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MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE

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PLAN

Introduction

I. DEFINITION DE LA GEOGRAPHIE

1. Définition de la géographie

II. QUELQUES CONCEPTS ET MOTS IMPORTANTS DE LA


GEOGRAPHIE

1. Qu’est-ce qu’un concept ? Qu’est-ce qu’un mot ?

2. Lexique des termes géographiques

2.1. Lexique des termes spatiaux

2.2. Lexique des termes épistémologiques et méthodologiques

2.3. Lexique des termes géographiques récents

Conclusion

Bibliographie

INTRODUCTION

Dans toute science, le problème des concepts est central. Plus une science
dispose d'une terminologie précise et spécifique, plus elle se détache de la
connaissance empirique et se distingue des autres disciplines. En outre, chaque
discipline utilise un certain nombre de termes et de concepts en commun avec
les autres disciplines plus ou moins proches si bien que ces termes ne sont pas
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des concepts spécifiques mais leur utilisation fréquente ou leur place centrale
dans la problématique globale fait qu'ils requièrent plus d'intérêt. Par ailleurs,
chaque discipline crée, invente et emprunte de nouveaux termes et concepts
qu'elle est amenée à utiliser pour exprimer une nouvelle idée ou éclairer un
nouveau paradigme.

Quelles que soient les critiques qu’on puisse adresser à la discipline académique,
à l’institution géographique, au savoir scientifique lui-même, la géographie vaut
qu’on s’y attarde et qu’on s’y attache.

La volonté d’en passer par des mots et des concepts, par la proposition d’un
lexique, et pas seulement par des présentations théoriques ou des études d’objets
singuliers, ne relève d’un souci de pure sémantique ou d’entomologie
terminologique, mais part du constat que les mots et les discours qu’ils
permettent sont des instruments appréciables pour les autres aspects de la
démarche de recherche. Savoir de quoi l’on parle est clairement utile à
l’énonciation des problématiques, à l’édification des théories, à la construction
des concepts, et à l’organisation de débats et discussions qui, à nos yeux, ont
toujours constitué les zones cruciales du travail scientifique.
Ce cours présente, en quelque sorte, une esquisse épistémologique et un
abécédaire non exhaustif des notions générales et essentielles de la géographie.
À ce propos, il ne prétend constituer un dictionnaire de référence pour la
géographie, au sens d’un corpus de référence faisant le point systématique et
critique de l’état d’un savoir. Il sert juste d’indicateur et de boussole aux jeunes
chercheurs et aux étudiants. Il permet à cet effet de questionner, problématiser,
identifier, définir et comprendre des mots-clefs lors des rédactions scientifiques.

I. DEFINITION ET EPISTEMOLOGIE DE LA GEOGRAPHIE


1. Définition de la géographie
Les géographes s’accordent à distinguer une géographie générale et
une géographie régionale. La première est une analyse de l’espace généralement
à petite échelle ou sous forme comparative. Elle a pour but de définir et de
classer les faits et leurs combinaisons diverses qui interviennent dans l’image
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d’un paysage. Elle est elle-même subdivisée en deux branches : la géographie


physique et la géographie humaine.
La géographie physique comprend les divisions suivantes : la géomorphologie
(liée à la géologie dont l’apport est nécessaire pour comprendre la structure
lithologique et tectonique, à la physique et à la chimie qui permettent
d’expliquer les conséquences des variations de températures, des actions
physiques de l’eau et des altérations); la climatologie; l’hydrologie continentale
et marine; la biogéographie et la géographie des sols.
La géographie économique et humaine comprend elle-même de nombreuses
sections. On utilise souvent l’expression de géographie humaine. À vrai dire les
deux épithètes sont plus explicites. Car il convient bien de distinguer d’une part
une géographie humaine, la géographie de l’homme qui occupe et aménage
l’espace terrestre (géographie de la population, de la répartition, du dynamisme
démographique et des migrations qui la modifient, de ses structures sociales,
géographie de l’occupation de l’espace agraire ou rural et urbain, géographie
historique et politique ; d’autre part une géographie des activités humaines, de
l’homme producteur, transporteur et commerçant ou, en général, actif, de
l’homme consommateur, aussi, dans le cadre de systèmes de production et
d’échanges qui déterminent les rapports sociaux. Il apparait clairement que ces
deux orientations de la géographie humaine sont intimement liées et qu’elles
supposent des liens étroits avec l’histoire, la démographie, l’ethnologie et la
sociologie, l’économie, l’urbanisme, etc.
Quant à la géographie régionale, elle étudie les mêmes faits, non pour les
analyser en tant que tels, à diverses échelles, sur toute la surface de la Terre, afin
d’en classer les types et leurs relations diverses en précisant leur répartition,
mais dans le dessein d’en définir et expliquer les combinaisons qui confèrent à
une surface délimitée de la Terre une originalité particulière, naturelle et
humaine, et qui définissent une région, portion de l’espace où est établie une
« harmonie entre la nature et les réalisations humaines » (Vidal de La Blache).

II. QUELQUES CONCEPTS ET MOTS IMPORTANTS DE LA


GÉOGRAPHIE

1. Qu’est-ce qu’un concept ? qu’est-ce qu’un mot ?

2. Lexique des termes géographiques


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Sans vouloir élaborer un lexique général et exhaustif, nous nous limiterons aux
termes les plus utilisés dans le langage géographique sans entrer non plus dans
la terminologie spécialisée des différentes sous-disciplines. Nous avons envisagé
trois axes dans ce lexique :

 Un lexique des termes spatiaux qui regroupe les principaux termes


spatiaux que le géographe est amené à utiliser couramment ;
 Un lexique des termes épistémologiques et méthodologiques dont
l'utilisation ne concerne pas seulement le géographe mais a une dimension
globale et générale dans la démarche scientifique ;
 Un lexique des termes géographiques les plus récents qui ont été forgés
depuis quelques décennies seulement.

Nous avons consacré un lexique à chacun de ces trois axes même si certains
paraissent fort incomplets ou très limités. En effet, nous avons choisi
délibérément d'éviter tous les termes généraux et banalisés maintenant dans la
géographie et encore plus dans le langage courant. Il ne sert à rien de remplir un
lexique qui prétend apporter des solutions à un spécialiste par des termes qu'on
trouve plus simplement dans un dictionnaire classique de Larousse ou Le Robert
ou tout autre dictionnaire de français ?

En outre, le souci de spécialisation des termes du point de vue géographique, de


définition précise, nuancée et critique mais implicitement a été constant aussi
bien dans le choix des termes que dans leur définition.

Par ailleurs, nous avons insisté probablement sur certains termes beaucoup plus
que d'autres dans la mesure où ils sont plus utilisés ou se prêtent le plus à des
ambiguïtés. Il est bien entendu qu'on peut s'étendre beaucoup sur des termes
comme aménagement, territoire, lieu, ville ou même espace tellement
l'ambivalence est à la hauteur de la littérature qui y existe et les nuances sont à la
dimension de la fréquence de l'utilisation de tels termes et concepts mais cela
nous mènerait trop loin du but assigné à ce lexique et du cadre de ce travail.

2.1. Lexique spatial

Il n'est pas dans notre intention de passer en revue tous les termes
géographiques, tâche fort intéressante qui dépasse le cadre de ce travail. Ce
travail nous a révélé le caractère spatial de la plupart des termes utilisés. Ce qui
nous a frappés, c'est que même le langage quotidien paraît spatialisé dans sa
grande majorité. Ainsi des termes comme chemin, haut, bas, gauche, droit, voie,
axe, point, limite, centre, forme, ville ou littoral sont des termes spatiaux par
essence. Nous nous sommes limités ici à présenter les principaux termes
spatiaux en évitant tous les termes spécialisés des sous branches allant de la
géomorphologie à la géopolitique avec un intérêt plus particulier aux termes de
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base et aux termes récents qui semblent porteurs de la problématique


géographique actuelle.

Accessibilité

C'est l'ensemble des facilités offertes pour accéder à un lieu donné. C'est la
capacité et la facilité d'être atteint (ac-cedere= parvenir). Elle exprime l'état, la
structure du réseau de circulation et les conditions de son exploitation. Elle peut
être mesurée par le coût, le temps, la connectivité.

Agglomération

C'est la réunion et la concentration d'éléments dans l'espace. C'est la réunion


d'un certain nombre d'habitations, on parle d'agglomération rurale.
L'agglomération urbaine est une ville, elle signifie aussi une agglomération
multicommunale avec des banlieues. L'agglomération des activités est à l'origine
d'économies : les économies d'agglomération.

Aire

C'est une unité dont l'individualisation s'effectue au niveau du globe. C'est le cas
des zones climatiques (tempérée, intertropicale, méditerranéenne...). Elle a une
connotation physique. Le terme aire est utilisé pour le même sens et a une
connotation plus socio-économique. La superficie est de quelques millions de
km2. Le terme zone est utilisé aussi pour signifier une unité administrative
(l’aire de Kasserine...), un découpage en unités (l’aire Ouest de Tunis, l’aire
centrale...). C'est aussi la zone tributaire d'une ville : aire d'influence, d’une unité
de production ou d’un service : aire de marché. Cf. Région, Zone.

Aménagement

C'est la réorganisation de l'espace pour qu'il réponde à certains besoins et


objectifs définis comme importants pour le groupe social. C'est une action
volontaire et réfléchie d'une collectivité sur son territoire.

Anisotropie

C'est un espace où la circulation est différenciée dans l'espace. C'est le cas de la


circulation urbaine motorisée, les conduites, les cours d'eau. Cf. Isotrope,
Isotropie, Homogène, Homogénéité.

Aréolaire

Ce qui s'exerce sur une surface, correspond à une surface ou à la forme d'une
surface: érosion aréolaire, action aréolaire...
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Arrière-pays

C'est l'espace situé en arrière d'un port et drainé par lui. C'est l'espace dominé et
dépendant d'un centre ou d'une ville. C'est l'aire d'approvisionnement et de
desserte d'un port. C'est l'hinterland par opposition au fore land. Cf. Avant-pays,
Fore land.

Attribut

C’est un caractère d’un lieu, décrit par une masse additive et munie d’une
mesure non négative et d’une dimension propre au caractère. Par exemple, en un
lieu donné : l’attribut « population » a une mesure de n habitants ; l’attribut
« échanges téléphonique avec un tel autre lieu » a une mesure de m
communications. Un lieu dispose généralement de très nombreux attributs dont
une partie seulement est retenue pour telle ou telle étude particulière. On peut
construire des attributs complexes à partir d’attributs simples ; par exemple un
attribut « bien-être » à partir de critères divers décrivant des qualités de
l’environnement, le revenu, etc.

Avant-pays

C'est la zone approvisionnée par un port, l'espace situé en avant du port. C'est le
Foreland. C'est l'espace fournisseur des importations du port. Cf. Arrière-pays,
Hinterland.

Axe

Une ligne autour de laquelle se structure et s'organise un espace donné. C'est un


couloir qui canalise la dynamique spatiale. C'est une ligne autour de laquelle
tourne, gravite un espace ou un phénomène donné.

Centre/Centralité

C'est le foyer central d'un espace, d'une structure ou d'un système. C'est le foyer
de commande d'un système qui organise l'ensemble. Il peut être constitué par un
point ou une aire. On parle de centre urbain, centre de service, centre d'affaires.
On parle même d'un hyper-centre. Les géographes anglo-saxons parlent de
Central Business District et de Core. Le centre est là où la décision est prise, le
pouvoir s'exerce et s'exprime à travers les processus de commandement. C'est là
ou se localisent les activités de décision. Les activités centrales sont des activités
permettant à un centre d'être un centre, d'exercer ses fonctions d'encadrement et
de polarisation. La théorie des lieux centraux ou des places centrales élaborée
par W. Chris taller et Lösch analyse la manière dont les villes assurent ce rôle.
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La centralité est la caractéristique d'être central et de ce qui est au centre ou de


ce qui est un centre. Elle est mesurée par un certain nombre d'indicateurs de
nature spatiale ou fonctionnelle. Cf. Périphérie, Frange, Périphérie, Limite,
Frontière.

Chorème

C'est la structure élémentaire de l'espace (R Brunet 1980) représentés par des


modèles et s'organisent selon une certaine logique ou grammaire : la
chorématique. Cette dernière exprime différentes situations spatiales: symétrie,
front, maillage, gravitation et champs.

Chorographie

Ce qui a trait à la représentation des phénomènes étendus. C'est la description


géographique.

Chorologie

C'est l'équivalent de chorographie avec une connotation plus noble dans le sens
de plus scientifique.

Chorotype

C'est la composition de chorèmes exprimant une structure complexe qui se


répète à la surface du globe comme le centre-ville (R. Brunet, 1987).

Circuit

C'est un itinéraire en forme de boucle. On parle de circuit commercial ou


bancaire.

Chorologie

C'est l'étude descriptive d'une répartition spatiale.

Décentralisation

Processus par lequel un centre laisse une partie de ses pouvoirs et prérogatives à
d'autres espaces, relais ou établissements. C'est le transfert d'une partie des
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pouvoirs au profit des instances de niveau subalterne. C'est le transfert


d'activités du centre vers la périphérie.

Déconcentration

C'est le transfert d'activités d'un centre encombré vers des périphéries ou des
zones moins encombrées.

Densité/intensité

C'est la charge unitaire de l'espace ou du temps, elle exprime l'intensité


d'utilisation et d'occupation de l'espace, le degré d'activité et de puissance d'un
phénomène donné exprimant la dynamique des charges. La densité
géographique quant à elle exprime le rapport de deux entités mesurables : au
numérateur celle d’un attribut, et au dénominateur celle de la mesure de
superficie. Exemples : un nombre d’habitants par km2, un coût de production de
blé par hectare. Un revenu par habitant est une densité mais elle n’est pas
géographique. Si la mesure de superficie est nulle, une densité géographique ne
peut se définir que sous certaines conditions.

Distance

C'est l'intervalle qui sépare deus objets ou deux lieux quelconques. C'est la
différence qui exprime la distance, exprimée par les dissimilitudes. Une distance
est exprimée toujours dans une métrique donnée. Au sens strict, comme le dit
Bailly (1998) ; la distance est métrique-longueur, c’est-à-dire une application
(au sens mathématique) qui associe un nombre réel à chaque paire de lieux, qui
prend des valeurs dans la dimension-longueur, et qui satisfait les quatre
conditions suivantes : être positive, être nulle entre un lieu et lui-même, être
symétrique (égale dans les deux sens), satisfaire l’inégalité triangulaire (être plus
courte ou égale à un transit par un lieu tiers). Intuitivement, elle exprime le
degré de séparation entre deux lieux. Exemples : la distance euclidienne (à vol
d’oiseau) très familière mais qui n’est qu’une distance parmi beaucoup d’autres ;
la distance rectilinéaire qui se mesure, par exemple, le long des rues en damier
d’une ville à l’américaine. Dans un sens moins strict, on peut abandonner la
rigidité d’une métrique et /ou utiliser d’autres unités que la longueur : temps,
coût, indicateurs cognitifs…

Échelle

C'est le niveau spatial d'analyse. On peut distinguer au moins quatre : l'échelle


locale, l'échelle régionale, l'échelle nationale et l'échelle mondiale. C'est la
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dimension et le cadre spatiaux d'analyse d'un phénomène. C'est un cadrage des


faits étudiés et leur mise en perspective qui nous permettent de les voir sous des
angles différents et des distances variables. On peut étudier une ville et sa zone
d'influence immédiate, on étudie cette même ville dans le réseau régional et sa
place dans la région comme on peut éclairer sa fonction à l'échelle de toute
l’armature urbaine du pays. C'est une ligne divisée en parties égales pour
mesurer les distances sur une carte. C'est une série de divisions sur un
instrument de mesure pour exprimer les distances : une règle, une ordonnée d'un
graphique, une échelle thermométrique.... C'est une métrique de mesure : échelle
arithmétique, échelle logarithmique ou gaussienne... C'est un moyen de mesure,
d'évaluation et de comparaison : échelle de Richter. Elle exprime aussi la
hiérarchie : échelle sociale, gamme musicale... Cf. Seuil, Structure, Espace,
région, Pays, Zone, Aire, Géotope, Géofaciès, Géosystème...

Environnement et milieu géographiques

Ces deux mots sont souvent considérés comme synonymes. Ils désignent
l’espace (ou le sous-espace) géographique qui entoure un sous-ensemble de
lieux qui, lui, n’en fait pas nécessairement partie. L’interprétation à donner à
l’environnement-milieu se déduit de la liste des attributs donnée dans la
définition de l’espace considéré. S’il convient de prendre en compte les
échanges entre un lieu et son environnement-milieu, il faut les expliciter dans la
liste des attributs énumérés dans la définition de l’environnement-milieu
géographique. C’est le contenu de cette liste qui donne le sens à donner à
environnement-milieu ; sans lui, le concept reste très vague.

Espace

C'est une étendue plus ou moins finie et les objets qu'elle contient. C'est un
champ, un domaine, une étendue limitée et superficielle. C'est une portion de la
durée, un intervalle de temps (l'espace d'une journée...). L'espacement est la
distance qui sépare deux objets donnés; espacement des arbres, des villes. C'est
l'action de laisser un intervalle régulier.

Espace est un mot du langage courant que le dictionnaire Robert définit ainsi
«lieu plus ou moins bien délimité où peut se situer quelque chose ». C'est dans
ce sens très large que les géographes l'utilisent parfois. Il signifie alors portion
ou totalité de l'étendue terrestre. S'il s'agit d'une portion, elle est plus ou moins
délimitée et l'adjectif qui la qualifie fournit l'indication de ses limites.
Cependant, les recherches des géographes, soucieux de comprendre la
distribution des phénomènes géographiques, ont chargé ce mot d'un sens plus
précis.

 Espace géographique
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L’espace géographique est le quadruplet comprenant : un ensemble de lieux (au


moins deux) ; une distance ; une mesure de superficie ; une famille de mesures
d’attributs librement choisis. Intuitivement, on peut considérer que les trois
premiers éléments du quadruplet sont tous nécessaires pour pouvoir qualifier
l’espace de géographique, et non nécessaires pour définir un espace non
géographique (social, économique). Ces trois premiers éléments apparaissent
donc comme spécifiques du géographique. Ce n’est pas le cas du troisième
élément du quadruplet qui, par ailleurs, illustre l’immense diversité des attributs
pouvant faire l’objet d’une analyse géographique.

 Du milieu à l'espace :

Les géographes, jusqu’aux années 1960, utilisaient plus volontiers le concept de


milieu plutôt que celui d'espace parce qu'ils recherchaient la raison principale de
la disposition des phénomènes géographiques dans les caractéristiques du milieu
naturel dans lequel ils s'inscrivaient. Le terme d'espace a été introduit lorsque
les géographes ont commencé à étudier des objets géographiques pour lesquels
le milieu naturel n'était pas en mesure de fournir des explications satisfaisantes
(villes, transport). Ainsi, Christaller montre en 1933 que la répartition des villes
dans un espace ne s'explique pas par des éléments du milieu naturel. Il analyse
les régularités qui font qu'une grande ville ne peut se développer qu'à une
certaine distance d'une ville de même taille. Beaucoup de géographes
comprennent aussi, dans les années 1960, que chaque lieu peut se comprendre
davantage par les relations qu’il entretient avec d’autres lieux (ce que Pinchemel
appelle les relations horizontales) que par les relations qu’il entretient avec son
support naturel anthropisé (relation verticale). La mise à l’honneur des premiers
travaux modélisant (Outre Christaller, citons aussi les travaux de Von Thünen,
Lösch, Reilly, etc.) et la grande attention accordée aux relations horizontales
conduisent donc la « nouvelle géographie » à utiliser la notion d’espace plus
détachée du support « naturel ».

 L'espace géographique produit par les sociétés :

Les philosophes, les astronomes, les mathématiciens ont donné un sens au mot
espace plus précis que celui du langage courant. Il était normal que les
géographes s'efforcent de définir avec plus de rigueur ce concept. Ainsi, R.
Brunet définit ainsi l'espace géographique : « étendue terrestre utilisée et
aménagée par les sociétés humaines en vue de leur reproduction - au sens large :
non seulement pour se nourrir et pour s'abriter, mais dans toute la complexité
des actes sociaux» (R. Brunet, Les mots de la géographie, Reclus, 1992). Ainsi
défini, l'espace est un des produits de l'activité des sociétés humaines. Pas un
produit fini, lisse, le meilleur possible, non, « une œuvre humaine, donc absurde
et sublime, pleine de bruits et de fureurs, d'erreurs autant que de bonheur » (R.
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Brunet, Champs et contrechamps, Belin, 1997). Les espaces comportent donc


des acteurs (individus, familles, groupes, entreprises, collectivités territoriales)
qui ont des intérêts, entrent en conflit, aboutissent à des compromis et
construisent cet espace.

 L'espace géographique comporte des mémoires :

Il est héritage d'action et de choix de sociétés antérieures. Cet héritage exerce


une influence sur les actions que la société y déploie et peut rendre un espace
plus ou moins performant. La manière dont les écosystèmes ont été transformés
par les sociétés constitue une de ces mémoires. Plus globalement, tous les
aménagements antérieurs tracent des « sillons » dont les sociétés actuelles
doivent tenir compte. L'espace géographique est donc « le milieu » de l'activité
sociale.

 L'espace géographique est un système de relation :

« L'espace est l'ensemble des lieux et de leurs relations » (R. Brunet, Les mots
de la géographie, Reclus, 1992). Les espaces n'existent que dans leurs
interrelations avec les espaces qu'ils incorporent où au sein desquels ils
s'insèrent. Ils n'existent que dans leurs interrelations avec les autres espaces du
monde. Les mémoires de l'espace et les acteurs déjà évoqués sont partie
prenante de ce système.

 L’espace de vie et l’espace vécu :

L’espace de vie correspond à l’espace des pratiques sociales de chaque


individu. C’est une réalité, un espace d’usage qui peut être analysé par un
observateur extérieur (un sociologue …ou un géographe par exemple). Il peut
comme tout espace être composé d’aires, de pôles et d’axes. Avec la mobilité
de plus en plus grande des individus, cet espace se dessine de plus en plus sous
la forme de réseau (pensons à l’espace de vie de la « Jet society »… ou de J.
Bové). L’espace vécu correspond à la manière dont chaque individu (avec sa
part d’imaginaire, les déformations qui viennent de sa culture ou du groupe
social auquel il appartient) se représente son espace de vie. L’espace vécu
exprime « le rapport existentiel que l’individu socialisé (donc informé et
influencé par la sphère sociale) établit avec la terre » (G. Di Méo, Géographie
sociale et territoires, Nathan, 1998).

 Les débats autour de l’espace :

Une notion aussi centrale que celle d’espace ne pouvait qu’être traversée par
tous les débats qui animent la géographie et même les sciences sociales en
général. L’espace est-il un objet qui existe en soi et qui peut être analysé avec
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une rigueur scientifique ? Peut-on y rechercher des lois. N’existe-t-il que dans le
regard de ses observateurs. Entre ces deux positions extrêmes, de nombreuses
approches intermédiaires sont possibles.

Les positionnements épistémologiques différents conduisent à envisager, de


manières diverses, les objectifs de la géographie. Ainsi, « pour certains
géographes, la géographie étudie la société par le biais de l'espace qu'elle habite,
pour d'autres géographes la tâche de la géographie est l'étude de l'espace
géographique, c'est à dire de l'espace repéré, approprié, aménagé, socialisé »
[Barret, Charvet, Dupuy, Sivignon, Dictionnaire de géographie humaine, Liris,
2000]. Dans le premier cas, la géographie n’est qu’une des sciences sociales et
son objet est la manière dont la société est en rapport avec l’espace, dans le
deuxième cas son objet est l’espace comme production sociale.

Autre débat : existe-t-il des lois en géographie ? Pour R. Brunet, il existe des lois
générales de l’espace universel, même si ces lois ne sont pas sans liens avec la
société. Pour d’autres, « il y a simplement, contribuant à l’organisation de cet
espace, des processus de nature diverse, obéissant chacun à des lois particulières
mais dont la combinaison demeure toujours aléatoire et tributaire de choix, voire
de « caprices » individuels ou collectifs » [R. Marconis, Historiens et
Géographes, n° 368, novembre 1999].

Frange

C'est l'espace situé à la périphérie d'un centre et proche d'une limite ou d'une
frontière. C'est aussi une couronne extérieure. C'est l'espace-frontière d'une
structure spatiale ou d'un système. Cf. Centre, Limite, Périphérie, Frontière...

Frontière

C'est une limite relativement étanche et imperméable qui se résout souvent en


une limite linéaire. C'est l'espace qui divise et limite. Elle est située en front, en
avant. Cf. Limite, Centre, Frange, Périphérie.

 Une introduction à la notion de frontière

Le mot a depuis longtemps intéressé le militaire, l’homme d’État, le géographe,


le citoyen... Plus exactement, le concept a connu une évolution certaine au fil du
temps, selon les contextes politiques, économiques, sociaux, idéologiques…Les
frontières s’imposent aux regards et aux corps des hommes et des femmes qui
tentent de les traverser, en quête d’un ailleurs meilleur…
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C'est un instrument de contrôle et de domination. C'est aussi une production


sociale, historique, évolutive selon les rapports de force. La frontière constitue
un espace de contacts et de frottements. La forme et la nature des relations
varient selon le contexte géographique, historique, politique, économique,
culturel…

C’est un concept central dans les discours idéologiques en vogue, tantôt avec
leur effacement et leur ouverture, tantôt au contraire avec leur renforcement
dans le cadre de l’idéologie du « territoire» et de l’«identitaire». Dans ces
contextes idéologiques, la notion de frontière (re)trouve un écho particulier
auprès des sociétés humaines. En différents points de la planète, la violence et le
conflit le rappellent chaque jour...

 (1) - (du grec horos, horizon), notion utilisée par Michel Foucher dans
Foucher M, 1991, Front et frontière. Un tour du monde géopolitique, Paris
: Fayard, (édition revue et augmentée), p 49. Le terme d’horogénèse
utilisé par Michel Foucher s’apparente également à la notion de limologie
(du latin, limes) qu’emploient par exemple Claude Raffestin et Jean-Pierre
Renard. Ces deux termes désignent le processus de production des
frontières.
 (2) - Extrait de Fabien Guillot, 2009, Les asymétries frontalières, thèse
soutenue à l'université de Caen Basse-Normandie, 497 p. Thèse en libre
téléchargement sur la page des travaux et publications.

Ces éléments introductifs doivent être complétés par quelques rappels. Ils sont
nécessaires, car les frontières qui existent aujourd’hui sont des constructions
sociales, historiques, qu’il faut situer dans le contexte de leur élaboration pour
comprendre l’évolution et le présent des relations qui y ont lieu. Le fait de tracer
des frontières - de les produire - concourt à dessiner les contours d’un ordre
politique international, à le matérialiser. Ordre politique produit des compromis
sociaux et des rapports de force entre acteurs. Ce qui ouvre tout un
questionnement. Qui trace les frontières ? Qui les modifie ou cherche à les
maintenir et pourquoi ? Ces questions reviennent à s’interroger finalement sur
l’horogénèse (1), c’est-à-dire sur le processus de formation des frontières.

(...) à partir des questions et éléments posés, le but est de (ré) interroger au
moins sous trois angles la problématique des frontières. Construire, déplacer et
maintenir les frontières sont trois registres qui illustrent aujourd’hui encore des
conditions et des rapports de force différents, inégaux et changeants, des
stratégies fluctuantes et contradictoires. Au-delà de la prise de conscience des
situations changeantes, il convient de se demander quels sont les déterminants
des relations frontalières, de poser la question des facteurs de la domination et
de la puissance qui évoluent au cours du temps, selon des espaces (topographie),
des échelles, selon les moyens techniques et technologiques (transports,
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communications, armements…) et selon les intérêts et enjeux (politiques,


économiques…). (...) (2).

 De la nécessiter de recontextualiser la question des relations


frontalières

Presque vingt ans après la chute du contre-modèle capitaliste qu’incarnait le


bloc soviétique, et suite à ce que Washington a alors appelé le « nouvel ordre
mondial », quelle est la situation géopolitique, quelle est la situation des
relations internationales ? Assiste-t-on à l’émergence d’un monde plus simple et
plus pacifique où les conflits et questions frontaliers se seraient estompés ? Les
évolutions des rapports de force à l’échelle planétaire comme régionale,
produisent-elles toujours des transformations, des tensions, au niveau des
frontières ? Le déplacement des lieux de décisions et l’émergence des pouvoirs
économiques - notamment financiers - et médiatiques, ajoutés au pouvoir
politique sont une évolution importante qui intervient sur les dynamiques de
domination, plus largement sur les rapports sociaux. Ce qui fonde et participe à
la production de la puissance, de la souveraineté, a évolué ; la géopolitique et les
relations frontalières aussi. À la différence des tenants du « nouvel ordre
mondial » des années 1990, et des interprétations qui sont construites à partir des
deux « théories générales » à portée explicative de la géopolitique du monde,
celle de « la fin de l’histoire » (Fukuyama Francis, 1992, La fin de l’histoire et le
dernier homme, Paris : Flammarion, 448 p)et celle du « choc des civilisations »
(Huntington Samuel P., 1993, « The clash of civilisations ? » in Foreign Affairs
repris et complété en 1997 dans Le Choc des civilisations, Paris: Odile Jacob,
547 p.), je considère que les relations internationales demeurent complexes à
analyser. Il y a complexité, car justement elles sont une production historique
qui se poursuit et le résultat de rapports de force contradictoires, antagonistes,
concurrents dépassant l’explication, réductrice au demeurant, que constituerait la
seule causalité « civilisationnelle ». Les relations frontalières et plus précisément
les différends frontaliers représentent encore une des formes d’expression
importante, un des enjeux et terrains d’affrontement entre acteurs, pas seulement
des États. L’espace, ce qu’il contient et incarne (ressources, populations,
valeurs…), est l’objet de beaucoup de convoitises, et les délimitations, donc les
frontières, restent des objets de controverses, d’oppositions et de conflits. En
plus des facteurs « classiques » à l’origine de l’appropriation de l’espace, il est
fort probable que les facteurs environnementaux, écologiques, représenteront à
l’avenir des éléments à intégrer, à part entière, dans l’analyse géopolitique des
conflits d’usage et d’appropriation de l’espace, mais pas uniquement. (...)
(Extrait de Fabien Guillot, 2009, Les asymétries frontalières, thèse soutenue à
l'université de Caen Basse-Normandie, 497 p.).
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Tracer une frontière est un acte géopolitique par excellence puisqu’il s’agit de
délimiter des aires d’exercice de la souveraineté, d’inscrire le politique dans
l’espace. (Michel Foucher, 1991, « Frontières à retracer : un point de vue de
géopoliticien », dans Frontières et limites, acte de séminaire, Paris : Centre
Georges Pompidou, p. 69.

Sous toutes ses formes la frontière donne matérialité à une inscription spatiale
des relations de pouvoir...On retrouve sur les différents continents et dans les
divers pays, les barbelés, les murs, les fossés, les no man’s land…L'espace est à
la fois support et outil : support d'une volonté politique, outil pour la matérialiser
et l'imposer. Plus que contrôler l'espace, c'est bien contrôler les hommes qui y
vivent et les ressources qu'il concentre qui est l'enjeu... Cependant, à la
matérialité des dispositifs de marquage de la frontière qui traduisent en actes la
présence d'un pouvoir, d'une souveraineté, s'ajoute aussi la présence indicible et
invisible de ce même pouvoir sous les traits de la télé-présence. Cette télé-
présence est une manière d’être présent, mais non d’un point de vue
démonstratif et ostentatoire, mais de façon discrète, furtive. Ce qui compte, ce
n’est donc pas tant la force de la présence, le degré et la quantité, mais
l’efficacité, c’est-à-dire en quelque sorte son « pouvoir d’action » (Olivier
Razac, 2000, Histoire politique du barbelé. La prairie, la tranchée, le camp, Paris
: éd. La fabrique, 111 p.).

L’épaisseur matérielle, la présence massive importent moins que la volonté


d’être là sans être vu, en ayant recours aux technologies les plus avancées. Cette
présence immatérielle vient ainsi compléter la présence matérielle (murs,
barbelés, grillages…). Cela concrétise et complète les moyens de domination et
de pouvoirs « classiques », à la fois sur et dans l’espace et sur les populations.
On entre alors dans le domaine de l’indicible et de l’invisible où la présence de
chacun est détectée et enregistrée par les ondes, les vibrations, la chaleur et la
génétique… Sans doute est-ce à cet instant où les formes de marquage et de
présences s’inscrivent dans la sphère du « biopouvoir » (Michel Foucault, 2004,
Naissance de la biopolitique : cours au Collège de France, 1978-1979, Paris :
Seuil/Gallimard, 355 p.). Le recours aux identifiants biométriques et aux
nouvelles technologies transforme ainsi les pratiques de contrôle et de
surveillance des individus et des espaces, non seulement aux frontières, mais
dans le reste des espaces sociaux. En cela, les frontières matérialisent et suivent
là encore les évolutions des rapports sociaux.

Géofaciès

C'est un ensemble physionomiquement homogène comme le quartier rural, un


îlot d'immeubles... Il est visible à l'observation. La dimension varie de 1 et
plusieurs ha. Il apparaît immédiatement à l'observation du paysage ou de la
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photographie aérienne. L'échelle est de 5 à 25000° (Cf. G Bertrand, 1969). Cf.


Géotope, Géosystème, Pays, Région, Domaine, Zone.

Géosystème

C'est une unité fonctionnelle et compréhensive regroupant les géofaciès qui sont
dynamiquement liés. C'est une mosaïque d'éléments génétiquement unis. C'est le
cas d'une vallée glaciaire (fond en auge, versants, replats, épaulements et
verrous), du quartier urbain ou de la collectivité rurale (village et terroir).
L'échelle est de 20 à 50000° (Cf. G Bertrand 1969). Cf Géotope, Géofaciès,
Pays, Région, Domaine, Zone.

 Géosystème par Christine Vergnolle-Mainar

Le géosystème est un concept permettant d’analyser les combinaisons


dynamiques de facteurs biotiques, abiotiques et anthropiques associés à un
territoire. S’inscrivant dans une démarche systémique, il est utilisé en
géographie pour étudier les interactions nature-sociétés dans une dimension à la
fois temporelle et spatiale. Il doit beaucoup à l’approche écosystémique qui a été
développée dans les années 1930 par l’écologie scientifique et qui porte
principalement sur les relations entre les espèces vivantes et leur biotope. Mais il
en diffère par la prise en compte d’une échelle spatiale plus vaste puisqu’il
permet d’étudier l’espace géographique à l’échelle des sous-ensembles
régionaux. En conséquence, il intègre aussi des facteurs plus diversifiés, parmi
lesquels l’action de l’homme, ainsi qu’une échelle de temps plus large. En tant
qu’outil conceptuel, le géosystème est apparu dans les années 1960 en Union
soviétique à la faveur de la mise en valeur de vastes espaces faiblement peuplés.
Formalisé par Viktor Borisovitch Sochava, il suppose une approche centrée sur
les flux d’énergie et de matière, vivante ou minérale. Par l’analyse de relevés
stationnels et leur mise en corrélation, le géosystème permet d’approcher un
milieu sous trois angles complémentaires : dans sa structure spatiale, à la fois
horizontale et verticale, dans son fonctionnement et dans ses changements
d’états. Il a notamment été mis en œuvre par Nicolaï Béroutchachvili dans le
Caucase. Le concept a été introduit en France par Georges Bertrand à la fin des
années 1960 dans le cadre d’une démarche de reconstruction de la géographie
physique. Il permettait en effet de dépasser le cloisonnement interne à la
géographie physique par l’analyse des interactions entre données
géomorphologiques, climatologiques, hydrologiques, biogéographiques et
pédologiques. De plus, par sa dimension systémique il ouvrait aussi la voie à la
prise en compte d’un facteur d’évolution jusque là négligé : l’action
anthropique, tant passée qu’actuelle. Il s’inscrivait donc en rupture par rapport
aux études des milieux pratiquées en géographie à cette période. En effet, si
initialement le concept de milieu a permis d’approcher de façon globale la
relation entre les hommes et leur lieu de vie, il a par la suite ouvert la voie à des
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études ne prenant en compte que les composantes bio-physiques considérées


pour elles-mêmes. Dès son origine, le géosystème est étroitement lié à la notion
de paysage aussi bien dans la « science du paysage » russe que dans la démarche
de Georges Bertrand. Dans son article fondateur publié en 1968 dans la Revue
géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest « Paysage et géographie physique
globale », il présente en effet le géosystème comme un outil de refondation de
l’approche géographique des paysages. Par la suite, avec l’émergence de
l’environnement comme question sociale, le géosystème est aussi associé au
concept de territoire dans une volonté d’inscrire l’approche des milieux dans une
dimension à la fois sociale et territorialisée. Cette évolution est formalisée par
Georges Bertrand en 1991 à travers le « GTP : géosystème, territoire, paysage ».
Poursuivant un objectif d’approche de l’environnement dans sa complexité et sa
diversité, il propose par ce système conceptuel une relance de la recherche sur
des bases multidimensionnelles. Dans cette combinaison, le géosystème s’inscrit
à l’interface entre nature et sociétés en permettant de penser la dimension
naturaliste et matérielle de l’environnement dans une perspective sociale. Il est
complété par des approches plus sociales et culturelles grâce aux concepts de
territoire et de paysage. Par une quantification de paramètres très divers,
l’analyse géosystémique permet la mise en évidence d’interactions entre facteurs
ainsi que les dynamiques à l’œuvre. Elle permet aussi d’identifier à l’intérieur
d’un même géosystème des sous-ensembles emboîtés dont l’évolution
conditionne la dynamique globale : les géofaciès et les géotopes. Les premiers
correspondent à des ensembles spatiaux physionomiquement et
fonctionnellement homogènes de quelques centaines de mètres carrés : par
exemple, si un versant correspond à un géosystème, les diverses unités
paysagères qui le constituent peuvent être considérées comme des géofaciès. Les
seconds sont de toutes petites unités spatiales de quelques mètres carré, comme
un talus ou un creux humide au sein d’une des unités du versant. Mais les
applications rigoureuses de la démarche étant contraignantes à mettre en œuvre,
le concept tend à devenir une façon de penser l’articulation entre nature et
sociétés plus qu’un outil d’analyse. Sous cette forme il se diffuse et se banalise
dans des applications très diverses, mais parfois de façon déviante par rapport au
concept initial. Dans l’esprit du géosystème, un autre concept est actuellement
proposé, celui d’anthroposystème. Visant également à prendre en compte les
interactions entre systèmes naturels et sociaux dans la durée, il s’en démarque
par une approche plus résolument centrée sur les sociétés humaines.

Interaction
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C'est l'action réciproque entre deux lieux ou deux acteurs. Elle est le fondement
de l'analyse spatiale et systémique. Elle s'exprime par la formule : Iij = K
Eia.Ajb.Dijd. avec a, b et d : des exposants, Ei: l'émissivité, Aj: l'attractivité et
dij: une fonction distance.

 Interaction géographique

Les relations des personnes entre elles et avec la nature sont indispensables à
leur existence. Elles se produisent dans l’espace géographique puisqu’elles
s’opèrent entre éléments localisés en des points différents de cet espace. Elles
sont de types extrêmement variés et sont souvent regroupées sous l’appellation
générale d’interaction spatiale ou géographique. Ce terme couvre les échanges,
les transports, les communications, les migrations, les comportements spatiaux
associés au travail, au loisir, aux achats, etc. l’interaction spatiale est très
souvent décrite et modélisée comme dépendant essentiellement de trois groupes
de facteurs : ceux qui expriment l’émissivité du lieu d’origine, ceux qui
expriment l’attractivité du lieu de destination, ceux qui expriment le degré de
proximité des éléments qui interagissent. Tous trois favorisent la quantité
d’interactions. Ils peuvent être substituables ; par exemple, on peut préférer se
déplacer plus loin si on espère y bénéficier d’une attractivité plus grande.

Interface

C'est une ligne, une surface, un espace ou un plan de contact entre deux
structures ou systèmes différents et distincts. C'est là où s’effectuent l'échange,
la métamorphose et le processus de transformation. Le littoral, la frontière, le
front périurbain, l'interface plaine-montagne, ville-campagne constituent autant
d'interfaces féconds.

 Interface en géographie

L'interface, terme très répandu en géographie depuis les années 1980, est une
zone de contact entre deux espaces. Il met en relation deux ensembles
géographiques distincts. Une discontinuité spatiale va régir les deux parties.
Cette disjonction va concerner les échanges et les influences que peut avoir un
espace sur un autre et inversement.

 Les Interfaces dans la littérature géographique

Théorie des Interfaces


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En géographie du développement, l'utilisation de la notion d'interface, va


permettre d'étudier de manière précise et appréhender l'émergence de nouvelles
aires d'échanges et leur juxtaposition. Corinne Lampin-Maillet le précise par ses
mots: «Aborder les territoires à l'aide d'une focale centrée sur l'interface permet
de mieux comprendre leurs mécanismes, de les hiérarchiser, d'anticiper les
problèmes, voire parfois de découvrir des interfaces cachées [...]. L'interface
introduirait non seulement de la valeur ajoutée dans les compréhension des
espaces, mais ferait parfois même émerger des problématiques jusque-là cachées
[...] (LAMPIN-MAILLET Corinne et al., 2010, Géographie des interfaces. Une
nouvelle vision des territoires, Ed. QUAE, Paris)». L'interface est également
mesurable et mesurée, il est possible par le travail avec une grille de lecture d'en
construire une description précise: « Les réflexions menées par ce groupe ont
abouti à une grille de lecture des interfaces qui part de son identification [...], en
précise les fonctions [...] avant de décrire les différents mécanismes internes à
l'interface [...] (LAMPIN-MAILLET Corinne et al., 2010, Géographie des
interfaces. Une nouvelle vision des territoires, Ed. QUAE, Paris).

Société – Environnement

En géographie, le terme d'interface peut aussi être utilisé pour décrire les
rapports entre deux concepts ou éléments. Par exemple, on parle d'interface
société-environnement (BERTRAND Claude et Georges, Une Géographie
traversière. L'environnement à travers territoires et temporalités, Ed. Arguments,
Paris, 2002, pp.80-89). La dualité entre le social et la nature nous donne un
exemple d'interface fonctionnant sur les échanges interagissent entre les deux et
aboutissant sur un constat simple: une réversibilité, on peut placer nos
différentes sociétés dans des milieux naturels qui interagissent avec elle, mais on
peut également le voir depuis les milieux naturels qui s'insèrent dans des
sociétés qui les utilisent. Le concept d'interface ressort ici clairement et
comprend des échanges allant dans les deux sens, d'un espace à un autre. Peut-
on parler ici de symbiose entre les deux, il est difficile de se l'imaginer tant notre
société ne rend pas au milieu naturel ce qu'elle lui prend. On peut donc dire que
les échanges dans cette interface sont en déséquilibre en faveur de la partie
urbanisée de notre société.

Nature - Culture

On parle dans la géographie d'une interface nature-culture, qui mettrait en


relation deux monde et qui ouvrirait de nouvelles réflexions sur comment
appréhender les deux composantes dans une perspective de sauvegarde du
patrimoine. Dans cette vision, nous pouvons faire ressortir chaque composante
dans l'exemple. Le patrimoine fait partie intégrante de la politique de nos élus
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qui allouent un certain budget à sa sauvegarde. En sauvegardant la nature dans


l'optique du patrimoine paysager, on sauvegarde une certaine culture associée à
celui-ci. On travail sur un échange entre les deux espaces ou plutôt sur le résultat
de la transformation d'un espace qui a pour conséquence un changement sur le
deuxième et qui se doit de l'influencer le moins possible.

Les pôles d'échanges

La gestion des transports est un point très important de la politique des Etats.
Cette composante affecte particulièrement les villes qui sont bloquées par un
trafic mal géré, mal organisé et qui a pour conséquence une augmentation de la
pollution. Genève est un très bon exemple de ce nœud routier, car elle se trouve
au croisement entre le canton de Vaud et la France voisine, drainant son lot
journalier de pendulaires motorisés traversant Genève de part en part, annihilant
tout espoir de déplacement rapide pour les citadins. Le déplacement en voiture
est devenu d'une difficulté accrue aux abords de la ville.

Le développement des transports participe d'une double volonté «écologique» et


de fluidification du trafic. L’État va donc chercher à mettre un place un réseau
de transport différent permettant à l'usager de passer d'un point à un autre de
manière rapide, diminuant ainsi ses coûts et fluidifiant la ville. Cette manière
d'organiser les transports s'appelle «l'intermodalité». Sa mise en place ne pourra
pas être faite sans une série d'interfaces valorisées ou construites pour appuyer la
démarche. La gare est un exemple concret d'interface qui valorise les transports
en commun et laisse à la périphérie de la ville les véhicules encombrants et
polluants. Les réseaux de voies ferrées sont donc à eux seuls une interface entre
deux pays permettant échanges et déplacements rapides. Nous pouvons donc
compter ici sur ces interfaces comme lieu stratégique du développement des
transports, participant à l'élaboration d'une mobilité facilitée et économique.

Les déplacements liés au travail amènent une certaine population à se trouver


dans une ville pendant un certain laps de temps, pratiquant son activité
professionnelle et profitant des moments libres pour visiter l'endroit où se
déroule le voyage. Cette pratique est surtout ressentie lors des différents congrès
que les professionnels peuvent avoir dans leurs corps de métiers respectifs.
L'organisation d'une telle manifestation implique un échange entre différents
réseaux. Les échanges entre ces différents réseaux, ainsi que entre les réseaux et
le territoire lieu du congrès, constitue une interface. Le développement de cette
activité implique la mise en place dans certaines villes d'infrastructures pour
favoriser ces interfaces, lieux de rencontres et d'échanges, source économique
pour la ville. Genève est un exemple de ville, de par ses organisations
internationales, où les congrès prennent une place importante et où le réseau
d'échange est extrêmement développé.
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Avantages et limites

Nous avons pu voir dans les différentes rubriques que les interfaces peuvent
prendre différents formes. Théoriques et pratiques, elles sont limites ou
frontières, échanges et réseaux. Elles participent au développement d'une région
et facilite la discussion entre les différentes entités. Il est important de
comprendre qu'une interface va être la zone «tampon» entre deux territoires ou
se dérouleront les différentes tractations qui permettront l'avancée économique,
sociale et culturelle. Enfin, la géographie va utiliser le terme d'interface comme
outils de compréhension aux échanges et aux mélanges extra-territoriaux de plus
en plus nombreux qui tendent à faire déplacer les frontières, à les rendre
perméables et mouvantes aux activités et aux populations.

Le terme d'interface en géographie nous amène donc à se questionner sur les


avantages de son utilisation en tant qu'objet géographique. Suite aux différents
thèmes traités précédemment, il revêt que l'interface trouve totalement sa place
dans la réflexion géographique, permettant une analyse approfondie des
composantes de l’interaction entre deux espaces, des mécanismes qu'ils sous-
tendent et des problèmes qui vont découler de ceux-ci. Il est possible de se poser
la question s'il y a une limite à un tel système? Il est possible d'imaginer que
l'analyse du point de vue « interface » peut s'avérer, de par sa grille de lecture,
extrêmement complexe. Ce bémol impliquerait pour un État une grande perte
d'efficacité dans la prise de décision et donc un désintérêt de la part des
décideurs pour une analyse qui se veut constructrice de l'échange.

Citation de Corinne Lampin-Maillet « L'interface contient à la fois la rupture


et l'échange, la transaction, l'interaction, permis, facilités ou régulés par son
existence même. A l'heure de la mondialisation, de la mobilité, de la diffusion,
la mise en contact de systèmes spatiaux de natures différentes devient de plus en
plus fréquentes, tout comme la valorisation de ces mises en contact par le biais
des interfaces». LAMPIN-MAILLET Corinne et al., Géographie des interfaces.
Une nouvelle vision des territoires,Ed. QUAE, Paris, 2010.

Isotrope/Isotropie

Un espace isotrope est un espace homogène dans toutes les directions et à tous
les niveaux où la circulation est fluide et possible dans toutes les directions.
L'espace isotrope a été la base de la plupart des modèles d'économie spatiale et
de localisation des activités. Cf. anisotrope, Homogène.

Lieu (ou site)

C'est un point de l'étendue identifiable et singulier. Il permet de localiser les faits


et répond à la question "où". Il est souvent nommé et reconnu, on dit lieu-dit (un
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lieu qui a un nom). Il a des propriétés topiques. Etymologiquement c'est l'endroit


où on se pose (Locus, lokhos). Il est synonyme d'emplacement, de place et
d'adresse : lieu de travail, lieu de naissance, lieu saint...

Limite

C'est la frange de passage entre deux structures différentes où les systèmes


agissants sont différents. La limite est plus ou moins étendue prenant la forme
d'une véritable frange de part et d'autre lorsqu'elle est perméable permettant les
échanges. Plus elle est étanche, plus l'espace-limite se réduit à une ligne.
Etymologiquement, le terme vient de limes (frontière) qui vient de limen (le
seuil). Une limite unit et isole à la fois et c'est ce rôle paradoxal qui doit être mis
en relief dans toute étude de limite. Les véritables limites sont la résultante de la
combinaison de plusieurs variables, elles correspondent à un seuil à franchir et
une discontinuité dans le continiüm des isochèmes et des systèmes. Une limite
correspond à un mode d'utilisation et d'appropriation de l'espace. Elle
correspond à une fonctionnalité naturelle ou créée. Elle correspond à la ligne qui
marque la fin d'une étendue ou d'un espace. Un espace situé sur les limites est un
espace limitrophe. Les conditions d'émergence, de permanence et de la mobilité
des limites doivent être examinées avec intérêt. Cf. Frontière, Seuil,
Discontinuité, Frange, Périphérie.

Marge/marginalité

C'est la bordure, la limite dotée d'une certaine épaisseur et considérée comme en


position de dépendance. On utilise aussi marche. La marginalité est la position
de celui qui est en marge du système. La marginalisation est cette mise en
marge, à l'écart et en situation de dépendance et de précarité.

Milieu

C'est l'alentours du lieu, ce qui lui est extérieur et l'englobe. Le lieu est au milieu
du milieu. C'est l'environnement qui enveloppe le lieu. Il se définit par rapport
au lieu, un individu ou un élément. Il n'existe pas en soi. On parle de milieux
humides, ici c'est le sens de type d'environnement, un écosystème particulier. Il
est utilisé dans le sens d'espace. On parle de milieu naturel pour désigner
l'ensemble des éléments naturels présents et associés en un lieu donné et autour
de lui. Le milieu géographique est l'ensemble des données naturelles et
culturelles du lieu et de son environnement.

Mobilité
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C'est la facilité de mouvement dans l'espace qui implique le changement du lieu.


Elle s'exprime par la migration de toute sorte, les déplacements quotidiens ou
résidentiels...

Paysage

C'est une vue d'ensemble, ce qu'on voit du pays. C'est l'ensemble des éléments
qu'on peut voir d'un seul trait, ce que l'œil embrasse, le champ visuel. Le
paysage est une apparence, une représentation. Le terme a une connotation
esthétique. Le paysage est un arrangement d'objets visibles perçus par un sujet à
travers ses filtres, humeurs et fins. Il n'y a de paysage que perçu. Le paysage a
été et reste encore une importante catégorie géographique à tel point que la
géographie a été définie comme science du paysage. Ce dernier a été considéré
comme le point de départ de la géographie d'où l'importance de la description
d'abord et de l'interprétation ensuite. Le paysage est chargé de valeurs (valeur
d'usage) et de symboliques d'où l'importance de la sémiotique et de la
signification. Très souvent le paysage fut réduit à ses composantes naturelles et
à l'espace même (Landschaft). Il est souvent réduit à certaines composantes :
paysage agraire, paysage urbain, paysage morphologique... C'est aussi le
panorama imaginaire ou recomposé, on parle ainsi de paysage politique dans le
sens d'environnement, de paysage artistique ou culturel... Ce sont les
composantes du milieu dans un récit ou le décor d'une pièce de théâtre. C'est ce
qui évoque l'espace, le cadre de vie, ce qui nous entoure ou plutôt devant nous.

 Importance du concept de paysage

Une notion très relative

La notion de paysage n’existe pas dans toutes les cultures, elle nécessite une
certaine posture culturelle et certains présupposés historiques. Il n’y a pas par
exemple de concept de « paysage » chez les antiques. En grec ancien, il n’y a
pas de mot qui corresponde à ce que nous appelons « paysage ». On parle de
skénographia qui est le « décor » ou à la rigueur « l’agencement d’un
spectacle ». En latin, il en va de même. Les dictionnaires de thème donnent le
choix entre « régio natura amoenissima » (région que la nature a rendue tout à
fait charmante ») ou « amoenitates orarum … » (le charme d’une région… ).

Dans plusieurs cultures, le paysage sous-entend la vision depuis un point haut :


dans le Japon ancien, il existait une cérémonie du paysage (« le kunimi » : mot à
mot, regarder le paysage ou regarder le pays) dans laquelle un empereur faisait
l’ascension d’une montagne et de là, portait son regard au loin pour signifier sa
souveraineté sur le territoire. Ce rite fut remplacé par l’installation de tours sur
les points hauts. Il est possible que les origines du paysage ont un lien au moins
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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partiel avec ces actes sacrés de prise de possession des territoires ( dans le terme
contempler on retrouve la racine « temple »).

Le paysage est également un concept fortement présent dans la culture chinoise


antique. C’est d’ailleurs dans les cultures chinoises et japonaises antiques que
semble être né le concept de paysage. Philippe DESCOLA et A.BERQUE
montrent qu’il n’y a pas de paysage tant qu’il n’y a pas « d’extériorité de la
Nature », une prise de recul des hommes vis à vis de leur environnement. Pour
la paysannerie traditionnelle, le paysage est absent : le paysage est la vision de
celui qui n’est pas plongé dedans, c’est une vision de citadin, d’étranger en
somme.

Il est intéressant de noter également que la notion de paysage se fait de plus en


plus présente au fur et à mesure des grandes découvertes : plus on voyage, plus
il y a de paysages…

De manière générale, on retiendra donc que « le paysage » est :

Une notion chargée de multiples héritages et dont nos représentations (et nos
enseignements) véhiculent encore tous les aspects, toute la complexité et parfois
tout l’arbitraire anthropologique (une vision d’homme occidental plutôt urbain).
Un mot complexe et ambigu qui fut approprié tour à tour par les champs
esthétiques, touristiques, scientifiques et politiques et dont les multiples
acceptions se rencontrent aujourd’hui.

Un concept intéressant pour aborder la notion de développement durable

Le paysage est la trace visible et le résultat des occupations successives par les
hommes d’un territoire. En cela, le paysage est histoire. Il est également un
ensemble d’indicateurs environnementaux qui peut parler aux apprenants des
« facteurs naturels » qui modèlent et structurent un territoire. Un paysage est
aussi lieu de mémoire, un espace vécu, un espace vu donc ressenti : il prend
donc des valeurs très différentes selon la personne qui le perçoit. Cette
dimension plus subjective a toute son importance, c’est elle qui définira aussi
« la valeur paysagère » que l’on donnera à un point de vue. Le paysage est la
rencontre d’un territoire et d’un regard. Ce regard participe pleinement à
l’aménagement ou au projet que l’on élaborera pour un paysage. Aussi, initier
les étudiants à cette dimension plus subjective est une manière de leur faire
comprendre les enjeux contradictoires qu’il peut y avoir autour d’un territoire.

Ainsi, un paysage est-il un ensemble de signes culturels, sociaux et


environnementaux – trois dimensions qui sont aussi les piliers du
« développement durable ». Le paysage est, dans l’enseignement au moins, une
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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manière d’initier les étudiants à la complexité et aux interrelations qui se nouent


entre tous ces indicateurs. Par sa polymorphie même le paysage devient
aujourd’hui un outil intéressant de réflexion globale sur un territoire, un outil
d’initiation au développement durable. Il permet d’amener les étudiants à se
poser des questions sur un territoire : « La relation homme-nature est-elle
équilibrée ? Vois-je des pathologies ? Quelle logique suivent les hommes sur ce
territoire ? Est-ce durable ? Equitable ? Viable pour les générations futures ? ».

Périphérie

Etymologiquement "qui porte autour", c'est un espace situé en dehors du centre,


autour de l'espace central et à l'extérieur de ce qui est central. C'est l'espace situé
sur le pourtour, elle exprime l'étendue. C'est la partie externe d'un espace, on
parle de péricentre, péri-urbain. C'est aussi la partie dominée par un centre ou
un espace. Elle exprime la dépendance, le prélèvement, la marginalité. La
théorie centres-périphéries tente d'expliquer l'organisation spatiale en termes de
centres et de périphéries (Samir Amin...). Les deux sens peuvent coïncider ou
être très différents, un espace peut être géographiquement central et
économiquement périphérique, c'est le cas par exemple du Kairouanais en
Tunisie, le Massif Central en France, le Centre des USA. En outre, la périphérie
peut avoir des centres qui l'organisent tandis que les centres disposent toujours
de périphéries proches. Cf. Centre, Limite, Frontière.

Périurbain

C'est tout ce qui est autour de la ville, constitue le front d'urbanisation, la zone
de contact avec l'espace rural. Le terme a un sens d'urbanité, c'est la zone
d'installation récente. C'est la banlieue au sens large, c'est la zone des navettes,
l'espace de la croissance et de l'extension.

Polarisation

C'est l'attraction d'un lieu, d'un centre ou d'un espace instituant une relation
dissymétrique en termes d'intensité (la relation est plus forte en direction du
centre polarisant ou pôle) et de la nature de la relation. Il y a l'idée de tourner
autour, de gravitation et de dépendance. L'organisation spatiale se fonde sur
les mécanismes de polarisation : on parle de zone d'influence, de zone
d'attraction, d'aire de marché, de région polarisée... La région polarisée est une
région structurée par une métropole, elle a un fondement fonctionnel et s'oppose
à la région homogène. La notion de polarisation remonte à François Perroux
(1955) qui a développé l'idée de pôle, et sa traduction spatiale revient à
Boudeville en 1972. Le concept a donné lieu à la théorie du développement
polarisé, aux industries industrialisantes, au développement endogène et a été
derrière de nombreuses expériences durant les années 1960-1970.
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 Polarisation

Le concept de polarisation recouvre deux acceptions distinctes en Géographie :

Une acception classique synonyme de concentration de matière et d’énergie. La


polarisation est l’attraction qu’exerce un lieu sur un espace plus ou moins étendu
et hétérogène et qui se trouve dans une situation de dépendance à l’égard de ce
centre. L’espace est comparé à un champ magnétique dans lequel un lieu,
assimilé à un pôle (généralement une ville ou une région) exerce une
aimantation proportionnelle à sa population, à ses activités ou à ses
équipements. Au milieu des années 60, l’économiste A.Piatier réalise ainsi une
enquête sur l’attraction commerciale des villes françaises.

Une seconde acception ajoute à l’attraction l’effet d’entrainement du pôle sur le


développement d’un ensemble régional. Cette seconde approche est imputable
aux travaux de deux économistes F.Perroux et J.R.Boudeville. Le premier a
proposé en 1955, un concept non spatialisé de pôle de croissance. Ce concept en
rupture avec les théories de l’équilibre néoclassique, montre que des
investissements sectoriels sélectifs sont susceptibles de créer des mécanismes
multiplicateurs de croissance. L’application spatiale de ce type de théorie a été
développée au niveau régional à travers les échanges interindustriels par
J.R.Boudeville (1972).

Avec les thèses de M.Rochefort, de R.Dugrand et J.Labasse puis par les travaux
sur l’armature urbaine de Hautreux et Rochefort (1963), la géographie a utilisé
indistinctement les deux filiations. Elle a notamment poursuivi dans cette voie,
en géographie régionale, où l’on doit à E.Juillard le concept de région polarisée
(1962) et à P.George (1967) une présentation de l’hexagone opposant les
"espaces polarisés" à "l’inorganique".

Aujourd’hui le terme est fréquemment employé par d’autres sciences humaines


telle la sociologie qui l’emploie pour rendre compte d’une aggravation des
contrastes sociaux au sein d’une entité. S.Sassen parle ainsi de "polarisation
sociale" pour qualifier les dynamiques sociales dans la "ville globale" (1996)

Les relations entre le pôle et l’espace qui l’entoure peuvent être pensées en
terme de gravité. Le modèle de William.J. Reilly (1931), appliqué d’abord au
commerce de détail, a été conçu par analogie avec la théorie de la gravitation de
Newton. Selon ce modèle l’intensité de l’attraction et donc des interactions
géographiques décroit en fonction de la distance, très fréquemment sous la
forme d’un gradient. La portée respective de ces interactions correspond à la
polarisation qu’exerce une agglomération sur son aire d’influence et est limitée
par l’extension maximum de l’influence d’une autre agglomération.
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LICENCE 3

Pôle

C'est un point, un axe de polarisation. C'est le pôle terrestre autour duquel se fait
la rotation. C'est aussi un point ou un axe du champ magnétique. Il désigne par
analogie le point extrême. C'est le centre d'action autour duquel tout tourne,
gravite, fonctionne et en dépend. On parle de pôle d'attraction, de croissance, de
développement, de régions polarisées.
Un technopôle est une concentration d'industries high-tech entraînantes avec les
universités et les centres de recherches. Cf. Polarisation, Région.

Portée

C'est la distance sur laquelle porte un bien, le rayon d'action d'un service ou
d'une ville. La portée limite est la distance au delà de laquelle un produit ne peut
plus être vendu. Cf. Zone d'influence, aire de marché.

Position

C'est l'emplacement d'un objet en rapport avec l'environnement ou un cadre


spatial déterminé. Elle exprime la situation en référence à des repères terrestres
(longitude, latitude) ou de relation et de circulation. Elle exprime l'emplacement
dans une hiérarchie quelconque: urbaine ou industrielle... Le terme est utilisé
comme synonyme de situation. Cf. Site, Situation.

Région

C'est une unité géographique organisée autour d'une métropole qui commande
un réseau urbain. Elle a une connotation unitaire (naturelle, historique,
culturelle...) ou polarisé. La superficie varie de 5 à 50.000 km2. Le terme région
est d'usage ambigu, il indique une zone quelconque. Il est utilisé pour espace,
zone, étendue ou une unité administrative, c'est une partie de l'étendue d'un
pays: la région littorale, la région sud. Le terme indique tantôt une zone
organisée et polarisée autour d'une grande ville, c'est la région polarisée; tantôt
un espace d'extension d'un paysage, une unité naturelle ou un espace de charge
historique élevée, c'est la région homogène. Il indique aussi un espace concerné
par un programme ou un plan, c'est la région-plan ou région-programme. La
région forme l'échelon intermédiaire entre l'ordre national et l'échelon local. Sa
taille varie selon les pays. Très souvent la taille doit être garante d'un certain
équilibre. La région est souvent dotée d'une certaine personnalité, d’un profil
donné. La régionalisation est la méthode, la technique et la politique de
subdivision en régions. Le régionalisme est ce mouvement socio-politique qui
revendique l'autonomie et l'identité régionales. Cf. Géotope, Géosystème,
Géofaciès, pays, Domaine, Zone.
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Réseau

Un réseau est une infrastructure qui permet de véhiculer les flux assurant les
échanges dans un système donné. Cette infrastructure peut être visible ou non,
matérielle ou non permettant la dynamique de l'espace. Un réseau est différent
du circuit ou de cycle qui se réfèrent aux systèmes naturels dont la configuration
est assurée par le système lui-même (circuit de l'eau, de l'oxygène ou du
carbone....) qui oriente et guide les flux tandis que le réseau est mis en place par
les groupes sociaux: réseaux de transport, réseaux de circulation...Le réseau est
un cheminement linéaire et continu plus ou moins dense et connexe permettant
la circulation des flux de la matière, de l'énergie, des hommes, des biens, de
l'information... Dans toute étude de réseau, les notions de position, la nature de
l'accès et du branchement, la tropie (isotropie et anisotropie) sont centrales. Les
réseaux expriment le contrôle territorial et l'organisation spatiale en termes de
hiérarchie, structure, centralité, symétrie, interdépendance et de fonctions... Cf.
Fonction, Flux, Itinéraire.

L’interaction géographique implique généralement un parcours, dans l’espace


géographique, empruntant un réseau lui permettant de joindre une origine à une
destination. Le plus souvent, le réseau requiert des équipements (routes,
canalisations, relais hertziens…). Un réseau est un ensemble constitué par des
nœuds (lieux d’origine et de destination) associé à un ensemble constitué par des
arcs qui représentent les voies susceptibles d’être parcourues par des interactions
entre nœuds. Ces deux ensembles associés nœuds-arcs sont aussi la définition
d’un graphe (en mathématique) dont les propriétés sont dès lors transposables à
la géographie ; par exemple, celles qui facilitent la recherche du plus court
chemin entre deux nœuds du réseau.

Site

C'est l'assiette, le substrat topographique et l'assise physique d'un élément donné.


C'est l'emplacement précis d'un élément, d'une ville ou d'une usine. Il exprime
aussi les caractéristiques recherchées d'un lieu (position, topographie, paysage,
accès...) comme le site touristique ou industriel. Il renvoie plutôt à la relation
verticale avec l'espace, il a une portée locale. Cf. Situation, Position.

Situation

C'est la position d'un élément par rapport aux autres éléments dans un cadre
spatial déterminé, aux axes de relation, aux centres de production et de
consommation. La situation exprime plutôt les relations horizontales (entre
lieux) contrairement au site. Cf. Site, Position.

Spatialité
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Ce qui a trait à l'espace et au territoire. La spatialité est la dimension spatiale


d'un phénomène, d'un fait déterminé: localisation, rapport à l'espace, effet de
proximité...

Structure

C'est l'ossature et le mode d'organisation des éléments. C'est un arrangement


matériel observable : on parle de structure agraire, urbaine... Une structure est la
manière dont les parties sont arrangées entre elles. Une structure est une unité
fonctionnelle et physionomique, localisée dans l'espace qui possède une identité.
Elle est régie et organisée par un système. La structure agricole est régie par le
système de cultures. C'est un ensemble organisé de rapports organiques qu'on
peut rencontrer dans des phénomènes apparemment différents, c'est un modèle
de relations. Pour Lalande, la structure est un ensemble formé d'éléments
solidaires tel que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et
par sa relation avec eux. Il y a structure lorsqu'il y a une articulation donnée
entre les parties d'un ensemble, un agencement réglé. C'est l'ensemble des
rapports reliant les différentes parties. Une structure est un espace homogène
par son aspect, sa genèse ou sa fonction. Une structure est "un ensemble spatial
isochème" (R Brunet) qui a des limites plus ou moins précises. C'est une trame
spatiale (éléments localisés et leurs attributs) assortie par les relations spatiales.

L'analyse structurale consiste à déterminer les composantes de base de l'espace,


leur articulation d'ensemble, le sens de leurs transformations et les étapes de leur
construction. L'étude structurale a une valeur explicative. Cf. Système,
Processus, Structuralisme, Chorème.

Territoire

C'est l'espace approprié, plus ou moins délimité, organisé et maîtrisé. Son


étendue va du pays jusqu'au quartier et à la parcelle. Le terme a une dimension
juridique, affective, socio-culturelle. C'est un espace vécu, ressenti et pressenti.
Il est générateur d'identité. La notion de pouvoir est au centre de la territorialité,
ce pouvoir instaure et fonde et légitime l'appropriation. Le territoire est une
projection sur l'espace, il fonde le sentiment d'appartenance et d'identité.

 Histoire du concept en géographie

Territoire vient du latin « territorium », formé de la racine « terra » (qui signifie


terre) et du suffixe -orium. Dans la langue française, le terme de territoire
apparaît au XIIIe siècle. Dans son ancienne acception, le territoire est synonyme
de Région, Contrée ou Province. À partir du XVIIe siècle, le terme désigne aussi
la ville et sa banlieue (les champs et lieux situés dans le voisinage de la ville). À
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la même époque, il est également utilisé dans un sens politico-administratif : le


territoire permet de définir le périmètre étatique qui est délimité par les
frontières du pays.

L’utilisation du terme de territoire dans le vocabulaire géographique et dans


d’autres sciences sociales est récente. Selon Jacques Lévy, il apparaît vraiment
dans la littérature académique francophone à partir de 1982 dans l’édition des
rencontres Géopoint, « les territoires de la vie quotidienne ». La première
utilisation importante du terme en géographie humaine peut toutefois être
attribuée à Claude Raffestin avec la parution de Pour une géographie du pouvoir
en 1980. Depuis, le terme a connu une utilisation accrue dans de nombreuses
sciences et une polymérisation de sa signification. La prolifération du terme
territoire s'est particulièrement accélérée depuis une bonne dizaine d'années dans
tous les domaines des sciences sociales. C'est dans ce contexte que la définition
du terme s'est élargie, passant d'un simple référent politico-administratif à une
notion désignant également des territoires d'appartenances ou de différents
projets et pratiques individuelles ou collectives. Cette tendance concerne plus le
monde francophone que le monde anglophone. En ce qui concerne la géographie
en particulier, Frédéric Giraut constate que le terme de territoire, par son
utilisation accrue, est devenu un mot-valise (buzzword) qui a des acceptions
aussi bien extensives que restrictives.

 Définitions géographiques du concept

Approches préliminaires

Dans le Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés de Jacques


Lévy et Michel Lussault, Jean-Paul Ferrier propose trois définitions générales
qui illustrent les grandes conceptions du territoire au sein de la géographie :

1. le territoire comme « espace à métrique topographique ». Neuf sous-


définitions permettent d'expliquer la manière dont cette définition évolue
dans le temps :
1. Pendant longtemps, la notion de territoire est mise de côté au profit
de celle d'espace qui semble plus savante.
2. Territoire devient ensuite (et jusqu'à récemment) synonyme
d'espace. Le terme de territoire est préféré par ceux qui souhaitent
apporter un sens non exclusivement géographique.
3. Depuis peu, le terme est utilisé comme synonyme de lieu par
l'économie et la science politique pour désigner les spécificités
d'une ville ou d'une région imbriquées dans un ensemble plus vaste
(comme le pays).
4. Le terme de territoire est parfois utilisé pour différencier le réel du
concept. Selon cette idée, le territoire renvoie au réel, à l'espace
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socialisé alors que la notion d'espace géographique est une


catégorie de pensée qui vise à produire de la connaissance.
5. Dans le sens privilégié en science politique et selon son utilisation
la plus ancienne, le territoire, à travers des frontières définissant un
dedans et un dehors par rapport à un État, sert à définir un espace
contrôlé-borné.
6. Dans le sens biologique ou ethnographique, le territoire désigne un
espace protégé par un groupe qui peut l'avoir obtenu de manière
violente et qui a le contrôle sur celui-ci.
7. À partir de la définition précédente, le terme est parfois généralisé
par des géographes français pour désigner un espace approprié par
identification ou par possession.
8. Le territoire pourrait désigner la période la plus récente de l'histoire
de la géographie. La notion désignerait alors le fait de prendre en
compte, en géographie, les espaces vécus. Dans cette acceptation, le
territoire n'est plus synonyme d'espace.
9. Pour Jean-Paul Ferrier, la manière la plus pertinente d'appréhender
le territoire comme espace à métrique topographique est de le lier
au réseau parce que cela permet de pendre en compte les
phénomènes qui dépassent un territoire borné et donc de mieux
comprendre les liens entre le territoire et ses composantes.
2. Le territoire est un « agencement de ressources matérielles et symboliques
capables de structurer les conditions pratiques de l'existence d'un individu
ou d'un collectif social et d'informer en retour cet individu ou ce collectif
sur sa propre identité ».
Les enjeux de cette définition sont liés aux questions de matérialité,
d’appropriation, de configuration spatiale et d’autoréférence. Cette
dernière part de la construction symbolique de la vision du monde et le
territoire acquiert alors une valeur symbolique en référence à l’individu ou
au groupe qui l’a construit. Actuellement, on observe que l’idée de
représentation tend à prendre le pas sur celle de matérialité du territoire.
Claude Raffestin et Yves Bareil affirment que le territoire à une réalité
« bifaciale », ce qui signifie que tant le physique que le symbolique sont
constitutifs du territoire. Selon un angle géographique et social,
l’appropriation du territoire se fait surtout de manière cognitive et
symbolique. La spatialité dépend des définitions de l’appropriation du
territoire. Ainsi, dans le sens éthologique du terme, le territoire est
compris comme une entité unique, défini et délimité, par le contrôle
exercé sur lui (territoire national, domicile, quartiers de gangs). En
géographie humaine, la spatialité du territoire se conçoit plutôt comme un
emboitement d’échelles multiples. Finalement, il est nécessaire de prendre
en compte de façon simultanée le caractère objectif, subjectif et
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conventionnel du territoire. La nature objective du territoire est qu’il est à


la fois le produit, le support et l’objet.
3. Le territoire est « toute portion humanisée de la surface terrestre ». Il est
l’interface entre nature et culture. Le territoire est alors le décor où se
déroulent les activités humaines.

Les différentes approches semblent toutes partager l'idée qu'aucun territoire n'est
donné mais qu'il est construit socialement. Le débat se situe, entre autres, autour
de la construction du territoire: est-ce que c'est l'expérience des agents qui le
construit (théorie de leur autonomie) ou est-ce que ce sont des structures sociales
et spatiales lourdes qui le font.
En réalité, les définitions proposées par plusieurs des auteurs ne se laissent pas
enfermer dans un champ particulier de la géographie ou des sciences sociales
plus largement. Leur définition fait donc appel à plusieurs domaines. Guy Di
Méo, par exemple, propose une définition qui fait la synthèse entre approches
identitaires, politiques et des projets collectifs. Selon lui, le territoire est créé par
l’appropriation (économique, idéologique, politique et sociale) d’un espace par
des groupes ayant une représentation d’eux-mêmes et de leur histoire). Quant à
Bernard Debarbieux, pour prendre un autre exemple, il propose une conception
du territoire comme des ressources matérielles et symboliques ayant la capacité
de structurer l’existence pratique des individus tout en étant créateur d’identité.

Le territoire en géographie physique

En géographie physique, un territoire désigne un espace à métrique


topographique (métrique caractérisée par la continuité et la contiguïté). L’une
des dimensions du territoire est le milieu physique. En raison de l'existence de
différents phénomènes géomorphologiques en action sur la planète, le territoire
physique est en perpétuel mouvement.

Le territoire en géographie politique

En géographie politique, le territoire est défini en se concentrant sur les rapports


de pouvoir et leurs transcriptions dans l'espace. Une partie de la définition de
Marie-Christine Jaillet peut servir à illustrer l'acception de la notion en
géographie politique: « [...] le territoire désigne à la fois une circonscription
politique et l'espace de vie d'un groupe qui cherche à en maîtriser l'usage à son
seul avantage » Cette définition est utile pour la compréhension du terme en
géographie politique mais il est important de relever que Marie-Christine Jaillet
est critique par rapport à cette définition qui n’est, selon elle, plus d’actualité,
notamment en ce qui concerne l’idée qu’à chaque groupe correspond un
territoire.
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Même si leur inspiration ne se limite pas uniquement à ce champ, deux auteurs


sont emblématiques de la compréhension du terme de territoire en géographie
politique et ils en ont proposé tous les deux une définition dans les années 1980.
Il s'agit de Robert David Sack (États-Unis) et de Claude Raffestin (Suisse).

Selon Robert David Sack, le territoire est une portion de l'espace délimitée pour
exercer un pouvoir. L'auteur relie la territorialité humaine aux stratégies de
contrôle des humains. Ainsi, un groupe d'individus détient un pouvoir (souvent
économique) sur un territoire, il construit une organisation spatiale pour
conforter son pouvoir et l'agrandir, et ainsi de suite.

Claude Raffestin, quant à lui, s'oppose à la définition de Robert David Sack qui
considère la territorialité comme étant le contrôle d'une aire. Pour lui, cette
définition assimile la territorialité humaine à la territorialité animale en ne
prenant pas en compte le pouvoir. C'est pourquoi, dans sa définition, Claude
Raffestin reprend la théorie relationnelle du pouvoir pensée par Michel Foucault
et il explique que le territoire consiste en une transformation de l’espace par
l’homme influencé par les informations à dispositions dans sa culture. Ainsi, en
simplifiant la pensée de Claude Raffestin, on peut dire que le territoire est un
espace auquel l’homme a donné du sens.

Le territoire en géopolitique

En géopolitique, le territoire désigne uniquement l'espace sur lequel un État-


Nation exerce sa puissance. Dans ce sens, le territoire est directement relié à
l'existence de l’État. Ceci implique que l’État doit mettre en place un espace
borné et reconnu, autant par la population résidente que par les autres États.
Cette acceptation restrictive explique pourquoi on a pu prédire la fin des
territoires : on entend par là la fin de l’État-Nation dans un contexte de
globalisation généralisée.

Le territoire en géographie culturelle

En géographie culturelle, on aborde la notion de territoire en se focalisant sur sa


dimension culturelle et sa dimension identitaire dans son rapport à l’espace.
Autrement dit, le territoire peut être lié à l'identité culturelle des populations
l'habitant et ayant une emprise sur sa gestion ou encore aux représentations que
l'on s'en fait. Par exemple, le territoire tibétain est considéré comme tel parce
qu'il a été marqué par la culture et la population tibétaine (paysages, monuments,
etc.). Malgré le fait qu'il soit aujourd'hui sous domination chinoise, il est dans ce
sens tout à fait pertinent de parler de territoire tibétain.
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En ce qui concerne les auteurs s'inscrivant dans le champ de la géographie


culturelle, nous pouvons relever les définitions de Joel Bonnemaison et de
Christine Chivallon :

Joel Bonnemaison montre les limites de la conception biologique (ou


éthologique) du territoire pour proposer une définition exclusivement culturelle.
Ainsi, le territoire n'est pas juste un lieu d'appropriation et de frontière comme le
suggère la définition biologique, c'est un espace symbolique ou « [...] le support
d'une écriture chargée de sens ». Le territoire est donc définit par la relation
culturelle d'un groupe avec le maillage de son espace.

Christine Chivallon propose une définition allant dans le même sens que celle de
Joel Bonnemaison : le territoire est un mode de relation à l'espace. Ainsi, selon
elle, un territoire est formé par un groupe singulier ayant un rapport particulier à
l'espace.

Le territoire dans le monde géographique anglo-saxon

Puisqu'il existe, dans le monde francophone, un usage très vaste du terme de


territoire, il est intéressant de se pencher sur sa traduction anglaise: territory. En
fait, dans le monde anglo-saxon, les concepts de territory et de territoriality sont
beaucoup moins présents dans la littérature (par exemple dans les dictionnaires)
et, plus frappant, ne font pas l'objet d'un important débat comme dans le monde
francophone. Parmi quelques auteurs anglophones ayant proposé une réflexion
sémantique autour des notions de territory et territoriality, se trouvent
notamment Edward Soja et Erik Ericksen. De manière générale, l'usage de ces
termes par les différents auteurs reprend la signification accolée de longue date à
la notion de territory. Ainsi, la notion désigne soit le territoire de l'État (dans un
sens juridico-politique) soit le territoire approprié par un animal ou un groupe
d'animaux (dans un sens éthologique).

En réalité, d'après Bernard Debarbieux, le peu d'usage du terme s'explique par le


fait qu'il est généralement remplacé par les notions de place et de space. Plus
particulièrement, en France, le débat autour de la notion de territoire participe à
la volonté de marquer une rupture avec la géographie classique (celle de Vidal
de la Blache). Par contre, dans le monde anglo-saxon, chaque domaine de la
géographie s'est, de manière générale, approprié une notion et s'est attelé à
proposer une réflexion sur son utilisation. Ainsi, la géographie classique est
tournée vers la notion de région, la géographie quantitative vers celle de space,
la géographie humaniste vers le concept de place et la géographie culturelle vers
celui de landscape. Finalement, il semble que les géographes aient fini par
converger principalement vers la notion de place dans les années 1980. Ainsi, la
prise de distance par rapport au concept de territory s'effectue à travers l'usage
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de la notion de place qui se voit investie de dimensions sociales, culturelles et


politiques.

 Critiques et débats autour du territoire

L'importance et l'utilisation croissantes de la notion de territoire au cours de la


dernière décennie entraîne de nombreuses réflexions autour de son usage parfois
excessif, de la pertinence de la notion dans le contexte actuel, de la bonne
définition, etc. Ces débats et ces critiques permettent de mettre en évidence
l'importance et les enjeux qui se trouvent derrière une définition. Ainsi, en plus
de la dimension épistémologique, la définition du territoire revêt des enjeux
spatiaux, sociaux, culturels, politiques et étatiques (par exemple comme niveau
de mise en place de politiques publiques), de développement etc. Il apparaît, en
tous cas, que la simple définition politico-administrative faisant correspondre le
territoire à l'État n'est plus suffisante avec l'importance croissante des
revendications locales depuis les années 1960. Depuis les années 1980, on
s'accorde donc sur le fait que le territoire intègre des réalités variées et des
processus relevant de plusieurs échelles.

Mythes

En adoptant une démarche critique par rapport à la notion de territoire et aux


usages qui en sont faits, nous pouvons relever qu'un certain nombre de mythes
sont attachés au découpage territorial :

1. Il y aurait des territoires et des territorialités essentiels et éternels qu'il


faudrait redécouvrir et remettre en place en se débarrassant des
découpages politiques.
2. Il y aurait un bon territoire fonctionnel qui résoudrait à lui seul tous les
problèmes et conflits, pour autant qu'on retrouve ce territoire.

Reproches et critiques associés au territoire

Dans un premier temps, nous pouvons relever, avec Frédéric Giraut, trois
grandes catégories de reproches adressés à la notion de territoire :

1. Le territoire est réducteur : il ne rend pas compte de la mobilité des


rapports sociaux dans l'espace et il ne prend en compte que les pratiques
dominantes (masculines, par exemple).
2. Le territoire est obsolète : il disparaît progressivement au profit des
réseaux dans un contexte de globalisation.
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3. Le territoire est mystifiant : certains enjeux sociaux et économiques


majeurs ne peuvent être perçus ou compris dans le cadre d'un territoire
délimité.

Plusieurs types de critiques permettent de développer la vision critique de la


notion de territoire dont voici les principaux exemples :

Le piège territorial

John Agnew parle de piège territorial (territorial trap) pour désigner le fait que
l’État est vu, de manière éternelle, comme garant du pouvoir dans le monde
moderne. Trois suppositions invariables créent ce piège territorial. La première
est que la souveraineté étatique moderne a besoin d'espaces territoriaux
clairement limités. La deuxième supposition est que les États modernes sont
constamment en opposition les uns aux autres parce que leur bien-être augmente
forcément aux dépens des autres. Il n'y aurait donc de civilisation qu'au sein de
son territoire bien délimité. Troisièmement, les États territoriaux sont vus
comme le contenant géographique de la société moderne. Plus précisément, on a
tendance à parler de sociétés « américaines » ou « italiennes » (par exemple)
comme si les frontières d'un État étaient aussi les frontières des processus
sociaux ou culturels. Par conséquent, les autres échelles géographiques de
pensée se voient exclues. Ainsi, pour John Agnew, ces trois suppositions font
que le territoire désigne un monde fait exclusivement d'acteurs territoriaux
similaires réalisant leurs buts à travers le contrôle de blocs d'espace.

Le biais socio-culturel

Frédéric Giraut met en garde contre les définitions uniquement socio-culturelles


du territoire. Selon lui, il faut ajouter à la notion de territoire celle de pouvoir sur
et dans l'espace. Sans cela, le risque est de ne considérer que l'espace de
l'individu ou de la communauté comme le seul élément produisant de la
territorialité.

Le biais masculiniste

En deux mots, le reproche adressé par Claire Hancock à la géographie et à la


notion de territoire en particulier est son biais masculiniste. Son hypothèse est
que la géographie est un « territoire masculin » à cause de ses méthodes et de ses
concepts qui sont des constructions masculinistes. Elle considère que la notion
de territoire renvoie à des espaces appropriés par l'individu, par leurs
expériences de l'espace. Or, le problème dans le territoire réside, selon elle, dans
le fait que ses expériences semblent être exclusivement masculines. Claire
Hancock se demande donc « […] si la notion de territoire n'est pas
intrinsèquement masculine, et si les relations aux lieux [...] ne dérivent pas de
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préoccupations propres au sexe masculin ». Elle souligne qu'il y a pas une façon
féminine de faire de la géographie, opposée à une façon masculine mais il faut
être attentif au fait que la construction du territoire ne doit pas relever
d'expériences et de représentations uniquement masculines.

L'importance croissante de la mobilité face au territoire

La critique de Marie-Christine Jaillet part du constat que le découpage territorial


historique perd de l'importance face à la mobilité actuelle. Il n'y a, par exemple,
plus un seul territoire pertinent pour un individu mais celui-ci jongle avec des
territoires à géométries variables autour desquels il se territorialise. En outre,
selon Marie-Christine Jaillet, il est illusoire de considérer aujourd'hui que le
territoire correspond au cadre de vie d'une communauté. En effet, les modes de
vie ne s'organisent plus tellement autour de la proximité mais autour de la
mobilité. Par conséquent, dans nos sociétés mobiles et complexes, il n'est plus
possible de créer du lien social et de l'identité uniquement à partir du territoire,
du local ou de la proximité. Il s'agit donc, pour Marie-Christine Jaillet, de
remplacer le modèle du territoire qui est trop centré sur le local et dépassé par un
modèle adapté à la société mondialisée actuelle. Autrement dit, elle propose de
remplacer la proximité du territoire par la « bonne distance ».

La position de Denis Retaillé face à la notion de territoire prend place dans sa


critique plus large de ce qu'il nomme des « fictions géographiques » qui sont,
selon lui, au nombre de trois : la frontière, le territoire et l'aire culturelle. Ces
concepts auraient en fait perdu de leur pertinence dans un monde qui serait
devenu mobile. En ce qui concerne le territoire, sa critique rejoint celle de
Marie-Christine Jaillet puisqu’il considère que sa substance le rendrait
incompatible avec l'espace devenu mobile. Ainsi, le territoire serait
institutionnalisé par la frontière. Les mouvements y sont contrôlés et, au sein
d'un territoire, les différences sont effacées au profit de l'unité. Toujours dans la
vision de Denis Retaillé, c'est la référence au sol qui donne à l’État son territoire.
Face à la mobilité et au fait que les frontières se décomposent, le territoire
perdrait donc toute sa réalité. La territorialité ne serait plus produite par rapport
à un territoire homogène mais serait rattachées à de nombreux signes. Autrement
dit, selon Denis Retaillé, la notion de territoire, puisqu'elle ne correspond plus à
la réalité d'un espace en mouvement, est appelée à être remplacée par d'autres
concepts plus pertinents (le mouvement, l'espace mobile, par exemple).

 Définitions générales du territoire

Définitions administratives

Au lieu d'être un terme neutre, un territoire peut désigner un type précis de


subdivision administrative. Dans le sens administratif, le terme s’applique
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principalement à des territoires pionniers, lointains ou peu peuplés. Quand


l’augmentation démographique est assez importante, le terme de territoire est
alors remplacé par celui d'État ou de région.

 Ainsi, au Canada, un territoire est une entité politique comparable aux


provinces, possédant par exemple ses propres institutions et son
assemblée législative.
 En France, le statut de territoire d'outre-mer était, jusqu'en 2003, attribué à
des territoires n'ayant pas le statut de département d'outre-mer. Ceci leur
donnait un statut inférieur aux divisions normales et montre que
l’appropriation n'était pas complète. Il a été remplacé par le statut de
« collectivité d'outre-mer ».
 Aux États-Unis, les territoires sont, dans leur histoire, des entités
géographiques et politiques ne dépendant d'aucun État.

Notons encore que le territoire douanier est défini comme la portion du territoire
où s'exerce le droit douanier du pays. Le territoire douanier peut donc différer du
territoire politique, ce qui crée des enclaves douanières (par exemple le
Liechtenstein fait partie du territoire douanier Suisse).

Le territoire en biologie

En écologie, un territoire désigne une zone d'habitat occupée par un individu ou


une population (au sein d'un peuplement) d'une espèce végétale ou plus
généralement animale. En éthologie (comportement animal et humain), le
territoire est également un milieu de vie, un lieu de reproduction d'une espèce
animale. On l'étudie alors du point de vue du comportement territorial chez les
animaux. Le territoire chez les animaux est déterminé par le marquage et la
défense de leur espace de vie, par un comportement parfois agressif envers les
intrus. On observe alors une complémentarité entre le territoire et un
comportement hiérarchique de domination. Ces études sont transposées sur les
comportements humains, à travers les comportements d’exclusion, de
ségrégation, d’agrégation. Néanmoins, cette transposition directe de l’animalité
à l'humanité est probablement trop simplificatrice étant donné que les
comportements humains sont également dépendants des règles et des lois.

Le territoire en marketing

En marketing, le territoire est considéré comme un espace de valeurs et


d’attentes où une marque est légitime aux yeux de sa clientèle actuelle ou
potentielle. Le territoire détermine le champ de l’extension de la marque, c'est-à-
dire la possibilité d’utiliser la même marque pour des produits différents.
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Le territoire dans les jeux

Dans le domaine ludique, le territoire correspond à un espace qu'il faut soit


gérer, soit conquérir, soit défendre, ou encore dont il faut s'échapper. Les jeux
territoriaux correspondent à une catégorie spécifique des jeux de plateau. Ces
jeux territoriaux incluent des jeux comme le jeu de go ou Diplomatie mais ce
sont plus particulièrement des jeux de guerre (ou wargames). Parmi les autres
jeux de plateau qui intègrent la notion de territoire, il y a des jeux de gestion
comme Vinci ou Les Colons de Catane.

Termes apparentés

Les différentes manières d’utiliser un terme dans le langage peuvent mener à le


connecter ou le confondre avec d’autres. Celui de territoire est parfois utilisé en
lien avec les termes d’air, d’espace, de lieu, de paysage, de réseau ou encore de
terroir.

D'une manière simplificatrice, la notion de territoire est parfois utilisée pour


désigner un espace. Le lien étroit entre le terme d’espace et celui de territoire a
été mis en évidence plus haut. L’espace touche tous les domaines que le
territoire traite et est construit en partie de la même façon. Par ailleurs, le
territoire est souvent opposé au réseau car l’un est considéré comme étant formé
d’une spatialité continue (une surface) tandis que l’autre est fait de ligne.
Pourtant, le territoire, dans une conception actuelle du terme, est considéré
comme étant formé d’un réseau entre des lieux liés les uns aux autres. Si un
réseau est considéré jusqu’à ses plus petites ramifications, il couvrira l’ensemble
de la surface et donc du territoire.

En outre, le territoire, comme le paysage, est le décor des actes de l’homme. Le


lien entre territoire et paysage peut encore être approfondi car ce terme est lié au
sens géophysique du territoire dans la mesure où le regard se pose sur un
territoire limité par le champ de vision de l’observateur.

Un autre terme lié au territoire est celui d'aire. Dans un sens politique, aux États-
Unis, une aire métropolitaine est « une unité spatiale officiellement délimité qui
définit l’agglomération au sens large ». Dans ce sens, l'aire métropolitaine
désigne un territoire circonscrit d’action politique. Dans un cadre économique,
l’aire (l'aire d’influence, l'aire d’attraction ou l'aire de chalandise, par exemple)
définit le territoire d’influence d’une ville par exemple. Finalement, le terme
terroir est aussi lié au territoire car il renvoie à un territoire aménagé par
l'homme pour l'agriculture. Ce terme peut aussi être utilisé pour parler d'un
territoire administré par une communauté rurale.

2.2. Lexique épistémologique et méthodologique


MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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LICENCE 3

Chaque discipline utilise un certain nombre de termes et de concepts spécifiques


et qui lui sont réservés. Elle utilise aussi couramment, en commun avec les
autres disciplines plus ou moins proches, un certain nombre de concepts
généraux qui relèvent de la démarche et de l'approche scientifique en général.
L'intérêt de ces concepts épistémologiques et méthodologiques provient du fait
qu'ils déterminent la problématique, orientent les approches, fixent les méthodes
utilisées et surdéterminent les résultats et la spécificité de chaque école. Il s'agit
ici, de présenter les concepts épistémologiques les plus importants et les plus
utilisés aussi en géographie sans prétendre à l'exhaustivité ni faire l'inventaire de
tous les concepts épistémologiques en évitant tous les termes qui sont d'ordre
général.

Analyse

C'est une démarche qui consiste à décomposer un fait en ses différents


composants et ses principaux constituants. C'est une méthode qui va du composé
au simple. C'est l'opposé de synthèse. C'est un procédé d'étude et de
connaissance d'un phénomène donné : analyse synchronique, analyse
diachronique... Cf. Synthèse.

Approche

Mouvement qui permet de rendre quelque chose plus proche. C'est un angle
d'attaque permettant de clarifier une idée et d'étudier un phénomène.

Axiome

C'est une proposition posée et indémontrable placée en tête d'une théorie non
déductive. C'est un principe non discuté, considéré comme vrai et qu'il faut
accepter pour aller plus loin. C'est une prémisse considérée comme évidente et
indémontrable. C'est un postulat général. L'axiome chorologique de G Nicolas-
Obadia par exemple stipule que "est géographique tout objet qui différencie la
surface terrestre". L'axiomatique est l'ensemble des principes posés au début
d'une recherche déductive. Cf. Loi, Théorie.

Behaviorisme

Ensemble de doctrines qui mettent au centre le comportement (Behavior) dans


l'organisation de l'espace. Il donne plus d'importance au vécu et au perçu, aux
mécanismes d'apprentissage de l'espace. Il tient compte de la partie irrationnelle
de l'être humain pour expliquer le comportement et l'organisation de l'espace.

Comparaison
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LICENCE 3

L'étude des faits ne prend son intérêt que par comparaison qui nous renseigne
sur les similitudes et les singularités d'un côté et les ressemblances de l'autre.
L'originalité n'apparaît qu'au travers des comparaisons. "A ne voir que la
différence des systèmes, on respecte leur singularité, mais si celle-ci est sauvée,
l'intelligibilité est perdue car la pensée se trouve en face d'une diversité opaque à
toute comparaison, de réalités radicalement hétérogènes. A ne voir au contraire
que les ressemblances, l'intelligibilité est sauvée mais la singularité est perdue
dans une totalité homogène où l'on ne découvre plus que des nuances légères "
(Godelier). L'étude comparative n'est pas une étude des similitudes. Elle se
fonde au départ sur les ressemblances formelles, structurelles ou fonctionnelles
pour dégager la différence ou l'inverse, elle s'appuie sur une situation de départ
différente pour montrer une ressemblance des résultats (formes, fonctions,
structures....). Cf. Différent, Différence, Singulier, Singularité.

Concept

C'est une représentation mentale abstraite, elle constitue une définition


opérationnelle d'origine théorique qui prend son sens dans le cadre d'une
problématique. C'est une reconstitution analytique du monde. Le concept sert à
définir les construits qui gardent un contenu empirique. Cf. Théorie, Axiome.

Démarche

C'est la manière de marcher, d'approcher une question ou un phénomène donné.


C'est l'angle d'analyse et d'éclairage d'un problème. C'est une approche de la
question.

Déterminisme

C'est un courant de pensée qui fait que chaque fait est le résultat d'une cause qui
le détermine selon un schéma linéaire de cause à effet. C'est une situation où un
facteur devient très déterminant et principal. Ce courant a fortement marqué la
géographie et a puisé ses fondements dans la nature ou l'histoire. Il y a
déterminisme lorsqu'une situation dépend d'une situation antérieure. Il y a là,
l'idée que tout dépend du passé ce qui a institué le déterminisme historique. Il est
synonyme de causalité, la réunion des mêmes causes produit les mêmes effets.
C'est aussi le rôle déterminant d'un facteur donné comme les données de la
nature en géographie donnant lieu au déterminisme naturel. Tout est ramené au
cadre naturel et aux contraintes du milieu. Le courant naturaliste du XIXème
siècle a fortement marqué cette pensée et fait que le milieu dicte ses règles. Il n'y
a aucune autonomie du sujet ! Le déterminisme peut être naturel, historique,
économique, politique, culturel et idéologique, voire géographique ("la politique
des Etats est dans leur géographie" Napoléon) et scientifique. Il y est dès qu'un
seul facteur devient déterminant dans les faits ou dans l'approche. Il représente
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LICENCE 3

une pensée totalisante voire totalitaire même. Le déterminisme, même s'il est de
plus en plus délaissé subsiste dans la pratique courante sous une forme parfois
inconsciente. C'est le cas des études régionales où on commence par l'analyse du
milieu laissant entendre le rôle surdéterminant des données physiques. Le
déterminisme est idéologique dans la mesure où il permet de justifier une
situation donnée ou un statut quo déterminé, condamner des espaces à des
devenirs incontournables : c'est le cas de la géographie tropicaliste ou tiers-
mondiste.

Dichotomie

C'est la caractéristique d'un phénomène qui se balance entre deux états


dichotomiques et contradictoires ou différents. Cet état concerne la plupart des
phénomènes, des états et des processus... "Les objets qui n'excitent pas la
réflexion sont ceux qui ne produisent pas à la fois deux impressions opposées"
(Platon).Tout est contradiction, cette contradiction est dans la nature même des
choses et des phénomènes. Chaque fait porte en lui une dichotomie potentielle et
réelle dont un des aspects seulement attire et retient notre attention et notre
intérêt. Il suffit souvent de creuser un petit peu pour découvrir l'autre face de la
réalité.

Discontinu/Discontinuité

Un mouvement est rarement continu, il est constitué de pulsations discontinues


observées à une échelle de temps différente. La continuité n'est que la
sommation de mouvements saccadés discontinus. Les ruptures qui se
manifestent à des moments limités sont préparées sur de longues dates. Elles
sont le résultat d'une lente évolution peu perceptible, c'est le cas d'une faille,
d'un tremblement de terre, d'une émeute... Les moments de rupture sont très
courts. Sur un autre plan, un mouvement discontinu peut paraître comme une
continuité si on se place sur une autre échelle de temps et d'espace. Le passage
de l'un à l'autre n'est qu'un problème d’échelle. On peut distinguer selon R.
Brunet et R. Ferras quatre types de discontinuités : 1-les discontinuités
d'appropriation (maillage, parcelle), 2-Les discontinuités de fonctionnement
spatial (gravitation avec des champs concentriques), 3-Les discontinuités de
contact et d'interface (littoral, piémont,), 4-Les limites spatiales (pays,
région...).Cf. Continu, Continuité.

Dualité/dualisme

C'est la présence de deux sous-systèmes, parties, circuits, couches sociales ou


espaces différents voire opposés qui président ensemble au fonctionnement de
l'ensemble en se juxtaposant (sans grand échange) ou en rapport dialectique l'un
avec l'autre (complémentaires et contradictoires à la fois ce qui les rend en
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conflit permanent tout en étant inséparables). Les deux circuits de l'économie


urbaine éclairés par M. Santos, l'informalité et son développement sont autant
d'exemples de la dualité.

Dynamique

C'est l'étude des faits dans leur mouvement au même titre que les forces qui
régissent ce mouvement, les interactions qui s'opèrent et les effets qui en
résultent. C'est le changement résultant d'un jeu de forces. C'est l'analyse des
phénomènes dans le temps et la durée en tant que processus, une succession
d'états interreliés et non seulement une étude de coupes différentes prises à des
dates différentes. La dynamique spatiale ou territoriale est l'étude des
changements spatiaux et des forces sous-jacentes, de leurs processus et de leur
logique, de leur interaction et de leur résultat. La dynamique s'exprime à travers
l'analyse diachronique, des concepts dynamiques.

Ecologisme

C'est un courant de pensée naturaliste qui fait de la géographie une sorte


d'écologie humaine, l'analyse des effets du milieu sur l'homme. C'est une forme
de naturalisme. Plus récemment, c'est une attitude qui s'oppose à toute action
visant à modifier l'environnement donnant lieu à des mouvements socio-
politiques revendicatifs comme les verts ou les écologistes (les écolos).

Empirisme

C'est une doctrine qui ne prend comme connaissance que ce qui s'appuie sur
l'expérience et non sur une théorie. Elle s'appuie sur la répétitivité des faits et
l'observation du terrain qui constitue la source et l'objectif de la connaissance. A
travers la comparaison et la répétitivité, on arrive à tirer des conclusions
(empiriques) générales. C'est ce qu'on ne peut vérifier. Cf. Induction, Déduction.

Epistémologie

C'est la science et la réflexion sur la naissance, le développement d'une


discipline, les écoles de pensée et les doctrines de connaissance, les méthodes,
les problématiques et les paradigmes utilisés à une période donnée. Elle permet
de ramener chaque type de pensée à une école donnée, de savoir et de resituer
les emprunts des autres disciplines.

Fonction

La fonction est le rôle assuré par un élément, un individu, une unité ou un lieu
dans un cadre spatial donné. Elle s'exprime et se mesure par les relations
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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externes qu'entretient cet élément vis à vis des autres qui se matérialisent par les
flux. La fonction est inhérente à l'échelle spatiale considérée et ne peut être
définie qu'en fonction d'un cadre spatial précis. Une ville peut paraître avoir une
fonction industrielle au niveau local mais considérée à une échelle plus vaste
régionale ou nationale, elle peut paraître une ville sous-industrialisée même ?
Les fonctions naissent de relations causales ou des interrelations. La notion de
fonction recouvre la notion de finalité. Ainsi, la fonction d'une ville peut être ici
interne : assurer la résidence, les services et les loisirs à sa population. Sa
fonction vis à vis des autres villes ou villages, ou l'espace rural, c'est le rôle
qu'elle joue envers ces éléments : c'est la fonction externe.
On distingue souvent quatre types de fonctions: les fonctions de production, les
fonctions de transformation, les fonctions d'échange et les fonctions d'innovation
et de création. On distingue aussi les fonctions contingentes liées aux agents
naturels qui n'ont aucune prise et qui expriment un peu la finalité, les fonctions
d’accomplissement liées aux agents socio-économiques qui sont assorties de
finalités.

L'organisation spatiale est l'analyse des espaces fonctionnels et de leur


interférence, de leurs limites, de leurs marges et de leurs noyaux... C'est l'étude
de l'espace fonctionnalisé puisqu'il n'y a d'organisation que par la
fonctionnalisation. L'espace qui n'a pas de fonction ne peut être organisé et
structuré. Un espace organisé est un espace différencié par les fonctions. Cf.
Fonctionnalisme, Zonage.

Fonctionnalisme

C'est une doctrine qui privilégie le fonctionnement et son efficacité ou sa


finalité. Chaque élément a une fonction déterminée à jouer dans l'ensemble.
Ainsi la fonction explique la forme tandis que la forme justifie la fonction
assumée par un élément, une composante ou tout un système. Ce courant a eu
une grande influence en géographie à travers la relation entre la fonction et la
situation des villes par exemple où à chaque fonction correspond un certain type
de position ou de situation. Le fonctionnalisme a été très déterminant dans la
pensée urbanistique et de l'aménagement où la fonction détermine
inéluctablement la forme, la localisation, la dimension et le fonctionnement.

Hiérarchie

C'est l'ordre et la subordination des rangs, des individus, des objets, catégories,
espaces et des pouvoirs. Toute organisation est inéluctablement hiérarchique.
C'est le classement selon un certain ordre emboîté de subordination-contenance
ou ordre hiérarchique. C'est le classement à l'intérieur d'un groupe ou d'un
ensemble. On parle ainsi de la hiérarchie des échelles (local, régional, national,
mondial), la hiérarchie urbaine (Capitale, métropole régionale, centre régional,
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centre local, ville), la hiérarchie des fonctions (activités centrale, anomale,


banale, basique, induite...).

Hypothèse

C'est une proposition, une supposition formulée en vue de la vérifier par


l'expérimentation ou le terrain qui peuvent la confirmer ou l'infirmer. C'est une
loi potentielle qui demande à être testée. Une hypothèse découle souvent d'un
problème posé ou constaté et a pour objectif de le résoudre. La formulation des
hypothèses est le fondement de la méthode hypothético-déductive qui se base
sur l'expérimentation, le test, le raisonnement et la déduction. Ces hypothèses
doivent être explicites pour qu'elles puissent être testées, mesurées et vérifiées.
Cf. Loi, Test.

Idéologie

C'est une doctrine voilée (souvent) ou déclarée qui exprime et justifie un statut
et une vision du monde, un devenir et une stratégie pour l'atteindre. C'est un
système d'idées constituant une doctrine préconisant un idéal à réaliser, une idée
(non réalisée) en devenir ou justifiant même un ordre donné, un statut déterminé
d'un individu, d'une couche ou classe sociale ou même d'un pays... Tout discours
est forcément idéologique et la science, lorsque son discours n'est pas
suffisamment explicité, devient une idéologie ? Cf. Science.

Idiographie/Idiographique

C'est ce qui relève du particulier, du singulier, de l'unique et de l'individuel. La


géographie a été longtemps considérée comme science idiographique à la
recherche du particulier et de l'unique donc incapable de conduire à des lois ?
L'idéogramme est le signe qui exprime l'idée d'un mot et l'idéographie est la
représentation des idées dans l'écriture par des signes figurant les objets. Ainsi
on obtient une mosaïque de signes ou de cas dont chacun représente un objet
unique d'où provient l'idiographie. Cf. Nomothétie, Nomothétique.

Induction

De ducere=amener, c'est une procédure de raisonnement qui formule des


propositions globales, des généralisations et des conclusions à partir d'un certain
nombre d'observations répétitives en passant par inférence du cas au général. Cf.
Déduction, Empirie, Hypothèse, Loi

Loi
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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LICENCE 3

C'est une relation précise qui lie deux (ou plusieurs) phénomènes, valeurs ou
éléments entre eux de manière à nous permettre de déterminer l'un en
connaissant l'autre. C'est la règle de fonctionnement qui fixe les interrelations et
les liens (linéaires ou non) des éléments (action et/ou rétroaction). Une loi se
fonde sur l'expérimentation (nécessaire) et la vérification (indispensable). Une
loi est une hypothèse vérifiée et confirmée. Cf. Hypothèse, Théorie.

Méthode

C'est la marche raisonnée et rationnelle qui permet d'approcher la vérité, de


connaître la réalité ou d'arriver à un but. Cf. Méthodologie, Approche,
Démarche.

Méthodologie

C'est un ensemble cohérent de démarches, de méthodes et d'outils permettant de


solutionner un problème, répondre à une problématique, vérifier une hypothèse,
connaître la vérité ou analyser la réalité. Cf. Méthodologie, Approche,
Démarche.

Modèle/Modélisation

C'est une miniature d'un objet, une image représentative d'un fait, un prototype
représentatif des autres qui lui sont semblables, on parle ici d'échantillon. C'est
un objet que l'on reproduit par imitation. C'est une représentation préalable
miniaturisée d'un objet, un espace: le modèle de la ville arabe. C'est le schéma à
suivre ou suivi: le modèle de développement. C'est aussi une catégorie ou une
classe qui nous permettent de classifier les faits : modèle traditionnel, modèle
moderne... Par analogie au modèle des artistes, c'est tout ce qu'on imite : le
modèle occidental de consommation. C'est une représentation matérielle d'une
théorie ou d'une idée comme le modèle de gravitation. La modélisation est la
méthode et la science d'élaboration des modèles. Elle consiste à élaborer des
schémas qui représentent l'organisation, le fonctionnement ou l'évolution d'un
phénomène donné. La modélisation peur être mentale, verbale, statistique,
mathématique, informatique ou spatiale. Cf. Loi, Théorie.

Nomothétie/Nomothétique

C'est l'analyse du général et de ce qui est commun aux éléments, aux faits ou
aux espaces. C'est la démarche opposée de l'idiographie qui s'intéresse aux
particularités et aux spécificités.

Objectivité
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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LICENCE 3

C'est le fait d'être objectif, de se rapprocher de l'objet et d'être impartial. C'est la


qualité de ne pas tenir compte des subjectivités et de ce qui touche au sujet et à
la personne. Ce qui existe hors de l'esprit et du sujet, sans parti pris, impartial.
C'est la démarche qui consiste à connaître l'objet en soi, en filtrant tout ce qui
peut être subjectif, partiel ou partial. C'est le fait de considérer l'objet en soi.
C'est aussi la recherche d'un consensus global communément reconnu en filtrant
les subjectivités. L'objectivité serait cette inter-subjectivité. La science se veut
objective bien que des courants de pensée se sont développés en réaction à cet
excès comme le behaviorisme, la phénoménologie. Cf. subjectivité, Science,
Behaviorisme.

Organisation

C'est la structure spatiale d'un corps, d'un espace ou d'un phénomène


donné. C'est la disposition et l'articulation spatiale et hiérarchique d'un
ensemble. L'idée de disposition spatiale en vue du fonctionnement est sous-
jacente. Il y a derrière l'idée de finalité (consciente ou non). Cf. Structure,
Système.

Paradigme

C'est un modèle explicatif qui fonctionne et permettant l'appropriation d'un


courant scientifique. C'est l'ensemble des problématiques et des méthodes mises
en œuvre à un moment donné par une science. C'est un groupe de questions
fondamentales ou dominantes dans une science.

Positivisme

C'est un courant de pensée qui considère que la seule vraie connaissance


(objectivité) et action (positive) est celle qui découle de la science, de nature
physico-chimique en particulier. Son père est Auguste Comte, il se fonde sur le
rationalisme, l'expérimentation, la déduction.

Possibilisme

Courant attribué à Vidal de la Blache par Lucien Febvre qui croit à la marge de
liberté laissée par la nature à l'homme : "La nature propose et l'homme
dispose". La nature offre des possibilités dont choisit l'homme certaines en
fonction de plusieurs facteurs (état des techniques, culture,...).

Problématique

C'est le référentiel préalable à l'analyse, qui constitue le fil directeur de la pensée


et assure l'intelligibilité des résultats. Elle peut être explicite ou implicite. La
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LICENCE 3

problématique est le fil directeur de la recherche, l'idée maîtresse qui oriente et


guide l'investigation, définit les objectifs et les étapes. La problématique trace le
schéma global de la recherche, sa structure et la trajectoire à suivre. Elle fixe le
cheminement du travail tout en déterminant la cadre, l'optique de recherche,
l'approche du problème. Elle représente la philosophie de la recherche. La
problématique est, en réalité, un nombre réduit d'idées, d'axes ou de problèmes
reliés dialectiquement selon un schéma interactif. Elle est loin d'être une
collection d'idées ou d'axes mis les uns à côté des autres. Ces idées se trouvent
souvent articulées selon un schéma emboîté décelant plusieurs niveaux d'analyse
dont l'un nous ramène à l'autre. C'est le cas par exemple du niveau local qui nous
ramène à l'échelle régionale. La problématique est une relation circulaire entre
un nombre réduit d'idées-forces qui se ramènent souvent à trois ou quatre
quelque soit le sujet de recherche et le champ d'étude. Cette relation circulaire
est complexe, de type interactif et dialectique, la solution de l'un débouche à un
nouveau problème. La définition de la problématique est fondamentale, elle
détermine la méthodologie, les termes et les concepts utilisés et les tests
effectués, définit les paradigmes suivis et les approches choisies. Dans le sens
général, problématique veut dire douteux tandis que problème signifie "une
question à résoudre par des procédés scientifiques... Ce qui est difficile à
expliquer (Larousse). C'est une construction cohérente d'un dispositif de
recherche à partir de problèmes clairement posés (R. Brunet et R. Ferras, 1993).
Cf. Problème, Hypothèse, Paradigme.

Processus

Un processus est une suite de faits et d'opérations qui s'inscrivent dans le


temps et qui présentent une certaine unité et une certaine logique (du latin pro-
cedere : aller devant) et se reproduisent avec une certaine régularité. Les
processus sont générés par les agents qui sont actifs. C'est le cas du processus de
l'érosion qui est une suite d'abrasion, de transport et d'accumulation, de
ruissellement, de gélifraction, de déflation, de désagrégation et d'altération qui
sont le fait d'agents climatiques comme la pluie, le gel, le vent, la
température... On peut citer les processus de mise en valeur, le processus de
peuplement, le processus de développement ou d'industrialisation. Le terme
processus signifie marche (aller devant), il incorpore le temps. La signification
oscille entre l'analyse de la genèse et la description historique d'un côté et la
logique opératoire du système conduisant à la modélisation de l'autre. Cf.
Système, Seuil, Discontinuité.

Radicalisme

C'est un courant qui se fonde sur la critique de l'ordre existant et du statut quo.
C'est la démarche qui consiste à mettre en question l'ordre établi, les faits et
essaie de dévoiler les stratégies sous-jacentes qui ont été derrière, déceler les
MOTS ET CONCEPTS DE LA GEOGRAPHIE
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LICENCE 3

intérêts qui ont présidé à leur génération ou à leur mise en place. Ce courant est
venu comme une réaction au courant néo-positiviste et spatialiste qui privilégie
le comment des choses et non le pourquoi. C'est le courant critique de la
Géographie. Cf. Positivisme, Behaviorisme, Comportementalisme.

Raisonnement

C'est la faculté et le procédé de raisonner, d'utiliser la raison, cette faculté de


connaître de juger les choses en utilisant des arguments convaincants (qui
s'imposent comme évidents et indiscutables). C'est le processus de génération
des idées par déduction successive en utilisant la raison et l'argumentation
permettant de tirer une conclusion ou de trouver une solution à un problème.
C'est l'approche privilégiée de la science et de la démarche déductive. Cf.
Rationalisme, Science, Déduction.

Rationalisme

C'est une doctrine qui entend tout expliquer sur la base de la raison. C'est un
courant qui prend l'homme comme un être rationnel dans son comportement
spatial (ou social et économique) et de là cherche à trouve le fondement logique
et rationnel de la pratique spatiale qui se fonde et est conforme à la raison et
découle ainsi du raisonnement. La plupart des modèles spatiaux utilisés se
fondent sur une rationalité du comportement de l'homme : c'est le cas par
exemple lorsqu'on suppose comme une vérité que l'homme cherche toujours à
maximiser le profit et réduire l'énergie dépensée, à fréquenter les centres les plus
proches et les plus importants... Cf. Raisonnement.

Rupture

C'est une discontinuité dans l'espace, les relations ou le mouvement. La rupture


de charge est l'obligation de changer de moyen de déplacement ou de transport.
La rupture de stock est l'épuisement d'un produit.

Schéma/Schème

C'est une représentation (forme, figure) simplifiée qui résume l'essentiel de la


structure d'une construction, d'un mécanisme, d'une idée ou d'une organisation.
Le schéma est plus élaboré qu'une esquisse (au sens d'essai très grossier et
rapide).

Science

C'est une connaissance exacte des faits, c'est l'ensemble des connaissances
fondées sur l'étude et l'analyse d'un phénomène donné, relatives à un objet ou un
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LICENCE 3

champ déterminé : sciences naturelles, sciences humaines, sciences sociales...


Une science est un processus de connaissance qui se fonde sur des méthodes
précises, un langage déterminé, l'expérimentation, le raisonnement et la
déduction, la vérification. Elle a pour objet de dégager des relations et des lois
générales permettant de connaître le monde réel et le maîtriser. La science
cherche à expliquer le comment des choses sous forme de lois de
fonctionnement, de conditions de contingence, de liens de causalité... Une
science se définit par le type de question posée au monde réel, le champ d'étude,
la méthode et le système conceptuel utilisés. Le scientisme est une idéologie qui
croit qu'il n'y a de vérité que dans la science positive. Cf. Idéologie, Loi,
Déduction.

Structure

C'est l'ossature et le mode d'organisation des éléments. C'est un arrangement


matériel observable : on parle de structure agraire, urbaine... Une structure est la
manière dont les parties sont arrangées entre elles. Une structure est une unité
fonctionnelle et physionomique, localisée dans l'espace qui possède une identité.
Elle est régie et organisée par un système. La structure agricole est régie par le
système de cultures. C'est un ensemble organisé de rapports organiques qu'on
peut rencontrer dans des phénomènes apparemment différents, c'est un modèle
de relations. Pour Lalande, la structure est un ensemble formé d'éléments
solidaires tel que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et
par sa relation avec eux. Il y a structure lorsqu'il y a une articulation donnée
entre les parties d'un ensemble, un agencement réglé. C'est l'ensemble des
rapports reliant les différentes parties. Une structure est un espace homogène par
son aspect, sa genèse ou sa fonction. Une structure est "un ensemble spatial" (R.
Brunet) qui a des limites plus ou moins précises. C'est une trame spatiale
(éléments localisés et leurs attributs) assortie par les relations spatiales.
L'analyse structurale consiste à déterminer les composantes de base de l'espace,
leur articulation d'ensemble, le sens de leurs transformations et les étapes de leur
construction. L'étude structurale a une valeur explicative. Cf. Système,
Processus, Structuralisme, Chorème.

Synthèse

C'est une démarche qui consiste à mettre les différents éléments ensembles à
retenir les grands traits les plus marquants en laissant de côté les détails. C'est
une méthode qui procède du simple au composé, des éléments à l'ensemble.
C'est un procédé de généralisation, d'éclairage des faits de plusieurs angles. C'est
la démarche inverse de l'analyse. Cf. Analyse.

Système
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C'est un ensemble d'éléments et de structures liés en interaction dynamique qui


fait que toute modification, si minime soit-elle, se répercute sur l'ensemble par
des ajustements successifs jusqu'à atteindre un nouveau état d'équilibre qui est
lui-même dynamique. Un système fonctionne comme un tout qui intègre le
temps (l'histoire) et est doté de capacités d'autorégulation, de finalités, de
complexité croissante, d'irréversibilité, d'échanges avec l'environnement
extérieur avec lequel il peut entrer aussi en contradiction. Un système est doté
d'une finalité consciente ou non (les systèmes naturels) qui régit son
fonctionnement, explique sa dynamique et ses crises. Il est composé d'éléments,
d'attributs, de trames, de structures, de processus, de limites, de boucles, de
fonctions... La théorie générale des systèmes revient à Von Bertalanffy, elle
constitue une théorie d'analyse de ce qui est organisé et complexe : les
organismes complexes (J. de Rosnay, 1975).Dans le sens général, on parle de
système pour tout ensemble d'éléments qui entretiennent des liaisons entre eux.
On parle de système urbain, système politique, système économique, système
spatial... C'est aussi tout assemblage de principes formant un corps de doctrine :
système de Descartes, tout assemblage et toute combinaison, un mode de mesure
ou de pouvoir : système républicain, système métrique... Cf. Structure.

Théorie

Un ensemble argumenté d'énoncés capables d'expliquer déductivement une


donnée de l'expérience ou de l'observation. Son corps constitué permet de
déduire les implications et de voir les incompatibilités. Elle nous apprend sur la
manière qu'un phénomène se manifeste. Elle est élaborée par un processus de
conceptualisation. C'est un système explicatif d'un ensemble de phénomènes que
l'on propose, avant de le soumettre à un contrôle expérimental. C'est une
explication proposée pour expliquer un fait ou un phénomène donnés. Le
système se réfère à un ensemble de lois reliées logiquement par des principes
internes. Elle suppose des axiomes de départ et repose sur des hypothèses
implicites ou explicites. Une théorie est toujours valable tant qu'elle contribue
toujours à expliquer le réel et jusqu'à ce qu’une autre théorie vienne la
contredire. Cf. Loi, Modèle.

Type

Le type est l'ensemble des traits caractéristiques ou des configurations et des


articulations qui singularisent et individualisent un individu, une unité, un
espace ou un phénomène donné. C'est un modèle théorique ou idéal autour
duquel oscillent les variations individuelles : climat de type méditerranéen, c'est
à dire un hiver pluvieux, un été chaud et sec, une variabilité élevée mais autour
de ce type on peut trouver des nuances en fonction des températures ou de la
sécheresse, de l'humidité ou de la continentalité... Est typique celui qui est
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singulier, possède les traits du modèle théorique ou idéal. Cf. Taxon, Taxinomie,
Typologie.

Typologie

C'est la méthode de distinguer et de classifier les faits ou les objets en des types
distincts. C'est la démarche qui permet d'identifier un objet comme appartenant à
un type donné. Cf. Taxon, Taxinomie, Type.

2.3. Lexique des nouveaux termes géographiques

Le langage de chaque discipline s'enrichit chaque jour de termes et de concepts


nouveaux. Ces termes sont souvent spécifiques à la discipline ou même
empruntés à d'autres disciplines plus ou moins voisines, ils proviennent aussi du
langage courant utilisés pendant une période donnée à travers l'emprunt, la
métaphore ou sous l'effet de l'ordre dominant et de la pensée courante. Nous
nous limiterons ici à présenter seulement quelques termes qui sont apparus très
récemment au cours de ces dernières années ou décennies ou sont de plus en
plus utilisés ces dernières années sans remonter très loin dans le temps. Pour
cela, nous avons jugé inutile de remonter très loin dans l'histoire de la discipline
dans la mesure où tout le langage devenu de nos jours courant et banalisé, était
un moment ou un autre nouveau. C'est le cas par exemple du terme espace,
région et même pays ou ville. Nous avons évité d'insérer ici tous les nouveaux
termes utilisés par la géographie dans la mesure où de nombreux termes sont
créés ou forgés dans ces dernières années mais qui n'ont aucune dimension
géographique ou spatiale même ou ne sont pas l’apanage de la géographie.

Cartomatique

C'est la cartographie assistée par ordinateur. C'est la contraction des deux termes
cartographie automatique pour désigner les techniques d'élaboration de cartes à
l'aide de l'ordinateur en automatisant les procédures de partition en classe,
d'échelles ou de symbolisation.

Contre-urbanisation

Provient de l’anglais: “ counter-urbanization”. C’est le mouvement de


ralentissement de la croissance des centres-villes durant les années 1970-1980
qui a été souvent compris ou pris comme un processus contraire à l’urbanisation
au profit de la campagne. En réalité, il s’agit essentiellement d’un processus
d’extension péri-urbaine et affinage ou détérioration des centres-villes.
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District industriel

C'est un espace de vie et de production qui correspond à une concentration de


PME autour d'une activité dominante et d'un savoir-faire donnant lieu à un
avantage comparatif d'un système productif d'entreprises avec des rapports de
concurrence et de collaboration pour résoudre les problèmes.

Exurbanisation

C’est le mouvement de sortie de la population et des activités de la ville ou du


centre et leur installation à la périphérie ou dans la couronne péri-urbaine ou
lointaine. C’est le processus de l’installation à l’extérieur de la ville.

Gentrification

C'est la réoccupation des centres villes par les classes aisées (la gentry) après les
actions de rénovation des centres-villes et leur réhabilitation.

Géocode

C’est un code fixant les coordonnées d’un lieu géographique donné selon un
référentiel bien précis : latitude, longitude... Le géocodage est central dans les
Systèmes d’Informations Géographiques (SIG).

Géomatique

C'est la géographie informatique. C'est le traitement des données géographiques


par ordinateur. Il s'agit des bases de données numériques pour la géodésie, le
cadastre et aux cartes topographiques.

Géon

C'est un espace géographique façonné par un système spatialisé identifiable. Il a


été proposé par R. Brunet en 1980 bien qu’employé avant lui par J. F. Richard
pour désigner une unité paysagiste élémentaire. C'est un espace produit par un
système géographique.

Géostatistique

C'est l'ensemble des méthodes et des techniques d'analyse statistique tenant


compte de la position géographique. C'est la statistique adaptée à la géographie
et tenant compte de l'espace. C'est une branche de l'analyse spatiale et intéresse
l'interpolation et la cartographie.
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Géosystème

C'est un espace défini avec ses populations se comportant comme un système.


C'est une unité naturelle formée par un ensemble systémique d'éléments du sol,
du climat, des eaux, du relief et de la végétation. Il est de nature physique et est
synonyme d'écosystème. Le mot géosystème signifie aussi tout ensemble
géographique qui fonctionne comme un tout, un système dans l'optique
systémique.

Hétéronomie

C'est l'opposé de l'autonomie. Ce qui est imposé de l'extérieur. Il désigne surtout


le pouvoir étatique ou celui des firmes multinationales qui réduisent l'autonomie
locale.

High-Tech

C'est la technologie avancée et de pointe à forte valeur ajoutée. Elle englobe


toutes les activités qui utilisent d'une manière ou d'une autre une technologie très
sophistiquée qui nécessite une certaine accumulation technologique, un fort taux
d'encadrement et un investissement capitalistique. Elle englobe à titre d'exemple
l'industrie électronique, l'aérospatiale, la télématique, les télécoms...

Holon

Venant du grec holos=entier, c'est un élément intégrateur permettant à un


système de fonctionner comme un tout et une totalité. La fonction holonique est
la fonction d'intégration d'un système assurant sa cohérence. La distance a une
fonction holonique qui intègre tous les éléments. Le holisme est un courant qui
ne voit que la totalité et non les parties.

Infogéographie

C'est l'utilisation de l'outil informatique au service de la géographie. Le terme


englobe tous les types de traitement des données spatiales. Il y a même un
logiciel de traitement élaboré par Dumolard et J Charre appelé Infogéo.

SIG/Système d’Information Géographie

C’est un système automatisé de repérage et d’analyse de données spatiales


référencées et rapportées à un lieu donné. Il est appelé plus communément SIG
(de l’anglais Geographical Information System). Le SIG assure la superposition
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des données sous forme de couche (sol, topographie, occupation du sol,


hydrographie...). Le SIG combine trois systèmes: un système de gestion de base
de données (SGBD) spatiales ou spatialisées (localisation, distance, échelle..), la
cartographie automatique ou assistée par ordinateur (CAO) et l’infographie.

Développement
Le terme de développement, utilisé dans les sciences humaines, désigne
l’amélioration des conditions et de la qualité de vie d’une population, et renvoie
à l’organisation sociale servant de cadre à la production du bien-être. Définir le
développement implique de le distinguer de la croissance. Cette dernière mesure
la richesse produite sur un territoire en une année et son évolution d’une année à
l’autre, telle qu’elle est prise en compte par le Produit Intérieur Brut (PIB). Elle
ne dit rien, en revanche, sur ses effets sociaux. Elle n’informe donc que peu sur
le niveau de vie et encore moins sur la qualité de vie. La croissance peut
contribuer au développement, mais tel n’est pas toujours le cas et on parle de
croissance sans développement quand la production de richesse ne
s’accompagne pas de l’amélioration des conditions de vie. Inversement, même
en l’absence de croissance, la priorité donnée aux productions les plus utiles et
une plus grande équité dans la distribution des biens produits améliore les
conditions de vie des populations et crée du développement. Amélioration du
bien-être, le développement relève donc davantage du qualitatif que du
quantitatif. Néanmoins, l’économiste indien Amartya Sen a mis au point un
Indicateur de Développement Humain (IDH).

Parce que la qualité de la vie ne se réduit pas au bien-être matériel et comprend


aussi des valeurs telles que la justice sociale, l’estime de soi et la qualité du lien
social, le développement a à voir avec ce que les anglophones disent par le mot
d’empowerment, terme construit sur power et qui désigne la capacité d’un
individu ou d’un groupe à décider pour lui de ce qui le concerne et à participer
au débat citoyen. En effet, le développement ne peut pas se réaliser sans la
participation des personnes, c’est-à-dire finalement sans la démocratie. Ainsi,
Amartya Sen insiste-t-il sur la possibilité effective que les personnes ont ou
n’ont pas de définir leur projet de vie et de conduire ce dernier en fonction des
conditions réelles qui leur sont faites. Ces conditions dépendent, certes, des
ressources matérielles, mais aussi de données propres à chaque individu, par
exemple la santé, et de données relatives à l’organisation sociale et politique, par
exemple la place dévolue à chacun et la reconnaissance de son rôle. Le
développement a donc des aspects économiques, sociaux et politiques.
Désignant par capabilités les possibilités qui s’offrent aux personnes et la liberté
qu’ont ces dernières de choisir, Amartya Sen affirme que la liberté apparaît
comme la fin ultime du développement, mais aussi comme son principal moyen
pour considérer en conséquence que le développement peut être appréhendé …
comme un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les
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individus. Les expériences historiques montrent d’ailleurs que les systèmes


autoritaires, dans l’économie de marché comme dans l’économie planifiée, ont
échoué. Qu’ils aient ou non produit une croissance forte, les uns et les autres ont
dû, doivent, ou devront se transformer et s’ouvrir à la démocratie pour atteindre
le développement.

Si le développement a transformé la planète depuis la Révolution industrielle du


XIXème siècle, il a aussi creusé les écarts entre les territoires et leurs
populations. Non seulement le développement ne supprime pas les inégalités
entre les lieux et les hommes, mais il en crée. L’opposition entre les pays
développés et les pays sous-développés, thème majeur de réflexion pendant
longtemps, repose néanmoins sur une base fragile, faute d’un seuil incontestable
entre les deux catégories qui validerait la distinction. Certains ont cru voir là un
phénomène historique linéaire susceptible d’atteindre tous les hommes et tous
les lieux, mais pas au même moment. C’était suivre Eugen Rostow qui, traitant
d’ailleurs de la croissance plutôt que du développement, interprète l’histoire
comme une succession de périodes allant de la société dite traditionnelle à la
société de consommation, avec une étape décisive nommée décollage (take-off)
à partir de laquelle se déclenche un processus cumulatif de production élargie
augmente et diversifie les biens consommables par les hommes, assurant la
hausse des niveaux de vie. Certains pays ayant entamé cette marche avant les
autres, il était cohérent avec cette lecture du passé d’identifier la situation des
pays pauvres comme un retard historique.

Il est plus convaincant de voir les inégalités de développement à l’échelle


mondiale comme le résultat des relations asymétriques établies entre les pays
développés et ceux dits sous-développés du fait de la domination que les
premiers ont fait subir aux seconds. La colonisation en a été la forme la plus
brutale, sans être la seule. Le sous-développement résulte selon de nombreux
économistes (André Gunder Frank, Celso Furtado), de la dépendance à l’égard
de l’extérieur, des auteurs ont préféré parler de pays dominés ou de pays
exploités, plutôt que de pays sous-développés. Cette interprétation a conduit à
voir les pays développés comme un centre exerçant une domination sur une
« périphérie » constituée par les pays sous-développés (Samir Amin). Les faits à
l’échelle mondiale donnent une crédibilité forte à cette théorie de la dépendance.
Mais la réalité est plus complexe : les inégalités de développement se vérifient à
toutes les échelles géographiques, aussi bien dans les pays dits développés que
dans ceux dits sous-développés, entre les régions, entre la ville et la campagne,
entre les quartiers d’une même ville. La combinaison centre-périphérie a donc
été systématisée par le géographe Alain Reynaud dans un modèle général offrant
une grille de lecture des territoires à un moment donné autant que l’évolution de
leurs relations dans le temps, dans la perspective de la géohistoire.
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Cette réflexion a montré l’insuffisance de la terminologie. En effet, les inégalités


ne résultent ni d’un retard pris par certains territoires, ni de dysfonctionnements
dans le processus du développement. Elles sont internes au développement lui-
même, lequel bouscule les hiérarchies existantes, en crée d’autres, produit des
dépendances et des inégalités de nature sociale et spatiale. Le terme de
développement inégal s’impose alors pour signifier que l’inégalité est un
élément constitutif du développement, observable à toutes les échelles
géographiques et requérant donc une analyse géographique pluriscalaire. On voit
la portée de ce raisonnement. Si est retenue l’idée dite plus haut que le
développement comporte nécessairement une référence à la justice, et si on
admet que le développement est nécessairement inégal, force est de s’interroger
sur les conditions qui peuvent rendre compatibles les deux affirmations.

Après les économistes, les géographes se sont emparés de la question. Le


développement inégal s’exprime en effet dans l’organisation des territoires pour
ce qui touche les conditions de vie des populations, l’urbanisation, la densité et
la configuration des réseaux de circulation, la distribution des équipements
publics, l’intensité des activités économiques, la répartition des pouvoirs
décisionnels, les asymétries de flux. L’approche géographique permet de
préciser la distinction faite initialement entre la croissance et le développement
et d’opposer ce qui est croissance extravertie et ce qui est développement
autocentré. La première désigne une croissance tournée vers l’extérieur et dans
la dépendance de l’extérieur. Ses activités, et donc ses emplois, relèvent de
décisions prises ailleurs et pensées pour servir d’abord des intérêts extérieurs.
Les retombées à en attendre sur place sont donc limitées et souvent ambiguës.
L’économie de plantation et l’extraction minérale dans les pays du Sud en sont
des formes caractéristiques quand elles sont opérées par des firmes étrangères
versant des salaires faibles et contrôlant assez les marchés internationaux pour
maintenir les cours à un bas niveau. Par contraste, on parlera de développement
autocentré quand la croissance est pensée au service des populations du lieu. Il
résulte d’une dynamique sociale créant un rapport de forces favorable avec les
intérêts extérieurs. Un développement autocentré peut s’exprimer par une ville
ou être le fait d’un pays qui s’autonomise à l’égard de l’étranger. Il peut aussi
s’entendre d’une région, voire d’une petite région, dont les forces économiques
propres s’affirment. On parle alors de développement local notion illustrée par
les systèmes productifs locaux (SPL), en France (Choletais) ou les districts
industriels de la Troisième Italie (Vénétie, Emilie-Romagne).

Une autre question réside dans les dégradations que le développement peut faire
subir aux équilibres naturels, dans la mesure où on ne peut imaginer un
développement sans modification des écosystèmes. Le problème a longtemps été
ignoré parce que la nature avait une capacité de résistance et de récupération
suffisante. Mais une crise des relations société-nature est apparue, qui, par
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réaction, a fait naître le concept de développement durable. Ce terme est utilisé


largement, par les géographes comme par les écologistes, les économistes, les
sociologues. Il s’est imposé dans le langage courant. Il faut donc bien entendre
le développement durable pour ce qu’il est : un développement viable sur le plan
économique, équitable sur le plan social et durable sur le plan environnemental.
Ces trois piliers du développement durable sont indissociables, mais ils ne
peuvent s’articuler les uns avec les autres que si la démocratie les met en
cohérence et leur donne une efficacité systémique. La viabilité économique est
nécessaire pour produire le bien-être matériel. L’équité sociale est nécessaire
pour la qualité de vie de tous. La durabilité environnementale est nécessaire
dans l’intérêt des générations futures. Inscrite dans le processus de
développement, elle ne peut signifier la conservation en l’état de l’existant, mais
elle implique que l’environnement légué aux générations futures donne à celles-
ci les conditions pour penser et réaliser leur propre développement.

Les trois piliers du développement durable ne sont donc pas des contraintes qui,
chacune, devrait limiter ses ambitions pour ne pas ébranler les deux autres. Il ne
s’agit pas de brider le développement pour ne pas agresser la nature, ni d’être
timide en matière de justice sociale pour ne pas gêner l’économie, mais
d’inventer un mode de développement où chacune des dimensions constitue un
atout pour le système d’ensemble. Ainsi pensé, le développement durable est un
objectif difficile que certains jugeront utopique. N’est-ce pas parce que le
développement lui-même est une utopie : le développement est un processus de
progrès de la qualité de la vie à qui il serait arbitraire de fixer un terme, mais
auquel il est nécessaire de fixer un cap.

Voir aussi mondialisation…


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Conclusion

À travers ce cours nous levons le voile sur l’épistémologie, les concepts et mots
clés qui fondent la recherche géographique. Leur caractère évolutif nous oblige à
remettre en cause très souvent nos problématiques, nos objets de recherche, nos
hypothèses de travail, nos méthodes et surtout à expliciter nos idéologies. Leur
utilisation et surtout leur maîtrise permet clairement de distinguer la géographie
des autres disciplines des sciences humaines.
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Bibliographie indicative

 Bailly A., 1998. Les concepts de la géographie humaine, Paris, Masson-


colin.
 Bailly A. et Ferras R., 1996. Éléments d’épistémologie de la géographie,
Paris, Colin.
 Brunet (R) et al., 1992. Les mots de la géographie, Paris, La
documentation française.
 Claval P., 1995. Histoire de la géographie, Paris, PUF (Que sais-je ?).
 George P., 1993. Dictionnaire de la géographie, Paris, PUF.
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