hypothyroïdie. la glande thyroïde. En dépit de l’accroissement de la TSH, la
Hypothyroïdies sans goitre Hypothyroïdies avec goitre palpation thyroïdienne objective une thyroïde de petite taille,
voire non palpable. L’échographie thyroïdienne n’est pas néces-
Thyroïdites auto-immunes Thyroïdite : saire au diagnostic. Lorsqu’elle est réalisée, elle identifie un
atrophiantes : - de Hashimoto ++ parenchyme thyroïdien atrophique hypoéchogène. Les titres
- postménopausiques +++ - subaiguë de De Quervain d’anticorps anti-TPO sont accrus, leur taux se réduit progressive-
- à distance des accouchements - du post-partum ment parallèlement à l’involution thyroïdienne. L’hypothyroïdie
Suites : Infiltrations néoplasiques et par est définitive.
- des thyroïdectomies surcharge Thyroïdite de Hashimoto
- des traitements radio-isotopiques Médicaments ++ : Il s’agit de la forme hypertrophique des thyroïdites lymphocy-
Hypothyroïdie congénitale par : - antithyroïdiens taires chroniques. Son incidence est maximale entre 30 et 45 ans.
- athyréose - lithium Le goitre est constant, diffus, homogène, indolore, de consis-
tance ferme (semblable à celle d’un pneu en caoutchouc), non
- ectopie - amiodarone
compressif. L’hypothyroïdie est souvent absente au moment du
Déficit thyréotrope - cytokines diagnostic mais s’installe inéluctablement de façon progressive
États de résistance à la TSH Carence en iode au cours de l’évolution. Les anticorps anti-TPO sont présents à
Surcharges iodées des titres très élevés. En échographie, on observe une hypertro-
Syndrome néphrotique phie thyroïdienne diffuse, d’aspect hypoéchogène hétérogène. La
présence de nodules est possible correspondant à des foyers de
Anomalies congénitales de la
thyroïdite, de régénération, ou un carcinome associé (3–4 % des
biosynthèse hormonale
cas). Une ponction pour étude cytologique ne doit pas être négli-
TSH : thyroid stimulating hormone. gée, même si son interprétation est délicate dans les situations
de thyroïdite. Le risque évolutif de la thyroïdite de Hashimoto
est constitué par la transformation lymphomateuse, rare (1 % des
La mesure de la thyroglobuline est indiquée seulement chez cas) mais imposant une surveillance régulière clinique et échogra-
l’enfant : sa valeur est indétectable en cas d’athyréose, accrue dans phique du goitre.
les autres causes (ectopie, anomalie de la biosynthèse hormonale). Une variante de la thyroïdite de Hashimoto est représentée
L’échographie thyroïdienne est habituellement inutile pour le par la thyroïdite lymphocytaire chronique de l’enfant et de
diagnostic étiologique. Elle est recommandée en cas de goitre l’adolescent. Elle apparaît généralement entre 10 et 15 ans. Elle
clinique afin de préciser son volume, ses caractéristiques (diffus se manifeste par un goitre diffus, qui se distingue du goitre simple
ou nodulaire, suspect ou non), son échogénicité (caractère hypo- de l’adolescent par sa fermeté. Elle s’accompagne biologiquement
échogène hétérogène en faveur de la thyroïdite) et d’en surveiller d’un taux d’anticorps anti-TPO élevé et parfois d’une élévation de
l’évolution sous traitement. Elle a moins d’intérêt pour confirmer la TSH.
le caractère atrophique d’une thyroïde (volume inférieur à 7 ml)
ou la vacuité de la loge thyroïdienne. Thyroïdite auto-immune asymptomatique
Le dosage de l’iodurie, possible sur un échantillon d’urines ou C’est la plus fréquente des présentations des thyroïdopathies
sur la diurèse des 24 heures, est susceptible de détecter une sur- auto-immunes, touchant de l’ordre de 10 à 20 % de la population
charge iodée actuelle méconnue. Il n’est pas remboursé par la adulte féminine
Sécurité sociale. Au sens propre, la thyroïdite asymptomatique se caractérise par
Enfin, la scintigraphie thyroïdienne n’est pas recommandée l’absence de goitre, de dysfonction thyroïdienne. On la recon-
habituellement dans l’exploration d’une hypothyroïdie acquise naît biologiquement par la présence d’anticorps antithyroïdiens,
de l’adulte. Elle permet, dans les hypothyroïdies congéni- en échographie par l’aspect globalement hypoéchogène de la
tales qu’on est amené parfois à explorer tardivement chez thyroïde, enfin histologiquement par un infiltrat lymphoplas-
l’adulte, d’objectiver une athyréose, une ectopie thyroïdienne mocytaire s’associant à des altérations parenchymateuses. La
ou un trouble de l’hormonosynthèse, en particulier un trouble TSH est initialement normale, mais sa surveillance annuelle est
de l’organification de l’iode par la réalisation d’un test au recommandée, en raison du risque élevé d’apparition d’une hypo-
perchlorate. thyroïdie, avec une incidence de 2–5 % par an. Les situations de
thyroïdites auto-immunes asymptomatiques constituent un fac-
teur majeur de prédisposition aux hypothyroïdies précoces de la
 Quelles sont grossesse, aux thyroïdites silencieuses du post-partum, aux hypo-
thyroïdies liées aux surcharges iodées, au lithium, etc.
les causes d’hypothyroïdie ? Thyroïdite du post-partum
Elle touche environ 5 à 10 % des femmes après leur accou-
Elles sont résumées dans le Tableau 2. chement. Après une phase transitoire de thyrotoxicose, souvent
inapparente, survient une hypothyroïdie à partir du quatrième
ou cinquième mois suivant l’accouchement. Les signes cliniques
Hypothyroïdie primitivement thyroïdienne peuvent facilement être rattachés à tort à la fatigue liée à
Hypothyroïdie d’origine auto-immune l’accouchement et aux soins apportés au nouveau-né, à un baby-
blues. La TSH est généralement franchement élevée et les anticorps
L’auto-immunité représente le principal facteur étiolo- anti-TPO positifs. L’évolution est marquée dans la plupart des cas
gique d’hypothyroïdie spontanée, notamment chez la femme, (80 à 90 %) par le retour à l’euthyroïdie, en quelques semaines ou
s’exprime sous diverses présentations [1] . L’atteinte thyroïdienne quelques mois. Néanmoins des hypothyroïdies définitives sont
peut être isolée, ou s’associer à d’autres atteintes auto-immunes : possibles (10 à 15 % des cas), coïncidant avec une atrophie pro-
diabète de type 1, insuffisance surrénale, insuffisance ovarienne gressive de la glande thyroïde. La récidive lors des grossesses
primitive par ovarite auto-immune, vitiligo, maladie de Biermer, ultérieures est fréquente (30 à 40 %).
syndrome de Gougerot-Sjögren, etc. Ces atteintes multiples
entrent dans le cadre de polyendocrinopathies auto-immunes de Thyroïdite subaiguë de De Quervain
type 2.
L’hypothyroïdie est possible à la phase de récupération des
Thyroïdite lymphocytaire chronique à forme atrophiante thyroïdites subaiguës. La symptomatologie avait débuté par
Il s’agit de l’étiologie la plus fréquente d’hypothyroïdie, tou- des douleurs cervicales antérieures, volontiers accompagnées de
chant particulièrement la femme après la ménopause mais aussi dysphagie, irradiant vers les oreilles et le maxillaire inférieur, sur-
à distance des accouchements, possible aussi chez l’homme venant typiquement deux à six semaines après un épisode viral

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rhinopharyngé. En phase aiguë sont constatés fièvre, asthénie, surtout chez la femme et en cas d’auto-immunité thyroïdienne
goitre diffus, ferme, très douloureux. Des signes de thyréotoxi- préexistante. D’introduction plus récente, les thérapeutiques
cose en rapport avec la libération d’hormones thyroïdiennes liée moléculaires ciblées anticancéreuses se sont révélées potentiel-
au processus de thyroïdite, spontanément régressifs, font place lement responsables d’hypothyroïdies. C’est le cas du sunitinib
®
à une phase transitoire d’hypothyroïdie de quelques semaines (Sutent ), inhibiteur de tyrosine kinase utilisé dans le cancer du
ou mois, suivie d’une récupération fonctionnelle complète. Dans rein et les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) qui justi-
moins de 5 % des cas, cette hypothyroïdie peut néanmoins être fie aussi, comme pour les médications précédentes, la surveillance
définitive. Sur le plan thérapeutique, en phase aiguë thyrotoxique, des taux de TSH.
on peut avoir recours à un traitement symptomatique par anti- Enfin, l’immunothérapie anticancéreuse anti CTLA-4 ou anti
inflammatoires non stéroïdiens ou à une courte corticothérapie PD-1/PD-L1, utilisée notamment en dermatologie contre le méla-
orale. Les antithyroïdiens de synthèse ne sont pas indiqués car la nome métastatique ou en pneumologie dans le carcinome
thyrotoxicose est liée à un phénomène de thyroïdite lytique et pulmonaire à petites cellules, peut induire une hypothyroïdie
non pas à un hyperfonctionnement thyroïdien. par deux mécanismes : déficit thyréotrope lié à une hypophysite
parfois associé à d’autres déficits antéhypophysaires, ou hypothy-
Hypothyroïdie d’origine iatrogène roïdie périphérique dans le cadre d’une thyroïdite biphasique (une
phase de thyrotoxicose précédant l’hypothyroïdie).
Post-thyroïdectomie
L’hypothyroïdie après thyroïdectomie totale nécessite un trai-
tement substitutif immédiat. Après thyroïdectomie partielle, le
Hypothyroïdie d’origine infiltrative
risque d’hypothyroïdie dépend de la masse de tissu fonction- La thyroïdite de Riedel, ou thyroïdite fibreuse, est une patho-
nel laissé en place. Il est faible en cas de lobectomie ou de logie thyroïdienne fibrosante rare qui peut aboutir à une
lobo-isthmectomie, si le parenchyme est sain et préalablement hypothyroïdie en cas de destruction complète du parenchyme
normofonctionnel. Néanmoins une surveillance régulière et pro- thyroïdien par le processus fibreux. Elle peut être isolée ou
longée de la TSH est nécessaire puisque l’hypothyroïdie peut s’intégrer dans un tableau clinique associant d’autres atteintes
apparaître secondairement, plusieurs mois après la chirurgie, sur- fibrosantes et inflammatoires dans le cadre d’une maladie à immu-
tout en cas de thyroïdite auto-immune sous-jacente. noglobulines G4 , qui peut comporter notamment une fibrose
rétropéritonéale et une pancréatite auto-immune.
Traitement radio-isotopique
De façon analogue, les envahissements du parenchyme thyroï-
Le traitement des pathologies thyroïdiennes par iode radio- dien par un processus néoplasique, une localisation métastatique
actif se complique volontiers d’hypothyroïdie, en particulier au ou dans le cadre d’une leucémie ou d’un lymphome, conduisent
décours du traitement de la maladie de Basedow. Une surveillance dans leurs formes extrêmes à un déficit de la production hormo-
systématique prolongée de la TSH est indispensable au décours. nale thyroïdienne.
Radiothérapie externe Enfin des hypothyroïdies par infiltration thyroïdienne liée à
Toute irradiation de la région cervicale peut entraîner une hypo- une maladie de surcharge ou une granulomatose (amylose, sar-
thyroïdie, dans un délai de plusieurs mois, voire plusieurs années coïdose, autres granulomatoses) ont été décrites.
après le traitement. C’est le cas particulièrement des traitements
de cancers oto-rhino-laryngologiques et des maladies de Hodgkin Hypothyroïdie congénitale à révélation tardive
qui ont conduit à une irradiation élevée (30–60 Gy). Une sur-
Le diagnostic des hypothyroïdies d’origine congénitale est
veillance de la TSH est indispensable au décours de ces situations
dans la très grande majorité des cas de reconnaissance pédia-
pendant plusieurs années.
trique, surtout depuis la généralisation du dépistage néonatal
Surcharge iodée de l’hypothyroïdie. Néanmoins, certains tableaux particuliers
L’hypothyroïdie induite par l’iode est surtout le fait de trai- peuvent échapper au diagnostic ou apparaître de façon retardée
tements par l’amiodarone, très riche en iode (1 comprimé de dans l’enfance, l’adolescence, voire même à l’âge adulte. Il s’agit de
200 mg apporte 75 mg d’iode, soit 500 fois plus que les besoins troubles de l’hormonogenèse, généralement associés à un goitre,
journaliers) et lipophile, s’accumulant dans les tissus (demi-vie ou d’anomalies de développement de la glande thyroïde et en
d’élimination plasmatique de 30 à 100 j). Elle est possible mais particulier d’ectopies thyroïdiennes.
plus rare dans les surcharges iodées d’autre origine : produits de
contraste radiologiques, antiseptiques locaux, préparations laxa- Facteurs nutritionnels, environnementaux
tives, produits diététiques à base de produits de la mer, etc. et généraux
L’apparition de l’hypothyroïdie est favorisée par l’auto-immunité
antithyroïdienne. Elle est ordinairement transitoire, réversible Le principal facteur environnemental traditionnellement à
avec l’élimination de la surcharge iodée, mais peut justifier la l’origine d’hypothyroïdies est la carence iodée. Elle était respon-
supplémentation hormonale. sable de goitres endémiques dans certaines régions du globe, par-
fois de tableaux de crétinisme, compliquant l’hypothyroxinémie
Autres causes médicamenteuses fœtale et infantile. Ces tableaux ont presque partout disparu.
Les antithyroïdiens de synthèse peuvent être à l’origine d’une Certains aliments sont goitrigènes et peuvent induire une hypo-
hypothyroïdie préjudiciable, ce qui justifie une surveillance régu- thyroïdie : chou, rutabaga contenant la goitrine, manioc qui
lière et une bonne adaptation du schéma thérapeutique. s’enrichit en thiocyanate lorsqu’il est séché au soleil.
L’hypothyroïdie est fréquente sous lithium, utilisé en psy- On observe aussi des hypothyroïdies avec goitre au cours
chiatrie dans la psychose maniacodépressive. Elle survient chez des syndromes néphrotiques qui déterminent une déperdition
environ 10 % des patients lors de la première année du traite- urinaire en hormones liées à la protéinurie. On a décrit des hypo-
ment, surtout chez les femmes. En effet, le lithium diminue la thyroïdies sévères et rebelles, liées à des hémangiomes hépatiques
production d’hormones thyroïdiennes surtout en inhibant la pro- producteurs de désiodase de type 3 qui constitue un puissant fac-
téolyse de la thyroglobuline et par son effet immunomodulateur. teur d’inactivation des hormones thyroïdiennes.
L’auto-immunité thyroïdienne préexistante favorise la survenue
de l’hypothyroïdie. Celle-ci coïncide avec un goitre, est en géné-
ral réversible à l’arrêt de la lithothérapie, lorsqu’elle est possible. Hypothyroïdie d’origine centrale
Mais il n’y pas de contre-indication à sa poursuite, en association (déficit thyréotrope)
avec l’hormonothérapie thyroïdienne.
Les cytokines sont aussi d’importants pourvoyeurs de dysthy- L’hypothyroïdie d’origine centrale est exceptionnellement iso-
roïdies. L’interféron ␣, essentiellement utilisé dans les hépatites lée, ordinairement associée à d’autres déficits hypophysaires.
chroniques B et C, mais aussi dans certaines hémopathies ou C’est le contexte qui permet généralement de l’évoquer : patho-
tumeurs solides, induit une dysthyroïdie dans 9 % des cas en logie tumorale de la région hypothalamohypophysaire, mais
moyenne (2,5 à 40 % selon les études) dont l’hypothyroïdie, aussi génétique, auto-immune, infectieuse, infiltrative, nécrose

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3-0480  Hypothyroïdie de l’adulte

ischémique du syndrome de Sheehan, radiothérapie cérébrale,


traumatisme crânien, hémorragie méningée, etc. La présentation
clinique est variable en fonction des déficits associés, il n’y a pas TSH accrue
de goitre, guère de myxœdème. Le diagnostic biologique n’est pas à plusieurs reprises
facile : la TSH est souvent normale, plus rarement basse, voire aug-
mentée, mais inadaptée à une T4 L basse. La T4 L peut toutefois être
dans les valeurs basses des normes.
TSH > 10 mU/l TSH < 10 mU/l

États de résistance à la « thyroid stimulating


hormone » Grossesse Autres circonstances
Infertilité
Ils sont liés à des mutations inhibitrices, souvent familiales, du Goitre
gène codant le récepteur de la TSH, ou du gène GNAS codant les Diabète
protéines de liaison Gs au cours des pseudohypoparathyroïdies de Hypercholestérolémie
type 1, parfois de type 2. (anticorps anti-TPO)

 Quels sont les risques Traiter par lévothyroxine L’opportunité du traitement


de l’hypothyroïdie ? Éviter tout surdosage thérapeutique n’est pas établie
- plutôt recommandé avant
Complications cardiovasculaires 60 ans
- plutôt déconseillé au-delà
Les complications cardiovasculaires demeurent les plus préoc- de 70 ans
cupantes chez les patients hypothyroïdiens. Les épanchements
péricardiques massifs sont devenus exceptionnels, mais la Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme de prise en charge de
péricardite myxœdémateuse peut encore être responsable de pré- l’hypothyroïdie fruste. TSH : thyroid stimulating hormone ; TPO : thyro-
cordialgies, qu’il ne faut pas confondre avec l’angor, en dépit peroxydase.
des atypies de l’électrocardiogramme propres à l’hypothyroïdie.
L’atteinte myocardique est constante dans les formes évoluées,
peuvent être commodes chez les sujets âgés ou lorsqu’on souhaite
affectant les fonctions systolique et diastolique. Cette atteinte
une introduction très progressive du traitement. L’administration
est réversible sous traitement par les hormones thyroïdiennes.
de la lévothyroxine se fait traditionnellement à jeun, idéalement
L’athéromatose coronarienne est fréquente et irréversible. Favo-
30 à 60 minutes avant le petit déjeuner. En pratique, ces délais
risée par la dyslipidémie, elle est en général asymptomatique,
étant difficiles à respecter, l’efficacité est parfois meilleure, avec
volontiers révélée lors de l’instauration du traitement par l’effet
des taux de TSH plus stables, lorsque la lévothyroxine est prise
inotrope et chronotrope positif des hormones thyroïdiennes.
au coucher, plus de deux heures après le dernier repas. En fait,
l’horaire et les modalités ont peu d’importance à condition que
Coma myxœdémateux la prise se fasse dans les mêmes conditions d’un jour à l’autre
(même horaire, même distance par rapport au repas). Il existe éga-
Le coma myxœdémateux est devenu rare en raison de l’efficacité lement de la L-thyroxine injectable, conditionnée en flacons de
du diagnostic biologique et du traitement de l’hypothyroïdie. Il 200 ␮g, réservée aux périodes de réanimation parentérale, aux
correspond à l’évolution ultime d’une hypothyroïdie profonde intolérances digestives ou au coma myxœdémateux.
négligée. Des facteurs déclenchants sont souvent identifiés : expo- Deux autres produits sont commercialisés. Le premier est la
sition au froid (survenue hivernale dans 95 % des cas), infection, lévo-tri-iodo-thyronine, ou liothyronine, qui est de la L-T3 , com-
mercialisée sous forme de comprimés de Cynomel dosés à 25 ␮g.
®
stress médical ou chirurgical, médicaments (sédatifs, opiacés, diu-
rétiques, digitaliques, etc.), hyperhydratation. Il est associé à une Le second est l’association de lévothyroxine (100 ␮g) et de lio-
thyronine (20 ␮g), nommée Euthyral . Ces deux présentations
®
hypothermie, une bradycardie, une hypoxémie, une hypotension
artérielle avec risque de collapsus et sur le plan biologique une contiennent de la L-T3 , qui possède une action biologique intense
hyponatrémie de dilution. La mortalité reste importante, proche et rapide, un risque potentiel de surdosage et une stabilité moins
de 20 %. parfaite des taux plasmatiques [4] .

 Comment conduire Indications


la thérapeutique La substitution hormonale est systématiquement indiquée dans
l’hypothyroïdie patente. Dans l’hypothyroïdie fruste, les indi-
de l’hypothyroïdie ? cations de substitution sont précisées dans la Figure 2. Il n’y
a vraisemblablement pas d’intérêt à substituer l’hypothyroïdie
Moyens thérapeutiques fruste chez les sujets âgés, que ce soit en termes d’amélioration
des symptômes ou de la qualité de vie [5] . Chez la femme enceinte,
La molécule de choix pour le traitement de l’hypothyroïdie
lorsque la TSH est comprise entre 4 et 10 mUI/l, la supplémen-
est la lévothyroxine (L-T4 ) sodique [3] , commercialisée sous deux
® tation en hormones thyroïdiennes est recommandée car elle est
présentations orales : Lévothyrox en comprimés dont il existe
® bénéfique sur l’évolution de la grossesse (diminution notamment
des génériques, et L-Thyroxine en gouttes. Elle est bien absor-
des fausses couches et des accouchements prématurés). Un effet
bée dans l’intestin grêle proximal, après ionisation permise par
positif sur le développement intellectuel des enfants à naître est
l’acidité gastrique. Sa demi-vie est de sept jours, ce qui garantit
également pressenti, bien qu’il n’ait jamais pu être formellement
une concentration plasmatique stable même en cas d’oubli occa-
démontré [6] .
sionnel. La L-T4 est convertie dans les tissus cibles en T3 , la forme
active, par les désiodases. Elle est d’usage facile compte tenu de
®
la multiplicité des dosages (comprimés de Lévothyrox sécables Adaptation de la posologie
dosés de 25 ␮g à 200 ␮g, avec tous les intermédiaires de 25 ␮g
en 25 ␮g), permettant un ajustement optimal de la posologie. Le La posologie de lévothyroxine nécessaire dépend du volume
fractionnement en un demi-comprimé (12,5 ␮g/j) ou la forme en de distribution et donc essentiellement du poids du patient. Elle
gouttes de L-thyroxine (5 ␮g de lévothyroxine sodique par goutte) ne dépend ni du mécanisme ni de la profondeur initiale de

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Hypothyroïdie de l’adulte  3-0480

l’hypothyroïdie. Les besoins sont proches de 1,6–1,7 ␮g/kg/j chez Cas particulier de l’hypothyroïdie d’origine
l’adulte, se réduisent chez le sujet âgé (1,3 ␮g/kg/j), s’accroissent
chez l’enfant (2–2,5 ␮g/kg/j). L’absorption de la L-T4 est alté- médicamenteuse
rée dans les situations de malabsorption intestinale (maladie En cas d’hypothyroïdie induite par un médicament, l’arrêt
cœliaque, gastrite à Helicobacter pylori ou gastrite atrophique). Elle de la thérapeutique est susceptible d’assurer la correction de
peut aussi être réduite par interférence avec des médicaments : l’hypothyroïdie. Dans la pratique, il faut mesurer le rapport béné-
sels de fer, de calcium, de magnésium, colestyramine, hydroxyde fice/risque puisque l’hypothyroïdie se traite facilement. De fait, la
d’aluminium, sucralfate, inhibiteurs de la pompe à protons. Son survenue d’une hypothyroïdie sous amiodarone ou sous lithium
métabolisme est accéléré par les inducteurs enzymatiques. Les autorise pleinement la poursuite de la thérapeutique, et nécessite
besoins augmentent pendant la grossesse, du fait de l’élévation l’introduction d’un traitement substitutif par la L-thyroxine. Il
de la thyroxin binding globulin (TBG) sous l’effet des estrogènes, de faut souligner que l’amiodarone accroît les besoins en hormones
la dégradation accrue par les désiodases placentaires. La posologie thyroïdiennes ; de plus, la survenue d’autres complications (pul-
de L-T4 doit donc être systématiquement majorée de 30 à 50 %, monaire, hépatique, neurologique, etc.) liées à l’amiodarone n’est
dès le retard de règles et la confirmation du diagnostic de gros- pas exclue. De même, il n’y a pas d’indication à interrompre les
sesse, suivie d’un dosage six semaines plus tard du taux de la TSH traitements anticancéreux du fait de l’apparition d’une hypothy-
et d’une éventuelle adaptation. roïdie ou d’un déficit thyréotrope.
L’initiation du traitement se fait avec une posologie initiale
d’autant plus faible et une progression d’autant plus lente que
le patient est âgé, que l’hypothyroïdie est profonde et ancienne.
Une grande prudence est aussi nécessaire chez le patient corona-
 Conclusion
rien ou à risque de présenter des troubles du rythme cardiaque.
Les hypofonctionnements thyroïdiens sont fréquents. L’auto-
En effet, l’effet inotrope et chronotrope positif des hormones thy-
immunité en représente l’étiologie de loin la plus fré-
roïdiennes sur le myocarde peut majorer l’ischémie myocardique
quente. Ces situations peuvent bénéficier remarquablement de
et les troubles du rythme. Ainsi, au décours d’une thyroïdecto-
l’hormonothérapie substitutive, dont la prescription et la sur-
mie totale, on prescrit d’emblée la lévothyroxine à la posologie
veillance répondent à des règles précises qu’il convient de bien
cible, d’environ 1,6 ␮g/kg/j. En cas d’hypothyroïdie profonde
connaître.
chez un sujet âgé ou coronarien, on débute par une faible poso-
logie, de 12,5 à 25 ␮g/j, en la majorant progressivement en cas
de bonne tolérance par paliers successifs de 12,5 à 25 ␮g jusqu’à Déclaration de liens d’intérêts : en la thématique, les auteurs déclarent des liens
la dose cible qui est minorée. En cas de mauvaise tolérance, on d’intérêt avec le laboratoire Merck Serono.
revient au palier précédent. Du fait des possibilités actuelles de
prise en charge pharmacologique et interventionnelle des coro-
naropathies, il est devenu exceptionnel de ne pouvoir obtenir la
correction de l’hypothyroïdie.
 Références
[1] Ladsous M. Hypothyroïdie de l’adulte. In: Wémeau JL, editor. Les
Surveillance du traitement maladies de la thyroïde. Paris: Masson; 2010. p. 103–13.
[2] Jaffiol C, Baldet L. Hypothyroïdie de l’adulte. In: Leclère J, Orgiazzi
La surveillance du traitement de l’hypothyroïdie périphérique J, Rousset B, Schlienger JL, Wémeau JL, editors. La thyroïde. Paris:
s’effectue grâce au dosage de la TSH. Il est inutile de doser la T4 L, Flammarion; 2001. p. 434–46.
parfois discrètement élevée sous traitement par L-T4 , ce qui n’a [3] Garber JR, Cobin RH, Gharib H, Hennessey JV, Klein I, Mecha-
pas la signification d’un surdosage thérapeutique. La TSH doit nick JI, et al., American Association Of Clinical Endocrinologists
être dosée en état d’équilibre, c’est-à-dire au moins six semaines And American Thyroid Association Taskforce On Hypothyroidism
à deux mois après toute modification de posologie. Une TSH éle- In Adults. Clinical practice guidelines for hypothyroidism in adults:
vée témoigne alors d’une posologie insuffisante de L-T4 , qui doit cosponsored by the American Association of Clinical Endocrino-
donc être majorée. Une TSH basse témoigne au contraire d’un logists and the American Thyroid Association. Thyroid 2012;22:
surdosage, nécessitant une diminution de la posologie. 1200–35.
[4] Wiersinga WM, Duntas L, Fadeyev V, Nygaard B, Vanderpump MP.
Une fois la posologie déterminée, un contrôle de la seule TSH
2012 ETA guidelines: the use of L-T4 + L-T3 in the treatment of
tous les six mois ou tous les ans est suffisant. En effet, les besoins
hypothyroidism. Eur Thyroid J 2012;1:55–71.
en hormones thyroïdiennes sont fixes, les éventuels symptômes [5] Stott DJ, Rodondi N, Kearney PM, Ford I, Westendorp RG, Mooijaart
dont se plaint le patient désormais ne sont plus en principe en SP, et al. Thyroid hormone therapy for older adults with subclinical
rapport avec la maladie thyroïdienne, ni avec son traitement. Il hypothyroidism. N Engl J Med 2017;376:2534–44.
n’y a pas lieu de s’étonner des petites fluctuations de la TSH (entre [6] Casey BM, Thom EA, Peaceman AM, Varner MW, Sorokin
0,1 et 5 mU/l) qui peuvent occasionnellement être constatées. Y, Hirtz DG, et al. Treatment of subclinical hypothyroidism
En cas de déficit thyréotrope, les posologies requises sont du or hypothyroxinemia in pregnancy. N Engl J Med 2017;376:
même ordre (de 1,6 à 1,7 ␮g/kg/j). L’adaptation se fait sur le dosage 815–25.
de la T4 L, mesurée le matin avant la prise du médicament : le
taux recommandé se situe dans la moitié supérieure des valeurs
usuelles du dosage. Le taux de la TSH se réduit et devient inférieur
Pour en savoir plus
aux normes, proche de 0,01 mU/l lorsque le déficit thyréotrope Recommandations HAS, SFE, avril 2007. Hypothyroïdies frustes chez
est correctement substitué. l’adulte : diagnostic et prise en charge.

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M. Ladsous, Praticien hospitalier (miriam.ladsous@chru-lille.fr).


Service d’endocrinologie, Centre hospitalier de Valenciennes, avenue Desandrouin, 59300 Valenciennes, France.
Service d’endocrinologie, Hôpital Claude Huriez, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France.
J.-L. Wémeau, Professeur émérite d’endocrinologie.
Université de Lille 2, Lille, France.
765, domaine de la Vigne, 59910 Bondues, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ladsous M, Wémeau JL. Hypothyroïdie de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(2):1-8
[Article 3-0480].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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