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Réactivité de l’oxygène et des

espèces oxydantes
Julien Dairou

Laboratoire de Biologie Fonctionnelle et


Adaptative (BFA; Université Paris Diderot CNRS 4413)
Historique sur
l’oxygène fondamental
1772 Le gaz que nous appelons oxygène (ou de manière plus précise
dioxygène) a été isolé pour la première fois par Scheele, en à partir du "nitre" ou
salpêtre (NaNO3); le Suédois le dénomma "air de feu".
1774 L'oxygène a été redécouvert par Priestley, qui lui donna le nom de "gaz
déphlogistiqué" et constata qu'il était produit par les plantes vertes.
1778 Lavoisier précisa que le même gaz était un constituant de l'air, décrivit
son rôle primordial dans la combustion et lui donna son nom définitif, oxygène.

En bref ces trois chercheurs établirent :


 que l’oxygène représente 21 % de l’air atmosphérique
 qu’il a une importance vitale
 qu’il joue un rôle essentiel dans les phénomènes de
combustion
Historique sur
l’oxygène fondamental

La théorie phlogistique est devenue caduque après la découverte de l'implication


de l'oxygène de l'air dans le processus de combustion
On a longtemps cru que la chaleur était constituée d'un fluide que l'on avait
nommé le phlogistique. La perte de masse résultant d'une combustion était
attribuée au départ du phlogistique — la masse qui partait était de la chaleur.
La théorie affirme que tous les matériaux inflammables contiennent du phlogiston,
une substance incolore, inodore, impondérable qui serait dégagée en brûlant. Une
fois brûlée, la substance « déphlogistifiée » apparaîtrait sous sa vraie forme.
Historique sur
l’oxygène fondamental
150 ans « d’oubli »
L’oxygène intervient dans la respiration comme accepteur
final d’électrons

Relance des recherches sur l’oxygène dans la seconde moitié du XXéme siècle

Découverte de la fonction «hydroxylante» du foie impliquant


l’O2 dans les années 1950. L’histoire des cytochromes P450 commence en 1955
par la découverte d’un pigment capable de fixer une molécule d’oxyde de carbone
dans les microsomes de foie de rat. Cette fixation entraîne la modification du spectre
différentiel en augmentant l’absorbance à 450 nm, d’où sa dénomination actuelle de
cytochrome P450.
Découverte de la SOD et du rôle de l’anion superoxyde (1968). Aujourd’hui, l’étude
du métabolisme de l’oxygène est en pleine expansion (vieillissement…)
Historique sur
l’oxygène fondamental
Théorie de Pearl et Harman
Restriction calorique est émise par Pearl (1928). Sa théorie du « rate of living »
postule que la longévité est inversement proportionnelle à la dépense énergétique. Par
ailleurs, il est aussi proposé que le vieillissement soit le résultat de l'accumulation de
dommages induits par la production de ROS lors du métabolisme aérobie (Harman,
1981).
Ces deux théories impliqueraient le même mécanisme puisque la diminution de la
dépense énergétique pourrait abaisser la production de ROS en réduisant le nombre
de molécules d’oxygène interagissant avec la chaîne respiratoire mitochondriale.
Inertie chimique de
l’oxygène fondamental
L’oxygène fondamental (O2) est présent de façon abondante dans l’atmosphère

(21 % dans l’air atmosphérique)

La réaction de l’oxygène avec les molécules carbonées est très exothermique

donc apparemment très favorisée

C’est un paradoxe qui a frappé Hamilton « Given the exothermicity of these

reactions, it is surprising that O2 can exist in the atmosphere in the presence of

organic componds »

Comparaison avec Cl2 (chlore gazeux)


Atomes et molécules

 Edifices complexes dont la réunion et l’agencement constitue la matière

 Atomes = noyau (charges électriques positives) + électrons

 Atomes neutres (égalité des charges); ions + ou –

 L’énergie cinétique est nulle au zéro absolu, elle s’élève avec la température

(vibration et rotation)

 Distribution des électrons: Orbitales (cases énergétiques)

- Etat fondamental: basse énergie (Etat stable)

- Etat excité ou activé: Apport d’énergie qui fait bondir certains

électrons dans les cases de plus hautes énergies (Etat instable)


Magnétisme de l’électron
 Deux états de l’électron
- Deux sens de rotation possible de l’électron
- Changement de la direction du spin nécessite de l’énergie

 Principe de Pauli: Une orbitale ne peut héberger que deux électrons


au maximum. Les deux électrons doivent être de spins opposés
(les deux vecteurs spin sont strictement antiparallèles de façon que
la résultante mathématique soit nulle)
Tableau périodique
des éléments
La famille des gaz nobles présente une particularité : ils sont des atomes
très peu réactifs car ils possèdent une couches électronique externe
complète. Cette couche saturée en électrons est très stable et donc
l'atome ne cède ni n'accepte d'autres électrons. Les liaisons chimiques
inter-atomes sont donc quasi-impossibles pour les gaz rares, ce qui fait
que contrairement à la plupart des autres gaz, ils sont monoatomiques.
Liaison par covalence
 Règle de l’octet de Lewis: Applicable aux atomes « légers » (N,O,C,S …)

les électrons de valence (couche extérieure) sont au maximum de huit , ce sont

eux qui sont impliqués dans les réactions chimiques.

 Lors de transformations chimiques, les atomes évoluent pour acquérir la

structure électronique du gaz « noble » le plus proche d'eux dans le tableau

périodique. Ils acquièrent ainsi une plus grande stabilité. Ils obéissent à la règle

de l'octet (saturation de la couche externe n = 8)

Dans la liaison par covalence, deux électrons sont appariés, leurs spins étant

opposés, ce qui annule leurs champ magnétiques respectifs. Il existe que des

liaison simple, double ou triple


L’atome Oxygène
L'oxygène représente environ :

 87 % de la masse des océans, sous la forme

d'eau.

 46,4 % de la masse de la croûte terrestre, en

particulier sous forme d'oxydes et de silicates.

 23,1 % de la masse de l'air, sous forme de Oxygène


8 protons, 8 neutrons et 8 électrons
dioxygène ou d'ozone, soit 1,2.1015 tonnes.
(masse = 16)
Cela représente près de 21 % du volume total de

l'atmosphère. 16O
 62,5 % de la masse du corps humain. 8
 Jusqu'à 88 % de la masse de certains
A le nombre de masse d'un noyau, c'est le
animaux marins. nombre de nucléons (protons+neutrons)
 Au total, la masse de l'oxygène représente Z le numéro atomique d'un noyau, c'est le
presque la moitié de celle de la Terre. nombre de protons
.
Valence de l’oxygène
4 cases quantiques
4 liaisons au maximum

Dans toutes ces Dans toutes ces


Dans toutes ces structures
structures l’oxygène structures l’oxygène
l’oxygène ne
porte 2 charges porte 1 charges
porte pas de charges formelles
positives positives
Cas particulier : O2

O=O
O •• •• O •
O O•



Représentation de Lewis O2 Représentation de Lewis O2

Représentation est cependant


incorrecte car le dioxygène est L’oxygène à sa couche de
paramagnétique c'est-à-dire Lewis incomplète: Structure
que des électrons sont non « Open Shell ». Cette
appariés (propriété: attraction représentation insiste sur le
par les zones de fort champ caractère bi radicalaire
magnétique).
Diagramme des orbitales
moléculaires : O2
σ∗ 2pz
E

π∗ 2px π∗ 2py

 
Niveau 2p      

π 2px π 2py

σ 2pz

σ∗2s
Niveau 2s
 
σ 2s

σ∗1s
Niveau 1s  
σ 1s

O.A. OM O.A.
de O de O2 de O

La molécule d’oxygène est une molécule à enveloppe ouverte (Open Shell),


elle possède 2 électrons à spins parallèles et est donc paramagnétique
Paradoxe de l’oxygène
 L’oxygène est inerte vis-à-vis de la matière vivante, tel qu’il existe dans

l’atmosphère, aux températures et pression régnant à la surface de la terre

(incapacité de réaction spontanée avec la plupart des composés organique)

 Paradoxe = 2 électrons célibataires de l’O2 (puissant agent d’oxydation) donc

d’après la règle de l’octet l’oxygène devrait réagir pour saturer sa couche

supérieure.

 Notion de franchissement de barrière énergétique domine tous les problèmes

où intervient l’oxygène, tant en chimie qu’en biologie (Ex: allumage d’un feu)
Multiplicité
 M = 2S + 1 (S = somme de tous les spins électroniques libres)

- Les singulets → 0 électron célibataire (S = 0) M = 1

- Les doublets → 1 électron célibataire; S = ½ et donc M = 2

- Les triplets → 2 électrons célibataires; S = 1 et donc M = 3

Effet Zeeman

L’effet Zeeman modifie les raies d’émission analysées par spectroscopie

(lumière émise par des gaz soumis à un champ électrique de tension élevée)

Η = 0 gauss
Ne CH3° O2

Η = 3000 gauss
Explication de l’inertie chimique
de l’oxygène
 Définitions

- Les singulets = Molécules à électrons uniformément appariés

- Les doublets = Molécules ayant 1 électron non apparié (radicaux)

- Les triplets = Molécules ayant 2 électrons non appariés

(biradicaux)

 Règles de restriction de spin (conservation de spin)

- Les singulets réagissent facilement avec les doublets (sauf

interdiction thermodynamique)

- Les réactions entre singulets et triplets sont interdites

- Les doublets réagissent plus lentement entre eux

- Les doublets réagissent lentement avec les triplets


Application des règles de
restriction de spin à l’O2

• ••
O2• R-H Singulet

Triplet



R X Doublet

Doublet ••
X-H Singulet

R – OO° Radical peroxyle


Premières conclusions sur
l’oxygène fondamental

 Toutes les propriétés de l’oxygène moléculaire, non excité, sont dominées par

cette particularité remarquable, O2 est un double radical libre (triplet)

 L’oxygène moléculaire se comporte, à l’état fondamental comme un gaz

pratiquement aussi inerte que l’azote. Il y a une opposition flagrante entre les

potentialités de l’oxygène (chimie classique) et l’inertie chimique qu’il manifeste

expérimentalement. Ce paradoxe est résolu par la chimie quantique.


Les espèces réactives de
l’oxygène
 Définition ROS et RNOS: Reactive Oxygen Species et Reactive Nitrated
Oxygen Species
Le sigle ROS concerne toutes les espèces oxygénées réactionnelles
(radicalaires ou non)
Le sigle RNOS ne concerne que les espèces oxygénées activées
azotées (NO°; NO 2°; ONOO - etc.)
 Origine principale des ROS réside dans la réduction électron par électron de
l’oxygène fondamental:
- « Fuite d’électron » au niveau de la chaîne respiratoire
mitochondriale
- Activité des oxydases (NADPH oxydases)
- Intoxications (Ex du paraquat; cycles redox)
Schéma global
1O
2 SOD


O2.-/ HO2. CAT
O2 e- 2H+
e-
Energie relative

H2O2
H+
e- HO. + H2O
Fe3+

H+
Fe2+ e-

H 2O

0 1 2 3 4

Equivalent réducteur
Orbitales de l’anion
superoxyde
Oxygène fondamental O2 Anion Superoxyde O2°-
(Triplet) (Doublet)



O2•


O2
Orbitales de l’oxygène
Propriétés de l’anion
superoxyde
 Réducteur efficace Cf réaction de Fenton (Fe3+ + O2°- → Fe2+ + O2)

Oxydant faible: en milieu acide (pH<5) l’anion superoxyde capte H+ et devient

HO2° (puissant oxydant) à l’origine de la légende du superoxyde. pH< 5 peu

compatible avec le pH intra et extracellulaire sauf dans les phagosomes (« How

super is superoxyde? »)

Source de ROS et RNOS

- Peroxynitrite (ONOO-)

- Peroxyde d’hydrogène (H2O2)

- Radical alkoxyle (RO°)


Origine des espèces
réactives de l’oxygène
hλ Oxydases
1O O2 H2O2
2

Oxygène singulet Oxygène triplet Peroxyde d’hydrogènes

Arg. SOD
Fe2+

NO° O°-2 Fe3+

Anion superoxyde

ONOO- OH°
Peroxynitrite Radical hydroxyle

Activation Oxydation
Nitration Oxydation Peroxydation de l’ADN
des protéines Caspases des protéines lipidiques
Kinases
Acides aminés les plus
sensibles à l’oxydation
Acide aminé Produits d’oxydation

Cystéine Pont disulfure, acide sulfénique, acide sulfinique, acide sulfonique

Méthionine Méthionine sulfoxyde, méthionine sulfone

Tryptophane Hydroxytryptophane, kynurénine, hydroxy- et formyl-kynurénine

Phénylalanine Hydroxyphénylalanine, dihydroxyphénylalanine

Tyrosine Dihydroxyphénylalanine, ponts tyrosinetyrosine, nitrotyrosine

Histidine Oxohistidine, asparagine, acide aspartique

Arginine Semialdéhyde glutamique

Lysine Semialdéhyde α-aminoadipique

Proline Semialdéhyde glutamique, hydroxyproline, pyrrolidone

Thréonine Acide 2-amino 3-cetobutyrique

Acide glutamique Acide oxalique, acide pyruvique


Données Bibliographiques

81237 références sur Pubmed


Entre 2000 à 2010:
66902 références (soit plus de 82 %)
Formes particulières de l’oxygène:
L’oxygène singulet
••
O O



37 kcal/mol
1O ou 1Σg Singulet
• • 2
O O

3O
2 ou 3ΣgTriplet
22 kcal/mol ••
O O



1O
2 ou 1∆g Singulet

Temps de ½ vie = 2 µs dans H 2O, 20 µs dans D2O


Orbitales de l’oxygène singulet

3Σ 1∆
gTriplet gSingulet

gSingulet
Formation « in vivo » de
l’oxygène singulet


O O• 22 kcal/mol ••
O O



?
3O
2 ou

gTriplet
1O
2 ou 1∆g Singulet

 Comment trouver un tel transfert d’énergie « in vivo »

 Phénomène de Photosensibilisation
Diagramme de Jablonski
États singulets

S2

État triplet
S1

Fluorescence T1

Photosensibilisation

S0
État fondamental
Mécanisme de
photosensibilisation

État triplet Type I:


excité (T1) Transfert d ’électron
Radicaux libres

Type II: Oxygène


Transfert d’énergie
O2°- Radicaux
Oxygène singulet (1O2) oxygénés

Altération de
Biomolécules
Dommages oxydants
Constante de vitesse de réaction
de l’oxygène singulet avec des
composants biologiques
CONSTANTE de

COMPOSANTS VITESSE
(M-1 s-1)

ACIDES GRAS INSATURES (5 - 10) x 104

CHOLESTEROL 5.7 x 104

HISTIDINE 4.4 x 107

TRYPTOPHANE 5.6 x 107

CYSTEINE 8.9 x 106

METHIONINE 1.4 x 107


Les photosensibilisateurs

NH N NH N NH N

N N

N HN N HN N HN

Les porphyrines Les chlorines Les phtalocyanines


Liste non exhaustive de
médicaments photosensibilisants
Exemple d’un effet biologique de
1
l’ O2: Effet sur l’ADN
Le rayonnement ultraviolet (UV) est l'agent responsable de la très grande
majorité des cancers de la peau. Classiquement, le spectre du rayonnement
UV est divisé en trois domaines: UVC (200-280 nm); UVB (280-320 nm) et
UVA (320-400 nm).
Exemple d’un effet biologique de
1
l’ O2: Effet sur l’ADN
Dommages oxydatifs induits par le rayonnement UVA
Le rayonnement UVA (320-400 nm) n'est pas absorbé par l'ADN mais peut
indirectement l'endommager en excitant des chromophores endogènes à
l'origine en particulier de réactions d'oxydation. La nature des espèces
réactives impliquées a pu être déterminée à partir de l'analyse des
grandes classes de lésions en utilisant la méthode des comètes combinée
avec des enzymes de réparation convertissant les bases modifiées en
cassures additionnelles. Il a été ainsi montré dans des cellules humaines
que les lésions majoritaires étaient des purines oxydées, en particulier la
8-oxo-7,8-dihydroguanine (8-oxoGua)

Guanine 8-oxoGua
Conclusions
 Métabolisme de l’oxygène pour désigner tous les mécanismes produisant des
dérivés obtenus à partir de l’oxygène atmosphérique
 Faible réactivité de l’oxygène dans les conditions biologique. Cette inertie
chimique exige le concours d’enzymes et de catalyseurs (ou les métaux de
transition jouent un rôle majeur) pour franchir l’énergie d’activation de la
réduction de l’oxygène en anion superoxyde
Notion importante qui implique que la participation de l’O2 au
métabolisme général peut être dirigée et régulée de manière précise
par action sur les enzymes concernées (oxydases et oxygénases) et
sur les catalyseurs métalliques
 Au cours du métabolisme de l’O2 il y a production d’espèces transitoires très
réactionnelles. Celles-ci sont soumises au contraintes d’environnement qui
limitent leur diffusion

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