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Faculté Des Sciences Juridiques, Economiques et

Sociales d’El Jadida

Professeur Assistant
Sciences Economiques et de Gestion
El Mehdi BELABBES
belabbeselmehdi@gmail.com

Master 1 IFFI
Introduction à la finance islamique
2

Introduction à la finance islamique

Objectifs du cours
Comprendre ce que la finance islamique, ses sources, ses
fondements et ses principes.

Comparer la finance islamique avec la finance


conventionnelle.

Déterminer son poids et sa répartition géographique.

Préciser et d’analyser les produits de la finance islamique.


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Master : Ingénierie Financière et Finance Islamique

Plan du cours
Introduction générale
 Chapitre I : Concepts de base de la finance
 Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique
 Chapitre III : Qu’est-ce que la finance islamique
 Chapitre IV : Historique et évolution de la finance islamique
 Chapitre V : Les sources de la loi islamique « Sharia » : Le Saint Coran,
La Sounna, L'Ijmaa …
 Chapitre VI : Les sources de la loi marocaine : législation, coutume,
sharia
 Chapitre VII : Les principes fondamentaux de la finance islamique
 Chapitre VIII : Les produits islamiques de financement participatifs
(Mudaraba, Musharaka).
 Chapitre IX : Les instruments de dettes (Murabaha, Salam, Istisna,
Sukuk) et quasi-dettes (Ijara)
 Chapitre X : ASSURANCE ISLAMIQUE: L'ASSURANCE HALAL
 Chapitre XI: Divergences et convergences de la finance islamique et
conventionnelle (TD)
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Master : Ingénierie Financière et Finance Islamique

Références bibliographiques
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Introduction générale

L'homme est le représentant de Dieu sur terre

L’islam considère que Dieu a créé l’homme afin de le servir et


représenter le bon dieu sur la terre. Dans ce contexte, la propriété
individuelle est permise à partir du moment où elle est considérée
comme un usufruit. Les musulmans doivent respecter les règles
liées à la propriété et à la richesse encadrées par le Coran et la
sunna.

Tout musulman possédant des moyens financiers doit verser une


taxe appelée zakat. Le Coran encourage également les adeptes à
être charitables envers les pauvres. Cette charité est une donation
volontaire et est proportionnelle à la richesse du donneur. Cinq
principes fondamentaux guident la finance islamique.
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Introduction générale
Cinq principes fondamentaux guident la finance islamique :

 Premièrement, l’usage de l’intérêt est totalement interdit (haram) par


l’islam (« Dieu a permis le commerce et interdit le riba », sourate Al-
Baqara, verset 275).

 Deuxièmement, les profits et les pertes doivent être partagés entre les
créanciers et les débiteurs.

 Troisièmement, la religion musulmane condamne la spéculation

 Quatrièmement, la charia autorise uniquement les transactions


financières adossées sur des biens tangibles et identifiables (des biens
immobiliers ou des matières premières, par exemple).

 Cinquièmement, la charia exclut, de manière directe ou indirecte, les


biens impurs (les armes, l’alcool, le porc) comme la pornographie et le
jeu.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

1. Définition de la finance

2. Les instruments financiers


 Les actions
 Les obligations
 Les organismes de placement collectif en valeurs
immobilières OPCVM

3. Le marché financier
 Rôle du marché financier
 L’organisation du marché financier
 Les différents marchés financiers
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

1. Définition de la finance

La finance recouvre un domaine d'activité — celui du financement — qui


consiste à fournir l'argent nécessaire à la réalisation d'une opération
économique. Ce domaine concerne aussi bien les individus, les ménages que les
entreprises publiques ou privées, mais aussi les États.

La recherche de financement obéit à deux types d'objectifs suivant le volume


initial de capital :
 à niveau de capital restreint, on cherche à obtenir des capitaux nécessaires et
suffisants pour entreprendre, maintenir ou développer une activité ;

 à niveau de capital avéré, l'objectif est de trouver les placements les plus
pertinents en performance et en sécurité en fonction de la valeur temps de
l'argent.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

Le mot « finance » peut également désigner :

 soit les techniques qui permettent de façon raisonnée d'obtenir et de placer


des capitaux ;

 soit les agents économiques ou les institutions qui recherchent


des capitaux disponibles ou souhaitent en placer,

La finance peut être classée en 3 catégories :

 Finance publique : concerne la gestion du budget de l’Etat et de sa


politique fiscale.
 Finance privé : concerne la gestion de patrimoine et des revenus.
 Finance d’entreprise : concerne l’exploitation, l’investissement et la
trésorerie.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2. Les instruments financiers


2.1. Les actions
2.1.1. Définition
C’est un titre de propriété représentatif d’une fraction de capital d’une entreprise
donnant droit à des dividendes et à d’autres droits.
Dividendes : Revenu annuel des actionnaires. Les dividendes sont issus des bénéfices
de l’entreprise, qui rémunère ses actionnaires en distribuant une partie de ses bénéfices.
Généralement les entreprises qui émettent des actions sont demandeurs de capitaux, et
les personnes morales ou physiques qui investissent dans l’achat de ces actions sont des
offreurs de capitaux.

Ainsi si vous achetez une action, vous achetez une partie de la société plutôt que de lui
prêter de l'argent.

Les actions ne sont plus représentées, comme par le passé, par des documents en papier.
Aujourd’hui, celles-ci sont représentées par une simple inscription en compte en votre
nom (le propriétaire) auprès d’un établissement agréé chargé de tenir les comptes, à
savoir : le dépositaire.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.1.2. Modes de détention des actions :

 Actions au porteur : Le nom du propriétaire est connu de l’intermédiaire financier


mais n’est pas communiqué à la société émettrice. C’est la solution la plus fréquente

 Actions nominatives : Comme son nom l’indique, le nom du propriétaire est


connu de la société émettrice. Ceci facilite la communication entre les deux parties.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.1.3. Les droits des actionnaires :

 Le droit aux dividendes : chaque personne qui dispose d’une action bénéficie d’un
dividende. Le montant des dividendes est voté par l’assemblée générale. Les
dividendes ne sont qu’une partie du bénéfice net de l’entreprise qui est distribuée aux
actionnaires.
 Le droit à l’information : Tout actionnaire a droit à l’information sur les résultats
et la vie de l’entreprise. Il ne doit en aucun cas se faire refuser la possibilité de
consulter les documents financiers de la société et toute autre information jugée non
confidentielle.
 Le droit de vote : Vous pouvez voter en assemblée générale concernant les
décisions prises par l’entreprise. Le droit de vote est proportionnel au nombre
d’actions que vous détenez.
 Le droit à une partie de l’actif net de l’entreprise : Si l’entreprise dans laquelle
vous avez investi en actions se trouve en faillite, vous avez droit à une partie de son
patrimoine après que ses dettes soient honorées, et ce en fonction du nombre
d’actions que vous détenez.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.2. Les obligations

2.2.1 Définition

Les obligations sont des titres négociables permettant à l'entreprise d'obtenir


des fonds pendant une durée déterminée et entraînant l'obligation de payer un
intérêt (coupon) et de rembourser le principal selon des modalités de l’émission
(à l’échéance ou par amortissement).

Les obligations peuvent faire l’objet d’une cotation en bourse, ce qui permettrait
à l’investisseur de revendre ses obligations avant leur échéance ou d’acheter de
nouvelles obligations sur le marché.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.2. Les obligations

2.2.2 Les principales caractéristiques des obligations :

 La valeur nominale ou faciale représente une fraction du montant de l'emprunt


obligataire et est identique pour tous les titres relevant d'une même émission. Par
ailleurs, la valeur nominale sert de base au calcul des intérêts.

 Le prix d'émission est le prix payé par le souscripteur. On parle d'une émission «
au pair » si les obligations sont émises à la valeur nominale. Par ailleurs, les
obligations peuvent être émises en dessous du pair, la différence avec la valeur
nominale constituant une prime appelée « prime d’émission». Il arrive également que
l'émission se fasse au-dessus du pair.

 Les obligations sont remboursées soit au pair (à la valeur nominale) soit à un prix
supérieur fixe ou variable (prime de remboursement).
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

 La durée de vie de l'emprunt obligataire est le temps compris entre la date de


jouissance, date à laquelle les intérêts commencent à courir, et le dernier flux en
capital.

 La maturité est la période allant de la date d’observation jusqu'au dernier


remboursement. Au moment de l'émission, la durée de vie de l’emprunt obligataire et
sa maturité sont identiques.

 Le marché obligataire est un marché de moyen et long terme. Plus la durée de vie
de l’emprunt est longue, plus le risque attaché à l’obligation est élevé.

 La date de règlement est le jour où le souscripteur verse à l’émetteur le prix de


l’obligation.

 La date de jouissance est la date à partir de laquelle les intérêts commencent à


courir. Les dates de jouissance et de règlement ne sont pas forcément simultanées.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

 Le taux : Plusieurs notions de taux sont utilisées pour les emprunts obligataires : le
taux nominal ou taux facial et le taux actuariel :

 Le taux nominal est le taux à appliquer à la valeur nominale afin de calculer le


montant des intérêts que l'emprunteur versera aux porteurs des obligations. Ce
taux peut être :
 Fixe et inchangé pendant toute la durée de vie de l'obligation et ce, quelle
que soit l'évolution ultérieure des taux sur le marché ;
 Variable. Dans ce cas, le coupon de l'obligation est alors sujet à fluctuation.
Les modalités du calcul annuel du taux sont indiquées dans les modalités de
l'émission qui précise deux caractéristiques principales : le marché de
référence, pour identifier le taux à appliquer, et la période de référence pour
observer l'évolution de ce taux ;
 -Le taux de rendement actuariel égalise le prix d'un actif financier et la valeur des
flux futurs de paiements qui lui sont attachés.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.3. Les organismes de placement collectif en valeurs immobilières


OPCVM

Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) est un


organisme financier qui a pour vocation : La collecte de l’épargne auprès des
investisseurs pour la placer dans des valeurs mobilières selon des critères bien
défini.
Ainsi, cela permet de constituer un portefeuille de valeurs mobilières.
Les OPCVM permettent donc à tout investisseur de se constituer un portefeuille
de titres, qui est géré de manière optimale par des professionnels du domaine.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.3.1 Les catégories d’OPCVM :

 OPCVM Actions : Sont constitués majoritairement d’actions des sociétés cotées en


Bourse ou équivalent.

 OPCVM Obligataires : Sont constitués majoritairement de titres de créances à


moyen et long terme. Ils ne peuvent contenir plus de 10% en actions ou équivalents.

 OPCVM Monétaires : Sont constitués essentiellement d’instruments du marché


monétaire. Ils ne contiennent pas d’actions ou équivalents.

 OPCVM Contractuels : Portent contractuellement sur un résultat concret exprimé


en terme de performance et/ou de garantie du montant investi par le souscripteur.

 OPCVM diversifiés : sont constitués d’actions (ou équivalents) et de titres de


créances et ne doivent appartenir à aucune catégorie citée ci-dessus.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

2.3.2. Les types d’OPCVM :

Les OPCVM existent sous deux formes juridiques distinctes :

 SICAV : Société d’Investissement à Capital Variable est une société anonyme. Tout
investisseur qui souscrit à une action, devient actionnaire et possède le droit
d’exprimer son avis sur la gestion lors des assemblées générales.

 FCP : Fonds Commun de Placement : Copropriété des valeurs mobilières qui n’a pas
de personnalité morale. Sa gestion est assurée par un établissement de gestion de FCP
agissant au nom des porteurs
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

3. Le marché financier
3.1. Définition

 Le marché financier, comme tout marché, est un lieu d’échange entre acheteurs et
vendeurs. De plus, comme dans n'importe quel marché, les prix de vente et d'achat sont
déterminés par le niveau de l'offre et de la demande. Cet échange concerne des produits
ou instruments financiers.

 Les vendeurs ou agents à besoin de liquidités, dits agents à besoin de financement,


sont généralement des entreprises ou l’Etat à la recherche de liquidités pour financer
leurs projets de développement.
Les acheteurs ou agents disposant d’un excédent de liquidités, dits agents à capacité de
financement, sont généralement des épargnants ou des investisseurs qui souhaitent
investir dans les projets des entreprises ou de l’Etat en prêtant de l’argent ou en
devenant associés.
 Dans ce marché, les investisseurs contribuent au financement de l’Etat et des
entreprises par le placement de leur épargne. Les instruments financiers qui
contractualisent cet investissement sont appelés titres ou valeurs mobilières.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

3.2. Rôle du marché financier

Le marché financier permet aux entreprises, à l'Etat et aux épargnants d'augmenter leur
utilité.
Les épargnants ont la possibilité d'investir dans des instruments financiers et donc, ils
peuvent reporter leur consommation tout en obtenant une rémunération pour ce report
et faire fructifier leur épargne.

Les entreprises ont un meilleur accès aux capitaux disponibles et peuvent investir dans
des actifs productifs.
L'Etat peut mieux gérer son déficit à travers l'endettement interne.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

3.3. Organisation du marché financier

Dans tout marché, il y a le neuf et l’occasion. Le marché du neuf, de création de valeurs


ou titres, est appelé marché primaire. Le marché de l’occasion ou d’échange de valeurs
ou titres déjà créés est appelé marché secondaire.
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

3.4. Les différents marchés financiers


3.4.1. Marché monétaire
Le marché monétaire est un marché financier où s’échangent des titres de courte durée
contre des liquidités. Il est réservé aux institutions financières et entreprises qui peuvent
prêter ou emprunter des liquidités sur des durées très courtes.
Le marché monétaire est organisé en un marché interbancaire réservé aux banques
et un marché de titres de créances réservé aux investisseurs :

 Le marché interbancaire est le marché où les banques prêtent et empruntent des


liquidités à très court terme sans création de titres en contrepartie (emprunt à blanc).
La durée la plus fréquente est le jour le jour. Les prêts et emprunts garantis par des
titres sont connus sous le terme pension. La pension consiste en un transfert
simultané, entre deux parties, de titres contre une certaine somme d’argent, avec
l’engagement des deux parties de procéder au transfert inverse à une date ultérieure.
 Le marché des titres de créances négociables TCN est un marché où les
établissements de crédit empruntent par la création de Certificats de Dépôt CD ou
Bons des Sociétés de Financement BSF, et les entreprises par la création de Billet de
Trésorerie. Ce sont des titres de durées courtes ou moyennes
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Chapitre I : Concepts de base de la finance

3.4.2. Marché actions

Le marché actions est un marché financier où sont vendues et achetées des actions de
différents types d’entreprises.

Les actions sont des titres de propriété représentatifs d’une fraction du capital de
l’entreprise qui confèrent certains droits à leur détenteur.

Le marché actions est composé d'actions cotées et d'actions non cotées. Les actions
cotées peuvent être vendues ou achetées en Bourse. Les actions non cotées peuvent être
achetées et vendues de gré à gré à travers un intermédiaire financier.
En Bourse, il existe trois types de marchés actions ou compartiments.
 Le marché principale. C'est le compartiment du marché actions où sont échangées
les actions des grandes entreprises.
 Le marché développement. C'est le compartiment du marché actions où sont
échangées les actions des entreprises de taille moyenne à fort potentiel et avec des
perspectives de bénéfices futurs.
 Le marché croissance. C'est le compartiment du marché actions réservé aux
entreprise à forte croissance avec un portefeuille de projets à financer
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Introduction

1. La finance et l’éthique, deux concepts inséparables

2. La finance éthique

3. L’éthique toujours au cœur de la finance islamique

4. L’éthique et la finance solidaire

5. L’éthique et la microfinance
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Introduction
L'éthique est la science de la morale et des mœurs. C'est
une discipline philosophique qui réfléchit sur les finalités, sur
les valeurs de l'existence, sur les conditions d'une vie heureuse, sur la
notion de "bien" ou sur des questions de mœurs ou de morale.
L'éthique peut également être définie comme une réflexion sur les
comportements à adopter pour rendre le monde humainement
habitable.
En cela, l'éthique est une recherche d'idéal de société et de conduite de
l'existence.
Etymologiquement le mot "éthique" est un synonyme d'origine grecque
de "morale". Il a cependant, de nos jours, une connotation moins
péjorative que "morale" car plus théorique ou philosophique. Tandis que
la morale est un ensemble de règles ou de lois ayant un caractère
universel, irréductible, voire éternel, l'éthique s'attache aux valeurs et se
détermine de manière relative dans le temps et dans l'espace, en fonction
de la communauté humaine à laquelle elle s'intéresse.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Introduction (suite)

Etymologiquement le mot "éthique" est un synonyme d'origine grecque


de "morale".

Il a cependant, de nos jours, une connotation moins péjorative que


"morale" car plus théorique ou philosophique.
Tandis que la morale est un ensemble de règles ou de lois ayant un
caractère universel, irréductible, voire éternel, l'éthique s'attache aux
valeurs et se détermine de manière relative dans le temps et dans
l'espace, en fonction de la communauté humaine à laquelle elle
s'intéresse.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

1. La finance et l’éthique, deux concepts inséparables

La finance consiste à analyser en termes financiers, c’est-à-dire en $, MAD, €,


£, ou autres, toutes les décisions importantes qui surviennent dans les
organisations ou dans la société en général, dans le but d’assurer une utilisation
optimale des ressources et d’améliorer ainsi le bien-être de tout un chacun.

La finance est la base et l’articulation du système capitaliste, car elle permet de


s’assurer que toutes les décisions créent de la valeur et engendrent de la richesse.
Par conséquent, la finance doit permettre à tous les individus d’accéder à un
niveau de vie plus élevé.
Dans une économie caractérisée par la liberté de choix, les organisations et les
gens peuvent exercer leur pouvoir décisionnel, c’est-à-dire qu’ils ont la
possibilité d’optimiser leurs choix.
La finance joue un rôle prépondérant dans l’amélioration des prises de décisions
du fait qu’il est possible de mesurer son degré d’efficacité à la concrétisation ou
non des objectifs individuels ou collectifs,
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

1. La finance et l’éthique, deux concepts inséparables

Les transactions financières ne se font quasiment plus jamais directement entre


les deux personnes concernées. Ou bien celles-ci passent par une institution qui
servira d’intermédiaire entre elles, empruntant à l’une ce qu’elle prêtera à l’autre
; ou bien elles se prêteront de l’argent en émettant ou en souscrivant, en vendant
ou en achetant des titres sur un marché.

Les marchés, comme les institutions, doivent être réglementés et leurs


opérations contrôlées. Mais les lois sont-elles toujours bien adaptées et sont-
elles toujours bien respectées ?

La finance possède ainsi tous les ingrédients qui font d’elle un monde à part dans
l’économie, en permanence soumis aux choix faits par les agents et aux décisions
qu’ils prennent. S’il est dans l’économie un domaine plus social et plus humain
que tous les autres, c’est bien celui-là.
Dès lors la finance est inséparable de l’éthique, des deux formes d’éthique que
l’on distingue habituellement (Collin, 1998, 54).
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Les transactions financières ne se font quasiment plus jamais directement entre


les deux personnes concernées. Ou bien celles-ci passent par une institution qui
servira d’intermédiaire entre elles, empruntant à l’une ce qu’elle prêtera à l’autre
; ou bien elles se prêteront de l’argent en émettant ou en souscrivant, en vendant
ou en achetant des titres sur un marché.

Les marchés, comme les institutions, doivent être réglementés et leurs


opérations contrôlées. Mais les lois sont-elles toujours bien adaptées et sont-
elles toujours bien respectées ?

La finance possède ainsi tous les ingrédients qui font d’elle un monde à part dans
l’économie, en permanence soumis aux choix faits par les agents et aux décisions
qu’ils prennent. S’il est dans l’économie un domaine plus social et plus humain
que tous les autres, c’est bien celui-là.
Dès lors la finance est inséparable de l’éthique, des deux formes d’éthique que
l’on distingue habituellement de l’éthique dite de conviction, qui consiste à se
donner un but qui respecte certaines valeurs, énoncées le plus souvent par la
religion, sinon par la loi naturelle.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

L’éthique s’applique tout naturellement à la finance.

Dans un domaine où tout repose sur la confiance, où les acteurs deviennent


créanciers et débiteurs les uns des autres pendant un certain temps, où les
opérations deviennent de plus en plus sophistiquées, où leur impact devient de
ce fait de plus en plus difficile à maîtriser, où la monnaie elle-même semble
devenir purement virtuelle, il est bien évident que les personnes ne peuvent pas
faire n’importe quoi, et les institutions non plus. Et il ne suffit pas, pour les
institutions surtout et pour ceux qui les dirigent, de
 respecter les règles,
 d’être ouverts aux contrôles,
 d’être transparents.

Il faut que tous les agents, quels qu’ils soient, agissent non seulement en
respectant la loi, mais en écoutant ce que dit leur conscience.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

2. La finance éthique

Définition

La finance éthique, celle qui l’est réellement, se définit par sa destination : à qui
l’argent va-t- il être prêté, à quoi va-t-il servir ?

Lorsque ce concept est apparu, au début des années 80, il voulait dire que
l’argent n’allait pas être investi dans des entreprises exerçant une activité qui
pouvait apparaître condamnable, telle que l’armement, le tabac, l’alcool, le jeu…

Cette définition purement négative et de ce fait exagérément large, s’est trouvée


rapidement mieux précisée. La finance éthique est désormais celle qui est
orientée vers certaines entreprises, certaines activités. Leur liste n’est pas
arrêtée, mais elle fait le plus souvent référence à trois critères, qui ne sont pas
des critères financiers :
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Les critères de la finance éthique :

 Le premier critère est social. Il concerne l’attitude des entreprises à


l’égard de leurs salariés. Quelle est sa politique de recrutement, de
licenciement, les salariés sont-ils impliqués dans la vie de l’entreprise, sont-ils
bien traités par leur employeur… ?

 Le deuxième critère est économique. Il concerne la gouvernance. Quelle


est l’attitude des entreprises à l’égard des « parties prenantes », non
seulement de ses salariés, mais de ses clients, de ses fournisseurs, des
collectivités locales où elle est implantée, de tous ses partenaires de la société
civile… ?

 Le troisième critère est plus politique. Il concerne le respect de


l’environnement. Les entreprises ont-elles le souci de respecter la nature et
d’exercer leur activité en se situant dans le long terme sans compromettre la
capacité des générations futures à satisfaire leurs besoins ?
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Les critères de la finance éthique :

Ces trois critères sont ceux-là mêmes qui caractérisent le développement


durable. Ils correspondent aussi à ce que l’on appelle aujourd'hui
l’investissement socialement responsable (ISR) qui repose à la fois sur des
critères financiers et sur des critères extra- financiers. Les deux concepts ne se
rejoignent pas parfaitement, mais on peut dire que la décision d’investir d’une
façon « socialement responsable » caractérise un comportement éthique.

Une fois les choix effectués et les décisions prises,


 comment les choses vont-elles se passer ?
 De quelle façon l’argent va-t-il être prêté – emprunté ?

La solution la plus courante est l’intervention d’un organisme qui va emprunter à


certains agents et prêter à d’autres. Ce peut être une banque, une société de
bourse, une institution financière qui, le plus souvent en marge de son activité
normale, va émettre des titres de SICAV pour investir ensuite les fonds récoltés
dans des entreprises qui répondent aux critères que nous venons d’examiner.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

3. L’éthique toujours au cœur de la finance : la finance islamique

La finance islamique n’est pas éthique au regard de sa destination, elle l’est par
son inspiration, qui n’est autre que la charia, la loi de la religion musulmane,
basée essentiellement sur le Coran.
Le précepte le plus connu est l’interdiction de l’usure – le riba – qui est
normalement un taux d’intérêt excessif, mais qui se traduit par une interdiction
du prêt à intérêt.
La sourate 2 est claire à cet égard. « Dieu a permis la vente, il a interdit l’usure »
(verset 275) ;

‫ «الذين يأكلون الربا ال يقومون إال كما يقوم الذي يتخبطه الشيطان من المس ذلك بأنهم قالوا إنما‬:‫يقول هللا تعالى‬
‫البيع مثل الربا وأحل هللا البيع وحرم الربا فمن جاءه موعظة من ربه فانتهى فله ما سلف وأمره إلى هللا ومن عاد‬
.)275:‫فأولئك أصحاب النار هم فيها خالدون» (البقرة‬
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

« Ô croyants ! Craignez Dieu et abandonnez ce qui vous reste de l’usure, si


vous êtes fidèles (verset 278) ;

َّ َ‫الربَا ِإ ْن ُكنت ُ ْم ُمؤْ ِمنِينَ ۝ فَإِ ْن لَ ْم تَ ْف َعلُوا فَأْ َذنُوا ِب َح ْرب ِمن‬
ِ‫َّللا‬ ِ َ‫ي ِمن‬ َ َّ ‫يَا أَيُّ َها الَّذِينَ آ َمنُوا اتَّقُوا‬
َ ‫َّللا َو َذ ُروا َما بَ ِق‬
ُ ‫ظلَ ُمونَ ۝ َو ِإ ْن َكانَ ذُو‬
‫ع ْس َرة فَن َِظ َرة ٌ ِإلَى‬ ْ ُ ‫ظ ِل ُمونَ َوال ت‬ ْ َ‫وس أَ ْم َوا ِل ُك ْم ال ت‬
ُ ‫سو ِل ِه َو ِإ ْن ت ُ ْبت ُ ْم فَلَ ُك ْم ُر ُء‬
ُ ‫َو َر‬
]280-278:‫ص َّدقُوا َخي ٌْر لَ ُك ْم ِإ ْن ُكنت ُ ْم تَ ْعلَ ُمونَ [البقرة‬ َ َ‫س َرة َوأَ ْن ت‬ َ ‫َم ْي‬

Cette interdiction se retrouve aussi dans l’Ancien Testament, comme dans la


Politique d’Aristote.
Elle a été reprise par saint Thomas d’Aquin et réaffirmée par les conciles et
les encycliques jusqu’à ce que, au XIXème siècle, l’intérêt soit distingué de
l’usure.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Remarques :

L’intérêt n’est pas remplacé dans la finance islamique.


Le créancier qui prête de l’argent ne perçoit pas un intérêt fixé à l’avance et
garanti, il partage avec son débiteur le profit que celui- ci va faire avec
l’argent qu’il lui prête… ou il prend sa part dans la perte qui peut survenir.

Il n’y a plus de créances et de dettes, ni par conséquent de créancier et de


débiteur, il y a deux acteurs engagés dans une entreprise commune, il y a
une association de deux personnes pour réaliser un projet commun.

La spéculation financière est interdite, de même que « l’incertitude


excessive. Il s’ensuit aussi que cette relation au réel doit bien apparaître, et
que toutes ces opérations doivent être suffisamment transparentes.
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

La finance islamique est bien une finance éthique. Cela est d’autant plus vrai
que les investissements ne sont pas autorisés dans certains secteurs tels que
l’industrie du jeu, du tabac, de l’alcool, de l’armement… comme dans les
entreprises qui dépassent certains pourcentages d’endettement.

Cette finance islamique peut même être perçue comme étant au service de
l’homme, avec pour finalité la protection de l’être humain, de la famille, de
l’harmonie sociale et même de l’environnement (Jouaber et Jouini, 2013).

Ce respect de l’environnement, associé au respect des générations futures,


rapproche la finance islamique des objectifs du développement durable,
comme des pratiques de responsabilité sociale vers lesquelles tendent les
entreprises (Forget, 2009).
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

La finance islamique est bien une finance éthique. Cela est d’autant plus vrai
que les investissements ne sont pas autorisés dans certains secteurs tels que
l’industrie du jeu, du tabac, de l’alcool, de l’armement… comme dans les
entreprises qui dépassent certains pourcentages d’endettement.

Cette finance islamique peut même être perçue comme étant au service de
l’homme, avec pour finalité la protection de l’être humain, de la famille, de
l’harmonie sociale et même de l’environnement (Jouaber et Jouini, 2013).

Ce respect de l’environnement, associé au respect des générations futures,


rapproche la finance islamique des objectifs du développement durable,
comme des pratiques de responsabilité sociale vers lesquelles tendent les
entreprises (Forget, 2009).
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

D’autres dispositions du Coran contribuent à faire de la finance islamique


une authentique finance éthique : elles concernent la Zaqât, impôt religieux
qui s’impose à tous les croyants sur l’ensemble de leurs biens et qui est
généralement recouvré par les banques, mais qui peut être versé
directement à des associations.

En fait, le Coran parle toujours d’aumône. « Ô croyants ! Faites l’aumône


des meilleures choses que vous avez acquises… L’aumône que vous ferez, le
vœu que vous formerez, Dieu les connaîtra… Ceux qui feront l’aumône le
jour et la nuit, en secret et en public, en recevront la récompense de Dieu »
(sourate 2, versets 269, 273, 275).
ِّ ‫ص َدقَا‬
‫ت‬ َّ ‫) ِّإن ت ُ ْبدُوا ال‬270( ‫صار‬ َ ‫ين ِّم ْن أَن‬ َ َّ ‫َو َما أَنفَ ْقتُم ِّمن نَّفَقَة أ َ ْو نَذَ ْرتُم ِّمن نَّ ْذر فَ ِّإ َّن‬
َّ ‫ّللا َي ْعلَ ُمهُ ۗ َو َما ِّلل‬
َ ‫ظا ِّل ِّم‬
‫ون‬َ ُ‫ّللاُ بِّ َما ت َ ْع َمل‬
َّ ‫سيِّئَاتِّ ُك ْم ۗ َو‬ َ ‫ي ۖ َوإِّن ت ُ ْخفُو َها َوت ُ ْؤتُو َها ا ْلفُقَ َرا َء فَ ُه َو َخيْر لَّ ُك ْم ۚ َويُك َِّف ُر عَنكُم ِّمن‬ َ ‫فَنِّ ِّع َّما ِّه‬
َ ُ‫س ُك ْم ۚ َو َما تُن ِّفق‬ ِّ ُ‫ّللا يَ ْهدِّي َمن يَشَا ُء ۗ َو َما ت ُن ِّفقُوا ِّم ْن َخيْر فَ ِِّلَنف‬ َٰ
‫ون‬ َ َّ ‫علَ ْيكَ ُهدَا ُه ْم َولَ ِّك َّن‬ َ ‫) ۞ لَّي‬271( ‫َخبِّير‬
َ ‫ْس‬
‫ِّين أُحْ ِّص ُروا فِّي‬ َ ‫اء الَّذ‬ ِّ ‫) ِّل ْلفُقَ َر‬272( ‫ون‬ َ ‫ف إِّلَ ْي ُك ْم َوأَنت ُ ْم َّل ت ُ ْظلَ ُم‬ َّ ‫ّللا ۚ َو َما تُن ِّفقُوا ِّم ْن َخيْر يُ َو‬ ِّ َّ ‫إِّ َّّل ا ْبتِّغَا َء َوجْ ِّه‬
‫ون‬ َ ُ‫سأَل‬ْ َ‫سي َما ُه ْم َّل ي‬ ِّ ‫ف ت َ ْع ِّرفُ ُهم ِّب‬ ِّ ُّ‫سبُ ُه ُم ا ْل َجا ِّه ُل أ َ ْغنِّيَا َء ِّم َن التَّعَف‬
َ ْ‫ض يَح‬ ِّ ‫ض ْربًا فِّي ْاْل َ ْر‬ َ ُ‫ست َ ِّطيع‬
َ ‫ون‬ ْ َ‫ّللا َّل ي‬
ِّ َّ ‫س ِّبي ِّل‬
َ
‫س ًّرا‬ِّ ‫ون أ َ ْم َوالَ ُهم ِّباللَّ ْي ِّل َوالنَّ َه ِّار‬ َ ُ‫ِّين يُن ِّفق‬
َ ‫) الَّذ‬273( ‫ع ِّليم‬ َ ‫ّللا ِّب ِّه‬ َ َّ ‫اس ِّإ ْل َحافًا ۗ َو َما تُن ِّفقُوا ِّم ْن َخيْر فَ ِّإ َّن‬َ َّ‫الن‬
)274( ‫ون‬ َ ُ‫علَي ِّْه ْم َو َّل ُه ْم يَحْ ََزن‬ َ ‫َوع َََلنِّيَةً فَلَ ُه ْم أَجْ ُر ُه ْم ِّعن َد َربِّ ِّه ْم َو َّل َخ ْوف‬
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Chapitre II : Qu’est-ce que la finance éthique

Mais le plus important, c’est que cette aumône est constamment liée à la
prière. Comme par exemple dans la sourate 4 : « Ceux qui observent la
prière, qui font l’aumône, qui croient en Dieu… (verset 160). Cette formule
est si fréquente que « les deux concepts sont comme soudés »

L’aumône qui est l’un des cinq commandements religieux de l’Islam


apparaît comme l’impôt des pauvres ou « l’impôt de purification » lorsqu’un
intérêt a été illégalement perçu.. Il devient un moyen de faire circuler les
biens au profit des plus pauvres et, au-delà, un moyen de réaliser l’équilibre
et la justice sociale (Hazoug, 2013)11. Si on n’est pas dans l’éthique, on n’en
est pas très loin !

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