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L’assurance de responsabilité de l’armateur et du chargeur dans le Transport de

Marchandises Dangereuses (TMD) en zone CEMAC

MAGNE ANNE NESTORINE, Ph.D en Droit des Affaires et de l’entreprise de l’Université


de Dschang, Assistante à l’université de Douala

Résumé

Comment répare-t-on les dommages causés par les marchandises dangereuses ? Quels
sont les principes qui gouvernent cette réparation surtout au niveau de la quantification des
indemnités à verser aux victimes ? Ces questions trouveraient bien une réponse dans une
étude consacrée au transporteur. Par contre, concernant le chargeur de marchandises
dangereuses, aucun texte ne prévoit de façon cohérente et suffisamment claire, des régimes de
réparation et de quantification des indemnités. Le flou juridique existant en la matière à
conduit à s’intéresser aux mécanismes d’assurance existant.

Les législations sur le transport de marchandises dangereuses par mer n’exigent pas de
façon spécifique une assurance de responsabilité civile du chargeur. Le Code CIMA par
exemple ne régit pas les assurances maritimes. L’assurance qu’on peut qualifier de classique
et qui peut concerner tous les opérateurs du transport de marchandises dangereuses, bien que
revêtant une importance à nul autre comparable, n’a pas retenu l’attention du législateur. On a
donc assisté au développement des clubs de protection et indemnisation propres aux
armateurs, qui essayent tant bien que mal de compenser les insuffisances textuelles. Cet état
de chose a permis de donner à l’assurance une double facette. L’urgence de
l’institutionnalisation d’une assurance de responsabilité civile se fait donc ressentir dans la
zone CEMAC.

Mots clés : dommages-responsabilité civile-assurances maritimes – transport – indemnisation


– armateurs-chargeur.

117
ABSTRACT

How is the damage caused by dangerous goods repaired? What are the principles that
govern this compensation, especially when it comes to quantifying what should be paid to
victims? These questions would be answered in a study of the carrier. Conversely, as far as
the shipper of dangerous goods is concerned, no text provides in a coherent and sufficiently
clear way, schemes of repair and quantification of indemnities. The legal uncertainty in this
area has led to an interest in existing insurance mechanisms.

Legislation on the carriage of dangerous goods by sea does not specifically require
shipper's liability insurance. The CIMA Code for example excludes marine insurance. The
insurance which can be described as classic and which may concern all transport operators of
dangerous goods, although of greater importance than any other, has not drawn the attention
of the legislator. We have therefore seen the development of protection and compensation
clubs specific to shipowners, who are trying somehow, to compensate for textual
inadequacies. This state of affairs has given insurance a double facet. In particular, as far as
the shipper is concerned, the urgency of the institutionalization of a liability insurance related
to him is felt in the CEMAC zone.

Key words: damage-civil liability-marine insurance – transport – compensation –shipowners-


shipper.

118
Au regard de la croissance quasi exceptionnelle de la demande de transport,
l’assurance maritime acquiert un rôle de plus en plus important dans l’économie.
L’inexistence d’un régime juridique clair et précis dans le cadre de la réparation des
dommages causés par les marchandises dangereuses nous amène à nous pencher sur les
garanties de réparation comme l’assurance, qui pourrait en quelque sorte pallier cette
situation.

L’assurance se présente ainsi comme le mécanisme de protection le plus efficace


contre les risques auxquels les biens sont exposés durant le transport. Elle est reconnue
comme un redoutable remède aux problèmes soulevés par le transport maritime, au point de
devenir aujourd’hui une institution indispensable. Il n’est plus possible d’envisager le
transport maritime sans l’assurance maritime ; « l’assurance est la condition même du
commerce maritime » écrivent Pierre BONASSIES et Christian SCAPEL1.

L’assurance2 est indispensable à la pérennité du commerce maritime. Tout le monde


s’accorde sur ce point3. Qu’il s’agisse du transport de marchandises ou de personnes, la
diversité et la complexité des risques qui jalonnent l’expédition maritime sont indissociables
d’une entreprise de partition des risques. Dans le cadre du déplacement de marchandises
dangereuses, la prise en compte de ce paramètre se manifeste non seulement dans le régime
de responsabilité du transporteur, mais aussi du chargeur. Ce dernier est d’ailleurs défini

1
BONASSIES (P.) et SCAPEL (Ch.), Droit maritime, LGDJ, 2006, p. 819, n° 1280. Voir aussi DJAMPA (P. J.),
Le traitement juridique des accidents maritimes au Cameroun, Thèse, Université de Yaoundé II-Soa, 2015, pp.
186 et s.
2
Pour de plus amples développements sur la question de l’assurance se référer à: RODIERE (R.), Droit
maritime, Assurances maritimes. Dalloz, 1983; REMOND-GOUILLOUD (M.), Les assurances maritimes, in
EWALD (F.) Encyclopédie de l’assurance, Economica, Dalloz 1997; NICOLAS (P-Y.), Le transport maritime
de passagers: responsabilités et assurances. DMF, 1999, p. 857; BRUSCHI (M.), L’assurance de responsabilité
professionnelle. Petites affiches, 11 juillet 2001, n° 137, p. 10; Bonnard (J), Droit des assurances, Objectif Droit.
Litec. 2ème éd. 299 pages, mai 2007; GROUTEL (H.) et BERR(C-J.), Droit des assurances, 11éme éd. Dalloz,
janvier 2008; TASSEL (Y.), Mer et responsabilité. Actes du colloque de Brest tenu les 16 et 17 octobre 2008.
Centre de droit et d’économie de la mer. éd. Pédone, 218 pages, p. 169; TASSEL (Y.), Les assurances maritimes
in Droits maritimes sous la Direction de BEURIER (J.P.), Dalloz, 2009-2010. pp. 449 et s; DELPOUX (C.),
« Les contraintes assurantielles de l’indemnisation des dommages corporels par l’assurance de responsabilité »,
les cahiers de l’assurance, n° 68, décembre 2006. Article disponible suivant le lien
http://www.ffsa.fr/webffsa/risques.nsf/html/Risques_68_0018.htm.
3
En ce sens, le Doyen RODIERE souligne que « l’assurance est pour le développement du commerce ce qu’est
la propulsion pour le navire ». Voir RODIERE (R.), Droit maritime, Assurances maritimes, op. cit. p. 1. Ce
constat est largement partagé avec REMOND-GOUILLOUD pour qui, l’assurance est une technique de partition
des risques inséparables de l’activité des transports. Chaque risque se trouve ainsi mesuré, étalé, limité et
partagé. Se référer à REMOND-GOUILLOUD (M.), Les assurances maritimes, op cit. p. 819. Sur la question
de l’indemnisation du passager victime d’accident corporel, FRANCOIS-XAVIER PIERRONET attire notre
attention sur le fait qu’en la matière, l’assurance est le contrefort de la responsabilité civile dans le déplacement
maritime de personnes.

119
comme toute personne qui conclut un contrat de transport avec le transporteur. A partir du
moment il encourt une responsabilité aussi importante que celle du transporteur, et qui peut
même être plus lourde au regard de son caractère, il devient désormais indispensable pour lui
de souscrire une assurance de responsabilité civile au même titre que le transporteur.

L’armateur pour ce qui le concerne est celui qui, propriétaire ou non, arme, c’est-à-
dire équipe ou fait équiper un ou plusieurs navires. Il est donc la personne qui exploite un ou
plusieurs navires, ce qui lui confère des responsabilités particulières.

Par définition, l’assurance « est une opération par laquelle une partie, l’assuré, se fait
promettre moyennant une rémunération, la prime (ou cotisation pour les mutuelles), pour lui
ou un tiers, en cas de réalisation d’un risque, une prestation par une autre partie, l’assureur
qui, prenant en charge un ensemble de risques, les compense conformément aux lois de la
statistique »4. Toute opération d’assurance a ainsi pour objet de transférer les conséquences
financières d’un risque survenu de l’assuré vers l’assureur.

les marchandises dangereuses quant à elles sont constituées de toute matière ou tout
objet contenant des matières qui, de par leur nature, leurs propriétés ou leur état, sont
susceptibles de représenter, dans le cadre de leur déplacement, un danger pour la sécurité et
l’ordre public, en particulier pour la santé, les biens collectifs majeurs, la vie des personnes et
animaux et d’autres biens, et qui, conformément aux dispositions légales doivent être classées
comme marchandises dangereuses.

L’assurance maritime relative à une opération de transport peut porter aussi bien sur le
navire (c’est l’assurance sur corps de navire), sur la responsabilité (c’est l’assurance de
responsabilité) que sur les facultés5 (entendues comme les marchandises transportées par voie
de mer). Ainsi, distingue-t-on trois types d’assurances maritimes : l’assurance sur corps,
l’assurance de responsabilité et l’assurance de facultés6. L’assurance sur corps est une
assurance par laquelle le propriétaire d’un navire se garantit contre les avaries ou la perte

4
HEMARD (J.), Théorie et pratique des assurances terrestres, Sirey 1924, t. I, p. 73.
5
La notion traditionnelle de « facultés » a été remplacée en France par celle de « marchandises » par
l’ordonnance du 15 juillet 2011 (Code des assurances, intitulé de la section II du chapitre III et art. L. 173-20).
Ce changement qui n’a guère d’impact, l’avait été tout simplement dans un esprit de modernisation. En Afrique
centrale, le législateur de 2012 n’a pas trouvé de raison importante pour un changement, c’est pourquoi, en droit
positif CEMAC, c’est toujours le terme « facultés » qui est usité.
6
TANKEU (M.), Pluralité d’acteurs et assurance de facultés dans le transport maritime en zone CEMAC,
Thèse de Doctorat, Université de Dschang, 2017, p. 2.

120
éventuelle de ce navire en conséquence d’un risque de mer7. Elle garantit aussi son assuré
contre certains risques financiers (contribution aux avaries communes) et contre certains
risques de responsabilité (responsabilité pour abordage ou accident assimilé)8. Dans
l’assurance sur corps, l’assuré est le propriétaire du navire. Cependant, toute autre personne
ayant un intérêt légitime à la sécurité du navire peut certainement contracter une assurance sur
corps, tel un affréteur coque-nue ou encore un créancier hypothécaire. L’assureur quant à lui
est une compagnie d’assurance spécialisée dans l’assurance maritime ou ayant un département
spécialisé dans les assurances maritimes9. L’assurance des navires est contractée, soit pour un
voyage, soit pour plusieurs voyages consécutifs, soit pour une durée déterminée10.

L’assurance de la responsabilité civile est relative à la responsabilité encourue par


l’armateur ou le transporteur, - mais devrait de plus en plus l’être par le chargeur - soit à
l’égard des tiers du fait des dommages causés par le véhicule, soit à l’égard des contractants
du fait de l’exécution défectueuse du contrat de transport. Il s’agit d’une garantie qui lui
permet de se prémunir contre les revendications émanant des tiers ou des cocontractants et
résultant des dommages qu’il leur aurait causé à l’occasion de l’exercice de son activité. Ce
type d’assurance permet à l’armateur, au transporteur, aux intermédiaires de transport, bref, à
toute personne intervenant dans l’aventure maritime, de se protéger contre les recours des
tiers pour les dommages matériels (faits de mort, lésion corporelle, maladie, pollution par les
hydrocarbures) non couverts par l’assurance sur corps. En Afrique centrale comme en France,
cette garantie est offerte principalement par les compagnies d’assurance classique 11. En
Grande Bretagne, les sociétés d’assurance se sont progressivement désintéressées de cette
branche au grand bonheur des Protecting and Indemnity Clubs12.

Au regard de l’augmentation criarde de la demande de transport, l’assurance maritime


acquiert une place prépondérante dans l’économie. Le déplacement fréquent des marchandises
et des outils de transport entraînant leur exposition à des risques, il devient impérieux de les
protéger et de protéger également l’éventuelle responsabilité de l’expéditeur. Le navire, sa

7
V. les articles 708 à 727 du Code CEMAC de la marine marchande (CMM) relatifs aux règles particulières aux
assurances sur corps de navire.
8
BONASSIES (P.) et SCAPEL (Ch.), Droit maritime, op. cit., p. 820.
9
C’est le cas des grandes compagnies d’assurance qui recouvrent presque toutes les activités d’assurance. Elles
sont organisées de manière qu’une branche ou département s’occupe d’une activité précise déterminée.
10
Art. 708 CMM.
11
TANKEU (M.), Pluralité d’acteurs et assurance de facultés dans le transport maritime en zone CEMAC,
Thèse de Doctorat, Université de Dschang, 2017, p. 3.
12
V. infra : Le développement du recours contre les Protecting and Indemnity Clubs, n° 516.

121
cargaison et leurs accessoires doivent être assurés contre les dommages qu’ils peuvent subir
ou bien causer. L’assurance maritime, qui est tout à la fois une assurance de biens et de
responsabilité, a donc pour objet la prise en charge des dommages survenus dans le cadre
d’une opération maritime13.

Si l’assurance s’est aujourd’hui étendue à toutes les activités humaines, elle a toujours
régné en mer. Dès le haut Moyen âge, l’armateur pouvait se protéger du risque de mer par la
technique du prêt à la grosse aventure. L’armateur empruntait une somme correspondant à la
valeur du navire et des marchandises transportées. En cas de retour du navire à bon port, il
devait rembourser cette somme augmentée de la prime convenue pour prix des risques
encourus. En revanche, si le navire se perdait, l’obligation de restitution de l’armateur
s’éteignait. Alors que le prêt à la grosse aventure subsistera jusqu’au Code de commerce, le
contrat d’assurance maritime fera son apparition à la fin du XVème siècle14.

Dans la zone CEMAC, l’assurance maritime en général et l’assurance sur facultés en


particulier n’a fait que l’objet d’une réglementation sommaire par le législateur
communautaire pour des raisons de liberté contractuelle. Il y a donc une omission complète de
l’assurance de responsabilité. Les polices utilisées sont principalement celles élaborées par la
Fédération Française des Sociétés d’Assurance dont la dernière mise à jour remonte au 1er
juillet 200915. Ces clauses des polices d’assurances constituent une source de références
importantes en ce qui concerne les obligations et les droits des parties. Bien plus, l’assurance
maritime est exclue du champ d’application du Code CIMA. Le délaissement de celle-ci par
les législateurs n’est pas seulement une particularité de l’Afrique centrale, mais un état
général observé dans les législations contemporaines16.
Ainsi, on pourrait s’interroger sur le point de savoir si le dispositif actuel dans la zone
CEMAC permet de justifier d’un régime d’assurance de responsabilité cohérent propre à
l’armateur et au chargeur de marchandises dangereuses ?
En effet, l’assurance de responsabilité ne fait pas l’objet d’une réglementation
spécifique que ce soit au niveau communautaire, qu’au niveau des États membres. Cette

13
MONTAS (A.), Droit Maritime, Vuibert, 2012, p. 195.
14
ibid.
15
TANKEU (M.), op. cit., p. 27.
16
HÜBNER (Ch.) et NAJJAR (H. R.), « Commission ‘‘Assurances’’ du CMI – Perspectives », DMF 2007, n°
673, p. 700.

122
médiocre attention accordée par les législateurs à l’assurance de responsabilité maritime est
surprenante.
Ainsi, traiter de l’assurance de responsabilité dans le déplacement des marchandises
dangereuses n’est pas dénué d’intérêt quand on sait la place qu’occupe le transport maritime
dans l’économie de la sous-région – plus de 80 % de marchandises à destination ou en
provenance de la sous-région CEMAC se font par voie maritime -, la croissance des États
étant liée au volume des échanges qu’ils entretiennent avec l’extérieur. De ce fait, l’enjeu
d’une connaissance des règles applicables à leurs activités par les acteurs du commerce
maritime n’est plus à démontrer, car il est opportun pour les opérateurs économiques d’avoir
une maîtrise des règles gouvernant leurs activités et par là même, la maîtrise de l’étendue de
leurs engagements malgré la réglementation lacunaire, du moins embryonnaire17.
Procédé de répartition collective du risque de mer, l’assurance est la condition sine
qua non du commerce maritime. En mer, l’importance des capitaux engagés et des dommages
susceptibles d’être causés ou subis, a rendu indispensable le recours au mécanisme de
l’assurance. Contrat aléatoire en ce sens que l’avantage ou la perte qui peut en résulter pour
les parties dépend d’un événement incertain, le contrat d’assurance maritime « a pour objet de
garantir les risques relatifs à une opération maritime ». La lourde responsabilité du chargeur
de marchandises dangereuses se trouverait donc largement atténuée par la souscription d’une
assurance de responsabilité. Le risque encouru par ce dernier serait ainsi transféré à l’assureur
qui en garantit la réparation. La souscription d’une assurance avait été imaginée depuis
longtemps comme la solution idéale aux risques auxquels étaient exposés les gens engagés
dans une expédition maritime. Par le mécanisme de l’assurance, une personne accepte de
subir une petite perte certaine pour se prémunir contre un risque éventuel mais plus grand.

Au regard de ce qui précède, l’institutionnalisation de la double facette de l’assurance


de responsabilité civile dans le transport de marchandises dangereuses s’avère nécessaire en
zone CEMAC (II) car, le constat qui ressort de l’étude des règlementations nous amène à
observer les insuffisances du système en vigueur sur l’assurance de responsabilité civile de
l’armateur et du chargeur dans ladite zone (I).

17
L’assurance de responsabilité ne bénéficie pas d’un régime juridique cohérent, parce que le Code CEMAC de
la marine marchande ne la réglemente pas.

123
I : les insuffisances du système en vigueur sur l’assurance de responsabilité civile de
l’armateur et du chargeur dans le transport de marchandises dangereuses en la zone
CEMAC

Les textes de la zone CEMAC ne règlementent pas suffisamment cette garantie


qu’est l’assurance (A), surtout dans le domaine des marchandises dangereuses. Pourtant, au
regard des dangers que peut causer le déplacement de ce type de marchandises, il serait
judicieux de constituer un corps de règles autonomes qui rendrait obligatoire la couverture de
la responsabilité civile des chargeurs. Pratiquement, cette situation crée une hostilité des
assureurs à couvrir le TMD (B).

A- Le mutisme déplorable des textes sur l’assurance de responsabilité civile dans le


transport de marchandises dangereuses dans la zone CEMAC

Qui dit mer, dit risque. L’expédition maritime est une aventure périlleuse. Tout
transport par voie de mer expose les marchandises, les navires et même des personnes
travaillant à bord de ces bâtiments à des risques plus importants que sur n’importe quelle
partie du globe terrestre18. À cet égard le professeur Pierre ALBERTINI écrivait qu’ : « aussi
loin que remonte la mémoire humaine, la mer a toujours représenté le lieu de tous les dangers
»19. Le voyage en mer étant toujours une aventure aléatoire, il a fallu se prémunir contre le
risque encouru au regard de la valeur des intérêts engagés dans le périple. Ce constat devrait à
juste titre amener le législateur à consacrer de façon suffisante les règles organisant
l’assurance de responsabilité dans la zone CEMAC.

Mais, les législations sur le transport de marchandises dangereuses par mer n’exigent
pas de façon spécifique une assurance de responsabilité civile du chargeur. Le Code CIMA
par exemple ne régit pas les assurances maritimes. Le Code Communautaire de la Marine
Marchande CEMAC (CCMMC) en parle, mais concrètement c’est la pratique qui détermine
le plus les règles. Pourtant, il est essentiel pour la majorité des entreprises et en particulier
pour les entreprises qui s'occupent de l'expédition de marchandises dangereuses, où le

18
SOCRATE, pour magnifier la dangerosité de la mer disait : « Il y a trois sortes d’hommes : les vivants ; les
morts et ceux qui vont sur la mer ». Le philosophe faisait ainsi savoir que la mer était le lieu de tous les dangers,
de l’incertitude, et que celui qui osait s’y aventurier était différent des autres
19
DJAMPA (P.J.), Le traitement juridique des accidents maritimes au Cameroun, op. cit., p. 4.

124
chargeur est soumis à une responsabilité stricte, de contracter une assurance. Il n'y a pas de
responsabilité standard pour l'assurance responsabilité civile publique. Les politiques peuvent
différer quelque peu d'un assureur à l'autre. De plus, de nombreux assureurs maritimes
peuvent organiser une couverture d'assurance sur mesure répondant le mieux possible aux
besoins du client. Les polices d'assurance responsabilité civile excluent généralement les
dommages causés par la pollution.

A l’analyse, les textes ne prévoient pas expressément l’assurance de responsabilité


civile du chargeur. Il est plutôt prévu de façon expresse l’assurance maritime couvrant la
responsabilité du transporteur maritime, et l’assurance civile couvrant la responsabilité du
propriétaire du navire. Toutefois, il est clair que toute personne qui encourt une responsabilité,
peut la couvrir par une assurance. Dans cette optique, il serait donc opportun pour le chargeur
de marchandises dangereuses de faire couvrir sa responsabilité par une assurance de
responsabilité civile. Cela peut provenir d’une obligation fixée par les textes.

Même si pratiquement, la responsabilité en cas de dommage est canalisée sur le


propriétaire de navire, on ne saurait occulter les cas de limitation de responsabilité de ce
dernier, les cas d’exonération de sa responsabilité, et les différents cas exceptés prévus par les
textes. Ainsi, il serait judicieux de ne pas omettre que, tout comme la CLC20, la Convention
SNPD21 prévoit l'action directe contre l'assureur couvrant la responsabilité du propriétaire.
Mais l'assureur peut en tout cas bénéficier des limites de responsabilité du propriétaire.
L'assureur peut aussi se prévaloir des cas d'exonération dont dispose le propriétaire de navire.
Une fois ces cas d’exclusion de responsabilité du propriétaire de navire prouvés, la
responsabilité du propriétaire de navire est écartée et c’est celle du chargeur qui entre en jeu.
Il faudrait bien qu’il soit également couvert par une assurance de responsabilité pour que la
réparation soit facilitée. Mais en pratique, les assureurs sont hostiles.

20
Civil Liability Convention for oil pollution/ convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures.
21
Substances nocives et potentiellement dangereuses

125
B- L’hostilité des assureurs à couvrir le transport des marchandises dangereuses

En dépit de l'éventuelle couverture d'assurance maritime sur mesure, les polices


d'assurance maritime des chargeurs sont généralement rédigées pour exclure la couverture des
dommages causés par des matières dangereuses22. Ainsi, Antoine LUQUIAU l’a bien précisé
dans les pages du Droit Maritime Français lorsqu’il écrivait que « L’article 3 de la police est
en effet très clair : « La présente assurance ne s’applique pas (…) à la responsabilité quel
qu’en soit le fondement que pourrait encourir l’assuré ou tous les autres bénéficiaires de
l’assurance, tant de leur fait que du fait des facultés assurées, à l’égard de tiers ou de co-
contractants »23. Il faut en déduire que par principe, les assureurs facultés français refusent de
supporter le coût des dommages causés par la marchandise. Ils rejettent également toute
couverture de la responsabilité de l’assuré -le souscripteur- mais aussi de tous les autres
bénéficiaires de l’assurance, qu’elle soit délictuelle ou contractuelle. Les risques garantis sont
uniquement ceux auxquels sont exposés, au cours du transport, non pas les assurés mais les
marchandises assurées. Faire le choix, pour un chargeur, de cette assurance de chose ne doit
en aucun cas le priver de prendre une assurance de responsabilité.
Dans le même ordre d’idées, relativement à une action dans Zen Continental Co. c/
Intercargo Insurance Co., où le chargeur a été jugé strictement responsable de l'expédition de
marchandises dangereuses, en espèce, l'un des NVOCC24, qui était chargeur, a poursuivi son
assureur de responsabilité pour recouvrer les frais de nettoyage et les amendes infligés ainsi
que les frais de défense d'une poursuite pour dommages résultant du transport de
marchandises toxiques. L'assureur défendeur a refusé de défendre ou indemniser son assuré
au motif que la politique d'assurance excluait les polluants toxiques de la couverture et avait
un délai de prescription d'un an.
La police énoncée dans la «Politique sur l'assurance responsabilité civile
internationale» couvre certains risques liés aux activités de l'assuré en tant que NVOCC.
Comme cela est typique de la plupart des polices d'assurance, la politique en cause contenait
de nombreuses exclusions qui avaient pour effet de refuser la couverture de certains risques.

22
GÜNER-ÖZBEK (M. D.), The carriage of dangerous goods by sea, International Max Planck Research
School (IMPRS) for Maritime Affairs at the University of Hamburg, op. cit., p. 287.
23
LUQUIAU (A.), « La responsabilité du chargeur et son assureur de responsabilité», DMF, n° 689, 2008, p.
196
24
Non Vessel Operating Common Carriers.

126
L'exclusion pertinente intitulée «Matières dangereuses / Pollution / Contamination» prévoit
que: «Nous ne couvrirons aucune réclamation pour dommages environnementaux, pollution
ou contamination de quelque nature que ce soit, y compris, mais Non limité à: les
réclamations découlant d'événements accidentels, soudains ou graduels, prévisibles,
intentionnels ou involontaires. Nous ne couvrirons aucune réclamation découlant d'une
activité, d'une transaction, d'un incident ou d'un incident impliquant des explosifs; Gaz sous
pression; Pièces nucléaires, combustibles… ».
Toutefois, bien que les assureurs soient hostiles, l’assurance de responsabilité civile du
chargeur de marchandises dangereuses reste une opération possible25. La seule implication qui
réside du côté du chargeur d’ailleurs serait de façon principale l’exigence d’une surprime.

En conséquence, il semble peu probable que de nombreux expéditeurs aient une


assurance responsabilité pour les marchandises dangereuses26. Il y a quelques années, les
assureurs ont réduit la couverture d'assurance pour de nombreux matériaux dangereux et pour
les entreprises qui éliminent les déchets27. Afin de couvrir toute activité industrielle qui a le
potentiel d'une «perte maximale et crédible» très élevée, un assureur doit rassembler une
équipe de coassureurs et de réassureurs sur le risque. Sans réassureurs, les assureurs directs ne
pourraient pas fournir de couverture de tiers pour de nombreuses entreprises industrielles.
Ainsi, la disponibilité d'une assurance particulière dépend de la capacité du marché de
l'assurance.

Ainsi, le fait que l'assurance sur les matières dangereuses soit l'un des types
d'assurances les plus coûteux et, que les chargeurs et affréteurs n'ont pas droit à limitation de
responsabilité contre le transporteur ou l'armateur respectivement, rend difficile l'assurance de
responsabilité du chargeur pour les marchandises dangereuses. En effet, à la lumière des cas
impliquant des marchandises dangereuses, il s’agit concrètement du fait que les chargeurs
peuvent être tenus responsables des montants importants en vertu du contrat de transport. La
pratique essaye tant bien que mal d’envisager les garanties.

Il y a donc urgence à interpeller le législateur tant communautaire que des États


membres de la CEMAC à prendre de mesures normatives en vue de l’encadrement plus
minutieux de cette activité pas pour les moins importantes.

25
En Turquie par exemple, il existe une assurance responsabilité obligatoire sur les substances dangereuses.
26
WEBSTER, « Managing Risk » [2004] 18 (9) M.R.I. 15, 16.
27
BARAM, « Assurances des activités relatives aux matières dangereuses » [1988] (3.) J. Statist. Sci. 339, 340

127
II : l’institutionnalisation nécessaire de l’assurance de responsabilité civile dans le
transport de marchandises dangereuses en zone CEMAC

L’institutionnalisation de l’assurance de responsabilité civile de l’armateur et du


chargeur dans le transport de marchandises dangereuses en zone CEMAC doit bien intégrer la
double facette que devrait avoir ladite assurance (A). L’ASAC28 en 2011 lors du séminaire
international sur les marchandises dangereuses organisé par le Conseil National des Chargeurs
du Cameroun (CNCC) en collaboration avec l’International Cargo Handling Coordination
Association (ICHCA), a essayé tant bien que mal de proposer des garanties envisageables (B).

A : La prise en compte de la double facette de l’assurance de responsabilité civile


dans le transport de marchandises dangereuses en zone CEMAC

La couverture de responsabilité dans le transport maritime intègre aussi bien les clubs
de protection et indemnisation, qu’il convient d’analyser (2) ; ce qui constitue relativement à
l’indemnisation, une avancée considérable en même temps qu’un palliatif, en face du régime
imparfait de l’assurance classique prévu pour le Transport de Marchandises Dangereuses (1).

1- L’assurance de responsabilité classique applicable au transport maritime de


marchandises dangereuses : un système médiocre en zone CEMAC

Dans le projet de Convention soumis à la Conférence internationale de 1984, l'on


parlait de la responsabilité directe du chargeur pour les dommages. Ce projet envisageait aussi
l'assurance obligatoire du chargeur pour couvrir sa responsabilité. Mais, cette idée a été
abandonnée par la suite. Les discussions postérieures furent centrées sur l'idée de créer un
Fonds SNPD (Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses) fournissant une
indemnisation complémentaire à celle provenant du propriétaire de navire.

L’absence d’un corps de règles propres à l’assurance de marchandises dangereuses,


qui viendrait rendre obligatoire l’assurance de responsabilité civile du chargeur est assez
déplorable. L’institutionnalisation d’une assurance de responsabilité obligatoire du chargeur
et de l’armateur (a) s’impose donc afin de favoriser davantage la réparation des dommages
résultant d’une catastrophe orchestrée par les marchandises dangereuses (b).

28
Association des Sociétés D’assurances du Cameroun.

128
a- L’urgence de l’institutionnalisation d’une assurance de responsabilité obligatoire
pour l’armateur et le chargeur de marchandises dangereuses en zone CEMAC : une
nécessité incontournable…

Souscrire un contrat d’assurance sur Facultés, c’est souscrire une assurance de chose et
certainement pas une assurance de responsabilité29. De nos jours, les débats sur la
responsabilité de l’armateur et surtout du chargeur prennent de plus en plus de l’ampleur.
Avec l’émergence des nouveaux types de contrat comme le contrat de volume, les parties sont
capables de négocier d’égale à égale. Bien plus, le développement croissant du transport des
marchandises dangereuses et l’augmentation exponentielle des risques susceptibles d’être
causés ont conduit à faire revenir sur la table des débats, la question de la responsabilité du
chargeur. De même, l’absence de limitation de l’indemnité de réparation due par le chargeur
est de plus en plus contestée. Dans un tel contexte, la problématique de sa responsabilité
devient « l’une des questions les plus délicates du droit contemporain des transports
maritimes, voire de tous les modes de transport »30. Cette problématique est même exacerbée
dans le cadre du transport de marchandises dangereuses.

Vraisemblablement, l’assurance de responsabilité civile du transporteur est classique


et relève du truisme. Le nombre d’études scientifiques consacrées à la question le démontre
assez bien. Arnaud MONTAS31 le démontre à suffisance, lorsqu’il écrit sur les règles propres
à l’assurance de responsabilité : « en complément des garanties proposées par les assurances
corps et facultés, les armateurs ont la possibilité de concevoir ou renforcer la garantie de
leur responsabilité par le jeu de clauses additionnelles »32. Il cite ainsi deux polices qui
coexistent de nos jours.

- La police « responsabilité du propriétaire de navire de mer »


- La police « responsabilité du transporteur maritime »
Par contre, celle du chargeur n’a pas souvent été envisagée. Cette conception pouvait
s’expliquer dans une époque où la navigation maritime était non seulement considérée comme

29
LUQUIAU (A.), « La responsabilité du chargeur et son assureur de responsabilité», DMF, n° 689, 2008, p.
196.
30
DELEBECQUE (Ph.), « Navire Panther », DMF, n° 684, 2007, p. 756 ; article 12 et 13 de la Convention des
Nations Unies sur le transport de marchandises par mer, "Règles de Hambourg", du 31 mars 1978.
31
MONTAS (A.), op. cit., p. 213.
32
Il cite à titre d’exemple, la clause VI qui permet à un armateur de se garantir contre les actions en
responsabilité intentées par des tiers pour des dommages matériels non couverts par la police ; la clause VII pour
les conséquences de pollution par hydrocarbures.

129
une aventure pour le transporteur, et le chargeur n’avait qu’à se prémunir contre les
dommages que pouvait subir sa marchandise. Sa responsabilité civile n’était pas envisagée
pour la simple raison que la prestation de transport se trouve du côté du transporteur. C’est la
raison pour laquelle c’est sa seule responsabilité qui a connu un développement important et
par ricochet l’assurance de cette responsabilité également.

De façon générale, on s’attendrait à ce que le chargeur pense à protéger sa


marchandise par une assurance sur faculté ; de telle sorte qu’en cas de dommages, il soit
couvert et protégé d’une perte à laquelle un sinistre l’exposerait. Mais dans le transport de
marchandises dangereuses, la protection de la marchandise expédiée par le chargeur serait
insuffisante au regard de la responsabilité stricte qu’il encourt du simple fait d’être à l’origine
du déplacement de ces marchandises qui pourraient causer tant de dommages, non seulement
au navire, à la cargaison, à l’environnement, mais également aux tiers. Dans tous les cas, toute
personne se lançant dans l’opération de transport maritime doit au regard des dangers de la
mer, souscrire une assurance de responsabilité civile33.

Il est donc assez surprenant que les textes n’en fassent pas de façon expresse une
obligation pour le chargeur. Pourtant, le chargeur de marchandises dangereuses doit se
protéger à un double niveau. Premièrement, il doit protéger sa marchandise contre
d’éventuelles pertes ou avaries34. Deuxièmement et c’est ce qui nous intéresse le plus, il doit

33
C’est le cas du propriétaire du navire. Il est tenu de souscrire une assurance pour couvrir la responsabilité qui
lui incombe en vertu des conventions. Cette assurance doit être normalement délivrée par l’assureur chargé de la
couverture protection et indemnisation (P&I) du propriétaire. Tous les propriétaires de navires transportant des
SNPD par exemple doivent conserver à bord du navire un certificat d’assurance délivré par un État partie
indiquant qu’ils disposent d’une couverture adéquate au regard de leur responsabilité en vertu de la Convention.
Un État partie doit s’assurer que tout navire transportant des SNPD qui entre dans un port ou qui quitte un port
situé sur son territoire ou qui arrive à une installation en mer ou qui quitte une telle installation située dans ses
eaux territoriales, et ce, peu importe le lieu d’immatriculation du navire, soit en possession du certificat
d’assurance obligatoire. L’assurance du propriétaire de navire doit prévoir un droit d’action directe permettant
aux demandeurs de présenter leur demande d’indemnisation directement auprès de l’assureur du propriétaire de
navire plutôt que d’être obligés de demander une indemnité du propriétaire de navire lui-même.
34
Les marchandises ou facultés lorsqu’elles sont expédiées, doivent être couvertes par une assurance. C’est une
obligation légale. Au Cameroun par exemple, il existe d’ailleurs une loi rendant obligatoire l’assurance des
marchandises ou facultés à l’importation (Loi n° 75/14 du 8 décembre 1975 rendant obligatoire l’assurance des
marchandises ou facultés à l’importation. Et son Décret d’application n° 76/334 du 06 AOUT 1976).
De prime à bord, il faut reconnaître que cette loi ne fait pas de différence entre les marchandises
dangereuses et les marchandises diverses. Cependant, il faut également reconnaître qu’une telle distinction aurait
été inopportune, étant donné qu’une marchandise est une marchandise, qu’elle soit dangereuse ou pas, lorsqu’on
la fait transporter on doit souscrire une assurance. Bref, ce qu’il faut retenir et c’est le plus important, c’est
surtout l’obligation qui est faite en amont à toute personne physique ou morale de droit public ou privé, de
souscrire une assurance auprès d’une entreprise d’assurance agréé pour toute importation de marchandises ou
facultés sur le territoire (Art 1er de la Loi n° 75/14 du 8 décembre 1975).

130
se protéger contre la lourde responsabilité des dommages que ses marchandises sont
susceptibles de causer. Il s’agit là d’une assurance de responsabilité civile. Lorsqu’on fait
transporter des marchandises dangereuses, il est de prudence d’assurer la responsabilité civile
pour les dommages causés aux tiers et à l’environnement35. Dans le projet de Convention
soumis à la Conférence internationale de 1984, l'on avait envisagé l'assurance obligatoire du
chargeur pour couvrir sa responsabilité. Mais les discussions postérieures furent centrées sur
l'idée de créer un Fonds SNPD (Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses)
fournissant une indemnisation complémentaire à celle provenant du propriétaire de navire36.
L’assurance la plus pratiquée est donc l’assurance facultés. Mais celle-ci pourrait-elle
remplacer l’assurance responsabilité ? Christian DIERYCK répond en affirmant que « En
droit belge on admet que l’assurance-facultés, qui est par essence une assurance de choses,
puisse se révéler une assurance de responsabilités par l’effet de l’assurance pour compte et
au porteur.»37 Le droit français par contre semble maintenir une limite plus stricte en
s’opposant à ce que l’assurance de choses puisse devenir une assurance de responsabilité. Ce
point de divergence constitue donc le centre de notre débat. Cette position est confirmée par
Antoine LUQUIAU lorsqu’il écrit que « Souscrire un contrat d’assurance sur Facultés, c’est
souscrire une assurance de chose et certainement pas une assurance de responsabilité ».
L’assurance faculté ne remplace et ne se confond pas à l’assurance de responsabilité.

Au regard de ce qui précède, confronté au risque d’une cargaison de marchandises


dangereuses, même en ayant suivi scrupuleusement les règles concernant l’identification et la
préparation de la marchandise, il est indispensable que le chargeur souscrive une assurance de
responsabilité civile. Sa responsabilité vis à vis du transporteur et des tiers peut être engagée
lourdement. En plus de la responsabilité pour fait personnel, il peut être amené à répondre du
fait de ceux qui ont agi en son nom dans le cadre du contrat de transport. Dans le cas d’un

L’expédition maritime est par essence une opération à haut risque. Les protagonistes de cette activité et,
en ce qui nous concerne, particulièrement le chargeur, doivent par mesure de précaution souscrire une assurance
maritime. S’il est vrai que l’assurance n’annule pas le risque, reconnaissons toutefois qu’elle permet à l’assuré de
se prémunir contre les conséquences de sa survenance. L’assurance maritime est donc souscrite à titre préventif
afin de prémunir l’ayant droit aux marchandises contre tout risque de perte ou d’avarie des marchandises que le
dommage ait lieu lors de la manutention ou résulte d’une catastrophe survenue au cours de la navigation.
35
Rapport de l’ASAC au séminaire international sur les marchandises dangereuses, organisé par le CNCC les 07
et 08 juin 2011 en collaboration avec l’International Cargo Handling Coordination Association (ICHCA),
Douala Cameroun.
36
Gaskell (N) : « Draft HNS Convention », 1 May 1995, p. 2, cité par WU (C.), « la convention internationale
du 3 Mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des
substances nocives et potentiellement dangereuses », op. cit., p. 738.
37
DIERYCK (C.), « La responsabilité du chargeur et son assureur de responsabilité», le point de vue belge,
DMF, n° 689, 2008, p. 187.

131
sinistre dû à une fausse déclaration ou un mauvais empotage, le chargeur peut être reconnu
entièrement responsable. Un sinistre à bord d’un porte-conteneurs moderne peut rapidement
atteindre des sommes considérables. Il serait mieux pour le chargeur de protéger ses intérêts
en souscrivant une assurance spéciale, dont le coût peut être certes relativement élevé, mais
qui lui permettrait de se protéger en cas de sinistre38. On déplore toutefois le mutisme des
textes législatifs en la matière, malgré que cela soit d’un apport non négligeable.

b- …Une nécessité dictée par la transversalité de la question sécuritaire : L’apport non


négligeable de l’assurance dans la réparation des dommages causés par le TMD

L’institution de l’assurance responsabilité connue du droit maritime dès le XVIIème


siècle constitue l’un des apports les plus fondamentaux du droit maritime au droit de la
responsabilité. Son importance grandissante est allée de pair avec l’exigence accrue de la
protection des victimes et du développement des régimes de responsabilité objective. Conclue
entre professionnels, l’assurance responsabilité renforce les droits du bénéficiaire. Au-delà de
sa signification économique et sociale, l’assurance constitue un déplacement et une novation
de la charge pécuniaire du risque en ce sens que, pour l’assuré, l’assurance remplace une
possibilité de perte d’une grande valeur par une perte certaine beaucoup plus légère, le
paiement de la prime. Pour l’assureur, elle constitue un pari selon la réalisation ou pas du
risque couvert.

La catastrophe du Torrey canyon survenue en 196739 par exemple, amena


l’Organisation Maritime Internationale (OMI), à travailler sur les questions de pollution mais
aussi à faire adopter des textes relatifs à la responsabilité et à l’indemnisation des dommages.
L’harmonisation des procédures de responsabilité et la garantie d’une indemnisation des
victimes de pollution représentaient les idéaux de ces réglementations. En effet, l’assurance
responsabilité instituée dans le cadre de ces réglementations va prendre en charge les risques
exceptionnels nés de ces transports « dits dangereux » en mettant en place un système de
responsabilité objective couplé à une obligation d’assurance obligatoire pour le propriétaire
du navire. Le réexamen de la Convention d’Athènes en 2002 par le Comité juridique est
largement inspiré de cet acquis réglementaire et plus particulièrement de la Convention HNS

38
Voir SEGUINEAU (J.), Le transport de marchandises dangereuses par porte-conteneurs, Mémoire précité, p.
39.
39
Le Torrey Canyon est un pétrolier qui transportait 120.000 tonnes de brut qui ont pollué les côtes britanniques
et françaises suite au naufrage survenu le 18 mars 1967.

132
(Hasardous and Nocious Substances) de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation des
dommages causés par des substances dangereuses transportées en mer. En effet, le Protocole
de 2002 répond à un besoin réel de renforcement de la protection financière à laquelle, une
victime d’un accident peut prétendre. L’institutionnalisation de l’assurance obligatoire du
chargeur représentera dans cette perspective, une avancée considérable qui va s’inscrire dans
une démarche générale de relecture des principes qui gouvernent la responsabilité du
chargeur. Dans la zone CEMAC, on assiste à une insuffisance des garanties de réparation. On
pourrait pourtant bien copier l’exemple des clubs de Protection et Indemnisation spécifique au
milieu marin.

2 : L’assurance protection et indemnisation spécifique au milieu maritime : une valeur


ajoutée considérable

Les avantages financiers du commerce international doivent être compensés par les
nombreux risques liés au transport des marchandises, en particulier dans l'environnement
potentiellement dangereux de la mer. Cependant, les risques défavorables d'une aventure
particulière ou d'un type de commerce sont un facteur dissuasif de la participation au
commerce. Cela ne concerne pas seulement les intérêts des commerçants individuels mais
aussi l'intérêt public à promouvoir et à bénéficier du commerce. Parle passé, on pouvait
identifier plusieurs catégories de couverture marine telles que le fret, la coque, et le risque du
constructeur. Par la suite, trois grands secteurs dans la pratique de l'assurance maritime ont été
définis: l'assurance fret, coque et fret, avec protection et indemnisation (P & I) comme une
quasi-note de bas de page pour l'entreprise de coque40.

Aujourd'hui, il est impossible d'envisager une industrie maritime sans assurance P&I.
Il serait impensable de l'omettre de toute description des grands services maritimes. Bien que
la cargaison, la coque et la P&I puissent être considérées comme la véritable division
moderne de l'assurance maritime, la sophistication accrue de l'entreprise et les intérêts
diversifiés du commerce international et des finances ont créé des arrangements d'assurance
qui défient finalement la compartimentation de la couverture. Pour cette raison, il est peut-être
préférable de répartir l'assurance maritime dans les mêmes catégories de base applicables à
toutes les assurances commerciales: les biens et la responsabilité. Compte tenu des risques
potentiels, les expéditeurs et les affréteurs cherchent à se protéger contre ces risques en

40
GÜNER-ÖZBEK (M. D.), The carriage of dangerous goods by sea, op. cit., p. 279.

133
obtenant une assurance. Les affréteurs et les expéditeurs obtiennent ainsi des politiques
d'assurance pour couvrir les risques associés aux passifs. Un affréteur obtient habituellement
une assurance responsabilité civile pour les affréteurs, qui couvrira les risques de
responsabilité associés à la responsabilité légale d'un affréteur. En fait, il existe un certain
nombre de clubs P&I qui sont disponibles uniquement pour leurs membres, qui sont des
affréteurs qui assureront de tels risques. Les expéditeurs de frets généraux par contre,
pourraient souscrire une assurance de litige générale adaptée à leurs besoins41.

Depuis 1855, les clubs de protection et indemnité, descendants des assureurs corps
constitués en clubs, sont des groupements d’armateurs garantissant les risques financiers et de
responsabilité qui ne sont pas couverts par l’assurance corps ou que les compagnies
d’assurance refusent d’assurer42. Fonctionnant sur le mode mutualiste - la somme des
cotisations annuelles marque la limite de la couverture totale par le club-, les P&I Clubs
participent historiquement de la solidarité humaine en mer. De nos jours, les clubs couvrent
environ 90% des risques maritimes de responsabilité civile43.

D'une manière générale, l'assurance P&I est une assurance responsabilité civile
couvrant les propriétaires de vaisseaux pour les risques nommés spécifiquement. Les
politiques de P&I ne fournissent pas de couverture de responsabilité civile globale, ni ne
couvrent tous les risques ou responsabilités éventuelles, auxquels un propriétaire de navire
peut être exposé. Au lieu de cela, une politique P&I n'assure que le propriétaire du navire
contre ces risques spécifiquement énoncés dans la politique et aucun autre. L'assurance P&I a
été développée pour protéger les armateurs contre les pertes liées à l'exploitation de leurs
navires. Cette couverture relativement moderne fournit une protection qui n'est pas
habituellement obtenue dans d'autres politiques maritimes standards. Une grande partie du
marché P&I se compose des « clubs» P&I, qui sont semblables à des sociétés d'assurance
mutuelles et à but non lucratif. Leur développement résultait du besoin des armateurs
d'obtenir une protection contre l'exposition accrue à la responsabilité pour les pertes de
passagers et d'équipage. On peut certainement dire que, parallèlement aux développements
dans les transports maritimes et à l'importance considérablement accordée à la vie et à la
propriété, l'éventail des responsabilités menaçantes pour la solvabilité auxquelles sont
confrontés les armateurs et les opérateurs a énormément augmenté. L'assurance P&I moderne
41
Ibid. p. 280.
42
MONTAS (A.), Droit Maritime, Vuibert, Paris, 2012, p. 215.
43
Source : Site de la Fédération des sociétés d’assurances : www.ffsa.fr. consulté en avril 2018.

134
couvre deux grandes catégories d'exposition: les responsabilités contractuelles et tierces de
l'armateur. Bien que les clubs P&I fonctionnent généralement d'une manière similaire à celle
des autres assureurs mutuels, leurs formalités d'opération diffèrent. Les clubs ne diffèrent pas
mutuellement de politiques et les assurés sont désignés comme membres.

Au regard de ce qui précède, il importe de conclure que l’assurance de responsabilité couvrant


le transport maritime de marchandises dangereuses intègre aussi bien le système d’assurance
classique qu’offrent les compagnies d’assurances, que les clubs de protection et
indemnisation. Toutefois, un constat clair doit être fait : on assiste à une insuffisance des
garanties de réparation des dommages causés par le transport de marchandises dangereuses en
zone CEMAC.

B- Les garanties envisageables

Selon le rapport présenté par l’ASAC en 2011 lors du séminaire international sur les
marchandises dangereuses organisé par le Conseil National des Chargeurs du Cameroun
(CNCC), en collaboration avec l’International Cargo Handling Coordination Association
(ICHCA), les garanties peuvent aller de 250 millions de FCFA à l’illimité. Tout dépend de la
taille de la compagnie d’assurance et de ses capacités.

Dans tous les cas, l’assureur étudiera toujours le type de marchandise dont il est question,
pour offrir la couverture.

Il est donc souhaitable que les Etats de la CEMAC prennent en compte la spécificité
du transport de marchandises dangereuses et, instituent des garanties en raison de la gravité
des risques toujours présents dans ce type d’opération. On peut par exemple exiger que pour
tout transport de marchandises dangereuses, une assurance de responsabilité spécifique soit
souscrite. Cela ne devrait pas être une faculté pour le chargeur, mais une obligation, avec
comme conséquence le refus absolu par le transporteur de transporter une telle marchandise si
une assurance de responsabilité spécifique à joindre au connaissement ne lui est pas présentée.

Le système d’assurance concernant les marchandises dangereuses dans la zone


CEMAC n’est presque pas élaboré. Sur le plan international, seuls les P&I clubs et les fonds
d’indemnisations permettent de pallier la situation. Ne serait-il pas opportun de penser à la
création des P&I clubs en zone CEMAC ?

135
Le recours contre les Protecting and Indemnity Clubs autrement appelés Clubs de
protection et indemnité pour des dommages aux marchandises, est de plus en plus accepté et
connait aujourd’hui un développement sans précédent. Ces institutions sont très méconnues
du grand public malgré leur grande importance. Cette ignorance est due au fait que leur
clientèle est réduite aux seuls propriétaires de navires, mais aussi parce que les travaux qui
leurs sont consacrés sont très infimes en comparaison à ceux réservés aux assureurs
traditionnels. Les P&I clubs s’imposent de plus en plus, comme un maillon incontournable
dans la garantie de la responsabilité civile des armateurs, et par ricochet, comme garant des
dommages subis par les marchandises transportées.

Les expériences que l'on a vécues dans l'application de la Convention CLC ont
démontré que l'assurance obligatoire que celle-ci impose, est l'élément déterminant de la
réussite de la Convention. Les Clubs de Protection et Indemnisation, assureurs traditionnels
de responsabilité du propriétaire de navire, ont agi de façon prompte et efficace dans le
traitement des demandes d'indemnisation de dommages causés par les hydrocarbures. C'est
ainsi que l'on a naturellement incorporé le principe de l'assurance obligatoire dans le régime
des Substances nocives et potentiellement dangereuses, qu’on gagnerait à voir entrer en
vigueur.

L’œuvre législative est certes présente en Afrique centrale, en ce qui concerne les
assurances maritimes sur facultés, mais elle demeure très insuffisante. En effet, un rôle majeur
est revenu à la jurisprudence pour pallier les carences et les insuffisances de l’œuvre
législative presque inexistante, mesurée à l’importance et à la subtilité de la question de
l’assurance maritime. Un maillon aussi primordial du commerce international doit-il faire
l’objet d’un délaissement législatif au profit de la liberté contractuelle, parce que réservé
uniquement aux professionnels ? Nous hésitons à répondre par l’affirmative. Dans cet ordre
d’idées, le législateur communautaire, et de manière supplétive, les législateurs des États
membres, doivent entreprendre une nouvelle réforme – cette fois ci, plus générale –, pour
réglementer de manière suffisante la matière.

136

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